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Regards complémentaires

Épistolières florentines des xive-xve siècles

Women Letter Writers in Florence (xivth-xvth centuries)
Christiane Klapisch-Zuber
p. 129-147

Résumés

Les Florentines de la fin du Moyen Âge ont laissé peu de traces de leur écriture. Il existe néanmoins quelques recueils de lettres depuis la fin du xive siècle, concernant des femmes de marchands ou de notables. Adressées à des membres de la famille, ces lettres portent surtout sur des questions la concernant. Mais elles permettent aussi de s’interroger sur la réalité de l’expérience graphique des femmes, sur leur maîtrise du langage écrit et sur leur habileté à exprimer leurs réactions personnelles, comme le montre la vingtaine de lettres de Dora Del Bene datant de la fin du xive siècle.

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Entrées d’index

Mots-clés :

épistolière, graphie

Géographique :

Florence

Chronologique :

fin du Moyen Âge
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Texte intégral

  • 1 Balestracci 1984 et 2004. Les traductions de citations de l’italien sont de moi (CKZ).
  • 2 Petrucci 1979a.
  • 3 Miglio 2000.
  • 4 Miglio 2000.

1Faisant écho aux femmes du haut Moyen Âge – Dhuoda au ixe siècle, Roswitha au xe, Hildegarde de Bingen au xiie –, qui toutes protestent de leur fragilité et de leur inaptitude à l’écriture, leurs congénères de la Renaissance, en Italie, peinent à surmonter leur timidité et leur maladresse à l’écritoire. Cette inhabileté qu’elles allèguent alors même qu’elles écrivent demande quelque rapide contextualisation. Comme l’a excellemment montré l’étude de Duccio Balestracci sur les niveaux d’écriture dans les campagnes siennoises du xve siècle1, l’Italie communale, à la fin du Moyen Âge, voit coexister un large usage du document écrit dans la sphère privée et un taux relativement élevé d’analphabétisme2. Pour remédier à cette situation contradictoire, le recours à la délégation d’écriture est normal3. La délégation est une solution qui touche tous les étages de la société : elle est pratiquée dans le contado siennois où le paysan possédant un cahier sollicite l’intervention de ses relations plus alphabétisées quand il veut y noter quelque contrat ou engagement ; elle est naturelle dans les cours seigneuriales et princières où pullulent les subordonnés maniant la plume et épargnant aux maîtres parfois analphabètes et aux nobles dames l’effort de l’écriture ; elle se repère même dans les monastères, où les religieuses pratiquent plus largement l’écriture, mais où il arrive que l’abbesse recoure aux services d’une compagne plus compétente4. Les femmes, en particulier, dictent plus souvent qu’elles n’écrivent de leur main. La délégation d’écriture s’impose en particulier aux épouses dans l’aristocratie urbaine et les milieux d’affaires, où les hommes possèdent le pouvoir d’écrire et en usent quotidiennement tout en confinant leurs épouses et leurs filles dans l’enceinte domestique : selon une opinion solidement établie, l’écriture leur y serait inutile. 

  • 5 Bérard Cazalé & Klapisch-Zuber 2004 ; Hayez 2005.
  • 6 Klapisch-Zuber 1984 ; Miglio 1989.

2En Toscane, les textes de plume masculine abondent, non seulement dans le domaine des affaires publiques dont les femmes sont de toutes les façons exclues, mais dans les affaires privées dont la gestion et la consignation reviennent sans hésitation à la plume du maître de la maison. Aussi, dans les papiers de famille des milieux marchands, où tous les hommes sont passés par des cursus suffisamment spécialisés pour leur permettre de tenir livres de comptes et mémoires de famille5, les témoignages d’une intervention écrite des femmes sont-ils très rares. Les filles et les femmes de notables urbains ne vont guère au-delà de l’apprentissage du déchiffrage des lettres, sous la conduite de leur mère ou d’une religieuse quand elles sont confiées à un monastère jusqu’à leur mariage : ces rudiments leur sont consentis afin qu’elles sachent déchiffrer leur psautier ou quelque pieuse lecture, suivre les offices et dire leurs prières6.

  • 7 Le « libriccino da donna » figure plus régulièrement dans les trousseaux.

3Découragées d’écrire et même de lire depuis leur enfance, regardées avec suspicion par les hommes de leur entourage et leurs directeurs de conscience si elles s’obstinent à le faire, recevant tout au plus sur leurs sept ans un « petit livre de femme », psautier ou livre d’heures7, quand leurs frères se voient assigner au même âge un « Donadello », le Donatus abrégé qui les ouvre à des rudiments de latin, les femmes sont cantonnées dans un semi-alphabétisme sans grand espoir de développement.

  • 8 Macinghi negli Strozzi 1877 et 1987. Manquent les années 1452-1458 et 1466-1468, après le retour d’ (...)
  • 9 Lettere di Margherita Datini 1974-1976. Sur Francesco Datini, voir Origo 1957. Les lettres envoyées (...)
  • 10 Salvadori 1986 et 1993.

