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Amandine Lauro (coord.), « Colonialismes »

Sextant. Revue du groupe interdisciplinaire d’études sur les femmes et le genre, n°25, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2008, 188 pages
Luc Capdevila
p. 296-298
Référence(s) :

Amandine Lauro (coord.), « Colonialismes », Sextant. Revue du groupe interdisciplinaire d’études sur les femmes et le genre, n°25, Bruxelles, Éditions de l’Université de Bruxelles, 2008, 188 pages

Texte intégral

1Les recherches consacrées à l’histoire des femmes et du genre dans les espaces colonisés se multiplient en français depuis une dizaine d’années. En 2008, la revue Sextant a consacré un numéro à ces problématiques en réunissant une douzaine d’enquêtes menées par des littéraires, des historiens et des politistes dans les contextes impériaux britannique, français, belge, néerlandais et portugais, de la fin du siècle aux années 1960/1970 voire au-delà. Les études interrogent autant les mondes coloniaux que les décolonisations et des situations postcoloniales. Deux ensembles thématiques majeurs sont abordés dans ce volume.

2Le premier concerne les expériences concrètes et le rôle joué par les femmes dans les processus de colonisation et de décolonisation – la diversité des approches conduisant à analyser autant des stratégies et des trajectoires de colonisées que des engagements et des parcours de colonisatrices. Marie Rodet interroge ainsi les archives judiciaires pour analyser les pratiques matrimoniales et migratoires des colonisées dans l’ex-Soudan français, observant en quoi elles ont eu recours à l’administration coloniale plutôt qu’à la justice indigène pour travailler à leur promotion sociale – alors qu’en créant une jurisprudence coutumière, le pouvoir colonial intervenait contre l’intérêt des femmes. Martine Spensky pour l’Empire britannique, Claudine Guiard (Algérie) et Simon Duteil (Madagascar) pour l’Empire français s’intéressent à la façon dont les Européennes ont été sollicitées et comment elles se sont engagées dans le projet impérial, certaines femmes de l’élite percevant dans cet engagement – avant la Première Guerre mondiale – l’accomplissement possible d’une citoyenneté alternative. L’objectif de l’administration coloniale, en favorisant l’émigration des femmes blanches dans les colonies de peuplement (Nouvelle-Zélande, Australie, Afrique du Sud, Canada, Algérie), était de limiter le risque « d’indigénisation » de la société coloniale. Mais, comme le souligne également Christelle Taraud, la moralité des Européennes, dont la fécondité apparaissait comme un enjeu national « de premier ordre », fit l’objet d’une surveillance particulière de la part de l’administration coloniale, inquiète par ailleurs des risques de contaminations infectieuses et « raciales » de la société blanche et de la métropole. Enfin, Dominique Dagenais étudie l’action originale et la montée en puissance des militantes du Front de libération du Mozambique (FRELIMO) au cours de la guerre de décolonisation menée contre le Portugal dans les années 1960, qui associe émancipation féminine et indépendance nationale ; Élodie Jauneau s’intéresse quant à elle à l’engagement des soldates françaises dans les équipes médico-sociales itinérantes et dans les Sections administratives spéciales (SAS) pendant la guerre d’Algérie.

3Ces jeux d’actrices sont aussi présents dans la création littéraire, qui constitue le deuxième volet du numéro et questionne le genre des discours coloniaux et de décolonisation, ou la prégnance du genre dans la construction de ces discours. Sont ainsi analysées la participation des Européennes aux courants de la littérature coloniale belge (Vanessa Gemis) et néerlandaise (Stéphanie Loriaux) et l’aspiration des auteures à réformer et assainir la société coloniale ; les postures et les stratégies des romancières du Maghreb contemporain pour s’affranchir des stéréotypes orientalistes et coloniaux et décoloniser les imaginaires sont étudiées par Christine Détrez ; tandis que Clara Palmiste montre que les féministes socialistes guadeloupéennes qui s’expriment dans la presse des années 1920 puisaient dans la mémoire de l’esclavage pour, en dénonçant le système colonial du siècle passé, mettre en évidence leur oppression dans le présent, et gagner leurs compagnons à leur cause. C’est aussi à partir de l’analyse sexuée des textes que Christelle Taraud isole la prégnance de la virilité dans le processus de conquête et de colonisation de l’Algérie au xixe siècle. De même, Pedro Monaville, en étudiant le viol des femmes blanches au Congo en juillet 1960 par des soldats mutinés et les mots et les paroles qui ont suivi, interroge, à travers le renversement factuel de la violence coloniale, le sexe de la décolonisation.

4L’étude des femmes actrices dans les contextes coloniaux, de leurs engagements et de leurs motivations, et l’analyse des discours qui leur sont associés convergent ainsi vers une histoire des corps surveillés, ethnicisés et violentés. La description des expériences concrètes de la colonisation puis de la décolonisation permet en effet d’observer en quoi les rapports de classe, de race et de genre s’articulent, sont imbriqués dans les imaginaires et dans les faits, comme le précise Amandine Lauro en introduction, et ne peuvent être dissociés les uns des autres. De ce fait, parmi les nombreux apports de ce numéro, on retiendra en particulier, à travers le choix de la pluridisciplinarité intrinsèque aux études de genre, la capacité à diversifier les catégories sociales et les groupes ethniques pour étudier les femmes et le genre en situation coloniale.

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Pour citer cet article

Référence papier

Luc Capdevila, « Amandine Lauro (coord.), « Colonialismes » »Clio, 33 | 2011, 296-298.

Référence électronique

Luc Capdevila, « Amandine Lauro (coord.), « Colonialismes » »Clio [En ligne], 33 | 2011, mis en ligne le 01 mai 2013, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/clio/10131 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/clio.10131

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Auteur

Luc Capdevila

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