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DOSSIER

Le journal de Mireille Havet (1898-1932), source pour une histoire des sexualités lesbiennes et féminines en France, de la Belle Époque aux Années folles

Emmanuelle Retaillaud-Bajac
p. 35-49

Résumé

Découvert par hasard en 1995, le journal intime de l’écrivaine Mireille Havet (1898-1933) s’est révélé une source de premier ordre pour l’histoire du lesbianisme et de la sexualité féminine. Tenu de 1913 à 1929, riche de plusieurs millions de signes, il déploie toute la palette des sentiments et des désirs d’une femme sans tabou, dans un style d’une grande richesse et d’une liberté jusque-là inégalée. Instituant, en résonance avec les bouleversements du premier xxe siècle et le phénomène « garçonne », une nouvelle écriture de la sexualité, il invite à penser le lien entre l’individuel et le singulier, entre document d’exception et porte-voix de nouvelles normes, de nouveaux comportements.

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Texte intégral

  • 1 Anne-Claire Rebreyend, Intimités amoureuses, Toulouse, PUM, 2008, p. 39 et suiv.
  • 2 Anne-Claire Rebreyend, Dire et faire l’amour, écrits intimes et confidences de 1910 à 2010, Paris, (...)

1A tous égards, la découverte fortuite du journal de Mireille Havet en 1995, puis sa publication par l’éditrice Claire Paulhan, à compter de 2003, a été un événement : littéraire, d’abord, qui ramenait à la lumière une écrivaine oubliée de l’entre-deux-guerres, morte à trente-trois ans, n’ayant laissé qu’une œuvre assez secondaire, mais diariste au long cours, dont les cahiers révélaient un tempérament hors norme, en même temps qu’un remarquable talent d’écriture ; scientifique, ensuite, qui léguait aux chercheurs le don d’un incroyable document de plusieurs millions de signes, inscrit dans la période 1913-1929, centré sur la vie sentimentale et sexuelle de son auteure, lesbienne séductrice et polygame des Années folles. Si les journaux intimes constituent, depuis longtemps, une source de choix pour l’histoire de la vie privée, et plus encore des sexualités, il est très rare, pour ne pas dire sans précédent, de débusquer ex nihilo un texte de cette ampleur et de cette qualité, offrant des aperçus aussi riches que variés sur l’intimité d’une jeune femme, pour une époque où, malgré le cliché de la « dissolution des mœurs », l’écriture de l’intime, et plus encore de la vie sexuelle, s’effectue encore sur un mode feutré1, voire caché2.

  • 3 Emmanuelle Retaillaud-Bajac, « “Du clan divin des femmes amoureuses” à la “race maudite” : élaborat (...)
  • 4 Emmanuelle Retaillaud-Bajac, Mireille Havet, l’enfant terrible, Paris, Grasset, 2008.
  • 5 Anne-Claire Rebreyend, Intimités…, op. cit., p. 15.
  • 6 Ibid.
  • 7 Cf. Christine Bard, Les Garçonnes, modes et fantasmes des années folles, Paris, Flammarion, 1998.

2L’exhumation du journal de Mireille Havet apparaît donc comme un temps fort dans l’historiographie française des sexualités, offrant une multitude d’approches et d’usages dont la découverte ne fait que commencer3. On aimerait ici, sur le socle d’un travail biographique4, suggérer quelques pistes pour son exploitation à venir, en situant le texte dans la perspective d’une histoire du lesbianisme mais aussi, plus largement, de la sexualité féminine dans la France du premier tiers du xxe siècle. Document singulier mais ancré dans son époque, le journal de Mireille Havet invite bien, comme le formulait Anne-Claire Rebreyend, à « [...] historiciser les systèmes de représentation de l’intime »5, tout en interrogeant la manière dont les individus « se jouent [des discours dominants] dans leurs pratiques et leurs représentations amoureuses et sexuelles, contribuant ainsi à faire changer les normes »6. Par-delà sa dimension de témoignage sur le phénomène « garçonne » et la culture saphique des Années folles7, ce journal ouvre de nombreuses pistes pour aborder plusieurs enjeux clés d’une histoire de l’intime notamment la question du lien entre identités de genre et pratiques sexuelles, ou encore de l’articulation des registres charnels, sentimentaux et amoureux. Enfin, la rupture qu’il institue dans l’ordre d’une écriture de l’intimité féminine invite à questionner la place privilégiée et atypique de cette grande amoureuse qui fut aussi une talentueuse écrivaine.

Un jalon dans l’histoire des écrits intimes féminins

  • 8 Les Soirées de Paris, juillet-août 1914.
  • 9 Mireille Havet, La maison dans l’œil du chat, Paris, Éditions Crès, 1917.

3Née en octobre 1898, Mireille Havet démarre son journal à quinze ans, à l’occasion d’une hospitalisation. Elle est la fille cadette d’un peintre post-symboliste de petite notoriété, Henri Havet, qui vit mal de sa peinture, mais entretient de nombreuses relations dans le monde des lettres et des arts. Parisienne à compter de 1907, la jeune fille se lie, dans les salons des parents de ses amis, avec de nombreux écrivains et poètes, notamment Paul Fort, Guillaume Apollinaire, Colette ou Jean Cocteau. Malgré une scolarité en pointillé, elle a révélé des dons littéraires précoces en écrivant des petits récits poétiques, qu’Apollinaire n’hésite pas à publier, en 1914, dans sa revue Les Soirées de Paris8. L’un d’entre eux, intitulé « La Maison dans l’œil du chat », fait, quelques années plus tard, l’objet d’un tiré à part, avec une préface de Colette9.

