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Les Cercles catholiques d’ouvriers à Lyon

Catholic Worker Circles in Lyon
Henri Hours
p. 32-58

Résumés

L’implantation des Cercles catholiques d’ouvriers à Lyon a lieu dès 1872, sous l’impulsion initiale d’une femme, Mlle Dissard, rapidement relayée par la Congrégation des Messieurs. En cinq ans, sous le double patronage du diocèse et de l’armée, une petite dizaine de cercles sont fondés à Lyon et dans trois autres villes de la région (Roanne, Saint-Chamond et Cours). Mais le mouvement se tarit rapidement. En effet, les quelques ouvriers affilés à leurs débuts quittent rapidement les cercles au profit surtout d’employés, et aussi d’artisans. L’usine ignore cette œuvre empreinte de paternalisme conservateur. Les Cercles ne disparaissent pas, mais ils perdent leur autonomie en passant sous le contrôle du clergé au sein des œuvres paroissiales. Désormais, et sous ce statut, ils connaissent un nouvel essor et leur apogée se situe dans l’Entre-deux-guerres. Ils disparaissent sans bruit dans les années qui suivent la seconde Guerre mondial, en même temps que les œuvres paroissiales amorcent leur déclin.

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Entrées d’index

Géographie :

Lyon

Chronologie :

Fin du XIXe siècle
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Texte intégral

  • 1 En l’absence des archives de la Direction diocésaine des oeuvres, disparues en 1960, la source prin (...)

1L’existence à Lyon des Cercles catholiques d’ouvriers n’a évidemment pas échappé aux historiens, qui ont su leur réserver quelques lignes ou quelques paragraphes dans l’étude de sujets plus vastes. Moins que la présence de menues inexactitudes, la méconnaissance de ce qui fit l’originalité lyonnaise, très compréhensible en des travaux s’occupant d’autre chose, justifie qu’on traite le sujet pour lui-même, supposant connue l’histoire générale des Cercles et de leur fondation à Paris par Maurice Maignen et Albert de Mun, en 1871-1872, dans la ligne du catholicisme social conservateur et royaliste1.

La fondation

  • 2 A. de Mun, Ma vocation sociale, Paris,Lethielleux, 1908, p. 122 ; repris par Ph. Levillain, Albert (...)

2A la cérémonie inaugurale du premier cercle parisien, à Belleville, le 7 avril 1872, assistait une Lyonnaise, attirée là par des relations amicales et par l’intérêt qu’elle portait à l’action sociale du catholicisme2. Joséphine Dissard (1825-1909) dirigeait l’une des principales institutions pour jeunes filles de Lyon. Femme de forte personnalité, elle était respectée pour son indépendance et pour la valeur de l’éducation que les enfants recevaient chez elle. Son intention explicite était de contribuer à former une élite sociale catholique, et elle venait d’ouvrir, au mois de février précédent, une école du dimanche pour ouvrières, dont la direction et l’enseignement étaient assurés par plusieurs de ses anciennes élèves, dames de la bourgeoisie lyonnaise. L’initiative parisienne des Cercles trouvait en elle une sympathie préétablie et déjà agissante.

3De retour à Lyon, Melle Dissard communiqua l’information toute fraîche aux amis qu’elle avait coutume de réunir chez elle, au 106 de la rue de l’Impératrice (rue de l’Hôtel de Ville), et pria l’un d’eux, Ernest Gayet, de leur lire le discours prononcé à Belleville par Albert de Mun. Deux réunions d’une vingtaine de personnes aboutirent à la décision de fonder l’Œuvre à Lyon, et Melle Dissard proposa à Ernest Gayet et Antoine Mollière d’inviter Mun à venir la présenter. A Paris, on fut surpris de cette offre inattendue, qui allait obliger de hâter l’organisation générale de l’Œuvre. Ne connaissant personne à Lyon, Albert de Mun demanda des introductions au général de Charette, qui l’adressa à un ancien zouave pontifical, Pacôme Jaillard.

4Le 21 mai, donc, une soixantaine de messieurs se réunirent autour de Mun, dans le salon mis avec empressement par Melle Dissard à la disposition d’une entreprise qui lui tenait à cœur. Elle n’y parut pas elle-même. Non qu’elle en eût été écartée, comme on l’a suggéré, par quelque sentiment antiféministe, mais, plus simplement, parce que, s’agissant d’une œuvre d’hommes, elle y jugeait sa présence déplacée. Toutefois, installée dans la pièce voisine, elle n’en perdit pas un mot... En conclusion, après que l’orateur parisien eût parlé tout à loisir, se constitua le “Comité lyonnais des Cercles catholiques d’ouvriers”, sur les principes et les bases de l’Œuvre et sous sa garantie. Le lendemain, toujours en présence de Mun, fut formé le bureau :

  • Président : colonel baron Lion, chef d’état-major de la 1ère division d’infanterie du 6ème corps ;

  • Vice-président : commandant Garnier des Garets, du 38ème de ligne ;

  • Trésorier : Ferdinand Guérin, banquier ;

  • Secrétaire : capitaine Joseph Meyssonnier, de l’état-major de l’artillerie du 6ème corps.

5A part le poste de trésorier, judicieusement confié à un banquier, c’était-là un bureau militaire, plus encore que celui de Paris. Effet naturel du jeu des relations d’Albert de Mun ; mais aussi, vraisemblablement, signe d’un sens des responsabilités sociales de l’officier que Lyautey (qui d’ailleurs allait fréquenter l’Œuvre des Cercles) ne fut pas le premier à découvrir.

6L’Echo de Fourvière, dans son numéro du 29 juin, se chargea de publier la nouvelle en termes émus, et d’en souligner l’importance : il voyait là un moyen d’opposer aux doctrines subversives la mise en pratique des saines et saintes leçons de l’Évangile, une occasion pour les hommes des classes privilégiées de faire leur devoir envers les ouvriers leur frères, un espoir de remédier aux maux de la société que la guerre civile venait d’aggraver. L’article donnait la liste des membres du Comité : trente personnes. Comme on s’y attend, des avocats, des rentiers et propriétaires, mais aussi un ingénieur des Ponts, un ingénieur mécanicien, un assureur, et le poète Victor de Laprade, alors au faîte de la célébrité, qui jugeait sans doute naturel de cautionner de sa gloire littéraire la naissance d’une œuvre méritante.

  • 3 Louis de Vaucelles, “Le Nouvelliste de Lyon” et la Défense religieuse, Paris, Belles-Lettres, 1971, (...)
  • 4 Présidents de l’Oeuvre des Cercles à Lyon : colonel Lion (1872-1874), Antoine Mollière (1874-1876.. (...)
  • 5 Le Nouvelliste, 18 novembre 1910.
  • 6 Archives de l’Archevêché de Lyon, I. 227.

7Plus intéressant pour nous : sur les trente membres du Comité, onze appartenaient à la célèbre Congrégation des Messieurs. Mieux : dans les années suivantes, quatre, qui n’en faisaient pas encore partie, s’y agrégèrent, dont le colonel Lion (1873) et le capitaine Meyssonnier (1875). L’intérêt de la Congrégation pour l’œuvre des Cercles a déjà été rapidement signalé3 : avec la moitié des membres et la totalité du bureau, ce n’était pas seulement un intérêt, même vif, on peut dire que l’Œuvre des Cercles fut à Lyon la chose de la Congrégation. Jusqu’à la fin, jusqu’à la veille de la deuxième guerre mondiale, ses présidents, sauf un, furent congréganistes4, ainsi que ses principaux orateurs chargé de parler en son nom : Antoine Mollière et surtout Louis de Longevialle. En 1910, sur les 27 notables patronnant l’Œuvre des Cercles et présents à une conférence du sénateur Lamarzelle organisée par elle, 19 appartenaient à la Congrégation5. Et c’est bien dans l’esprit de la Congrégation que l’Œuvre fut menée tout au long. Les annales de la Congrégation avaient raison de signaler, à l’année 1872 : “Si l’initiative de la fondation des Cercles Ouvriers n’appartient pas à la Congrégation, celle-ci fut le promoteur de cette œuvre”6.

  • 7 Dite aussi “Association catholique des Patrons de Lyon”. Les historiens qui en parlent donnent parf (...)
  • 8 Oeuvre des Cercles catholiques d’ouvriers, Instruction sur l’Oeuvre, Paris, 1876, p. 180.
  • 9 J.-L. Baumont, “Une association de laïcs catholiques : la Congrégation de Lyon (...) 1817-1840”, (...)

8La Congrégation, à ce moment, parvenait à l’apogée de ses capacités d’influence et d’action. Elle tenait déjà la Propagation de la Foi et la Commission de Fourvière ; elle était sur le point de fonder les Facultés catholiques (1875) et le quotidien Le Nouvelliste (1879). En cette année 1872, au mois de mars, elle venait de créer l’Association des Patrons Catholiques de Lyon destinée surtout aux artisans, commerçants et chefs d’ateliers7. En introduisant à Lyon l’Œuvre des Cercles, la Congrégation, non seulement complétait sa dernière fondation, mais en outre elle élargissait son action sociale sur des milieux qu’elle n’atteignait, jusque-là, qu’à travers des œuvres de faible envergure. Au demeurant, le paternalisme de l’Œuvre et son aspect de refuge ne pouvaient que lui plaire. “Le Cercle catholique d’ouvriers est une œuvre de préservation et de ralliement, avant de devenir un instrument de conversion”8 : c’est bien ainsi que la Congrégation, depuis l’origine, avait toujours considéré ses œuvres d’action sociale9.

9Quant à l’Œuvre des Cercles, la prise en mains par la Congrégation pouvait lui laisser espérer une continuité d’orientation, et la capacité de résister aux forces contraires qui n’allaient pas manquer de se manifester.

