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Mémoires honteuses Les chrétiens européens face à leurs passés embarrassants (xvie-xxie siècles)

Les contradictions de la mémoire : heures de gloires et honte des commémorations de la délivrance (xvie siècle – Révolution française)

The contradictions of memory: the glory and shame of deliverance commemorations (16th century - French Revolution)
Maïté Recasens
p. 35-53

Résumés

Cet article examine la mémoire urbaine des conflits confessionnels français sur le temps long, de 1562 aux débuts de la Révolution française, par le biais de commémorations annuelles. Il se focalise plus particulièrement sur des rituels commémoratifs catholiques, dits « processions de la délivrance de la ville », dans cinq villes : Carcassonne, La Rochelle, Marseille, Poitiers et Toulouse. Les épisodes commémorés remontent aux guerres de Religion (1562-1598) et aux guerres de Rohan (1621-1629), il s’agit de la libération d’une ville par les autorités catholiques, consulaires ou royales, de la menace du protestantisme et de la rébellion. Ces épisodes, très différents selon les cités, sont immédiatement caractérisés de miracles dignes de mémoire par les édiles ou le monarque – à La Rochelle – et rappelés lors de processions anniversaires durant toute l’époque moderne. Porteuses d’une mémoire officielle et victorieuse au xvie siècle, ces commémorations se heurtent à l’évolution des mentalités. Deux siècles après leur institution, les penseurs éclairés rejettent l’intolérance religieuse et condamnent les violences du fanatisme chrétien. Vestiges d’un passé honteux, elles perdurent pour autant jusqu’aux débuts de la Révolution. Les commémorations des délivrances urbaines s’inscrivent ainsi dans une histoire longue et tumultueuse où la mémoire officielle doit être étudiée comme un objet de construction permanente, entre gloire et honte.

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Texte intégral

  • 1 Délibération du conseil général de la commune de Toulouse : concernant la suppression de la process (...)
  • 2 À propos des guerres de Religion et de la délivrance toulousaine : Joan Davies, « Persecution and P (...)
  • 3 Pierre-Jean Souriac estime qu’environ deux cents protestants sont tués ce jour-là : ibid.
  • 4 Archives municipales de Toulouse (désormais AMT), BB 11, f° 324v.
  • 5 À ce sujet, nous signalons deux articles qui font un effort de synthèse : Olivier Christin, « Mémoi (...)

1Le 1er mai 1792, le conseil général de la commune de Toulouse interdit une procession séculaire, désormais dénoncée comme un « monument d’ignorance & de superstition honteux pour la ville de Toulouse1 ». Le rituel commémorait jusqu’alors un épisode des guerres de Religion survenu en mai 1562, lorsque catholiques et protestants toulousains s’affrontèrent durant six jours à l’intérieur de la ville2. Le 17 mai 1562, les calvinistes furent chassés et une partie d’entre eux massacrée3. Les édiles victorieux définirent cet événement comme la délivrance de la ville et firent du 17 mai la date d’une commémoration annuelle de la victoire4. Ce type de fabrication événementielle de délivrances urbaines et de leur mémoire se retrouve dans de nombreuses villes lors des guerres de Religion5. D’emblée proposons une définition du phénomène : une délivrance est une victoire catholique définie par les autorités municipales au terme d’un épisode plus ou moins violent. Cela signifie, selon les cités, la fin de la coexistence confessionnelle, d’une menace obsidionale ou de la rébellion ligueuse. Il ne s’agit pas d’une simple victoire, c’est un miracle : Dieu est présenté comme un protagoniste du conflit grâce à qui les catholiques vainquent l’hérésie et la rébellion. L’événement, défini immédiatement comme un miracle digne de mémoire par les consuls ou les autorités royales, fait l’objet de politiques commémoratives complexes associant culte du souvenir, productions textuelles, iconographiques et monumentales. Ces manifestations mémorielles correspondent à un imaginaire commun du début de l’époque moderne. Deux siècles plus tard, la décision des Toulousains, devenus révolutionnaires, de jeter le voile sur cette mémoire, est le fruit d’un contexte précis, celui de la Révolution, mais aussi d’un processus long d’évolution collective des sensibilités et des mémoires. En d’autres termes, l’événement glorieux du xvie siècle et sa commémoration sont devenus, deux siècles plus tard, insupportables et honteux.

  • 6 À propos des guerres de Religion et des délivrances carcassonnaises : Patrick Cabanel (dir.), Itiné (...)
  • 7 À propos des guerres de Religion et de la délivrance poitevine : Antoine Coutelle, « Espace urbain (...)
  • 8 À propos des guerres de Religion et de la délivrance marseillaise : Wolfgang Kaiser, Marseille au t (...)
  • 9 Michel Cassan, « La réduction des villes ligueuses à l’obéissance », Nouvelle revue du xvie siècle, (...)
  • 10 À propos du siège de La Rochelle : Liliane Crété, La Vie quotidienne à la Rochelle au temps du gran (...)
  • 11 Déclaration du Roy, sur la réduction de la ville de la Rochelle en son obéissance (La Rochelle, nov (...)

2L’objet de notre analyse est d’examiner les trajectoires des commémorations de la délivrance pendant près de deux siècles pour saisir les continuités et les ruptures des sentiments moraux et émotions qui y sont associés. Le cadre d’un article ne rendant ni possible, ni pertinente la multiplication des exemples de ces manifestations mémorielles, nous avons choisi de restreindre notre démonstration à l’analyse des processions anniversaires, célébrant annuellement la victoire catholique, dans cinq villes, représentant chacune un idéal-type d’une situation de délivrance. En effet, différents types de victoires sont caractérisées selon cet imaginaire et commémorées pendant toute la période moderne. Dans les cités acquises à la Réforme, la délivrance correspond au rétablissement d’autorités urbaines catholiques après des affrontements internes. C’est le cas de Toulouse le 17 mai 1562 ou, deux mois auparavant, de Carcassonne lorsque les protestants sont expulsés de la ville, le 19 mars6. Si la ville peut être délivrée d’un ennemi intérieur, le danger – plus ou moins fantasmé – provient parfois de l’extérieur. Ainsi, l’échec d’une attaque de troupes protestantes sur la ville de Carcassonne le 21 novembre 1575, ou celui du siège de l’amiral Coligny sur Poitiers, le 7 septembre 15697, sont décrits comme des délivrances. Un autre cas réside dans la reddition de cités rebelles à l’obéissance royale : par exemple, le 17 février 1596, Marseille est délivrée de la Ligue8. Après presque sept ans de rébellion, le meurtre du premier consul Charles de Casaulx par Pierre Libertat et l’ouverture des portes de la cité au duc de Guise marquent la soumission de la ville à l’autorité royale. Les nouvelles autorités urbaines s’attachent alors à définir l’événement à la fois comme une réduction9 – c’est-à-dire une défaite face à la monarchie – et une délivrance – soit une victoire urbaine. Enfin, dernier cas de figure, la délivrance d’une cité rebelle peut être le fruit d’une politique punitive imposée par le souverain. Lors des guerres de Rohan (1621-1629), la très protestante et rebelle cité rochelaise est assiégée pendant plus d’un an par les troupes de Louis XIII10. Le roi, victorieux, entre dans La Rochelle le 1er novembre 1628, jour de la fête catholique de la Toussaint ; l’événement est officiellement défini comme une délivrance dans la Déclaration du roi sur la réduction de la ville de La Rochelle en son obéissance11.

