Présentation et historique
Notes de l’auteur
Pierre Petit, directeur de la revue Civilisations
Bruxelles, 27 juin 2019
Présentation
Civilisations publie des articles relevant des différents champs de l’anthropologie, sans exclusive régionale ou temporelle. La revue s’engage à promouvoir particulièrement la publication de textes où les approches de l’anthropologie, de l’histoire et de la sociologie se renforcent mutuellement, révélant ainsi les processus de construction des sociétés. Outre cet intérêt pour les dynamiques culturelles, Civilisations entend soutenir la réflexion sur la démarche anthropologique dans ses rapports avec les autres sciences humaines. Un thème est mis à l’honneur dans chaque numéro mais des varia sont les bienvenus.
Historique
Beaucoup de lecteurs se demandent pourquoi la revue porte un nom qui a pratiquement disparu du vocabulaire usuel des sciences humaines et sociales, sinon peut-être dans l’acception spécifique que lui a donnée Norbert Elias dans ses écrits. Pourquoi donc « Civilisations » ?
L’origine de l’appellation est, comme toujours, intéressante. La revue Civilisations est née en janvier 1951 comme organe de l’Institut International des Sciences Politiques et Sociales Appliquées aux Pays de Civilisations Différentes, lui-même issu en 1948 d’une refonte de l’Institut Colonial International (fondé en 1894). En 1954, l’institut sera rebaptisé « Institut International des Civilisations Différentes » (INCIDI). Cette association basée en Belgique avait pour mission, dans les années 1950 et 1960, de favoriser l’étude des situations de contacts interculturels et d’agir comme forum de discussion sur cette problématique, notamment avec des représentants des pays du Sud sur la voie des indépendances. Outre des articles sous forme de varia, la revue intégrait de nombreux comptes rendus, documents, bibliographies et une volumineuse chronique trimestrielle d’information sur les évolutions sociopolitiques de l’Afrique, de l’Asie et de l’Amérique latine. Parmi les auteurs ayant contribué à cette première décennie figuraient John Middleton, Mohamed Aziz Lahbabi, Clyde Kluckhohn, Lucio Mendieta y Núñez, Daryll Forde et John Beattie.
Cette orientation par certains côtés progressiste, à une période où la situation coloniale était peu questionnée dans ses fondements politiques et sociaux, où les élites issues des pays colonisés avaient rarement voix au chapitre, constitue un moment important de l’histoire des sciences humaines dans les pays du Sud. En cette époque, le « s » du pluriel de « Civilisations » n’allait pas de soi car le mot désignait la civilisation occidentale et quelques « hautes cultures » de par le monde, comme celles de la Rome antique et de la Chine. En donnant une portée universelle au mot « civilisation », les fondateurs de la revue soulignaient la commune dignité des sociétés humaines. Replacée dans son époque historique, l’appellation témoigne d’une posture fondatrice digne de considération.
Après le milieu des années 1960, alors que les indépendances avaient pour la plupart été acquises dans les anciennes colonies, l’Institut amorça un déclin dans son rôle de cénacle international, jusqu’à sa mise en liquidation, faute de subsides, en 1982. A l’inverse, la revue a gardé sa vitesse de croisière inchangée jusqu’en 1980, consacrant l’essentiel de ses pages aux problèmes sociaux et politiques de ce que l’on appelait à l’époque le « Tiers-Monde ». Alors même que l’INCIDI allait disparaître, son secrétaire Jean-Paul Harroy réussit à sauver la revue en assurant sa reprise par l’Institut de Sociologie de l’Université libre de Bruxelles, initiative salutaire certes mais qui s’accompagna d’un recentrement autour de ce même Institut, alors que la revue était plus interuniversitaire et plus internationale auparavant. Dans la foulée, la revue cessa la publication de varia au profit de numéros thématiques, et ce dès le volume 31 consacré au populisme (1981).
Cette formule a fonctionné pendant vingt ans, mais la publication ininterrompue d’actes de colloques ou de numéros spéciaux dans des perspectives disciplinaires variées a entraîné, au cours du temps, une indétermination de plus en plus prononcée des objectifs de la revue, objectifs qui ont été reprécisés au sein du nouveau comité éditorial mis en place en 2002 et composé principalement d’anthropologues. A partir de 2004 (volume 51), la revue s’est dotée d’un sous-titre (Revue internationale d’anthropologie et de sciences humaines) témoignant de son intention de continuer le dialogue avec d’autres sciences humaines, et tout singulièrement avec la sociologie et l’histoire, pour mieux comprendre par l’interdisciplinarité les processus de construction des sociétés.