Un bref essor

10A peine constitué, le Comité s’occupa d’ouvrir des cercles, avec une rapidité qui montre combien le message de de Mun tombait en un terrain favorable. Dès le mois de juin 1872, on se mit en quête de locaux disponibles, sur les pentes de la Croix-Rousse et aux Brotteaux. La préfecture, pleine d’attentions, déconseilla d’abord ce dernier site : selon le commissaire du quartier, il y avait autour du bâtiment retenu plusieurs cabarets attirant “les hommes exaltés, communards et libres-penseurs des quartiers de Lyon”. Les souvenirs de septembre 1870 étaient tout frais. Provisoirement, on n’insista pas, et l’on porta ses efforts sur un vaste local au 1 de la rue Neyret où, le 4 août, put être inauguré le premier Cercle catholique d’ouvriers.

  • 10 A. de Mun, Ma vocation (...), p. 129.
  • 11 La Semaine catholique, 10 août 1872, p. 724.

11La séance fut mémorable. Sur l’estrade et dans la salle, des prêtres, des officiers en tenue, des magistrats, des négociants ; et même des ouvriers, une quarantaine. La musique du 98ème de ligne alternait avec les chants d’une chorale. Après les allocutions de l’abbé Gouthe-Soulard, vicaire général, et du colonel Lion, Albert de Mun, en un discours enflammé, présenta l’Œuvre des Cercles. Alors le colonel, les larmes aux yeux, embrassa son jeune camarade : “Ce fut une minute d’indicible émotion. Mes chefs, mes camarades m’entourèrent en me serrant la main”10. La journée s’acheva sur un salut du Saint-Sacrement accompagné à l’harmonium par un officier en tenue. Cette inauguration, d’un style a priori inattendu dans une œuvre ouvrière, reçut un accueil enthousiaste chez les autorités du diocèse, même si l’archevêque, Mgr Ginoulhiac, n’y avait point paru. “La part que prend l’Armée à ces fondations est une chose digne de remarque, disait le bulletin diocésain. Ce qui manque surtout aux ouvriers, c’est l’obéissance aux autorités véritables et le respect de la hiérarchie, et il est d’un bon augure pour l’avenir de leurs cercles qu’ils s’établissent sous le patronage de l’armée, qui est la grande école de l’obéissance et du respect”11.

  • 12 Compte rendu de la séance solennelle (...)op. cit.

12Revenant aux Brotteaux, le Comité put, le 1er décembre suivant, inaugurer un deuxième Cercle, au 119 rue Duguesclin. La cérémonie se déroula comme la précédente, et même avec une accentuation de la présence militaire, sous l’oeil approbateur et respectueux du commissaire du quartier : “La société qui patronne ce cercle contient ce qu’il y a de plus élevé dans la ville de Lyon ; les commissaires n’étaient autres que des officiers supérieurs, attachés pour la plupart à l’état-major du général Bourbaki, qui était aussi présent. J’ai remarqué beaucoup de magistrats, un grand nombre d’ecclésiastiques et plusieurs généraux. (...) Tout s’est passé dans l’ordre le plus parfait, et l’on ne saurait trop encourager une pareille oeuvre”. Le colonel Lion présenta l’Œuvre des Cercles, Albert de Mun, à nouveau présent, parla avec éloquence de la nécessité sociale du catholicisme et de son alliance naturelle avec le patriotisme (“le chemin de l’Église est aussi le chemin de l’Alsace !”), et l’abbé Gouthe-Soulard, qui présidait encore une fois, parla du dévouement de l’Église aux ouvriers et de la dignité du travail manuel : “C’est à vous que je veux m’adresser, bons ouvriers, à vous qui êtes l’objet de cette fête et qui nous inspirez de si profondes et de si vives sympathies. Et que vous dirai-je ? Ce seul mot, dont tous nos efforts pour vous être utiles seront le meilleur commentaire : Nous vous aimons12. Un salut du Saint-Sacrement termina la journée, à laquelle, toutefois, l’absence renouvelée de l’archevêque était rendue plus sensible par la présence du général gouverneur.

  • 13 L’Echo de Fourvière, 1872, p. 535 et 558.

13Entre temps, un autre Cercle s’était ouvert, le 27 octobre, au 44 de la rue Saint-Georges, se distinguant des deux autres par plus d’une nuance, révélatrices de déséquilibres possibles. L’initiative en avait été prise, non par le Comité des Cercles, mais par le curé de la paroisse, J.-M. Servant, pasteur actif et zélé, aidé de son vicaire M. Gout. Ce furent eux qui, assemblant un groupe de jeunes gens, lui avaient donné le règlement des Cercles puis étaient venus d’eux-mêmes proposer son agrégation à l’Œuvre. L’inauguration se déroula avec beaucoup moins d’éclat que les autres, sous la présidence d’un chanoine de la primatiale, M. Crozet, et sans militaires. On entendit deux discours, celui du curé et, au nom de l’Œuvre, celui d’Antoine Mollière, d’une belle tenue et un peu moins naïf que les autres13.

14L’année 1873 vit l’Œuvre s’étendre. A Lyon, le 3 août, fut inauguré le Cercle de la Guillotière, 33 rue Creuzet. La cérémonie ressembla à celles de la Croix-Rousse et des Brotteaux, mais, cette fois, sous la présidence de l’archevêque : si l’on ne pouvait dire que les Cercles fussent “sa chose”, du moins recevaient-ils maintenant en public ses encouragements et sa caution. Hors de Lyon, d’autres se fondèrent : à Oullins (6 juillet), Villefranche (27 juillet), à Chaponost (en septembre, mais il ne vécut que trois mois), et peut-être cette année-là à Saint-Etienne, mais ici indépendamment du Comité lyonnais.

15Puis le rythme s’essouffla. C’est sans doute en 1874 que naquit le Cercle de Saint-Irénée ; 1875 vit la création de Cercles à Roanne (28 mars) et Sainte Foy (printemps) ; 1876 à Saint-Chamond (7 mai), et 1877 à Cours (juin) ; le tout, sous la mouvance lyonnaise. Après un bon départ, la progression se ralentissait mais, après tout, y avait-il lieu de s’inquiéter ? L’Œuvre se faisait connaître au public par des manifestations où flottaient les bannières du Comité et des cinq Cercles de Lyon : conférence du P. Félix, s.j., présidée par Mgr Ginoulhiac, le 4 janvier 1873, et, le 27 mars suivant, une autre d’Albert de Mun sur l’apostolat auprès des ouvriers et sur la réconciliation des classes ; ou encore de Mgr Mermillod, le 16 mars 1874, sur la nécessité de rendre à l’ouvrier sa liberté d’homme. Chaque année, au mois de mars, l’Œuvre célébrait sa fête patronale, la Saint-Joseph, à Saint-Jean ou dans une église paroissiale, souvent sous la présidence de l’archevêque. Les Cercles montaient en pélerinage à Fourvière, comme le 17 septembre 1876 et le 30 mai 1880. Des concerts, des ventes de charité étaient donnés au profit de l’Œuvre, où s’activaient des Dames patronnesses constituées en un Comité qui fut officiellement reçu à l’archevêché par le cardinal Caverot, le 31 janvier 1878.

16Quant aux Cercles, chacun, selon ses moyens, accomplissait sa triple mission : fournir à ses membres détente et distractions, possibilités de pratique religieuse, possibilité de pousser son instruction. Les deux Cercles les mieux pourvus étaient ceux de la Croix-Rousse et des Brotteaux.

17Rue Neyret, les adhérents trouvaient une chapelle, avec messe quotidienne, prière du soir, vêpres et salut du Saint-Sacrement et naturellement possibilité de confession. Très tôt, une conférence de Saint-Vincent de Paul fut créée. Une bibliothèque d’environ mille volumes, une salle de jeux, un terrain libre pour les beaux jours, assuraient la détente. Deux ou trois fois par an, des fêtes ouvertes au public fournissaient l’occasion de soirées musicales et théâtrales préparées par les jeunes gens du Cercle avec l’aide de chorales amies, voire d’autres Cercles, comme celui d’Oullins. Des conférences étaient données : par exemple par Louis Vignon, professeur de rhétorique au lycée, sur “Le miracle”, par Henri Hignard, professeur à la Faculté des Lettres, sur “Lyon sous les Romains”, ou par le doyen G.-A. Heinrich, sur “Saint-Louis”. Des cours du soir, assurés par des ecclésiastiques et par de jeunes membres de la Congrégation, apportaient aux ouvriers des compléments d’instruction en grammaire, calcul, comptabilité, histoire et géographie, et même des notions de droit pratique et de sciences appliquées aux techniques. Dès la première année, les jeunes membres du Cercle purent y prendre leurs repas. En 1880, sous l’impulsion de l’aumônier, l’abbé Pain, prêtre des Chartreux, une hôtellerie fut ouverte où, au bout de trois ou quatre ans, plus du quart des membres purent loger. Une école primaire se créa en annexe, avec des cours professionnels et un patronage.

18Sous le nom de Cercle, étaient donc groupés : un cercle classique, et aussi tout un ensemble cohérent de moyens d’éducation sociale.

19Impression semblable, quoique moins précise, rue Duguesclin. Dans les douze pièces d’un ancien bâtiment industriel logeaient à l’aise, avec la chapelle, des salles de réunions, une bibliothèque, une salle de billard, une salle de spectacles, une buvette. On y pouvait même faire de la gymnastique. Le 25 juin 1881, Le Cercle déménagea au 84 de la rue Vauban. On ne sait comment se présentait le nouveau local, mais, en l’un et l’autre lieu, s’exercèrent les activités déjà rencontrées rue Neyret, notamment les soirées artistiques. Si l’on ne trouve pas mention de cours du soir, en revanche, des “Conférences populaires” furent données vers 1890 par “des avocats cléricaux”, dit le commissaire du quartier, par exemple Gabriel Perrin, membre de la Congrégation, sur “la question sociale”, et Augustin Crétinon, futur co-fondateur de la Chronique Sociale, sur “le droit de l’ouvrier au repos dominical”.

