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Couples et amour en Aragon (xve-xvie siècle)

Couples and love in Aragon (15th-16th c.)
Martine Charageat
p. 41-60

Résumés

L’amour conjugal existe au Moyen Âge, la littérature en est un lieu d’expression privilégié. Visible également dans les sources épistolaires ou notariales, il est cependant plus difficile à aborder à travers les archives judiciaires, notamment les procès matrimoniaux ecclésiastiques. L’officialité de Saragosse au xve siècle est par excellence la cour où sont jugés les litiges conjugaux. Les procès consultés offrent un récit récurrent de la relation conflictuelle entre époux et laissent à penser que l’amour n’y a guère sa place. Ce n’est pas totalement vrai. Les affaires d’adultère, les unions clandestines, les demandes de solennisation de mariage ne sont pas toutes déposées ou dénoncées au seul motif de haine et de discorde. Les sentiments sont parfois bien présents, sous-jacents, et attendent seulement d’être lus à travers des actes, des mots précis (amor, affectio, cavalgar, enamorar) ou même des silences.

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Texte intégral

  • 1 Otis-Cour 2005 : 275.
  • 2 Otis-Cour 2000 et 2005.
  • 3 Vecchio 1990.

1En 2005, Leah Otis Court déplorait le fait que pour beaucoup de chercheurs « la société médiévale aurait trouvé l’amour et le mariage si incompatibles que la passion ne pouvait se manifester que dans l’évocation littéraire d’une liaison extra-conjugale »1. Il s’agit pour elle d’une vision erronée que des travaux très sérieux ne parviennent pas à écarter même en démontrant, a contrario, que le mariage est bien, en littérature, le lieu privilégié de l’amour conjugal parfaitement légitime et pas des seules passions illicites2. Elle s’est également attachée à montrer que l’amour dans le mariage peut exister sans forcément n’être qu’une version de l’obéissance et de la sujétion de l’épouse à son mari3. Le bonheur conjugal se compose alors d’attachement, de respect, de fidélité dans une relation faite de réciprocité. Mais les remarques ou les regrets de Leah Otis Court concernent essentiellement la littérature courtoise des xiie-xiiie siècles.

  • 4 Ponsich 2008.
  • 5 Lett 2011.
  • 6 Stella 2008.

2Les sources littéraires semblent devoir constituer le matériau d’étude le plus propice pour aborder la relation amoureuse entre époux. Se pose alors la question de savoir si la félicité conjugale et l’amour dont elle est susceptible de se nourrir se laissent lire dans des archives autres que doctrinales ou littéraires. Les sources épistolaires laissent parfois passer des indications sur l’existence de sentiments entre époux, de manière plus ou moins explicite. Les lettres de Violante de Bar (1365-1431) à son mari le roi Jean 1er sont empreintes de sentiments que met en valeur Claire Ponsich4. Didier Lett rappelle qu’entre Margaret et John Paston l’attachement transparaît dans l’abondante correspondance des Paston au xive siècle5. En revanche, l’expression de l’amour entre hommes et femmes à travers les archives de la pratique judiciaire est un sujet qui reste encore largement à découvrir, y compris dans le cadre des relations extra-conjugales. Mais les archives du conflit sont-elles vraiment pertinentes pour une enquête sur l’amour dans le couple ? A priori, la tentation est de répondre par la négative mais le litige qui donne naissance à un procès matrimonial jugé devant l’official n’est pas systématiquement conduit au motif de la haine et de la discorde. S’il est des indices révélant des jeunes filles qui s’obligent à surmonter leur dégoût face au fiancé pour complaire à leurs parents, d’autres transparaissent régulièrement pour indiquer une volonté de ne pas vivre sans amour et sans sexualité6.

Des mots de l’amour dans les archives judiciaires ecclésiastiques ?

  • 7 Ribémont 2007.

3Les textes consultés sont d’abord des procès instruits à l’officialité de Saragosse et qui opposent des hommes et des femmes unis ou non par les liens du mariage. Les causes matrimoniales ecclésiastiques sont par définition des témoignages de la conflictualité matrimoniale ou conjugale. L’historien est en droit de croire a priori que l’amour est absent de tels textes. Il n’en est rien. Lorsqu’il fait son apparition, c’est par le terme attendu d’amor en langue latine mais aussi en langue vernaculaire avec ses dérivés tels que enamorados, henamorar(se). À la suite de Bernard Ribémont, on peut facilement lui accorder deux sens principaux : celui de la passion amoureuse en relation avec la sexualité, ou celui d’un sentiment d’amitié profonde entre un homme et une femme7.

  • 8 Voir Kelleher 2010.
  • 9 Fenster & Smail 2003.

4Les actes de procédure ne s’affranchissent pas des logiques et des mécanismes de représentations propres à tout récit et à toute écriture. Les sentiments amoureux relatés à l’occasion par les avocats, les procureurs, les parties litigantes et les témoins reflètent ceux que la société admet et tolère dans le contexte matrimonial, ou qu’elle rejette à sa périphérie : l’amour en amont du mariage, c'est-à-dire dans la phase précédent sa réalisation officielle ; la passion amoureuse dans des relations le plus souvent illicites. À cette restitution des représentations « amoureuses » ou « affectives » imputées au bon mari et à la bonne épouse, s’ajoute l’inéluctable nécessité de savoir ce qu’il est de bon ton d’argumenter en justice contre la partie adverse, en fonction aussi de la juridiction où se déroule le procès. L’amour ne se décline pas de la même manière devant un juge ecclésiastique, appelé à décider d’abord du sort du lien matrimonial, et un juge urbain séculier, susceptible de châtier un comportement criminel entre époux, parce qu’inspiré d’un sentiment amoureux hors la loi matrimoniale (adultère, vol, meurtre du conjoint, rapt). L’amour ainsi décliné en justice peut offrir une valence positive ou jeter le discrédit sur celui ou celle qui l’éprouve. L’expression de l’amour par les intéressés ou par ceux qui déposent en leur faveur ou contre eux varie également en fonction du sexe de l’individu concerné. Les femmes n’aiment pas tout à fait ou, plus exactement, on ne les fait pas aimer comme on fait aimer les hommes dans le récit judiciaire, souvent en réponse à la norme sociale et juridique qui fabrique la fama des uns et des autres en fonction de leurs usages du corps et de leurs amours8. Le comportement sexuel et amoureux doit obéir aux règles d’une matrice identitaire de genre à laquelle se réfèrent les juges en plus du droit9.

