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Mémoires honteuses Les chrétiens européens face à leurs passés embarrassants (xvie-xxie siècles)

Réparer son erreur

Les annonces des rétractations de prêtres dans des journaux parisiens (1790-1792)
Making amends.Announcements of the recantations of priests in Parisian newspapers (1790-1792)
Guillaume Colot
p. 139-162

Résumés

Entre 1789 et 1790, c’est plus de 200 journaux qui sont créés à Paris. Moins nombreux que ceux que l’on nomme journaux « révolutionnaires » et qui apparaissent en même temps que le mouvement patriote à l’été 1789, il y a des journaux qui consacrent l’intégralité de leurs lignes à évoquer les questions religieuses concernant les catholiques français et l’Église de France. Un premier moment provoque l’apparition de nouveaux journaux au moment des discussions et du vote de la Constitution civile du clergé (juillet 1790). Cette loi, ainsi que le serment qui va l’accompagner, alimente un véritable schisme éditorial tout autant que dogmatique que l’on peut lire jour après jour dans les feuilles parisiennes. Quelques semaines après l’obligation de prêter serment, certains journaux publient des publicités des prestations du serment alors que d’autres publient des rétractations. Il s’agit de textes courts souvent accompagnés de justifications pour expliquer leur revirement. L’analyse de ces explications est primordiale pour tenter de cerner l’identité de ce groupe ainsi que les sentiments qui le traversent. Contre le discours officiel qui tente de préserver un semblant d’unité nationale mis à mal par les grandes réformes des parlementaires, les « rétractés » endossent malgré eux le costume de l’adversaire voire d’ennemi, porteur des vices et maux dénoncés par les journaux et les prêtres constitutionnels (assermentés). Un jeu de miroir se met en place où l’image construite par les rédacteurs s’inverse totalement d’un journal à un autre.

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Texte intégral

  • 1 Claude Labrosse et Pierre Rétat, L’Instrument périodique, la fonction de la presse au xviiie siè (...)
  • 2 Rodney Dean, L’Assemblée constituante et la réforme ecclésiastique, 1790. La Constitution civile (...)

1En lisant les cahiers de doléances, il est frappant de constater à quel point la religion y est omniprésente pour les habitants des villes et des campagnes. Les cahiers ne portent pas tous le même regard sur la place et le rôle politique, économique, social et culturel du premier ordre de la société dans ce dix-huitième finissant mais ils expriment une partie de l’opinion de Français qui osent dire (ou plutôt dans un premier temps écrire) tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas. Imaginons alors l’impact de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme dans cette brèche engagée depuis le printemps de 1789 ? Si l’année 1789 est une année sans pareilles, l’année 1790 voit la rencontre sans doute improbable entre la presse périodique et les débats religieux. Il faut dire que le contexte s’y prête depuis novembre 1789 jusqu’à l’été 1790 : de grandes questions sont discutées (la vente des biens nationaux, la suppression des vœux monastiques… et la grande réforme religieuse, la Constitution civile du clergé) et font déjà couler beaucoup d’encre. De l’encre, il en est question dans les journaux qui demeurent une source imprimée aujourd’hui très bien conservée et qui a fait l’objet des travaux fondamentaux avec l’ouvrage de Jean-Paul Bertaud en 1984 (Les Amis du roi, journaux et journalistes royalistes en France de 1789 à 1792, Paris, Perrin) et depuis 1989 avec les études menées par Pierre Rétat et Claude Labrosse sur la naissance du journal révolutionnaire et, plus récemment, celles réalisées par Gilles Feyel sur la presse départementale1. Parmi la masse de journaux paraissant à cette époque dans la capitale (on évoque plusieurs centaines de créations au cours des deux premières années), certains affirment naturellement leur sensibilité et leur identité religieuses. Repérés par leurs titres et l’identité de leurs rédacteurs, ils vont jusqu’en août 1792 – au moins – utiliser leur journal comme un « étendard », un signe de ralliement, un pas en direction d’un groupe qui se dessine, une marque d’opposition à un autre. Ce signe de ralliement, les rédacteurs le trouvent notamment au moment des discussions autour de la Constitution civile du clergé2 (été 1790) puis dans un deuxième temps, avec l’obligation de prêter un serment en novembre de la même année, deux événements qui servent en quelque sorte de fonds baptismaux à plusieurs entreprises de presse. C’est aussi ce serment qui va diviser les prêtres, la population et les journaux entre eux. En effet, d’un côté certains vont soutenir ceux qui ont prêté le serment (que l’on nomme les assermentés, les constitutionnels, les jureurs), et de l’autre, ceux qui le rejettent (les insermentés, les réfractaires). Cette division se remarque dans le choix des titres des journaux qui sont assez transparents, comme par exemple, Le Journal de l’Église constitutionnelle ou Les loisirs d’un curé déplacé (en référence aux prêtres réfractaires exclus de leur paroisse). Dans le cadre de cet article, il s’agira de s’intéresser à un groupe qui a choisi une attitude périlleuse par rapport à la prestation de serment : après l’avoir prêté et respecté de fait la loi, certains prêtres se décident à le rétracter. Et, preuve de l’importance de ce serment dans une France qui se déchire autour des autels, des journaux rendent hommage à ceux qui rétractent le serment en publiant leur déclaration.

2Aussi, nous pourrions, dans un premier temps, rappeler comment le serment provoque une rupture qui se prolonge dans les choix éditoriaux parisiens. Puis, nous nous intéresserons aux rétractations, témoignages publics et publiés, reflétant dans les textes les sentiments honteux d’un instant. Enfin, nous pourrons aborder la réaction des journaux constitutionnels déterminés à contrer ces rétractations en dressant un portrait à charge de l’attitude honteuse des rétractés.

3Ce serment s’inscrit d’abord dans un cadre laïc et public : les ecclésiastiques nouvellement élus devront prêter le serment « à la Nation, à la Loi et au Roi » comme tous les autres membres de la fonction publique judiciaire, militaire ou départementale. Rien dans ce serment civique ne devrait a priori tenir à l’écart tout un groupe de personnes. Pourtant, le serment demandé aux fonctionnaires ecclésiastiques aurait mérité sans doute une disposition particulière de la part de l’Assemblée nationale en raison de la profession qu’ils exercent. La sécheresse du texte ne laisse pourtant pas de place à une interprétation corporatiste 

Article 21 : Avant que la cérémonie de la consécration commence, l’élu prêtera, en présence des officiers municipaux, du peuple et du clergé, le serment solennel de veiller avec soin sur les fidèles du diocèse qui lui est confié, d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi et de maintenir de tout son pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi.

  • 3 Son numéro d’octobre 1790 commence par la critique d’un ouvrage présenté par les Nouvelles ecclé (...)

4Refuser de prêter le serment, dont le statut religieux et civique se confond, revient à perdre et la qualité de citoyen et le métier qui assurait leur existence alors même que la Constitution civile accordait des traitements globalement meilleurs qu’auparavant, au moins pour le bas-clergé. Ce qui est curieux, c’est que les feuilles religieuses n’anticipent en rien sur les effets que ce serment va provoquer quelques mois plus tard : il y a peu d’articles jusqu’à la fin de l’année 1790 (ou alors assez succincts) pour définir de position officielle à suivre, ce qui a probablement mis dans l’embarras les journalistes et leurs lecteurs. Dans cette affaire, le silence de Rome n’a pas non plus facilité leur conduite. Attendant un signal fort d’Italie pendant cette période, l’abbé Barruel, rédacteur du Journal ecclésiastique, publie plusieurs réactions isolées de personnalités marquant leur inquiétude face au serment (les évêques de Saint-Pol de Léon et de Clermont, l’archevêque d’Aix) et il concentre plutôt ses attaques sur les Nouvelles ecclésiastiques discutant de polémiques pourtant déjà anciennes3.

