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DOSSIER

Des amours bisexuelles dans le Paris des années 1920 aux années 1940 : le parcours de Charlotte

Anne-Claire Rebreyend
p. 51-64

Résumé

Cet article s’appuie sur le récit autobiographique de Charlotte, qui relate un parcours amoureux bisexuel dans le Paris des années 1920 aux années 1940. Il permet de s’interroger sur la nature des sources et les méthodes mises en œuvre pour faire l’histoire des pratiques bisexuelles. Il conduit aussi à réfléchir à la notion d’identité sexuelle. Enfin, il brosse un tableau de la liberté des mœurs sexuelles dans le milieu bourgeois-bohème parisien.

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Texte intégral

  • 1 Ernest Hemingway, Paris est une fête, Paris, Gallimard, 1979. Le roman s’inspire du séjour parisien (...)
  • 2 Christine Bard, Les garçonnes. Modes et fantasmes des Années folles, Paris, Flammarion, 1998.
  • 3 Florence Tamagne, Histoire de l’homosexualité en Europe. Berlin, Londres, Paris, 1919-1939, Paris, (...)
  • 4 Shari Benstock, Femmes de la rive gauche. Paris 1900-1940, Paris, Éditions des femmes, 1987.
  • 5 Ce texte provient du fonds de l’Association pour l’autobiographie et le patrimoine autobiographique (...)

1« Paris est une fête » proclame Hemingway1, fasciné par la liberté des mœurs parisiennes dans l’entre-deux-guerres. Il est vrai que la vie festive, la tolérance et surtout l’anonymat de la capitale française, permettent à des femmes de vivre plus librement leurs amours homosexuelles ou bisexuelles que dans les petites villes ou les villages de province. La visibilité lesbienne est réelle dans le Paris des années 1920, où la mode de la garçonne séduit nombre de femmes, et parmi elles des homosexuelles ou des bisexuelles qui en font un signe de reconnaissance2. Dans les années 1940, le climat se durcit, imposant plus de discrétion à ces femmes dont le comportement ne correspond pas aux normes de la conjugalité et de la maternité3. Si l’on connaît bien la vie et les amours de lesbiennes et/ou bisexuelles célèbres à Paris comme Natalie Clifford Barney, Sylvia Beach, Gertrude Stein, Alice B. Toklas ou Colette4, il est plus difficile de retracer les désirs et les plaisirs de femmes anonymes. En effet, les sources disponibles pour faire l’histoire des lesbiennes et/ou des bisexuelles sont difficiles à trouver, parcellaires, parfois tronquées. On peut cependant se référer aux sources judiciaires et policières, et surtout, aux archives autobiographiques (correspondances, journaux intimes, récits autobiographiques) qui laissent entendre la voix de ces femmes et met au jour leurs pratiques et leurs représentations amoureuses et sexuelles. Le récit autobiographique de Charlotte permet ainsi de retracer minutieusement un parcours amoureux bisexuel dans le Paris des années 1920 aux années 19405.

2Née en 1907 à Saint-Cloud, dans un milieu bourgeois catholique, Charlotte poursuit des études de lettres, tout en travaillant. À la fin des années 1920, elle rencontre une femme de son âge, Marie, issue de l’aristocratie et enseignante de piano. Toutes deux fondent une école de musique et vivent ensemble à Paris jusqu’à la mort de Marie, d’un cancer, en 1940. En 1932, Charlotte est également séduite par Petru, un homme d’affaires quinquagénaire marié. De leurs rencontres épisodiques naît un fils en 1936. Charlotte décide de l’élever avec Marie, mais l’enfant décède également en 1940. Un peu plus d’un an après ces épreuves, Charlotte monte une fabrique de bijoux et fait la connaissance de Zora, une étudiante juive d’origine roumaine avec qui elle partage sa vie durant plusieurs décennies.

3Son texte, mis en regard avec des journaux intimes et des romans autobiographiques de contemporaines (Mireille Havet, Anaïs Nin, Violette Leduc), suscite une réflexion sur la nature des sources et les méthodes mises en œuvre pour faire l’histoire des pratiques bisexuelles. Quel sens Charlotte veut-elle donner à son récit ? Comment qualifie-t-elle ses désirs et ses plaisirs ?

La question de l’identité sexuelle

  • 6 Philippe Lejeune, Le pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1996.

4Charlotte, âgée de quatre-vingt-douze ans au moment de l’écriture de son autobiographie, souhaite laisser « un témoignage authentique et limpide ». Elle s’inscrit donc dans une lignée d’autobiographes qui affirment très clairement leur « pacte autobiographique », selon l’expression de Philippe Lejeune, et qui ne souhaitent ni se présenter comme un modèle à suivre (récit exemplaire), ni se plaindre d’une vie trop difficile (récit de persécution)6. Chez Charlotte, c’est plutôt l’envie de témoigner d’une époque révolue, celle de sa jeunesse, qui l’emporte dans le récit qu’elle nous fait au fil de plus de cinq cents pages d’une écriture élégante et souvent enjouée.

5Contrairement à d’autres auteurs d’autobiographie, Charlotte ne met pas en regard le temps présent de l’écriture et celui, passé, des événements vécus ; elle ne porte pas de jugement sur sa jeunesse en fonction des représentations contemporaines de l’amour ou de la sexualité. Ainsi, bien qu’elle ait vécu successivement avec deux femmes, qu’elle ait eu des liaisons avec des hommes et mis au monde un enfant hors mariage, Charlotte ne s’inscrit dans aucune des catégories sexuelles habituelles : elle ne se réfère ni à l’hétérosexualité, ni à l’homosexualité, pas davantage à la bisexualité.

