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Les Sœurs Blanches à Vincennes : une congrégation religieuse à l’exposition coloniale internationale de Paris en 1931

Max Girard
p. 163-190

Résumés

Les missionnaires catholiques font partie des acteurs majeurs de l’exposition coloniale internationale et des pays d’outre-mer de Vincennes en 1931. Leur pavillon, idéalement situé le long de la Grande Avenue des Colonies, regroupe les participations de plusieurs congrégations. Les Sœurs Blanches sont particulièrement bien représentées à Vincennes, car elles tiennent un stand, celui de l’Algérie et du Sahara, conjointement avec les Pères Blancs, au pavillon des missions catholiques et font venir une troupe de jeunes Soudanaises au pavillon de l’Afrique Occidentale Française (AOF). Dans cet article, nous nous proposons de décrire les formes de leur participation et d’analyser leurs choix de mise en scène. Le stand des Sœurs Blanches au pavillon des missions catholiques se compose essentiellement de dioramas et de statistiques. Au pavillon de l’AOF, les jeunes Soudanaises font la démonstration d’un savoir-faire particulier acquis grâce à la qualité de la formation dispensée dans les ouvroirs des Sœurs. Ces jeunes filles ne sont pas seulement employées à l’exposition coloniale, les Sœurs leur font faire plusieurs activités dans la capitale. La venue d’« Indigènes » est à la fois un événement pour la congrégation et un véritable atout politique et financier, car, avec l’exhibition de cette troupe, les Sœurs Blanches peuvent nouer des contacts et, avec la vente des tapis confectionnés, faire de leur participation à l’exposition une opération lucrative.

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Texte intégral

1Le diaire des Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique (ou Sœurs Blanches) de Paris raconte ainsi la soirée cinéma du 29 octobre 1931 donnée à l’exposition coloniale internationale de Paris :

  • 1 Archives des Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique (ASMNDA)/ 271.9/ Diaire de 1931/ 29 octob (...)

Joyeuse après-midi pour nos Mossis. Elles ont été invitées à assister à la première représentation du film missionnaire tourné par le Père Denis. On doit aussi donner le film de l’Exposition Coloniale et nos enfants rient de bon cœur en se voyant sur l’écran. À l’entracte, elles accompagnent les Noëlistes pour la quête. Partout, leur modestie et leur simplicité leur attirent la sympathie de tous. Même le Ministre des Colonies disait à Mgr Thévenoud : “Vos enfants ont été admirables de tenue et de dignité. Quelle différence entre vos chrétiennes et les autres indigènes de l’Exposition !” Nous rentrons à la maison juste à l’arrivée de notre Révérende Mère. La joie est grande dans le troupeau blanc et chez les agneaux noirs1.

2Cet extrait présente plusieurs intérêts pour l’étude de la participation des missionnaires à l’exposition coloniale de 1931. Premièrement, il indique qu’il existe plusieurs groupes d’« indigènes » figurant dans les expositions : les « Mossis » des Sœurs Blanches logées à la procure de la congrégation et « les autres ». Deuxièmement, c’est une congrégation religieuse qui organise ce flux ; ce fait est significatif, car l’Église et le monde religieux en général sont, dès le début du xxe siècle, de plus en plus rétifs à l’exhibition de populations colonisées aux expositions coloniales et universelles, notamment pour des raisons humanitaires. De plus, cet extrait montre que les Soudanaises sont employées hors de l’exposition coloniale pour d’autres tâches (quêtes) sur un pied d’égalité avec de jeunes Français catholiques (les Noëlistes). Enfin, les diaires des Sœurs Blanches nous permettent de connaître et d’analyser le regard des Sœurs Blanches sur ces « indigènes », les élites politiques et les foules métropolitaines.

  • 2 Charles-Robert Ageron, « L’Exposition coloniale de 1931. Mythe républicain ou mythe impérial ? », (...)
  • 3 Sylviane Leprun, Le théâtre des colonies : scénographie, acteurs et discours de l’imaginaire dans (...)
  • 4 Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire, Culture coloniale : la France conquise par son Empire, 1871- (...)
  • 5 Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Gilles Boetsch, Zoos humains : au temps des exhibitions humain (...)
  • 6 Aurélie Roger, « Pratiques politiques du mythe : la représentation officielle du fait colonial bel (...)
  • 7 Max Girard, La « Grande Émotion ». La mise en scène des missions chrétiennes dans les expositions (...)

3L’exposition coloniale internationale de Vincennes en 1931 est l’objet d’une bibliographie très étoffée. Charles-Robert Ageron souligne sa particularité dans un article fondateur. Organisée par le maréchal Hubert Lyautey, elle ne glorifie pas la colonisation républicaine universaliste, mais met au contraire en avant les missionnaires, catholiques et protestants, et le respect des cultures étrangères dans la constitution d’une « Plus Grande France »2. Sylviane Leprun, Pascal Ory et Benoît de l’Estoile abordent les expositions coloniales et universelles dans une optique d’histoire culturelle et mettent en évidence la construction d’une propagande à travers différents vecteurs (pavillons, publicités) et les représentations du monde qui en découlent3. L’exposition coloniale de 1931 est conçue comme un moment pivot qui manifeste le passage d’une « culture coloniale » à une « culture impériale » par un groupe de chercheurs réunis autour de Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire4. Dans les années 1930, la propagande coloniale cesse d’utiliser les thèmes de la conquête militaire glorieuse ou de la mise en valeur au bénéfice exclusif de la métropole afin de promouvoir une « mission civilisatrice » plus humaine, davantage axée sur la compréhension de l’« autre », de ses différences et de ses particularités, dans une sorte de paternalisme colonial. Ce groupe de chercheurs met ainsi en évidence le fait que ces grandes manifestations comportent souvent des « zoos humains » : des « indigènes » enfermés, séparés physiquement des visiteurs, font office de figurants dans des spectacles racistes et effectuent des travaux variés pour donner une épaisseur, une vérité, au décorum exotique5. La recherche historique aborde ainsi souvent les expositions coloniales « par le haut » c’est-à-dire du point de vue de l’État colonial et, si Nadia Vargaftig étudie les participations du Portugal et de l’Italie et Aurélie Roger celle du Congo Belge à l’exposition coloniale de 1931, les études « par le bas », en adoptant le point de vue d’un exposant particulier, restent rares6. Dans ma thèse, j’étudie la préparation des milieux missionnaires catholiques et protestants français et leur participation à l’exposition de Vincennes, ainsi que la manière dont ils se mettent en scène dans leurs pavillons et leurs visions du monde7.

4Cet article a pour objectif de mettre en évidence l’originalité des représentations du monde des Sœurs Blanches à travers leurs choix de mise en scène pour l’exposition coloniale internationale de 1931. Les Sœurs Blanches sont présentes dans deux pavillons distincts : celui des missions catholiques, à travers des stands composés de dioramas et d’objets, et celui de l’AOF, avec l’exhibition d’une troupe de jeunes Soudanaises. C’est la seule congrégation à organiser une telle venue. Les diaires de la congrégation racontent par le menu l’arrivée à Paris et l’hébergement de ces dernières qui constituent pour elles un motif de fierté. Les archives du comité des missions catholiques à l’exposition coloniale de 1931 (dont le fonds est conservé aux Œuvres Pontificales Missionnaires, rue Sala, à Lyon) et le rapport général de l’exposition permettent d’étudier la constitution des stands des Sœurs Blanches dans le pavillon des missions catholiques.

5Nous étudierons dans un premier temps le stand des Sœurs Blanches au pavillon des missions catholiques, puis les modalités de l’exhibition des jeunes Soudanaises au pavillon de l’AOF.

Les Sœurs Blanches au pavillon des missions catholiques

Les missions catholiques, actrices centrales de l’exposition coloniale internationale

  • 8 Archives de l’œuvre de la Propagation de la Foi (AOPF)/ Exposition coloniale/ 5 85 Q/ Réunions du (...)
  • 9 C.-R. Ageron, op. cit., p. 566.
  • 10 La lecture du rapport de Marcel Olivier qui décrit les différents pavillons a permis de repérer ce (...)