20Sur les autres cercles les informations manquent, dans les dossiers de la préfecture comme dans le bulletin diocésain ; il n’y a pas de raison de penser que la situation y fût bien différente.

  • 14 Oeuvre des Cercles catholiques d’ouvriers, Compte rendu sur le Cercle du Jardin des Plantes, rue Ne (...)
  • 15 J.-B. Martin, La paroisse Saint Pothin (Lyon), Lyon, Vitte, 1900, p. 33.

21Et pourtant, le sentiment se confirme qu’au bout de six à huit années de vie, l’Oeuvre des Cercles commença de s’essouffler, peut-être même de régresser. Après 1877, nous l’avons vu, plus de fondations nouvelles. Le bulletin diocésain signalait moins souvent l’activité des Cercles, se contentant, même, de rendre compte seulement de la fête patronale annuelle. Des signes d’usure apparaissaient. Le compte rendu du Cercle de la Croix-Rousse pour l’année 188014, s’il pouvait faire état de 70 sociétaires et 45 candidats, notait que le matériel vieillissait, que, faute de ressources, il n’y avait plus que deux cours du soir, grammaire et calcul, qu’on ne donnait plus de fêtes musicales et théâtrales (“la difficulté des temps présents nous a contraints de les suspendre”). Le Cercle vécut quand même encore dix ans, puis ferma ses portes en août 1891. Le Cercle des Brotteaux fut dissous par le Comité au 1er janvier suivant, plus ou moins remplacé par une Œuvre de Saint-Louis de Gonzague, relevant de la paroisse Saint-Pothin15. Le Cercle de la Guillotière, de son côté, s’était dissous depuis longtemps, dès le 1er juillet 1880. Quant au Cercle de Saint-Irénée, il avait disparu sans bruit entre 1880 et 1885 : je soupçonne que son existence avait été surtout liée à la personne de son animateur, Dominique Meynis, membre éminent de la Congrégation, qui devait mourir très âgé en 1887. Sur les cinq cercles de Lyon, donc, seul subsistait en 1892 celui de Saint-Georges. A l’extérieur, le Cercle de Villefranche s’était éteint en silence en 1883, et celui de Cours en 1889.

  • 16 Citons simplement Philippe Levillain, Albert de Mun, p. 931 et suivantes.

22Était-ce l’échec, dont on fait état les contemporains et, après eux, tous les historiens16 ? Et pour quelles causes ?

Crise politique

23On a invoqué l’hostilité et les tracasseries opposées par le gouvernement et l’administration après l’arrivée au pouvoir des républicains, en 1879. Elles furent réelles. A partir de 1880, par exemple, la préfecture devint beaucoup plus exigeante sur l’obligation faite à chaque association autorisée de fournir chaque année la liste de ses membres. L’administration de l’Ordre moral, plus que bienveillante aux cercles catholiques, avait jusque-là fermé les yeux, désormais ils étaient tous visés, et non seulement les Cercles d’ouvriers :

“J’ai déjà eu l’honneur de vous entretenir à plusieurs reprises, écrivait le préfet au ministre, le 8 mars 1881, de la situation des cercles catholiques de Lyon, de l’esprit d’hostilité de leurs membres à l’égard du gouvernement de la République, et de l’organisation de ces établissements au point de vue de la lutte implacable qu’ils ont entreprise contre nos institutions. Pour atténuer, dans la mesure du possible, les dangers qui résultent de l’existence de ces sociétés, j’ai cru devoir les faire surveiller de près et tenir la main à ce qu’elles se conforment aux conditions qui leur ont été imposées par l’arrêté d’autorisation (...). Ces prescriptions n’ont jamais été observées jusqu’à ces derniers temps ; mais, en présence de nombreux éléments de propagande antirépublicaine qui se trouvent réunis dans ces établissements, j’ai pensé que le moment était venu de m’enquérir avec soin des noms des personnes qui font partie de ces associations (...). Presque toutes m’ont fait parvenir des listes, sur la sincérité et l’exactitude desquelles je fais les réserves les plus formelles”.

24D’autres esquivaient l’obligation, notamment le cercle paroissial de Saint-Paul, occasion de cette lettre, et dont un arrêté préfectoral, dûment autorisé par le ministre, ordonna la dissolution, le 14 mars.

25La rigueur du préfet s’expliquait sans doute par les soucis que venaient de lui donner les cercles d’ouvriers, et surtout l’un d’eux, celui des Brotteaux.

26Depuis les années lointaines où la Congrégation, au début du siècle, avait dû se protéger dans l’ombre contre la police impériale, ses membres, pour la plupart, avaient toujours nourri et continuaient de nourrir des sentiments légitimistes. Jusqu’alors, sans tapage. Mais le discours retentissant d’Albert de Mun au congrès de l’Union des Œuvres, à Chartres, le 8 septembre 1878, avait signalé l’entrée en des eaux moins calmes : contre le libéralisme hérité de la Révolution, source de souffrances et de misère pour l’ouvrier, l’Église, seule, protégeait la liberté populaire et la justice dans le travail ; les Cercles devaient brandir “le drapeau de la Contre-révolution inconciliable”.

  • 17 Ibidem.
  • 18 Toute l’abondante correspondance sur la surveillance politique des cercles se trouve dans le dossie (...)

27Ce n’est pas ici le lieu de s’étendre sur le trouble et la confusion qui régnèrent, durant plusieurs années, au sein des catholiques français en général, et dans l’Œuvre des Cercles à Paris, en particulier17, sur le choix d’une ligne de conduite politique après la victoire des républicains. A Lyon, les Cercles catholiques d’ouvriers se trouvèrent au cœur de la tourmente. D’août 1879 à février 1880, ils firent l’objet d’une surveillance minutieuse et continue de la part du ministre, et bien entendu du préfet et de son commissaire spécial, dont l’attention se porta, d’une part sur le Comité des Cercles, d’autre part sur le cercle des Brotteaux qui, plus que les autres, semblait servir de base à une agitation royaliste18.

28Des réunions se tenaient dans le local du Comité, 1 rue du Peyrat, en vue de préparer les élections de 1881. Les rapports citaient plusieurs noms : Brac de La Perrière, Le Mire, de Boissieu, Blanchon, Duquaire, Blanc, Albert Gros, Demoustier, Gindre, André Descours, Guérin, Gairal, Jacquier, Perrin, Guerrier, Desgeorges. Sous la direction effective du sénateur Lucien Brun, chef de file du légitimisme lyonnais et protecteur notoire des Cercles ouvriers, ils tentaient de mettre sur pieds un comité électoral. Des projets s’agitaient, d’une Société Saint-Louis, dirigée de Paris avec ramifications régionales. Derrière, cela va de soi, on voyait se profiler l’ombre des jésuites.

29Dans ce grand combat, les Cercles étaient impliqués et considérés, à l’exception de celui de Saint-Irénée qui semble ne pas compter, comme masse de manœuvre pour organiser le comité électoral. Sous la direction d’un groupe de huit membres, ils devaient travailler en liaison avec les curés de paroisses chargés de recueillir les informations. Les réunions les plus importantes se tenaient aux Facultés catholiques, rue du Plat, au collège des jésuites, rue Sainte Hélène, et à l’archevêché.

30Tout cela était certainement bourré d’exagérations, et il ne semble pas que les indicateurs du commissaire spécial (ses “reporters”) fussent très compétents ni très sérieux. Il n’en reste pas moins quelques points sûrs : le rôle de Lucien Brun, son autorité sur les Cercles, et l’implication de ces derniers dans le mouvement sans qu’on puisse dire exactement jusqu’où. Il est très remarquable que l’existence de la Congrégation soit restée ignorée de la police, qui ne soupçonnait pas que, sur les dix-sept personnes qu’elle avait identifiées dans cette affaire, treize appartenaient à une société qui, dans l’ombre, rayonnait en d’autres secteurs d’activité. Le secret était bien gardé.

31Quant aux membres des Cercles connus par les indicateurs, leur présence massive aux manifestations royalistes était notée : banquet du 28 septembre 1879 pour l’anniversaire du comte de Chambord, conférence de Mun, le 12 octobre, ou fête des Rois, le 11 janvier 1880. On notait aussi que, quand la participation à une fête se faisait sur cotisation, celle-ci était fixée à un tarif très bas, accessible aux petites bourses, le complément des frais étant réglé par les messieurs du Comité.

32Le Cercle des Brotteaux attirait particulièrement l’attention. Son vice-président, Terron, en collaboration avec Mehlin, rédacteur de La Décentralisation, se donnait du mal pour former le comité électoral ; plusieurs réunions restreintes se tinrent à cet effet chez lui. C’étaient des membres de ce cercle qui avaient organisé la fête des Rois, le 11 janvier. Dans ses locaux, on voyait habituellement “des jeunes gens habiles, instruits, intelligents, appartenant évidemment à la haute société”, qui faisaient une propagande antirépublicaine ouverte. Dans la salle de lecture, les journaux à la disposition étaient pour la plupart de la même tendance : La Décentralisation, Le Salut-Public, Le Nouvelliste, L’Echo de Fourvière, L’Univers, La Semaine catholique de Lyon, Le Pélerin, La Revue littéraire, Les Annales catholiques, La Civilisation, Les Missions, Le Figaro. Des comédies satiriques hostiles au personnel républicain avaient été jouées. Somme toute, “sous le masque trompeur de la religion”, on avait là une officine de propagande subversive, et le commissaire spécial concluait son long rapport, le 21 ( !) janvier 1880, en proposant au préfet de fermer le Cercle. N’osant prendre sur lui une telle décision, le préfet en demanda l’autorisation au ministre, le 31 janvier, puis le 9 février : pas de réponse. Le commissaire revint à la charge longtemps après, le 26 novembre, ajoutant que le Cercle, en juin, en octobre, et encore le 3 novembre, venait de fournir les troupes de la résistance à l’expulsion des capucins, à la Villette, et des dominicains, aux Brotteaux. Cependant, on épluchait les listes des membres, espérant y trouver des inexactitudes qui fourniraient des arguments supplémentaires. De telles manœuvres s’ébruitaient, et Le Nouvelliste, le 3 décembre, protesta contre l’intention prêtée à l’administration de fermer tous les cercles de Lyon. Pourtant rien ne se fit, le gouvernement estimant sans doute l’adversaire trop faible pour justifier des mesures extrêmes.