3Aborder la question des mémoires honteuses par le biais du phénomène commémoratif permet de résoudre différents problèmes dans la difficile conceptualisation de ces deux objets. Le phénomène commémoratif correspond à la mémoire officielle d’un événement, imposée par les autorités urbaines à la population. Les fêtes anniversaires, en reprenant la date de la délivrance, inscrivent la victoire dans le temps cyclique du calendrier cérémoniel urbain et le font revivre annuellement. Dans ces schémas rigides, les sentiments et émotions auxquels les rituels sont associés sont extrêmement encadrés : d’une part par les politiques consulaires et de l’autre par la réforme tridentine, qui a imposé des normes strictes pour guider les rituels religieux. La quête de mémoires honteuses dans la commémoration correspond ainsi à l’examen du récit officiel des autorités et de sa transmission à la population urbaine. L’absence de source permettant de connaître la réception des processions contraint à analyser uniquement l’imaginaire imposé par les édiles. Notre démonstration proposera un regard croisé sur les processions de cinq cités – Carcassonne, La Rochelle, Marseille, Poitiers et Toulouse –, pendant près de deux siècles, pour en saisir les caractères glorieux ou honteux. Il s’agira de dépasser l’apparente continuité de la mémoire imposée à travers la commémoration pour l’inscrire dans une histoire longue et tumultueuse comme un objet de construction permanente. Si cette étude est possible dans chacune des cités jusqu’en 1789, le cas toulousain est le seul où l’interdiction révolutionnaire a laissé assez de traces dans les archives. Ainsi, la première partie de l’article permettra de suivre les processions dans chaque cité, alors que la seconde, consacrée à la Révolution française, sera entièrement dédiée au cas toulousain.

Une étude des processions de la délivrance sur le temps long de l’époque moderne

Raviver la mémoire pendant les troubles

  • 12 Klaus Graf, « Erinnerungsfeste in der spätmittelalterlichen Stadt », dans Hanno Brand, Pierre Monne (...)
  • 13 Denis Crouzet, Dieu en ses royaumes. Une histoire des guerres de Religion, Seyssel, Champ Vallon, 2 (...)
  • 14 O. Christin, Art. cit.

4L’organisation, par les autorités urbaines, de processions anniversaires de victoires remonte au moins à la fin du Moyen Âge12. Ces cérémonies relèvent d’un langage politique glorifiant les édiles, qui les organisent, tout en donnant à voir un corps urbain unifié après un conflit. Dans le cadre des guerres de Religion, cette mise en scène est d’autant plus importante en raison de la réactivation constante des affrontements pendant plus de quarante ans. L’angoisse d’un renouvellement des conflits fratricides ou d’une nouvelle attaque donne au rituel commémoratif une portée rassurante. La délivrance, définie comme une libération miraculeuse de la cité est annonciatrice de la victoire générale de l’Église catholique. L’événement et sa commémoration s’inscrivent ainsi dans l’imaginaire de la seconde moitié du xvie siècle : l’interprétation de l’événement relève d’une manifestation de l’angoisse eschatologique des cités en proie aux conflits confessionnels13. En ravivant chaque année le souvenir de la victoire catholique, les processions anniversaires contribuent selon Olivier Christin « à une représentation de la ville en corpus chrétien sans cesse menacé et remerciant Dieu de l’avoir maintenu dans la vraie foi14 ». Elles s’intègrent ainsi dans une recomposition du processus d’identification et d’affiliation à la communauté urbaine, autour de la question confessionnelle. La consécration de la victoire met en scène une ville unie tout en portant aux nues l’absence d’individus ne pouvant s’y intégrer : les protestants.

  • 15 Paul-Alexis Mellet, Jérémie Foa, « Une “politique de l’oubliance” ? Mémoire et oubli pendant les gu (...)
  • 16 Édition en ligne des Édits de pacification, sous la direction de Bernard Barbiche (http://elec.enc. (...)
  • 17 Jérémie Foa, Le Tombeau de la paix. Une histoire des édits de pacification (1560-1572),
    Limoges, Pr (...)
  • 18 Michel Cassan, « Guerres de Religion, pacification, réconciliation », dans Franck Collard, Monique (...)

5Ce modèle urbain et catholique de la sortie de guerre se confronte ainsi à la politique d’oubliance prônée par les souverains. Depuis le début des troubles religieux, les rois de France tentent de ramener l’ordre et de pacifier le royaume par une double politique d’amnésie-amnistie15. L’article 9 de l’édit d’Amboise de 1563 stipule déjà que « toutes injures et offenses et toutes autres choses passées et causées de ces presens tumultes, demoureront estainctes comme mortes, ensevelies et non advenues16 ». La monarchie définit ainsi l’oubli comme un enjeu crucial pour la réconciliation des Français et la fin des troubles : la politique d’oubliance est reprise dans tous les édits de pacification, puis portée à l’extrême dans le premier article de l’édit de Nantes. L’amnésie volontaire permet à la fois de consolider la paix et d’éviter le renouvellement des conflits par des querelles personnelles. Associée à l’amnistie, elle renforce la position de domination de celui qui l’impose – le souverain –, pouvant s’emparer du passé pour le changer, l’effacer, le parfaire. Les monarques tentent, plus ou moins vainement, d’interdire les processions commémoratives et toutes les mesures qui rappellent les délivrances urbaines17. Pour autant, lorsqu’Henri IV entre dans Paris en 1594, il impose diverses mesures commémoratives pour perpétuer la mémoire de la réduction de la ville18. Dès lors, tous les 22 mars, les Parisiens sont contraints de célébrer leur défaite. Les politiques royales procèdent d’une sélection du passé avec une disparition d’une partie des violences et une requalification de certains événements. En imposant la mémoire comme l’oubli, la monarchie produit le récit officiel des conflits à l’échelle du royaume et des villes.

  • 19 Déclaration du Roy, sur la réduction de la ville de la Rochelle en son obéissance (La Rochelle, nov (...)

6En 1628, lorsque les Rochelais rendent les armes après plus d’un an de siège, Louis XIII mobilise la même politique de pardon que son prédécesseur et impose à son tour une commémoration de l’événement19. Dès lors, les Rochelais sont contraints de commémorer annuellement une défaite honteuse et d’en faire un élément positif de leur histoire, une délivrance. Le rituel processionnel catholique est d’autant plus humiliant qu’il est imposé à une population protestante, le jour de la Toussaint. La célébration permet au roi de se réapproprier l’espace urbain et de donner à voir l’assujettissement de la ville. Inversement, la population urbaine doit prouver son obéissance en participant au rituel catholique et royaliste. Les modalités commémoratives des processions instituées par les souverains et les consuls sont identiques, bien qu’elles servent des imaginaires opposés. Les premières véhiculent une mémoire honteuse – celle de la défaite –, alors que les secondes servent un imaginaire positif – celui de la victoire. Toutes, cependant, doivent perpétuer le souvenir de la victoire dans un objectif de domination des vaincus. Elles empêchent la pleine pacification des cités et contribuent à entretenir les affrontements confessionnels urbains par d’autres moyens que la guerre. Cependant, comment cette ambition de perpétuer la mémoire de la délivrance évolue-t-elle avec l’apaisement des tensions confessionnelles, tout au long des xviie et xviiie siècles ?

Des processions au service des autorités urbaines

  • 20 A. Coutelle, chap. cit.
  • 21 Les registres de délibérations des consuls poitevins sont disponibles en ligne, sur le site de la m (...)
  • 22 Les registres de délibérations des consuls toulousains sont disponibles en ligne, sur le site des a (...)
  • 23 Archives municipales de La Rochelle (désormais AMLR), BB 8, f° 22/23v.
  • 24 Ibid.
  • 25 Exemple tiré des AMLR, BB 24, f° 49.
  • 26 Exemple tiré des AMLR, BB 26, f° 15.
  • 27 A. Coutelle, chap. cit.