6La participation des missions catholiques à l’exposition coloniale et internationale de 1931 est l’aboutissement d’une longue phase de prises de contact entre les milieux missionnaires et les organisateurs de l’exposition. Les archives du comité des missions à l’exposition coloniale contiennent ainsi le compte-rendu de la première réunion, le 16 janvier 1929, au siège de l’association Les Amis des Missions8. La présence des missions à cette exposition est également le fruit de la volonté de Lyautey, qui en devient le commissaire général le 27 juillet 1927. Comme le rappelle Charles-Robert Ageron, Lyautey affirme que l’exposition « doit nécessairement comporter la présence et le rappel de l’œuvre des missions jusque-là oubliées9 ». Situé à proximité de l’entrée de l’exposition, au début de la visite, le long de la grande Avenue des Colonies, au cœur de l’exposition des colonies françaises, le pavillon des missions catholiques jouxte celui des missions protestantes et les grands pavillons d’Angkor et de l’Afrique Équatoriale Française (AEF). Cette situation idéale promet une fréquentation importante. Les missionnaires catholiques ne sont pas exclusivement présents dans leur pavillon, puisque leurs œuvres sont mises en valeur dans les pavillons régionaux, tels que ceux de l’AEF, de l’AOF, du Congo belge, du Togo, du Cameroun ou de l’armée10. Si c’est un comité composé de personnalités religieuses et laïques proches du monde missionnaire qui dirige le pavillon des missions catholiques, ce sont les autorités coloniales qui s’adressent directement à certaines congrégations de leurs aires géographiques pour leur demander de participer à leur pavillon. Ainsi, la participation des Sœurs Blanches au pavillon des missions catholiques est organisée par le comité des missions et leur participation au pavillon de l’AOF est gérée par les représentants de la colonie.

Ill. 1. Une présence des missions centrale à l’exposition de Vincennes en 1931

Ill. 1. Une présence des missions centrale à l’exposition de Vincennes en 1931

Plan officiel de l’Exposition coloniale internationale de Paris 1931, Paris, L. Mangematin éd., 1931, © Max Girard.

7Le pavillon des missions catholiques est une structure complexe avec un sens de circulation unique. La salle principale, appelée « salle de l’épopée missionnaire », est également le lieu de culte de l’exposition. C’est une église où l’on célèbre plusieurs messes les dimanches et jours de fêtes. Les salles d’exposition (Ill. 2), qui accueillent les stands des congrégations, sont disposées autour de l’église.

Ill. 2 : Le pavillon des missions catholiques, lieu de culte et espace d’exposition

Ill. 2 : Le pavillon des missions catholiques, lieu de culte et espace d’exposition

Plan réalisé à partir de Joseph Reviers de Mauny, Les heures glorieuses du pavillon des missions catholiques à l’exposition coloniale de Paris en 1931, Paris, Paul-Martial, 1932, p. 8. © Max Girard

8Le pavillon se visite selon un sens unique qui donne une dynamique au récit qu’est l’exposition missionnaire. Le public commence par visiter les terres anciennement christianisées de la salle d’Amérique, c’est-à-dire les possessions françaises (Guadeloupe, Martinique…) et le Canada. Ensuite, la salle de Syrie et du Proche-Orient montrent des régions où les chrétiens sont minoritaires. La reconstitution d’intérieurs de couvents et d’ouvroirs est alors privilégiée, ainsi que le rappel des croisades. La visite de la crypte et des reliques sanglantes des missionnaires assassinés essentiellement en Chine les prépare à la visite de la salle de l’Asie où sont rappelées les œuvres des missionnaires français, notamment en Indochine.

  • 11 Pour la description des salles d’exposition du pavillon des missions catholiques, voir Marcel Oliv (...)

9Mais le cœur du récit missionnaire se situe en Afrique, continent auquel quatre salles sont consacrées. C’est ici qu’est représentée avec le plus d’éclat la mission civilisatrice des différentes congrégations autour du triptyque éducation – évangélisation – œuvre sanitaire. La visite se termine par la salle d’Océanie, nouvelle frontière de l’évangélisation11. Le stand des Sœurs Blanches, situé dans la salle du Maroc, de la Tunisie et du Sahara, se situe au cœur du récit de l’évangélisation catholique et leur offre par conséquent une visibilité particulièrement forte.

  • 12 AOPF/ Exp. Col./ 5 85 Q/ dossier Réunions du comité/ 16/01/1929/ PV de la réunion du comité du 16 (...)
  • 13 J. Reviers de Mauny, op. cit., p. 32-33.
  • 14 Le nombre d’exposants varie dans les autres salles : 7 en Amérique, 17 en Syrie-Proche Orient, 5 e (...)
  • 15 AOPF/ 2 82 Q/ dossier ND d’Afrique (Sœurs Blanches) / réponse des Sœurs Missionnaires de ND d’Afri (...)

10Les archives du comité des missions montrent que le financement du pavillon des missions catholiques est clairement réparti entre les congrégations et les Œuvres pontificales missionnaires. Ces dernières (Œuvre de la Propagation de la foi, Sainte-Enfance, Œuvre d’Orient) paient le coût de fabrication et de décoration des parties communes, c’est-à-dire essentiellement de l’église ; les congrégations financent les salles d’exposition12. Le secrétariat du comité des missions nomme dans chaque salle une congrégation (généralement celle qui est numériquement la plus importante sur le terrain de mission) qui doit coordonner le travail de la salle d’exposition et nommer un délégué représentant le stand auprès du comité. Par exemple, dans la salle de l’Indochine qui compte cinq congrégations exposantes, c’est le Père Gros des Missions Étrangères de Paris (MEP) qui est délégué13. Là aussi, la participation des Sœurs Blanches se singularise, car seuls les Pères Blancs exposent également dans leur salle. D’autres salles comptent beaucoup plus de congrégations, comme par exemple celle de Madagascar qui en a vingt14 ! L’une des premières demandes des Sœurs Blanches au comité des missions catholiques est d’ailleurs d’exposer avec les Pères Blancs15. Le Père Philippe voit dans le faible nombre de congrégations à coordonner dans la salle de l’Algérie et du Sahara l’une des raisons du succès de l’exposition :

  • 16 Archives générales des Missionnaires d’Afrique/ Exposition Coloniale de 1931/ doc. n° 224062, p. 3 (...)

Nous avons eu la chance de nous trouver près de la porte de sortie. La dernière vision que les visiteurs emportèrent du pavillon des missions était celle de notre stand. Et comme on s’était appliqué à le faire simple et suggestif, pas encombré de détails, l’effet produit a été excellent. On s’accordait généralement à reconnaître que notre stand était un des plus suggestifs et certainement celui qui était le plus sobrement garni. […] Le service du stand fut assuré alternativement par les Sœurs et par nous ; une semaine chacun. Ce fut, là encore, une caractéristique de notre stand. Cette bonne entente entre les Sœurs Blanches et nous fut remarquée et même enviée par d’autres organisateurs de stands qui me dirent que j’avais bien de la chance d’avoir pu arranger ainsi les choses. Il est évident que, dans les autres stands, la présence simultanée de missionnaires et de sœurs, souvent même, pour les uns et les autres, de congrégations différentes, nuisait plus qu’elle ne servait à fixer l’attention des visiteurs sur les choses à voir16.

11Les archives des congrégations ou même du comité des missions ne contiennent pas de traces de concurrences entre les congrégations exposantes et les publications officielles, comme le Rapport du gouverneur Olivier ou Les heures glorieuses du pavillon des missions catholiques du Père de Reviers de Mauny, secrétaire-adjoint du comité des missions, qui s’emploient au contraire à insister sur la bonne entente générale. Des tensions apparaissent néanmoins en filigrane dans la partie du rapport du Père Philippe concernant les résultats financiers de l’exposition. Après avoir listé les recettes de la vente de cartes postales et de fascicules, il déplore que la procure oblige les Pères Blancs à rentrer le midi :

  • 17 Archives générales des Missionnaires d’Afrique/ Exposition Coloniale de 1931/ doc. n° 224049, p. 3 (...)

