Mgr Louis Petit ou l’Occident à la rencontre de l’Orient
Texte intégral
1Mgr Louis Petit, aujourd’hui bien oublié, a eu un destin hors du commun. Né en Haute‑Savoie en 1868, deux ans seulement après le rattachement à la France, dans un milieu pauvre, il entra dans la congrégation des assomptionnistes après avoir reçu une formation assez superficielle, notamment en théologie. D’abord orienté vers un engagement de presse auprès de La Croix du Midi à Toulouse, il finit par devenir, grâce à une formation autodidacte étonnante, un véritable savant.
2Passionné par l’Orient chrétien, qu’il découvrit lors d’un voyage à Constantinople en 1893, il devint un bysantiniste de haute volée, il sut se faire accueillir au Mont Athos où il trouva des conditions de travail d’une qualité rare pour travailler sur les riches collections de manuscrits monastiques. Chercheur et érudit, il consacra une force de travail peu commune, qui a souvent impressionné ses contemporains, à accumuler une œuvre considérable, faite de nombreux articles (il faut signaler en particulier ses nombreuses notices du Dictionnaire de théologie catholique, qui sont de véritables petites monographies) et surtout d’éditions savantes de textes parmi lesquelles on peut retenir le Recueil des inscriptions chrétiennes de l’Athos et les Actes de l’Athos ou encore les Actes de synodes orientaux et du Concile de Vatican I. Il a dirigé les Échos d’Orient, une revue de grande importance pour la connaissance du christianisme en Orient. Mgr Petit fut également archevêque latin d’Athènes de 1912 à 1926 après avoir occupé les fonctions de supérieur du séminaire de Kadi Köy près de Constantinople, conçu pour être une pièce maîtresse de la formation de prêtres bulgares et grecs, de liturgie byzantine, mais unis à Rome, et il fut l’inspirateur de la création de deux institutions romaines qui devaient prendre un grand poids, I’Institut pontifical oriental et la Congrégation pour les Églises orientales.
3C’est à cette personnalité très riche, pleine de contradictions aussi, dont l’épiscopat athénien fut difficile, qui a passionnément aimé l’Orient chrétien tout en portant un regard critique et très dur sur l’orthodoxie, qu’un colloque international a été consacré du 16 au 17 décembre 1997 à Rome. Cette rencontre, dont l’initiative revient notamment à l’ancien archiviste de la congrégation, le P. Charles Monsch, a été organisée par la congrégation des Assomptionnistes, I’Institut voor Oosters Christendom de Nimègue, et les Centres de recherche en histoire religieuse des universités de Lyon. Elle a permis non seulement d’éclairer une personnalité, mais aussi, à travers cette dernière, de pénétrer au coeur de deux stratégies, celle du Saint-Siège en Europe centrale et orientale face à l’orthodoxie, et celle d’une congrégation qui, en lien avec Rome, a joué un rôle majeur sur la frontière orientale de l’Église latine, un rôle pourtant méconnu en France où les Assomptionnistes sont avant tout associés à l’apostolat de la presse, dont La Croix et le groupe Bayard-Presse restent un vivant exemple.
4L’association de cette congrégation à la recherche de sa propre histoire avec des historiens du christianisme contemporain a été particulièrement féconde, et cette fécondité a été renforcée par le caractère international d’un colloque qui a rassemblé des chercheurs francais, italiens, belges, hollandais, bulgares, en présence de l’actuel archevêque latin d’Athènes, successeur de Mgr Petit, du vicaire apostolique à Istanbul, du cardinal Achille Silvestrini, préfet de la Congrégation pour les Églises orientales, et de religieux qui maintiennent jusqu’à aujourd’hui la présence assomptionniste en Orient. Cette riche rencontre est d’une grande signification. Elle ouvre la voie à une étude plus ample et plus synthétique de l’ensemble des activités si diverses, si fécondes et en même temps si singulières des Assomptionnistes en Europe centro-orientale, « entre Occident et Orient, entre entreprise éditoriale et de presse, culture et mission », comme l’a dit en conclusion Andrea Riccardi. Et ce, au moment où, le communisme ayant achevé sa parabole, les questions religieuses reviennent au premier plan dans des sociétés traumatisées.
Pour citer cet article
Référence papier
Jean-Dominique Durand, « Mgr Louis Petit ou l’Occident à la rencontre de l’Orient », Chrétiens et sociétés, 5 | 1998, 102-103.
Référence électronique
Jean-Dominique Durand, « Mgr Louis Petit ou l’Occident à la rencontre de l’Orient », Chrétiens et sociétés [En ligne], 5 | 1998, mis en ligne le 01 avril 2017, consulté le 25 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/7160 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.7160
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