Une idée de sacerdoce féminin entre xixe et xxe siècle : les Filles du Cœur de Jésus et la dévotion à la « Vierge Prêtre »
Résumés
Est-ce-que avant le Concile Vatican II l’on peut entrevoir un parcours féminin de rapport avec le sacerdoce dans des dévotions bien particulières comme le culte à la « Vierge Prêtre » ?
Basée sur une longue tradition théologique d’analyse du rôle sacerdotal de la Vierge Marie, la dévotion fut developpée en particulier par la congrégation des Filles du Coeur de Jésus. Fondée par Marie Deluil Martiny (1841-1884) en 1872 et approuvée en 1902 par Léon XIII, cette famille religieuse produit une spiritualité au penchant mystique dans laquelle il y avait soit la dévotion réparatoire au Sacré Coeur pour la réforme du clergé, soit le thème de l’imitation de la Vierge en tant que prêtre, grâce à son offrande du sacrifice parfait à Dieu et à son immolation avec le Christe. Après l’approbation initiale, l’ordre connut les interventions du Saint-Office jusqu’à l’interdiction de la dévotion ; mais plutôt que d’établir dogmatiquement les termes de la coopération mariale sous-tendue au titre de « Prêtre », on se préoccupait des résultats de l’attribution du titre, des résultats qui étaient répréhensibles parce qu’ils étaient basés sur l’association entre la prêtrise et les femmes.
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Mots-clés :
Vierge Prêtre, Prêtrise féminine, Sacré Coeur, Saint-Office, Spiritualité victimale, Corruption morale du clergé, genreKeywords:
Virgin Priest, Women priests, Sacred Heart, Holy Office, Victimal spirituality, Clergy’s sins, GenderPlan
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1Cinquante ans après la clôture du Concile Vatican II, où les premières instances officielles pour l’accès des femmes à la prêtrise ont été présentées, le discours catholique sur ce thème ne semble pas avoir changé1. Malgré l’affirmation progressive d’un paradigme paritaire entre les deux sexes dans la vie pastorale, et malgré la relative importance de certaines voix féministes dans le débat au sein de l’Église, l’horizon théologique de la question reste bloqué par deux actes officiels du Magistère : le document de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, connu sous le nom d’Inter insigniores, du mois d’octobre 1976, et la lettre apostolique de Jean Paul II Ordinatio sacerdotalis du mois de mai 1994, présentée comme position définitive en la matière. Les deux documents soutiennent, en fin de compte, que la réponse au problème vient de la Révélation, qui fonde la différence de l’Église de toute autre société humaine, et donc la différence entre la perspective de l’égalité des droits et de l’égalité des ministères2.
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2Après le Concile Vatican II, même dans les milieux catholiques, on a affirmé un modèle de représentation du divin certainement plus proche de la sensibilité moderne par rapport à l’identité de genre : le modèle du monisme holistique, dans lequel Dieu est défini avec des caractères tant masculins que féminins et par conséquent même les femmes sont considérées comme théomorphes3. À l’heure actuelle, toutefois, il semble que le théomorphisme holistique s’est simplement superposé aux conceptions précédentes restées à la base de la doctrine, sans produire de résultats significatifs sur le plan réglementaire et théologique : l’incapacité cultuelle des femmes continue d’être la question centrale de l’asymétrie entre les deux sexes au sein de l’Église catholique4. Même pour cela, certains secteurs du féminisme catholique ont entamé une réflexion sur la centralité de la figure de la Vierge dans la prêtrise du Christ pour faire allusion à un exercice féminin des ministères. Le caractère mariotypique a constitué évidemment, au cours des siècles, une catégorie porteuse de l’analyse du « féminin » dans l’Église. Cette identification entre Marie et les femmes a été poussée, à l’époque contemporaine, à des conséquences extrêmes, en parallèle avec la construction soit de nouveaux contenus dogmatiques liés à la Vierge (de l’Immaculée Conception à l’Assomption), soit d’un ensemble d’enseignements pour les femmes basés sur le modèle marial5. Même après la conclusion du Concile Vatican II, l’idée du caractère mariotypique féminin est largement active : le rapport explicite entre Marie et les femmes a été soutenu par Paul VI dans l’exhortation apostolique Marialis cultus (1974) et de nouveau dans la lettre apostolique Mulieris dignitatem (1988) de Jean Paul II.
- 6 A. Piola, op. cit., p. 15.
3En réalité, il faut dire que le caractère mariotypique a constitué aussi un instrument théologique pour l’exclusion des femmes de la prêtrise : la lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis souligne que la Vierge n’a pas reçu la prêtrise ministérielle et donc que l’exclusion des femmes représente le signe d’une loi divine et non pas humaine6. Toutefois, il est également possible de montrer – ce que nous allons essayer de faire dans cette contribution – que la figure de Marie est depuis toujours objet d’une réflexion doctrinale et spirituelle qui conduit à lui reconnaître des fonctions sacerdotales dans l’histoire du Salut ; et il est possible aussi de montrer qu’entre le xixe et le xxe siècle une instance féminine de participation à la prêtrise s’est concrétisée dans une dévotion particulière à la Madone : la dévotion à la « Vierge Prêtre ».