  • 4 Timothy Tackett, La Révolution, l’Église, la France, Paris, Éd. du Cerf, 1986. Dans le chapitr (...)
  • 5 Collection ecclésiastique, op.cit., « avis préliminaire » : « En annonçant une collection d’ouvr (...)

5À la fin de 1790, les journalistes ressentent déjà une ambiance qui est en train de se dégrader autour de la prestation du serment au fur et à mesure que les nouvelles remontent vers Paris par l’intermédiaire des courriers des lecteurs envoyés aux rédactions parisiennes. En effet, dès le mois de mars 1791, l’Assemblée nationale a ordonné une enquête pour connaître le résultat des prestations de serment dans le royaume. C’est cette enquête qui a servi de support aux travaux de Timothy Tackett4 et qui a ravivé, d’une certaine façon, les débats historiographiques autour du serment. Conscient qu’une frontière irréconciliable vient d’être franchie avec le serment, Barruel publie la Collection ecclésiastique ou Recueil complet des ouvrages faits depuis l’ouverture des États généraux relativement au clergé, à sa constitution civile… avec le concours de son ami l’abbé Guillon : connaître exactement le nombre de prêtres qui ont failli et ont trahi. Prévoyant 15 tomes, les 7ème et 8ème sont directement consacrés au serment. Sans être une œuvre d’histoire, ils rassemblent une sélection de textes et de déclarations5 concernant le serment avec une lecture pour le moins subjective comme l’expliquent les premières pages du Discours préliminaire :

  • 6 Collection ecclésiastique ou recueil complet des ouvrages faits depuis l’ouverture des états-gén (...)

Une révolution s’est opérée, qui, semblable à un vent brûlant et impétueux, se déchaîne avec violence, étendant au loin ses ravages, entassant ruines sur ruines, desséchant tout ce qu’elle n’a pu rompre, menaçant d’arracher à ce trône unique, hors duquel il n’y a point de vie, une branche si antique, si vigoureuse ; et creusant ça à là des gouffres profonds où la monarchie elle-même va peut-être bientôt descendre et s’ensevelir. Comment se sont faits ces grands changemens ? Comment s’est ourdie cette trame qu’il faut avouer être le chef d’œuvre des enfers ? […] Oh ! s’ils vouloient enfin nous entendre, ces hommes qui n’ont su jusqu’ici que nous opprimer, ils verroient bien dans cette constitution prétendue civile du clergé l’ouvrage de l’artifice et de la haine ; puis, après avoir comparé les monumens divers qui forment cette collection, ils se demanderoient enfin à eux-mêmes quel est donc le crime de ces évêques, de ces prêtres, qui ne demandent grace que pour la religion et pour l’honneur6.

  • 7 Jean de Viguerie, Christianisme et Révolution, Paris, Nouvelles éditions latines, 1986, p. 89. I (...)
  • 8 Bernard Plongeron, Conscience religieuse en Révolution. Regards sur l’historiographie religieuse (...)

6On pourrait penser qu’il suffit de repérer ces déclarations (prestations, refus ou rétractations de serment) pour les publier. Mais ce n’est pas une chose simple, comme l’explique Timothy Tackett lorsqu’il essaie d’approfondir le travail de Philippe Sagnac. Ces deux auteurs se sont heurtés au problème des sources : contrairement aux cahiers de doléances dont la forme est globalement homogène (des modèles de cahiers qui émergent pour chaque ordre, une période de rédaction identique de l’hiver 1788 au printemps 1789), les déclarations de serment, de refus ou de rétraction (lorsqu’elles existent : c’est à dire, elles ont été publiées et conservées) indiquent des situations très diverses. L’historien Jean de Viguerie distingue six manières de prêter le serment : le serment est prêté purement et simplement, le serment d’abord refusé est prêté, le serment prêté avec restriction ou avec rétractation partielle, le serment est prêté entièrement puis rétracté, le refus avec explication, souvent fondé sur l’argument de l’impossibilité de conscience, le refus pur et simple7. Le choix dépend bien évidemment d’attitudes qui varient en fonction de plusieurs paramètres que rappelle Bernard Plongeron : la fonction occupée, la géographie, la date au moment du serment8, ce qui complique leur analyse globale. Même s’il s’agit d’une obligation personnelle (tous les ecclésiastiques paroissiaux ou non paroissiaux doivent prêter le serment), les prêtres français peuvent prêter/refuser le serment individuellement ou collectivement (parfois en petit groupe, tous les professeurs d’un même séminaire, tous les vicaires d’un même chapitre…). La prestation devait se faire un dimanche après la messe devant les autorités locales et les fidèles à partir de décembre 1790, ce qui a pu motiver des prestations collectives :

Par décret de l’Assemblée nationale, et conformément à la Constitution civile du clergé en date du 24 août 1790, tous les ecclésiastiques prêteront le serment exigé un jour de dimanche après la messe, en présence du conseil général de la commune et des fidèles. Ceux qui ne le prêteront pas seront réputés avoir renoncé à leur office et il sera pourvu à leur remplacement.

  • 9 T. Tackett, op. cit., p. 55.

7Pourtant, en dépit de l’obligation légale, le serment n’a pas été prononcé immédiatement dans toutes les paroisses de France. Timothy Tackett repère trois moments pour capter ces déclarations : le printemps 1791 (l’enquête est directement menée), l’été 1791 (après l’intervention du pape, ce qui fait évoluer certains comportements) et l’automne 1792 (après le décret d’août qui oblige les prêtres réfractaires à quitter le pays9). La chronologie a son importance tout comme la situation géographique car le serment n’est pas prêté de façon identique entre les départements, mais également entre les villes et les campagnes.

  • 10 Ibid., p. 77.

8Les journaux catholiques s’intéressent au serment mais ils ne promettent pas un décompte exhaustif des prestations, des refus ou des rétractions de serment. À partir du mois de janvier 1791, au fur et à mesure que les nouvelles lui parviennent, L’Ami du roi raconte tout ce qui concerne le serment dans la capitale et dans le reste du royaume : les évêques et les curés qui se déplacent pour prêter le serment devant l’Assemblée nationale, ceux qui refusent (les évêques de Clermont, de Lombiez, de Soissons, de Troyes) ou s’inquiètent d’un soulèvement du peuple (évêque de Strasbourg), ceux qui jurent mais qui vont se rétracter et ceux qui ne jurent pas et envoient leur profession de foi. Le journaliste ne cache pas ses inquiétudes face aux pressions et premières violences qui apparaissent lorsqu’un prêtre refuse de jurer ou qu’il tente de se rétracter. Désormais, « la bataille du serment » oppose les évêques d’Ancien Régime et les promoteurs de la nouvelle réforme religieuse10. Timothy Tackett présente des statistiques qui demeurent encore aujourd’hui des références incontournables concernant les résultats du serment en 1791. Elles portent sur 83 % des curés et 72 % des vicaires en activité au moment du serment (autour de 50 000 personnes, c’es-à-dire les trois quarts du personnel total). L’historien établit un résultat oscillant entre 52 et 55 % d’assermentés selon les périodes, les lieux et les groupes appartenant au clergé (Philippe Sagnac avançait le chiffre de 57,6 %). Ainsi, entre le printemps et l’été 1791, il recense 52,2 % de jureurs dans le clergé paroissial. Ce chiffre varie selon les départements : par exemple, l’Aude et les Bouches-du-Rhône regroupent 70 % des jureurs pendant la première période. En définitive, il compte 52,3 % d’assermentés pour l’ensemble du royaume.