  • 19 J.-B. Martin, Op. cit., p. 33.

33Ce fut donc une alerte sérieuse, mais suffit-elle à mettre en cause la vie des Cercles ? Le déménagement du Cercle des Brotteaux au 84 de la rue Vauban, le 25 juin 1881, en fut-il une conséquence, ou une simple coïncidence, à l’échéance normale du bail pour la Saint-Jean d’été ? Ce qui est sûr, c’est que le souvenir de la crise se conserva aux Brotteaux ; vingt ans plus tard, l’abbé Martin, témoin des faits, leur attribuait la mort du Cercle survenue pourtant plus de dix ans après : “Par suite de circonstances particulières, et notamment à l’époque des brutales expulsions des religieux en 1881, la fortune de l’institution subit une pénible éclipse et, le 1er janvier 1892, une décision du comité la supprimait”19.

34Que la crise ait contraint à la prudence et à la discrétion, qu’elle ait peut-être écarté des Cercles une part de leurs membres, on le conçoit sans peine. Mais aurait-elle suffi à les frapper d’une langueur mortelle si leur constitution avait été robuste ? En admettant même l’effet de la crise, on a peine à penser qu’il fut à ce point déterminant, dix ans après. La véritable cause devait être interne.

Cercles d’ouvriers ?

  • 20 Oeuvre des Cercles (...), Instruction (...), p. 7.

35Aux yeux de nos contemporains, en cette fin du XXe siècle, le récit des cérémonies d’inauguration des Cercles de la Croix-Rousse et des Brotteaux apparaît étonnant, au sens presque étymologique du mot. En 1872, il l’était certainement beaucoup moins. Nul ne pouvait être surpris par l’abondance des soutanes : dans une œuvre catholique, elle allait de soi. La présence massive de notables, de magistrats, de messieurs et de dames de la bonne bourgeoisie, pour être moins naturelle, n’avait pas de quoi surprendre et relevait du paternalisme habituel qui inspirait les esprits les mieux disposés pour un catholicisme social. N’oublions pas que la première phrase du manuel de l’Œuvre des Cercles s’ouvrait par ces mots : “L’Œuvre des Cercles catholiques d’ouvriers a pour but le dévouement de la classe dirigeante à la classe ouvrière”20.

  • 21 D. Meynis, Les Moeurs lyonnaises dans les premières années du XIXe siècle. Lecture faite au Cercle (...)
  • 22 Contentons-nous de ces extraits du compte rendu du sermon prononcé à la messe patronale des Cercles (...)
  • 23 Lecanuet, L’Église de France sous la IIIe République. I. Les dernières années du pontificat de Pie (...)

36Pour n’être pas choquante, une telle atmosphère n’était cependant pas faite pour attirer les ouvriers en grand nombre, cela nous semble aller de soi. Ce qui eût été possible vers 1825 ne l’était plus après 1831, 1834, 1848. La Commune de Paris bien sûr, mais aussi de Lyon, était d’hier. A cet égard, comment la participation importante et voyante d’officiers en tenue pouvait-elle ne pas exercer un effet de repoussoir ? Sans même évoquer ce dernier point, il était impossible qu’un ouvrier ordinaire, fût-il à l’abri de toute propagande révolutionnaire, pût considérer comme “ouvriers” des cercles où tout avait été conçu pour lui, sans doute, mais sans lui ; des cercles où tout était fait pour assimiler à une vertu chrétienne le respect de l’inégalité sociale, même si les dirigeants y mettaient généralement plus de discrétion qu’un Dominique Meynis21 ; et l’on se demande comment, dans le secret des cœurs, pouvait être accueilli l’enseignement universellement diffusé sur le devoir paternel de bienveillance des classes dirigeantes envers les classes dirigées : beaucoup mieux, sans doute, que nous ne l’imaginons aujourd’hui, mais non par tous, sûrement22. Nombreuses furent les critiques portées très tôt contre les Cercles à ce motif ; la plus pertinente reste peut-être celle du P. Lecanuet : “Flatté peut-être quelque temps de se trouver en relations avec les hommes des hautes classes, (l’ouvrier) est vite gêné au milieu d’eux ; il y manque d’initiative, ne s’y sent pas à l’aise, pas assez chez lui. De plus, il s’accommode mal des règlements minutieux dont on l’enveloppe ; il a le sentiment qu’on veut l’embrigader, faire de lui un chrétien accompli, et il n’aime pas être gêné sous ce rapport. Et malgré les avantages multiples au moyen desquels on s’efforce de l’attirer et de le retenir, malgré l’espèce d’autonomie qu’on a voulu établir dans les cercles, l’ouvrier n’y entre guère ou ne tarde point à reprendre sa liberté”23.

37De fait si, dans les premières années, des ouvriers vinrent aux Cercles, ils n’y restèrent pas. Des listes, avec mentions des professions, ont été conservées par les bureaux de la préfecture. Par chance, elles concernent les deux principaux cercles de Lyon et celui de Villefranche.

38Rue Neyret, en janvier 1874, sur 60 membres, on comptait 32 ouvriers des métiers relevant de la soierie, dont 27 tisseurs ; le reste, de métiers divers, tonnelier, boucher, jardinier, pâtissier, etc. ; pas un employé. Sept ans plus tard, en janvier 1881, situation presque inverse : sur 69 membres, 31 employés ou assimilés (commis, commis de magasin, etc.), 9 ouvriers de la soie seulement, et le reste, divers ; on notera que 15 étaient domiciliés à l’hôtellerie du Cercle. En janvier 1882, 86 membres : 42 employés ou assimilés, 11 métiers de la soierie, le reste, divers, dont 4 poêliers ; 26 logeaient sur place.

39Aux Brotteaux, même situation en décembre 1880, date de la première liste : sur 57 membres, 24 employés, 11 travailleurs de la soierie, le reste divers. Et en novembre 1886 : 64 membres, 28 employés, 2 ouvriers de la soierie seulement, et les divers parmi lesquels, cette année-là, 4 rentiers... (sans doute de tout petits rentiers).

  • 24 Cité par Ph. Levillain, Op. cit., p. 397.

40A Villefranche, la seule liste conservée donne une situation analogue, en août 1880 : 33 membres, 8 employés, 5 jardiniers, et les divers dont... 2 sacristains, qui ne suffisent pas à justifier les moqueries d’un ironiste qui, à la même époque, décrivait la clientèle des Cercles composée de ratés de l’industrie, “employés des librairies cléricales, bedeaux en rupture de hallebarde, sacristains retraités”24.

  • 25 Relevé dans la Semaine catholique du 16 novembre 1877, p. 1017.

41Plaisanterie mise à part, il est clair que, comme tout le monde l’a observé, les Cercles n’effleuraient même pas la classe ouvrière, la vraie, celle des usines. Les quelques travailleurs manuels qu’ils touchaient étaient des ouvriers de l’artisanat, dont le nombre diminua au profit des employés (n’est-ce pas chez les employés que se forma le premier syndicalisme chrétien ?). Cela suffisait pour mettre l’Œuvre en porte-à-faux. “Il y a de tout dans les Cercles d’ouvriers, sauf des ouvriers”, ricanait-on25. Les grands espoirs nourris par Albert de Mun de faire des Cercles l’instrument de la paix sociale apparaissaient dérisoires et, ni du côté des classes dirigeantes, ni du côté des classes populaires, ils ne pouvaient susciter les dévouements nécessaires à une aussi vaste entreprise. L’appellation de “Cercles catholiques” laissant tomber le mot “ouvrier”, de plus en plus couramment employée, montrait bien, même en tenant compte de la commodité de l’abréviation, que l’on ne se faisait plus guère d’illusion.

La concurrence des cercles paroissiaux

42De bonnes raisons étaient réunies pour faire craindre une disparition pure et simple des Cercles. Pourtant, ils vécurent, et même connurent un second départ, au prix, il est vrai, de changements substantiels dans l’esprit de l’Œuvre comme dans l’organisation et la vie ordinaire des Cercles.

  • 26 Oeuvre des Cercles (...). Instruction (...)

43Il convient ici, et il est grand temps, de rappeler sur quels principes l’Œuvre avait été conçue et comment elle devait fonctionner, selon ce que prescrit le manuel déjà cité26, qui devait servir à la fois de constitution et de directoire. Revenons d’abord sur un point essentiel, dont l’oubli fait commettre des contre-sens sur l’Œuvre et ses résultats : “L’action de l’Œuvre s’exerce (...) par des associations catholiques recrutées dans la classe dirigeante (...). L’Œuvre est tout entière dans ces quelques mots”. Et l’on insiste : “C’est à la classe dirigeante qu’il faut s’adresser d’abord, c’est elle qu’il faut atteindre, émouvoir, convaincre de son obligation et entraîner dans cette voie du dévouement à la classe ouvrière où nous prétendons la conduire” (p. 37-38). L’Œuvre, qui a “pour principes les définitions de l’Église sur ses rapports avec la société civile” (p.17), se met “sous la tutelle” du pape et des évêques (p. 21). Ses membres “sont unis par un lien religieux”, c’est-à-dire un ensemble de pratiques pieuses (p. 23). Elle est dirigée de Paris par un comité central dit “Comité de l’Œuvre”, duquel dépendent les “Comités locaux” dont chacun, dans sa ville, crée et patronne les Cercles d’ouvriers.