Avant le culte à la « Vierge Prêtre ». De la théologie à la spiritualité du sacerdoce marial
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4Dans l’histoire de la chrétienté occidentale, les premières attestations de l’attribution du titre « Prêtre » à la Vierge7 remontent à la tradition homilétique du viie-ixe siècle, dans laquelle on retrouve des métaphores qui établissent un rapport entre Marie et l’Eucharistie, ou qui reconnaissent un rôle actif de la Madone qui offre le pain de vie. À la base de cette tradition, il y a le Pseudo-Épiphane8, qui lui attribue les appellations de table, d’autel et de prêtre du sacrifice du Christ, essentiellement en confondant le plan du symbole matériel avec celui du rôle spirituel ; chez d’autres homélistes grecs, en outre, Marie est souvent considérée comme fondamentale dans le plan de la Rédemption, mais sans que cela signifie qu’elle a un rôle particulier dans le sacrifice du Fils.
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- 10 René Laurentin, Maria, Ecclesia, sacerdotium, p. 192-193.
5Ce fut surtout grâce à la diffusion des doctrines du Pseudo-Denys que l’idée de la prêtrise de la Vierge connut pendant le Moyen Âge un développement théorique important. La perspective néoplatonicienne, et donc hiérarchique, avec laquelle cet auteur établit la relation entre les différents ordres de réalité, induit inévitablement à placer la Vierge dans une position de leader à l’égard des hiérarchies ecclésiales et souvent aussi des hiérarchies angéliques. Dans un célèbre texte de mariologie, pendant longtemps attribué par erreur à Albert le Grand et connu sous le titre Mariale super missus est9, la nature de prêtre de la Vierge est admise à travers la notion de plénitude de grâce, qui est attestée par le fameux passage de l’Annonciation de l’évangile de saint Luc : c’est le principe de l’omnicontenance de la grâce reçue par Marie, qui lui permet de comprendre et surmonter la grâce des sacrements. Selon l’ordre et la hiérarchie de la nature, la Vierge est inférieure aux anges, mais selon l’ordre et la hiérarchie de la grâce, elle doit être nécessairement reconnue comme supérieure aux hiérarchies célestes et, a fortiori, aux hiérarchies ecclésiastiques. En vertu de sa supériorité, Marie ne connaît pas la subordination et les déficiences des autres femmes, qui même pour le Pseudo-Albert le Grand, consistent en la propension au péché, en l’incapacité de gouverner et en l’indignité10.
- 11 Sur l’histoire des dogmes mariaux : René Laurentin, Présence de Marie : histoire, spiritualité, fon (...)
- 12 Francesco Petrillo, Ippolito Marracci protagonista del movimento mariano del secolo xvii, Roma, Edi (...)
- 13 Raymond Deville, L’École française de spiritualité, Paris, Desclée, 1987 ; Yves Krumenacker, L’Écol (...)
- 14 Pierre Pourrat, « Marie et le sacerdoce », in Hubert Du Manoir (éd.), Maria. Études sur la Sainte V (...)
- 15 Raymond Deville, « Olier Jean-Jacques », dans Luigi Borriello et al. (éd.), Dizionario di Mistica, (...)
- 16 Cité par René Laurentin, Maria, Ecclesia, sacerdotium, p. 372.
6Naturellement influencée par le débat plus général sur le sacerdoce produit par la Réforme, à l’époque moderne, la question de la prêtrise mariale est surtout atteinte par le conflit théologique sur l’Immaculée Conception, le vrai centre d’intérêt de la théologie mariale entre le xviie et le xviiie siècle11. Dans les pays catholiques, le rôle sacerdotal de la Vierge devient une manière pour faire passer les thèses en soutien à l’Immaculée Conception, comme l’illustre l’œuvre d’Ippolito Marracci (1604-1675)12, Prêtrise mystique mariale. Une voie à la prêtrise mariale, de nature plus proprement dévotionnelle, se manifesta ensuite dans l’école française de spiritualité, en particulier dans la congrégation de l’Oratoire13. Plus qu’une doctrine de la prêtrise mariale, il s’agissait d’un sentiment de présence de Marie dans la messe, qui conduisait à créer un lien spécial, un recours particulier du prêtre à la médiation de la Vierge dans les fonctions sacramentelles : une imitation particulière de Marie de la part des prêtres, sur la base de laquelle on entama la pratique de la rénovation des promesses sacerdotales en coïncidence avec les fêtes mariales. L’école française de spiritualité se servait donc de l’analogie avec Marie pour mener sa bataille pour la réforme du clergé : l’analogie établie entre la prêtrise de Marie et celle des prêtres servait à encourager le clergé à la sainteté de la vie14. L’unité entre Fils et Mère dans le sacrifice salvifique joua un rôle crucial aussi dans la réflexion de Jean-Jacques Olier (1608-1657)15, fondateur de la Compagnie de Saint-Sulpice ; toutefois, ce dernier introduit la distinction entre esprit et caractère sacerdotal et, comme nous le verrons, ceci sera très important pour quelques développements de la dévotion : si l’esprit sacerdotal consiste dans l’offrande et l’immolation, certainement la Vierge ne peut que le représenter d’une manière éminente, mais le caractère (c’est-à-dire l’exercice des fonctions de l’oblation) ne lui appartient pas. Ce qui empêche la correspondance entre sa plénitude sacerdotale sur le plan spirituel et l’exercice de la prêtrise – selon Olier –, c’est vraiment sa propre appartenance au genre féminin, parce que « son sexe seul la privait de l’usage et de la dignité de ce ministère, qui était réservé pour les hommes et pour le sexe de Jésus-Christ16 ».