7L’étude des processions commémoratives sur le temps long de l’époque moderne est confrontée à la question des sources. Il est très difficile de connaître les cérémoniaux, leurs évolutions, ou encore leur réception par les populations urbaines. En revanche, l’analyse systématique des délibérations consulaires produites pour organiser les célébrations offre de précieuses informations pour suivre leurs trajectoires. Le travail d’Antoine Coutelle à propos de la procession poitevine a mis en évidence l’intérêt d’une telle démarche20. Son analyse met en exergue l’effacement progressif des références à l’origine historique de la célébration aux xviie et xviiie siècles, particulièrement à partir de 173021. Le même phénomène est observable pour les quatre cités choisies dans le cadre de cet article. À titre d’exemple, la commémoration toulousaine est connue dès le xviie siècle sous le nom de « procession du 17 mai22 ». De même, les édiles rochelais n’explicitent qu’une seule fois l’origine de la célébration, en 1700, en raison de l’absence des échevins, du procureur du roi et du greffier aux processions de l’Assomption, de la Fête-Dieu et de la Toussaint23. Ils rappellent à cette occasion que la procession du 31 octobre se fait « tous les ans à pareil jour en mémoire de la réduction de cette ville a l’obéissance du roy24 » pour mettre en avant le caractère coercitif de la participation au rituel. En dehors de cette délibération, les édiles rochelais évoquent « la procession générale qui s’est faite et qui se fait tous les ans à pareil jour conformément à l’article 7 de la déclaration du Roy Louis XIII du mois de novembre 162825 ». Cette formulation est également attestée le 15 août de chaque année, pour la préparation de l’Assomption, « procession générale qui se fait annuellement suivant la déclaration de Louis XIII du 10 février 163826 ». L’origine commémorative de la procession de la délivrance est ainsi évacuée des registres. Antoine Coutelle propose de comprendre cette évolution comme un effacement de la mémoire au profit de l’obligation de perpétuer le geste civique ; selon lui « le rituel [poitevin] a évincé l’histoire27 ».

8La portée commémorative des processions disparaît ainsi progressivement des registres municipaux au profit de détails au sujet de l’organisation de la célébration. Au mieux, nous connaissons l’heure, les lieux et le cérémonial de la procession ou encore les différents participants au rituel. Ainsi, les consuls marseillais de 1663 font-ils transcrire :

  • 28 Archives municipales de Marseille (désormais AMM), AA 67, f° 706.

Le 17 février 1663 lasprès diné zur les deux heures après midy a este faict procession générale à cause de la feste de Ste Constance ; Mr de Pilles et Mrs les échevins et assesseurs y ont acisté en chaperon et a lordre quand ils sont en corps28.

  • 29 André Vauchez, « Introduction », dans André Vauchez (dir.), La Religion civique à l’époque médiéval (...)
  • 30 Ibid., p. 2.
  • 31 Robert Alan Schneider, The Ceremonial City : Toulouse observed, 1738-1780, Princeton, Princeton Uni (...)

9À travers la commémoration, les autorités municipales cherchent surtout à perpétuer un rituel coutumier qui, en les associant à une tradition séculaire, renforce leur légitimité. Ces processions sont d’autant plus importantes pour le pouvoir édilitaire qu’elles nous semblent être un élément constitutif d’une religion civique municipale dans les villes étudiées. André Vauchez propose de comprendre ce concept comme l’« ensemble des phénomènes religieux – culturels, dévotionnels ou institutionnels – dans lesquels le pouvoir civil joue un rôle déterminant, principalement à travers l’action des autorités locales ou municipales. […] En fait, le problème qui se trouve au cœur de la notion de religion civique est celui de l’appropriation de valeurs inhérentes à la vie religieuse par des pouvoirs urbains, à des fins de légitimation, de célébration et de salut public29 ». Dans le cadre de notre étude, la religion civique peut être définie comme le fait de l’administration municipale qui agit comme une « communauté intermédiaire » – au sens wéberien – entre l’Église et le pouvoir central30. Les processions commémoratives sont des moments de mise en scène de la société urbaine selon des normes imposées par les édiles. Elles relèvent plus de la représentation d’un idéal que de la structure sociale de la ville : le rituel processionnel propose un « modèle pour » la société et non un « modèle de » celle-ci31. Si la question mémorielle est écartée du spectacle processionnel, c’est sûrement parce qu’elle ne sert plus ce modèle de société. Avec l’apaisement des conflits confessionnels, elle ne serait plus fondatrice d’une unité et donc moins utile à la légitimation des autorités consulaires.

  • 32 Instruction sur l’origine de la procession solennelle qui se fait à Toulouse le 17 de mai sur les d (...)
  • 33 À propos du bicentenaire : Maïté Recasens, « Commémorer les guerres de Religion à Toulouse au xviii(...)
  • 34 P.-J. Souriac, Art. cit.

10En 1708, un ecclésiastique toulousain déplore qu’« il y a peu de personnes dans Toulouse qui fussent en état de répondre [correctement] à leur enfans, à leurs domestiques, ou aux étrangers, s’ils leur demandoient les raisons pour lesquelles on fait une procession32 ». La mémoire est cependant réactivée à différentes reprises par les consuls : c’est notamment le cas en 1662 et 1762 à Toulouse. Les centenaires répondent à la fois à des enjeux mémoriels – la commémoration s’épanouissant particulièrement lors des célébrations séculaires et politiques – l’importance de la célébration permettant d’exalter le pouvoir édilitaire, en concurrence avec celui de la cour parlementaire33. Pierre-Jean Souriac définit le bicentenaire de la délivrance toulousaine comme une régénérescence du rituel en raison de la publication de très nombreuses brochures rappelant l’histoire des événements de mai 156234. Dès l’année suivante, la procession du 17 mai redevient pour autant un rituel émancipé de son histoire. La réactualisation de la mémoire est ainsi un phénomène ponctuel qui doit servir la théâtralisation du pouvoir consulaire à un moment donné.

L’évolution historiographique et ses conséquences sur le rituel commémoratif

  • 35 Germain de La Faille, Annales de la ville de Toulouse depuis la réunion de la comté de Toulouse à l (...)
  • 36 Lancelot de La Popelinière, La vraye et entiere histoire des troubles et choses memorables advenues (...)
  • 37 Jean Raynal, Histoire de la ville de Toulouse, avec une notice des hommes illustres…, Toulouse, Jea (...)
  • 38 Th. Bouges, op. cit.
  • 39 Ibid., p. 313.
  • 40 Ibid., p. 351.

11Pour chercher à comprendre si l’effacement de la mémoire dans le rituel signifie l’oubli progressif des guerres de Religion dans les cités, nous proposons une brève étude des récits des délivrances urbaines, intégré aux histoires de villes, chroniques et autres annales imprimées au xviiie siècle. En 1701, Germain de La Faille, ancien capitoul et syndic de la ville de Toulouse, produit une œuvre dont l’ambition est de remplacer les anciennes Annales manuscrites. Le second tome de ses Annales de la ville, correspondant à l’histoire de Toulouse de 1515 à 1610, propose une nouvelle version de l’histoire de la délivrance35. L’originalité de son récit repose sur l’utilisation de nouvelles sources, parmi lesquelles le témoignage du protestant Lancelot de La Popelinière36. La Faille confronte les différentes versions dans un souci d’impartialité, mais reste globalement dans la lignée de l’historiographie instituée depuis 1562. En revanche, contrairement au récit du xvie siècle, tous les acteurs des conflits sont confondus dans le même fanatisme. Cette vision des conflits tend à se pérenniser puisqu’en 1759, l’Histoire de la ville de Toulouse de Jean Raynal reprend globalement la version de La Faille37. En 1741, l’Histoire ecclésiastique et civile de la ville et diocèse de Carcassonne de Thomas Bouges, religieux des Grands augustins de la Province de Toulouse, remet elle aussi en question l’histoire officielle des victoires catholiques. L’auteur aborde sommairement l’histoire des deux délivrances de la ville38. Le premier épisode – c’est-à-dire l’expulsion violente des réformés – perd tout aspect positif et miraculeux pour devenir un moment de « fureur populaire39 », alors que le second – la victoire militaire sur les troupes protestantes – conserve son caractère glorieux40. Les délivrances de Carcassonne et Toulouse en 1562, source de gloire pour la ville dans l’historiographie catholique depuis le xvie siècle deviennent ainsi des épisodes condamnables. Les auteurs condamnent le fanatisme qui conduit à ces situations d’extrêmes violences. Cependant, la victoire carcassonnaise contre des troupes, assimilée à un acte de défense militaire, n’est pas questionnée.