  • 7 Sharon Marcus, « Quelques problèmes de l’histoire lesbienne », dans Didier Éribon (dir.), Les étude (...)

6Son témoignage donne l’occasion de revenir sur quelques débats historiographiques au sein des études féministes et lesbiennes, en particulier sur celui de la question de « l’identité » lesbienne (qui se pose dans les mêmes termes pour les homosexuels) et de la « preuve » de pratiques sexuelles génitales (qui est plus spécifique aux études lesbiennes)7. Une lesbienne est-elle une femme qui a, avant tout, des relations sexuelles avec d’autres femmes, ou une femme qui partage simplement sa vie sentimentale avec d’autres femmes ? Et qu’entend-on exactement par le fait d’avoir des relations sexuelles ? Quel type de « preuve » cherche-t-on pour affirmer qu’une femme peut être qualifiée de lesbienne ou de bisexuelle ? On notera au passage que de telles « preuves » ne sont jamais sollicitées pour affirmer une « identité » hétérosexuelle. Alors, plutôt que de rechercher des supposées « preuves » dans les textes, il s’agit peut-être d’être sensible aux non-dits, aux silences et aux hésitations.

  • 8 Karen Duder, « Public Acts and Private Languages : Bisexuality and the Multiple Discourses of Const (...)

7C’est encore plus vrai pour faire l’histoire de la bisexualité. L’historienne canadienne Karen Duder note que les documents attestant d’une intimité entre femmes au début du xxe siècle sont rarement explicites au sujet des relations physiques. En outre, il s’agit bien souvent de femmes ayant vécu maritalement une partie de leur vie. Du coup, l’analyse des sources a souvent été réduite à deux visions opposées : certaines historiennes du lesbianisme interprètent l’expression de relations romantiques entre femmes dans le sens d’une « identité » lesbienne réprimée, et réduisent les relations hétérosexuelles à un désir de respectabilité. Inversement, des études biographiques suppriment les références suggérant davantage qu’une simple amitié entre femmes, et préfèrent y voir une part émotionnelle (mais non sexuelle) du style de vie de la « nouvelle femme ». Renvoyant dos à dos ces lectures « hétérocentrées » ou « homocentrées » des sources, Karen Duder constate que les parcours individuels bisexuels ont souvent été relégués dans l’ombre. Elle démontre que faire leur histoire est cependant possible en analysant les journaux intimes et la correspondance de Constance Grey Swartz, une anglophone de la classe moyenne canadienne, aimant les deux sexes dans la première moitié du xxe siècle8. Le parcours de Charlotte dans le Paris bourgeois-bohème des années 1920 aux années 1940 mérite la même attention.

  • 9 APA, p. 414, p. 296.
  • 10 Christine Bard, Les garçonnes…, op. cit., p. 96.
  • 11 Attirée par June Miller, la diariste se demande si elle est une lesbienne et discute de la question (...)
  • 12 Florence Tamagne, Histoire de l’homosexualité…, op. cit., p. 265 et « L’identité lesbienne : une co (...)

8Charlotte n’utilise jamais les termes « lesbienne » ou « homosexuelle », ni à son sujet, ni pour qualifier les femmes qui l’entourent. Elle n’a pas davantage recours au terme « bisexuelle ». Elle se contente de préciser à propos d’une « jolie manucure brune », connue en 1939, qu’elle est visiblement « pour femmes »9. Au début du xxe siècle, les termes inventés par le discours médical et ceux utilisés publiquement pour décrire les relations entre femmes restent largement négatifs. Le mot « lesbienne », par exemple, se répand dans les années 1920, mais il garde des connotations pornographiques, et les contemporains lui préfèrent l’usage de périphrases ou le terme de garçonne10. Cela dit, Charlotte vit entre le Paris bohème et le Paris bourgeois, fréquente de nombreux artistes d’avant-garde (musiciens, peintres) et rencontre des femmes aux mœurs lesbiennes et bisexuelles, ayant sûrement eu vent des nouvelles théories médicales sur le lesbianisme. Celles-ci sont notamment diffusées dans le cercle des artistes et des écrivains expatriés américains que fréquente la diariste Anaïs Nin à partir du début des années 193011. Il est vrai que, contrairement à cette dernière qui aime s’encanailler au Monocle, Charlotte ne fréquente pas les lieux lesbiens à la mode. Il est d’ailleurs fort possible que les femmes de son entourage n’aient pas du tout repris le terme « lesbienne » à leur compte. Comme le note Florence Tamagne, « plus encore que l’identité homosexuelle, l’identité lesbienne est en construction dans l’entre-deux-guerres »12. Les lesbiennes, qui bénéficient d’une tolérance judiciaire plus grande que les homosexuels, se coulent plus facilement dans la normalité sociale. Cette relative tolérance à leur égard n’a donc pas facilité la constitution d’une communauté lesbienne solidaire et militante, comme c’est le cas pour les homosexuels. Des femmes peuvent donc vivre leurs amours féminines sans se soucier d’y mettre un nom.

  • 13 Lilian Faderman, Odd Girls and Twilight Lovers : A History of Lesbian Life in Twentieth-Century Ame (...)
  • 14 Jonathan Katz, L’invention de l’hétérosexualité, Paris, EPEL, 2001 ; Louis-Georges Tin, L’invention (...)
  • 15 Esther Newton, Carol Smith-Rosenberg, « Le mythe de la lesbienne et la “femme nouvelle” : pouvoir, (...)