  • 10 Philippe Lejeune, Le moi des demoiselles, enquête sur le journal de jeune fille, Paris, Le Seuil, 1 (...)
  • 11 Le journal retrouvé de Mireille Havet compte 17 cahiers (1913-1929), conservés à la bibliothèque de (...)

4L’écriture du journal intime s’inscrit donc dans le développement personnel et intellectuel d’une jeune fille qu’Apollinaire surnomme affectueusement sa « petite poyétesse » [sic], mais aussi dans une pratique devenue courante depuis la fin du xixe siècle, chez les jeunes gens de la bourgeoisie, volontiers encouragés à coucher leurs pensées sur le papier, à des fins d’introspection morale et d’exercice d’écriture10. On ne sait si Mireille s’est inspirée de certains exemples, mais la confession régulière, sinon quotidienne, de ses états d’âme et de ses sentiments, lui semble suffisamment indispensable pour qu’elle maintienne cette habitude quasiment jusqu’à sa mort11.

  • 12 Voir Journal, 20 mai 1914.

5Dans l’intervalle, son style comme sa personnalité ont bien sûr évolué, même si son goût pour l’autoanalyse est perceptible dès les premiers cahiers, où elle évoque, sans faux-semblants, le caractère très tendre, puis de plus en plus sensuel, de ses amitiés féminines12. Ainsi la voit-on rapidement évoluer, en quelques années, d’un sentimentalisme de jeune fille « naturellement » destinée aux hommes et au mariage, aux audaces d’une jeune « garçonne » au look androgyne, qui assume son homosexualité exclusive et ses liaisons multiples, scandées par trois passions amoureuses. Cette libération personnelle et sexuelle, qui a pour arrière-plan les remous de la Grande Guerre, puis les trépidations du Paris mondain et libertin des Années folles, est scrupuleusement relatée dans son journal, réceptacle de ses émois, de ses flirts et de ses amours, jusque dans ses pratiques d’alcôve. à compter de 1918, Mireille Havet s’initie également à l’opium. Sa croissante dépendance aux stupéfiants vient peu à peu altérer son énergie, sans tarir tout à fait une vigueur libidinale qui jette encore quelques feux jusque dans ses années de déchéance.

  • 13 Marie Bashkirtseff, Journal, Lausanne, Paris, L’Âge d’homme, 1999.
  • 14 Philippe Lejeune, op cit., p. 80.
  • 15 Martha Vicinus, Intimate friends, women who loved women, Chicago, Chicago University Press, 2004, p (...)
  • 16 Ibid.
  • 17 Philippe Lejeune, op. cit., p. 88 et p. 265-290. Voir également l’analyse du journal de Caroline Br (...)
  • 18 Ibid., p. 52.
  • 19 Anaïs Nin, Journal, (1966) Paris, Le Livre de Poche, 1974. Elle a tenu son journal de 1914 à 1977.

6Sans doute ce journal n’est-il pas le premier du genre à narrer les émois d’une « jeune fille en fleur » puis d’une femme aux désirs affirmés. Avant elle, ou à peu près à la même époque, des diaristes telles Adèle Hugo, Marie Bashkirtseff13, Simone de Beauvoir ou Catherine Pozzi ont voué tout ou partie de leur journal à la confession de leurs troubles sensuels et sentimentaux14. Un siècle plus tôt, le journal de l’anglaise Ann Lister15 évoquait déjà de manière assez libre ses relations sentimentales et sexuelles avec d’autres femmes16. Aucun de ces textes, cependant, ne combine une amorce aussi précoce et cette ténacité de longue durée, qui voit s’élaborer, au fil des ans, un véritable récit de vie. De fait, la plupart des jeunes diaristes du xixe ou du début du xxe siècle abandonnaient leur journal au moment du mariage17. Aucune d’entre elles, même chez les moins farouches, n’explore de manière aussi libre la gamme narrative d’un vécu érotico-amoureux. Deux décennies avant le journal d’Anne Frank, dans lequel Philippe Lejeune croit déceler le « crépuscule des pudeurs victoriennes »18, à un âge plus tendre, et sur un mode plus spontané qu’Anaïs Nin19, Mireille Havet forge pour son propre compte, sans modèle décelable ni censure apparente, une écriture du désir et de la sexualité tout à fait originale, dégagée, aussi, des conventions de la littérature érotique ou libertine que pratiquèrent d’autres auteures de la période, à commencer par Colette dans ses Claudine.

7Cette irruption du désir et du plaisir féminins dans la chair d’un texte, qui demeure, pour l’époque, sans équivalent, y compris dans le secret des écrits intimes, ne saurait bien sûr procéder de la seule exception d’un destin atypique. Plusieurs traits de nature socioculturelle peuvent être mis en évidence pour rendre compte de cette audace, qui fut autant celle des actes que celle des mots. On l’a vu, Mireille Havet s’est formée dans un milieu artiste, de mœurs relativement libres, où, malgré le maintien de préjugés moraux et religieux dont on ne doit pas sous-estimer l’influence, les flirts et les sorties n’étaient guère surveillés ou réprimés. Si la découverte de son homosexualité n’alla pas sans tiraillement de conscience, Mireille a, de fait, bénéficié d’une forme de tolérance qui n’était guère concevable au siècle précédent, ou dans un milieu plus classiquement bourgeois. Par ailleurs, la jeune fille s’abreuva très tôt à la littérature de la Belle Époque, qui, de Georges de Peyrebrune à Colette, en passant par Pierre Louÿs, Rachilde ou Renée Vivien, s’est souvent complu à mettre en scène les amours saphiques, sur un mode certes voilé et esthétisant, mais non sans allusions sensuelles, voire libertines. La puberté de Mireille Havet coïncida avec la Grande Guerre, dans un contexte de relatif relâchement des surveillances qui lui permit de vivre sa première passion amoureuse avec une jeune fille, Marie-Thérèse Véron, cantonnée, comme elle, dans un village du Loir-et-Cher. Enfin, elle fêta ses vingt ans en octobre 1918, dans l’atmosphère de défoulement hédoniste propre à son milieu bohème : adultères, coucheries, liaisons multiples, hétéro ou homo sexuelles, furent la norme de ses vingt ans, tandis que, sans travail alimentaire régulier, elle n’avait guère de scrupule à vivre au crochet de ses maîtresses.