7Ce fut en 1709 que le titre de « Vierge Prêtre » ou de « Virgo Sacerdos » entra ouvertement dans la liturgie catholique, lorsqu’à Saint-Sulpice, on commença à l’utiliser dans un hymne des vêpres pour la fête de la présentation au Temple : une fête qui était devenue au fil du temps un moment de rénovation publique de la profession religieuse pour les membres de la congrégation. Le sous-diacre Urbain Robinet fut l’auteur de l’hymne Quam pulchre graditur, où il décrivait l’ascension de Marie au Temple en la définissant autel de la divinité, et il la présentait comme modèle pour les prêtres dans son mépris pour les biens de la terre :
- 17 Ibid., p. 380.
Pourquoi les joies perfides nous retiennent-elles en leurs lacets ?
Pourquoi hésiter davantage à rompre ces liens ?
Notre guide, c’est la Vierge Prêtre
Avec bonheur qu’on se hâte de la suivre17.
8Le titre marial de « Vierge Prêtre » ou de « Virgo Sacerdos », qui eut un succès considérable entre le xixe et xxe siècle, fut donc l’héritage de l’école française de spiritualité. D’une question de nature théologique, la prêtrise mariale s’était transformée en une dévotion à caractère spirituel, associée à l’idée que Marie était le modèle et le soutien par excellence contre les dangers d’affaiblissement de la vocation sacerdotale. Ainsi, tandis que d’une part on tendra à faire de l’immolation la vraie essence de la prêtrise, d’autre part la figure de la Vierge sera interprétée toujours plus comme modèle de la réparation contre les formes de déchéance de la vie du clergé.
Les Filles du Cœur de Jésus et la dévotion à la « Vierge Prêtre »
- 18 Bertrand de Margerie, Histoire doctrinale du culte au cœur de Jésus, Paris, Mame, 1992 ; Jacques Be (...)
- 19 Mère Marie de Jésus Deluil Martiny fondatrice de la Société des Filles du Cœur de Jésus, Namur, Mon (...)
9Au xixe siècle, la dévotion à la « Vierge Prêtre » se développa en particulier dans la famille des Filles du Cœur de Jésus, où elle fut structurellement reliée au culte du Sacré-Cœur18 : approuvée par Léon XIII en 1902, trente ans après sa fondation, la congrégation avait été inspirée par la spiritualité de la bienheureuse Marie Deluil-Martiny (1841-1884)19.
- 20 Régis Bertrand, « Les visitandines de Marseille, le vœu de la peste de 1720 et le culte du Sacré-Cœ (...)
- 21 Mgr Nicolas Deschamps est l’auteur du livre Les sociétés secrètes et la société ou philosophie de l (...)
10Née à Marseille dans une riche famille bourgeoise, du côté de sa mère, Marie était l’arrière-petite-fille de la vénérable sœur Anne-Madeleine Rémuzat (1696-1730), célèbre religieuse de la Visitation, qui avait été la protagoniste de la consécration de la ville au Sacré-Cœur contre l’épidémie de peste en 172020. Éduquée dans la Visitation de la Ferrandière, en 1865, Marie était devenue une zélatrice de la Garde d’honneur au Sacré-Cœur, fondée quelque temps avant par les religieuses de la Visitation de Bourg. La spiritualité victimale liée à ce culte représentait donc une source originelle du projet religieux de Deluil-Martiny, un projet qui fut ébauché lors d’un pèlerinage à La Salette en 1868. Le père Sylvain Giraud (1830-1885), membre des missionnaires de La Salette et formé à la spiritualité de l’école française, constitua fort probablement pour elle le premier lien, et le plus direct, vers la dévotion à la « Vierge Prêtre ». Ensuite le jésuite Jean Calage (1805-1888) orienta l’énergie spirituelle de la jeune Deluil-Martiny vers la fondation d’un ordre dédié soit à l’imitation de Marie « prêtre », soit à la dévotion au Sacré-Cœur. Le premier monastère fut fondé à Berchem, près d’Anvers, où la nouvelle famille religieuse avait trouvé un bon soutien parmi les membres du clergé local, dans le contexte apocalyptique des années 1870. Après la première approbation en 1876 par le cardinal Nicolas Deschamps, archevêque de Malines et grand accusateur des sociétés secrètes21, l’ordre avait établi deux nouveaux monastères en France, à Aix-en-Provence et à Marseille, près de la villa des Deluil-Martiny à la Servianne ; l’institut se propagea ensuite en Italie, mais aussi en Suisse et en Hollande. Pour leur esprit de réparation, les Filles du Cœur de Jésus montraient une capacité d’attirer en particulier des femmes d’origine aristocratique : marquée par la mort tragique de Deluil-Martiny, le 27 février 1884, des mains d’un anarchiste, la famille religieuse semblait le symbole de l’attaque redoutée sur l’Église et de la valeur du sacrifice réparateur des fidèles.