9En même temps, le début du xxe siècle annonce la fin de l’acceptation des amitiés féminines telles qu’elles étaient vécues au siècle passé. La sexologie donne naissance à un discours qui pense désormais ces relations en termes de déviance. L’expression de l’affection et de l’attraction entre femmes ne paraît plus ni naturelle ni noble, mais devient plutôt le signe de l’anormalité, aussi bien congénitale que psychologique. De ce fait, les femmes aux pratiques lesbiennes et bisexuelles doivent trouver d’autres voies pour se définir en tant que sujets sexuels, soit en relation, soit en opposition avec les nouveaux discours médicaux13. Des historiens voient dans les premières décennies du xxe siècle un moment de renforcement de l’hétérosexualité normative avec une radicale opposition entre hétérosexualité et homosexualité mise en place par la sexologie, et une valorisation accrue de l’hétérosexualité en tant que sexualité normale et culture dominante14. L’exaltation du mariage d’amour, l’importance accrue de l’érotisme au sein du couple conjugal, le natalisme exacerbé dans la France de l’après-guerre, seraient autant de manifestations tangibles d’une certaine vision de l’hétérosexualité dominante. Au même moment, le féminisme et les figures modernes de la « femme nouvelle » et de la « garçonne » sont associés au lesbianisme, tant dans la culture populaire que dans les discours médicaux et politiques15.

  • 16 Quant au discours de l’Église sur l’homosexualité, il ne semble guère toucher Charlotte qui se reve (...)
  • 17 Florence Tamagne, Histoire de l’homosexualité…, op. cit., p. 265-269 ; Esther Newton, « The Mythic (...)

10Il faut préciser toutefois que, d’après les sources autobiographiques, les théories médicales ont peu d’impact sur le grand public dans la France du début du xxe siècle16. Les discours médicaux sur « l’inversion » sont pourtant vulgarisés, par exemple dans le célèbre roman de Radclyffe Hall, traduit en français en 1928 sous le titre Le puits de solitude, et facile à trouver dans le Paris bohème : l’héroïne, Stephen Gordon, découvre son homosexualité en lisant des ouvrages médicaux ; elle utilise le travestissement et le renversement du genre pour symboliser la sexualité lesbienne et se présente comme l’archétype de la vraie lesbienne masculine et active (mannish, butch) par opposition à la pseudo-homosexuelle, d’apparence plus féminine et passive17. Ce livre, devenu le symbole de toute une génération de lesbiennes, paraît au moment où Charlotte fait la connaissance de Marie, mais n’est nullement cité dans son récit. L’a-t-elle lu ? En a-t-elle au moins entendu parler ? Ou faut-il voir dans son silence un acte de résistance face à ces nouvelles théories sur la vraie lesbienne ?

  • 18 Anaïs Nin s’habille de manière très excentrique, mais ne déroge jamais aux normes de la féminité. E (...)
  • 19 Mireille Havet, Journa1 1918-1919, Paris, Éditions Claire Paulhan, 2003, p. 77, p. 151-152.
  • 20 Marie-Jo Bonnet, « Claude Cahun a-t-elle raté son entrée dans le monde ? », dans Louis-Georges Tin (...)
  • 21 Ce que souligne Marie-Hélène Bourcier dans Queer zones. Politiques des identités sexuelles, des rep (...)

11Au début des années 1920, Charlotte refuse de se faire couper les cheveux « à la garçonne » comme le lui conseille une amie férue de mode. Elle garde ses cheveux attachés sur la nuque avec un ruban et s’habille de robes sobres. Elle est attirée par des femmes et des hommes correspondant aux normes physiques de la féminité et de la masculinité de son époque. Femme discrète, elle évite l’excentricité et le scandale, contrairement à Anaïs Nin qui aime jouer à la femme fatale18 ou à la poétesse Mireille Havet, qui cultive une allure de jeune dandy (cheveux rasés dans la nuque, canne de jonc, cravate mauve) et s’adonne à l’opium19. Elle est très loin aussi de l’artiste Claude Cahun qui remet en question les identités de sexe et de genre dans ses autoportraits des années 1920-1940, où elle se représente tantôt en homme, tantôt en femme, la tête rasée20. Faisant partie de la bourgeoisie catholique et amoureuse de femmes issues des classes supérieures, Charlotte reste étrangère à la culture butch/fem qui prédomine chez les ouvrières – même si elle existe aussi dans la sphère bourgeoise avec des codes de respectabilité qui la rendent moins visible et plus esthétique que politique21.

  • 22 Claudie Lesselier, « Formes de résistances et d’expression lesbiennes dans les années 1950 et 1960 (...)

12Bien qu’elle ait pu en avoir connaissance, Charlotte n’utilise pas non plus le langage de la sexologie et ne cherche pas à savoir si ses pratiques sexuelles sont, sinon « anormales », du moins spécifiques : le lesbianisme est-il un concept abstrait qu’elle ne met pas en relation avec son expérience quotidienne durant l’entre-deux-guerres ? Est-elle restée indifférente à la notion « d’identité » lesbienne ou bisexuelle, comme de nombreuses femmes de sa génération22 ? C’est possible. Pourtant Charlotte écrit au début des années 1990 et ne peut plus ignorer, dès lors, le développement du militantisme gay et lesbien depuis les années 1970. Elle continue cependant de faire référence à ses goûts sexuels d’une manière qui apparaissait déjà datée dans l’entre-deux-guerres. C’est particulièrement frappant dans le commentaire du début de sa relation amoureuse avec Marie :

  • 23 APA, p. 266.