5Au tribunal de l’officialité césaraugustaine, lorsque l’existence d’un couple est compromise, le retour à une normalité relationnelle entre les conjoints passe par un rétablissement genré des sentiments théoriquement attendus des époux. On le lit à l’occasion des réconciliations ordonnées par le juge. Il convient de faire la part des choses entre normes et sentiments réels. L’amour au sein du couple semble se diviser entre l’affectio maritalis et l’amor. Cette dualité reflète-t-elle une dichotomie entre hommes et femmes ? Différents ou similaires, ces deux registres lexicaux permettent cependant d’analyser les sentiments permis, exprimés ou tus, dans le cadre des relations conjugales.

  • 10 Pedersen 1998.

6La nature de l’affection maritale ne fait pas l’unanimité chez les chercheurs et les historiens du droit, pas plus que le moment de son efficace, c’est-à-dire avant ou après l’échange des consentements de mariage. L’usage qu’en font les juges ecclésiastiques à l’heure de réconcilier de gré ou de force des hommes et des femmes en conflit ne permet pas forcément de cerner plus clairement cette notion émanant du droit romain avant d’être reprise par les canonistes10. Enfin, la question se pose aussi de savoir si l’affectio maritalis est dépouillée ou non de toute charge affective, et si elle n’est que l’expression de la potestas maritali.

  • 11 Otis-Cour 2000.
  • 12 Noonan 1967 ; Sheehan 1996 ; Leclercq 1981.
  • 13 Pedersen 1998.

7En parcourant les textes de Saint Augustin à Thomas d’Aquin et ceux de la littérature profane des xiie-xiiie siècles, Leah Otis Court dresse un panorama succinct mais très utile de cette notion, en parallèle avec les concepts d’amor et d’amicitia, liant les hommes à Dieu pour le premier, les hommes entre eux mais aussi les maris et leurs femmes pour le second11. L’idée d’affection, d’amitié entre époux est admise sans qu’il soit aisé d’en déterminer le degré et la nature contenus dans la notion même d’affection maritale. Si cette dernière est très étudiée dans et à partir des œuvres de la théologie matrimoniale et des traités de droit canonique, surtout des xiie-xiiie siècles, son approche dans les archives de la pratique judiciaire, en particulier dans les procès matrimoniaux ecclésiastiques, est plus rare12. En ce sens, Frédrick Pedersen adopte une position plus radicale dans son approche de l’affection maritale à travers les archives judiciaires13. Pour lui, il semble acquis qu’elle n’a pas de support émotionnel. Une fois fait le rappel de ce qu’en droit canonique elle devenait une obligation naissant du mariage et cessait d’en être une condition préalable, Fredrick Pedersen a mis en valeur pour les procès jugés à la cour de York au xive siècle comment l’invocation de l’affectio maritalis était liée à la gestion de conflits en matière de biens et de droits entre époux. Elle ne reflète aucune espèce de sentiment.

  • 14 Pour une présentation et une typlogie des causes matrimoniales ecclésiastiques jugées par l’officia (...)
  • 15 Charageat 2011 : 203-255.

8Dans les procès matrimoniaux instruits civiliter à l’officialité de Saragosse, il ne semble pas non plus que l’expression affectio maritalis se confonde avec un quelconque sentiment d’amour14. D’abord, elle est employée exclusivement par l’official lorsqu’il oblige un couple à se réconcilier, à reprendre la vie commune et à l’heure d’enjoindre au mari de bien traiter sa femme. Traiter son épouse « avec affection maritale » signifie que le conjoint doit lui fournir le nécessaire et ne pas mettre en péril sa vie en la faisant mourir de faim, de soif, de froid, c'est-à-dire en dilapidant les biens ou en exerçant une violence excessive15. Le fait que d’autres termes sont employés par les acteurs du procès à Saragosse pour désigner des sentiments de plaisir et de désir, confirme l’idée que l’affection maritale n’est pas porteuse d’émotion amoureuse chez les justiciables ordinaires, d’autant qu’à Saragosse elle est évoquée surtout par les procureurs et les officiaux. Les témoins et les parties interrogées ne s’approprient pas cette manière de désigner la qualité des relations conjugales qu’ils sont amenés à décrire en justice.

  • 16 ADZ, Causas civiles, 1441-1442, Caja M-2, lig 14, s.f., « Item dicit ponit et asservit fore verum q (...)
  • 17 ADZ, Causas civiles, 1441-1442, Caja M-2, lig 14, s.f., « Interrogatus como sabe que lo contenido e (...)
  • 18 ADZ, Causas civiles, 1441-1442, Caja M-2, lig 14, s.f., « (…) vit que en senyal de verdadero et leg (...)