Les résultats financiers auraient été meilleurs si le service du stand n’avait pas été considérablement entravé par une mesure que tous les confrères appelés à prendre le service ont regrettée et dont tous se sont plaints. Ordre formel avait été donné de rentrer à la procure chaque jour pour midi. […] Nous avons été les seuls à procéder de cette façon. Et cela nous a nui, car il fallait quitter le stand à 11 heures et on ne pouvait retourner, au plus tôt, qu’à 14 heures. Donc 3 heures d’interruption de service, alors que c’était précisément à ces heures-là, où la foule n’était pas encore arrivée, que les gens s’intéressant aux missions venaient visiter le pavillon. […] Durant leurs semaines de service, les Sœurs, ainsi que tous les autres, assuraient la permanence depuis 10 h. (ouverture) jusqu’à 7 h. (clôture)17.

12Le succès de l’exposition des Sœurs Blanches s’explique ainsi par des conditions particulièrement favorables : un emplacement privilégié au cœur de l’exposition coloniale et du pavillon des missions catholiques, des conditions matérielles optimales et une bonne coopération avec les Pères Blancs. Entrons à présent dans le stand des Sœurs Blanches, tenu conjointement avec les Pères Blancs, pour en étudier les choix de mises en scène.

L’exposition des Sœurs Blanches dans la salle de l’Algérie et du Sahara

  • 18 AOPF/ Exp. Col./ 10 90 Q/ Circulaires envoyées aux congrégations/ dossier 16 novembre 1930/ Circul (...)
  • 19 Ibid., p. 3.

13Les stands des congrégations missionnaires dans les salles d’exposition du pavillon des missions catholiques sont pensés comme des éléments constitutifs d’une démonstration générale, élaborée par le comité des missions catholiques. Ce dernier, dans plusieurs circulaires, explique ce qu’il faut exposer et comment le faire. La circulaire du 16 novembre 1930 indique que le pavillon doit « expliciter la marche bienfaisante de l’Église catholique dans nos Missions, par les diverses Œuvres et Congrégations ; autrement dit : l’effort collectif que fait l’Église par vous, les Missionnaires18 ». Dans cette démonstration, tous les objets acquièrent un sens, une portée : « Cette histoire doit être parlée par le moindre des objets exposés, comme par le Pavillon tout entier, où rien ne doit être neutre ou inutile19 ». Une distinction est immédiatement faite entre les types d’objets :

  • 20 Ibid., p. 3-4.

Dans nos Expositions courantes, en effet, les produits exotiques ou les industries indigènes avaient leur importance, ici, dans un milieu où tant de Pavillons auront tout cela, et bien mieux que nous, il importe de ne pas nous prêter à une concurrence. Restons à notre palier d’Œuvre Apologétique. Tout objet, costume ou représentation qui sert cette cause est utile, tout ce qui lui est neutre est à bannir. S’il fallait prendre une comparaison, nous dirions que le Pavillon, dans son ensemble, devrait être comme un hymne d’appel et de louange en faveur des Missions, hymne où chaque salle serait une strophe, tout scène une harmonieuse phrase et le moindre détail (carte, photographie, broderie…) les mots qui la composent20.

  • 21 Extrait d’un feuillet produit à l’occasion de l’exposition par les membres du commissariat de la s (...)

14Le discours de l’exaltation des missions catholiques et de leurs œuvres, construit à plusieurs échelles (bâtiment du pavillon, salle, objets), ainsi que la volonté de rendre chaque élément de l’ensemble signifiant excluent a priori les « produits exotiques ou les industries indigènes » afin d’éviter la concurrence avec d’autres pavillons. D’autre part, les objets exotiques en eux-mêmes ne sont pas les vecteurs les plus efficaces pour montrer l’efficacité du message missionnaire, car ils nécessitent une médiation comme les explications d’un guide ou des cartels de présentation, ce qui est problématique dans un espace étroit fréquenté par une foule dense. Pour être saisi par des visiteurs restant peu de temps dans chaque salle, certainement pressés de voir les autres pavillons de l’exposition, le message missionnaire des salles du pavillon nécessite des vecteurs adaptés, comme les dioramas ou les statistiques stylisées qui sont utilisées de manière préférentielle dans les salles de l’exposition comme le montre le plan ci-dessous (Ill. 3). Les missions catholiques suivent ainsi les choix scénographiques de l’exposition coloniale tout entière : les organisateurs privilégient les dioramas qui doivent « ressusciter autrement que dans les épaves illustres, dans des documents ou des tableaux respectables mais vétustes » le passé colonial de la France et le faire « revivre sous une forme saisissante et avec tout l’attrait d’un spectacle21 ». Le dispositif complexe du diorama, qui comporte des personnages en taille réelle ou miniatures, dotés d’accessoires (vêtements, outils, objets) et reproduisant une scène particulière sur un fond peint ou non, est conçu comme le moyen le plus efficace pour convaincre les foules des bienfaits de la « mission civilisatrice » française de manière ludique. Le plan page précédente (Ill. 3) montre que les missions catholiques ont disposé de nombreux dioramas, mannequins et maquettes dans leurs salles d’exposition.

Ill. 3 : Principaux vecteurs de la mise en scène des salles du pavillon des missions catholiques de l’exposition coloniale de Vincennes en 1931

Ill. 3 : Principaux vecteurs de la mise en scène des salles du pavillon des missions catholiques de l’exposition coloniale de Vincennes en 1931

Plan réalisé à partir de la description des salles du pavillon du rapport Olivier (op. cit.) et de l’observation des photographies du pavillon du fonds de l’œuvre de la Propagation de la foi (AOPF/ Exp. Col./ fonds photographique). Les vecteurs sont si multiples et densément répartis dans les stands que cette carte peut être considérée seulement comme une simplification. © Max Girard.

Ill. 4 : Le stand des Sœurs Blanches et des Pères Blancs dans la salle de l’Algérie et du Sahara

Ill. 4 : Le stand des Sœurs Blanches et des Pères Blancs dans la salle de l’Algérie et du Sahara

AOPF/ Exp. Col./ Fonds photographique/ Photographie non numérotée.

15Le stand des Sœurs Blanches suit ce choix de mise en scène comme le montre la photographie ci-dessus (Ill. 4).

  • 22 AOPF/ Exp. Col./ 19 99Q/ Article provenant de la revue des Sœurs missionnaires de Notre-Dame d’Afr (...)

16Il faut ajouter un diorama d’un Père Blanc soignant pansant un enfant devant une tente de Ouargla et la statue du Père de Foucauld, non visibles sur cette photographie. Celle-ci montre premièrement que les Sœurs et les Pères Blancs n’ont pas suivi les indications générales, puisqu’ils exposent des objets d’AOF et d’AEF, alors que ce n’est pas la salle dédiée. Deuxièmement, l’espace est essentiellement occupé par des dioramas et des mannequins, conformément aux choix scénographiques effectués dans les autres salles du pavillon. Au mur, des statistiques donnent des informations chiffrées, mais les Sœurs Blanches elles-mêmes constatent qu’elles ne « retiennent pas l’attention de tout le monde, [car elles] ne peuvent être examinées de loin par la foule dense22 ». Il faut imaginer cet espace fréquenté par une foule dense en cul-de-sac : les visiteurs longent les murs pour regarder la succession de présentations, mais il est légitime de se demander combien sont réellement allés au fond du stand, vers les objets africains.

  • 23 Alain Ruscio, Le credo de l’homme blanc : regards coloniaux français, xixe-xxe siècles, Paris, Com (...)

17Les choix scénographiques mettent en valeur l’utilité de la congrégation dans la « mission civilisatrice » française par la mise en exergue de leur rôle dans l’enseignement professionnel, notamment féminin, et de la proximité entre les missionnaires et les « indigènes ». Le missionnaire ne combat plus l’Islam, le cardinal Lavigerie ne brandit plus une croix face à la ville musulmane, comme le remarque Alain Ruscio dans Le credo de l’homme blanc23. C’est au contraire la méthode du Père de Foucauld, dont la figure est rappelée à l’entrée du stand : l’humilité, la simplicité, la proximité sont vues comme autant de moyens d’approcher et, in fine, de convertir « par le cœur » les musulmans. Les missionnaires représentés dans le stand sont donc enseignants, médecins, infirmières et les dioramas figent la douceur des scènes à travers les sourires des uns et des autres. Le diorama mettant en scène l’enseignement de la vannerie par les Sœurs Blanches (Ill. 5) en est un bon exemple : en taille réelle, il présente un groupe de trois personnages liés les uns aux autres : une Sœur se penche sur deux « indigènes », dont l’une lui adresse un sourire reconnaissant.