44Le Comité local, qui doit correspondre régulièrement avec le Comité central, comprend quatre sections : propagande et recrutement (des membres du comité, choisis dans la classe dirigeante), fondation et direction des Cercles, finances, enseignement. Une association de “Dames patronnesses”, étroitement liée au Comité local, l’aide à la propagande et à la collecte des fonds, car le Comité assure une partie au moins du financement de la vie des Cercles. Chaque Cercle est institué autour d’un aumônier et d’une chapelle, de sorte que son caractère catholique soit explicite et public ; c’est là une condition essentielle, tout au plus peut-il être envisageable que, dans les petites villes, l’aumônier soit le curé, et la chapelle l’église paroissiale. Le gouvernement du cercle est confié à un “Conseil intérieur” élu par les ouvriers membres, sous le contrôle (ceci est important) d’un “directeur” nommé par le Comité local, selon le principe “qui fait à la classe élevée un devoir d’exercer vis à vis de la classe ouvrière son droit de direction” (p. 60).

45Ce cadre institutionnel fortement charpenté et minutieusement organisé, comme il convient à une œuvre créée par un officier d’état-major, faisait apparaître les caractéristiques principales de l’Œuvre. C’était une œuvre à direction et orientation nationale, que chaque Comité local et chaque Cercle devait respecter s’il voulait de réclamer d’elle. C’était une œuvre catholique, explicitement soumise au magistère, mais à un échelon suffisamment élevé pour n’en être pas gênée dans sa vie quotidienne, car c’était une œuvre laïque : les aumôniers avaient, certes, dans les Cercles, une place non seulement nécessaire mais principale, mais les Comités se gouvernaient eux-mêmes, comme il convenait à des membres de la classe dirigeante, et ce sont des laïcs qui, sous leur contrôle, dirigeaient les Cercles.

46Il y avait là matière à bien des difficultés, en des temps où l’on assistait à un prodigieux essor de la vie paroissiale. Curés et vicaires multipliaient les œuvres (hommes, femmes, jeunes gens, enfants) et les manifestations de vie collective (séances théâtrales, ventes de charité...). Ayant de leurs devoirs de pasteur le sens le plus élevé, ils se voulaient les guides, spirituels, moraux, voire universels de la communauté d’âmes dont ils avaient la charge. Pas de devoir sans droit correspondant : le curé avait celui d’être maître dans sa paroisse, sans qu’une initiative extérieure vînt y semer le désordre. Il va de soi que l’arrivée, sur le territoire paroissial, d’un cercle dépendant d’un comité laïc composé de gens peu connus risquait fort de semer le trouble, par l’installation d’un corps étranger qui échappait au légitime pasteur et qui attirait à soi des paroissiens enlevés à la vie commune. L’origine populaire de la majorité du clergé diocésain n’était pas de nature à lui donner meilleure confiance en l’Œuvre des Cercles. Ces messieurs ou notabilités sociales, on les respectait, cela va de soi ; mais on savait aussi bien qu’eux ce qui convenait au peuple, et l’on n’était pas disposé à leur laisser la direction de ce qu’on n’appelait pas encore la pastorale.

  • 27 Antoine Déflotrière, Lettres d’un tisseur, Lyon, Jevain, 1891.

47Comme il se doit, on n’a pas manqué d’ironiser sur cette réaction cléricale et, sans se donner la peine de l’analyser, on a voulu la réduire à une question de susceptibilité mesquine. Il y avait bien davantage. A Lyon, un jeune prêtre faisait quasiment figure d’archétype de ce clergé veuillotiste. Antoine Déflotrière (1840-1891), de famille ouvrière, vicaire à Saint-Augustin en 1866, fut avec son curé, l‘abbé Parrel, auquel il succéda en 1881, un créateur et animateur d’œuvres : enfants, filles, jeunes gens, hommes, femmes, chaque catégorie avait la sienne ; les genres étaient divers : confrérie, “fourneau économique”, patronage, bureau de placement, représentation des “Mystères de Noël”, bonne presse, et, nous le verrons, cercle d’hommes et cercle de jeunes gens. De 1870 à 1876, il publia dans le journal légitimiste Le Télégraphe (non que le retour du roi le préoccupât beaucoup, mais, jusqu’en 1879, il n’y eut pas de quotidien catholique) des billets qui furent repris en volume après sa mort27 et dans lesquels, outre son ardeur pour la défense religieuse contre la franc-maçonnerie et l’anticléricalisme, il exprimait son zèle pour l’amélioration de la condition ouvrière sous la houlette ecclésiastique. Un tel homme n’était certainement pas près d’abdiquer son autorité paroissiale devant des bourgeois venus d’ailleurs, si bien disposés fussent-ils.

48La question fut posée très tôt, le 25 avril 1874, dans le bulletin du diocèse, à l’occasion, précisément, d’une fête au cercle paroissial de Saint-Augustin. Le rédacteur anonyme décrivait la bonne santé du cercle, dirigé par un vicaire non nommé (Déflotrière), favorisant la détente et la formation de ses membres dont le nombre approchait la centaine ; le cercle distribuait un “livret-diplôme” destiné à faciliter l’embauche chez les patrons catholiques et l’entrée dans les autres cercles de la ville. Ici, le lecteur sursaute. Le livret-diplôme était une invention de l’Œuvre des Cercles, qui devait établir, un peu à l’image des diplômes compagnonniques, un lien entre les Cercles ouvriers des différentes villes, et qu’Albert de Mun, justement, n’avait pas réussi à faire admettre au congrès de l’Union des Œuvres en 1872. Et l’on précisait : “La Société de Saint-Augustin, tout en restant œuvre paroissiale, est affiliée à l’Union générale des Œuvres catholiques”, cette même Union qu’Albert de Mun avait en vain essayé d’attirer dans son orbite. Mais quand, plus loin, on redit que le cercle de Saint-Augustin est affilié “aux Cercles catholiques”, l’imprécision du vocabulaire ne révèle-t-elle pas une certaine confusion dans les esprits ? Et le rédacteur continue : “Auquel de ces deux genres de cercles, le cercle paroissial et le cercle non paroissial, faut-il donner la préférence ? Le cercle paroissial a surtout pour but de maintenir et de préserver les bons jeunes gens ; le cercle non paroissial peut avoir une action plus étendue et offrir un asile, soit aux ouvriers sans famille, soit à ceux qui, tout en voulant le bien, ne se sentent pas encore assez affermis dans la pratique des devoirs chrétiens pour entrer dans les sociétés paroissiales”. Au fond, se profilait une distribution des rôles : à la paroisse, la gestion de la chrétienté existante, aux œuvres non-paroissiales, la mission. Chacune avait sa raison d’être. Cela n’eût certainement pas déplu à Albert de Mun.

  • 28 Ibidem, p. 71.

49Une réponse fut apportée dans le numéro du 20 juillet suivant, par l’abbé Déflotrière qui se sentait à juste titre personnellement concerné. Deux ans plus tôt, lors de l’inauguration du Cercle de la rue Neyret, il en avait pris la défense contre les sarcasmes du Petit Lyonnais. Mais il fallait bien faire front contre les anticléricaux28. Maintenant, en dix pages fort argumentées, il démontrait l’avantage du cercle paroissial. “Celui, d’abord, inappréciable à notre avis, de faire suite à l’œuvre de persévérance, de prendre l’enfant à douze ans et de continuer, sans interruption, son éducation morale jusqu’au moment où il devient homme fait ; celui, ensuite, de former de vrais fidèles, de vrais paroissiens” (souligné dans le texte). En outre, les comités responsables des “cercles généraux” peuvent passer, la paroisse, elle, reste ; elle est un véritable “comité permanent”, elle a “toujours des ressources pour les bonnes œuvres”, comme le montre l’exemple d’Oullins, où le curé a trouvé de quoi monter et équiper des cercles d’hommes et de jeunes gens, et bientôt une école. Stabilité, insertion dans ce qu’on n’appelait pas encore la pastorale, mais aussi, il faut bien le dire, évacuation, au moins apparente, de la préoccupation missionnaire, voilà ce qu’un pasteur ayant pleinement le sens de sa responsabilité voyait dans l’organisation paroissiale des cercles. Il pouvait bien donner à l’Union des Œuvres une affiliation rien moins que contraignante, et emprunter sans vergogne à l’Œuvre des Cercles d’ouvriers le “livret-diplôme”, c’était bien un cercle paroissial, offrant à ses membres à peu près la même chose que les Cercles d’ouvriers, mais sous la direction du clergé paroissial et non d’un comité de messieurs auto-désignés pour venir à sa place s’occuper de ses jeunes gens.

50Si l’abbé Déflotrière avait fait paraître son article à cette date, c’est qu’au mois d’août suivant allait se tenir à Lyon le congrès de l’Union des Œuvres. Le compte rendu en fut donné, le 5 septembre, par l’abbé Desgeorges, supérieur des prêtres de Saint-Irénée, homme prudent, respecté et influent. La question avait été posée au congrès : “Tout en rendant hommage aux Cercles catholiques d’ouvriers, on s’est demandé si la création de ces cercles ne nuisait pas à l’esprit paroissial (...). Nous ne nous permettrons pas de résoudre cette question, mais nous ne croyons pas qu’elle soit insoluble. (...) On se fera dans les deux camps de mutuelles concessions. On comprendra de plus en plus que, pour qu’une organisation soit solide et durable, il faut qu’elle ait reçu l’approbation de l’évêque du lieu, que c’est de cette autorité que doit émaner la vie des œuvres diocésaines ; et c’est par le comité qu’auront institué NN.SS. les évêques que s’établira une union parfaite avec le bureau central”. Sur un ton modéré, mais avec grande netteté, était rappelée l’existence de l’évêque, un peu oubliée par les protagonistes.