  • 11 Ibid., p. 57 : 22 départements : Basses-Alpes, Ariège (diocèse de Couserans), Aude, Calvados, Ca (...)
  • 12 Ibid., p. 67-72 : dans les villes de moins de 8 000 habitants le clergé paroissial est en majori (...)

9Avant de se pencher sur les catégories de prêtres qui ont prêté ou refusé le serment, il fournit des cartes qui accompagnent les statistiques de chaque département afin de dessiner une géographie du serment. Il distingue quatre groupes de départements11. Globalement, il remarque une corrélation entre le milieu urbain et le refus du serment. Plus la ville est petite, plus les jureurs sont nombreux. C’est l’inverse qui se produit dans les villes de plus de 50 000 habitants12. Au-delà d’une opposition ville-campagne, il a montré des différences régionales marquées : des zones où les réfractaires s’imposent (un grand Ouest : Normandie, Bretagne, Anjou, Bas-Poitou ; le cœur du Massif central : Velay, Auvergne, Gévaudan, Rouergue et des prolongements vers les vallées de la Garonne, Gascogne et des Landes ; les périphéries du Nord, du Nord-Est et l’est et l’ouest des Pyrénées) ; les zones où la Constitution civile du clergé est acceptée : le Bassin parisien, l’Orléanais, l’est de la Champagne, le Berry-Bourbonnais, le Poitou, le reste des Pyrénées, le Languedoc méditerranéen, le long de la frontière sud-est de la Bresse et du Bugey jusqu’à la Provence.

  • 13 Ibid., p. 78-92.

10Timothy Tackett remarque que les journaux de droite et de gauche s’affrontent intensément autour du serment pendant l’hiver 1791. Sa comptabilité indique rapidement les motivations des ecclésiastiques qui mettent souvent des mots sur leur choix. A priori, cet historien ne s’est pas appuyé sur les journaux catholiques et ne cite que des monographies locales pour justifier l’engagement des constitutionnels et des réfractaires13. Aussi, les journaux permettent de trouver d’autres déclarations pour comprendre les motivations des ecclésiastiques, confrontés au brutal dilemme. Les journaux soutenant les ecclésiastiques constitutionnels publient exclusivement les témoignages de prestation du serment alors que dans le même temps les journaux défendant les réfractaires choisissent d’imprimer les refus et les rétractations de serment. Pour autant, ces témoignages arrivent tardivement dans les rédactions et sont très faibles par rapport au nombre total des ecclésiastiques français. Même s’ils fournissent parfois des chiffres que l’on ne peut vérifier facilement, les journalistes n’ont surtout pas les moyens de publier des statistiques globales du refus ou de la prestation du serment. Recevant des nouvelles parcellaires de leurs correspondants ou lecteurs provinciaux, ils ne peuvent fournir de statistiques fiables et complètes. Qu’ils se destinent à prêter ou à refuser le serment, nombreux attendent le dernier moment de peur de perdre un salaire garanti ou de subir les foudres de Rome. C’est pourquoi, il faut attendre le début de l’année 1791 pour que les journaux catholiques commencent à raconter tout ce qui se passe autour du serment et qu’ils contribuent alors à figer la rupture à l’intérieur du clergé et de dessiner une France des jureurs et des non-jureurs.

  • 14 L’Ami du roi, 3 juin 1791, p. 635 : « Rétractation de sermens. Extrait d’une Lettre de Troyes. O (...)

11Les déclarations officielles des ecclésiastiques sont mises en scène pour avoir un impact fort sur les esprits : en associant un chiffre impressionnant et une déclaration (sans doute les mêmes utilisées par T. Tackett), les journaux espèrent marquer suffisamment l’opinion publique pour influencer les collègues et les fidèles, alors même que les lecteurs ne connaissent pas le mouvement général qui accompagne le serment14.

12Confronter les cartes de Timothy Tackett aux lieux d’où proviennent les prestations ou les rétractations de serment cités par les journaux catholiques n’est pas une chose facile lorsque les arguments ne sont pas précisés dans les articles. Pour autant, ces cartes ne sont pas exhaustives car elles recensent uniquement les cas envoyés à Paris et qui n’ont pas vocation à décrire la situation de l’ensemble du royaume, malgré la volonté des rédactions parisiennes de donner des informations sur l’état général de la France.

13Aussi, sans minimiser l’impact de certains résultats départementaux, il faut garder à l’esprit que la présence ou l’absence de certains départements dans les statistiques peut fausser la comparaison des résultats avec ceux de T. Tackett. D’autres problèmes peuvent expliquer les écarts de chiffres : les courriers voyagent-ils par la poste ou par l’intermédiaire de voyageurs (ce qui peut expliquer la mention régulière de certaines destinations au détriment d’autres) ? Les journalistes se mobilisent-ils volontairement sur certains départements ? En délaissent-ils d’autres ? Nous essayerons de dresser un bilan de ces déclarations en analysant les motivations de leurs auteurs – lorsqu’elles sont exprimées.

Les rétractations de serment dans les journaux religieux : de l’aveu de culpabilité au sentiment de honte

  • 15 Annie Duprat, « Un réseau de libraires royalistes à Paris sous la Terreur », Annales historiques (...)

14En s’appuyant sur les groupes de départements qu’a définis T. Tackett, les rétractations représentent 6 % des serments prononcés par les prêtres assermentés entre l’été 1791 et l’automne 1792. Trois journaux catholiques publient régulièrement des rétractations : L’Ami du roi, Le Journal ecclésiastique, Les Annales de la religion et du sentiment. Ces journaux n’innovent pas en matière de contestations puisque certains imprimeurs contre-révolutionnaires ont pu publier des brochures dans lesquelles ils vont également mentionner des rétractations. C’est le cas de Crapart, dont le nom figure régulièrement dans les annonces de publications d’ouvrages en fin de numéro des trois journaux cités plus haut et auquel Annie Duprat a consacré une étude15. Ne paraissant pas avec la même périodicité et ne partageant pas exactement les mêmes objectifs quant à leur ligne éditoriale, il est peu aisé de comparer la chronologie ainsi que la quantité des rétractations pour ces trois journaux, d’autant plus que les courriers n’arrivent pas rapidement et qu’il est difficile de comptabiliser une rétractation d’après le jour de sa déclaration ou d’après le jour de sa publication dans le journal (qui ne coïncident jamais). Nos statistiques ne prennent en compte que les jours de publication. Nous recensons 111 déclarations qui ne correspondent pas exactement au rythme décrit par l’historien américain. En effet, il remarque que le nombre des rétractations gonfle à trois moments : au printemps, à l’été 1791 et à l’automne 1792. Les trois journaux cesseront leur activité à partir du mois d’août 1792, confrontés au durcissement du contexte politique parisien. Par conséquent, il est impossible de prendre en compte la dernière période. Les rétractations publiées par le Journal ecclésiastique et L’Ami du roi correspondent bien aux deux premiers moments. Sans publicité de leurs choix, il est difficile d’affirmer que les prêtres ont suivi ce mouvement – qui est loin d’être uniforme : on peut considérer que ceux qui ont rétracté au début de l’année 1791 jusqu’au printemps ont probablement subi plusieurs influences qu’ils ne détaillent malheureusement pas dans leurs déclarations. La position adoptée par l’évêque de Clermont, puis les conséquences des Brefs pèsent certainement lourd dans la prise de décision des ecclésiastiques rétractants.

  • 16 Voir l’annexe 1, la localisation des rétractations dans les journaux soutenant le camp des réfra (...)