Ill. 5 : Diorama des Sœurs Blanches représentant l’apprentissage de la vannerie

Ill. 5 : Diorama des Sœurs Blanches représentant l’apprentissage de la vannerie

AOPF/ Exp. Col./ Fonds photographique/ photographie n° 278.

  • 24 Le livre de l’exposition Dioramas, tenue au Palais de Tokyo du 14 juin au 10 septembre 2017, offre (...)

18Avec un visage éclairé par un sourire, un regard reconnaissant ou au contraire des faciès brutaux, les dioramas permettent de rendre sensible au public le spirituel, l’immatériel. Le public observe la transmission de valeurs, de comportements chez les populations colonisées24.

19La libération des femmes par le travail constitue le thème principal de la participation des Sœurs à l’exposition coloniale. Sœur Marie-Guénolé, qui écrit le commentaire du stand, explicite la stratégie à l’œuvre :

  • 25 AOPF/ Exp. Col./ 19 99Q/ Article provenant de la revue des Sœurs missionnaires de Notre-Dame d’Afr (...)

Avant [les femmes « indigènes »] n’étaient initiées qu’aux travaux des champs et aux besognes ménagères ; […] c’étaient autour du foyer d’interminables causeries avec voisines ou amies au grand détriment de tout et de tous. Précision : l’œuvre de formation professionnelle est-elle le travail d’un missionnaire ? Non, si l’on considère uniquement l’amélioration de la situation précaire des indigènes. Oui, si l’on considère tout le côté spirituel de cette formation féminine […]. Les habitudes de travail remplacent l’indolence d’autrefois, la transformation d’une mentalité qui évolue au contact journalier des sœurs. […] Un enfant entre à l’ouvroir, elle a six ans et pendant sept années lui seront infusés, soit directement par des leçons spéciales soit indirectement par l’ambiance, les principes de la loi naturelle qui doivent réveiller son sens moral et la guider vers la Vérité25.

20En ce sens, la Sœur garde un rôle prépondérant de guide moral. Le diorama ci-dessus représente cette relation avec l’utilisation de la verticalité : les « indigènes » lèvent les yeux vers la Sœur qui les instruit. Néanmoins, cette inégalité est très adoucie par la proximité entre les deux groupes et la douceur qui se dégage des traits des trois personnages. La simplicité de la Sœur contraste également avec les vêtements colorés et la parure des deux femmes. Les vertus du travail manuel qui permettent l’émancipation des femmes « indigènes » et le dialogue sont ici valorisées.

  • 26 Ibid., p. 232.

21La différence de mise en scène avec la partie du stand consacré à l’AOF et à l’AEF est frappante. Il n’y a pas de mannequins, pas de mise en exergue aussi claire de la fonction enseignante des missionnaires. Au contraire, le passé africain est rappelé par la présence de plusieurs fétiches. Ces régions sont « loin d’être gagnées au Christ ; des foules de païens restent attachés à leurs fétiches, à leurs gris-gris et le sorcier exerce encore sur eux sa détestable influence » précise Sœur Marie-Guénolé, avant de rappeler néanmoins que, dans plusieurs points du Soudan « des chrétientés robustes s’épanouissent » et que « les âmes s’ouvrent à la grâce26 ». Dans ce stand, le Maghreb est représenté d’une façon plus amène que l’Afrique noire, ramenée aux thèmes traditionnels de la propagande missionnaire des luttes contre le fétichisme et les « sorciers ». Les artefacts « indigènes » visibles sur la photographie du stand ne sont ni expliqués, ni mis en valeur. Posés les uns à côté des autres dans un coin de la pièce peu accessible, leur valeur démonstrative vient du fait qu’ils sont des objets sombres et barbares issus de temps anciens. L’Afrique noire apparaît dans ce stand comme une nouvelle frontière de l’évangélisation. La transition avec le pavillon de l’AOF est habile : les visiteurs y verront « en chair et en os » des manifestations glorieuses de la christianisation.

22Dans le stand du pavillon des missions catholiques, les Sœurs Blanches exposent avec les Pères Blancs et insistent sur leur rôle d’éducatrices de femmes. À travers les représentations figées du stand, qui sont autant de démonstrations chiffrées (les statistiques aux murs) et exemplifiées (les dioramas), les Sœurs apparaissent comme les vecteurs du progrès par la diffusion de l’effort et du travail. Néanmoins, cette démonstration est incomplète, car elle évacue l’évangélisation, ce que Sœur Marie-Guénolé, dans l’extrait cité ci-dessus, remarque bien, puisqu’elle est obligée d’expliquer en quoi la formation professionnelle fait partie du travail missionnaire. L’exhibition d’une troupe de jeunes Soudanaises au pavillon de l’AOF en constitue la démonstration éclatante.

Une troupe d’« indigènes » des Sœurs Blanches au pavillon de l’AOF

Missionnaires et présence « indigène » aux expositions

  • 27 Archives des Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique (ASMNDA)/ 271.9/ diaires de 1931.
  • 28 B. de L’Estoile, op. cit., p. 37. Citant l’anthropologue Henri Vallois, il dénombre « un nombre ja (...)

23Les diaires des Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique (de Notre-Dame de la Merci à Ségou, de Notre-Dame d’Afrique à Paris, de Notre-Dame de la Garde à Marseille) de 1931 permettent de suivre l’organisation de la venue d’un groupe d’une quinzaine d’élèves des Sœurs Blanches de Ségou pour l’exposition coloniale27. La venue des « indigènes » à Vincennes est par ailleurs massive : Benoît de l’Estoile estime « qu’entre un et deux milliers d’indigènes ont participé à divers titres à l’Exposition coloniale »28.

  • 29 Olivier Razac, L’écran et le zoo : spectacle et domestication, des expositions coloniales à Loft S (...)
  • 30 Ibid., p. 42.

24Les missionnaires chrétiens entretiennent des rapports ambigus avec les exhibitions humaines. L’Église est critique envers ce phénomène pour des raisons humanitaires (conditions de vie dans les enclos, maladies, décès), et religieuses (non-accès à la messe, à la confession, proximité des corps de femmes dévêtues et des foules), notamment lorsqu’il est organisé par des troupes privées à des fins déclarées de spectacles exotiques. Olivier Razac, qui constate que ces spectacles peuvent provoquer de la gêne chez certains visiteurs dès la fin du xixe siècle, explique qu’il y aurait également des « bonnes exhibitions » qui sont celles où « chacun reste à sa place » : les « indigènes » ne sont pas rabaissés au rang de bêtes de foire, ils sont exhibés, « mais à la hauteur de leur progrès vers la civilisation, comme d’anciens sauvages maintenant domestiqués29 ». Les missionnaires font venir des « indigènes » dès la fin du xixe siècle dans le cadre de ces « bonnes expositions » pour prouver l’utilité de leur action civilisatrice. Par exemple, à l’exposition de Tervueren de 1897, trente jeunes Congolais « déjà civilisés », « éduqués à l’européenne par l’abbé Kimpe dans l’institut qu’il dirige à Gijzeghem en Flandre orientale » sont exhibés30. Le pasteur Anet, dans un ouvrage destiné à promouvoir les missionnaires protestants auprès du public belge, mentionne :

  • 31 H. Anet, À propos du Congo. Que faut-il penser des missionnaires protestants ?, Bruxelles, F. Bout (...)

À l’occasion de l’Exposition internationale de Bruxelles en 1897, Son Excellence le Gouverneur de l’État Indépendant, très frappé de l’habileté des imprimeurs congolais, demanda que deux jeunes gens de la Mission baptiste fussent envoyés en Belgique pour y faire fonctionner une presse à l’Exposition de Tervueren. Les missionnaires acceptèrent avec joie l’invitation du gouverneur, et la démonstration donnée par les jeunes Congolais fut des plus concluantes. Les visiteurs de l’Exposition furent surpris non seulement de leur habileté et de leur intelligence, mais encore de leur tenue correcte et polie31.