13« J’avais imaginé sans trop y croire que mon esquif, comme celui de tant d’autres finirait par m’embarquer sans enthousiasme vers une Cythère conjugale banale et sécurisante. Et voilà que je découvrais tout à coup les rives de Mytilène l’enchanteresse. Je compris que c’était là mon port d’attache pour toujours. Avec toute l’assurance de mes forces impulsives et peut-être génétiques (malgré quelques futures et brèves escapades qui me ramenèrent vers ces plages merveilleuses). Aurais-je entrevu selon la formule de Colette que “Ces plaisirs que l’on nomme à la légère physiques” vont bien au-delà et que le cœur et l’esprit y participent tout autant. »23

14La citation de Colette et la référence à Sappho (née à Mytilène) suggèrent que Charlotte se sent plus proche des idées de Natalie Clifford Barney, de Colette et d’autres célébrités du saphisme Belle Époque, que de celles de Radclyffe Hall, des médecins et des lesbiennes garçonnes de l’entre-deux-guerres. Charlotte, qui est licenciée en lettres, partage cette fascination, très littéraire, pour le saphisme Belle Époque, même si on peut noter une brève et hésitante référence au discours médical sur « l’inverti congénital ». Se demandant si son attirance pour Marie est pulsionnelle ou génétique, l’autobiographe se garde bien de trancher, et affirme immédiatement que les hommes ne l’ont pas laissée indifférente non plus. Charlotte prend soin de préciser que son « port d’attache » demeure une femme, tandis que les hommes ne figureront que comme des « escapades » de passage. Il est évident que ses histoires d’amour avec des femmes ont davantage de continuité dans le temps et l’ont plus profondément marquée, mais cela ne signifie pas que ses aventures masculines n’aient pas eu d’importance, ni de sens à ses yeux. Au vrai, bien plus qu’une affirmation d’une supposée « identité » lesbienne ou bisexuelle, ce texte constitue un véritable hommage à Marie, la première compagne de Charlotte. Leurs amours naissantes sont placées sous le signe du saphisme Belle Époque et, du coup, sur le même plan que celles de Natalie Clifford Barney et de Renée Vivien. Le parallèle est d’autant plus frappant que Charlotte écrit son texte des années après les événements, en sachant bien que le destin de Marie, à l’instar de celui de la poétesse Renée Vivien, sera bref et tragique.

Désirs et plaisirs bisexuels

15Charlotte n’est pas opposée au principe du mariage, et s’en fait une idée romantique comme nombre de jeunes filles de sa génération, mais l’être d’exception avec qui elle accepterait de partager sa vie, elle le trouve en la personne de deux femmes. Elle mène successivement une vie de couple avec Marie, puis Zora, qui ne diffère guère, à première vue, d’un mode de vie hétérosexuel conjugal : seule la mort la sépare de ses deux compagnes ; elle élève son bébé avec Marie ; elle revendique la fidélité comme une valeur importante.

  • 24 Florence Tamagne, Histoire de l’homosexualité…, op. cit., p. 328.
  • 25 Il faut cependant relativiser la tolérance des artistes avant-gardistes vu les propos homophobes de (...)
  • 26 La Garçonne de Victor Margueritte choque surtout parce qu’elle est issue d’une famille bourgeoise r (...)

16En outre, elle ne mentionne aucune pression sociale ou familiale, ce qui aurait été différent dans une petite ville ou un village. Comme le remarque Florence Tamagne, « un homosexuel bohème, vivant dans une capitale européenne, ne rencontrait qu’occasionnellement des manifestations d’hostilité »24. L’ouverture d’esprit est particulièrement large dans les milieux artistiques d’avant-garde que fréquentent Charlotte et ses deux amies, surtout dans le cas de l’homosexualité féminine25. Fait remarquable, l’autobiographe ne distingue pas l’entre-deux-guerres de la période de Vichy, pourtant réfractaire aux amours qui sortent de la norme conjugale et familiale : ce qui inquiète Charlotte à cette époque, ce n’est pas le fait de vivre avec une femme, mais que cette femme, Zora, soit juive. L’entourage familial bourgeois de Charlotte est également compréhensif, ce qui ne va pas de soi26 : son père reconnaît le couple qu’elle forme avec Marie, puis avec Zora ; sa mère finit également par admettre son style de vie. Les parents, qui sont séparés, résident à Saint-Cloud, alors que Charlotte vit au centre de Paris : les deux mondes n’interfèrent pas.

17Mais loin des rôles sexués figés du couple conjugal, Charlotte insiste sur l’interchangeabilité des rôles amoureux au sein du couple féminin. Si Marie adopte un rôle actif de séductrice et d’initiatrice, c’est d’abord sa discrétion, son calme et sa douceur qui séduisent Charlotte. De même, l’autobiographe insiste sur sa « complémentarité » avec Zora. S’estimant un peu trop sérieuse, elle apprécie le tempérament imprévisible, dynamique voire sauvage de Zora. Enfin, elle accorde une grande importance à la fidélité alors que sa jeune compagne cultive son indépendance.

  • 27 APA, p. 310.