  • 20 Anne-Claire Rebreyend, Intimités…, op. cit., p. 86-89.

8Si ce mode de vie un peu marginal peut rendre compte d’une liberté qui, même en ces années dites « folles », reste rare à ce degré, il nous semble qu’il renvoie aussi à sa situation d’homosexuelle, délivrée des sujétions du mariage et de la maternité, et volontiers encline à l’auto-examen. L’évocation de ses premiers troubles sensuels fut d’emblée une source de questionnement, avivée par une interrogation récurrente sur la normalité de ses penchants. Cependant, si honte et culpabilité semblent bien former, à l’origine, un ressort essentiel d’examen de soi et de confession intime, l’écriture tend aussi à devenir, avec le temps, une pratique autoérotique, prolongeant par le récit ses émois sensuels. Peut-être lui fut-il d’ailleurs plus aisé d’évoquer des corps et des vertiges comparables aux siens, amorcés sous couvert d’amitiés un peu tendres, quand l’écriture d’un amour « normal » eût impliqué de se confronter, mentalement et verbalement, à l’altérité du masculin. On sait en tout cas que le rigide système d’interdits qui pesait encore sur les relations hétérosexuelles juvéniles pouvait favoriser, par contrecoup, une discrète tolérance vis-à-vis des amitiés particulières entre jeunes filles, parfois perçues, dans l’attente du mariage, comme un canal de dérivation aux excès d’effervescence libidinale20. Peut-on imaginer, pour cette époque, une adolescente décrivant, avec la même liberté, ses relations avec des garçons ? Probablement pas, ne serait-ce que parce qu’elle n’aurait pas eu la même liberté pour les vivre. Aussi n’y a-t-il peut-être pas de hasard à ce que cette écriture de l’intimité émerge dans un journal de jeune lesbienne, plutôt que de jeune fille « ordinaire », ou même de jeune homosexuel, le tabou sur les relations entre garçons restant plus vif, et moins aisé, leur rapport à la confession intime.

9Le caractère d’exception du journal de Mireille Havet s’inscrit ainsi dans la triple convergence d’un milieu familial, d’un moment historique, et d’une orientation sexuelle minoritaire. éclaireuse et pionnière, Mireille Havet a laissé un texte qui, tout en faisant affleurer la singularité d’un destin personnel, s’articule au foisonnement d’une époque et d’un réseau, constituant ce journal en jalon documentaire d’exception.

Une source pour l’histoire des (homo)sexualités

  • 21 Voir Anne-Claire Rebreyend sur le récit autobiographique de « Charlotte », ibid, p. 52-60.
  • 22 Nicole Lacelle, « Le lesbianisme : une culture de choix ? » in Natacha Chetcuti et Claire Michard ( (...)

10Son premier atout tient d’abord à son extension temporelle, qui permet de retracer la carrière sentimentale et charnelle d’une jeune femme, de la prime adolescence à la trentaine, dans le déploiement d’une mue identitaire qui la mène d’une hétérosexualité conçue comme indépassable à l’acceptation d’une homosexualité sans concession. Il est rare de disposer d’un récit de vie aussi complet, composant une véritable autobiographie au jour le jour, sans les reconstructions et les voilements inhérents au récit rétrospectif21. Le journal de Mireille Havet donne ainsi à voir les conditions et les modalités d’émergence d’un « choix lesbien »22, dans la France des années 1910-1930, en révélant le complexe système d’interdits et de permissivité qui le structure, et toute la constellation d’un réseau social, d’un feuilletage de références culturelles, d’un contexte historique qui l’a, tout à la fois, nourri et entravé.

  • 23 Florence Tamagne, Histoire de l’homosexualité en Europe, Berlin, Londres, Paris, 1919-1939, Paris, (...)
  • 24 Emmanuelle Retaillaud-Bajac, « Du clan divin… », op. cit., p. 7-12.
  • 25 Christine Bard, op. cit., p. 37 et suivantes.
  • 26 Emmanuelle Retaillaud-Bajac, « Du clan divin… », op. cit., p. 7-12.
  • 27 Voir les analyses de Didier éribon, Réflexions sur la question gay, Paris, Fayard, 1999, p. 29 et s (...)
  • 28 Radclyffe Hall, Le puits de solitude (1932), Paris, Gallimard, 2005.