4Il subsiste toutefois quelques correspondances féminines particu-lièrement étoffées dont les recueils ont été publiés depuis le xixe siècle. Les exemples les plus illustres sont les 73 lettres qu’écrivit Alessandra Macinghi à ses fils exilés de Florence entre 1447 et 14708, ou les 243 lettres et billets, plus récemment édités, envoyés entre janvier 1384 et janvier 1409 par Margherita Datini à son époux Francesco di Marco, le célèbre « marchand de Prato »9. Alessandra, devenue prématurément veuve du marchand humaniste Matteo Strozzi, était restée à Florence pour sauver ce qu’elle pouvait de la fortune familiale, et cette responsabilité l’obligea à pratiquer un échange épistolaire très nourri avec ses fils établis à Naples ou aux Pays-Bas ; Margherita, de son côté, suppléait, dans l’administration des biens de Prato et des alentours, un époux trop occupé par ses sociétés commerciales pour être souvent présent. Plus récemment, l’édition de la correspondance de Lucrezia Tornabuoni, la mère de Laurent le Magnifique, a révélé quelque 34 lettres sous son nom sur un ensemble de près de 500 missives de son carteggio, dont l’essentiel consiste en demandes d’interventions, de recommandations et d’aides financières10.

  • 11 Petrucci 1979b.
  • 12 Miglio 1995.
  • 13 Miglio 1995.
  • 14 Miglio 1989.
  • 15 Miglio 1999. Les lettres féminines ne sont qu’une infime partie des correspondances recélées par le (...)

5Dans les dernières décennies, les constatations qui étaient répétées à satiété sur la difficile émergence des femmes dans le monde de l’écrit se sont affinées grâce aux études menées par les paléographes, au premier chef par Armando Petrucci11 et Luisa Miglio. En scrutant la graphie d’ensembles cohérents de lettres souscrites par des Florentines, tels que la correspondance de Lucrezia Tornabuoni12 et d’autres femmes Médicis13, très souvent inédites comme celles des femmes Acciaioli14 ou des religieuses Médicis15, Luisa Miglio envisage autrement les problèmes de l’accès des femmes à l’écriture. Pour elle, la question centrale porte sur le caractère autographe de ces lettres, dont dépendent les conclusions qu’on peut tirer sur les progrès de l’alphabétisation des femmes et sur les traits spécifiques d’une écriture féminine. Pour juger de cette autographie, L. Miglio souligne qu’il faut disposer d’ensembles épistolaires cohérents, souscrits par ou au nom d’un même individu, afin de pouvoir comparer les graphies du texte d’une lettre à l’autre, les signatures et souscriptions entre elles, et les textes aux signatures.

  • 16 Lettre du 8 novembre 1448, publiée indépendamment par Isidoro Del Lungo (Macinghi negli Strozzi 189 (...)
  • 17 Miglio 1995.
  • 18 Miglio 1989.
  • 19 Mazzei 1880 : II, 182.

6Il ressort de ce type d’étude – un travail méticuleux qui doit se conduire cas par cas, ligne par ligne, mot après mot – que beaucoup des lettres écrites sous le nom d’une femme ne sont pas autographes : des 34 lettres émanant de Lucrezia Tornabuoni, une poignée seulement, six au total, peuvent être dites sans hésitation de sa main. Le doute sur le caractère autographe frappe beaucoup d’autres ensembles de lettres féminines. Même Alessandra Macinghi negli Strozzi, dont les éditeurs proclament l’autographie, avoue en 1448 qu’en l’absence de son plus jeune fils, Matteo, elle s’est sentie bien seule, « il me semblait être toute gauche sans lui, et puis il m’écrivait toutes mes lettres »16. Chez les Médicis, peu de femmes se distinguent au xve siècle par leurs aptitudes graphiques et le recours à des plumes déléguées est fréquent17. Les femmes Acciaioli, une autre grande famille florentine, ne se voient pas dispenser la même éducation que leurs frères et restent des semi-alphabétisées à l’écriture empêtrée18 : restent, ou redeviennent ? En 1396, le notaire Lapo Mazzei ami des Datini admire que Margherita écrive elle-même ses lettres : « On me dit que vous avez bien appris [à écrire] ; chose étonnante à l’âge que vous avez [environ quarante ans], où les autres femmes d’ordinaire l’oublient ! »19.

7Pour Luisa Miglio, la graphie des lettres autographes de femmes se caractérise par

  • 20 Miglio 1995 : 100.

l’inconstance du module, la difficulté à suivre l’alignement, le manque de liens entre les lettres, la pauvreté en éléments subsidiaires – ponctuation, abréviations, majuscules – et par le chaos orthographique […], ce qui laisse apparaître, plus qu’une éducation niée, une éducation ‘autre’, différente, séparée20.

  • 21 Miglio 1995 : 99-101.