18Dans le cas des liaisons hétérosexuelles de Charlotte, les rôles sont plus clairement définis. Ce sont toujours les hommes qui prennent l’initiative de la séduction. En 1932, Charlotte, âgée de vingt-cinq ans, s’éprend de Petru, un riche homme d’affaires d’origine roumaine, quinquagénaire et marié. Du fait de leur différence d’âge, de milieu, de culture, mais aussi de sexe, la relation entre Charlotte et Petru ressemble plus à celle d’un maître et d’une élève. Celui-ci l’emmène dans des restaurants de luxe, lui apprend à apprécier les mets fins et les vins, et en fait sa confidente : « j’étais subjuguée, séduite, attachée, écrit Charlotte. Il m’imposa sa manière de vivre et je dus m’adapter aux règles de son jeu »27. La liaison avec Petru constitue d’abord, selon les propres termes de Charlotte, une « expérience » au sein d’une vie de couple lesbien assez calme et tranquille, avant de devenir plus sérieuse.

19C’est la beauté, dont Charlotte célèbre à maintes reprises le « singulier pouvoir », qui provoque son désir – peu importe le sexe de la personne concernée. Mais l’autobiographe est très sensible au fait que cette beauté corresponde au genre : un homme doit avoir une beauté « masculine » et adopter un comportement correspondant aux normes de la masculinité ; une femme lui plaît quand elle est « féminine » avec un registre d’identification féminin. Charlotte brosse ainsi plusieurs portraits de Petru dont voici un exemple :

  • 28 APA, p. 327.

20« Une beauté masculine éclatante de plénitude. Puissant sans être sportif, grand sans embarras, large sans lourdeur. Il surveillait son poids avec un soin efficace de séducteur […]. Son front large, haut, bien découvert, cheveux filetés d’argent, plaqués en arrière comme on les portait à l’époque, yeux verts éclairés de lueurs minérales, qui dissimulaient à volonté sa pensée ou ses émotions, longues lèvres voluptueuses, menton fort et denture de carnassier, prête à broyer, qui révélait une bête sans merci »28.

  • 29 APA, p. 304 (Marie) et p. 420 (Zora).
  • 30 Karen Duder, op. cit., p. 22.
  • 31 La première étreinte avec Marie s’insère dans un chapitre intitulé « Le ciel et l’enfer sont pavés (...)

21Si Charlotte détaille ses partenaires masculins, elle hésite à donner une description plus précise des corps de Marie et de Zora. Elle s’interroge : « est-il impudique ou dérisoire, est-ce un défi à la sagesse de révéler les délices d’un corps »29 ? Dans son étude, Karen Duder observe que Constance Grey Swartz se restreint de la même manière dans son journal et ses lettres, quand elle décrit ses sentiments pour les femmes, alors qu’elle parle plus librement de ses deux maris. L’historienne suggère que l’éducation et la classe sociale d’origine de la diariste l’ont rendue plus consciente de ce qui peut s’écrire et ce qui peut se dire30. Dans le cas de Charlotte qui rédige un récit rétrospectif, il est plus probable que ce soit la pudeur qui la retienne et l’empêche de trop en dire sur les femmes aimées. Il est frappant toutefois de constater que dans la table des matières de l’autobiographie, ne figurent ni les prénoms de ses compagnes, ni aucune allusion directe aux amours entre femmes, alors que sa rencontre et sa liaison avec Petru est gratifiée de trois titres explicites : « les amours sans les orgues », « initiations » et « Petru qui es-tu ? »31. D’où un paradoxe : si dans sa vie publique parisienne, c’est Marie et non Petru qui est visible, dans son autobiographie, c’est Petru qui apparaît au premier chef, alors que Marie et Zora restent dans l’ombre.

22Certes, Charlotte en dit moins sur les femmes qu’elle appelle ses « amies » que sur les hommes qu’elle qualifie d’« amants ». Elle en dit assez cependant pour que le lecteur comprenne qu’elle trouve son plaisir amoureux surtout avec les femmes, et son plaisir sexuel exclusivement avec elles. S’interrogeant sur la teneur de ses sentiments pour Petru, elle constate :

  • 32 APA, p. 328.

23« C’était un lien, un lien d’une indissoluble solidité. C’était une subordination sentimentale. Ce n’était pas de l’amour au sens parfait. L’amour, je le réservais à mon amie, avec ses délices physiques, sa délicatesse et son dévouement inconditionnel. »32

  • 33 APA, p. 266, p. 316.
  • 34 APA, p. 314.

24Le vrai amour se décline en termes de tendresse, de compréhension et d’aide réciproques, et se destine à Marie. De la même façon, Charlotte qualifie ses sentiments pour Zora de « délicats, tendres et puissants ». Dans cette comparaison, se retrouvent les notions habituelles de délicatesse et de tendresse, souvent associées aux amours féminines et opposées à la fougue et à l’agressivité masculine : Petru est décrit comme un prédateur sexuel alors que Marie et Zora sont des âmes sœurs chaleureuses et complémentaires. Mais Charlotte se joue du genre en réservant à Marie les « délices physiques » de l’amour, tandis que ses sentiments pour Zora sont associés à la puissance. Elle avoue rêver toute la journée de la nuit à venir où rien ni personne ne pourrait la séparer de Marie. L’autobiographe reste toutefois discrète sur la nature de ses relations à caractère sexuel, tant avec les hommes qu’avec les femmes. Tout ce qu’on sait, c’est qu’elle a la « révélation » de « ce que Jules Romain nomme si plaisamment le Dieu des Corps » dans les bras de Marie dès la première fois, alors que ses « étreintes » hétérosexuelles ne lui apportent aucune « révélation » de la sorte. Charlotte confie à Marie son « désappointement physique » à l’issue de son premier rapport sexuel hétérosexuel, ce qui signifie bien, a contrario, qu’elle se sent comblée physiquement par sa partenaire féminine33. L’historien à la recherche de « preuves » d’une sexualité génitale entre femmes ne peut toutefois que lire entre les lignes, alors que la perte de la virginité de Charlotte lors de son premier rapport sexuel avec Petru et la naissance de son fils, indiquent de manière irréfutable qu’il y a eu un contact des organes génitaux masculin et féminin : « À quinze heures trente, il était mon amant. Stupéfait de me découvrir vierge. Moi, complètement affolée de ce qui m’était arrivé, déconcertée par mes découvertes et surprise de ma totale déception »34.