- 22 Tous ces thèmes sont résumés dans la lettre que Marie Deluil-Martiny écrit aux filles pour le premi (...)
11La thématique de la prêtrise mariale avait été impliquée justement dans une série de valeurs de réparation, liées à un jugement de condamnation de la société contemporaine : il était nécessaire qu’une légion de victimes s’unisse à Jésus, la grande victime, et à Marie, unie au cœur du Fils dans ses douleurs, contre la corruption du siècle et les assauts des ennemis du catholicisme. Plusieurs fois, en s’adressant à ses filles, la fondatrice avait rappelé la centralité de la lutte spirituelle pour la société moderne. Il fallait réparer tout ce que l’État libéral en Italie et surtout la Troisième République en France venaient d’introduire dans le terrain des rapports avec l’Église : l’abolition du pouvoir temporel de la papauté, l’instruction obligatoire des femmes, le mariage civil, la fermeture de l’ordre des jésuites, la laïcisation de l’assistance hospitalière22. Ainsi, pour réparer les outrages infligés au Christ par le monde moderne, une attention particulière devait être placée pour apaiser la large « plaie » que les défections même des âmes consacrées faisaient à son Église. L’imitation victimale de Marie comme « Vierge Prêtre » devait viser à améliorer le sort spirituel du clergé, considéré comme avant-poste de la lutte en cours et souvent insuffisant dans cette bataille. L’accusation de matérialisme des prêtres était explicite dans l’inspiration originaire de la fondatrice :
- 23 Marie Deluil-Martiny, « Journal d’âme, 7 juin 1871 », in René Laurentin, Marie Deluil-Martiny précu (...)
Le caractère Sacerdotal fait le Sacrificateur, l’Esprit Sacerdotal fait la Victime, et les deux ne font qu’un dans le vrai prêtre. Or, comme trop d’entre eux se contentent d’être Sacrificateurs et d’exercer leurs fonctions sacrées sans les imprégner assez de l’Esprit sacerdotal, c’est-à-dire sans se faire vraiment Victimes en même temps que Sacrificateurs, Dieu veut qu’une légion d’âmes vraiment Victimes s’offrent comme d’humbles suppléments de ce qui manque à l’Esprit sacerdotal de certains prêtres : c’est pourquoi ces âmes seront si profondément immolées23.
12Le centre du nouvel ordre religieux était exactement ceci : un groupe de « vierges victimes » qui se seraient sacrifiées sans relâche pour la sanctification de la prêtrise et qui auraient été, en suivant le modèle de la Vierge, des auxiliatrices des prêtres :
- 24 La serva di Dio madre Maria di Gesù Deluil Martiny fondatrice della Società delle Figlie del Cuore (...)
Le Figlie del Cuore di Gesù, vittime con Maria, saran pure con Maria le ausiliatrici del sacerdote ; attenderanno di proposito ad aiutarlo con le loro preghiere e i loro giornalieri sacrifici, perché degnamente risponda alla sublime sua vocazione ; né mai cesseranno di impetrare da Dio che il suo ministero sia fecondo e rifulga per virtù, fortezza e santità24.
- 25 Oswald Van den Berghe, Marie et le sacerdoce, Bruxelles, Haenen, 1872.
- 26 Pierre Pourrat, op.cit., p. 819.
- 27 Sources primaires sur la spiritualité de Deluil-Martiny et de son ordre : Louis Laplace, La Mère Ma (...)
13Ce fut dans ce contexte que l’appellation « Vierge Prêtre » entra dans les rites du nouvel institut, en trouvant d’abord plusieurs confirmations. Dans un éloge à l’œuvre Marie et le sacerdoce d’Oswald Van den Berghe25, qui était particulièrement lié à l’ordre de Deluil-Martiny, Pie IX en 1873 attestait que les Pères de l’Église attribuèrent à la Madone le titre de « Virgo sacerdos ». Plus tard, lorsque les religieuses demandèrent officiellement de pouvoir utiliser l’appellation de « Vierge Prêtre », Pie X fit composer par les cardinaux Vannutelli et Vives y Tuto une prière – enrichie d’indulgences – qui en 1907 fut étendue à toute l’Église26 ; le même pape accorda que dans l’institut, on pouvait ajouter aux litanies mariales l’invocation « Virgo Sacerdos, ora pro nobis » et que le deuxième dimanche d’août, la Vierge pourrait être célébrée avec un tel titre et sous l’Office de Notre-Dame des douleurs. Toute l’ardeur victimale de la nouvelle famille religieuse était orientée en parfaite harmonie avec les intentions anti-modernes de l’Église, inspirées par l’horreur de la corruption de la société contemporaine. En plus, en suivant les indications du père Calage, Deluil-Martiny avait accueilli – comme nous l’avons vu – la distinction entièrement orthodoxe introduite par Olier entre le caractère sacerdotal (de ceux qui ont reçu l’ordre) et l’esprit sacerdotal, qui consiste à se faire victime pour le salut du monde27.
14Malgré cela, il faut dire que, dans sa découverte du sacerdoce marial, la fondatrice avait quelques fois éprouvé des intuitions mystiques :
- 28 Marie Deluil-Martiny, « Journal d’âme, 25 décembre 1868 », in René Laurentin, Marie Deluil-Martiny (...)