8Les femmes ne sont pas totalement tenues en marge de l’univers graphique, mais leurs correspondances témoignent « d’une alphabétisation réduite, quoique adaptée à l’exigence élémentaire de communiquer et s’exprimer »21.

9La prudence s’impose donc dans les conclusions qu’au vu de l’attribution d’une lettre à une femme, et si l’on ne tient pas compte des capacités graphiques de son auteure, on est tenté de tirer sur le niveau de culture des expéditrices, la spontanéité de leur expression, les caractéristiques stylistiques et littéraires de leurs lettres. Les « délégués d’écriture » des xive-xve siècles et, par la suite, les secrétaires formés aux règles du bien écrire, sont des filtres qui risquent de suggérer ou d’imposer à la femme qui leur dicte une lettre leurs propres manières de voir et de s’exprimer, voire, quant aux seconds, les normes de style et de composition qui se fixent et se généralisent au xvie siècle mais auxquelles restent largement étrangères les femmes qui s’expriment en langue vulgaire.

  • 22 Nico Ottaviani 2006 ; Zarri 1999 ; Caffiero & Venzo 2007.

10Les travaux les plus récents soulignent toutefois l’importance de la volonté d’écrire chez des femmes qui n’en ont pas acquis tous les moyens et ont conscience de leur balourdise, mais vont néanmoins de l’avant et s’approprient lentement, par leurs lettres aux caractères mal formés et dansants ou par celles que d’autres écrivent pour elles, un territoire aux frontières grammaticales et lexicales indécises22.

  • 23 Selon un schéma biographique bien classique dans la société florentine, elle sera veuve la cinquant (...)

11Les femmes qui prennent la plume invoquent plus d’une fois l’effort et la fatigue que leur apporte leur besogneuse écriture. Ces désavantages sont compensés par la conscience qu’elles ont de communiquer directement leurs soucis voire leurs émotions. Prenons maintenant un exemple beaucoup moins connu que les dames plus haut citées, celui d’une femme énergique qui ne s’en laisse pas conter, comme Alessandra, et qui, comme Margherita, doit suppléer un mari absent. Le dossier se situe dans les dernières décennies du xive siècle, dans la classe marchande de Florence, et concerne une épouse, mère de sept ou huit enfants quand elle a atteint la quarantaine et quand nous la saisissons dans son œuvre d’épistolière23.

  • 24 Sur ce personnage cf. Hoshino 1966-1968. Francesco est né vers 1329 et épouse Dora en 1356. Sur les (...)

12Née Guidalotti, cette Monna Dora – « Madame » Dora – est l’épouse de Francesco di Jacopo del Bene24. Les époux viennent tous deux de familles riches, qui investissent dans les différentes industries florentines, surtout dans la laine, et qui accumulent des biens fonciers dans les environs de Florence. Comme son père, Francesco participe activement au gouvernement communal et occupe des fonctions importantes jusqu’après le Tumulte des Ciompi (1378). Pour avoir pris parti pour Michele di Lando, le dirigeant populaire, et le gouvernement qui est issu du Tumulte, il est exilé de 1383 à 1391 et rentre à Florence pour y mourir peu après.

  • 25 Sur cette littérature des « livres de famille », cf. Bérard Cazalé & Klapisch-Zuber 2004.
  • 26 Archivio di Stato, Florence (abr. ASF), Carte Del Bene (abr. DB) 51, n°1-92, 207-279, 390-392.
  • 27 On note qu’Amerigo s’adresse à Francesco comme à son « père » et signe souvent « Amerigo di Frances (...)
  • 28 Brucker 1980 : 253-257 publia quatre de ces lettres touchant aux négociations de ces mariages.

13Les Del Bene ne sont pas un vaste lignage mais le fonds de leurs archives est bien conservé. Il contient de très nombreux livres de comptes et de ricordanze25, dont certains remontent à la fin du xiiie siècle, ainsi que des correspondances émanant des hommes de la famille. Documentation offrant un bel exemple de la solidarité qui maintient longtemps les frérèches après la mort du père, de la collaboration entre oncles et neveux, mais aussi entre les cousins germains et leurs descendants. Un bloc de lettres familiales ou officielles date de la période de six mois où Francesco di Jacopo occupe l’important poste de vicaire d’une circonscription du contado florentin (1er semestre 1381)26. Les cousins Del Bene restent encore assez proches pour traiter de concert leurs alliances matrimoniales. Il s’agit alors de trouver des partis honorables pour une nièce et un neveu de Francesco, Caterina et Amerigo, qu’il a recueillis et élevés depuis la mort d’un frère cadet en 136627, et pour une fille qu’il a eue de Dora, Antonia. Beaucoup des lettres qui lui sont adressées par son cousin germain Giovanni di Amerigo ou par différents amis et proches de la famille relatent les approches précautionneuses des familles de partis potentiels et les négociations sur les dots et leurs garanties, les dates des cérémonies, les parures des mariées, les cadeaux à faire ou recevoir, toutes manœuvres qui suscitent maints allers et retours entre la ville et la province28. C’est dans ce climat de discussions autour du destin des filles et garçons de la famille que Monna Dora vient jeter son grain de sel.