  • 35 APA, p. 324, p. 373.
  • 36 APA, p. 376.

25Comme de nombreuses femmes de sa génération, Charlotte voit dans le coït vaginal le lien le plus intime qui soit entre un homme et une femme. Déçue de n’en tirer aucun orgasme, elle continue pourtant d’accorder de l’importance à une « étreinte devenue sans révélation mais dont la valeur symbolique [l]’attachait violemment à [son] amant », « étreinte épisodique, amoureuse et sans plaisir ni déplaisir »35. Son second partenaire sexuel masculin la déçoit aussi physiquement vers 1938 : « Malgré la beauté émouvante et admirablement bien découplée de mon nouvel amant, sa stature, sa carrure, sa taille étroite et malgré sa délicatesse, la séduction dont il m’entourait, malgré la tendre émotion qu’il éveillait en moi, il ne m’apporta rien de plus qu’une réelle déception que je dissimulais avec le plus grand soin. » 36

26Charlotte semble passive dans ses rapports hétérosexuels, attendant de l’homme qu’il lui procure du plaisir, sans vraiment l’aider par des conseils pratiques ou des gestes explicites. Alors qu’elle n’est pas ignorante des possibilités de son corps (au contraire de ses contemporaines lors de leur première étreinte), elle adopte le rôle sexuel qu’un homme pourrait attendre d’elle, cachant même sa déception.

  • 37 Mireille Havet, Journal 1919-1924,op. cit., p. 251 (7 avril 1922).

27En 1922, la poétesse Mireille Havet, décidant de son plein gré de perdre sa virginité avec un ami, se montre pareillement attentiste. Bouleversée par la découverte de la sexualité masculine, elle se contente de noter dans l’entrée du jour de son journal intime : « Arraché dent »37. Trois semaines plus tard, elle décrit la scène comme une véritable torture. Contrairement à Mireille Havet, Charlotte ne détaille pas ses pratiques sexuelles. Cette discrétion est aussi de mise dans sa vie amoureuse : elle n’ose guère questionner Petru sur les moyens de contraception disponibles. De même, elle use de maintes précautions oratoires pour aborder les sujets de la sexualité, de la contraception et de l’avortement avec Marie. Enfin, elle souligne la « grande pudeur » de Zora qui éprouve des difficultés à exprimer ce qu’elle ressent.

  • 38 Anaïs Nin, Henry et June…, op. cit., p. 31-41.
  • 39 Par exemple : Mireille Havet, Journal 1919-1924, op. cit., p. 49 : « Elle a compris et me laisse gl (...)

28Cette retenue est caractéristique des écrits de femmes de la génération de Charlotte. Pour trouver des récits plus crus, il faut se tourner vers des diaristes ou autobiographes connues, bien que nombre de textes féminins restent vagues sur l’homosexualité féminine. Il n’y a rien de précis dans le journal d’Anaïs Nin, qui décline ses amours avec June Miller sur le mode des amitiés passionnées entre femmes du siècle passé38. Encore une fois, Mireille Havet est plus directe dans son journal, où elle relate des scènes de sexe à deux, mais aussi à trois ou à quatre en 1919. Les textes à caractère autobiographique de Violette Leduc, notamment les extraits censurés regroupés sous le titre Thérèse et Isabelle, sont également très explicites, décrivant caresses génitales manuelles et buccales39.

29Ces documents permettent de combler les blancs laissés par des anonymes telle Charlotte, qui n’envisagent pas de décrire leurs pratiques physiques, de mettre des mots sur les émotions ressenties. Il est donc impossible de connaître les pratiques sexuelles entre Charlotte et ses compagnes (et même entre Charlotte et ses amants, sauf en ce qui concerne le coït vaginal), mais il semble clair que Charlotte donne et obtient du plaisir.

  • 40 APA, p. 292, p. 325.

30Ce que le texte montre avec force, c’est l’évidence du désir de Charlotte tant pour les hommes que pour les femmes, et l’amour qu’elle a éprouvé pour un homme et pour deux femmes en particulier. Mais dans le cas de ses pratiques hétérosexuelles, le plaisir sexuel n’est pas à la hauteur du désir. Seules ses relations homosexuelles lui apportent à la fois bonheur sentimental et satisfaction des sens. Excepté la référence à Mytilène pour qualifier ses premiers émois avec Marie, Charlotte n’identifie et ne catégorise jamais sa sexualité par rapport à l’homosexualité, l’hétérosexualité ou la bisexualité. Elle n’évalue pas davantage ses sentiments envers les deux sexes en termes de moralité ou de normalité, mais selon leur intensité et leur qualité. Sans renier son éducation et sa culture bourgeoises, ni sa foi catholique, l’autobiographe constate simplement à deux reprises qu’elle ne se conforme pas aux normes du temps : elle ne « s’insère pas dans la norme » lorsqu’elle refuse de se marier, et elle est « sortie des normes » quand elle décide de garder son enfant et de l’élever sans le père, mais avec sa compagne40. Il lui semble beaucoup plus douloureux de devenir « fille-mère », et d’être acceptée en tant que telle par ses connaissances et sa famille, que de vivre ses relations homosexuelles dans le Paris bourgeois-bohème des années 1920 et 1930. De même, elle s’emploie à protéger Zora qui est juive dans le Paris de l’Occupation, sans remettre en question leur mode de vie lesbien.