11Dans cette perspective, deux axes méritent un approfondissement spécifique, du fait de la place qu’ils occupent dans la réflexion de la diariste. Se pose la question de l’articulation entre identité de genre et orientation sexuelle, cruciale, on le sait, pour cette période qui, après le saphisme encore très « féminin » de la Belle Époque, voit l’émergence du phénomène garçonne, lui-même associé au supposé développement de l’homosexualité féminine23. Si le parcours de Mireille Havet fait bien apparaître, comme pour beaucoup de lesbiennes de la période, la possibilité d’étayer, plus visiblement qu’autrefois, son orientation sexuelle sur une virilisation tout à la fois esthétique, identitaire et comportementale, le work in progress de sa trajectoire intime dessine pourtant un rapport à l’identité de genre tout en nuances, qui révèle une grande labilité de positions24, et rappelle que la garçonne a souvent emprunté les voies d’une féminité hybridée, beaucoup plus que d’un mimétisme égalitariste avec les hommes25. Par ailleurs, le déploiement de ce parcours sur la longue durée permet d’évaluer la complexe dialectique qui fit alterner, dans la vie de Mireille Havet, des phases de « fierté lesbienne », nourries par ses lectures et la fréquentation de son réseau, avec des moments de culpabilité, parfois même de haine de soi, d’origine tant exogène (critiques du milieu familial ou amical…) qu’endogène (intériorisation culpabilisante des normes morales et religieuses)26. Cet aspect du journal offre une excellente porte d’entrée pour une histoire de l’homophobie27, autant que pour l’analyse des frustrations engendrées par l’appartenance à une minorité sexuelle ou par les inhibitions découlant du vieillissement et de la perte de confiance en soi – renforcées, dans son cas, par de graves problèmes de drogue et un sentiment croissant de déclassement social. On souligne ainsi que le destin de Mireille Havet n’a pas imité la trajectoire ascendante évoquée par Radclyffe Hall dans Le Puits de solitude28, mais décrit un rythme beaucoup plus sinueux, qui fit remonter, sur la fin de sa vie, des complexes et des préjugés inscrits dans l’outillage mental de son époque.

  • 29 Voir Marie-Jo Bonnet, Les relations amoureuses entre les femmes, xvie-xxe siècles, Paris, Odile Jac (...)
  • 30 C’est par commodité que nous employons ce terme un peu anachronique, dont la pertinence est contest (...)

12Éclairant sur les étapes d’un « destin » lesbien, la trajectoire de Mireille Havet entrait par ailleurs en interaction avec un vaste réseau d’amis et de relations, féminines et masculines, hétéro ou homosexuelles, que la jeune femme a constamment renouvelé au cours d’une vie personnelle et d’une carrière amoureuse d’une exceptionnelle densité. Bien qu’elle ait récusé toute appartenance exclusive à ce qu’elle appelait le « milieu gousse », son journal n’en forme pas moins un riche observatoire sur la scène lesbienne parisienne des Années folles, dont l’étude est encore loin d’être achevée, tout particulièrement dans une optique d’histoire sociale29. Quoique très intimiste, le texte évoque aussi les lieux de rencontre et les festivités du Paris saphique des années 1917-1929, et la sociabilité qui s’y rapporte, nourrissant de nombreuses pistes de réflexion, par exemple la question du degré d’inclusion au sein de la « scène » homosexuelle, ou encore, du rapport entre gays et lesbiennes, qui permet d’interroger la manière dont s’articulent ces différents niveaux de sociabilité et d’identités, à une époque où ce milieu, même s’il est déjà partiellement constitué, n’a pas le même niveau de visibilité, d’extension et de légitimité qu’aujourd’hui30. De ce point de vue, le journal de Mireille Havet offre aussi d’intéressants aperçus sur des pratiques qui contribuent, dès cette époque, à le structurer, par exemple le noctambulisme, ou la place des drogues.

  • 31 Cécile Dauphin et Arlette Farge, Séductions et sociétés, Paris, Le Seuil, 2001.
  • 32 Fabienne Casta-Rosaz, Histoire du flirt, les jeux de l’innocence et de la perversité, Paris, Grasse (...)

13Si le journal dessine en creux les modes de relations du microcosme homosexuel parisien, sa principale plus-value documentaire nous semble résider dans la création d’une véritable écriture de la sexualité. On l’a dit, la diariste a le souci de consigner avec régularité et précision le récit de ses aventures galantes et amoureuses, sans oblitérer leur aspect le plus charnel, même si son style demeure presque toujours littéraire et recherché, prévenant tout risque de vulgarité ou d’obscénité par le recours fréquent à la litote ou à la métaphore. L’abondance et la finesse des notations, modulées par une écriture tout à la fois prolixe et personnelle, alimentent avec profit l’histoire, déjà largement en chantier, de la séduction31 ou du flirt32, et, plus largement, de toutes les formes du « para-sexuel », signes, regards, approches, baisers, caresses, attouchements, objets de maintes descriptions et réflexions. Cet abondant matériau invite à développer une approche plus large de la sensualité féminine, dont relèvent ici beaucoup de remarques relatives, par exemple, aux vêtements, aux parfums, à l’atmosphère des lieux… Elles doivent nous inciter à appréhender l’étude de la sexualité non pas seulement comme le seul moment du rapprochement charnel, mais plutôt comme un continuum de sensations et d’expériences qui mènent à sa cristallisation, inscrit dans un contexte matériel spécifique et une véritable culture sensible.

  • 33 Voir Anne-Marie Sohn, Chrysalides, femmes dans la vie privée (xixe-xxe siècles), Paris, Publication (...)
  • 34 Par définition, confidentielles et essentiellement orales. Voir Alain Corbin, L’harmonie des plaisi (...)
  • 35 Ibid.