  • 29 ASF, DB, 49, n°131, 183, 186, 188, 191, 194, 196, 197, 200, 204, 205, 207, 221, 222.
  • 30 ASF, DB, 49, n°235, 253, 271, 272, 273, 302.
  • 31 Monna Dora donne au moins sept enfants, peut-être huit, à Francesco. Les livres de Francesco sont m (...)

14Parmi les quelque 400 lettres de ce dossier de correspondances, le chercheur tombe en effet sur un petit trésor d’une vingtaine de lettres et billets qu’elle a souscrits. Treize sont adressés à son mari au printemps 138129, six, plus tardives, à ses fils Messer Ricciardo, un juriste, et Borgognone (1386, 1392-1394)30. Née autour de 1340 parce que mariée en 1356 probablement à l’âge accoutumé de seize ou dix-sept ans31, elle est donc âgée d’une quarantaine d’années quand elle intervient dans les délicates opérations menées par les hommes Del Bene et les amis de la famille. Tous ces messieurs sont très engagés dans les négociations concernant Caterina et Amerigo, mais il y aussi Antonia, qui est en âge de convoler. C’est le problème qui agite sa mère, notre épistolière.

15Comme beaucoup des lettres adressées aux xive-xve siècles par des femmes à leur mari ou à leurs fils, celles de Dora traitent d’abord de problèmes prosaïques : gestion des domaines, approvisionnement de la famille, rapports avec les fermiers et les domestiques. Les femmes qui écrivent à des maris absents agissent comme intendants des domaines familiaux, elles sont maîtres d’ouvrage dans les constructions et les réparations en cours, surveillantes du travail de chacun. Quelques livres de comptes, pas toujours écrits par elles mais rédigés en leur nom par un fils ou un familier plus instruit de la maison, ont survécu et montrent le rôle d’administratrice des biens familiaux que, lorsqu’elles sont séparées de leur époux par son décès ou ses absences, elles sont obligées d’assumer.

  • 32 « Bénis de ma part les garçons et gronde bien Jacopo pour qu’il ne se batte pas », ASF, DB, 49, let (...)
  • 33 « Gronde bien Borgognone pour qu’il ne boive pas de vin car les valets me disent que cela lui fait (...)

16Dora ne fait pas exception à la règle, et près de quatre sur dix des nouvelles que, durant le printemps 1381 elle donne à Francesco depuis leur domaine de Petriolo, proche de Florence, concernent les travaux des champs et les rapports avec les paysans qui exploitent leurs terres ou viennent y travailler ponctuellement. Un groupe important de nouvelles se rapporte aux provisions faites sur place, envoyées au mari et à des relations, ou à celles reçues de Francesco – qui, pour être représentant officiel de la commune à Pescia, n’en alimente pas moins sa famille en produits locaux et reçoit maintes requêtes de Dora dans ce sens. Les lettres de Dora sont riches en informations sur la santé de ceux qui vivent avec elle, jeunes enfants, fillettes et familiers, et en commentaires sur celles que lui donne son mari de sa propre santé ou de celle des fils qu’il a emmenés avec lui. Même si les garçons ainsi sortis des jupes de leur mère échappent à son regard, Dora n’en manifeste pas moins, par ses recommandations insistantes sur la nécessité de les « châtier », de les morigéner32, et de leur éviter à qui le vin, à qui le lait quand il fait froid33, qu’elle participe encore à leur éducation.

  • 34 ASF, DB, 49, n°186 (18 avril 1381) ; n°188 (21 avril) ; n°204 (13 juin).
  • 35 En l’occurrence, l’acte attestant leur citoyenneté : ASF, DB, 49, n°183 (4 avril 1381), n°188 (21 a (...)

17Mais le rôle de Dora ne se réduit pas à la sphère domestique. Sans qu’on puisse dire qu’elle serve aussi de secrétaire à son mari in absentia, on devine qu’elle suit les affaires fiscales du ménage34 et n’est pas prise au dépourvu par la nécessité de produire un document. Au détour d’une anecdote on apprend ainsi qu’elle a osé mettre le nez dans les archives de son époux, quand d’aucuns sont venus lui demander de leur remettre un acte les concernant35. Dans un premier temps, écrit-elle à son mari, elle ne les laisse pas chercher eux-mêmes le document mais fouille dans les écritures maritales, sans succès, avant de les autoriser à les feuilleter à leur tour, sans plus de résultat. L’incident est intéressant, car il signifie bien qu’elle est capable de lire des documents et de reconnaître le bon (ce qu’Alessandra détestait faire). Il dit aussi qu’elle a osé enfreindre les recommandations, encore répétées cinquante ans plus tard par Leon Battista Alberti, sur la nécessité d’écarter les femmes des affaires et des papiers de leurs époux.