31Charlotte est avant tout une anticonformiste subvertissant les lois du genre et de la sexualité ; une femme consciente de son individualité et capable d’avoir une sexualité et une vie amoureuse autonomes. Au cours des premières décennies du xxe siècle, il devient de plus en plus fréquent de penser que les femmes aussi ont une sexualité propre (au lieu d’être de simples productrices de générations futures), mais elles ne sont censées exprimer cette sexualité que dans le coït au sein du mariage. Peu de femmes osent proclamer en public leur rejet de ces normes, en parlant de sexualité féminine et en défendant la limitation des naissances, l’avortement et la sexualité hors mariage. Les rares féministes abordant ces questions sont vilipendées dans la presse, les discours médicaux, religieux et politiques. Or, les mots et les actes privés de Charlotte témoignent d’une résistance au discours dominant.

  • 41 APA, p. 304, p. 543.
  • 42 David Halperin, Saint Foucault, Paris, EPEL, 2000, p. 75.

32Pour autant, Charlotte ne se pose ni en modèle de femme lesbienne ou bisexuelle, ni en exemple à suivre de femme indépendante. Elle n’espère pas davantage l’indulgence du lecteur, du prêtre ou du médecin. Comme elle l’affirme avec conviction, son récit n’est ni une « confession », ni une « plaidoirie », mais un « témoignage »41. Finalement, Charlotte se contente de dire qu’elle a aimé des êtres des deux sexes, qu’elle a souffert et souffre encore de leur perte, et qu’elle est restée fidèle à chacune des histoires d’amour qu’elle a vécues. Mais de fait, sa manière de vivre et d’aimer dans l’entre-deux-guerres et sous Vichy a été en opposition constante avec les normes de son temps. En ce sens, on pourrait presque dire que Charlotte est queer, en reprenant l’expression de David Halperin : « queer ne se réfère à aucun objet déterminé […] il prend son sens dans sa relation d’opposition à la norme. Queer désigne ainsi tout ce qui est en désaccord avec le normal, le dominant, le légitime. »42

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Notes

1 Ernest Hemingway, Paris est une fête, Paris, Gallimard, 1979. Le roman s’inspire du séjour parisien de l’écrivain de 1921 à 1926.

2 Christine Bard, Les garçonnes. Modes et fantasmes des Années folles, Paris, Flammarion, 1998.

3 Florence Tamagne, Histoire de l’homosexualité en Europe. Berlin, Londres, Paris, 1919-1939, Paris, Seuil, 2000 ; C. Olivier « Représentations et pratiques d’une expérience individuelle anomique (1940-1944) », dans Histoire & Sociétés. Revue européenne d’histoire sociale, n° 3, 2002, p. 40-44.

4 Shari Benstock, Femmes de la rive gauche. Paris 1900-1940, Paris, Éditions des femmes, 1987.

5 Ce texte provient du fonds de l’Association pour l’autobiographie et le patrimoine autobiographique (APA), comprenant plus de 2 000 textes inédits regroupés à la médiathèque d’Ambérieu-en-Bugey (Ain). Charlotte est un pseudonyme et son récit sera cité sous la cote APA.

6 Philippe Lejeune, Le pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1996.

7 Sharon Marcus, « Quelques problèmes de l’histoire lesbienne », dans Didier Éribon (dir.), Les études gay et lesbiennes, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 1998, p. 35-43.

8 Karen Duder, « Public Acts and Private Languages : Bisexuality and the Multiple Discourses of Constance Grey Swartz », dans BC Studies, n° 136, hiver 2002-2003, p. 3.

9 APA, p. 414, p. 296.

10 Christine Bard, Les garçonnes…, op. cit., p. 96.

11 Attirée par June Miller, la diariste se demande si elle est une lesbienne et discute de la question avec des amis. Elle finit par conclure que le lesbianisme est pour elle un moyen d’expression artistique, mais qu’elle est éloignée du « vrai lesbianisme ». Cf. Anaïs Nin, Henry et June. Cahiers secrets (octobre 1931-octobre 1932), Paris, Stock, 1987, p. 30-31 (janvier 1932) et Inceste. Journal inédit et non expurgé des années 1932-1934, Paris, Stock, 1995, p. 113 (décembre 1932).

12 Florence Tamagne, Histoire de l’homosexualité…, op. cit., p. 265 et « L’identité lesbienne : une construction différée et différenciée ? Quelques pistes de recherche à partir des exemples français, allemands et britanniques dans l’entre-deux-guerres », dans Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, n° 84, 2001, p. 45-57.

13 Lilian Faderman, Odd Girls and Twilight Lovers : A History of Lesbian Life in Twentieth-Century America, New York, Penguin Books, 1992, p. 3-4 ; Marie-Jo Bonnet, Les relations amoureuses entre les femmes. xvie-xxe siècle, Paris, Odile Jacob, 2001, p. 286-320.

14 Jonathan Katz, L’invention de l’hétérosexualité, Paris, EPEL, 2001 ; Louis-Georges Tin, L’invention de la culture hétérosexuelle, Paris, Autrement, 2008 ; Catherine Deschamps, Laurent Gaissad, Christelle Taraud (dir.), Hétéros. Discours, lieux, pratiques, Paris, EPEL, 2009.

