Jochen Krenz, Druckerschwärze statt Schwarzpulver. Wie die Gegenaufklärung die Katholische Aufklärung nach 1789 mundtot machte
Jochen Krenz, Druckerschwärze statt Schwarzpulver. Wie die Gegenaufklärung die Katholische Aufklärung nach 1789 mundtot machte. Die Perzeption der kirchenpolitischen Vorgänge der Französischen Revolution in der oberdeutschen theologischen Publizistik des Alten Reichs, Brème, Éditions Lumière, Press und Geschichte-Neue Beiträge (n° 101), 2016, 661 p., ISBN : 978-3-943245-55-4
Texte intégral
- 1 Jochen Krenz, Konturen einer oberdeutschen kirchlichen Kommunikationslandschaft des ausgehenden 18 (...)
1Tiré de la thèse de Jochen Krenz, dont une première partie avait été publiée en 2012 chez le même éditeur 1, cet ouvrage est une contribution très neuve sur la façon dont les événements de la Révolution française ont été perçus dans le Saint-Empire, en prenant comme terrain d’observation la presse religieuse catholique.
2Après un chapitre introductif qui pose les enjeux historiographiques du sujet, à la fois sur la presse des Lumières et sur l’histoire religieuse de la Révolution, l’auteur présente une synthèse claire et équilibrée des effets de la législation révolutionnaire sur l’Église de France entre 1789 et 1801. Les grands enjeux du débat sont posés : la tolérance des minorités religieuses, les justifications de la Constitution civile du clergé, le schisme de 1791, la déchristianisation de l’an II, les cultes concurrents sous le Directoire et le concordat de 1801. Jochen Krenz dresse ensuite le tableau de la presse religieuse allemande de la fin du xviiie siècle, beaucoup plus varié que l’historiographie universitaire ne l’a longtemps cru. L’attention des chercheurs s’est surtout concentrée sur la presse laïque « éclairée », les conduisant à négliger la presse confessionnelle jugée unilatéralement rétrograde, à l’exception de la presse protestante, au service de la tolérance et de la circulation des nouveaux savoirs. Ce n’est que dans les années 1990 que les journaux catholiques « éclairés » ont commencé à être étudiés pour réévaluer leur influence intellectuelle. L’originalité de la démarche de Jochen Krenz est de se pencher également sur l’autre presse catholique, celle qui appartient au courant dit des « anti-Lumières », mobilisé contre la tolérance religieuse. Et de souligner les liens qui ont pu se tisser, selon les circonstances, avec certains journaux protestants également hostiles aux Lumières. Certains combats, pour ou contre les Lumières, ont ainsi pu transcender les lignes de partage confessionnel habituelles. En pointe contre les réformes joséphistes, ces journaux que l’on pourrait également – et peut-être plus justement – qualifier d’intransigeants, ne défendent pas tous la même ligne doctrinale ni n’adoptent la même stratégie à l’égard de leurs adversaires. Cette diversité même interroge la fragile frontière entre « Lumières » et « anti-Lumières ». Avec beaucoup de méticulosité, Jochen Krenz inventorie et classe cette presse catholique, pour donner à voir un paysage contrasté, organisé autour de pôles favorables aux Lumières (Salzbourg, Wurtzbourg, Vienne et Fribourg), d’un grand pôle conservateur (Augsbourg) et d’un pôle « partagé » (Mayence). Ces journaux sont de tous formats et possèdent des coûts d’abonnements variés, pour des lectorats très différents. Certains sont par exemple spécifiquement destinés au clergé paroissial rural, avec des éléments très concrets sur la direction quotidienne des âmes, tandis que d’autres s’adressent à un public cultivé qui n’est pas forcément ecclésiastique.
3La réception des affaires de l’Église de France est étudiée en détail à travers quelques journaux tests, pour identifier les grandes caractéristiques de la fabrique de l’information religieuse dans les années 1790. La très conservatrice Augsburger Ordinari Postzeitung soutient sans surprise le clergé réfractaire et diffuse ses textes, comme l’Exposition des principes, auprès de ses lecteurs, tandis que la Oberdeutsche Staatszeitung de Salzbourg défend la Constitution civile du clergé et met en valeur des figures de prêtres patriotes comme Henri Grégoire. À Strasbourg, Johann Jakob Kämmerer (1754-1798) publie Die Neuesten Religionsbegebenheiten in Frankreich, journal spécifiquement destiné à promouvoir les réformes religieuses entreprises en France auprès du public germanophone, en Alsace mais aussi dans l’Empire.