  • 36 « À San Biagio à heure de tierce » le 4 avril (n°183), « à l’Ave Maria » le 18 (n°186), « dans la c (...)
  • 37 ASF, DB, 49, n°194, 19 mai 1381. L’addition « nimicha » à la souscription ordinaire, « per la Dora (...)
  • 38 Son titre, « ser », indique un clerc de plume ou d’église, sans doute le maître qui enseigne aux en (...)

18Sait-elle pour autant écrire ? Est-ce bien elle qui tient la plume, le soir, enfin remise de ses innombrables tâches ménagères ? Peut-on l’imaginer, installée sous la loge devant la maison ou dans une pièce fraîche du bas, là où le maître reçoit d’ordinaire clients et dépendants, voire portant tabouret, tablette et encrier « dans le pré fauché »36 ? Notons d’abord qu’il n’est pas resté, semble-t-il, de livre de comptes de sa main. Mais, à un premier examen de la graphie des lettres, il semble que celles du printemps 1381 soient écrites et signées de la même main, et que celle-ci soit sans ambiguïté la sienne (comme le signale l’épithète « ennemie » ajoutée d’une encre plus claire mais de la même plume à la souscription « Ta Dora » dans un moment de forte tension entre les époux37). On peut donc écarter l’idée qu’un familier de la maison, ser Bernardo, qui suit Dora dans les villas de campagne et semble l’homme de confiance du ménage, ait pris la plume sous sa dictée38.

  • 39 Ne connaissant pas les dates de naissance des deux filles, je ne peux dire si le ressentiment de Do (...)
  • 40 Il s’agit d’une famille du Mugello, ASF, DB, 51, n°24 (20 février 1381).

19On peut en inférer que le contenu et l’expression des sentiments qui agitent Dora relèvent bien d’une écriture autonome. Or les réactions aux tractations matrimoniales menées par Francesco, par l’entremise de son cousin Giovanni d’Amerigo, montrent qu’elle est blessée pour deux raisons. En célébrant, avant celles de sa propre fille Antonia, les noces de sa nièce par alliance, cette Caterina qu’elle a certes élevée mais qui aurait dû céder le pas à la première39, il lui paraît que Francesco néglige sa propre fille. Par ailleurs, comme Giovanni d’Amerigo en avertit Francesco, le parti envisagé pour Antonia ne plaît pas du tout à Dora40. Moins encore quand les choses se précisent pour Caterina et qu’on envisage la date des cérémonies.

  • 41 ASF, DB, 51, n°9 (21 février 1381).

Je crois sentir que la Dora est un peu affligée (inmalinconita) par cette affaire, quand elle voit qu’Antonia reste en plan, et qu’elle pense qu’Antonia n’assistera pas [au mariage] quand il se fera. Je crois aussi qu’Antonia quand elle verra la belle robe qu’on fait à Caterina sera affligée41.

20La confection de ladite robe est confiée aux femmes dépendant de Francesco, qui décident du tissu et de la couleur, mais Dora s’enferme dans son refus de collaborer, car, comme le rapporte Giovanni à Francesco, à qui il demande d’intervenir,

  • 42 ASF, DB, 51, n°19 (24 février 1381).

il est vrai que Dora, que j’ai toujours tenue pour sage, agit de façon qui ne fait honneur ni à elle ni à nous, et qu’elle n’a voulu et ne veut pour rien au monde se mêler de ce qui touche à tout cela. Elle en a tant de chagrin et d’idées folles qu’elle ne fait que pleurer, elle dit que ta fille [Antonia] ne se mariera jamais et que tu ne t’en soucies pas, elle dit encore les choses les plus sottes que j’aie jamais entendues ; de sorte que toute ta famille s’en attriste…42

  • 43 « … et si Monna Dora faisait ce qu’elle devrait faire, les choses iraient comme elles le doivent », (...)
  • 44 ASF, DB, 51, n°16 (1er mars 1381).
  • 45 Thème de débat depuis Aristote, et chez nombre de commentateurs du temps ; voir Klapisch-Zuber 2009

21Bref, Dora met des bâtons dans les roues43. Mais en mars, elle « s’est résignée à de plus sains comportements et je crois qu’en femme sage elle a honte de ses sottes imaginations ». Mais, conclut Giovanni, « il faut les lui pardonner, car ce n’est ni la jalousie ni le vice qui l’inspirent mais l’amour maternel, dont bien peu de femmes savent se garder sans se fourvoyer »44. Sur cette forte pensée, qui renvoie à maintes folles imaginations masculines anti-aristotéliciennes quant à la supériorité de l’amour paternel sur le maternel45, passons maintenant la parole à Dora.

  • 46 Selon une lettre signée B., probablement ser Bernardo, à Francesco en date du 23 mars 1381, ASF, DB(...)
  • 47 Lettre de Marco di Giotto à Francesco di Jacopo, ASF, DB, 51, n°18 (21 mars 1381) ; de Giovanni d’A (...)