15 Esther Newton, Carol Smith-Rosenberg, « Le mythe de la lesbienne et la “femme nouvelle” : pouvoir, sexualité et légitimité, 1870-1930 », dans M.-C. Pasquier, M. Marini, F. Ducrocq, G. Fraisse, A.-M. Sohn. (dir.), Stratégies de femmes, Paris, Tierce, 1984, p. 274-311.

16 Quant au discours de l’Église sur l’homosexualité, il ne semble guère toucher Charlotte qui se revendique pourtant catholique pratiquante. Mais la condamnation religieuse vise plus directement les homosexuels de sexe masculin, faute de prendre au sérieux la sexualité des femmes ; Anne-Claire Rebreyend, Intimités amoureuses. France 1920-1975, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2008.

17 Florence Tamagne, Histoire de l’homosexualité…, op. cit., p. 265-269 ; Esther Newton, « The Mythic Mannish Lesbian : Radclyffe Hall and the New Woman », dans M. Duberman, M. Vicinus, G. Chauncey eds., Hidden from History : Reclaiming the Gay and Lesbian Past, New York, New American Library, 1980, p. 281-293.

18 Anaïs Nin s’habille de manière très excentrique, mais ne déroge jamais aux normes de la féminité. Elle est aussi attirée par le côté « femme fatale » de June Miller. Anaïs Nin, Henry et June…, op. cit., p. 23.

19 Mireille Havet, Journa1 1918-1919, Paris, Éditions Claire Paulhan, 2003, p. 77, p. 151-152.

20 Marie-Jo Bonnet, « Claude Cahun a-t-elle raté son entrée dans le monde ? », dans Louis-Georges Tin (dir.), Homosexualités : expression/répression, Paris, Stock, 2000, p. 91-104.

21 Ce que souligne Marie-Hélène Bourcier dans Queer zones. Politiques des identités sexuelles, des représentations et des savoirs, Paris, Balland, 2001, p. 120-122.

22 Claudie Lesselier, « Formes de résistances et d’expression lesbiennes dans les années 1950 et 1960 en France », dans Louis-Georges Tin (dir.), op. cit., p. 100-111.

23 APA, p. 266.

24 Florence Tamagne, Histoire de l’homosexualité…, op. cit., p. 328.

25 Il faut cependant relativiser la tolérance des artistes avant-gardistes vu les propos homophobes des surréalistes envers les homosexuels, alors qu’ils sont favorables à la sexualité entre femmes.

26 La Garçonne de Victor Margueritte choque surtout parce qu’elle est issue d’une famille bourgeoise respectable, d’après Mary Louise Roberts, Civilization without Sexes : Reconstructing Gender in Postwar France, 1917-1927, Chicago, University of Chicago Press, 1994, p. 49.

27 APA, p. 310.

28 APA, p. 327.

29 APA, p. 304 (Marie) et p. 420 (Zora).

30 Karen Duder, op. cit., p. 22.

31 La première étreinte avec Marie s’insère dans un chapitre intitulé « Le ciel et l’enfer sont pavés de bonnes intentions » ; la rencontre de Zora et l’amour naissant dans « Une pension de famille à Paris sous l’Occupation » et « Témoignage. Ce fut ainsi », titres impossibles à décrypter.

32 APA, p. 328.

33 APA, p. 266, p. 316.

34 APA, p. 314.

35 APA, p. 324, p. 373.

36 APA, p. 376.

37 Mireille Havet, Journal 1919-1924,op. cit., p. 251 (7 avril 1922).

38 Anaïs Nin, Henry et June…, op. cit., p. 31-41.

39 Par exemple : Mireille Havet, Journal 1919-1924, op. cit., p. 49 : « Elle a compris et me laisse glisser le long d’elle jusqu’à l’ouverture des jambes où, affolée, timide et obstinée, j’enfouis mes joues chaudes, ma bouche vers sa seconde bouche profonde ! Le baiser, que fut-il ? un halètement, un ajustement, une lutte, une ouverture, une connaissance » (15 septembre 1919 avec une amante de son âge) ; Violette Leduc, Thérèse et Isabelle. Texte intégral, Paris, Gallimard, 2000, p. 86-88 : « Ma langue cherchait dans de la nuit salée, dans de la nuit gluante, sur de la viande fragile. […] La perle voulait ce que je voulais. Je découvrais le petit sexe viril […] – Je vais jouir mon amour. C’est beau : je vais jouir. C’est trop beau. Continue. Ne t’arrête pas, ne t’arrête pas. […] – Cela monte, cela monte plus haut. Elle s’est tue. J’ai été submergée et balayée avec elle ».

40 APA, p. 292, p. 325.

41 APA, p. 304, p. 543.

42 David Halperin, Saint Foucault, Paris, EPEL, 2000, p. 75.

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Pour citer cet article

Référence papier

Anne-Claire Rebreyend, « Des amours bisexuelles dans le Paris des années 1920 aux années 1940 : le parcours de Charlotte »Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 119 | 2012, 51-64.

Référence électronique

Anne-Claire Rebreyend, « Des amours bisexuelles dans le Paris des années 1920 aux années 1940 : le parcours de Charlotte »Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 119 | 2012, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 12 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chrhc/2725 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chrhc.2725

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Auteur

Anne-Claire Rebreyend

Docteure en histoire, enseignante au lycée français de Madrid

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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