14Le journal de Mireille Havet n’en reste pas moins, sous couvert de découvertes extérieures, un des tous premiers textes de nature autobiographique, hors confessions judiciaires33 ou religieuses34, dans lequel une femme évoque directement son plaisir sexuel et les formes de sa jouissance, qu’elles procèdent de pratiques masturbatoires, de rapports amoureux ou d’expériences plus ou moins libertines. Malgré une sensibilité assez romantique, Mireille Havet eut en effet de nombreuses aventures sans lendemain, parfois avec plusieurs partenaires. On trouve donc, dans son journal, nombre de remarques précieuses pour une étude de l’onanisme, des différentes étapes du plaisir (préliminaires, postures, mots, fréquence…), et bien sûr, de la jouissance et de l’orgasme, dont Alain Corbin a déjà largement montré les difficultés d’approche35. À l’échelle de son milieu de mœurs très libres, cet hédonisme de la chair semble décliner toutes les figures d’une « révolution sexuelle » avant la lettre, où le désir ne trouve guère d’entraves matérielles ou morales. Prenons garde, cependant, à ne pas faire de la liberté sexuelle de Mireille Havet et de ses amis, qui implique presque toujours des conditions privilégiées (métiers artistiques, liberté de temps et de mouvement, relative aisance financière…), une préfiguration du changement d’économie libidinale de la fin du xxe siècle. On soulignera aussi que cet affranchissement n’exclut pas le maintien d’éléments plus « archaïques » (une culpabilité d’origine religieuse, notamment, ou une sensiblerie très romantique…) qui témoignent autant du poids de la tradition que d’une amorce de changement.

  • 36 Mary Louise Roberts, Civilization without sexes, reconstructing gender in postwar France, Chicago, (...)

15La question centrale, dans ce contexte, est peut-être de savoir si l’inscription de cette liberté dans une sexualité lesbienne invite à cantonner les conclusions à ce type d’orientation, ou bien s’il est possible d’en élargir certaines à l’ensemble de l’expérience féminine. Rappelons d’abord qu’à travers sa propre histoire, Mireille Havet évoque aussi la vie intime de ses ami-e-s, qui, pour la plupart, y compris ses maîtresses, relèvent prioritairement de l’hétérosexualité, malgré des « déviations » intermittentes. Son témoignage invite ainsi à ne pas s’enfermer dans une conception trop rigide des identités sexuelles, surtout pour une période où le poids des circonstances historiques et la déstabilisation des codes de genre ont pu favoriser des ruptures ponctuelles de l’orientation dominante, notamment chez les femmes36. Le journal pourrait introduire par là à une histoire de la bisexualité et de ses déclinaisons, entendue non pas comme identité tierce, mais comme circulation ou indécision entre plusieurs positions.

16Si le clivage apparaît donc pour partie artificiel, et doit être déconstruit, on n’en reste pas moins autorisé à se demander si l’incandescence érotique du témoignage de Mireille Havet n’est pas essentiellement concevable dans le cadre d’une sexualité marginale, déconnectée de tout souci reproductif et familial, et pour partie affranchie du système d’interdits et de possibles qui structurent la norme hétérosexuelle féminine. Par ailleurs, le particularisme de la position lesbienne ne renvoie-t-il pas aussi à un certain tropisme viril (confiance en soi, volontarisme dans la séduction…), qui ouvre à Mireille Havet, aussi bien dans ses rapports de séduction que dans ses relations charnelles, des territoires inaccessibles à la grande majorité des femmes ? On peut, a minima, le postuler, ce qui inviterait alors à souligner le rôle sans doute décisif de l’homosexualité dans la libération d’une parole féminine sur le sexe.

  • 37 Journal, 7 avril 1922.
  • 38 Journal, 18 février 1919, p. 118.

17Pour autant, on ne saurait ramener le témoignage de la jeune femme à ce particularisme qui la concerne : nombre des traits nous semble relever, beaucoup plus largement, d’une expérience féminine de l’amour et de la chair, sans rapport avec le choix d’objet. La question de l’articulation entre plaisir et sentiment, notamment, est au cœur des préoccupations de Mireille Havet, et suscite, sous sa plume, des considérations qui n’ont rien de spécifiquement « lesbien ». La recherche de ce difficile équilibre, qui rend douloureuses nombre de ses relations, s’inscrit dans une culture sentimentale commune à l’ensemble des femmes et montre combien l’éducation encore très féminine qu’elle reçoit peut modeler durablement les pratiques en apparence les plus affranchies, invitant ainsi à historiciser la question de l’inscription des normes culturelles de genre au sein des sexualités minoritaires. Entre le lesbianisme éthéré et furtif du xixe siècle, presque inévitablement voué aux masques du mariage ou de l’amitié, et le consumérisme sexuel ouvertement revendiqué par la culture « gay » de la fin du xxe siècle, Mireille Havet occuperait un point de bascule, partiellement libérée des tabous « victoriens », mais encore imprégnée d’une culture amoureuse vouée à l’attachement et à l’idéal du couple. Cette reproduction plus ou moins consciente de la norme dominante peut aussi être interrogée à partir du souci qu’eut la jeune femme de connaître un rapport « complet » avec un homme, pour devenir ce qu’elle appelait « une femme normale », alors même que l’expérience lui fut d’emblée répulsive et se révéla, de fait, extrêmement pénible pour elle37. Si, dans certaines de ses liaisons, elle avait pu s’enorgueillir de jouer au « petit mâle »38, l’ordalie de ce coït hétérosexuel montre combien l’imposition de la loi symbolique demeurait puissante, y compris pour une jeune homosexuelle qui avait réussi à rejeter la plupart des formes d’assujettissement inhérente à la position féminine.

18Le journal de Mireille Havet apparaît donc comme un bon observatoire pour penser les effets d’hiatus qui articulent, de manière souvent problématique, le registre des choix sexuels et celui des identités de genre, tout à la fois choisies et subies, malléables et rigides, mais dont les effets d’imposition débordent évidemment la question du choix d’objet, tout particulièrement dans une période où l’autonomisation des identités et cultures homosexuelles reste partielle. Par là, le texte articule la sexualité féminine et la sexualité lesbienne dans un rapport d’inclusion ou dans un lien dialectique, beaucoup plus que de césure nette. L’analyse des formulations du désir, du plaisir et de la jouissance qui le traversent ne saurait donc être restreinte aux seuls effets d’un particularisme, même si celui-ci constitue peut-être, à cette date, une des conditions essentielles de leur émergence.