  • 41 À propos de l’affaire Calas : David Bien, L’Affaire Calas, Toulouse, Eché, 1987 ; José-Ramón Cubero(...)
  • 42 Voltaire, Traité sur la tolérance, à l’occasion de la mort de Jean Calas, Genève, frères Cramer, 17 (...)
  • 43 Ibid., p. 88.
  • 44 Barnabé Farmian De Rozoi, Annales de la ville de Toulouse, 5 vol. , Paris, veuve Duchesne, 1771-177 (...)
  • 45 AMT, BB 56, pièce 96, datée du 22 janvier 1773.
  • 46 Laurence Coudart, « Farmain De Rozoi », dans Édition électronique revue, corrigée et augmentée de J (...)

12À Toulouse, cette évolution historiographique doit être mise en perspective avec l’affaire Calas qui a profondément entaché l’image de la cité41. En effet, Voltaire, qui a accepté de reprendre l’acte d’accusation de Jean Calas, dénonce un procès inique dans une ville superstitieuse et intolérante. Dans le Traité de la tolérance, le philosophe présente l’affaire Calas comme une continuité de la brutalité des guerres de Religion toulousaines42. L’évocation des conflits confessionnels l’amène à présenter la commémoration comme une « fête cruelle, fête abolissable à jamais, dans laquelle un peuple entier remercie Dieu en procession, et se félicite d’avoir égorgé, il y a deux cents ans, quatre mille de ses concitoyens43 ». Dès lors, aux yeux du lectorat européen, la procession de la délivrance incarne le fanatisme. Les consuls toulousains commandent en 1771 une nouvelle histoire de la cité à Barnabé Farmian De Rozoi, intitulée Annales de la ville de Toulouse44. L’auteur, influencé par les écrits voltairiens, s’attache tout particulièrement à condamner les épisodes liés à l’intolérance : la croisade albigeoise, l’Inquisition et la Réforme. Dans son œuvre, De Rozoi dénonce les mensonges de l’historiographie officielle autour des événements de mai 1562 et même les « absurdités » du récit de La Faille. En contrepoint de l’historiographie développée depuis deux siècles, il reprend la version protestante de La Popelinière, sans la confronter au récit catholique. L’auteur ne définit pas la délivrance comme une victoire spirituelle de la ville sur l’hérésie, mais dénonce un massacre honteux, le 17 mai 1562. Enfin, la fête anniversaire de la délivrance est entièrement passée sous silence. Ce non-dit reflète la gêne engendrée par l’existence même de la commémoration. Loin de reprocher ces changements à De Rozoi, les capitouls et l’élite toulousaine acclament son œuvre : en 1773, les capitouls l’en récompensent par le titre de « citoyen de Toulouse45 » et l’Académie royale de peinture, de sculpture et d’architecture de la ville le nomme « associé correspondant historique46 ».

  • 47 AMM, BB 352, f° 80.
  • 48 Libertat ou Marseille sauvée, tragédie nouvelle en cinq actes… avec une préface historique, Paris, (...)

13Paradoxalement, les hommes qui applaudissent les récits condamnant le fanatisme des guerres de Religion sont aussi ceux qui organisent annuellement les processions. Les rituels, émancipés de leur histoire, restent des moments clefs du calendrier liturgique urbain. Cependant, différentes questions subsistent : la dissociation entre la mémoire et la célébration relève-t-elle d’une érosion de l’aspect commémoratif au fil des années ou est-ce le fait d’une politique spécifique des consuls ? De même, doit-on la comprendre comme la suppression de la charge mémorielle des rituels ou comme l’évolution de la mémoire vers un récit mythique et atemporel de la victoire catholique ? En 1782, une pièce de théâtre acclamée par les consuls marseillais reprend l’histoire de la délivrance sous le nom de Libertat ou Marseille sauvée47. La pièce conserve les éléments épiques de la mise à mort du dictateur Charles de Casaulx par le héros populaire Pierre Libertat48. En revanche, l’auteur – anonyme – a modifié le contexte de l’événement : les faits se déroulent avant les conflits confessionnels, au temps des affrontements François Ier et de Charles Quint. Dans la préface historique de la pièce, cette modification du cadre temporel est justifiée pour rendre le combat plus épique encore. Cependant, nous y voyons une volonté de vider la victoire glorieuse d’un passé honteux – c’est-à-dire les guerres de Religion et la rébellion ligueuse. Ainsi soustraites à leur propre histoire, les commémorations des délivrances de Carcassonne, La Rochelle, Marseille, Poitiers et Toulouse perdurent jusqu’à la Révolution française.

La rupture révolutionnaire, l’exemple toulousain

  • 49 AMLR, BB 33, f° 75v.
  • 50 AMLR, 1D1, f° 135.

14Le 25 octobre 1789, le ministre d’État François-Emmanuel Guignard de Saint-Priest écrit une lettre aux officiers municipaux de La Rochelle pour demander l’annulation de la procession commémorative du 1er novembre parce qu’elle « pouvoit donner lieu à des difficultés et que même il étoit à craindre qu’il n’en résultat quelques désordres49 ». La temporalité est ici très importante, puisque cette décision est prise durant les premiers mois de la Révolution. La monarchie craint-elle alors le renouvellement d’une rébellion rochelaise, nourri par la mémoire des soulèvements des xvie et xviie siècles ? Existe-t-il des éléments qui lui permettent de penser que la docilité séculaire des habitants lors de ces célébrations cessera cette année-là ou s’agit-il d’une mesure de précaution face à un rituel d’assujettissement ? Quelle qu’en soit la raison, pour la première fois depuis 1628, le roi autorise les Rochelais à ne pas subir le déshonneur de la mémoire. Cela crée une rupture temporelle dans la commémoration et, ainsi, fragilise un rituel ancré dans un temps cyclique. L’année suivante, les officiers municipaux délibèrent que la célébration ne peut se tenir pour les mêmes raisons50. Par la suite, plus aucune allusion n’y est faite. La commémoration de la délivrance rochelaise prend fin sans que nous ne puissions savoir comment cette décision a été accueillie par la population.

15De même, les processions commémoratives des villes de Carcassonne, Marseille et Poitiers disparaissent des écrits administratifs urbaines entre 1789 et 1791. Leur effacement des délibérations ainsi que de la comptabilité invite à conclure à la suppression des processions. Pour autant, les archives judiciaires ne dévoilent aucune trace de contestation. Cette absence d’écrit empêche une véritable étude du phénomène, mais permet de mettre en avant plusieurs hypothèses. Les célébrations ont peut-être été jugées obsolètes dans un monde en renouveau. Le moment révolutionnaire exigeant des autorités urbaines des impératifs plus grands, la fin du rituel aurait alors été décidé oralement sans que personne ne transcrive la décision. La célébration de la délivrance pourrait aussi, à l’instar de nombreuses processions catholiques, avoir été supprimée au moment de renouvellement du culte. L’assimilation de la cérémonie à d’autres fêtes religieuses expliquerait qu’aucune décision spécifique n’ait été prise. Ces explications, bien que plausibles, ne sont pas pleinement satisfaisantes, car elles vont à rebours de l’étude sur le temps long des célébrations. Certes celles-ci subissent le mouvement de déclin des cérémonies catholiques du xviiie siècle, mais elles restent des moments privilégiés de l’expression du pouvoir édilitaire dans le cadre d’une religion civique. Leur suppression est alors peut-être due au fait qu’elles incarnent les anciennes institutions urbaines et leur expression religieuse. Les nouvelles municipalités sont déliées de leurs obligations, des vœux des anciens édiles et des traditions. À cette occasion, la volonté de faire table rase se passerait-elle de mots ?

16Le manque de source à propos des processions commémoratives au début de la Révolution contraint ainsi à une analyse superficielle de l’arrêt de la célébration rochelaise et à des hypothèses décevantes pour les autres cités. En revanche, les archives toulousaines donnent accès à un véritable corpus pour examiner la suppression de la célébration. Dans cette deuxième partie centrée sur l’interdiction révolutionnaire de la procession toulousaine, il s’agira d’abord d’examiner comment l’intégration de la honte à l’imaginaire qui entoure la délivrance a conduit à l’interdiction. Ensuite, l’autre enjeu de cette analyse sera de comprendre les spécificités du cas toulousain pour tenter d’expliquer le déséquilibre entre la production d’écrits à propos de la célébration dans cette ville par rapport aux autres cités étudiées.