9Les choses sont un peu moins claires lorsqu’apparaît dans les textes, bien que plus rarement, une formule un peu similaire sans qu’elle puisse pour autant se confondre avec la précédente, et employée cette fois par d’autres que le seul juge. Il s’agit de l’expression amor conjugalis. Le contexte dans lequel est utilisée cette formule ainsi que le moment où elle est citée dans la chronologie relatée des étapes du mariage autorise à nuancer l’impression première de synonymie parfaite avec affectio maritalis. Prenons pour exemple l’affaire opposant Mencia Comoza à Johan D’Agraz en 1441. Dans la bouche du procureur, Mencia et Johan se sont mariés et ont échangé au cours des rites de constitution du lien conjugal, le baiser de paix et d’amour conjugal16. Les témoins reprennent la formule en associant l’idée d’amour conjugal à l’échange du baiser de paix, comme si le consensualisme et la réciprocité des paroles de consentement se répétaient dans ce que les témoins qualifient de « signe de vrai mariage »17. Le vicaire général de l’ordre de Sainte Marie du Carmel, maître Tomas Baronis, témoigne lui aussi de ce que Johan et Mencia ont échangé le baiser en signe de vrai mariage et en signe d’amour conjugal18. Le sentiment ne découle pas du lien, il en est constitutif et semble commun aux deux sexes. Mais sans doute ne faut-il y voir que la preuve de ce que la première moitié du xve siècle est bien, en Aragon, une période où les subtilités canoniques du mariage sont encore peu ou mal maîtrisées par les fidèles mais aussi par les procureurs et, derrière eux, par les avocats et juristes consultés.

  • 19 Éph. 5, 31-32.

10En revanche, dans le texte de la sentence énoncée par l’official Johan Genoves, le mariage entre Maria et Johan est reconnu comme valide, en conséquence de quoi les deux époux doivent procéder à sa solennisation en face de l’Église, se rendre mutuellement le devoir conjugal et se traiter avec maritali et conjugali amore et affectione. Dans le verdict final, amour conjugal et affection maritale semblent cette fois synonymes ou à tout le moins équivalents, sans doute pour mieux rassembler les conjoints dans une unité de sentiments. Mais le rappel de la réciprocité des obligations laisse penser que l’official attribue peut-être l’affection maritale au mari et l’amour conjugal à la femme. L’association des deux autorise néanmoins une communauté de sentiment. Elle semble faire écho à la commixio carnis découlant de la consommation charnelle de l’union et au principe paulinien selon lequel les époux seront deux en une seule chair une fois unis dans les liens sacrés du mariage19. Au vu de la sentence citée, amor et affectio découleraient alors ensemble de la phase finale des rites de mariage. Apparemment, procureurs, juges et témoins n’accordent pas les mêmes effets aux mêmes sentiments.

11Les termes de l’amour qui ressortent dans les procès aragonais et dans la bouche des fidèles ordinaires sont ceux d’amor, enamorados, henamorarse pour les énumérer de façon succincte. Il reste à déterminer s’ils servent à prouver que les mariages par amour existaient ou à désigner une tout autre sorte de relations amoureuses en Aragon à la fin du Moyen Âge.

De la compatibilité de l’amour et du mariage dans les archives judiciaires ?

  • 20 Hancke 2007.
  • 21 Hancke 2007 : 82-88.

12Gwendoline Hancke a trouvé ces preuves d’amour sinon d’amitié ou d’affection profonde et durable, mais dans un contexte un peu particulier, celui des couples accusés par l’Inquisition de crime d’hérésie pour leur adhésion au catharisme20. L’auteur elle-même fait preuve de beaucoup de prudence et de justesse à l’heure d’éprouver la validité de cet amour conjugal affirmé, c’est-à-dire de comprendre l’intérêt de le mentionner en justice face aux inquisiteurs. Elle fait attention aussi à ne pas l’interpréter au premier degré afin d’écarter le risque d’une analyse anachronique des sentiments évoqués. Son apport est de montrer que la force du lien affectif entre époux réside souvent plus dans le comportement et les attitudes de solidarité et d’entraide entre conjoints menacés par l’Inquisition, que dans l’expression directe par les mots adéquats d’un sentiment d’amour à proprement parler21.

  • 22 ADZ, Causas civiles, Caja J-lig. 1-bis, 1418-1419, s.f., « (…) es verdat que esguardando que la dit (...)

13Lorsque le vocabulaire de l’amour, au sens passionnel et charnel, se déploie dans les procès matrimoniaux jugés à l’officialité de Saragosse ou dans d’autres juridictions aragonaises non ecclésiastiques, il caractérise un sentiment éprouvé hors mariage, c’est-à-dire avant que celui-ci ne soit pleinement accompli ou en trangression d’une union déjà consacrée. En 1419, Joanna Gascon réclame Antonio de Barbastro comme époux auprès de l’official, arguant du fait qu’ils auraient juré des paroles de consentement sur le livre des Évangiles. Interrogé à son tour, Antonio de Barbastro, notaire de métier, ne nie pas avoir proposé le mariage à sa voisine de palier, avec un défi à la clef. Selon ses propres paroles, ladite Joanna avait beaucoup d’amoureux (enamorados). Pour lui éviter de perdre à terme sa réputation, il l’a mise au défi de prouver qu’elle était capable de se comporter comme une bonne femme (buena muller), c'est-à-dire honnête, et de renoncer à tous cesjeunes gens22. Il semble que l’on puisse comprendre enamorados au sens de soupirants, sans que l’on sache si les relations allaient plus loin.

  • 23 ADZ, Causas civiles, Caja J-lig. 1-bis, 1418-1419, s.f., « (…) dixit quel dito Anthonio de Barbastr (...)

14Antonio lui a offert le mariage à condition qu’elle cesse ses fréquentations et que lui-même obtienne le consentement de ses parents. Seulement, après avoir juré de se marier en prêtant serment sur un livre dont il ne sait plus s’il était en papier ou en parchemin, il s’est aperçu qu’elle continuait à avoir diversos et muytos enamorados. C’est la raison pour laquelle il ne souhaite pas poursuivre dans la voie du mariage. Sa position est de se présenter en sauveur de Johanna, afin de lui épargner les éventuels effets honteux de ses nombreuses fréquentations. La voie matrimoniale est ainsi exposée comme une voie raisonnable, peu compatible avec la nature des relations entretenues par Johanna avec ses prétendants. En revanche, à aucun moment il ne se prétend amoureux d’elle alors que Johanna, lors de son interrogatoire, affirme sans hésiter qu’il l’était et que, pour cette raison, il est venu plusieurs fois chez elle, manger et boire, et également y dormir dans le lit de son père23. Revendiquer ou nier le sentiment d’amour semble avoir encore un impact sur le juge au début du xve siècle. C’est une stratégie argumentative qui disparaît très vite des procès ensuite.