19Cette capacité à catalyser le vécu féminin ne saurait bien sûr masquer les particularités qui constituent ce journal en source hors norme, qui doit être abordée et analysée avec un minimum de précautions méthodologiques et conceptuelles.

Une source entre singularité et exemplarité

  • 39 Les cahiers de Mireille Havet sont très peu raturés.
  • 40 On sait que celui-ci fut régulièrement réécrit et enjolivé, jusqu’à brouiller sa valeur de témoigna (...)

20On ne s’attardera pas sur la question de la fiabilité que pose, par nature, tout texte intime et autobiographique, dont il est parfois nécessaire d’interroger la part de reconstruction et de fantasme. S’il doit, comme tout document d’histoire, et plus encore, lorsqu’il relève de la confession subjective, faire l’objet d’une approche critique, apte à en déceler les éventuels effets de travestissement ou d’exagération – comment s’assurer, par exemple, de « l’objectivité » du récit d’un rapport charnel ? –, le récit qu’orchestre le journal de Mireille Havet s’inscrit dans une constellation mondaine et une carrière d’écrivaine qui, d’une part, attestent très largement la validité factuelle de son témoignage, et d’autre part, nourrissent une liberté sexuelle qui ne relève pas de l’invention littéraire ou de la mythomanie. Enfin, si un journal intime peut, comme tout texte autobiographique, faire l’objet d’autocensure, de dénis, et s’il ne sélectionne, dans le réel dont il rend compte, que des éléments partiels, qui ne sauraient retranscrire « objectivement » la trame d’une existence, il va de soi que le degré de reconstruction est ici moindre que dans une démarche autobiographique a posteriori, ou même que dans une correspondance, qui implique une mise en scène pour autrui. Le principe même de la notation rapide, au jour le jour, le plus souvent sans remord d’écriture39, favorisait, de fait, une forme de sincérité, surtout lorsque le texte n’est pas destiné à la publication, contrairement, par exemple, au cas beaucoup plus complexe du journal d’Anaïs Nin40.

  • 41 Philippe Artières et Dominique Kalifa, « L’historien et les archives personnelles : pas à pas », So (...)
  • 42 Suzanne Rodriguez, Wild heart : a life : Natalie Clifford Barney’s journey from Victorian America t (...)

21Doté d’une indéniable valeur de témoignage, ce texte n’en émane pas moins d’une jeune femme au destin exceptionnel, dont le rapport à la chair et à la séduction fut pour le moins atypique, ce qui pose évidemment la question de sa représentativité. Il va de soi, on l’a déjà souligné, que cette liberté ne peut se concevoir que dans le contexte d’une existence culturellement et socialement privilégiée, pour partie affranchie des barrières morales et religieuses auxquelles reste soumise, avec bien sûr des nuances individuelles et sociales, l’ensemble de la population. De fait, Mireille Havet et son journal sont difficilement transposables dans une petite ville de province et seules, peut-être, quelques grandes capitales culturelles telles Paris, Berlin ou New York peuvent, à l’époque, lui servir de terreau. On doit cependant réfléchir, comme y invitaient Philippe Artières et Dominique Kalifa à propos des récits de vie de criminels41, à la part d’ordinaire qui subsiste dans tout destin extraordinaire, et qui, inextricablement, demeure tissé entre les fils de cette exceptionnalité. Issue de la moyenne bourgeoisie, Mireille Havet subit en profondeur l’influence des codes et des valeurs de son milieu, que ses choix de vie ne peuvent jamais tout à fait dissoudre. Elle demeure très marquée, notamment, par une éducation scolaire plutôt classique et par l’imprégnation de la religion catholique, qui entretient chez elle une culpabilité latente, jusqu’au cœur de ses frasques. De ce point de vue, son éthos de classe se distingue nettement de celui de certains grands bourgeois ou aristocrates de son entourage, telle, par exemple, Natalie Clifford Barney, dont l’origine américaine, l’extrême richesse, et l’éducation très élitiste façonnent le destin d’exception42. Cette normalité, qu’elle partage avec de nombreuses jeunes filles de sa génération, dessine les limites de sa hardiesse, et rend compte de certaines de ses réactions qui, bien loin de la différencier de l’expérience commune, au contraire tendent à l’y ramener. Mais son parcours montre aussi que le poids de la morale traditionnelle ne formait plus, dans les années 1910-1920, un obstacle systématique à l’épanouissement charnel, observation qui concerne sans doute nombre de ses contemporaines, même si l’on est encore loin de la « femme libérée » de la fin du xxe siècle.

  • 43 Anne-Claire Rebreyend, Intimités…, op. cit.