25C’est ici un exemple de « bonne exposition » : les « indigènes » viennent afin de montrer leur habileté, leur comportement décent. Ils démontrent l’acquisition d’un savoir-faire transmis par les missionnaires. Le sauvage plus ou moins dénudé est loin : ce sont les progrès qui sont valorisés. Ces pratiques donnent parfois lieu à des prises de position qui peuvent sembler aujourd’hui contradictoires, mais qui sont en fait compréhensibles. Par exemple, l’exhibition des Canaques au Jardin d’acclimatation organisée par la Fédération des Anciens Coloniaux suscite des critiques de plusieurs personnalités, notamment d’hommes d’Église, car elle est dégradante pour les Calédoniens. Les archives du comité des missions catholiques à l’exposition contiennent la lettre de Mgr Chaptal contestant cette exhibition :

  • 32 AOPF/ Exp. Col./ 4 84 Q/ Lettre de Mgr Chaptal à Paul Reynaud du 22 juillet 1931.

Un certain nombre d’indigènes de la Nouvelle-Calédonie ont été amenés à quitter leur pays par le prestige de l’exposition coloniale qu’on a fait miroiter à leurs yeux. On leur a promis de leur faire visiter la France et de ne les garder que 7 ou 8 mois, y compris les 4 mois de voyages en mer aller et retour. En réalité, ils ont été exhibés comme objets de curiosité au jardin d’acclimatation. Un certain nombre d’entre eux se sont promenés à travers l’Europe et se trouvent actuellement en Autriche. Les missionnaires français en Nouvelle-Calédonie ont signalé la présence parmi ces indigènes d’une cinquantaine de catholiques. Nous avons été amenés à leur envoyer un missionnaire mariste qui leur dit la messe chaque dimanche […]. Nous avons pu constater que ces pauvres gens sont forts mécontents d’être traités comme des prisonniers à qui on ne permet aucune sortie, sauf la nuit. Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de faire faire une enquête sur les conditions dans lesquelles ces indigènes ont été attirés en France et sur la liberté qui leur est octroyée32.

  • 33 Archives générales des Missionnaires d’Afrique/ Exposition Coloniale de 1931/ doc. n° 224061
  • 34 Ibid.

26Tromperie, mensonge et enfermement suscitent des protestations humanitaires de la part des Églises et de missionnaires. Au même moment, la venue de jeunes Soudanaises organisée par les Sœurs Blanches entraîne de nombreux compliments car, au contraire, elle sert à mettre en valeur leurs compétences manuelles et leur bonne tenue générale. Dans son rapport, le Père Philippe explique que l’intérêt principal d’installer un atelier de confection de tapis au pavillon de l’AOF est de « montrer un aspect nouveau de l’artisanat indigène, une industrie qui n’existait pas dans le pays, importée par nous de toutes pièces, et qui […] permet à de nombreuses ouvrières de gagner largement leur vie33 ». Il poursuit : « C’est le seul atelier de l’AOF où l’on puisse voir travailler des femmes. Dans tous les autres, et il y en avait une quinzaine, il n’y avait que des ouvriers, même pour les métiers qui dans nos régions sont l’apanage des femmes, tissage, confection, broderie34 ». C’est donc ici l’exemple d’une attraction réussie, car manifestement unique dans l’ensemble de l’exposition.

27Afin de présenter le séjour des Soudanaises à l’exposition, nous choisissons de reproduire l’essentiel du programme de leur séjour dans le tableau ci-dessous (Ill. 6), en distinguant les activités réalisées par les enfants et les commentaires des rédactrices du diaire, car il s’agit d’une des rares sources sur la vie d’« indigènes » et d’une congrégation religieuse pendant toute la durée de l’exposition coloniale.