51D’ailleurs, depuis le début de mars 1873, existait un “Conseil diocésain des œuvres catholiques” d’hommes et de jeunes gens, correspondant de l’Union des Œuvres. Le colonel Lion, président à Lyon de l’Œuvre des Cercles, en faisait bien partie, mais au milieu de sept ecclésiastiques et trois autres laïcs (dont le président de l’Association des patrons catholiques). Dans le même esprit, le bulletin diocésain prêtait attention aux manifestations et congrès de l’Union des œuvres dont la section lyonnaise célébrait sa fête annuelle chaque année à la Saint-Joseph...comme l’Œuvre des Cercles.

  • 29 Semaine catholique de 1874, p. 443, 685.

52Devant cette position du clergé, très forte en fait comme en droit, que pouvait faire l’Oeuvre des Cercles, et derrière elle la Congrégation ? Sa situation en porte-à-faux commençait de se faire sentir, elle n’avait pas le choix : d’une part, accepter l’intégration des Cercles dans la vie paroissiale, au prix d’une altération de ses structures et de son esprit ; d’autre part, conserver l’Œuvre et obtenir des cercles une affiliation au moins nominale qui permettrait de poursuivre une politique de présence et d’influence. Cela ne se réalisa que peu à peu et, selon toute vraisemblance, par la force des choses plus qu’en exécution d’un plan consciemment dressé. Mais M. Desgeorges l’avait bien dit : “Pourquoi exiger que les institutions nouvelles appelées à nous sauver aient atteint la perfection de leur développement dès le premier jour ? Est-ce ainsi que les hommes inventent ? Sachons attendre les leçons de l’expérience (...)”. Déjà des Cercles dépendant officiellement de l’Œuvre présentaient cette structure hybride : Saint-Georges, Oullins, les seuls, et ce n’est pas un hasard, appelés à durer. Déjà on commençait, quand on désignait les Cercles catholiques d’ouvriers, à les appeler simplement “Cerles catholiques”29.

Sur de nouvelles bases

  • 30 L’aumônier du Comité des Cercles apparaît dans l’annuaire diocésain de 1885 : Victor Nitellon (1885 (...)

53La crise politique de 1879-1880 mit sans aucun doute l’Œuvre des Cercles à Lyon en position de faiblesse, et facilita une prise de contrôle par l’autorité ecclésiastique. C’est sur le ton d’un responsable que l’abbé J.-M. Petit, le 7 décembre 1883, présenta dans le bulletin diocésain les travaux de l’assemblée régionale des Cercles, tenue quelques jours avant. Il n’avait pourtant pas le titre d’aumônier du Comité : celui-ci n’apparaît dans l’annuaire diocésain que deux ans plus tard, désigné donc dans le courant de 188430. En août et septembre 1885, le même bulletin publia une conférence prononcée par l’abbé Pierre Dadolle, professeur aux Facultés catholiques, en présence du cardinal Caverot et devant un auditoire d’hommes d’œuvres, pour leur présenter les Cercles. Il parle de “notre Œuvre”, sur le ton du responsable lui aussi, et considère comme sien le travail de propagande fait depuis deux ans auprès du clergé : distribution de plus de vingt mille tracts et brochures sur l’Œuvre et sur la vision chrétienne des problèmes du travail ; diffusion également, à plus de cinq mille exemplaires, de brochures sur les syndicats mixtes dans les boutiques, les ateliers et les usines. Ton de responsable, également, pour parler de l’aménagement des structures des Cercles ouvriers : les “Conseils de quartier” patronnant les Cercles envoyaient maintenant chacun deux délégués à un “Conseil central” présidé par deux membres du Comité, qui permettait de mieux coordonner les efforts. C’était là la seule allusion faite à l’existence du Comité.

54Mais les Cercles n’étaient plus que trois : la Croix-Rousse, Saint-Georges, Saint-Pothin, tout juste sorti “d’une période de réorganisation matérielle et morale” (nous savons qu’il s’agit de la crise de 1879-1880), plus un nouveau, Saint-Bernard, en train de s’organiser “selon nos plans”.

55Il était dans la logique des choses que, tôt ou tard, un rapprochement se fît entre les cercles paroissiaux proprement dits et les Cercles de l’Œuvre. Avant même qu’eussent disparu les cercles de la Croix-Rousse (1891) et des Brotteaux ou Saint-Pothin (1892), des cercles paroissiaux firent leur apparition dans la liste des Cercles affiliés à l’Œuvre : en 1884, Saint-Bernard, existant dès 1878 ; entre 1885 et 1888, ce furent Sainte Blandine, et Saint-Augustin fondé en 1873 par Déflotrière ; Saint-Denis suivit en 1889, Saint-Bruno en 1895, Saint-Eucher en 1900. On peut également mentionner un cercle qui fonctionna au Prado, signalé entre 1894 et 1900.

  • 31 Texte du statut publié dans la Semaine religieuse de 1902, p. 298.

56En 1892, Mgr Déchelette, vicaire général, venu bénir le nouveau local du Comité, au 1 de la rue du Peyrat, pouvait féliciter l’Œuvre des Cercles “des efforts qu’elle a fait ces derniers temps pour se rapprocher de la forme paroissiale et rendre plus intimes les liens qui la reliaient au clergé”. De fait, les “cercles catholiques”, appelés encore parfois, mais de plus en plus rarement, “Cercles catholiques d’ouvriers”, ne ressemblaient plus du tout à ce qu’avait imaginé au départ Albert de Mun : le directeur du cercle n’était plus un homme du Comité, nommé par lui, c’était un vicaire de la paroisse, délégué par le curé et sous l’autorité duquel un président désigné par un conseil élu administrait et gérait la vie courante. La situation, d’ailleurs, ne devait pas être spéciale à Lyon et se répandait vraisemblablement dans toute la France ; j’en veux pour preuve qu’en 1902 l’Œuvre dut entériner le changement en diffusant une nouveau statut-type de cercles, “associations paroissiales d’hommes” sous le patronage de Notre-Dame du Travail, chacune dirigée par le curé et administrée par un comité paroissial31.

57Dans ces conditions, quel avantage pouvait représenter pour un cercle paroissial son affiliation à l’Œuvre ? D’une part, elle pouvait procurer une aide financière, soit régulière, soit en vue d’un projet précis, grâce aux fonds que continuait de recueillir le groupe des Dames patronnesses. En outre, le Comité lyonnais avait mis sur pied, ou contribué à fonder, des institutions que nous retrouverons plus loin et qui pouvaient rendre bien des services. Enfin, le clergé n’était évidemment pas indifférent au fait que, par le canal de l’Œuvre, on pouvait être tenu au courant du mouvement de la pensée catholique en matière sociale.

  • 32 Henri Hours, “Monseigneur Mermillod et Lyon”, Église à Lyon, 2 juin 1995.

58De son côté, en effet, si l’Œuvre des Cercles, et par elle, à Lyon, la Congrégation, persistaient à maintenir le Comité, c’est qu’elles avaient la conviction d’avoir à défendre une conception du catholicisme social capable d’améliorer la condition populaire sans favoriser les destructions révolutionnaires. Après une brève période d’extrême discrétion, entre 1881 et 1883, peut-être due au désir de ne pas faire trop parler de soi après la crise de 1880, et pendant laquelle le nom de l’Oeuvre des Cercles disparaît presque de la Revue hebdomadaire du diocèse, l’assemblée régionale des Cercles tenue en 1883 donne l’impression d’un nouveau départ : les séances d’études furent toutes consacrées à la corporation et au régime corporatif, alors que, jusque-là, il ne semblait pas que les Cercles dussent se préoccuper de telles questions. En en rendant compte dans le bulletin diocésain, l’abbé Petit en profita pour présenter une théorie des Cercles, encore organisés sur les principes de 1872, mais maintenant conçus comme foyers d’institutions mutualistes et corporatives (banques populaires, sociétés de consommateurs et de secours mutuels, écoles professionnelles) et, à partir de là, comme centres d’une renaissance des corporations où la réunion des patrons et des ouvriers serait source de paix sociale et de progrès matériel et moral. Le 15 janvier 1886, la revue du diocèse publiait encore des extraits d’une étude parue dans La Corporation, organe de l’Oeuvre des Cercles, où l’on montrait combien cette dernière était fidèle à la pensée exprimée sur ce sujet par Léon XIII dans l’encyclique Humanum genus, du 20 avril 1884. Une telle orientation se prenait, à n’en pas douter, sous l’impulsion d’Albert de Mun, l’une des principale figures de l’ “Union de Fribourg” qui, autour de Mgr Mermillod, construisait la pensée sociale corporative, bientôt confirmé par Rerum novarum. A Lyon, elle trouvait parmi les membres de la Congrégation un terrain favorable. Plusieurs d’entre eux, d’ailleurs, étaient amis personnels de l’évêque de Fribourg, qui prit le plus notable, Lucien Brun, comme l’un de ses conseillers préférés et le fit entrer dans l‘ “Union”32.