15Cependant, il existe des cas où l’amour transparaît dans les archives judiciaires ou, plus surprenant, dans des actes de chancellerie royale. Cet amour entre hommes et femmes désireux de se marier envers et contre tout n’est pas toujours évoqué pendant des périodes d’harmonie ou seulement dans la phase précédent l’échange des consentements, parce que ce qui intéresse un juge ecclésiastique, au moment de prouver l’existence du lien, ce n’est pas la nature des sentiments qui animent des époux mais les paroles échangées et les rites accomplis pour que le sacrement de mariage existe. Pire encore, l’amour se laisse deviner ou lire là où il est en passe d’être jugé parce que rien n’est parfois plus « criminel » qu’un mariage d’amour… !

  • 24 Les faits sont connus par un article très intéressant et qui présente l’avantage de publier les doc (...)
  • 25 Les textes conservés par lesquels on connaît l’existence de cette affaire sont exclusivement des or (...)

16Un exemple remarquable est fourni par l’aventure de deux jeunes gens issus de la haute noblesse aragonaise, Lupico de Gurrea et Francisca de Abella, parents au troisième degré de consanguinité. Les deux amoureux se sont enfuis et mariés en 1408 sans le consentement des membres de leur famille. Par leur comportement, apparemment commandé par le seul sentiment de l’amour, ils ont déclenché une réaction terrible et vengeresse, à l’instigation du frère de Francisca et activement dirigée par le roi lui-même24. Du coup, ce qui aurait pu n’être qu’un mariage consanguin dénoncé devant l’official ou requérant une seule dispense pontificale après négociation pacifique, devient une affaire de rapt portant atteinte à l’honor du lignage et du roi aussi. Dans le cas du monarque, le prétendu enlèvement reproché à Lupico aurait eu lieu sur la route entre Balaguer et Huesca, devenant un trencamiento de camino, c’est-à-dire un bris de la sauvegarde dont bénéficient les chemins publics. Le roi devait bien trouver un motif pour se poser ou s’imposer en victime lésée dans sa majesté, et justifier d’une action judiciaire souhaitée comme exemplaire contre Lupico, alors menacé des pires châtiments. Francisca est présentée comme la victime d’un rapt, en dépit de ses affirmations contraires. Lupico est également accusé de vol parce que Francisca voyageait avec force bijoux, vêtements et autres biens lorsqu’elle fut soi-disant séquestrée par lui. Il est un signe incontestable de la volonté du roi et du frère de la jeune femme de transformer artificiellement un mariage consenti en un crime de rapt : il s’agit de la résistance de la mère, Francisca de Heredia. Cette dernière se fait prier longuement par le roi lui-même avant de se décider à porter plainte à titre privé. Or, sans cela, il ne peut y avoir de procès et d’inquisicion menés contre Lupico de Gurrea par la juridiction du roi lequel, d’ailleurs, deviendra partie et non juge. Sans doute la mère était-elle acquise à la cause de sa fille. Indépendamment des enjeux politiques sous-jacents au règlement de l’affaire, la force de cet exemple réside dans la capacité des deux jeunes gens à mettre au point et en œuvre tout un plan pour pouvoir être ensemble. L’échec de leur union est lié au fait que la famille de Gurrea, dont les deux amoureux sont issus, dispose de ressources impressionnantes pour les rattraper et les « punir », à commencer par le frère de Francisca de Abella qui n’est autre que le chambellan du roi Martin 1er. Mais cet échec n’enlève rien à la force des sentiments qui sont sans doute la cause d’une véritable transgression voulue et planifiée des codes familiaux et de l’honneur du lignage, au mépris de l’autorité des parents en vigueur dans le choix des alliances matrimoniales. Comment ne pas croire que ces deux jeunes gens s’aimaient au point de défier leur famille ? Pourtant, aucun des textes conservés ne leur donne la parole, et à aucun moment les mots de l’amour ne leur sont concédés par ceux qui les accusent, les dénoncent et les condamnent25.

  • 26 Un libelle jactatoire est une proposition par laquelle le ou la plaignante nie être marié(e) ou pro (...)

17Lorsqu’il s’agit d’un mariage clandestin aux circonstances moins rocambolesques mais qui devient l’objet d’une procédure visant à le défaire, l’amour n’en est pas forcément absent. L’opposition des familles se laisse lire en filigrane mais la peur de se tromper enjoint souvent l’historien à se méfier des indices donnés par la partie adverse. Les unions « libres », transportées au prétoire parce que litigieuses, n’ont pas toujours pour seule origine la séduction par promesse de mariage pour obtenir les faveurs sexuelles d’une jeune fille ou la quête d’une fortune facilement acquise. D’ailleurs, les familles ont parfois fort à faire pour récupérer leur « pion » et lui faire épouser le parti qu’elles désirent. Si l’on en croit Diego de Puente, Angela de Villareal et lui-même n’entendaient pas être séparés, même s’ils perdent la main sur leur destin en 1527. Pourquoi ne pas croire Diego et lui imputer des raisons moins nobles pour expliquer sa résistance au libelle jactatoire déposé contre lui ?26 Angela le dénonce pour jactance matrimoniale, c’est-à-dire pour prétention fausse de mariage. Elle nie qu’ils sont mariés.