… Jésus m’a envoyé une pensée ravissante : la Vierge-Prêtre ! Je ne puis rendre le charme intime de cette idée : mon imagination s’est représentée alors Marie, aussitôt après la naissance de son Fils, l’élevant vers l’Adorable Trinité sur ses deux mains comme le prêtre élève et tient la Patène, et L’offrant en hommage souverain au Seigneur. … Il m’a semblé qu’on pourrait faire une statue sublime représentant la Vierge Prêtre, et Jésus m’a bien fait entendre que c’était une petite gâterie réservée à la génération qui se prépare28.
- 29 Il faut rappeler en particulier, à ce propos, ce qui concerne la biographie de Louis Laplace (premi (...)
- 30 Par exemple : Giuseppe Salvi, La Vergine sacerdote socia del sacrificio divino, Camerino, Marchi, 1 (...)
- 31 En 1838, le Saint-Office avait déjà analysé le thème, mais une décision sur la légitimité du titre (...)
- 32 Associatio Reparationis Sacerdotalis, Amende Honorable au Cœur Immaculé de Marie Vierge Prêtre, Lil (...)
- 33 Max Schmid, Les âmes victimes, Toulouse, Apostolat de la prière, 1927.
15Et il faut dire aussi que, même si les écrits et la biographie de la fondatrice avaient été bientôt censurés29, en France, Belgique et Italie, une série de publications30 était en train de reprendre et répandre le thème de la « Virgo Sacerdos » (ou de la « Vierge Prêtre ») sur lequel le Saint-Office ne s’était pas encore exprimé officiellement31. En outre, quelques phénomènes fort probablement plus graves du point de vue ecclésiastique étaient en train de se produire : d’une part, la tentative d’associer à la dévotion quelques images cultuelles de la « Vierge Prêtre », de l’autre, la naissance de toute une série d’initiatives qui avaient comme horizon spirituel le thème du sacrifice en faveur de la sainteté du clergé, en véhiculant l’idée que l’état de la prêtrise catholique était de nature telle qu’il exigeait une attention particulière. Après la mort de Deluil-Martiny, un groupe de prêtres disciples du S. Cœur était ainsi né : l’association des prêtres consolateurs du Cœur de Jésus qui se rendaient chaque année en pèlerinage dans les maisons des Filles du Cœur de Jésus32 ; en outre une association des âmes victimes du Sacré Cœur avait été fondée, composée de fidèles qui pouvaient s’allier spirituellement aux religieuses par un acte d’oblation spécifique, dotée d’un manuel théorique et pratique à la dévotion33.
L’intervention du Saint-Office
- 34 Voir en particulier Benedetto Fassanelli, « Mentre vediamo che un falso misticismo va dilagando. Es (...)
16En 1912, le Saint-Office plaça sous surveillance le culte de la « Virgo Sacerdos », comme le montre la documentation conservée dans la série archivistique « Devotiones variae », en analysant d’abord la question du titre marial, pour ensuite passer aux images, aux publications et aux règles des religieuses. Cette série archivistique, d’ailleurs, nous permet d’entrevoir un problème bien plus complexe auquel l’Église dut faire face au début du xxe siècle par rapport aux nouvelles formes de présence féminine en son sein, dont le cas des Filles de Deluil-Martiny représente seulement un aspect. En effet, la série « Devotiones variae » est une collection d’environ 190 cas, créée pour offrir un outil de travail à la Congrégation du Saint-Office selon la « Lex et ordo Supremae Sacrae Congregationis S. Officii », un texte approuvé par Pie X en 1911 afin d’introduire une révision générale des procédures internes à l’organisme inquisitorial. Dédiée à l’analyse de cas de dévotions suspectes, de prétendu mysticisme et de vénération de gens morts en l’odeur de sainteté jusqu’à l’année 1938, cette série révèle un grand éclat des phénomènes religieux féminins : en fait, presque 90 % des cas concernent des femmes, et cela peut faire penser à une sorte de « bras de fer genré » qui se déroulait dans la catholicité au début du siècle34.
- 35 P. Giovanni Lottini, Voto su Maria Santissima Virgo Sacerdos, dans Archives de la Congrégation de l (...)
- 36 Ibid. (trad. : « dans un degré éminent et beaucoup plus important que n’importe quel autre saint »)
- 37 Ibid. (trad. : « il ne semble pas convenable d’en abuser »).
