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Dossier bibliographique
Recensions

Boris Klein, Les Chaires et l’esprit. Organisation et transmission des savoirs au sein d’une université germanique au xviie siècle, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2017, 346 p.

Yves Krumenacker
p. 232-234

Texte intégral

1Cet ouvrage reprend le texte d’une thèse de doctorat d’histoire soutenue à l’université Lyon 2 en 2011 sous la direction d’O. Christin, mais repris, réordonné et fortement allégé. Il intéressera aussi bien les spécialistes de l’histoire de l’éducation que ceux d’histoire des savoirs et d’histoire religieuse. Il porte en effet sur l’université d’Helmstedt, en Basse-Saxe, un des hauts lieux du luthéranisme « philippiste » (modéré ou irénique), en un temps de confessionnalisation de plus en plus forte.

2Son importance tient au fait que la Réforme luthérienne a été en grande partie un produit universitaire, initiée par un professeur de théologie soutenu par ses collègues et ses étudiants, qu’elle a provoqué un profond renouvellement des études théologiques, mais également, de manière sans doute plus ténue, du droit et de la médecine. Le cadre explose, avec des espaces germaniques confessionnalisés, des universités soumises aux princes, des enseignants qui sont aussi pères de famille et hébergent chez eux des étudiants, des cours dans des grandes salles à proximité de bibliothèques et de laboratoires (et des domiciles des professeurs qui donnent des cours privés). À Helmstedt, l’université est fondée en 1576 par le prince Julius de Brunswick-Wolfenbüttel qui en est en même temps le recteur et le chancelier, au moment où il fait basculer sa principauté dans la Réforme, afin de former les cadres et les pasteurs de son État. La surveillance étatique va très loin, dans la mesure où, en dehors des catalogues annonçant les cours à venir, un compte rendu trimestriel est demandé aux professeurs, ce qui permet de connaître le contenu exact des cours. En dehors des sources classiques, visites de contrôle, catalogues de cours, actes notariés, décisions du tribunal académique, etc., largement exploitées, B. Klein a ainsi eu accès à une source particulièrement riche, lui permettant de dépasser l’histoire classique des disciplines universitaires et de faire une histoire des chaires, en étudiant l’évolution de l’enseignement qui y est donné.

3Le plan est classique, sans doute trop : les quatre facultés de l’université de Helmstedt (théologie, droit, médecine, philosophie) sont examinées une à une, avec leur cadre puis les différents enseignements qui y sont donnés ; cela a l’indéniable avantage de bien faire apparaître l’évolution de ces enseignements, de leur contenu, l’importance de certains enseignants ; mais c’est assez répétitif et cela donne quelquefois l’impression qu’on est en face d’une succession de monographies. Il faut cependant dépasser cet a priori pour apprécier à sa juste valeur tout ce qu’on apprend avec une telle approche.

4Pour Chrétiens et Sociétés, nous nous en tiendrons essentiellement à ce qui est dit de la faculté de théologie, même si les autres chapitres sont tout aussi passionnants – notons cependant la quasi absence de confessionnalisation de l’enseignement du droit, qui n’hésite pas à se fonder sur des manuels italiens de droit canon pour mieux connaître le droit des différentes parties de l’Empire. Alors qu’elle a été fondée dans un esprit très combatif, l’université s’ouvre à partir de 1589, par la volonté du nouveau duc Henri-Julius, à des théologiens modérés regroupés autour d’un professeur de grec, Caselius ; il s’agit de savants marqués par l’humanisme, souvent chassés des autres universités de l’Empire où l’orthodoxie luthérienne la plus rigoureuse s’impose. Après une bonne vingtaine d’années de conflits internes, la guerre et la peste fragilisent l’institution, qui ferme même ses portes quelque temps. Quand elle renaît, le corps professoral est totalement renouvelé puisque seul demeure Georges Calixte, une des grandes figures de l’irénisme qui, désormais, marque profondément Helmstedt. Assez logiquement, cette évolution a des conséquences dans l’enseignement. Les deux chaires d’exégèse, les plus prestigieuses, deviennent très secondaires après 1650 ; l’exégèse est alors confiée au professeur de philosophie, de grec et d’hébreu. En revanche les chaires de dogmatique et de controverse deviennent fondamentales, l’humanisme de la fin du xvie siècle ayant fait place à une théologie de combat. L’histoire ecclésiastique, dans un premier temps enseignée par le professeur d’exégèse du Nouveau Testament (ce qui permet de la détacher de l’enseignement de la philosophie), devient une discipline à part entière à partir de 1650 ; elle est enseignée par de vrais spécialistes qui en font un arsenal de polémiques.

5Pour les étudiants, l’étude de la théologie est précédée par la philosophie. Celle-ci a un rôle déterminant à Helmstedt, elle est bien plus qu’une traditionnelle faculté des arts et son enseignement repose sur la réhabilitation d’Aristote. L’influence de Melanchthon, le compagnon de Luther et le rénovateur de l’université de Wittenberg, est donc particulièrement sensible.

6Cette évolution est retracée avec minutie. B. Klein a pu mettre en lumière l’activité réelle des enseignants, bien au-delà de l’apparente immobilité des intitulés des chaires, et les transformations dans la hiérarchie des savoirs. Il donne également de multiples informations sur les enseignants, leur influence réelle, la gestion de leurs carrières, les liens, notamment familiaux, qu’ils ont entre eux.

7Ce livre nous apprend beaucoup. Certes, les universités allemandes sont connues et réputées aujourd’hui, elles l’étaient déjà au xviie siècle ; mais, si elles ont été souvent étudiées par les chercheurs allemands, il n’existait pratiquement rien en français sur le sujet, en dehors de la thèse de Jean-Luc Le Cam, sur la politique scolaire d’Auguste le Jeune de Brunswick-Wolfenbüttel, mais publiée en Allemagne. L’ouvrage de B. Klein comble donc un vide dans de multiples domaines. Ajoutons qu’il est pourvu d’annexes, dont des généalogies de familles de professeurs, et d’un précieux index.

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Pour citer cet article

Référence papier

Yves Krumenacker, « Boris Klein, Les Chaires et l’esprit. Organisation et transmission des savoirs au sein d’une université germanique au xviie siècle, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2017, 346 p. »Chrétiens et sociétés, 25 | -1, 232-234.

Référence électronique

Yves Krumenacker, « Boris Klein, Les Chaires et l’esprit. Organisation et transmission des savoirs au sein d’une université germanique au xviie siècle, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2017, 346 p. »Chrétiens et sociétés [En ligne], 25 | 2018, mis en ligne le 07 mai 2019, consulté le 06 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/4681 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.4681

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Auteur

Yves Krumenacker

LARHRA, UMR 5190, Université de Lyon (Jean Moulin – Lyon 3)

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