59Cette ligne fut vigoureusement suivie tout au long des années 90. A l’assemblée régionale tenue du 14 au 16 décembre 1894 (la première depuis celle de 1883), l’Oeuvre des Cercles apparut comme un centre d’action et de réflexion du catholicisme social. Non seulement par ses cercles de Lyon (ils étaient six, maintenant). Non seulement par les oeuvres et institutions qu’elle avait créées (les “Conférences populaires”, fondées en 1888 dans la paroisse Saint-Denis et maintenant largement répandues ; les “Secrétariats du peuple”, trois à Lyon, à la fois bureaux de placement, bureaux de consultations médicales et juridiques, bureaux d’aides diverses ; une maison de famille pour les jeunes ouvriers maçons ; la Corporation des Tisseurs lyonnais, association professionnelle mixte fondée en 1885 ; le Syndicat mixte du Bâtiment, créé en 1884 ; les sociétés de secours mutuels pour couturières, lingères, brodeuses, domaine particulier des Dames patronnesses). Mais aussi par sa volonté affirmée de relations avec les séminaires et le clergé, et avec les autres oeuvres dont l’esprit était proche : l’A.C.J.F., la Ligue lyonnaise du repos dominical, l’oeuvre des “Caisses rurales”, et jusqu’à une coopérative de consommation, “La Fraternelle”, fondée par l’abbé Déflotrière. Une conférence finale donnée par Léon Harmel qui, sous la présidence du cardinal Coullié, avait exercé sur les trois journées une sorte de magistère moral et doctrinal, contribua à faire de cette assemblée un moment important du catholicisme lyonnais.

60Recommandés par Harmel et par une importante circulaire de Mun que l’abbé Petit commenta dans le bulletin diocésain du 27 juillet 1894, encouragés par Mgr Coullié, des cercles d’études firent leur apparition dans la mouvance de l’Oeuvre, destinés à travailler la question de la corporation et de l’association ouvrière (entendons : le syndicat).

  • 33 Christian Ponson, Les catholiques lyonnais et la Chronique sociale, Lyon, P.U.L., 1979, p. 60.

61A la même époque, sous l’impulsion de Victor Berne (membre de la Congrégation) et du jeune Marius Gonin, se développait et prenait forme la Chronique des Comités du Sud-Est, certes très différente de l’Oeuvre des Cercles, mais nécessairement amenée à côtoyer l’activité que celle-ci paraissait vouloir coordonner. Entre les deux, y eut-il rivalité, conflit ? Ce n’est pas sûr, et l’on n’en rencontre aucune trace. Mais déjà, cependant, se faisaient sans doute sentir les germes de la divergence qui allait bientôt séparer le catholicisme social conservateur dont se réclamait l’Oeuvre des Cercles, et à Lyon la Congrégation, et le catholicisme social démocratique, dont Gonin allait être un acteur notable. En 1895, la Chronique dut quitter, dans des circonstances mal connues, le local du 1 rue du Peyrat où la Congrégation hébergeait le Comité de l’Oeuvre des Cercles avec La Croix de Lyon et d’autres oeuvres filiales, pour s’installer dans le même pâté de maisons, au 10 du quai Tilsitt. Déplacement de faible amplitude dans l’espace, mais de grande signification33.

  • 34 Augustin Crétinon, Marius Gonin, Lyon, 1938, p. 119.

62Par la suite, il semble que la question de la corporation cessa d’intéresser l’Oeuvre, à Lyon tout au moins. D’ailleurs, les divers cercles ne parvinrent guère à mettre sur pied des cercles d’études vivants, sinon, vraisemblablement, dans les paroisses ou un curé, un vicaire, un homme actif s’y intéressait particulièrement, sans que ce fût nécessairement dans le cadre de l’Oeuvre. Même, donc, s’il n’y eut pas rivalité à proprement parler, il est extrêmement vraisemblable que l’organisation structurée des “groupes d’études” de la Chronique, qui se dotait peu à peu d’un corps de doctrine et où le style de réunions et l’organisation du travail n’avaient plus aucun rapport avec “le dévouement des classes élevées aux classes populaires” (telle était encore la consigne donnée par Albert de Mun à l’Assemblée générale des Cercles en mars 1894), il est vraisemblable que les Groupes d’études de la Chronique attiraient inévitablement à eux les éléments qui eussent été susceptibles d’animer des cercles d’études paroissiaux dans la mouvance de l’Oeuvre. De toute façon, il n’y eut pas séparation, encore moins hostilité. On vit Augustin Crétinon porter la parole au nom de l’Oeuvre, dont le président et l’aumônier, Horace Marion et Mgr Petit, en 1904, firent partie du comité de patronage de la première Semaine Sociale, alors que le clergé lyonnais s’y intéressa fort peu34.

Des cercles paroissiaux affiliés à l’Oeuvre

  • 35 Semaine religieuse, 1901/1, p. 425.
  • 36 Une bonne liste est donnée par A. Vachet, Lyon et ses oeuvres, Lyon, Vitte, 1900, p. 86, même s’il (...)
  • 37 A l’assemblée régionale de 1894, Semaine religieuse, 1895/1, p. 95. Sur le plan national, voir Leca (...)
  • 38 Le Nouvelliste, 20 février et 12 décembre 1910.

63Le Comité de l’Oeuvre conservait son rythme de travail. Tous les mercredis, à 8 heures du matin, réunion du Comité ; le lundi, réunion du secrétariat constitué du président et des chefs de sections (propagande, direction des cercles, financement et trésorerie, “jeunes gens” ou conférences de Saint-Vincent-de-Paul) ; comité des Dames, le 3ème vendredi35. On continuait de veiller aux oeuvres patronnées, qui touchaient plus de deux mille adhérents36, et l’on en créa même de nouvelles : “Cercle amical artistique”, en 1903, une section lyonnaise de l’ “Oeuvre dominicale de France”, en 1904. Mais on n’échappe pas à l’impression d’une diminution de la vitalité, d’une absence de renouvellement au sein du Comité. Il y avait d’ailleurs un certain temps que l’on se plaignait de la difficulté de recruter des dévouements pour l’Oeuvre37. Les conférenciers poursuivaient leurs efforts : l’abbé (puis Mgr) Petit, Louis de Longevialle, Emmanuel Lucien-Brun, aidés de Paul Duquaire, M. Bougaud, voire de l’abbé Faurax. Mais, à mesure que les circonstances publiques changeaient et que s’intensifiait la politique anticléricale, le thème social et corporatif passait au second plan dans les propos, et celui de la défense religieuse l’emportait. En 1910, le comité organisa deux grandes conférences publiques, l’une du sénateur de la Lozère Las Cases, sur la défense religieuse, la seconde du sénateur du Morbihan Lamarzelle, sur la question sociale au sein de la défense des catholiques38 ; à chacune un aréopage de notables, composé à plus de 70 et même 80 % de membres de la Congrégation, cautionnait l’appartenance conservatrice de l’Oeuvre.

  • 39 Semaine religieuse, 9 mai 1913, p. 68.
  • 40 Semaine religieuse, 1901/1, p. 425 et 1914/1, p. 241 ; Le Nouvelliste, 20 février 1910.

64Les cercles, eux, se portaient bien et vivaient en paix, de plus en plus assimilés au modèle paroissial : messe et communion mensuelle, parfois réunion mensuelle d’étude, participation aux manifestations de la paroisse (ventes de charité et kermesses entraient dans les habitudes), chorales, représentations théâtrales. Chaque paroisse avait son jeu de boules et les concours étaient, avec la fête patronale de la Saint Joseph, toujours ponctuellement célébrée, les seules occasions pour les cercles de se rencontrer ; le premier que j’aie repéré fut organisé par le cercle de Saint-Irénée, le 24 juin 1898. Somme toute, à peu près rien ne différenciait plus du cercle paroissial d’hommes ou de jeunes gens les cercles affiliés à ce qui s’appelait encore l’Oeuvre des Cercles Catholiques d’Oeuvriers, même si Albert de Mun essayait de leur conserver une note particulière de “groupes de travailleurs”39. Et pourtant, ils se développaient : on en comptait huit sur Lyon en 1901, seize en 1910, vingt-huit en 191440.

65La guerre ne fut pas une rupture. Sitôt la paix revenue, chaque cercle retrouva dans sa paroisse ses activités, s’il les avait interrompues, et le rite de l’assemblée générale pour la Saint-Joseph, en mars, reprit vigueur : messe, souvent en l’église du Saint-Nom-de-Jésus, que le cardinal Maurin aimait présider ; banquet, auquel participaient des prêtres aumôniers des cercles, ou connus pour leur intérêt porté à la question sociale, notamment les abbés Firmin, Boisard, Charavay. Etaient bien entendu présents de nombreux membres du Comité de l’Oeuvre, dont le bureau (président, vice-présidents, trésorier) était toujours entièrement composé de membres de la Congrégation. Des toasts étaient portés, des orateurs invités prenaient la parole, soulignant le rôle social irremplaçable du catholicisme face aux sectaires et au Bloc. La dernière fête patronale dont fasse mention la Semaine religieuse, notre seule source, se tint en mars 1932.

  • 41 Je remercie M. Louis de Longevialle, son petit-fils, de m’avoir aimablement communiqué les textes m (...)

66Louis de Longevialle restait l’apôtre infatigable. De 1930 à 1935, presque jusqu’à sa mort, survenue en avril 1936, il ne participa pas à moins de vingt manifestations les plus diverses des cercles affiliés à l’Oeuvre : représentations théâtrales, banquets commémoratifs ; chaque fois, il prononçait une allocution cordiale et spirituelle, dans laquelle il faisait passer le message, naguère reçu d’Albert de Mun et maintenant associé à la défense de l’Église41.

  • 42 Antoine Lestra, Une page d’histoire religieuse en France. L’exposition catholique de Lyon, Lyon, (1 (...)
  • 43 Chiffres donnés par la Semaine religieuse (1927 et 1931), une allocution de L. de Longevialle, et l (...)