Diaire de Notre-Dame de la Merci (Ségou)
Jour Activités Commentaires
10 mars Piqûres préventives contre la peste, le typhus, le choléra et autres maladies contagieuses. « L’un des infirmiers dit qu’avant d’aller à Paris on leur fera prendre un bain qui les rendra toutes blanches »
Diaire de Notre-Dame d’Afrique (Paris)
19 mars « grand déménagement à la procure » pour l’aménagement des sous-sols en vue de l’arrivée des Soudanaises qui prendront part à l’exposition coloniale
Diaire de Notre-Dame de la Garde (Marseille)
22 avril Débarquement à Marseille de deux Sœurs Blanches, 14 « petites noires » et d’« Émile, catéchiste noir » Débarquement « peu banal » : « chaque fillette défile avec sa charge sur la tête […] à la grande joie des curieux »
Diaire de Notre-Dame d’Afrique (Paris)
24 avril Arrivée Gare de Lyon. Il y a 8 enfants de l’ouvroir de Ouagadougou et 6 jeunes filles de Ségou. Émile sera logé chez les Pères Blancs. Arrivée « sensationnelle » « L’heure matinale empêche les curieux d’être trop nombreux »
26 avril Vie à la procure « Nous nous retrouvons un peu en Mission, quoique Paris soit un cadre bien peu couleur locale pour les Soudanaises. » Plusieurs visiteurs amènent « charitablement » des « douceurs » pour elles.
2 mai Quelques filles vont au Bon Marché faire des achats. « Émerveillement » quand elles sont sur « l’escalier roulant »
6 mai Inauguration de l’exposition
10 mai Conférence sur le Soudan le soir à la salle Saint-Honoré d’Eylau avec quelques Soudanaises « La séance est un plein succès »
15 mai Ouverture du pavillon de l’AOF « Nos fillettes sont à leurs métiers dans la petite case indigène transformée en ouvroir. Le ministre des colonies, le gouverneur général et leur suite visitent tout avec intérêt et se montrent très bienveillants pour les Sœurs Blanches et leurs petites élèves »
24 mai Pentecôte « Les enfants partent de bonne heure avec leurs Maîtresses, pour faire acte de présence à leur atelier. » À la messe de 11 h et demie, « les enfants sont priées d’assurer le chant. Les cantiques mossis et bambaras se succèdent donc ; c’est vraiment la fête des langues ».
3 juin Inauguration du pavillon des missions catholiques « À leur passage, toutes les Autorités nous témoignent leur grande sympathie et remarquent avec bienveillance nos fillettes, que nous avons groupées pour la circonstance ». « Nos fillettes […] ont leur atelier de tissage dans la section de l’AOF et n’en sont pas la moindre attraction. Il faut faire circuler les nombreux visiteurs qui suivent avec tant d’intérêt le travail des enfants. On les comble de gâteries de toutes sortes. Deux Sœurs sont constamment avec elles. Au-dessus de l’atelier se trouve le magasin de vente.
4 juin Film sur le Soudan le soir « Les enfants sont ravies de revoir leur pays et de se reconnaître sur l’écran »
16 juin Visite de grands monuments parisiens organisés par le gouvernement, en autocar
28 juin Grand pèlerinage de la procure au Sacré-Cœur de Montmartre « La présence de nos petites Noires nous vaut tous les honneurs. […] Les enfants sont priées de chanter dans leur langue. » Achat de souvenirs, photographies de la basilique. Sur le chemin du retour « les enfants s’émerveillent de voir tant d’églises. » « Au point de vue propagande, nos petites Noires nous valent partout un grand succès. Elles sont invitées le dimanche de tous côtés par les Communautés religieuses et les pensionnats. Pour contenter tout le monde, nous les divisons en plusieurs groupes ».
10 juillet Mgr Lemaître visite l’exposition coloniale « Il se rappelle bien Sophie qu’il a vue à Ouagadougou, et celle-ci est tout heureuse d’être reconnue »
12 juillet Visite à Notre-Dame des Victoires Présence au culte du Vicaire apostolique de Ouagadougou et de plusieurs « chefs nègres » « Nos fillettes […] se lancent à l’assaut de l’autobus […]. Dans la vieille église si chère aux Parisiens, un cantique en langue mossi se fait entendre » Après la messe, un chapelain souhaite la bienvenue aux fillettes : « Il veut qu’ici, elles se sentent chez elles, chez leur Maman du ciel. Il leur montre les innombrables ex-voto. Quand elles retourneront dans leur brousse lointaine, elles pourront dire à leurs compatriotes qu’en France, on est très bon, très pieux, très généreux ».
19 juillet Messe à l’exposition en présence de Lyautey. « Nos fillettes, par leurs cantiques mossis et bambaras, proclament leur joie d’être chrétiennes. Ces cérémonies sont très goûtées, très suivies, et bien des personnes ne nous désignent plus que sous le nom de « Sœurs de l’Exposition »
20-25 juillet Congrès de l’Union Missionnaire du Clergé (UMC) Les Soudanaises et Émile sont impressionnés : « ils n’auraient jamais pensé voir tant de prêtres à la fois. »
22 août Quête à Notre-Dame des Victoires. Les Sœurs sont aidées par les Soudanaises. Les Soudanaises « sont frappées du grand nombre de visiteurs […] qui se pressent aux pieds de la bonne Mère ».
31 août Émile apprend la naissance de sa fille. « Que Dieu est bon ! », ne cesse-t-il de répéter. La simplicité et la politesse de ses manières lui attirent la sympathie des visiteurs et même quelques cadeaux à l’intention de la petite Thérèse.
4 septembre Temps froid et pluvieux. Rhumes parmi les enfants « Le docteur consulté nous conseille fortement de profiter du départ [pour le Soudan d’une Sœur Blanche] pour lui confier Anna, petite Bambara de Ségou, qui a besoin d’être rapatriée. La rude température a, d’ailleurs, nécessité le départ de plusieurs indigènes de l’Exposition. »
6-14
septembre
Anna ne peut pas voyager. Le médecin diagnostique une congestion pulmonaire. Hospitalisée à l’hôpital Pasteur, l’état d’Anna se détériore. Le 10, une « infirmière nous laisse entrevoir que l’enfant est perdue, et qu’un miracle peut seul sauver notre petite Soudanaise ». Anna va finalement mieux.
18
septembre
Visite à la procure du général Archinard qui pacifia Ségou « Une personne bienveillante apporte à nos fillettes noires une magnifique gerbe de fleurs, pour que celles-ci puissent l’offrir au général. Ce dernier, tout ému, s’arrête longuement, et évoque les souvenirs bien lointains de la conquête. »
24
septembre
Mme Archinard envoie « des gâteries pour les enfants, et un mot très aimable pour les Sœurs Blanches »
11 octobre Journées des Bernadettes à l’exposition coloniale « Le Chanoine Flaus remet à chacune de nos petites Noires une image-souvenir qui décorera bien les murs de la case soudanaise. » Le temps étant « très doux », nous en profitons pour faire admirer à nos enfants les féériques illuminations qui ont lieu tous les soirs
15 octobre « On photographie le Cardinal Archevêque de Paris entouré des indigènes catholiques, à l’intention d’envoyer ce souvenir à notre Saint-Père le Pape. Nos fillettes […] sont placées tout près du Cardinal, ce dont elles ne sont pas peu fières »
18 octobre Fête de Notre-Dame des Victoires « Les enfants sont à l’honneur, et aussi au travail, car elles doivent assurer la quête aux portes de l’église. Elles sont tout heureuses de sentir leur escarcelle s’alourdir, et c’est de tout cœur qu’elles répètent la formule : « Pour notre église, s’il vous plaît ».
22 octobre Invitation du groupe à la messe privée du cardinal Verdier. Après la messe, le cardinal « se fait une joie de les faire déjeuner et les comble de friandises ». Le cardinal « nous redit la bonne impression produite par la tenue simple de nos négresses, et la foi avec laquelle elles récitaient leurs prières pendant la messe. »
25 octobre Le soir, consécration de tous les missionnaires au Sacré-Cœur. « Que de touchants souvenirs nos petites auront à raconter dans leur pays. »
29 octobre Séance cinéma à l’exposition coloniale À l’entracte, les fillettes font la quête, « partout, leur modestie et leur simplicité leur attirent la sympathie de tous ». « Même le ministre des Colonies disait à Mgr Thévenoud : “Vos enfants ont été admirables de tenue et de dignité. Quelle différence entre vos chrétiennes et les autres indigènes de l’Exposition !”
2
novembre
Préparation du départ « Une attention qui nous touche profondément est de voir que chaque Mossi s’est constitué un petit trésor de bonbons, se privant sur le goûter afin d’en emporter aux amies restées aux pays ».
3
novembre
Départ à la gare « Très émues, les enfants ne savent comment exprimer leur reconnaissance à notre Mère […]. Le Soudan a quitté la capitale. »
Diaire de Notre-Dame de la Merci (Ségou)
14
novembre
Arrivée à Ségou « Quant à nos petites ouvrières revenant de Paris, elles sont l’objet d’une réception enthousiaste de la part de leurs compagnes, en admiration devant leur mine florissante. Quoique gâtées […], nos petites sont heureuses de se retrouver dans leur milieu, gardant toutefois un souvenir reconnaissant aux personnes qui leur ont témoigné tant d’affectueux intérêt durant leur séjour en France »
  • 35 Les éléments du tableau sont issus du volume consacré à l’année 1931 du diaire des Sœurs de Notre- (...)

Ill. 6. Chronologie des activités des « petites Soudanaises » à l’exposition coloniale de 193135

28Ce récit du séjour à Paris des Soudanaises nous éclaire sur les raisons de la participation indigène à l’exposition coloniale, ainsi que sur les représentations à l’œuvre dans cette congrégation religieuse. Tout d’abord, cette venue est présentée comme motivée par une demande des autorités coloniales (le gouverneur de l’AOF) à laquelle les Sœurs Blanches répondent favorablement, mais la suite du séjour montre que le caractère extérieur de cette demande est annexe. L’empressement des Sœurs à faire participer les Soudanaises à la vie religieuse de la capitale (quêtes, messes) ou aux réceptions de personnalités laisse penser qu’elles ont conscience d’avoir à leur disposition un moyen exceptionnel de se faire connaître. La venue de Soudanaises attire les regards, les sympathies, les dons et, on le devine, permet de nouer des contacts qui peuvent devenir des soutiens. Mentionnons que ces documents ne comportent pas d’informations sur les critères de choix des jeunes Soudanaises, ni leur âge, même si l’on peut imaginer qu’il s’agit de jeunes adolescentes.

29De plus, l’intérêt est de montrer aux foules le résultat effectif du travail missionnaire, exactement comme la venue des imprimeurs congolais à Tervuren en 1897. Les foules, selon le diaire, constatent la transmission des normes sociales européennes (politesse, bonne tenue, « dignité » selon le ministre Reynaud) et des valeurs chrétiennes d’épargne et de partage (les bonbons mis de côté pour les camarades), de reconnaissance (envers la mère supérieure de la congrégation, le cardinal), de travail et d’humilité pendant les quêtes et les messes. L’auteur insiste d’ailleurs sur leur « joie » d’être chrétiennes à travers leurs chants : un lien affectif, personnel, s’est donc tissé entre chaque Soudanaise et la religion chrétienne, l’évangélisation n’est plus seulement une action extérieure du missionnaire, elle est comprise, acceptée.

30Ce récit témoigne d’un regard ambivalent des Sœurs sur les jeunes Soudanaises. On retrouve des aspects du paternalisme colonial à travers l’insistance sur leurs interactions naïves avec des éléments inconnus d’elles comme l’escalier mécanique du grand magasin, l’autobus à bord duquel elles se « lancent à l’assaut » ; le groupe est toujours pris comme une totalité, les Soudanaises ne sont presque jamais nommées et sont toujours désignées par la couleur de leur peau ou par le terme « petite » renvoyant à l’enfance. Néanmoins, il est possible d’émettre l’hypothèse que les réactions des Sœurs Blanches seraient identiques s’il s’était agi de jeunes provinciales découvrant la capitale. Le regard est peut-être ici plus maternel en s’inscrivant davantage dans la relation mère-fille entre les religieuses et les jeunes dont elles ont la charge.