15De même, les rétractations publiées dans ces journaux ne proviennent pas exactement des mêmes zones de réfractaires que l’historien a repérées. À l’exception de la Normandie, des périphéries au Nord et à l’Est et dans une certaine mesure, les vallées au Sud du Massif central, les rétractations proviennent surtout des départements autour de Paris. Les journaux ne possèdent pas forcément des correspondants dans tous les départements et privilégient sans doute les déclarations qui arrivent rapidement dans les rédactions parisiennes. Nous remarquons également que ces journaux publient des rétractations provenant de zones où le serment l’a largement emporté : le Bassin parisien, le Centre (de l’Orléanais jusqu’au Bourbonnais). S’agit-il de décrédibiliser les annonces victorieuses du serment dans ces départements en mettant en lumière des rétractations provenant de ces zones ? C’est une hypothèse à ne pas écarter avec celle de montrer que les rétractations concernent à présent toutes les régions du royaume, y compris celles où le serment a été plus largement prêté16.

16Reste le cas de Paris et des départements voisins. La proximité géographique peut jouer pour apporter plus rapidement les nouvelles des rétractations : les trois feuilles publient 32 rétractations (soit un tiers du total) provenant du département de la Seine (16), l’Oise (4), le Val-d’Oise (3), l’Essonne (4) et la Seine-et-Marne (5).

17La forte représentation de ces zones dans les journaux catholiques revient à s’interroger sur les groupes d’ecclésiastiques qui ont prononcé les rétractations. Tout d’abord, il faut rappeler le constat de T. Tackett : les réfractaires sont plus nombreux en milieu urbain et notamment les vicaires (52,2 %). La majorité des rétractations publiées par les journaux catholiques proviennent de curés et de vicaires, celles du clergé enseignant ou régulier n’apparaissant quasiment pas. Il faut dire que ce personnel ne jura pas massivement : seulement un cinquième des professeurs d’université et 7 % des professeurs de séminaires ont juré, les rétractations sont alors peu nombreuses à trouver. Nous recensons les mêmes proportions dans la capitale et dans les départements voisins.

Tableau 1. Comparaison entre les statistiques de jureurs tirées de l’ouvrage de T. Tackett et dans les journaux catholiques

Groupe
d’ecclésiastiques

Pour T. Tackett
(les jureurs)

Pour les journaux catholiques (les rétractés)

Curés

57,3 %

61 (soit 54,9 %)

Vicaires

47,8 %

25 (soit 22,52 %)

Clergé enseignant

Professeur de collège : 37,2 %

Professeurs de séminaires : 7,3 %

Professeurs d’université : 22 %

6 (soit 5,4 %)

Clergé régulier

57 %

9 (soit 8,1 %)

« Prêtres »

-

10 (soit 9 %)

Tableau 2. Les rétractations dans les journaux catholiques

Groupes
d’ecclésiastiques

Ami du roi

Annales de la religion et du sentiment

Journal ecclésiastique

Curés

32

12

17

Vicaires

12

13

0

Clergé enseignant

4

0

2

Clergé régulier

8

0

1

« Prêtre »

9

0

1

Tableau 3. Les rétractations dans le Bassin parisien

Groupes
d’ecclésiastiques

Ami du roi

Annales de la religion et du sentiment

Journal ecclésiastique

Curés

9

0

3

Vicaires

4

5

0

Clergé enseignant

2

0

1

Clergé régulier

1

1

0

« Prêtre »

3

0

1

Total

19

6

5

18Dans l’échantillon observé, nous remarquons plusieurs similitudes. Tout d’abord, les journaux choisissent de publier des rétractations plutôt que des serments restrictifs comme le montre la formule suivante : « Je jure de veiller avec soin sur les fidèles dont la conduite m’a ou me sera confiée par l’Église, d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi […] exceptant formellement les objets qui dépendent essentiellement de l’autorité spirituelle. » C’est un serment restrictif qui exclut l’aspect spirituel. C’est dans L’Ami du roi que nous trouvons le plus grand nombre de rétractations par restriction avant même que ne soit publiée celle de l’évêque de Clermont :

19 décembre 1790.

Autre lettre aux Rédacteurs.

Je vous prie, messieurs, d’insérer dans votre feuille ma Profession de foi, ensemble mon serment civique ; vous m’obligerez infiniment. A toute la France Chrétienne et, en particulier, à tout le Corps ecclésiastique, dont j’ai le bonheur d’être membre. Pénétré de la plus vive et de la plus juste douleur à la lecture du décret que l’assemblée nationale a porté le 27 novembre dernier, sur l’organisation du clergé, tendant à exiger des membres de cet illustre corps, un serment qui porte atteinte à la religion, et dont l’exécution ferait germer un schisme dans l’église de Jésus-Christ, je me crois obligé, aux dépens de ma vie, de publier ma profession de foi qui réprouve le décret du 27 novembre, et tous ceux qui viendraient à son appui contre la juridiction ecclésiastique, contre l’union de l’église de France à celle de Rome. [...] que je me conformerai à ce que décidera l’église de France légalement convoquée et assemblée en concile national sur la partie du serment civique qui porte atteinte à la religion, à la probité, au patriotisme d’un ministre des autels qui doit aimer, sous les deux titres de ministre et de chrétien, son roi comme son père, sa patrie comme sa mère, leurs défenseurs comme ses frères, et sa religion plus que sa vie, puisqu’il est obligé de la donner plutôt que d’y renoncer. Voilà ma profession de foi ; voilà mon serment civique ; voilà ma protestation contre le décret du 27 novembre dernier.

  • 17 L’Ami du roi, 19 décembre 1790, p. 830.

André Malerbaud, prêtre du Limousin, Mareuil, le 8 décembre 179017.

19En effet, deux semaines plus tard, L’Ami du roi publie le 4 janvier 1791, les déclarations de l’évêque de Clermont et de son collègue d’Uzès qui vont servir de modèle à de nombreux ecclésiastiques tout au long du printemps suivant. Après avoir rappelé que la Constitution civile du clergé ne devait pas toucher aux objets spirituels et que le serment ne concernait que les choses politiques, d’une seule voix, ils déclarent que « le seul serment qu’il nous soit permis de faire » est le suivant :

  • 18 Ibid., 4 janvier 1791, p. 15.

Je jure de veiller avec soin sur les fidèles dont la conduite m’a ou me sera confiée par l’église, d’être fidèle à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout mon pouvoir en tout ce qui est de l’ordre politique, la constitution décrétée par l’assemblée nationale, et acceptée par le roi, exceptant formellement les objets qui dépendent essentiellement de l’autorité spirituelle18.

  • 19 Ibid., 15 mai 1791, p. 4.
  • 20 Ibid., 19 mai 1791, p. 4.
  • 21 Ibid., 11 juin 1791, p. 2.

20Après cette annonce, ce journal publie une dizaine de prestations avec restrictions, dont certaines n’hésitent pas à déclarer avoir été directement influencées par les interventions de ces deux évêques. En effet, ces annonces ont pu parfois être utilisées dans les sermons prononcées par des réfractaires et désigner pour les fidèles l’existence d’un « bon camp », c’est-à-dire ceux qui suivent le « bon » exemple des rétractants. Pour autant, il est difficile d’affirmer que ces pratiques ont pu être généralisées, mais il n’est pas impossible d’en mesurer les effets dans certaines zones géographiques. C’est le cas de Pierre Fajon, prieur-curé de Murles dans le district de Montpellier, qui déclare qu’il « adopte entièrement les principes exposés par M. l’évêque de Clermont, député à l’assemblée nationale et les autres prélats de France », qu’il « rétracte positivement le serment » qui a prêté le 6 février précédent19. Le rédacteur de L’Ami du roi multiplie pendant cette période les annonces de rétractations déclarant – sans savoir s’il dit vrai – qu’il lui est « impossible » de toutes « les consigner » dans son journal20. Un mois plus tard, il affirme même que les Brefs du pape ont contribué à accélérer le mouvement et mettre la pression sur les prêtres jureurs et leurs défenseurs : « les nombreuses rétractations de sermens que procurent les brefs du pape, les suites terribles qu’auroit sur-tout celui qui doit, dans peu, frapper d’excommunication les intrus, commencent à inquiéter M. Camus21 ».