  • 27 ADZ, Causas civiles, Caja A 22-66, 1527, s.f., « (…) y la dicha Angela de Villareal mi esposa respo (...)
  • 28 ADZ, Causas civiles, Caja A 22-66, 1527, s.f., « Ytem mas dixo que despues de desposados, su madre, (...)
  • 29 ADZ, Causas civiles, Caja A 22-66, 1527, s.f., « (…) estando la dicha Angela de Villareal mi esposa (...)

18De toutes manières, l’amour est-il un argument recevable à l’officialité ? Les preuves du consentement de mariage et de l’échange des paroles de présent sont d’abord celles qui peuvent convaincre un juge ecclésiastique de maintenir l’union et d’en ordonner la solennisation en face de l’Église, y compris contre la volonté des familles. Alors, l’amour doit être traqué dans l’absence même de son énoncé, au cœur des silences dont il est l’objet pour céder la place à d’autres arguments, lesquels sont aussi une manière de le revendiquer sans le nommer directement. C’est ainsi que Diego explique au juge qu’il a épousé Angela à sa demande à elle, situation qui n’est pas fréquente. Dans un premier temps, il aurait demandé à ce qu’elle affirme devant témoins afin que ceux-ci soient aptes, le cas échéant, à confirmer que Diego ne l’a pas enlevée de force et qu’elle est sortie de la maison de sa mère de sa propre volonté pour prier Diego de l’épouser27. Ensuite, il s’applique à expliquer pourquoi elle dépose un libelle jactatoire contre lui et met en évidence que leur dispute est seulement le fruit de l’action de la famille d’Angela qui ne veut pas de leur mariage. Il raconte la stratégie de sa presque belle-famille, et rapporte comment chantage et pression par le biais de la peur de l’Inquisition ont été employés contre les deux tourtereaux28. Angela, enfermée dans la maison de son oncle, crierait par toutes les fenêtres qu’il est son mari et qu’elle veut être avec lui et aucun autre29. C’est surtout l’acharnement d’Angela qu’il met en exergue, comme si le fait de déployer la ténacité de sa femme pouvait conférer une plus grande force à leur histoire et davantage convaincre l’official de respecter les termes de leur mariage, même clandestin, plutôt que les desiderata de la famille d’Angela.

  • 30 ADZ, Causas civiles, Caja A 22-66, 1527, s.f., « Ytem mas dixo que despues de desposados estando lo (...)
  • 31 ADZ, Causas civiles, Caja A 22-66, 1527, s.f., « Ytem mas dixo que despues de desposados por su mad (...)

19Cet acharnement qui se nourrirait d’un amour réciproque est encore évoqué lorsque Diego raconte comment il a été pris et jeté en prison alors qu’il partageait le lit de son épouse30. Il rapporte comment on l’accuse d’avoir séduit et trompé Angela, ce dont il se défend bien entendu31. Malheureusement pour lui, la jeune fille nie tous les articles issus du récit de Diego. Par précaution et afin de faire la lumière sur cette affaire, le juge ordonne qu’elle soit enfermée au monastère de Santa Maria Beate en attendant la fin du jugement. Malheureusement pour nous, aucune sentence n’est conservée et le sort de ce couple demeure inconnu.

  • 32 ADZ, Causas civiles, Caja A-45, 1570.

20Que penser encore de cette affaire opposant en 1570, Adrian Millan à Gracia Balero, laissant croire encore une fois que si l’amour et le mariage ne sont pas compatibles, c’est en raison de la volonté des parents de l’une ou des deux parties32. En l’occurrence, Adrian réclame Gracia pour femme légitime. Il fait remarquer qu’il est d’égale condition avec Gracia. Il l’a rencontrée à Godos et ils sont tombés amoureux : « se tomaron aficion ». La volonté de se marier s’est ensuivie et ils se sont envoyé de nombreux cadeaux en signe de mariage et d’amour. Puis ils ont échangé les consentements qui font le mariage. Selon Adrian, les parents de Gracia ont réagi en apprenant qu’elle entendait solenniser l’union. Ils se sont alors acharnés à l’en dissuader. Adrian explique comment Gracia souhaite pourtant finaliser leur union mais, par peur de ses parents, n’ose franchir le pas ultime. Elle aurait suggéré que face à un juge elle maintiendrait son projet et confesserait sa volonté de l’épouser. Adrian aurait alors pour solution de requérir par son procureur auprès du juge ecclésiastique qu’il reconnaisse la validité de leur mariage et qu’il condamne Gracia à solenniser l’union et à cohabiter avec lui.

21Les amours contrariés pourraient alors trouver une issue devant la justice en un siècle où les officiaux s’attachent à placer au-dessus de toute contingence le respect du sacrement de mariage. Face aux dénégations de la jeune femme, le procureur d’Adrian demande à ce qu’elle soit mise sous séquestre, hors d’atteinte des membres de sa famille et interrogée en sorte qu’elle puisse dire la vérité. Mais ses réponses sont les mêmes, elle nie tout en bloc et ne souhaite pas être l’épouse d’Adrian. Le juge y consent et l’autorise à épouser qui elle veut. Faut-il croire qu’Adrian a menti ou que Gracia est trop terrorisée par sa famille ? Cette histoire peut aussi bien apparaître comme l’expression d’un impossible mariage d’amour que comme la tentative désespérée d’un homme en quête d’une épouse qui ne lui est pas destinée, mais qui connaît les logiques matrimoniales à l’œuvre dans la société de son temps. Le recours aux craintes des femmes d’aller contre la volonté de leurs parents et de ne pas épouser celui qu’elles aiment, à défaut d’être sincère et véridique ici, n’en est pas moins révélateur d’une situation suffisamment répandue pour qu’Adrian tente sa chance devant le juge, y compris en force contre Gracia. Fait étrange, l’amour est presque toujours invoqué par l’homme qui réclame une femme pour épouse légitime au tribunal, contre la volonté de la famille de la jeune fille. L’analyse oscille alors entre réalité des faits et stratégie matrimoniale de ceux qui n’ont pas les moyens d’épouser celles dont ils rêvent. Mais il est impossible de trancher.

