Navigation – Plan du site

AccueilNumérosVol. 18, n°1Comptes rendusFrédéric Chauvaud (dir.), Le droi...

Comptes rendus

Frédéric Chauvaud (dir.), Le droit de punir. Du siècle des Lumières à nos jours

Rennes, PUR, « Histoire », 2012, 200 pp., ISBN 978-2-7535-1796-7.
Ludovic Maugué
p. 153-154
Référence(s) :

Frédéric Chauvaud (dir.), Le droit de punir. Du siècle des Lumières à nos jours, Rennes, PUR, « Histoire », 2012, 200 pp., ISBN 978-2-7535-1796-7.

Texte intégral

1Réunissant douze contributions qui s’étendent du siècle des Lumières à nos jours, précédé d’une solide introduction conceptuelle de Frédéric Chauvaud, ce livre collectif multiplie les approches pluridisciplinaires afin d’interroger l’histoire du droit de punir comme son actualité. À l’aune de leurs compétences respectives, les historiens, magistrats, juristes et psychologues qui collaborent à cet ouvrage examinent les fondements du droit de punir, les fonctions de la peine et la pénalité à l’œuvre selon trois entrées thématiques :

2I. Le droit de punir en question. Le droit de punir est tout d’abord sondé dans ce qu’il a de plus solennel et intimidant : la peine de mort, bien que maintenue au temps des Lumières, connaît un effritement sensible à partir de 1750, qui témoigne d’une valeur nouvelle accordée à la vie humaine. Libéral et utilitaire, humaniste et compassionnel, selon Michel Porret, ce « socle de la modération pénale » émerge avec l’affirmation d’une philosophie du respect de l’individu et de la personne. Éric Gojosso s’attache ensuite à montrer comment la France parvient à renverser les fondements du droit de punir traditionnel dans la Cochinchine française à la fin du XIXe siècle, tandis que Jean-Paul Jean, en mesurant l’inflation des infractions recensées entre le code pénal de 1810 et aujourd’hui, suit les transformations dans la fonction et la façon de punir. L’intime conviction, considérée en tant qu’élément psychologique du droit de punir, est enfin examinée par Alain Ducousso-Lacaze et Marie-José Grihom qui s’intéressent à la part de subjectivité du magistrat dans un dossier actuel de viol par ascendant.

3II. La volonté de connaître et le désir de pardonner. En revenant sur la volonté de connaître les personnalités des criminels et en restituant l’évolution des théories cliniques de l’aliénation mentale, Marc Renneville constate que la rencontre du droit et de la science de l’homme a engendré un processus d’acculturation qui a façonné en profondeur notre système judiciaire contemporain. Revisitant le contexte de la création des colonies agricoles et pénitentiaires au XIXe siècle, Jean-Jacques Yvorel étudie le « grand enfermement des enfants » et observe une « surpénalisation » des mineurs qui se voient alors plus sévèrement sanctionnés que les adultes. Mais la jeunesse – à condition qu’elle soit repentante – peut parfois provoquer la clémence, comme le montre Edwige de Boer sur la base de dossiers de recours en grâce de jeunes au XIXe siècle. Jean-Claude Vimont conclut cette seconde partie en examinant le traitement réservé aux récidivistes entre 1946 et 1970, et constate l’échec global des politiques de réinsertion des relégués.

4III. Les cibles de la répression pénale et les limites de la « punissabilité ». Supplantant dans l’imaginaire collectif la figure du monstre jusqu’alors incarnée par le parricide, le criminel sexuel est au cœur des contributions proposées par Anne-Claude Ambroise-Rendu et Jean-Pierre Allinne. La progression des pénalités prévues et les usages successifs des tribunaux révèlent l’émergence de l’intérêt accordé à la victime et permettent d’appréhender la construction de la dangerosité des auteurs de violences sexuelles. À l’heure du « triomphe de l’individualisme juridique, dans lequel la défense de la personne l’emporte sur la défense du projet sociétal collectif », la question du sens de la peine infligée aux agresseurs sexuels et celle de leur guérison se posent avec une acuité nouvelle. La tension entre justice de punition et justice de guérison, comme l’impact des thèses foucaldiennes quant à la notion de dangerosité retiennent enfin l’attention de Jean-Christophe Coffin puis de Michel Massé, lesquels interrogent le principe de responsabilité pénale des malades mentaux.

5Corollaire de la pluridisciplinarité souhaitée par l’éditeur, le foisonnement des sujets abordés renforce la cohérence de cet important ouvrage en proposant une approche diachronique d’une question qui a régulièrement été et demeure l’objet de controverses, de propositions de loi et de demandes de réformes.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Ludovic Maugué, « Frédéric Chauvaud (dir.), Le droit de punir. Du siècle des Lumières à nos jours »Crime, Histoire & Sociétés / Crime, History & Societies, Vol. 18, n°1 | 2014, 153-154.

Référence électronique

Ludovic Maugué, « Frédéric Chauvaud (dir.), Le droit de punir. Du siècle des Lumières à nos jours »Crime, Histoire & Sociétés / Crime, History & Societies [En ligne], Vol. 18, n°1 | 2014, mis en ligne le 02 mars 2015, consulté le 14 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chs/1475 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chs.1475

Haut de page

Auteur

Ludovic Maugué

Université de Genève

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search