21Ensuite, un autre point commun est la présence de commentaires qui accompagnent la rétractation, alors que l’Assemblée nationale l’avait interdit (sans doute pour éviter les dérapages). Près de la moitié des rétractations présentent de courtes justifications accompagnées d’informations lacunaires sur les déclarants (nom, prénom, fonction, lieu et date de la rétractation). Les rédacteurs mettent en scène ces rétractations en créant une rubrique ponctuelle (rétractation, avis, lettre au rédacteur, nouvelles, …) comme le montre l'exemple ci-dessous :

Les Annales de la religion et du sentiment (novembre 1791)

  • 22 Voir l’annexe 1, la localisation des rétractations dans les journaux soutenant le camp des réfra (...)

22Elles sont seulement informatives, sans un commentaire de la part des rédacteurs. Peu d’entre elles révèlent des explications sur les motivations des ecclésiastiques (soit qu’elles n’intéressent pas vraiment le journaliste, soit qu’elles paraissent évidentes à leurs yeux) et ne nous permet pas de préciser les idées qui animent les prêtres en décidant de jurer ou de refuser. Le recensement paraît décevant au regard des chiffres nationaux et départementaux de réfractaires qu’annonce Timothy Tackett (avec moins de la moitié des ecclésiastiques français, indécis mais préférant la réforme à la Tradition). C’est pourquoi la faiblesse de cet échantillon n’est pas forcément une preuve tangible d’un basculement d’une région par rapport à une autre22.

23Enfin, nous remarquons d’autres points communs : pour un tiers d’entre elles, les déclarants disent qu’ils n’agissent pas seuls. Ils se rétractent en suivant l’exemple d’une personnalité (les modèles des évêques de Clermont et d’Uzès circulent mais ce sont des serments restrictifs) ou après la publication des Brefs du pape comme le montre la répétition de certaines expressions, mots ou tournures de phrases pour justifier leur serment : la première cause dans leur prestation de serment et la pression des populations locales. « Forcés » est le mot qu’ils utilisent souvent pour exprimer leur « honte » d’avoir prêté le serment afin d’éloigner la méfiance et l’agressivité des paroissiens et continuer à jouir de leur appui. « Forcé », pour ce curé de Collonges, près de Limoges, qui s’est laissé entraîner par « les instances de sa paroisse ». « Forcé », pour ce curé du diocèse de Meaux, qui se retrouve sans rien à 80 ans. « Forcé », pour ne pas se faire lyncher, ce curé près de Reims qui serait mort s’il avait refusé de prêter le serment en « prône ». « Forcé », pour « avoir du pain », comme l’affirme le vicaire de la paroisse de Gros-Caillou. Les contraintes physiques et morales ont sans doute été utilisées dans plusieurs cas mais l’avouer dans le journal permet une victimisation qui a pour principal objectif de désigner les véritables responsables du « mauvais » choix, c’est-à-dire les autres ! Ils sont coupables de bonne foi en quelque sorte. D’autres assument timidement une responsabilité personnelle : ils expriment des regrets d’avoir « naturellement obéi à la loi » mais de ne pas avoir été assez méfiants pour prévoir la « faute ». Cette « erreur » – qu’ils avouent facilement après leur serment – s’explique par leur méconnaissance totale ou partielle des règlements de l’Église. Ils ont été « égarés », « trompés » ou « séduits ». Pire, ils sont les victimes de leur ignorance, preuve en est leur bonne foi de ne pas avoir pu comprendre une « philosophie orgueilleuse » ou les « écrits savans » qui sortaient de toutes parts. Parmi les justifications qui ont conduit à la solution de la rétractation, nous n’en recensons aucune qui évoquerait une quelconque crainte de représailles de la part de Rome mais pourtant les rétractations sont plus nombreuses après la publication des Brefs. S’ils ne l’expriment pas, cela ne veut pas dire qu’ils n’en ont pas reçu ou qu’ils ne la redoutent pas, et qu’avec un peu de recul, ils craignent d’éventuelles condamnations. En tout cas, les références aux contraintes physiques et morales ont sans doute été utilisées dans plusieurs cas, mais l’avouer dans le journal permet une victimisation qui a pour principal objectif de désigner les véritables responsables (au lieu d’accabler les ignorants et les lâches) du « mauvais » choix, c’est-à-dire les autres ! En quelque sorte, ils sont « coupables » de bonne foi. Le vocabulaire utilisé devient alors plus larmoyant au risque d’en faire trop et de ne plus être crédibles auprès les lecteurs :

Rétractation de serment, 4 juillet.

[...] Ici, M. le curé de Montesquiou fait le tableau de ses premières intentions à l’égard du serment, de sa foiblesse à le prêter purement et simplement, presque malgré lui-même ; des remords infinis qui l’ont tourmenté depuis ce fatal moment, et de la généreuse résolution où il se trouve de sortir de dessous l’anathème de l’église.

Accabler ou excuser la faute ? La violence des mots sur le papier…

24Les rédacteurs ne commentent pas (cela ne veut pas dire qu’ils ne les ont pas remaniés avant la publication), mais nous remarquons une première attitude de bienveillance sans pour autant excuser ce qu’ils considèrent être une faute grave. Mais, en recevant les courriers, ils prennent conscience de l’isolement dans lequel se trouvaient les simples curés ou vicaires au moment du serment. D’ailleurs, l’abbé Grégoire, évêque constitutionnel de Blois, fait le même constant, lui qui reçoit des centaines de lettres provenant de toute la France qui lui sont adressées par des prêtres jureurs et qu’il a compilées dans ses bureaux de la rue Saint-Jacques (d’où il publiera après 1795 son propre journal, les Annales de la religion). Ils réclament des ouvrages pour briser leur isolement intellectuel et théologique alors qu’ils doutent de leur choix d’avoir prêté le serment face aux attaques des réfractaires aidés par la population restée fidèle à eux. L’Ami du roi regrette même que l’Assemblée nationale « refuse à ces infortunés victimes de la séduction et de la supercherie le moyen de réparer l’erreur où elles sont tombées ». Il s’engage à « publier, non pas leurs rétractations, mais le sens et l’esprit du serment qu’on avoit eu l’art d’arracher à leur bonne foi, à leur candeur ». De nouveaux journaux arrivent sur le marché et le choix du titre participe, d’une certaine façon, à accepter leur faute (Le Défenseur des opprimés, L’Ami des vieillards).

25Les rédacteurs sont moins conciliants avec les évêques qui auront prêté le serment (l’évêque de Paris Gobel) ou ceux qui les ont aidés (Talleyrand, Grégoire) : ceux-là font l’objet d’attaques ciblées. Les journaux participent également à répandre des rumeurs sur les rétractations présumées de certains évêques comme celle de Charrier de La Roche (Rouen) ou de Le Coz (Rennes) qui sont l’objet de mini-feuilletons sur plusieurs numéros avec droit de réponse. On le voit, plus que la loi, c’est l’attitude des hommes qui est prise à défaut comme l’explique le rédacteur des Annales de la religion et du sentiment lorsqu’il affirme que les rétractations sont des « preuves en faveur de la religion catholique » et que les prêtres constitutionnels « ont des yeux & qu’ils ne voient point, des oreilles & ils n’entendent point ».