  • 33 Abascal Monedero 2009.

22Il serait cependant injuste d’oublier l’amour qui bat dans les cœurs quand bien même il naîtrait au sein d’un couple dit illégitime, que ce soit des concubins, des adultères ou des « mal mariés ». En quels termes cet amour est-il évoqué en Aragon à la fin du Moyen Âge et pour quelles raisons subit-il diverses formes de réprobation, au-delà de la plus évidente lorsqu’il s’inscrit dans la trahison d’une foi déjà donnée ?33

Henamorarse ou les amours normales des couples illégitimes

  • 34 García Herrero 2007.
  • 35 Charageat 2009 : 589-604 et 2011 : 166-171.
  • 36 Martines 1998.

23Comment désigne-t-on l’amour au sein des couples que la loi chrétienne réprouve ou qui ne bénéficient pas de la légitimité des liens d’un mariage accompli dans les formes parfaites requises en droit canonique ? Trois études parues sur l’Aragon peuvent aider à répondre à cette question34. Le registre lexical désignant les relations et leur nature sentimentale entre un homme et une femme qui ne devraient pas faire vie commune ou avoir des relations charnelles par amour, en dehors des liens du mariage, varie selon l’appartenance confessionnelle des amants et les buts de celui ou celle qui dénonce en justice ces amours illicites. Avec le verbe cavalgar, la métaphore de la chevauchée sert à évoquer tout acte intime entre les femmes chrétiennes et leurs amants juifs. Plus sombrement, il offre des connotations de violence et de brutalité lorsque le rapport charnel est le fruit d’un viol commis par des hommes chrétiens contre des femmes chrétiennes qui ne leur sont pas destinées35. Le verbe cavalgar sert à désigner des relations charnelles totalement interdites, en particulier dans le droit municipal qui rappelle sans cesse, par exemple, que les juifs ne peuvent pas « user » des prostituées du bordel chrétien de Saragosse. Il renvoie aussi simplement l’image de positions interdites parce que susceptibles d’empêcher la procréation dans le cadre d’une relation adultère entre des amants chrétiens36.

  • 37 García Herrero 2007.
  • 38 García Herrero 2007 : 61.
  • 39 Voir Savall & Penen 1991, t. 1 : 315, cité dans García Herrero 2007 : 62.

24Ce verbe recèle sans doute moins de sentimentalité que celui d’henamorarse qui sert parfois à désigner spécifiquement les amours entre des hommes chrétiens et des femmes maures, pour lesquels le verbe « chevaucher » n’est jamais employé. Henamorarse sert à exprimer également la passion amoureuse dans toute sa puissance, celle qui conduit parfois les hommes, tels Hercule, à accepter de filer la laine, l’activité la plus féminine et, par là, la moins virile qui soit d’un point de vue symbolique, par amour pour une femme37! La polysémie des termes enamorar ou enamorado enjoint à la prudence quant à leur interprétation et à une grande vigilance en ce qui concerne le contexte dans lequel ils sont employés. L’amoureux ou l’aimé peut être aussi bien l’amant que le client de la prostituée clandestine et mariée de surcroît38. Dans la première configuration, une mention spéciale doit être faite au sujet des relations intimes entre serviteurs et épouses des maîtres, que la législation aragonaise punit de la peine de mort39. La terminologie autour d’« amor » revêt des accents de transgressions parfois très dangereuses quand sa nature adultérine conduit à l’homicide des amants ou des maris. C’est ainsi que Juana Clares et Juan de Salcedo se rendent coupables du meurtre du mari de Juana. Leur procès commence en 1499 devant les jurats de Saragosse.

  • 40 AHPH, 1494, 261-3, s.f., « (…) Et con esto dize que si la dicha Violant de Lobaco madre de la dicha (...)

25Un exemple étonnant conduit à s’interroger sur certains comportements amoureux présentés comme un défaut atavique transmis de génération en génération. Prenons le cas de Johanna de Luch, enfuie de chez son époux. Les témoins rapportent des informations intéressantes, démontrant que l’amour hors mariage peut se perpétuer de manière déterminante entre générations. Le père de Johanna de Luc, Arnal de Luch, était prêtre et chanoine de la Seo de Huesca, procureur du chapitre de la Seo, récepteur des rentes et des tributs. Il avait pour concubine une dénommée Violant de Lobaco, mère de Johanna. Les témoins ne savent pas de certa sciencia si Violant avait des enamorados ou non quand elle vivait avec le chanoine, mais elle en avait la réputation, par voz comun et fama publica40. L’objectif est de prouver par témoins que Johanna ne ferait que reproduire le comportement maternel, parce qu’elle a quitté son mari. Or, celui-ci la battait selon ses dires et ceux du cousin qui l’a aidée à s’enfuir et qui, lui, se retrouve accusé de crime de rapt sur personne libre par le mari abandonné. Par cette étonnante action en justice on peut lire une manière différente de décliner une vision assez négative de l’amour et de ses effets dans la société aragonaise en 1494.

  • 41 L’affaire est connue par le procès engagé par le procureur représentant la ville de Saragosse contr (...)