17Parmi ces cas, trente ans après sa naissance, l’ordre de Deluil-Martiny fut donc soumis à l’analyse de la Congrégation Suprême. En 1912, ce fut le titre « Virgo Sacerdos » qui fut analysé, tandis que les images et les constitutions de l’institut firent l’objet d’interventions en 1913, 1916 et 1927. Tout en consultant d’autres religieux, le Saint-Office chargea de l’examen officiel du titre le dominicain Giovanni Lottini en tant que « primo compagno », c’est-à-dire premier rapporteur de la Congrégation. Dans son analyse, il affirma que l’attribut de « sacerdos » ne revenait pas au sens strict à Marie « giacchè il sacerdozio sia nella legge di natura, sia nella legge mosaica, sia nella legge evangelica è stato sempre esclusivamente riservato al sesso maschile ; …35 ». Dans la nouvelle loi, en outre, selon le dominicain, il n’y a que le sacerdoce essentiel du Christ et le sacerdoce dérivé qui incombe aux apôtres et à leurs successeurs, qui ont la « potestas » de consacrer le Corps et le Sang de Jésus-Christ, que la Vierge n’a jamais eu. L’unique sacerdoce qui pourrait raisonnablement être attribué à la Madone, selon le père Lottini, et que la tradition avait attesté en abondance, était le sacerdoce mystique ou spirituel, qui appartient à chaque fidèle et donc même à Marie « in un grado eminente e tanto più eminente che a qualunque altro santo36 ». En outre, continuait-il, il faut reconnaître que par son consentement au sacrifice suprême, la Vierge s’est unie au Christ dans son offrande au Père et que, pour cette raison, lui revient le titre de médiatrice et même de co-rédemptrice. On pouvait donc affirmer que, selon la nouvelle loi, le sacerdoce comprenait le sacerdoce essentiel de Jésus-Christ, mais aussi le sacerdoce spirituel et mystique de la Vierge « avente per oggetto sebbene in modo diverso la stessa vittima » : un sacerdoce qui avait comme objet la même Victime, et pourtant sous une forme toute différente. C’était pour cela qu’à la Madone, et seulement à elle parmi les femmes, on pouvait attribuer le titre de « sacerdos ». De certains points de vue, il était donc légitime de lui adresser la prière en tant que prêtre ; même si, toutefois, « non pare conveniente che se ne faccia troppo sciupio37 », surtout si ce sont des femmes qui font usage du titre :
- 38 Ibid. (trad. : « Avec ceci je ne veux pas dire qu’une telle dévotion doit être condamnée et exclue (...)
Con ciò non voglio dire che tal devozione sia da riprovarsi e da esularsi dalla Chiesa. Tutt’altro :ma a me sembra che non convenga farne troppa propaganda presso gli ignoranti e specialmente presso le donne incapaci di comprenderne il vero significato e capaci perciò piuttosto di dargli un significato che non è quello38.
- 39 Ibid. (trad. : « un groupe d’imitatrices de Marie dont le but serait de coopérer à l’action sacerdo (...)
- 40 « Sommario dalle Costituzioni », in P. Raffaello di S. Giuseppe C. S., Istituto delle Figlie del S. (...)
18C’était – accusait le dominicain – exactement ce qui se passait dans la congrégation de Deluil-Martiny, où une image inconvenante de Marie avait été produite. Il s’agissait de l’image de la Vierge que, en suivant l’intuition mystique de la fondatrice, la congrégation avait introduite dans quelques chapelles et qui avait été commandée au peintre Silverio Capparoni en s’inspirant, en particulier, d’une fresque présente dans la basilique Saint-Clément à Rome : l’image représentait la Madone qui, au-dessus du globe terrestre, écrase le serpent avec les bras ouverts vers le ciel, vêtue d’une robe qui rappelait la dalmatique des diacres. Cela démontrait – dit encore le père Lottini – que les religieuses n’avaient pas une idée correcte du sacerdoce de Marie : en effet, si le soin de Jésus-Christ pour le genre humain pouvait être exprimé par le terme de Victime et de Prêtre, le soin de Marie ne pouvait être bien exprimé que par celui de Mère. Comme si cela ne suffisait pas, dans leur imitation de Marie en tant que Vierge Prêtre, les Filles du Cœur de Jésus finissaient clairement par se proposer comme des coopératrices des prêtres, comme « un drappello di imitatrici il cui scopo sarebbe quello di cooperare all’azione sacerdotale39 ». En effet, quelques pratiques internes à l’ordre pouvaient souligner la coopération des religieuses dans l’activité sacerdotale ; surtout, sous couvert de la référence mariale, elles soutenaient un rôle féminin fondamental dans la vie de l’Église, en péril comme au moment de sa fondation. Les constitutions des Filles de Deluil-Martiny, en effet, affirmaient qu’elles devaient imiter les vertus de la divine Mère dans la phase de la naissance de l’Église : unies le plus parfaitement possible aux sentiments et aux dispositions de la Vierge, lorsque dans la dernière partie de sa vie, elle se dévouait au bien de l’Église naissante, « les Filles du Cœur de Jésus ne cesseront d’offrir leurs oraisons, leurs pénitences, leurs travaux, leurs sacrifices, leurs actes de vertu et leur vie même pour les intérêts sacrés de l’Église catholique, du Sacerdoce et des Ordres religieux …40 ».
- 41 P. Giovanni Lottini, Voto su Maria Santissima Virgo Sacerdos, ACDF., Dev. V., 1913, 2, Virgo Sacerd (...)
19Plutôt que d’établir dogmatiquement les termes de la coopération mariale sous-entendue au titre de « Sacerdos », le rapporteur de la Suprême se préoccupait donc des conséquences de l’attribution de ce titre, conséquences qui étaient répréhensibles parce que basées sur l’association entre la prêtrise et les femmes : parce que, « mosse da una certa ambizioncella muliebre »41, les religieuses semblaient se considérer presque comme prêtresses. Le vrai danger du culte à la Vierge Prêtre, selon le père Lottini, n’était pas dans le titre marial en lui-même, mais dans le sens que des femmes finissaient par y associer : il demandait donc que le Saint-Office prévînt l’utilisation des images et des prières internes à l’ordre. Dans le cadre d’une spiritualité victimale unie à la dévotion mariale, légitime en soi, on apercevait non seulement une instance critique par rapport au clergé, mais encore plus une idée de coopération féminine à la prêtrise qui apparaissait intolérable.