26Pour autant, le pardon n’exclut pas des articles plus violents de la part des journaux. Face aux attaques des journaux constitutionnels qui ne peuvent laisser publier les rétractations sans réagir, une véritable « bataille » oppose les deux camps par journaux interposés. Face aux déclarations, les journaux constitutionnels vont tenter de déconsidérer les rétractés. Pour eux, la rétractation est presque que pire que le refus de prêter le serment. En franchissant la ligne légale, ils ne sont plus dignes de confiance et deviennent des « adversaires ». Les journalistes constitutionnels forcent le trait pour les faire basculer dans le camp de « l’ennemi ». C’est une surenchère assez classique mais elle s’explique par les difficultés que rencontre le clergé constitutionnel à s’installer au milieu d’une population qui est souvent restée fidèle à leurs devanciers et que les réfractaires effraient en secret. Les réfractaires sont alors dénigrés différemment s’ils sont considérés collectivement ou individuellement (c’est le cas du rétracté). Collectivement, les termes utilisés dressent un portrait exclusivement à charge pour désigner ces « factieux » : on utilise les tournures impersonnelles (« ils », « eux ») auxquelles s’opposent le « nous » mobilisateur des jureurs qui se placent toujours dans une position de supériorité (le « clergé légitime »). Progressivement, les journalistes déshumanisent le groupe des réfractaires que l’on compare à un monstre sournois et brutal (l’image de la meute de loup, du renard qui s’immisce partout et dont il faut se méfier) qui agit dans l’ombre, une force invisible qui s’est mise en marche. La violence dont on les accuse serait la même que l’on rencontre dans des régions officiellement opposées à la Révolution, dans ce cas, en tant qu’opposants aux lois (religieuses ou autres), ils sont assimilés à des « contre-révolutionnaires » : on écrit que les réfractaires sont du même bois que les Vendéens, les émigrés, les royalistes et les anarchistes, ce qui est volontairement exagéré. Un exemple qui montre que la définition de l’ennemi est très large quand le pouvoir a besoin d’éclaircir les rangs de ses opposants. Pris individuellement, « l’ennemi » rétracté apparaît dans les journaux constitutionnels comme un être dépourvu de qualités (on s’en doute), mais qui au contraire rassemble un échantillon très large de défauts lorsqu’il est perçu par rapport à sa qualité de « chrétien » ou de « citoyen ». Rarement pourtant, dans les articles, les journalistes les attaquent en même temps sur ces deux fronts. Comme citoyen, en refusant de prêter le serment ou en le rétractant, ils sont devenus des traîtres, ils se sont mis hors la loi. Pourtant, le refus de prêter le serment n’est pas toujours synonyme d’un refus total des premières réformes de la part de ces hommes. La rétractation le prouve, ils sont inconstants et légers dans leurs mœurs ce qui nécessite la mise à l’écart « des hypocrites », des « menteurs », des « scélérats », des « coquins » capables de mauvais coups. Placés en excipit, ces portraits consacrent définitivement l’image négative du rétracté et pour forcer le trait, le journaliste insère un courrier des lecteurs montrant – à l’opposé – une bonne action d’un prêtre jureur, dont le courage contrastera avec la lâcheté des réfractaires qui attaquent toujours un constitutionnel, vieux, malade, sans défense rentrant seul la nuit. Comme chrétien, on les accuse d’être à l’origine du schisme (la rupture dans le clergé) : « des hérétiques et iconoclastes », « des fanatiques » assimilés de façon assez régulières aux protestants. Dans tous les cas, l’ennemi est exclu politiquement (en quittant le territoire, en étant déporté) et socialement (en quittant son diocèse et en abandonnant sa charge). On notera tout de même quelques contradictions dans la stratégie des constitutionnels : ils peuvent avoir deux discours dans un même numéro. Le discours charitable qu’impose la religion catholique (la main tendue vers les réfractaires) contraste avec leurs dénonciations aux autorités locales (les récits de messe encadrées par les gardes nationaux sont nombreux). Désormais, rien ne peut les réunir. Dilemme qui ne sera pas résolu au moment du concordat en 1801.

27Quelle est alors la réaction des journaux défendant les réfractaires ? Il est assez rare que les journaux religieux usent d’une rhétorique violente contre leurs adversaires malgré ce qui vient d’être dit. Pourquoi ? parce que les journalistes considèrent que le journal n’est pas un pamphlet et que l’usage de la violence verbale ne peut être un argument honorable. D’ailleurs, la lecture des numéros est assez difficile pour les non-spécialistes de théologie ou de droit canon, puisque le contenu est très abstrait (on répond point par point et l’on publie des textes qui ont fait la renommée littéraire du xviiie siècle : des apologies, des réfutations, des références aux conciles et aux théologiens les plus anciens…) sauf dans les dernières pages, en fin de numéro où les lignes sont plus légères et destinées à faire un tour de France par l’intermédiaire du courrier des lecteurs : et c’est là que sont insérées les rétractations. Face aux attaques des journaux constitutionnels, le ton des feuilles va changer : c’est une question de survie physique et matérielle (la perte de leur poste, leur métier) et de leur respectabilité. Pourtant moins nombreux que les journaux constitutionnels (un rapport de 1 à 6), jusqu’à leur proscription en 1792, ces journaux dépassent en virulence leurs adversaires par l’utilisation d’un vocabulaire étroit, guerrier et agressif contre la Constitution civile du clergé et contre celui qui la porte, le prêtre assermenté. C’est peut-être pour détourner l’attention loin de leur « honte » que l’on désigne le « véritable » coupable ? La galerie de portraits proposés par ces journaux insiste sur l’illégitimité des jureurs qui n’ont pas reçu l’investiture du pape : ils sont des « faux pasteurs », des « faux évêques », des « usurpateurs », des « pontifes adultères », des « prêtres infidèles », des « évêques profanes », des « charlatans », des « évêques de la nouvelle fabrique » enfin, des « apostats renégats »… Mais c’est surtout la réputation morale des jureurs qui est passée au crible : leur « âme noire » céderait à des motivations bassement matérielles : peu instruits, ils sont « cupides » et « intéressés », « calculateurs », « des intriguans ambitieux », en résumé des « bandits révolutionnaires ». On leur reproche d’avoir vu dans le salaire garanti par l’Assemblée un motif d’enrichissement incompatible avec le métier d’ecclésiastique. Une cupidité suscitée par la « vilaine » philosophie dans laquelle ces « illuminés et fous » ont « trempé leur cœur d’acier ». Affirmer que toutes ces accusations sont fondées sur des faits vérifiés serait exagérer le propos et l’argumentaire déployés par les réfractaires, mais on sait par le courrier des lecteurs que ces portraits influençaient les habitants des campagnes puisque quelques journaux constitutionnels tentent d’envoyer des réponses vers les populations paysannes. Mais, si les idées tardent à s’imposer, il y a un aspect qui continue de crisper durablement le camp des insermentés et ce, jusqu’à la fin de la période révolutionnaire, c’est la désignation sous les noms de « réfractaires » ou de « rétractés » : lorsque la Constitution civile est supprimée, les réfractaires réclament qu’on ne les appelle plus ainsi, car la loi est caduque. La comparaison avec les régicides n’est peut-être pas la meilleure, mais on remarque sans doute (et cette fois-ci dans l’autre camp) une volonté d’effacer un aspect d’une identité construite par un choix et par la désignation de ses adversaires. D’ailleurs, sous la Restauration, des imprimeurs et des libraires proposent aux lecteurs des biographies et des « bons ouvrages » dans lesquels ils seront désignés comme les principales victimes de la réforme religieuse afin d’effacer cette mémoire honteuse que les constitutionnels ont apposée sur eux comme étant ceux qui ont refusé la régénération.