26Enfin, il est impossible d’achever ce texte sans s’interroger sur les amours adultères. Quand Maria Vellita trompe son mari avec Johan Tauste, elle sait qu’elle risque la colère et la vengeance de son mari si celui-ci vient à l’apprendre. Mais comme le rappelle María del Carmen García Herrero, quand cela se produit parce qu’un domestique l’a surprise dans les bras de Johan, elle a la chance que son amant dispose des ressources nécessaires pour la protéger contre les entreprises vengeresses du mari trompé41. Johan est écuyer de Luis de Santangel, un membre de l’aristocratie urbaine, dans la maison duquel il installe Maria avec lui. L’amant est forcément épris de cette femme mariée pour la défendre et agir tel qu’il le fait, pour l’accueillir dans la maison de son maître et affronter physiquement le tailleur cocu. L’amour passionné, fait de sentiment et de désir charnel, plus encore lorsqu’il est connu par une procédure destinée à châtier une femme adultère, n’est pas exprimé par les mots. Il se laisse lire dans les actes et les comportements dénoncés parce qu’extraconjugaux, trahissant la foi conjugale et portant atteinte à l’honneur d’un honnête homme. Mais l’historien ne s’y intéresse pas en soi dans les archives de la pratique judiciaire, parce qu’il n’y est pas explicitement énoncé mais désigné comme crime impliquant d’abord et avant tout une sexualité illicite. L’histoire de Maria de Vellita a aussi le mérite de prouver que la vengeance n’est pas toujours aisée à mettre en œuvre et à réussir pour le mari trompé. En l’occurrence, Pedro Panda n’arrive au procès que parce qu’il n’a plus le choix. Ses tentatives de vengeance échouent et il est sur le point d’y laisser sa vie car Maria a engagé un tueur à gages, faisant fi de l’asseurement passé devant le juge urbain après de multiples rixes entre son amant et son mari.

27Un constat s’impose, tous les exemples évoqués dans le courant de cette troisième et dernière partie sont connus par des procès émanant de juridictions urbaines, de Saragosse ou de Huesca, dans le cadre desquels on attend le châtiment des accusés. Les amours illicites ont pour elles une audace et une vitalité qui n’ont d’égal que la force de la réaction judiciaire engagée par ceux qui se prétendent lésés par ces amours : les époux trahis, le bien public et l’honneur du corps urbain.

28Au cœur des archives du conflit conjugal, l’amour est susceptible d’apparaître comme étant incompatible avec les projets des familles dès lors que les unions se forment secrètement ou clandestinement entre deux jeunes gens qui n’écoutent que leur attirance mutuelle. Les mariages ainsi conclus sont toujours connus par des affaires révélant combien les unions qui tentent de passer en force cristallisent généralement des tensions et des affrontements déclenchés par l’opposition des familles. La violence des réactions s’inscrit autant dans des actes d’agression physique comme ceux qu’a dû souffrir Lupico de Gurrea, promis à la perte de ses biens et de sa personne, que dans les manœuvres employées pour décourager les prétendants. Brandir la menace de faire appel à l’Inquisition a pu paraître redoutable à certains. Quant aux amours illégitimes, elles sont frappées du sceau de la mauvaise renommée et sont susceptibles d’affecter gravement le sort de ceux qui s’y livrent, plus encore pour les femmes que pour les hommes. La conclusion est évidente : l’amour conjugal empreint de sérénité et source d’harmonie au sein du couple n’est pas à rechercher au cœur des archives judiciaires de la conflictualité matrimoniale et du crime. Mais l’enquête méritait d’être menée par curiosité. Si l’amour n’est guère présent dans les récits construits à l’officialité césaraugustaine, sans doute le refus du désamour s’y laisse-t-il lire plus aisément, à travers les femmes qui refusent de continuer à vivre avec des maris impuissants, violents ou leur infligeant la présence d’une concubine.

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Notes

1 Otis-Cour 2005 : 275.

2 Otis-Cour 2000 et 2005.

3 Vecchio 1990.

4 Ponsich 2008.

5 Lett 2011.

6 Stella 2008.

7 Ribémont 2007.

8 Voir Kelleher 2010.

9 Fenster & Smail 2003.

10 Pedersen 1998.

11 Otis-Cour 2000.

12 Noonan 1967 ; Sheehan 1996 ; Leclercq 1981.

13 Pedersen 1998.

14 Pour une présentation et une typlogie des causes matrimoniales ecclésiastiques jugées par l’official de Saragosse, voir Gíl Domingo 1986, Falcón Pérez 1994, Charageat 1999.

15 Charageat 2011 : 203-255.

16 ADZ, Causas civiles, 1441-1442, Caja M-2, lig 14, s.f., « Item dicit ponit et asservit fore verum que prefatus Johanes de Agraz et dicta Mencia prolatis per eosdem ad invicem dictis verbis. In signum veri et legitimi sponsalicii de presenti sive matrimonii inter ipsos ut dictum est celebrati ambo ad invicem statim se obsculati fuerunt, sive ad invicem sibi dederunt osculum pacis et amoris conjugalis ».

17 ADZ, Causas civiles, 1441-1442, Caja M-2, lig 14, s.f., « Interrogatus como sabe que lo contenido en el dito articulo sia verdat, respuso et dixo que porque stava alli present et vio quando lod ditos Johan de Agraz et Mencia apres de ditas las ditas paraulas del sobredito spocalicio segunt que de part de suso lo ha desposado en senyal de verdadero matrimonio entre ellos celebrado et que eran marido y muller adinvicem se besaron et se dieron besos de paz et de amor conjugal segunt se dize en el present articulo » (témoignage de Pedro Colades).

18 ADZ, Causas civiles, 1441-1442, Caja M-2, lig 14, s.f., « (…) vit que en senyal de verdadero et legitimo matrimonio se besaron ad invicem in signum amoris conjugalis segunt se dize en el present articulo ».

19 Éph. 5, 31-32.

20 Hancke 2007.

21 Hancke 2007 : 82-88.

22 ADZ, Causas civiles, Caja J-lig. 1-bis, 1418-1419, s.f., « (…) es verdat que esguardando que la dita Johannya tenia muytos et diversos enamorados, por evitar que ella no cayesse en qualquiere vergonya et provar si ternia capteniment de buena mullier / o no, que le dixo que si ella queria tener capteniment de buena muller (…) ».