- 42 Silvio Fasso, « S. Offizio. La devozione alla Vergine sacerdote », Palestra del clero. Rivista sett (...)
- 43 Claude Langlois, « Le temps de l’Immaculée Conception. Définition dogmatique et événement structura (...)
20Ainsi, après les premiers consentements et approbations, la dévotion fut réduite progressivement au silence. En janvier 1913, le Saint-Office décida d’interdire totalement les images reliées à la vie de l’ordre ; le décret de 1913 fut ensuite repris et publié en mars 1916 de façon à déterminer le blocage de toute forme de dévotion ; le titre allait disparaître des publications, des prières, des livres pendant de nombreuses années. Enfin, en 1927, suite à une intervention de don Silvio Fasso dans le journal Palestra del Clero de Rovigo, une lettre du cardinal Merry Del Val (secrétaire de la Suprême) confirma que la dévotion ne pouvait pas être propagée, mais sans la condamner formellement : « C’est répondre aux intentions du Saint-Office que de laisser dormir entièrement cette question, que les âmes peu éclairées pouvaient ne pas comprendre exactement42 ». Les raisons d’opportunité historique finissaient ainsi par l’emporter sur le thème du rôle sacerdotal de Marie, qui avait derrière lui une tradition pluriséculaire d’interprétations et que le « grand siècle marial » était en train de renouveler43.
- 44 D’ailleurs, à ce moment historique, il y avait déjà quelques voix féminines qui en parlaient claire (...)
21L’événement qui, au début du xxe siècle, touche le petit ordre des Filles du Cœur de Jésus montre une dimension qu’aujourd’hui nous pourrions définir politique, c’est-à-dire dans laquelle on peut apercevoir un conflit de pouvoir entre les deux sexes au sein de l’Église. Au centre de l’attention ecclésiastique dans la promotion du culte marial et dans l’engagement social croissant, entre xixe et xxe siècle, quelques secteurs du monde catholique féminin finirent par se proposer dans un rôle inévitablement plus actif dans l’Église : collaboratrices dans la défense des droits de la religion dans la société, mais collaboratrices aussi des prêtres, en butte aux attaques du monde moderne, mais pas toujours à la hauteur de leur mission. Il ne s’agissait pas encore d’une demande ouverte d’accès à la prêtrise44, mais plutôt d’un désir d’une plus grande participation à la vie de l’Église, qui passait à travers l’identification avec le rôle de Marie, ou mieux avec certains aspects négligés de son rôle.
- 45 P. Raffaele di S. Giuseppe, Visita Apostolica all’Istituto delle Figlie del S. Cuore di Gesù. Relaz (...)
Il est une gloire de Marie qui n’a pas été célébrée à l’égal des autres, et une partie de sa vie qui n’a pas été aussi grandement honorée : cette gloire est d’avoir été associée dans le Sacrifice au Prêtre Éternel, son Fils bien-aimé, et cette partie de sa vie est la dernière. C’est pourquoi les Filles du Cœur de Jésus se proposent très spécialement de rendre hommage à la Très Sainte Vierge comme Auxiliatrice de l’Église et Reine du Clergé ; et d’imiter en ce qui leur est possible, dans une étroite union à cette Bienheureuse Vierge, les vertus dont Elle a donné l’exemple dans la dernière partie de sa vie, toute occupée du double sacrifice de Notre Seigneur Jésus Christ et de son propre dévouement à l’Église …45.
- 46 P. G. Lottini, Voto su Maria Santissima Virgo Sacerdos, cit. (trad. : « Combien il aurait été plus (...)
22D’ailleurs, c’était justement l’Église qui faisait la promotion de cette identification, mais à la condition de ne pas lui donner des déclinaisons hétérodoxes. Selon le père Lottini, en effet, dans leur culte marial, les Filles de Deluil-Martiny auraient dû poursuivre d’autres perspectives, plus appropriées : « Quanto sarebbe stato più proficuo per l’istituto che le Suore avessero insistito sulla venerazione della maternità di Maria e avessero preso a venerare il sacerdozio di Gesù ?46 » L’erreur, donc, était tout à fait dans l’invocation de l’exemple de Marie pour agir en tant que coopératrices à l’action sacerdotale :
- 47 Ibid. (trad. : « Parce que de telles coopératrices ont été officiellement établies, fût-ce de façon (...)
Imperocchè stabilite ufficialmente, sia pure in modo indiretto, siffatte cooperatrici ad esempio di Maria, come logica conseguenza ne verrà di chiamare anche esse, sia pure che s’intenda spiritualmente, coll’appellativo di sacerdote, ed avremo così nella chiesa di Dio delle sacerdotesse, come pretendevano anche nella setta dei Colliriani, ove le donne non pretendevano già di consacrare il Corpo e il Sangue di Nostro Signore, ma pretendevano, a quanto pare, di offrire a Maria Vergine la focaccia di pane47.