  • 23 Vincent Petit, Effacer la Révolution. Vies et morts des prêtres constitutionnels franc-comtois, (...)

28Pour conclure, il est difficile de connaître l’influence directe et réelle du contenu des journaux sur les lecteurs. Par le courrier des lecteurs, on peut se faire une idée, mais nous n’avons pas la garantie que ces courriers étaient tous bien authentiques. Il est difficile de savoir si les paroles écrites ont eu des prolongements à chaque fois sur le terrain. Les rapports de police montrent bien pourtant la peur de ne pas contrôler le contenu des journaux et on recherche souvent les listes d’abonnés. Après la Terreur, lorsque la presse religieuse « reprend des couleurs » en 1795, les rédacteurs n’ont qu’un objectif en tête : laver l’honneur de leur camp et réécrire l’histoire de leur groupe pour effacer la mémoire négative écrite par les autres. De nombreux journaux prennent pour titre celui des « Annales » ou des « Nouvelles » pour établir une comptabilité. C’est la mission à laquelle l’abbé Grégoire consacra son énergie avec ses collègues sous le Directoire : écrire un martyrologe de l’Église constitutionnelle afin d’intégrer (ou de réintégrer) dans une mémoire collective devenant quasiment officielle pour les constitutionnels les prêtres qui ont connu des situations périlleuses. La bienveillance des Évêques Réunis s’exprime, en vain, dans les colonnes des Annales de la Religion, pour réhabiliter la réputation des jureurs, des abdicataires mais également celle des réfractaires et de ceux qui ont rétracté leur serment. La bataille du souvenir fut-elle malgré tout illusoire ? Après le Concordat, nombreux ont été ceux qui ne réussissent pas à atténuer les effets de cet épisode de leur vie publique malgré la volonté d’assumer leur choix jusqu’au bout. Ce fut notamment le cas des prêtres constitutionnels qui ont payé un lourd prix pour leur attitude. D’ailleurs, cette bataille pour la crédibilité devant l’histoire continuera sous la Restauration23. Si aujourd’hui, il est facile d’effacer un tweet ou de publier un démenti pour s’acheter une virginité, la mémoire honteuse d’un mauvais choix assumé ou non par les rétractés mettra du temps à être estompée. Il semble qu’ils y soient arrivés, puisque les journaux paraissant sous la Restauration continuent de noircir les carrières et de « blanchir » celles des rétractés, ce qui prouve qu’il est beaucoup plus long et difficile de ne plus être l’ennemi d’un autre que de le devenir.

Annexes

Localisation des rétractations dans les journaux soutenant le camp des réfractaires

Localisation des rétractations dans les journaux soutenant le camp des réfractaires

Chronologie de l’annonce des rétractations dans les journaux catholiques réfractaires

Chronologie de l’annonce des rétractations dans les journaux catholiques réfractaires

Journal ecclésiastique

L’Ami du Roi [version Royou]

Chronologie de l’annonce des rétractations dans les Annales de la religion et du sentiment (octobre 1791 à mars 1792)

Chronologie de l’annonce des rétractations dans les Annales de la religion et du sentiment (octobre 1791 à mars 1792)

29Trois exemples d’annonces de rétractation parues dans la presse favorable au clergé réfractaire :

« Rétractation de serment. Parmi les ecclésiastiques de la faculté des arts de Paris, qui, soit foiblesse, soit ignorance, ont prêté le serment, le nom de M. l’abbé Curt étoit distingué. Mais il n’a pas tardé à connoître la vérité et n’a pas hésité à l’embrasser. Sa rétractation est d’autant plus héroïque qu’il est dans un état de langueur et d’infirmités habituelles qui exige des dépenses considérables et que, par son retour à l’église, il va se trouver privé de tout moyen de subsistance. Voici la lettre qu’il écrit au prieur de la Chartreuse de Paris et dont il m’a envoyé le double avec prière d’imprimer. »

L’Ami du Roi [version Royou], mardi 5 avril 1791.

« Rétractations. Il nous parvient chaque jour des rétractations nouvelles & nous ignorons le plus grand nombre. Nous ne cesserons de le répéter, quelle preuve en faveur de la Religion catholique ! Ils ont des yeux & ils ne voient point, des oreilles & ils n’entendent point. Trois vicaires de S. Étienne-du-Mont de Paris viennent de se rétracter publiquement. Nous parlerons dans notre prochain n° de la démission de M. Charrier de La Roche, évêque métropolitain de Rouen, qui nous annonce que trente de ses confrères forment le même vœu de se démettre pour le bien de la paix. »

Les Annales de la religion et du sentiment, novembre 1791.

« Rétractation. J’ai eu la foiblesse de prêter, le 9 janvier 1791, le fatal serment de maintenir de tout mon pouvoir la constitution (prétendue) civile du clergé qui, avec plusieurs hérésies, a introduit en France le schisme trop déplorable qui afflige les chrétiens attachés à la foi de l’église catholique, apostolique, romaine. L’âme déchirée des plus cuisans remords d’avoir commis une faute qui me poursuivra jusqu’à la fin de ma vie, je déclare à l’univers catholique et plus particulièrement aux paroissiens de Saint-Merry, que mon exemple auroit pu entraîner hors de la voie du salut, que je rétracte le serment hérétique et schismatique que j’ai eu le malheur de prêter. J’ai résisté trop longtemps à la voix du chef de l’église et à celle de ma conscience qui m’ordonnoit de l’écouter ; mais désirant rentrer dans le sein de cette bonne mère que je n’ai que trop affligée par ma foiblesse à adhérer à une doctrine qui n’est pas la sienne, je proteste de mon entière soumission aux différens brefs de notre Saint-père le pape et au dernier mandement de M. de Juigné, que je déclare reconnoître pour mon seul archevêque parce qu’il est seul premier pasteur légitime du diocèse de Paris.

Pour rendre ma réparation aussi publique que ma faute l’a été, je vous prie d’insérer dans un des plus prochains numéros de votre feuille la présente déclaration que j’ai porté moi-même aux administrateurs du département de Paris.

J’ai l’honneur, etc.

Signé Santinier, prêtre de Paris et trésorier de Saint-Merry.

Paris, ce 17 juillet 1792. »

L’Ami du roi [version Royou], 23 juillet 1792, p. 581.

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Notes

1 Claude Labrosse et Pierre Rétat, L’Instrument périodique, la fonction de la presse au xviiie siècle, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1988 ; id., La Naissance du journal révolutionnaire, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1989 ; Gilles Feyel (dir.), Dictionnaire de la presse française pendant la Révolution, 1789-1799. La presse départementale, Ferney-Voltaire, Centre international d’étude du xviiie siècle, 2005 et 2012. Plus récemment, celui de Jérémy Popkin, La presse de la Révolution, journaux et journalistes (1789-1799), Odile Jacob, Paris, 2011.

2 Rodney Dean, L’Assemblée constituante et la réforme ecclésiastique, 1790. La Constitution civile du clergé du 12 juillet et le serment ecclésiastique du 27 novembre, Paris-Londres, Editions A&J Picard, 2016. La Constitution civile du clergé doit participer à la volonté régénératrice adoptée par les différents comités de l’Assemblée nationale : dans un désir de rationalisation qui inscrirait ses pas dans l’Église primitive, les circonscriptions ecclésiastiques correspondraient dorénavant aux découpages administratifs (autant de diocèses que de départements). Les évêques et les curés seraient élus par les citoyens « actifs » (même les non catholiques) de la paroisse et du département. Mais, c’est surtout l’investiture canonique des évêques qui fit couler de l’encre, puisque les prérogatives du pape et du roi disparaissaient.