Toulouse dans l’ombre de Calas

  • 51 Jean-Claude Meyer, La Vie religieuse en Haute-Garonne sous la Révolution : 1789-1801, thèse de 3ème(...)

17Le 4 mai 1790, Jean-Antoine Huot de Goncourt, député du bailliage de Bar-le-Duc, rend un rapport à l’Assemblée sur les troubles toulousains faisant suite aux décrets de l’année 1790 – notamment celui sur la suppression des vœux ecclésiastiques51. Le député du tiers tente de convaincre de la nécessité de soutenir la municipalité toulousaine face aux catholiques en faisant appel au topos voltairien d’une cité dont le fanatisme séculaire est incarné par la célébration de la délivrance :

C’est avec une sorte de scrupule que [le comité] vous observe que c’est à l’époque du 17 mai, qu’on fait en la mémoire du massacre des Albigeois, et que les pèlerinages que l’on conseille aux citoyens de cette ville ont pour point de ralliement une chapelle élevée dans la plaine où ce massacre a été commis.

  • 52 BnF, S88-16575.

18Si le député fait preuve de son ignorance à propos de l’histoire de Toulouse en confondant la croisade contre les cathares et les guerres de Religion, ce discours prononcé dans l’enceinte de l’Assemblée exhorte les Toulousains à supprimer la procession commémorative. Le 14 mai 1790, une Adresse au peuple du Languedoc et particulièrement à celui de Toulouse relaie cette demande52. L’auteur se réfère directement à la séance du 4 mai pour convaincre son lectorat – qu’il souhaite toulousain – de la nécessaire mutation des pratiques religieuses. Une nouvelle fois, la commémoration de la délivrance est mise en avant comme un archaïsme à combattre :

  • 53 Ibid., p. 5-6.

Les Toulousains se rappelleront sans doute l’odieuse institution de la fameuse procession du 17 mai. Ils diront, que si leurs ancètres ont été des boureaux, ils ne doivent point suivre ces flétrissans exemple. Ils se souviendront qu’ils ont été les derniers à chasser de leur sein l’inquisition, cette infernale invention du despotisme sacerdotal, & repareront par les progrés de leur raison, les maux qu’ils ont fait jadis souffrir à des innocentes victimes. Les manes des Calas demandent ce généreux exemple. C’est en faisant une action publique à leur mémoire, qu’ils prouveront à l’Europe entière, qu’ils ne sont plus les vils esclaves de quelques imposteurs. C’est alors qu’on les comptera parmi les amis de l’humanité & de la vraie religion53.

19L’auteur mobilise les deux événements clefs de l’histoire voltairienne de l’intolérance toulousaine : le massacre du 17 mai 1562 – ainsi que sa commémoration – et l’affaire Calas. Depuis Paris, l’année 1790 devient un moment de mise à l’épreuve des Toulousains qui doivent prouver qu’ils ne sont plus les hommes intolérants décrits par Voltaire et se défaire de leurs anciennes coutumes.

De l’adaptation à la suppression de la commémoration

  • 54 Archives départementales de la Haute Garonne (désormais ADHG), 1L4544. Séance du 8 avril 1791.
  • 55 ADHG, 1L4543. Séance du 6 mai 1791.
  • 56 Cité par J.-Cl. Meyer, op. cit., p. 84.

20Face à ces condamnations et aux bouleversements politiques et religieux, différentes voix s’élèvent dans la ville de Toulouse au sujet de la commémoration : si certains semblent pour la conservation de fête, d’autres en demandent l’interdiction ou encore son adaptation au contexte révolutionnaire. Dès 1791, d’aucuns appellent, à Toulouse, à la conservation d’un rituel épuré. Le 8 avril 1791, une motion portant sur la possibilité de « changer l’objet de la procession qu’on croit vulgairement instituée a l’occasion d’une victoire remportée dans des temps de fanatisme sur les protestants54 » est proposée lors d’une séance publique de la société populaire toulousaine. Le vif débat autour de cette motion, aboutissant à son ajournement, atteste de la difficulté à trouver un compromis à ce sujet. La négation de l’origine de la commémoration est cependant plus complexe à examiner. Comment savoir, en l’absence de leur nom, si les auteurs de la motion ont connaissance de l’origine de la célébration ? Cette affirmation atteste-t-elle qu’en dehors des cercles lettrés l’histoire de la délivrance n’est pas connue ? S’agit-il d’une manœuvre pour nier l’origine honteuse de la commémoration ? Quoi qu’il en soit, cela témoigne à la fois d’une gêne à propos de la mémoire des conflits confessionnels toulousains et de débats autour de l’histoire de la célébration. Face à cela, d’autres affirment la nécessité de supprimer la commémoration. Une première demande émane de la Société des Amis de la Constitution – ou Club des Jacobins – où il est question le 6 mai 1791 de « supprimer la procession du 17e [mai] reste de la superstition et de la barbarie de nos ancêtres55 ». Le caractère archaïque et honteux de la fête fait alors l’unanimité, mais il est décidé d’ajourner la demande pour éviter d’attiser les tensions religieuses dans la ville. Quelques jours plus tard, un article des Affiches de la Haute-Garonne, dénonce le caractère « très intolérant » de la célébration et appelle à la disparition de « cette institution de fanatisme, de mensonge et de discorde56 ».

  • 57 Délibération du conseil général…, op. cit., p. 13.
  • 58 On retrouve ainsi les éléments de la première séquence de la fête révolutionnaire, définie par Mich (...)
  • 59 Félix Pasquier, Notes et réflexions d’un bourgeois de Toulouse au début de la Révolution, d’après d (...)

21L’option de l’adaptation de la symbolique et des structures organisationnelles de la commémoration est choisie par les autorités municipales : en 1791, la procession est précédée d’un discours patriotique, prononcé par l’évêque constitutionnel, et encadrée par les gardes nationales57. Les institutions municipales et le clergé constitutionnel reprennent l’ancien type de cérémonial et le font cohabiter avec les nouveaux rites58. Ce positionnement délicat de l’adaptation cérémonielle cristallise les oppositions entre, d’une part, ceux qui souhaitent la suppression de la fête et, d’autre part, ceux qui désirent la conserver pleinement. Dans une lettre datée du 26 mai 1791, un bourgeois toulousain catholique déplore la dégradation d’une « procession si célèbre et si belle autrefois » à laquelle les ecclésiastiques toulousains, dont la plupart rejettent le serment, refusent de se rendre malgré les demandes répétées de la municipalité59. Il regrette que la commémoration soit devenue celle « des légionnaires », sûrement en référence à une partie de la garde nationale, favorable à la Révolution : la légion Saint-Cyprien. La situation relève d’un paradoxe, puisque ceux qui partagent les valeurs de la délivrance ne peuvent y participer et ceux qui l’organisent ne peuvent complètement l’accepter.

  • 60 Délibération du conseil général…, op. cit., p. 1-2.
  • 61 AMT, BB 274, p. 291-305, chronique 238, année 1562.
  • 62 Délibération du conseil général…, op. cit., p. 15.
  • 63 Ibid., p. 12.
  • 64 M. Vovelle, op. cit., p. 157.