22Notons à ce titre que Mireille Havet est de fait amenée à séduire et côtoyer des femmes qui ne partagent nullement sa radicalité existentielle : amies d’adolescence avec lesquelles elle entretient des flirts plus qu’équivoques, inconnues abordées dans la rue, au spectacle, dans un train, couples qui n’hésitent pas à lui faire des propositions un peu lestes… La lecture de son journal donne l’image d’un univers qui entretient avec le sexe et la séduction des rapports relativement décomplexés et naturels, y compris dans des configurations apparemment « scabreuses » (relations entre femmes ou à plusieurs…), ou dans des contextes atypiques – par exemple lors de sa liaison avec Marie-Thérèse pendant la guerre, ou, plus tard, avec l’épouse d’un banquier jusque-là fort sage. Prisme déformant d’un regard qui tend à tout érotiser ? Ou traces indirectes d’une société moins prude et policée que ne le donne à penser la morale dominante, et dont Anne-Marie Sohn ou Anne-Claire Rebreyend ont déjà montré la relative liberté de mœurs43 ? Si l’homosexualité exclusive ou les pratiques libertines demeurent évidemment des traits propres à l’auteure, son journal n’en témoigne pas moins pour d’autres qui, sans être investies dans une sexualité aussi intensive, peuvent entretenir avec leur corps et leurs désirs des rapports dénués de pudibonderie. Si bien qu’on peut se demander si la principale singularité de Mireille Havet n’est pas, au bout du compte, sa capacité à dire à et décrire ce que d’autres pratiquent sans vouloir ou pouvoir les nommer.

  • 44 Voir par exemple Catherine Millet, La vie sexuelle de Catherine M., Paris, Seuil, 2002 ou Charlotte (...)

23Exceptionnelle, cette audace langagière semble avoir été rendue possible par un lyrisme stylistique qui, de fait, lui donnait des capacités d’expression inaccessibles à la très grande majorité des jeunes femmes de son temps, fussent-elles désinhibées dans leurs plaisirs. Ce riche nuancier lexical et syntaxique lui permit en effet d’évoquer avec finesse et poésie une réalité généralement ressentie comme gênante ou triviale, en tout cas difficile à décrire, voire indicible. Si, plus tard dans le siècle, les confessions intimes et sexuelles se banalisent, sur un mode plus prosaïque ou plus cru44, on peut se demander si, entre 1910 et 1930, elles n’étaient pas uniquement concevables, pour une femme, non seulement dans le cadre d’un journal intime, donc voué au secret, mais surtout sous le filtre protecteur et enjolivant d’un « beau style » qui, en la préservant des écueils de la vulgarité ou de l’impudeur, lui permit d’avancer sans dommage sur la terra incognita de l’écriture du sexe.

24Mais c’est peut-être par là, aussi, que le journal de Mireille Havet trouve l’une de ses paradoxales limites, puisque, en effet, ce style qui lui autorise toutes les libertés eut également pour effet d’atténuer, voire de renvoyer hors champ, ce que la vie sexuelle peut aussi avoir de trivial ou de médiocre, parfois même de sordide ou de honteux. Elle demeure en effet, sous sa plume, le plus souvent, lyrique, exaltée, voire poétique, même lorsque la diariste évoque ses échecs ou ses frustrations. Brillante et colorée, sa palette ne balaie qu’un registre réduit, et peine à nous parler, sous une forme réaliste, des timidités, des maladresses ou des dégoûts qui furent le lot commun de la majorité des femmes. En ce sens, il n’y a pas lieu de faire d’un tel témoignage le lieu d’une authenticité et d’une vérité indépassables. Plus, peut-être, que pour le tout venant des scripteurs, tributaires d’une expression banale et stéréotypée, mais riche d’enseignement sur l’ordinaire des sensibilités, un journal à valeur littéraire est le lieu d’une recréation, d’un jeu entre le langage et le réel, qui produit aussi des effets de déformation, de silence ou d’angles morts. Si cet argument ne saurait bien sûr servir à disqualifier le journal de Mireille Havet en tant que source, il doit nous servir à ajuster l’approche méthodologique d’un texte aussi fécond qu’inclassable.

25Alors même que la publication de ce journal n’est pas encore tout à fait achevée, et que se profile, au-delà, celle de la correspondance, il nous semble que le texte peut déjà faire office de vaste réservoir d’analyses pour les historiens de l’intime et de la sexualité, toujours en demande de sources autobiographiques, et rarement récompensés à ce degré. S’il va de soi que son exploitation appelle une mise en résonance avec des textes de nature comparable, et la prise en compte des limites ou des biais qui le caractérisent, il ne fait guère de doute qu’il sera amené, une fois tiré de sa confidentialité, à devenir une référence phare dans l’histoire des écrits féminins de l’intime, au même titre que le journal d’Anaïs Nin ou celui d’Anne Frank. Aussi ne peut-on qu’appeler à sa publicité croissante, qui ne manquera pas de nourrir utilement l’exploration encore pionnière du « continent noir » de la sexualité féminine.

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Notes

1 Anne-Claire Rebreyend, Intimités amoureuses, Toulouse, PUM, 2008, p. 39 et suiv.

2 Anne-Claire Rebreyend, Dire et faire l’amour, écrits intimes et confidences de 1910 à 2010, Paris, Les Éditions Textuel, 2011. L’auteure évoque, pour la période 1914-1939, « le sexe caché ».

3 Emmanuelle Retaillaud-Bajac, « “Du clan divin des femmes amoureuses” à la “race maudite” : élaboration, représentations et discontinuités de l’identité lesbienne dans la trajectoire de Mireille Havet (1898-1932) », Genre, sexualité et société, n° 1, printemps 2009 ; et « “Seule ma chair est insatisfaite, c’est pourquoi j’écris” : l’écriture de la sexualité dans le journal de l’écrivaine Mireille Havet », Sextant, n° 29, 2012.

4 Emmanuelle Retaillaud-Bajac, Mireille Havet, l’enfant terrible, Paris, Grasset, 2008.

5 Anne-Claire Rebreyend, Intimités…, op. cit., p. 15.

6 Ibid.

7 Cf. Christine Bard, Les Garçonnes, modes et fantasmes des années folles, Paris, Flammarion, 1998.

8 Les Soirées de Paris, juillet-août 1914.

9 Mireille Havet, La maison dans l’œil du chat, Paris, Éditions Crès, 1917.

10 Philippe Lejeune, Le moi des demoiselles, enquête sur le journal de jeune fille, Paris, Le Seuil, 1993, p. 64. Voir les journaux de jeunesse d’André Gide, de Pierre Louÿs ou de Catherine Pozzi.