67Les Cercles furent présents à l’Exposition Catholique organisée à Lyon, en mai et juin 1936, sous l’impulsion du cardinal Maurin. Un stand y fut occupé par le “Comité central des Cercles catholiques d’hommes de Lyon”, qui annonçait sans ambiguité sa filiation à partir des Cercles catholiques d’ouvriers créés en 1872, et faisait état de cinquante-deux cercles menant, en ville et dans la banlieue, des activités tout à fait semblables à celles qui avaient été les leurs depuis trente ou quarante ans ; un comité de dames continuait de se dévouer pour rassembler des moyens financiers42. La première des nombreuses manifestations organisées à l’occasion de l’Exposition le fut par le Comité des Cercles, le 17 mai, avec une conférence de Robert Garric. C’est là la dernière mention que j’aie trouvée sur son existence. Quant aux cercles, complètement assimilés à des cercles paroissiaux ordinaires, on ne pensait plus à eux comme touchant au monde du travail : ils ne sont pas cités parmis les oeuvres, syndicats et mouvements qui, à l’Ascension de 1927, 1928, 1929, célébrèrent la “fête du Travail chrétien”. D’ailleurs, nous l’avons vu, depuis 1916, ils n’avaient plus d’aumônier général pour Lyon. Cela ne les empêchait pas de prospérer, de la vie paisible dont vivaient les paroisses à la veille de la seconde guerre. Ils étaient trente-neuf en 1927, quarante-et-un en 1931, quarante-neuf en 1935 (pour six mille adhérents), cinquante-deux en 193643. Une telle progression ne donne pas le sentiment d’un déclin.

68Je me souviens qu’enfant, en 1936 ou 1937, il m’arriva d’assister à une revue donnée par les diverses associations paroissiales du Saint-Nom de Jésus, au premier rang desquelles était “le Cercle des hommes” ; je pourrais encore chanter le couplet d’une chanson qui plaisantait “ces messieurs du jeu de boules”. Je ne comprenais évidemment pas, alors, que j’avais sous les yeux le dernier avatar, parfaitement méconnaissable, de l’oeuvre fondée en 1872 par Albert de Mun, et dont l’esprit s’était évaporé. Selon toute vraisemblance, la plupart des cercles poursuivirent leur existence durant la guerre et l’occupation, malgré l’absence des prisonniers, et s’éteignirent sans bruit, l’un après l’autre, dans les années qui suivirent.

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Notes

1 En l’absence des archives de la Direction diocésaine des oeuvres, disparues en 1960, la source principale de ce travail est le bulletin officiel du diocèse : Semaine catholique de Lyon (jusqu’en 1880), Revue hebdomadaire du diocèse de Lyon (1881-1893), Semaine religieuse du diocèse de Lyon (à partir de 1894). Les dossiers du contrôle des Cercles par la préfecture (A.D.Rhône, 4 M 631) apportent un complément important sur les dates de fondation et de disparition des Cercles, sur la composition sociale de certains d’entre eux, et sur la crise politique de 1879-1880.

2 A. de Mun, Ma vocation sociale, Paris,Lethielleux, 1908, p. 122 ; repris par Ph. Levillain, Albert de Mun, Rome, Ecole française, 1983, p. 299-301. Voir aussi M. Mayet, Une éducatrice. Melle Dissard, Lyon, Vitte, 1912, p. 123-127, et le rapport du colonel Lion dans Compte rendu de la séance solennelle d’inauguration du Cercle des Brotteaux à Lyon, le 1er décembre 1872, Lyon, 1872, 20 p.

3 Louis de Vaucelles, “Le Nouvelliste de Lyon” et la Défense religieuse, Paris, Belles-Lettres, 1971, p. 43.

4 Présidents de l’Oeuvre des Cercles à Lyon : colonel Lion (1872-1874), Antoine Mollière (1874-1876...), Albert Gros ?, Scipion Debanne (...1895...), Edouard Blanc (...1897...), Horace Marion (...1905-1908), Joseph Lucien-Brun (1908-1929), Jean Méline (1929-1936...). Le seul non congréganiste fut Edouard Blanc.

5 Le Nouvelliste, 18 novembre 1910.

6 Archives de l’Archevêché de Lyon, I. 227.

7 Dite aussi “Association catholique des Patrons de Lyon”. Les historiens qui en parlent donnent parfois l’impression qu’elle visait les grands responsables de l’économie. Si de grands patrons en firent effectivement partie (on les retrouve à la fondation du Nouvelliste, en 1879), on peut penser que ce fut pour témoigner de la sollicitude des riches envers les humbles, et pour encadrer et guider ces derniers. La carte de l’Association était utile aux patrons tisseurs pour trouver du travail auprès des fabricants catholiques (A. Déflotrière, dans Le Télégraphe du 15 janvier 1873). En 1873, la section des Brotteaux se réunissait dans le local du Cercle catholique d’ouvriers de la rue Duguesclin (A.D.Rh., 4 M 631, dossier du cercle des Brotteaux). Voir dans la Semaine catholique (1873, p. 927 ; 1874, p. 191 et 367) des informations montrant à l’évidence que le public visé par l’Association était celui de l’artisanat.

8 Oeuvre des Cercles catholiques d’ouvriers, Instruction sur l’Oeuvre, Paris, 1876, p. 180.

9 J.-L. Baumont, “Une association de laïcs catholiques : la Congrégation de Lyon (...) 1817-1840”, Mélanges André Latreille, Lyon, 1972, p. 511-532, notamment p. 525.

10 A. de Mun, Ma vocation (...), p. 129.

11 La Semaine catholique, 10 août 1872, p. 724.

12 Compte rendu de la séance solennelle (...)op. cit.

13 L’Echo de Fourvière, 1872, p. 535 et 558.

14 Oeuvre des Cercles catholiques d’ouvriers, Compte rendu sur le Cercle du Jardin des Plantes, rue Neyret 1, à Lyon, Lyon, Pitrat, février 1881.

15 J.-B. Martin, La paroisse Saint Pothin (Lyon), Lyon, Vitte, 1900, p. 33.

16 Citons simplement Philippe Levillain, Albert de Mun, p. 931 et suivantes.

17 Ibidem.

18 Toute l’abondante correspondance sur la surveillance politique des cercles se trouve dans le dossier de celui des Brotteaux.

19 J.-B. Martin, Op. cit., p. 33.

20 Oeuvre des Cercles (...), Instruction (...), p. 7.

21 D. Meynis, Les Moeurs lyonnaises dans les premières années du XIXe siècle. Lecture faite au Cercle catholique d’ouvriers de Saint Irénée, Lyon, Josserand, 1874, p. 22 : l’inégalité est un fait de nature. “Dans le ciel, l’inégalité ne nuit au bonheur de personne ; sur la terre, il est un moyen de la rendre supportable, douce même, c’est la charité. A ce sentiment est due la fondation des Cercles catholiques qui, en rapprochant les différentes classes sociales, leur apprendront à se connaître et à s’estimer réciproquement”.

22 Contentons-nous de ces extraits du compte rendu du sermon prononcé à la messe patronale des Cercles en 1878 par le P. Fristot :”Les hommes qui se sentent supérieurs à leurs frères par la possession de la richesse, de la culture intellectuelle et morale, de l’influence sociale, doivent tendre paternellement la main à ceux qui sont dépourvus ou moins libéralement dotés de ces biens par la Providence”. (Oeuvre des Cercles (...), Comité de Lyon, Fête patronale et sermon, 31 mars 1878. Compte rendu, Lyon, 1878, p. 20). Souligné dans le texte.

23 Lecanuet, L’Église de France sous la IIIe République. I. Les dernières années du pontificat de Pie IX, Nelle éd., Paris, Alcan, 1931, p. 422.

24 Cité par Ph. Levillain, Op. cit., p. 397.

25 Relevé dans la Semaine catholique du 16 novembre 1877, p. 1017.

26 Oeuvre des Cercles (...). Instruction (...)

27 Antoine Déflotrière, Lettres d’un tisseur, Lyon, Jevain, 1891.

28 Ibidem, p. 71.

29 Semaine catholique de 1874, p. 443, 685.

30 L’aumônier du Comité des Cercles apparaît dans l’annuaire diocésain de 1885 : Victor Nitellon (1885-1891) ; après lui, Jean-Marcellin Petit (1891-1910), et Laurent Socquet (1910-1916), qui ne fut pas remplacé.

31 Texte du statut publié dans la Semaine religieuse de 1902, p. 298.

32 Henri Hours, “Monseigneur Mermillod et Lyon”, Église à Lyon, 2 juin 1995.

33 Christian Ponson, Les catholiques lyonnais et la Chronique sociale, Lyon, P.U.L., 1979, p. 60.

34 Augustin Crétinon, Marius Gonin, Lyon, 1938, p. 119.

35 Semaine religieuse, 1901/1, p. 425.

36 Une bonne liste est donnée par A. Vachet, Lyon et ses oeuvres, Lyon, Vitte, 1900, p. 86, même s’il se montre critique à l’égard de l’Oeuvre des Cercles.

37 A l’assemblée régionale de 1894, Semaine religieuse, 1895/1, p. 95. Sur le plan national, voir Lecanuet, Op. cit., p. 417, citant V. Marolles en 1895.

38 Le Nouvelliste, 20 février et 12 décembre 1910.

39 Semaine religieuse, 9 mai 1913, p. 68.

40 Semaine religieuse, 1901/1, p. 425 et 1914/1, p. 241 ; Le Nouvelliste, 20 février 1910.

41 Je remercie M. Louis de Longevialle, son petit-fils, de m’avoir aimablement communiqué les textes manuscrits de ces allocutions.

42 Antoine Lestra, Une page d’histoire religieuse en France. L’exposition catholique de Lyon, Lyon, (1937), p. 197-198.

43 Chiffres donnés par la Semaine religieuse (1927 et 1931), une allocution de L. de Longevialle, et le livre cité de Lestra.

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Pour citer cet article

Référence papier

Henri Hours, « Les Cercles catholiques d’ouvriers à Lyon »Chrétiens et sociétés, 5 | 1998, 32-58.

Référence électronique

Henri Hours, « Les Cercles catholiques d’ouvriers à Lyon »Chrétiens et sociétés [En ligne], 5 | 1998, mis en ligne le 01 avril 2017, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/7135 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.7135

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Auteur

Henri Hours

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