22L’échec de l’adaptation de la commémoration encourage les autorités municipales toulousaines à supprimer définitivement le rituel, le 1er mai 1792. Le conseil municipal de la commune de Toulouse déclare alors qu’il est de son devoir de supprimer cette « cérémonie fanatico-religieuse qui se renouveloit tous les ans le 17 du mois de mai, & qu’on appelle la fête du fanatisme, de l’intolérance & du despotisme sacerdotal60 ». Si différents arguments sont mobilisés à cette occasion, la volonté de jeter le voile sur un objet honteux est le fil rouge de la délibération. Le rapport produit en amont de la délibération, mobilisant majoritairement l’historiographie produite au xviiie siècle, déplore l’origine « sanglante » de la célébration. En outre, l’auteur le plus cité est De Rozoi. La délibération modifie ainsi officiellement l’histoire de la délivrance, fixée dans les Annales manuscrites de la ville au xvie siècle61 : le miracle de Dieu se transforme en massacre perpétré par des fanatiques. Pour autant, plus encore que l’histoire de la délivrance, c’est sa célébration qui est définie comme un « monument d’ignorance & de superstition honteux pour la ville de Toulouse, & indigne de figurer parmi les cérémonies touchantes, fraternelles & tolérantes d’une nation libre62 » ou encore « une inconvenance aussi étrange avec les mœurs & les lumières de la France régénérée63 ». Avec la Révolution s’opère un changement dans la conception de la fête, désormais vécue comme le « lieu privilégié où s’est investi le rêve d’une société nouvelle et d’un monde idéal64 ». La procession, parce qu’elle est une célébration exaltant l’ordre de l’Ancien Régime, n’a plus sa place dans ce nouveau monde. De plus, le retour de mémoire qui s’est opéré depuis l’affaire Calas rend l’émancipation du rituel à son histoire impossible. La suppression de la fête est un geste symbolique qui permet à la municipalité de marquer une étape de son entrée en révolution.

  • 65 Délibération du conseil général…, op. cit., p. 14.
  • 66 Nicole Loraux, « De l’amnistie et de son contraire », dans Yosef Hayim Yerushalmi (dir.), Usages de (...)
  • 67 Délibération du conseil général…, op. cit., p. 15.

23La suppression de la fête est une véritable mesure d’oubli : les révolutionnaires cherchent à ne « rien laisser qui put directement ou indirectement retracer le souvenir [de la procession]65 ». Ils font ainsi table rase d’un passé qui les dérange : celui des guerres de Religion mais aussi celui de la célébration. L’oubli juridiquement délimité n’efface pas réellement les souvenirs, mais impose un silence collectif. Tout comme dans le cadre des lois d’amnistie athéniennes étudiées par Nicole Loraux, la question n’est pas d’oublier entièrement le passé mais de faire « comme si » la délivrance n’avait jamais eu lieu66. Cette politique de damnatio memoriae doit permettre à la société, dont le corps est déchiré depuis les guerres de Religion, d’enfin recréer le lien social. La régénération du pays rend la célébration incivique et donc immorale. Le besoin d’oubli semble alors rejoindre la honte du passé, c’est-à-dire des violences fanatiques mais aussi des années de célébration de ces épisodes. En un temps de discorde religieuse, les révolutionnaires tentent de « faire disparoitre jusqu’aux plus légères traces de désunions déplorables qui régnèrent trop longtemps entre les Citoyens & les Citoyens, sous le prétexte cruel d’une différence d’opinion religieuses67 ». Faisant directement référence à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ils expriment le décalage entre la fête – qui va à l’encontre de l’égalité des cultes, de la fraternité et de l’unité nationale – et les valeurs de la Révolution. Il s’agit de supprimer les discordes séculaires entre protestants et catholiques à Toulouse et dans le département de la Haute-Garonne. Les tensions religieuses entre les deux communautés ne peuvent être apaisées alors que la capitale du département célèbre un événement des guerres de Religion, désormais considéré comme un massacre.

  • 68 Mona Ozouf, L’Homme régénéré : essais sur la Révolution française, Paris, Gallimard, 1989.
  • 69 Jacques Berchtold, Marie-Madeleine Fragonard (dir.), La Mémoire des guerres de Religion : la concur (...)
  • 70 Archives parlementaires de 1787 à 1860… impr. par ordre du Sénat et de la Chambre des députés, séri (...)
  • 71 Délibération du conseil général…, op. cit., p. 10.

24La question mémorielle est ainsi au cœur des raisons de la disparition de la commémoration. Dans leur quête de maîtrise totale du social et de la création d’un homme nouveau, les révolutionnaires font table rase du passé pour créer un récit mobilisant une identité nationale68. L’objectif est de tout réformer pour créer une nation bientôt dite « une et indivisible ». Dans ce cadre, il ne peut y avoir de particularismes identitaires propres à des villes qui ne correspondent pas aux idéaux de la Révolution et à l’histoire nationale. Cette exclusion est d’autant plus envisageable que la fête de la délivrance atteste l’exclusion d’un groupe du corps social français : les protestants. Plus généralement, il semble que les mémoires des guerres de Religion sont progressivement occultées de l’histoire collective au profit d’épisodes plus glorieux pour les villes et la nation69. Non seulement les affrontements renvoient au fanatisme du xvie siècle, mais en plus il s’agit d’un épisode de guerre civile où le peuple s’est entre-déchiré : la problématique devient celle de l’intégration de cette mémoire dans le nouveau roman national de la France indivisible. La honte des exactions de leurs ancêtres lors du xvie siècle devient un argument pour effacer la mémoire à jamais. Cette suppression d’une marque d’infamie peut se faire discrètement dans la majorité des cités, car la célébration est une affaire qui concerne principalement les autorités urbaines. Cependant, l’avenir de la commémoration toulousaine a un écho national. Non seulement, il s’agit de l’unique procession de la délivrance qui est brandie comme la preuve de l’intolérance séculaire d’une ville catholique, mais en plus sa suppression est la seule applaudie à l’Assemblée nationale70. Les autorités toulousaines ont conscience de la portée symbolique de la procession et de sa suppression. D’ailleurs, la délibération du 1er mai 1792 est imprimée pour rendre publique dans la ville mais aussi, plus largement, l’ensemble du pays, l’interdiction de « la procession trop malheureusement fameuse dans cette ville, dans les départements méridionaux & la France tout entière71 ». L’affaire Calas et le traité voltairien, à l’origine d’une publicité autour de la commémoration et de son impopularité, constituent un élément explicatif du traitement particulier de la mémoire d’un épisode désormais honteux.

25Célébrations séculaires d’une mémoire officielle des guerres de Religion, entretenue par les autorités municipales, les processions de la délivrance mobilisent un imaginaire positif pendant la presque totalité de l’époque moderne. Pourtant, celui ne s’appuie plus, rapidement, sur l’histoire de la délivrance : aux xviie et xviiie siècles, le lien entre l’épisode commémoré et la procession anniversaire s’estompe progressivement. Le rituel relève surtout d’une mise en scène de la cité idéale, au profit du pouvoir édilitaire. Cette dissociation explique la survie de la célébration jusqu’à la Révolution française, alors que l’historiographie urbaine à propos des conflits confessionnels dénonce le fanatisme des acteurs ayant délivré les cités. Dès les premières années de la période révolutionnaire, cependant, le rejet de la mémoire rejoint celui de la célébration. Sur le temps long de l’époque moderne, les effacements et retours de mémoires associés à la commémoration semblent être, avant toute chose, des choix politiques mis au service des autorités municipales et non une évolution linéaire des mémoires ou du sentiment de honte qui peut y être associé. Malgré une apparente homogénéité des manifestations mémorielles, les commémorations témoignent de différentes formes de gloire et de honte. L’expression de la honte associée à la mémoire officielle de la délivrance, survenant surtout à partir du xviiie siècle ne relève pas des mêmes enjeux selon les villes. Quelle comparaison possible entre la honte des Rochelais vaincus en 1628 et celle des Marseillais cherchant, cent-quatre-vingt-six ans après les faits, les actes séditieux de leurs ancêtres. De même, l’étude comparative fait ressortir des emboitements mémoriels propres à chaque cité. Sans l’affaire Calas, la commémoration du 17 mai aurait-elle été si vivement dénoncée par les révolutionnaires toulousains ?

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Notes

1 Délibération du conseil général de la commune de Toulouse : concernant la suppression de la procession du 17 mai, p. 15.