11 Le journal retrouvé de Mireille Havet compte 17 cahiers (1913-1929), conservés à la bibliothèque de l’université Paul-Valéry de Montpellier (fonds Cocteau). La période 1918-1929 a été publiée aux éditions Claire Paulhan.

12 Voir Journal, 20 mai 1914.

13 Marie Bashkirtseff, Journal, Lausanne, Paris, L’Âge d’homme, 1999.

14 Philippe Lejeune, op cit., p. 80.

15 Martha Vicinus, Intimate friends, women who loved women, Chicago, Chicago University Press, 2004, p. 233.

16 Ibid.

17 Philippe Lejeune, op. cit., p. 88 et p. 265-290. Voir également l’analyse du journal de Caroline Brame par M. Perrot, Les femmes ou les silences de l’histoire, Paris, Flammarion, 1998, p. 57-105.

18 Ibid., p. 52.

19 Anaïs Nin, Journal, (1966) Paris, Le Livre de Poche, 1974. Elle a tenu son journal de 1914 à 1977.

20 Anne-Claire Rebreyend, Intimités…, op. cit., p. 86-89.

21 Voir Anne-Claire Rebreyend sur le récit autobiographique de « Charlotte », ibid, p. 52-60.

22 Nicole Lacelle, « Le lesbianisme : une culture de choix ? » in Natacha Chetcuti et Claire Michard (dir.), Lesbianismes et féminisme, histoires politiques, Paris, L’Harmattan, 2003.

23 Florence Tamagne, Histoire de l’homosexualité en Europe, Berlin, Londres, Paris, 1919-1939, Paris, Le Seuil, 2000, p. 310 et suiv.

24 Emmanuelle Retaillaud-Bajac, « Du clan divin… », op. cit., p. 7-12.

25 Christine Bard, op. cit., p. 37 et suivantes.

26 Emmanuelle Retaillaud-Bajac, « Du clan divin… », op. cit., p. 7-12.

27 Voir les analyses de Didier éribon, Réflexions sur la question gay, Paris, Fayard, 1999, p. 29 et suiv.

28 Radclyffe Hall, Le puits de solitude (1932), Paris, Gallimard, 2005.

29 Voir Marie-Jo Bonnet, Les relations amoureuses entre les femmes, xvie-xxe siècles, Paris, Odile Jacob, 1995 ; Nicole G. Albert, Saphisme et décadence dans Paris fin de siècle, Paris, Éditions de la Martinière, 2005 ; et Florence Tamagne, op. cit.

30 C’est par commodité que nous employons ce terme un peu anachronique, dont la pertinence est contestée pour la période. Voir les réflexions de Régis Revenin, Homosexualité et prostitution masculines à Paris, 1870-1918, Paris, L’Harmattan, 2005.

31 Cécile Dauphin et Arlette Farge, Séductions et sociétés, Paris, Le Seuil, 2001.

32 Fabienne Casta-Rosaz, Histoire du flirt, les jeux de l’innocence et de la perversité, Paris, Grasset, 2000.

33 Voir Anne-Marie Sohn, Chrysalides, femmes dans la vie privée (xixe-xxe siècles), Paris, Publications de la Sorbonne, 2 vol., 1996.

34 Par définition, confidentielles et essentiellement orales. Voir Alain Corbin, L’harmonie des plaisirs, les manières de jouir du siècle des Lumières à l’avènement de la sexologie, Paris, Perrin, 2008, p. 309-334.

35 Ibid.

36 Mary Louise Roberts, Civilization without sexes, reconstructing gender in postwar France, Chicago, London, Chicago University Press, 1994.

37 Journal, 7 avril 1922.

38 Journal, 18 février 1919, p. 118.

39 Les cahiers de Mireille Havet sont très peu raturés.

40 On sait que celui-ci fut régulièrement réécrit et enjolivé, jusqu’à brouiller sa valeur de témoignage. Voir Deirdre Bair, Anaïs Nin, une biographie, Paris, Stock, 1996.

41 Philippe Artières et Dominique Kalifa, « L’historien et les archives personnelles : pas à pas », Sociétés et représentations, n° 13, avril 2002, p. 7-15.

42 Suzanne Rodriguez, Wild heart : a life : Natalie Clifford Barney’s journey from Victorian America to Belle Époque Paris, New York, Harper Collins, 2002.

43 Anne-Claire Rebreyend, Intimités…, op. cit.

44 Voir par exemple Catherine Millet, La vie sexuelle de Catherine M., Paris, Seuil, 2002 ou Charlotte Roche, Zones humides (2008) Paris, Anabel Éditions, 2009.

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Pour citer cet article

Référence papier

Emmanuelle Retaillaud-Bajac, « Le journal de Mireille Havet (1898-1932), source pour une histoire des sexualités lesbiennes et féminines en France, de la Belle Époque aux Années folles »Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 119 | 2012, 35-49.

Référence électronique

Emmanuelle Retaillaud-Bajac, « Le journal de Mireille Havet (1898-1932), source pour une histoire des sexualités lesbiennes et féminines en France, de la Belle Époque aux Années folles »Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 119 | 2012, mis en ligne le 01 janvier 2014, consulté le 25 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chrhc/2703 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chrhc.2703

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Auteur

Emmanuelle Retaillaud-Bajac

Université de Tours

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