23 ADZ, Causas civiles, Caja J-lig. 1-bis, 1418-1419, s.f., « (…) dixit quel dito Anthonio de Barbastro enamorandose de la dita Johanya vinia diversas vegadas a casa del dito su padre a comia et bevia alli ell y encara sus companyeros de casa, su amo Domingo Andres y senyaladament el dia de carnascultas del anyo xviii durmio en casa de la dita respondiente en una camanyena con el dito su padre e a su costado ».

24 Les faits sont connus par un article très intéressant et qui présente l’avantage de publier les documents concernant cette affaire, issus des archives de la Couronne d’Aragon, voir Conte Cazcarro 1986.

25 Les textes conservés par lesquels on connaît l’existence de cette affaire sont exclusivement des ordres royaux expédiés sous forme de lettres et de mandements par sa chancellerie.

26 Un libelle jactatoire est une proposition par laquelle le ou la plaignante nie être marié(e) ou promis(e) avec le défendeur à qui on reproche d’affirmer le contraire.

27 ADZ, Causas civiles, Caja A 22-66, 1527, s.f., « (…) y la dicha Angela de Villareal mi esposa respondio señores serreis testigos como/ ni el señor Diego de la Puent ni otro por el ma han sacado de casa de mi madre ni forçado ni engañado para que me saliese a casar con el sino que yo por mi propia voluntad me he querido salir y rruego se case conmigo que mas quiero casar con el (…) ».

28 ADZ, Causas civiles, Caja A 22-66, 1527, s.f., « Ytem mas dixo que despues de desposados, su madre, procurador y parientes me acusaron delante los señores inquisidores diziendo me habia casado dos vezes por desfazer el matrimonio de la dicha Angela de Villareal mi esposa y que estando alli preso me fazian parte su procurador y parientes y que me alimentaba estando estando preso por los inquisidores / y que agora me hagan parte por desfazer el dicho matrimonio » (article 13) et contre Angela « Ytem mas dixo que su madre y parientes la han aconsejado para que niege la verdat diziendole que si la confiesa, los inquisidores la açotaran por Çaragoça porque despues de desposado conmigo se ha tornado ha desposar / haziendole creer que yo no puedo probar el tal matrimonio » (article 15).

29 ADZ, Causas civiles, Caja A 22-66, 1527, s.f., « (…) estando la dicha Angela de Villareal mi esposa en casa de Anton de Gurrea su tio y (…) y de su madre yva dando vozes por los miradores de las dichas casas y otras estancias que le dieses a su marido que porque le tenia preso y no tenia culpa alguna porque ella me habia rogado me casase con ella quando se salio de casa de su madre y me fue a buscar » (article 11).

30 ADZ, Causas civiles, Caja A 22-66, 1527, s.f., « Ytem mas dixo que despues de desposados estando los dos en una cama como marido y muger entro Molina el verguero del vice-canciller y me prendio / y a la fazon que yo fue preso le dio une cierta persona un golpe en la cabeça y rrespondio la dicha Angela de Villareal aunque me mateis el es mi esposo y marido y por eso estoy con el » (article 9 de la pétition déposée par Diego del Puente).

31 ADZ, Causas civiles, Caja A 22-66, 1527, s.f., « Ytem mas dixo que despues de desposados por su madre y parientes ha seydo seduzida rrequerida y engañada con halagos, amenazas promesas y dadivas para que diga el contrario de la verdat ofresciendole la casarian con otro y que asi lo tenyan todo fecho y que se ha visto con la tal persona ».

32 ADZ, Causas civiles, Caja A-45, 1570.

33 Abascal Monedero 2009.

34 García Herrero 2007.

35 Charageat 2009 : 589-604 et 2011 : 166-171.

36 Martines 1998.

37 García Herrero 2007.

38 García Herrero 2007 : 61.

39 Voir Savall & Penen 1991, t. 1 : 315, cité dans García Herrero 2007 : 62.

40 AHPH, 1494, 261-3, s.f., « (…) Et con esto dize que si la dicha Violant de Lobaco madre de la dicha Johanna de Luch en el tiempo que el dicho mossen Arnalt de Luch la tenya  por manceba tenya enamorados o no  que no lo sabe de cierta sciencia Empero que era voz comun y Fama Publica en la dicha ciudat de Huesca que la dicha Violant de Lobaco en aquel tiempo tenya enamorados y que mas (...) no sabe ».

41 L’affaire est connue par le procès engagé par le procureur représentant la ville de Saragosse contre Maria, pour crime d’adultère. Le mari ne s’est pas porté accusateur à titre privé mais il a dénoncé les faits. Le procès est édité dans García Herrero1990,  vol. 2 : 220-232.

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Pour citer cet article

Référence papier

Martine Charageat, « Couples et amour en Aragon (xve-xvie siècle) »Clio, 34 | 2011, 41-60.

Référence électronique

Martine Charageat, « Couples et amour en Aragon (xve-xvie siècle) »Clio [En ligne], 34 | 2011, mis en ligne le 31 décembre 2013, consulté le 10 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/10226 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.10226

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Auteur

Martine Charageat

Martine Charageat est maître de conférence en histoire médiévale à l’Université de Bordeaux 3, ancien membre de la Casa de Velazquez, s’intéresse aux rapports entre société, pouvoirs et justice dans le royaume d’Aragon (xiiie-xvie siècle). A publié : La délinquance matrimoniale. Couples en conflit et justice en Aragon (xve-xvie siècle), Paris, PUS, 2011, et avec C. Leveleux-Teixeira, Consulter, délibérer, décider, Donner son avis au Moyen Âge (France-Espagne, viie-xvie siècle), Toulouse, Méridienne, 2010. m.charageat@free.fr

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