3 Son numéro d’octobre 1790 commence par la critique d’un ouvrage présenté par les Nouvelles ecclésiastiques l’année précédente : Réponse de l’auteur de l’Essai sur la réforme du clergé à la lettre du rédacteur du Journal ecclésiastique du mois de juillet 1789.

4 Timothy Tackett, La Révolution, l’Église, la France, Paris, Éd. du Cerf, 1986. Dans le chapitre 2, cet historien explique sa méthode pour organiser ses recherches. Il s’appuie sur l’enquête de mars 1791 qui a servi de principale source à l’historien Philippe Sagnac en 1906 pour réaliser son « Étude statistique sur le clergé constitutionnel et le clergé réfractaire en 1791 », RHMC, vol. 8, n° 2, p. 97-115. Il a également utilisé des études locales plus précises sur l’Aube, l’Aude, la Meurthe, la Moselle, la Normandie, la Sarthe. Néanmoins, certains historiens lui reprochent de surestimer le pourcentage des jureurs.

5 Collection ecclésiastique, op.cit., « avis préliminaire » : « En annonçant une collection d’ouvrages faits sur la constitution civile du clergé et sur le serment exigé des ecclésiastiques, nous n’avons pu nous engager à fournir une compilation universelle. Elle eût été sans bornes et sans intérêt. La multitude immense des écrits, la nécessité des répétitions nous imposoient un choix sévère, et ne nous permettoient d’offrir à la curiosité du lecteur que des modèles dans chaque genre d’attaque ou de défense. Les seuls ouvrages des évêques, comme interprètes de la foi et dépositaires de la tradition, exigeoient des hommages sans réserve : sous ce rapport, notre recueil sera véritablement complet. S’il en est qui ne s’y trouvent pas, c’est la modestie seule de leurs auteurs qui nous en aura commandé le sacrifice. Quant à ceux des écrivains particuliers, nous avons, pour les faire connoitre, la ressource des extraits ou des analyses. Mais ici encore, il eût fallu plusieurs volumes pour rassembler les simples sommaires de toutes les productions qui nous ont été communiquées de tous les points de l’empire françois. Nous avons donc été forcés de nous borner aux ouvrages principaux, et parce que le volume actuel, quoiqu’excédant de beaucoup le nombre de feuilles promises à nos souscripteurs, ne pouvoit encore les rassembler tous, nous réunirons dans un autre les analyses que celui-ci n’a pu contenir. Tout ce qui extrait, analyse, ou note, est l’ouvrage de M. l’abbé Guillon. »

6 Collection ecclésiastique ou recueil complet des ouvrages faits depuis l’ouverture des états-généraux, relativement au clergé, à sa constitution civile, décrétée par l’assemblée nationale, sanctionnée par le roi, dirigée par M. l’abbé Barruel, auteur du journal ecclésiastique, à Paris, chez Crapart, imprimeur-libraire, rue d’Enfer, place Saint-Michel, n° 129. Discours préliminaire, p. iv.

7 Jean de Viguerie, Christianisme et Révolution, Paris, Nouvelles éditions latines, 1986, p. 89. Il estime qu’il faut « presque toujours » rectifier les statistiques « dans un sens favorable aux réfractaires » et que « si l’un des deux partis l’emporte sur l’autre, c’est très certainement celui des réfractaires dans une proportion qu’il est impossible de fixer avec précision, mais qui est peut-être de 52 ou 53 % », p. 92-93.

8 Bernard Plongeron, Conscience religieuse en Révolution. Regards sur l’historiographie religieuse de la Révolution française, Paris, Éd. A. et J. Picard, 1969. Il souhaite que les études prennent en compte les « implications politiques, théologiques, pastorales, économiques et territoriales » des prestations du serment, p. 17.

9 T. Tackett, op. cit., p. 55.

10 Ibid., p. 77.

11 Ibid., p. 57 : 22 départements : Basses-Alpes, Ariège (diocèse de Couserans), Aude, Calvados, Cantal, Charente, Drôme, Eure, Indre, Isère, Mayenne, Morbihan, Moselle, Orne, Haut-Rhin, Seine-Inférieure, Somme, Var, Vienne, Vosges, Yonne.

35 départements : les 22 plus Ain, Aube, Bouches-du-Rhône, Côtes-du-Nord, Doubs, Gard, Haute-Garonne, Gironde, Marne (excepté le district de Reims), Puy-de-Dôme, Basses-Pyrénées (diocèse de Lescar), Seine-et-Marne, Seine-et-Oise.

27 départements : les 22 plus Hautes-Alpes (excepté les districts d’Embrun et de Briançon), Cher, Creuse, Indre-et-Loire, Maine-et-Loire.

36 départements : les 22 plus Aveyron, Côte-d’Or, Dordogne, Doubs, Eure-et-Loir, Finistère, Landes, Loir-et-Cher, Lot, Lot-et-Garonne (diocèse d’Agen), Lozère, Rhône-et-Loire (districts de Montbrison, Roanne et Saint-Etienne uniquement), Vendée, Haute-Vienne.

12 Ibid., p. 67-72 : dans les villes de moins de 8 000 habitants le clergé paroissial est en majorité constitutionnel (52 %). Dans les villes de 8 000 à 25 000, il atteint 41 %. Dans les villes de 25 000 à 50 000, 32 % et dans les villes de plus de 50 000 il atteint 25 %. Avec 600 000 habitants, Paris demeure un cas à part.

13 Ibid., p. 78-92.

14 L’Ami du roi, 3 juin 1791, p. 635 : « Rétractation de sermens. Extrait d’une Lettre de Troyes. On compte déjà quatre-vingts rétractations dans les districts de Rumilly, de Maroux, de Merry, de Sézanne. Il n’y a eu que sept jureurs dans la ville de Troyes ». Ces rétractations n’étant pas expliquées, elles ne seront pas prises en compte dans le décompte analysé plus loin.

15 Annie Duprat, « Un réseau de libraires royalistes à Paris sous la Terreur », Annales historiques de la Révolution française, n° 3, 2000, p. 45-68.

16 Voir l’annexe 1, la localisation des rétractations dans les journaux soutenant le camp des réfractaires.

17 L’Ami du roi, 19 décembre 1790, p. 830.

18 Ibid., 4 janvier 1791, p. 15.

19 Ibid., 15 mai 1791, p. 4.

20 Ibid., 19 mai 1791, p. 4.

21 Ibid., 11 juin 1791, p. 2.

22 Voir l’annexe 1, la localisation des rétractations dans les journaux soutenant le camp des réfractaires.

23 Vincent Petit, Effacer la Révolution. Vies et morts des prêtres constitutionnels franc-comtois, (1801-1830), Éditions Cêtre, Paris, 2019.

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Titre Localisation des rétractations dans les journaux soutenant le camp des réfractaires
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/9650/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 272k
Titre Chronologie de l’annonce des rétractations dans les journaux catholiques réfractaires
Crédits Journal ecclésiastique
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Fichier image/jpeg, 70k
Crédits L’Ami du Roi [version Royou]
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/9650/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 60k
Titre Chronologie de l’annonce des rétractations dans les Annales de la religion et du sentiment (octobre 1791 à mars 1792)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/9650/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 42k
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Pour citer cet article

Référence papier

Guillaume Colot, « Réparer son erreur »Chrétiens et sociétés, 29 | 2022, 139-162.

Référence électronique

Guillaume Colot, « Réparer son erreur »Chrétiens et sociétés [En ligne], 29 | 2022, mis en ligne le 17 mai 2023, consulté le 30 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/9650 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.9650

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