4Jochen Krenz procède ensuite à une lecture transversale de chaque événement religieux marquant en France, pour étudier comme chaque journal catholique se positionne à son égard. Cette approche est très stimulante, car elle permet de voir de vraies inflexions, mais aussi de déceler les jeux d’instrumentalisation. Beaucoup de rédacteurs effectuent des transpositions polémiques, pour associer tel ou tel acteurs français à son équivalent allemand pour mieux le dévaloriser. Les débats français passent par le filtre des débats allemands : les partisans de la Constitution civile du clergé sont systématiquement assimilés aux joséphistes, tandis que le clergé réfractaire est assimilé aux détracteurs allemands de l’esprit de tolérance. Jochen Krenz ne néglige pas de consacrer un chapitre à la presse protestante, pour établir points communs et différences avec la presse catholique dans le traitement des affaires françaises. Les journalistes protestants mettent surtout l’accent sur la liberté religieuse obtenue par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. S’ils se félicitent de l’orientation initiale des réformes entreprises en France, ils affichent hautement leur hostilité à la Révolution française à partir de 1792. Les massacres de septembre et la violente campagne anticléricale de 1793 suscitent la réprobation unanime de la presse confessionnelle allemande, tant catholique que protestante. Ces événements sont instrumentalisés pour discréditer les partisans des Lumières, accusés de faire le lit de la « barbarie jacobine ». Après 1793, les journaux intransigeants profitent de cette consternation générale pour peu à peu dominer le débat et imposer leur point de vue. Les journaux éclairés doivent changer leur ligne éditoriale, quand ils ne sont pas purement et simplement interdits. Un ultime chapitre revient justement sur la fortune historiographique, au xixe siècle, de cette réception allemande de la Révolution française. Les intransigeants imposent leur point de vue dans le champ de l’histoire ecclésiastique, tandis que l’histoire libérale assimile de façon unilatérale le catholicisme au refus des Lumières et à la Contre-Révolution. Considérés comme des vaincus de l’histoire, le point de vue des catholiques éclairés a été délibérément occulté par les deux camps. Il faudra un siècle et demi pour qu’ils sortent de ce purgatoire mémoriel et que l’historiographie admette que la théologie chrétienne a aussi constitué l’un des grands rouages intellectuels des Lumières.
5L’ouvrage de Jochen Krenz représente une véritable mine d’informations, auquel tout chercheur désireux de se renseigner sur la réception des événements français dans le Saint-Empire devra désormais se référer. Fidèle aux principes de l’érudition allemande, il offre un appareil critique très dense – occupant souvent la moitié de la page – avec mention de toutes les occurrences de tel ou tel événement ou débat. Si quelques lacunes sont à relever dans la bibliographie française, ce qui est bien compréhensible, le lecteur français tirera un très grand profit de la bibliographie allemande ici rassemblée. Un index nominal et un précieux index thématique complètent l’ensemble.
Notes
1 Jochen Krenz, Konturen einer oberdeutschen kirchlichen Kommunikationslandschaft des ausgehenden 18. Jahrhunderts, Brème, Éditions Lumière, 2012.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Paul Chopelin, « Jochen Krenz, Druckerschwärze statt Schwarzpulver. Wie die Gegenaufklärung die Katholische Aufklärung nach 1789 mundtot machte », Chrétiens et sociétés, 27 | 2020, 226-228.
Référence électronique
Paul Chopelin, « Jochen Krenz, Druckerschwärze statt Schwarzpulver. Wie die Gegenaufklärung die Katholische Aufklärung nach 1789 mundtot machte », Chrétiens et sociétés [En ligne], 27 | 2020, mis en ligne le 19 mars 2021, consulté le 23 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/7908 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.7908
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