Cet article rend compte de mon immersion ethnographique dans une administration camerounaise en charge du recouvrement de la taxe minière et de l’usage clandestin de la photographie pour documenter le travail de ses agents. Il explicite les conditions de production des images, de leur usage comme support d’entretien et les enjeux éthiques qui ont émergé dans les relations d’enquête sur le terrain. Dans ce contexte de recherche sous pression, la prise de vue de façon clandestine est une tactique qui permet à l’enquêteur de gérer le risque latent de fermeture du terrain, de maintenir des relations peu suspicieuses avec les agents publics et d’enregistrer rapidement certains aspects des réalités observées. L’exploitation des images dans les situations d’entretien a également permis de générer des situations de paroles sur les tensions et les pratiques informelles sous-jacentes aux rapports des agents publics et des exploitants miniers. Mais quelle que soit sa portée heuristique, cette pratique photographique clandestine pose un problème déontologique dans les relations d’enquête de l’ethnographe. L’analyse réflexive que le chercheur se doit alors d’opérer contribue au processus de construction éthique vis-à-vis des enquêtés.
This article describes my ethnographical immersion in a Cameroonian administration in charge of collecting mining taxes, and my clandestine use of photography to document its agents’ work. It describes the conditions in which the images are produced, how they are used as a basis for interviews, and the ethical issues related to relations during research in the field. In this context of research conducted in a tense environment, the act of taking photos clandestinely is a tactic which allows an investigator to manage the inherent risk of the ethnographic field being closed, maintaining innocuous-seeming relations with public officials, and being able to quickly document specific aspects of what they observe. The use of these images during interviews also made it possible to create situations to discuss the tensions and informal practices underlying the relations between the public officials and mine operators. Yet regardless of its heuristic value, this practice of clandestine photography raises a deontological problem in terms of the ethnographer’s research relations. The reflexive analysis which the researcher has to conduct thus contributes to the process of ethical construction in relation to the respondents.
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Plan
Introduction
La photographie, source de tensions entre l’ethnographe et les agents de l’Etat
Documenter, photographier et observer le quotidien d’une agence minière
Se risquer à saisir, par la photographie clandestine, l’activité d’une brigade minière
Malaise ethnographique et négociation éthique dans les interactions
Conclusion
Aperçu du début du texte
Introduction
Au début des années 2000, l’Etat du Cameroun a entrepris de mettre en valeur le secteur minier afin d’en faire un levier stratégique de la relance de l’économie nationale. A cet effet, il a élaboré une nouvelle législation minière et a créé, en 2003, une structure chargée du suivi quotidien de l’activité et de la collecte de la taxe minière auprès des exploitants miniers. Dans ma recherche doctorale sur la réforme de la politique minière et le gouvernement de la production aurifère par l’Etat, j’interroge la manière dont les agents publics réalisent le recouvrement de la taxe minière auprès des opérateurs miniers. Or, mener une enquête ethnographique sur le travail des agents de la bureaucratie minière ne va pas de soi, car la question de la fiscalité minière représente un « secret d’Etat ». Sur le terrain, les relations avec les agents publics sont fortement marquées du contrôle de la parole, comme de nombreux chercheurs explorant des objets sensibles en font l’expérien...
Merlin Ottou, « Photographie clandestine et défis éthiques d’une ethnographie de la bureaucratie minière », Civilisations, 72 | 2023, 153-167.
Référence électronique
Merlin Ottou, « Photographie clandestine et défis éthiques d’une ethnographie de la bureaucratie minière », Civilisations [En ligne], 72 | 2023, mis en ligne le 01 janvier 2027, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/civilisations/7796 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12t9a
Doctorant-lauréat de la bourse FRIA (FNRS) au Laboratoire d’anthropologie sociale et culturelle (LASC) à l’Université de Liège (ULiège). Sa recherche doctorale porte sur la réforme de la politique minière et le gouvernement des mines au Cameroun. Il s’intéresse tout particulièrement au travail des agents de la bureaucratie minière et aux micropolitiques qui émergent des interactions avec les exploitants miniers impliqués dans la production de l’ordre dans les sites d’extraction aurifère et la fabrique des statistiques de la production minière | Laboratoire d’anthropologie sociale et culturelle (LASC), ISSR, Université de Liège, Place des Orateurs 3, bâtiment B31, 4000 Liège, Belgique – PM.Ottou[at]uliege.be
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