22Fin mars, quand Dora s’installe à la campagne46, rien n’est encore conclu pour Antonia comme les amis et le cousin en informent Francesco : un parti envisagé ne se décide pas et son cadet qui « prendrait » volontiers Antonia ne veut pas passer avant le frère aîné, d’autres temporisent47. Les lettres de Dora expriment son ressentiment d’être mise à l’écart des négociations, mais il s’y mêle aussi quelques soupçons sur la vie de son couple.

Tu m’écris à propos d’Antonia, écrit-elle le 19 mai à Francesco, mais je crois que tu n’y penses guère […] Tu m’écris que tu ne peux dormir la nuit parce que tu penses à Antonia, mais on me dit à moi que tu as une autre compagnie qui t’empêche de dormir et qu’Antonia n’est pas ce qui te tient éveillé 

  • 48 ASF, DB, 49, n°194 (19 mai 1381).
  • 49 Le terme est alors fréquemment employé pour désigner les filles à marier, à échanger sur la scène m (...)
  • 50 « Bene mi piacerebbe più che voi parentassi con popolano, no’ di meno si vole fare delle cose che s (...)
  • 51 ASF, DB, 49, n°200 (1er juin 1381).
  • 52 ASF, DB, 49, n°204 (13 juin 1381).
  • 53 Klapisch-Zuber 2006.

23et c’est là qu’elle signe rageusement : « la Dora ton ennemie »48 ! Son exaspération redouble quand elle apprend du cousin que les hommes Del Bene envisagent le mariage d’Antonia avec le fils de messire Andrea dei Bardi, un magnat ; leurs amis florentins s’inquiètent d’une telle alliance qui bafouent leurs sentiments de bons popolani, mais comme le dit l’un d’eux, « il faut bien faire les choses qui peuvent se faire, avec de pareilles marchandises49 qu’on ne peut davantage conserver [i.e. à la maison] »50. Selon ce que Dora écrit amèrement à son mari, elle aurait répondu, sarcastique, à Giovanni qu’elle « se satisfait de ce que toi [Francesco] et lui [Giovanni] faites, car, me semble-t-il, vous êtes si sages que vous n’avez pas besoin de me demander mon avis, toutefois je te prie de faire en sorte qu’|Antonia] ait de quoi vivre […] »51. Et douze jours plus tard, elle revient sur ce qu’elle a dit à Giovanni : qu’ils agissent comme ils l’entendent, elle agréera ce qu’ils décideront, « bien que, me dit-on, ils [les Bardi] n’aient rien à manger ». Et puis, après avoir mentionné une action en justice avec un autre magnat, elle ajoute que « de cette manière, faisant alliance avec les grands, vous ne manquerez pas d’avoir des histoires »52. Les magnats ont certes de la noblesse, mais ils tirent souvent le diable par la queue et sont assez querelleurs53. Monna Dora fait mouche.

  • 54 « Di fatti dell’Antonia, nonne scrivar più e non me ne dare più malinchonia ch’io mi chontento che (...)

24Les reproches à Francesco ne s’arrêtent pas là. Si elle ne cesse de lui demander son avis sur les affaires domestiques, quand il lui répond, elle se plaint qu’il « lui écrive tant de choses d’un seul coup qu’il la fait tomber dans la ‘mélancolie’. Ici on fait ce qu’on peut ». Et plus loin dans la même lettre, elle glisse une perfidie : « Il me semble qu’il est fort périlleux d’être ton ami, car tout tes amis meurent », avant de s’étendre sur un fait divers et, revenant sur le mariage d’Antonia, de demander à Francesco « de ne plus [m’]écrire sur ce sujet et de ne plus m’en donner de ‘mélancolie’, car je suis satisfaite que les choses se fassent quand tu seras là »54.

  • 55 ASF, DB, 48, VI (30 janvier 1401).

25Les lettres qu’elle adresse, devenue veuve, à ses fils – Borgognone à Padoue en 1392, Messire Ricciardo à Bologne, qui a fait des études de droit et auquel elle donne respectueusement du « vous » en tant qu’aîné et docteur – comportent les habituelles notices sur les propriétés et la vie des champs et les nouvelles de la santé des uns et des autres. Avec l’âge, cependant, elle se montre plus engagée dans les contacts sociaux, recommandant tel ou tel à ses fils, plus soucieuse aussi du maintien des liens entre ses enfants dispersés de l’Émilie à la Vénétie. C’est ainsi qu’elle les encourage à se rendre visite les uns aux autres. Elle-même voyage encore pour visiter sa fille Ghetta mariée à Venise, son fils Ricciardo à Bologne. Elle s’éteint à Florence en 1401, entourée de ses fils et âgée d’une soixantaine d’années55.