2 À propos des guerres de Religion et de la délivrance toulousaine : Joan Davies, « Persecution and Protestantism : Toulouse, 1562-1575 », The Historical Journal, 1979, vol. 22, n° 1, p. 31-51 ; Mark Greengrass, « The Anatomy of Religious Riot in Toulouse in May 1562 », The Journal of Ecclesiastical History, 1983, vol. 34, n° 3 p. 367-391 ; Pascal Julien, « Assaut, invocation tutélaire et célébrations séculaires : le 17 mai 1562, “délivrance de Tholose” », dans Gabriel Audisio (dir), Prendre une ville au xvie siècle, Aix-en Provence, Presses de l’Université de Provence, 2004, p. 51-62 ; Pierre-Jean Souriac, « Guerres religieuses, histoire et expiation : autour de l’émeute toulousaine de mai 1562 », Chrétiens et sociétés, xvie-xxie siècles [en ligne], 2013, n° 20, mis en ligne le 11 juillet 2014, consulté le 3 janvier 2022. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/3536

3 Pierre-Jean Souriac estime qu’environ deux cents protestants sont tués ce jour-là : ibid.

4 Archives municipales de Toulouse (désormais AMT), BB 11, f° 324v.

5 À ce sujet, nous signalons deux articles qui font un effort de synthèse : Olivier Christin, « Mémoire inscrite, oubli prescrit : la fin des guerres de Religion en France », dans Rainer Marcowitz, Werner Paravicini (dir.), Vergeben und Vergessen ? Vergangenheitsdiskurse nach Besatzung, Bürgerkrieg und Revolution / Pardonner et oublier ? Les discours sur le passé après l’occupation, la guerre et la révolution, Munich, Oldenburg, 2009, p. 73-92 et Philip Benedict, « Divided Memories ? Historical Calendars, Commemorative Processions and the Recollection of the Wars of Religion during the Ancien Régime », French History, 2008, vol. 22, n° 4, p. 381-405.

6 À propos des guerres de Religion et des délivrances carcassonnaises : Patrick Cabanel (dir.), Itinéraires protestants en Languedoc du xvie au xxe siècle, t. 3, Hérault, Rouergue, Aude et Roussillon, Montpellier, Presses du Languedoc, 2000 ; Thomas Bouges, Histoire ecclésiastique et civile de la ville et diocèse de Carcassonne…, Paris, Pierre Gandovin, 1741 ; Jean Guilaine, Daniel Fabre, Histoire de Carcassonne, Toulouse, Privat, 1990 ; Jean Prouzet, Les Guerres de Religion dans les pays de l’Aude (1560-1596), Toulouse, J. P. Prouzet, 1975.

7 À propos des guerres de Religion et de la délivrance poitevine : Antoine Coutelle, « Espace urbain et commémoration à Poitiers au xviie siècle : “la procession généralle en mémoire du siège levé par ladmiral devant ceste ville” », dans Frédéric Chauvaud, Jacques Péret (dir.), Terres marines. Études en hommage à Dominique Guillemet, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 207-212 et « Le siège de Poitiers de 1569 : écriture et réécriture d’un événement », Tierce. Carnets de recherches interdisciplinaires en histoire, histoire de l’art et musicologie [en ligne], 2020-4, mis en ligne le 15 avril 2021, consulté le 3 janvier 2022. URL : https://tierce.edel.univ-poitiers.fr/index.php ?id =437 ; Guilhem de Corbier, « Se souvenir du siège de Poitiers à l’époque moderne. Mémoires écrites, visuelles, sonores et mobiles de l’événement », communication au colloque « Se souvenir des guerres de Religion », organisé à l’Institut protestant de théologie de Montpellier par Chrystel Bernat, Tom Hamilton et David van der Linden, du 6 au 8 septembre 2018, à paraître.

8 À propos des guerres de Religion et de la délivrance marseillaise : Wolfgang Kaiser, Marseille au temps des troubles. Morphologie sociale et luttes de factions, 1559-1596, Paris, Éd. de l’EHESS, 1992 et « Fare col leone e con la volpe. La “réduction de Marseille”, 17 février 1596 », dans G. Audisio (dir.), op. cit., p. 75-90.

9 Michel Cassan, « La réduction des villes ligueuses à l’obéissance », Nouvelle revue du xvie siècle, 2004, vol. 22, n° 1, 2004, p. 159-174.

10 À propos du siège de La Rochelle : Liliane Crété, La Vie quotidienne à la Rochelle au temps du grand siège, 1627-1628, Paris, Hachette, 1987 ; François de Vaux de Foletier, Le Siège de La Rochelle (1628), Paris, Firmin Didot, 1931 ; Pascal Rambeaud, La Rochelle fidèle et rebelle, Paris, Le Croît vif, 1999.

11 Déclaration du Roy, sur la réduction de la ville de la Rochelle en son obéissance (La Rochelle, nov. 1628), Paris, C. Prevost, 1629.

12 Klaus Graf, « Erinnerungsfeste in der spätmittelalterlichen Stadt », dans Hanno Brand, Pierre Monnet, Martial Staub (dir), Memoria, Communitas, Civitas : mémoire et conscience urbaines en Occident à la fin du Moyen Âge [Actes du congrès organisé en 2000 à Paris, Institut historique allemand], Ostfildern, J. Thorbecke, 2003, p. 263-273 ; « Fürstliche Erinnerungskultur. Eine Skizze zum neuen Modell des Gedenkens in Deutschland im 15. und 16. Jahrhundert » dans Chantal Grell, Werner Paravicini, Jürgen Voss (dir.), Les Princes et l’histoire du xive au xviiie siècle [Actes du colloque organisé par l’Université de Versailles-Saint-Quentin et l’Institut historique allemand, Paris/Versailles, 13-16 mars 1996], Bonn, Bouvier, 1998, p. 1-11 ; « Schlachtengedenken in der Stadt », dans Bernhard Kirchgässner, Günter Scholz (dir.), Stadt und Krieg, Sigmaringen, J. Thorbecke, 1989, p. 83-104.

13 Denis Crouzet, Dieu en ses royaumes. Une histoire des guerres de Religion, Seyssel, Champ Vallon, 2008 et Les Guerriers de Dieu : la violence au temps des troubles de religion, vers 1525-vers 1610, Seyssel, Champ Vallon, 2005 (1ère éd. 1990).

14 O. Christin, Art. cit.

15 Paul-Alexis Mellet, Jérémie Foa, « Une “politique de l’oubliance” ? Mémoire et oubli pendant les guerres de Religion (1550-1600) », Astérion [en ligne], 2016, n° 15, mis en ligne le 8 novembre 2016, consulté le 3 janvier 2022. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/asterion/2829.

16 Édition en ligne des Édits de pacification, sous la direction de Bernard Barbiche (http://elec.enc.sorbonne.fr/editsdepacification/edit_02#art_02_09).

17 Jérémie Foa, Le Tombeau de la paix. Une histoire des édits de pacification (1560-1572),
Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2015.

18 Michel Cassan, « Guerres de Religion, pacification, réconciliation », dans Franck Collard, Monique Cottret (dir.), Conciliation, réconciliation aux temps médiévaux et modernes, Nanterre, Presses universitaires de Paris Ouest, 2012 ; Michel De Waele, « Clémence royale et fidélités françaises à la fin des guerres de Religion », Historical Reflections/Réflexions historiques, 1998, vol. 24, n° 2, p. 231-252 ; « Image de force, perception de faiblesse : la clémence d’Henri IV », Renaissance and Reformation/Renaissance et Réforme, 1993, vol. XVII, n° 4, p. 51-60 ; « Un modèle de clémence ? Le duc d’Albe gouverneur des Pays-Bas, 1567-1573 », Cahiers d’histoire [Université de Montréal], 1996, vol. XVI, n° 1, p. 21-32 ; Réconcilier les Français : la fin des guerres de religion, 1589-1598, Québec, Presses de l’Université Laval, 2010.

19 Déclaration du Roy, sur la réduction de la ville de la Rochelle en son obéissance (La Rochelle, nov. 1628), op. cit.

20 A. Coutelle, chap. cit.

21 Les registres de délibérations des consuls poitevins sont disponibles en ligne, sur le site de la médiathèque de Poitiers.