31Toutefois, le lecteur n’apprendra rien des chagrins, d’un possible mal du pays, des disputes et chamailleries éventuelles des Soudanaises, réduites à un groupe transporté pour aller de représentations en représentations, d’églises en basiliques, du pavillon de l’AOF au pavillon des missions catholiques. Il n’apprendra rien non plus sur les rapports qu’ont pu tisser les petites filles ou leur accompagnateur, Émile, avec d’autres « indigènes » ou avec des visiteurs : les Sœurs Blanches sont omniprésentes dans le récit, elles y sont leur unique interlocuteur. La métropole et ses habitants sont idéalisés : aucun n’est grossier, rude, indifférent, comportements pourtant attestés lors des expositions ; tous sont sous le charme, généreux (le cardinal et le chanoine Flaus), émus (le général Archinard). Les Sœurs ont montré aux Soudanaises une France catholique aux prêtres nombreux, aux autorités ecclésiastiques et politiques sympathiques : c’est, en fait, la France rêvée de Lyautey, hospitalière, civilisatrice, fille aînée de l’Église.

32Sur le déroulement des mois passés en France par les Soudanaises, il est impossible d’être plus précis. Nous pouvons tout de même remarquer que les activités des Soudanaises (quêtes, chants, atelier du pavillon de l’AOF) sont variées et certainement plus nombreuses que ce qui est rapporté ici ; le diaire, qui idéalise le séjour, fait beaucoup de place aux événements récréatifs, mais l’on peut imaginer que les activités de tissage de tapis des petites filles occupaient l’essentiel de leur temps. Les conditions sanitaires semblent avoir été très rudes, notamment en raison du contraste de températures à l’automne, comme en témoigne le tragique épisode de la maladie de la petite Anna, manifestement très grave. Il n’en reste pas moins que les Soudanaises ont été l’objet de toutes les attentions des Sœurs, dont l’encadrement est constant, et qui semblent avoir tout mis en œuvre pour que ce voyage soit mémorable, à la fois pour la congrégation et pour les jeunes filles.

Conclusion : Résultats financiers et « moraux » de l’exposition

  • 36 L’ensemble des données chiffrées provient des Archives générales des Missionnaires d’Afrique/ Expo (...)

33Le rapport financier du Père Philippe permet de constater que la participation à l’exposition coloniale est une opération rentable pour les Sœurs Blanches36. Les dépenses pour le stand représentent la somme de 10 618,55 francs, payée à 60% (6371,1 F) par les Pères Blancs et 40 % par les Sœurs Blanches (4247,45 F). C’est le commissariat général de l’AOF qui prend totalement en charge les coûts de la venue des Soudanaises et verse une allocation aux Sœurs pour leur hébergement (coût d’aménagement de la procure, vêtements). Les recettes totales des Sœurs Blanches se répartissent donc de la manière suivante :

Répartition des recettes de la congrégation des Sœurs Blanches
Caisse générale Pensions et allocations versées par le commissariat de l’AOF pour l’entretien des Soudanaises 66 835 F
Dons, ventes des tapis à l’exposition 85 000 F
Ouvroirs Ventes d’objets en provenance des ouvroirs de Kabylie et de la Préfecture de Ghardaïa 71 789,65 F
Total 223 624,65 F
  • 37 AOPF/ Exp. Col./ 10 90 Q/ Circulaires envoyées aux congrégations/ août 1931/ circulaire du 8 août (...)
  • 38 Archives générales des Missionnaires d’Afrique/ Exp. Col. de 1931/ doc. n° 224062, p. 3.

34Participer à l’exposition a donc été une opération lucrative pour les Sœurs Blanches, même s’il faut prendre la somme de 223 624,65 F comme un maximum, puisque nous ne disposons pas des comptes exacts concernant les dépenses faites pour l’hébergement des Soudanaises par exemple. Remarquons que c’est la vente d’objets dans le pavillon de l’AOF qui a surtout généré des recettes. Ce résultat financier positif pour une congrégation est une exception. Les autres congrégations qui exposent seulement dans le pavillon des missions catholiques ne peuvent compter que sur la vente de livres pour rentrer dans leurs frais et équilibrer les dépenses de décoration du stand. Or, le comité des missions catholiques a très rapidement encadré de manière drastique cette pratique pour empêcher que les sollicitations soient permanentes sur le parcours des visiteurs37. Le père Philippe mentionne d’ailleurs que « malgré cette réglementation, il y avait une tendance, en certains stands, à commercer trop de choses », ce qui a nécessité l’organisation d’une réunion spéciale38. Les Sœurs Blanches et les Pères Blancs, grâce à leurs liens avec les commissariats d’exposition de l’AOF, sont, eux, parfaitement adaptés à l’exposition coloniale : présents dans plusieurs pavillons, ils exposent à la fois des « indigènes » et des dioramas.

  • 39 Ibid., p. 2.

35De plus, l’exposition coloniale leur fait profiter d’une vitrine unique. Omniprésents dans les pavillons, les célébrations religieuses grâce à la troupe de Soudanaises qui chante et fait des quêtes, les Sœurs Blanches et les Pères Blancs marquent les esprits. Le Père Philippe témoigne de cet engouement : « Il ressort de ces six mois de travail au milieu de commissions, de comités, d’associations de tout genre que les Pères Blancs sont actuellement très cotés. Quand on veut évoquer le type missionnaire c’est aux Pères Blancs qu’on pense et c’est eux qu’on évoque39 ». S’il s’agit d’un point de vue personnel, il est possible de l’estimer totalement fondé en raison de la présence spatiale de la congrégation.

36La venue des jeunes Soudanaises à l’exposition coloniale internationale permet de nuancer l’approche de ces événements exotiques comme zoos humains : il s’agit ici de la démonstration d’un savoir-faire et d’un voyage dans la capitale. Malgré les zones d’ombre du récit, il est évident que les Soudanaises des Sœurs Blanches ne sont pas « exhibées » comme le sont les Canaques au Jardin d’Acclimatation ou d’autres « indigènes » à des expositions antérieures. Guidées par les Sœurs, elles découvrent une France chrétienne aux élites protectrices qu’elles raconteront à leur retour.

37Au-delà du cas particulier de cette congrégation, c’est le monde missionnaire dans sa globalité qui est mis en valeur par cette exposition coloniale. Les célébrations religieuses montrent côte-à-côte les représentants de l’État et du clergé et, pour la première fois à une exposition coloniale internationale, les missions catholiques et protestantes ont chacune leurs pavillons à des emplacements centraux, témoignant ainsi de la reconnaissance du rôle des missionnaires dans la « mission civilisatrice » française. C’est une France que l’on souhaite réconciliée politiquement et soudée autour de la thématique coloniale qui est célébrée à Vincennes.

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Notes

1 Archives des Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique (ASMNDA)/ 271.9/ Diaire de 1931/ 29 octobre 1931, p. 710.

2 Charles-Robert Ageron, « L’Exposition coloniale de 1931. Mythe républicain ou mythe impérial ? », dans Les lieux de mémoire, La République, t. 1, Paris, Gallimard, 1984, p. 561‑591.

3 Sylviane Leprun, Le théâtre des colonies : scénographie, acteurs et discours de l’imaginaire dans les expositions, 1855-1937, Paris, L’Harmattan, 1986 ; Benoît De L’Estoile, Le goût des Autres. De l’Exposition coloniale aux Arts premiers, Paris, Flammarion, 2010 ; Pascal Ory, Les Expositions universelles de Paris : panorama raisonné, avec des aperçus nouveaux et des illustrations des meilleurs auteurs, Paris, Ramsay, 1982.

4 Pascal Blanchard et Sandrine Lemaire, Culture coloniale : la France conquise par son Empire, 1871-1931, Paris, Autrement, 2011 ; Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire et Didier Daeninckx, Culture impériale : les colonies au cœur de la République, 1931-1961, Paris, Autrement, 2004.

5 Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Gilles Boetsch, Zoos humains : au temps des exhibitions humaines, Paris, La Découverte, 2004.

6 Aurélie Roger, « Pratiques politiques du mythe : la représentation officielle du fait colonial belge aux expositions universelles et internationales en Belgique (1897-1958) », thèse de doctorat, Université Bordeaux-IV, France, 2006 ; Nadia Vargaftig, Des empires en carton : les expositions coloniales au Portugal et en Italie (1918-1940), Madrid, Casa De Velazquez, 2016.