26L’exclusion des tractations menées par les hommes et la soumission obligée à leurs décisions sont certes le lot des femmes et elles forment l’arrière-plan des reproches de Dora, mais elle les exprime avec une verdeur montrant qu’elle pense avoir son mot à dire. Ses réticences devant une alliance en dehors du milieu des « populaires », son déplaisir à voir rompre l’ordre normal des mariages entre « sœurs », sa bouderie quand il conviendrait qu’elle s’occupe de la robe de sa nièce, le soutien qu’on la devine accorder à sa fille jalouse de Caterina, tout cela, enrobé de sarcasmes et parfois arrosé de larmes, est fortement dit et écrit, d’une écriture au reste ferme et régulière. Qu’elle s’estime plus fidèle que son mari non seulement au devoir conjugal mais à l’idéologie des familles popolane, qu’elle ait le sentiment que son administration des biens familiaux n’est pas reconnue à son juste titre, cela, y compris la signature « la Dora tua nimicha », ne pourrait guère être transmis par une plume déléguée ou le serait sans doute de façon plus voilée. Monna Dora prouve qu’en s’armant d’une plume, elle est plus qu’une comparse sur la scène familiale et sociale : une actrice et une partenaire – parfois rebelle.

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Bibliographie

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Notes

1 Balestracci 1984 et 2004. Les traductions de citations de l’italien sont de moi (CKZ).

2 Petrucci 1979a.

3 Miglio 2000.

4 Miglio 2000.

5 Bérard Cazalé & Klapisch-Zuber 2004 ; Hayez 2005.

6 Klapisch-Zuber 1984 ; Miglio 1989.

7 Le « libriccino da donna » figure plus régulièrement dans les trousseaux.

8 Macinghi negli Strozzi 1877 et 1987. Manquent les années 1452-1458 et 1466-1468, après le retour d’exil des fils. Voir aussi l’édition en traduction allemande par Doren 1927. Sur ces Strozzi, cf. Crabb 2000.

9 Lettere di Margherita Datini 1974-1976. Sur Francesco Datini, voir Origo 1957. Les lettres envoyées par Francesco di Marco à sa femme ont fait l’objet d’une autre publication : Lettere di Francesco Datini 1990.

10 Salvadori 1986 et 1993.

11 Petrucci 1979b.

12 Miglio 1995.

13 Miglio 1995.

14 Miglio 1989.

15 Miglio 1999. Les lettres féminines ne sont qu’une infime partie des correspondances recélées par le fonds Mediceo avanti il principato (MAP) à l’Archivio di stato de Florence, qui contient des milliers de lettres masculines.

16 Lettre du 8 novembre 1448, publiée indépendamment par Isidoro Del Lungo (Macinghi negli Strozzi 1892) et ajoutée en appendice à la réédition anastatique Macinghi negli Strozzi 1972 et aux rééditions ultérieures.

17 Miglio 1995.

18 Miglio 1989.

19 Mazzei 1880 : II, 182.

20 Miglio 1995 : 100.

21 Miglio 1995 : 99-101.

22 Nico Ottaviani 2006 ; Zarri 1999 ; Caffiero & Venzo 2007.

23 Selon un schéma biographique bien classique dans la société florentine, elle sera veuve la cinquantaine venue (1394) et survivra dix-sept ans à son mari.

24 Sur ce personnage cf. Hoshino 1966-1968. Francesco est né vers 1329 et épouse Dora en 1356. Sur les différents Del Bene de sa lignée, voir Marsini 1988 et Klein 1988.

25 Sur cette littérature des « livres de famille », cf. Bérard Cazalé & Klapisch-Zuber 2004.

26 Archivio di Stato, Florence (abr. ASF), Carte Del Bene (abr. DB) 51, n°1-92, 207-279, 390-392.

27 On note qu’Amerigo s’adresse à Francesco comme à son « père » et signe souvent « Amerigo di Francesco ».

28 Brucker 1980 : 253-257 publia quatre de ces lettres touchant aux négociations de ces mariages.

29 ASF, DB, 49, n°131, 183, 186, 188, 191, 194, 196, 197, 200, 204, 205, 207, 221, 222.

30 ASF, DB, 49, n°235, 253, 271, 272, 273, 302.

31 Monna Dora donne au moins sept enfants, peut-être huit, à Francesco. Les livres de Francesco sont moins diserts que ceux de son père ou de son fils Ricciardo sur leurs descendances respectives et les dates de naissance de ses enfants.

32 « Bénis de ma part les garçons et gronde bien Jacopo pour qu’il ne se batte pas », ASF, DB, 49, lettre n°188 (21 avril 1381) ; « Je te demande de châtier nos fils », n°194 (19 mai) ; « Châtie les enfants et bénis-les de ma part », n°196 (23 mai).

33 « Gronde bien Borgognone pour qu’il ne boive pas de vin car les valets me disent que cela lui fait beaucoup de mal », ASF, DB, 49, n°194 (19 mai 1381) ; « Ne fais pas donner de lait à nos enfants avant la mi-mai, parce que si la température n’est pas chaude cela ne leur ferait aucun bien », n°183 (4 avril).

