1La publication de la thèse d’Hélène Lanusse-Cazalé est une bonne nouvelle. Elle donne sa chance à un beau travail de recherche inscrit dans un espace régional, au moment où certains acteurs de l’histoire religieuse dévaluent ce type d’approche, tant prisée naguère. Il ne s’agit pas d’ignorer les raisons de leurs réserves : danger de parcellisation, risque de redondance, illusions sur les vertus supposées d’un processus cumulatif complétant un puzzle dans lequel la description peut l’emporter sur le questionnement. Mais il est bon aussi de rappeler que l’approche régionale permet d’éprouver de nouvelles hypothèses, de nuancer ou remettre en cause les schémas d’interprétation généraux. Elle le permet par sa plasticité, qu’il s’agisse de l’angle d’analyse (partiel ou global) ou de la chronologie (courte ou longue), et par la possibilité de jouer sur les échelles. De tout cela, Hélène Lanusse-Cazalé a conscience, comme l’introduction le montre en développant une dialectique de la minorité et de l’espace et en adaptant à l’objet des pistes fécondes (réseaux, identité, mémoire). Grâce à la richesse et à l’accessibilité des archives des communautés protestantes, rassemblées aux Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques, l’auteure restitue la diversité protestante, avec le souci d’une chronologie fine, attentive aux apports étrangers, aux ramifications et aux ponts jetés entre les groupes dissidents et les Églises historiques. Elle s’efforce de donner corps aux diverses communautés en situation de minorité, conformément à son titre qui met en avant les hommes avant les institutions. Elle fait revivre des individus (Henri Pyt, Félix Pécaut), des familles (Reclus), les uns enracinés, comme à Osse-en-Aspe, d’autres qui passent : passage sur le territoire, passage d’un groupe à l’autre, d’une théologie à l’autre, même si cela est parfois délicat à appréhender, passage vers d’autres confessions, rupture. On aimerait en savoir plus – mais la documentation le permet-elle ? – sur les mariages mixtes, le déclin suggéré de la pratique et de l’enracinement, la sociologie des appartenances. Hélène Lanusse-Cazalé sait aussi prendre en compte les réalités institutionnelles, abordées là encore avec une attention constante aux inflexions chronologiques : acceptation ou refus du cadre concordataire ; inscription dans l’espace ; construction de réseaux d’œuvres dans une situation de concurrence interne et un jeu de miroirs avec l’univers catholique ; rapport au politique avec la figure classique du protestantisme républicain de la fin du xix^e siècle, précédée par des configurations plus variées. L’auteure attache enfin, à juste titre, une grande importance à la construction de la mémoire et aux déplacements de la controverse confessionnelle, de la polémique théologique héritée du temps des Réformes aux débats historiques d’un siècle fasciné par le discours sur le passé. Au total, le livre présente un tableau riche et nuancé en prenant en compte des réalités multiples dans un vrai projet d’histoire globale.