7 Max Girard, La « Grande Émotion ». La mise en scène des missions chrétiennes dans les expositions coloniales et universelles. France-Belgique, 1897-1958, thèse de doctorat, Université Lyon III, 2019. Il faut également mentionner les travaux fondateurs de Laurick Zerbini qui étudie la mise en scène des missionnaires aux expositions de Lyon de 1894 (Laurick Zerbini, Lyon : miroirs de l’Afrique noire ? 1860-1960, expositions, villages, musées, thèse de doctorat, Université Lyon II, 1998) et à l’exposition vaticane du Latran de 1925 (Laurick Zerbini, « De l’Exposition vaticane au musée missionnaire ethnologique du Latran », dans Claude Prudhomme (dir.), Une appropriation du monde. Mission et missions xixe-xxe siècles, Paris, Publisud, 2004, p. 223‑251).

8 Archives de l’œuvre de la Propagation de la Foi (AOPF)/ Exposition coloniale/ 5 85 Q/ Réunions du comité/ 16 janvier 1929

9 C.-R. Ageron, op. cit., p. 566.

10 La lecture du rapport de Marcel Olivier qui décrit les différents pavillons a permis de repérer ces participations missionnaires (Marcel Olivier, Exposition coloniale internationale de Paris 1931 : Rapport général, tome V, 1ère partie, Sections coloniales, Paris, Imprimerie nationale, 1933).

11 Pour la description des salles d’exposition du pavillon des missions catholiques, voir Marcel Olivier, op. cit., p. 326-343.

12 AOPF/ Exp. Col./ 5 85 Q/ dossier Réunions du comité/ 16/01/1929/ PV de la réunion du comité du 16 janvier 1929.

13 J. Reviers de Mauny, op. cit., p. 32-33.

14 Le nombre d’exposants varie dans les autres salles : 7 en Amérique, 17 en Syrie-Proche Orient, 5 en Extrême-Orient, 2 au Maroc, 4 en AOF, 5 en AEF, 3 en Océanie.

15 AOPF/ 2 82 Q/ dossier ND d’Afrique (Sœurs Blanches) / réponse des Sœurs Missionnaires de ND d’Afrique.

16 Archives générales des Missionnaires d’Afrique/ Exposition Coloniale de 1931/ doc. n° 224062, p. 3. Le Père Philippe, qui écrit ce rapport, est délégué de la salle de l’Algérie, prenant la suite du Père Tauzin.

17 Archives générales des Missionnaires d’Afrique/ Exposition Coloniale de 1931/ doc. n° 224049, p. 3-4.

18 AOPF/ Exp. Col./ 10 90 Q/ Circulaires envoyées aux congrégations/ dossier 16 novembre 1930/ Circulaire du 16 novembre 1930, p. 2.

19 Ibid., p. 3.

20 Ibid., p. 3-4.

21 Extrait d’un feuillet produit à l’occasion de l’exposition par les membres du commissariat de la section rétrospective française en 1928, cité dans Laurent Le Bon et Claire Garnier, Dioramas, Paris, Flammarion, 2017, p. 198-199.

22 AOPF/ Exp. Col./ 19 99Q/ Article provenant de la revue des Sœurs missionnaires de Notre-Dame d’Afrique, Sœurs Blanches, n° 185, novembre 1931, p. 226.

23 Alain Ruscio, Le credo de l’homme blanc : regards coloniaux français, xixe-xxe siècles, Paris, Complexe, 1995.

24 Le livre de l’exposition Dioramas, tenue au Palais de Tokyo du 14 juin au 10 septembre 2017, offre une bonne analyse de l’histoire et des procédés des dioramas : L. Le Bon et C. Garnier, op. cit.

25 AOPF/ Exp. Col./ 19 99Q/ Article provenant de la revue des Sœurs missionnaires de Notre-Dame d’Afrique, Sœurs Blanches, n° 185, novembre 1931, p. 230-231

26 Ibid., p. 232.

27 Archives des Sœurs Missionnaires de Notre-Dame d’Afrique (ASMNDA)/ 271.9/ diaires de 1931.

28 B. de L’Estoile, op. cit., p. 37. Citant l’anthropologue Henri Vallois, il dénombre « un nombre jamais atteint ». Par exemple 780 militaires « indigènes » coloniaux venant d’Afrique et d’Asie, 40 « indigènes » au village de l’AEF, 166 dans celui de l’AOF, etc.

29 Olivier Razac, L’écran et le zoo : spectacle et domestication, des expositions coloniales à Loft Story, Paris, Denoël, 2002, p. 44-45.

30 Ibid., p. 42.

31 H. Anet, À propos du Congo. Que faut-il penser des missionnaires protestants ?, Bruxelles, F. Bouton [ca 1897], p. 10.

32 AOPF/ Exp. Col./ 4 84 Q/ Lettre de Mgr Chaptal à Paul Reynaud du 22 juillet 1931.

33 Archives générales des Missionnaires d’Afrique/ Exposition Coloniale de 1931/ doc. n° 224061

34 Ibid.

35 Les éléments du tableau sont issus du volume consacré à l’année 1931 du diaire des Sœurs de Notre-Dame d’Afrique. ASMNDA/ 271.9/ diaires de 1931 pp. 18, 99, 154, 158-162, 474-477, 704, 707, 798, 799.

36 L’ensemble des données chiffrées provient des Archives générales des Missionnaires d’Afrique/ Exposition Coloniale de 1931/ doc. n° 224047-48-49-50.

37 AOPF/ Exp. Col./ 10 90 Q/ Circulaires envoyées aux congrégations/ août 1931/ circulaire du 8 août 1931.

38 Archives générales des Missionnaires d’Afrique/ Exp. Col. de 1931/ doc. n° 224062, p. 3.

39 Ibid., p. 2.

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Table des illustrations

Titre Ill. 1. Une présence des missions centrale à l’exposition de Vincennes en 1931
Crédits Plan officiel de l’Exposition coloniale internationale de Paris 1931, Paris, L. Mangematin éd., 1931, © Max Girard.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/7566/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 687k
Titre Ill. 2 : Le pavillon des missions catholiques, lieu de culte et espace d’exposition
Crédits Plan réalisé à partir de Joseph Reviers de Mauny, Les heures glorieuses du pavillon des missions catholiques à l’exposition coloniale de Paris en 1931, Paris, Paul-Martial, 1932, p. 8. © Max Girard
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/7566/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 261k
Titre Ill. 3 : Principaux vecteurs de la mise en scène des salles du pavillon des missions catholiques de l’exposition coloniale de Vincennes en 1931
Crédits Plan réalisé à partir de la description des salles du pavillon du rapport Olivier (op. cit.) et de l’observation des photographies du pavillon du fonds de l’œuvre de la Propagation de la foi (AOPF/ Exp. Col./ fonds photographique). Les vecteurs sont si multiples et densément répartis dans les stands que cette carte peut être considérée seulement comme une simplification. © Max Girard.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/7566/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 387k
Titre Ill. 4 : Le stand des Sœurs Blanches et des Pères Blancs dans la salle de l’Algérie et du Sahara
Crédits AOPF/ Exp. Col./ Fonds photographique/ Photographie non numérotée.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/7566/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 331k
Titre Ill. 5 : Diorama des Sœurs Blanches représentant l’apprentissage de la vannerie
Crédits AOPF/ Exp. Col./ Fonds photographique/ photographie n° 278.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/7566/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 247k
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Pour citer cet article

Référence papier

Max Girard, « Les Sœurs Blanches à Vincennes : une congrégation religieuse à l’exposition coloniale internationale de Paris en 1931 »Chrétiens et sociétés, 27 | 2020, 163-190.

Référence électronique

Max Girard, « Les Sœurs Blanches à Vincennes : une congrégation religieuse à l’exposition coloniale internationale de Paris en 1931 »Chrétiens et sociétés [En ligne], 27 | 2020, mis en ligne le 19 mars 2021, consulté le 19 mai 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/7566 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.7566

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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