34 ASF, DB, 49, n°186 (18 avril 1381) ; n°188 (21 avril) ; n°204 (13 juin).

35 En l’occurrence, l’acte attestant leur citoyenneté : ASF, DB, 49, n°183 (4 avril 1381), n°188 (21 avril).

36 « À San Biagio à heure de tierce » le 4 avril (n°183), « à l’Ave Maria » le 18 (n°186), « dans la chambre du rez-de-chaussée à 18 heures » le 21 (n°188), « après vêpres sous la loge » le 8 mai (n°191), « après l’Ave Maria dans la loge » le 19 (n°194), « jeudi après vêpres dans le pré fauché » le 13 juin (n°204), « à nones sous la loge » le 14 (n°205), « dans la salle du rez-de-chaussée mercredi matin » le 19 (n°207), « de nuit » (n°221).

37 ASF, DB, 49, n°194, 19 mai 1381. L’addition « nimicha » à la souscription ordinaire, « per la Dora tua », faite d’une encre plus légère, est difficilement attribuable à une plume déléguée.

38 Son titre, « ser », indique un clerc de plume ou d’église, sans doute le maître qui enseigne aux enfants auxquels il semble lié par des liens d’affection.

39 Ne connaissant pas les dates de naissance des deux filles, je ne peux dire si le ressentiment de Dora est dû à une préséance d’âge entre elles ici bafouée, ou plutôt à la préséance de Francesco, né en 1329, sur son frère Borgognone, le défunt père de Caterina, né en 1330.

40 Il s’agit d’une famille du Mugello, ASF, DB, 51, n°24 (20 février 1381).

41 ASF, DB, 51, n°9 (21 février 1381).

42 ASF, DB, 51, n°19 (24 février 1381).

43 « … et si Monna Dora faisait ce qu’elle devrait faire, les choses iraient comme elles le doivent », ASF, DB, 51, n°19 (24 février).

44 ASF, DB, 51, n°16 (1er mars 1381).

45 Thème de débat depuis Aristote, et chez nombre de commentateurs du temps ; voir Klapisch-Zuber 2009.

46 Selon une lettre signée B., probablement ser Bernardo, à Francesco en date du 23 mars 1381, ASF, DB, 51, n°8.

47 Lettre de Marco di Giotto à Francesco di Jacopo, ASF, DB, 51, n°18 (21 mars 1381) ; de Giovanni d’Amerigo au même, n°12 (28 mars), n°28 (4 avril) ; d’Amerigo à son « père », n° 21 (22 avril).

48 ASF, DB, 49, n°194 (19 mai 1381).

49 Le terme est alors fréquemment employé pour désigner les filles à marier, à échanger sur la scène matrimoniale. Passé 18 ans, leur placement et leur vertu deviennent des problèmes lancinants dans les familles.

50 « Bene mi piacerebbe più che voi parentassi con popolano, no’ di meno si vole fare delle cose che si possono fare di sì fatte merchantie che no’ si possono serbare », lettre de Branca Guidalotti à Francesco di Jacopo, ASF, DB, 51, n° 14 (24 mai 1381).

51 ASF, DB, 49, n°200 (1er juin 1381).

52 ASF, DB, 49, n°204 (13 juin 1381).

53 Klapisch-Zuber 2006.

54 « Di fatti dell’Antonia, nonne scrivar più e non me ne dare più malinchonia ch’io mi chontento che lle chose si faeno chosì tanto che ttu ci sia », ASF, DB, 49, n°205 (14 juin 1381).

55 ASF, DB, 48, VI (30 janvier 1401).

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Pour citer cet article

Référence papier

Christiane Klapisch-Zuber, « Épistolières florentines des xive-xve siècles »Clio, 35 | 2012, 129-147.

Référence électronique

Christiane Klapisch-Zuber, « Épistolières florentines des xive-xve siècles »Clio [En ligne], 35 | 2012, mis en ligne le 01 mai 2014, consulté le 04 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/10540 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.10540

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Auteur

Christiane Klapisch-Zuber

Christiane Klapisch-Zuber est directrice d’études honoraire à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales où elle a enseigné l’histoire sociale, l’histoire de la famille et l’anthropologie historique de l’Italie médiévale. Elle a publié : Les maîtres du marbre. Carrare 1300-1600 (1969) ; (avec David Herlihy) Les Toscans et leurs familles : le catasto de 1427 (1978) ; La maison et le nom. Stratégies et rituels dans l’Italie de la Renaissance (1990) ; L’Ombre des ancêtres (2000) ; Retour à la cité. Les magnats de Florence 1340-1440 (2006). Elle a édité le t. II : Moyen Âge, de l’Histoire des femmes en Occident, dirigée par Georges Duby et Michèle Perrot (1990) ; et coédité l’Histoire de la famille (1986).
klapisch@ehess.fr

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