22 Les registres de délibérations des consuls toulousains sont disponibles en ligne, sur le site des archives municipales de Toulouse.

23 Archives municipales de La Rochelle (désormais AMLR), BB 8, f° 22/23v.

24 Ibid.

25 Exemple tiré des AMLR, BB 24, f° 49.

26 Exemple tiré des AMLR, BB 26, f° 15.

27 A. Coutelle, chap. cit.

28 Archives municipales de Marseille (désormais AMM), AA 67, f° 706.

29 André Vauchez, « Introduction », dans André Vauchez (dir.), La Religion civique à l’époque médiévale et moderne (chrétienté et islam) [Actes du colloque, Nanterre, 21-23 juin 1993, organisé par le Centre de recherche « Histoire sociale et culturelle de l’Occident, xiie-xviiie siècle » de l’Université de Paris X-Nanterre et l’Institut universitaire de France], Rome, École française de Rome, 1995, p. 1.

30 Ibid., p. 2.

31 Robert Alan Schneider, The Ceremonial City : Toulouse observed, 1738-1780, Princeton, Princeton University Press, 1995, p. 133. Citation dans la langue d’origine : « The general procession was less a faithful “model of” the urban community than a “model for” an ideal version of what it once was. »

32 Instruction sur l’origine de la procession solennelle qui se fait à Toulouse le 17 de mai sur les dispositions avec lesquelles il faut y assister, par un ecclésiastique à un de ses amis, Toulouse, G. Henault, 1708, p. 4.

33 À propos du bicentenaire : Maïté Recasens, « Commémorer les guerres de Religion à Toulouse au xviiie siècle : le bicentenaire de la Délivrance, archaïsme ou paradoxe ? (1562-1762) », Annales du Midi. Revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, juillet-septembre 2017, t. 129, n° 299, p. 371-388.

34 P.-J. Souriac, Art. cit.

35 Germain de La Faille, Annales de la ville de Toulouse depuis la réunion de la comté de Toulouse à la Couronne…, t. 2, Toulouse, G. L. Colomyés, 1701, p. 212-246.

36 Lancelot de La Popelinière, La vraye et entiere histoire des troubles et choses memorables advenues tant en France qu’en Flandres et pays circonvoisins, depuis l’an 1562. Comprinse en quatorze livres, Cologne, Arnould Birkman, 1571 [deuxième édition augmentée à Bâle chez Pierre Davantès en 1572 ; troisième édition augmentée à La Rochelle en 1573], le récit du protestant (qui affirme avoir été témoin oculaire des événements de mai 1562) et identique à celui de Théodore de Bèze, Histoire ecclésiastique des églises réformées au Royaume de France, 2 vol. , Anvers, Jean Rémy, 1580.

37 Jean Raynal, Histoire de la ville de Toulouse, avec une notice des hommes illustres…, Toulouse, Jean-François Forest, 1759, p. 230-241.

38 Th. Bouges, op. cit.

39 Ibid., p. 313.

40 Ibid., p. 351.

41 À propos de l’affaire Calas : David Bien, L’Affaire Calas, Toulouse, Eché, 1987 ; José-Ramón Cubero, L’Affaire Calas : Voltaire contre Toulouse, Paris, Perrin, 1993 ; Janine Garrisson, L’Affaire Calas : miroir des passions françaises, Paris, Fayard, 2004 ; Matthieu Palat, L’Opinion publique à Toulouse durant l’Affaire Calas (1755-1770), mémoire de maîtrise dir. par Valérie Sottocasa, Université de Toulouse-Le Mirail, UFR Histoire, art et archéologie, 1999.

42 Voltaire, Traité sur la tolérance, à l’occasion de la mort de Jean Calas, Genève, frères Cramer, 1763.

43 Ibid., p. 88.

44 Barnabé Farmian De Rozoi, Annales de la ville de Toulouse, 5 vol. , Paris, veuve Duchesne, 1771-1778. Les pages 497 à 520 du troisième tome traitent de la délivrance.

45 AMT, BB 56, pièce 96, datée du 22 janvier 1773.

46 Laurence Coudart, « Farmain De Rozoi », dans Édition électronique revue, corrigée et augmentée de Jean Sgard, Michel Gilot, Françoise Weil, Dictionnaire des journalistes (1600-1789), Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1976. URL : Erreur ! Référence de lien hypertexte non valide.

47 AMM, BB 352, f° 80.

48 Libertat ou Marseille sauvée, tragédie nouvelle en cinq actes… avec une préface historique, Paris, Cailleau, 1782.

49 AMLR, BB 33, f° 75v.

50 AMLR, 1D1, f° 135.

51 Jean-Claude Meyer, La Vie religieuse en Haute-Garonne sous la Révolution : 1789-1801, thèse de 3ème cycle sous la direction de Jacques Godechot, Toulouse-Le Mirail, 1982.

52 BnF, S88-16575.

53 Ibid., p. 5-6.

54 Archives départementales de la Haute Garonne (désormais ADHG), 1L4544. Séance du 8 avril 1791.

55 ADHG, 1L4543. Séance du 6 mai 1791.

56 Cité par J.-Cl. Meyer, op. cit., p. 84.

57 Délibération du conseil général…, op. cit., p. 13.

58 On retrouve ainsi les éléments de la première séquence de la fête révolutionnaire, définie par Michel Vovelle dans Michel Vovelle, La Mentalité révolutionnaire : société et mentalités sous la Révolution française, Paris, Éd. sociales, 1985.

59 Félix Pasquier, Notes et réflexions d’un bourgeois de Toulouse au début de la Révolution, d’après des lettres intimes, Toulouse, M. Bonnet, 1917.

60 Délibération du conseil général…, op. cit., p. 1-2.

61 AMT, BB 274, p. 291-305, chronique 238, année 1562.

62 Délibération du conseil général…, op. cit., p. 15.

63 Ibid., p. 12.

64 M. Vovelle, op. cit., p. 157.

65 Délibération du conseil général…, op. cit., p. 14.

66 Nicole Loraux, « De l’amnistie et de son contraire », dans Yosef Hayim Yerushalmi (dir.), Usages de l’oubli [Contributions au colloque de Royaumont, 1987], Éd. du Seuil, 1988, p. 23-48 et La Cité divisée : l’oubli dans la mémoire d’Athènes, Paris, Payot & Rivages, 2005 (1ère éd. 1997).

67 Délibération du conseil général…, op. cit., p. 15.

68 Mona Ozouf, L’Homme régénéré : essais sur la Révolution française, Paris, Gallimard, 1989.

69 Jacques Berchtold, Marie-Madeleine Fragonard (dir.), La Mémoire des guerres de Religion : la concurrence des genres historiques (xvie-xviiie siècles) [Actes du colloque international de Paris (15-16 novembre 2002)], Genève, Droz, 2007, et La Mémoire des guerres de Religion, t. II, Enjeux historiques, enjeux politiques (1760-1830), Genève, Droz, 2009.

70 Archives parlementaires de 1787 à 1860… impr. par ordre du Sénat et de la Chambre des députés, série 1, t. 44, Assemblée nationale législative, procès-verbal du 22 mai 1792., p. 3.

71 Délibération du conseil général…, op. cit., p. 10.

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Pour citer cet article

Référence papier

Maïté Recasens, « Les contradictions de la mémoire : heures de gloires et honte des commémorations de la délivrance (xvie siècle – Révolution française) »Chrétiens et sociétés, 29 | 2022, 35-53.

Référence électronique

Maïté Recasens, « Les contradictions de la mémoire : heures de gloires et honte des commémorations de la délivrance (xvie siècle – Révolution française) »Chrétiens et sociétés [En ligne], 29 | 2022, mis en ligne le 22 mai 2023, consulté le 08 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/9204 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.9204

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Auteur

Maïté Recasens

Université Toulouse II Jean Jaurès – FRAMESPA (UMR 5136)maite.recasens@gmail.com

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