- 48 Claude Langlois, Le continent théologique, op.cit., p. 270.
- 49 Si dans le catholicisme post-tridentin, la Mère de Jésus est la seule dimension du sacré qui ait un (...)
- 50 Joachim Bouflet, Philippe Boutry, Un signe dans le ciel. Les apparitions de la Vierge, Paris, Grass (...)
23Dans les événements des Filles de Deluil-Martiny, nous voyons s’exprimer deux lignes de tension, entre leurs contraires, internes au culte marial à l’époque contemporaine : celle qui portait à lire la figure de Marie dans les termes d’une confirmation du rôle traditionnel des femmes, et celle minoritaire qui pouvait conduire à voir dans le rôle sacerdotal de la Vierge la place des femmes dans l’Église sous une nouvelle lumière. En effet, pendant le « grand siècle marial »48, la Madone était présentée tout à la fois comme exemplaire et comme exceptionnelle : elle était le modèle des mères dans la famille, mais elle était aussi la co-rédemptrice divine, une formidable voie vers le sacré dont les femmes catholiques étaient a priori exclues49. Le grand développement du culte marial entre xixe et xxe siècle50, en soutenant une lecture mariotypique de la présence féminine dans l’Église, d’une part renouvelait l’idéal traditionnel de maternité et d’abnégation, mais d’autre part montrait un modèle féminin extraordinaire, capable de participer d’une façon fondamentale à la Rédemption, voire de représenter une médiation féminine vers le sacré. C’était pour cela que les Filles du Cœur de Jésus, avec leur dévotion particulière à la Vierge, pouvaient dessiner une forme de spiritualité mariale presque « déviante » et une demande d’apostolat féminin pas encore tolérable dans l’Église. L’interprétation mariotypique du féminin devait être bien canalisée, si l’on voulait éviter des déclinaisons excessives ou fautives, selon le Saint-Office : comme le montrent les instructions du père Lottini qui, tout en considérant légitime la dévotion à la « Virgo Sacerdos », affirmait la nécessité de l’orienter opportunément vers la maternité de Marie :
- 51 P. G. Lottini, Voto su Maria Santissima Virgo Sacerdos, cit. (trad. : « Qu’il est plus beau, plus c (...)
Quanto è più bello, più adatto all’intelligenza, all’affetto e alla devozione dei fedeli specialmente semplici di nessuna o poca istruzione quali sono i più anche negli istituti religiosi, venerare Maria sotto il dolce titolo di Madre, Madre di Dio e Madre degli uomini, e piuttosto insistere su questo, che venerarla sotto il titolo di Sacerdote ! La maternità di Lei presa sotto il suo duplice aspetto […] non racchiude forse in modo chiaro e intellegibile a tutti, ciò che nebulosamente e in modo equivoco viene significato col titolo di Sacerdote ?51
Notes
1 Marie-Jeanne Bérère, Renée Dufourt, Donna Singles, Et si on ordonnait des femmes ?, Paris, Centurion, 1982 ; Cettina Militello (éd.), Donne e ministero. Un dibattito ecumenico, Roma, Dehoniane, 1991 ; John Wijngaards, Né Eva, nemmeno Maria. L’ordinazione sacerdotale delle donne nella Chiesa cattolica, Molfetta, La Meridiana, 2002 ; Serena Noceti, « “Nel senso di una profezia e di una promessa”. La riflessione sul ministero ordinato alle donne », in Marinella Perroni, Alberto Melloni, Serena Noceti (éd.), Tantum aurora est. Donne e Concilio Vaticano II, Münster, Lit Verlag, 2012, p. 317-331.
2 Sur ces thèmes : Congregazione per la Dottrina della Fede, Dall’« Inter insigniores » all’« Ordinatio sacerdotalis ». Documenti e commenti, Città del Vaticano, Libreria editrice vaticana, 1996 ; Alberto Piola, Donna e sacerdozio. Indagine storico-teologica degli aspetti antropoligici dell’ordinazione delle donne, Torino, Effatà, 2006.
3 Ce modèle a remplacé soit le paradigme du monisme androcentrique, diffusé dans les premiers siècles de l’inculturation chrétienne (selon lequel Dieu est pensé comme andromorphe), soit le paradigme du dualisme androcentrique, où l’égalité théorique des sexes est contredite par les doctrines sur la différence de rationalité entre hommes et femmes : Kari Elisabeth Børresen, « Impedimentum sexus. The Cultic Impediment of Female Humanity », in Anne Hege Grung, Marianne Bjelland Kartzow, Anna Rebecca Solevåg (éd.), Bodies, Borders, Believers. Ancient Texts and Present Conversation, Eugene (OR), Pickwick, 2015, p. 243-268.
4 Kari Elisabeth Børresen, « Cristianesimo e diritti umani delle donne : l’impedimentum sexus », in Dinora Corsi (éd.), Donne cristiane e sacerdozio. Dalle origini all’età contemporanea, Roma, Viella, 2004, p. 261-271 ; Ead., « Sexologie religieuse et droits humains des femmes », Yearbook of the European Society of Women in Theological Research, 2006, n° 14, p. 119-131.
5 Liviana Gazzetta, « Ideologia e organizzazione della donna cattolica. La donna forte », in Ead., Elena da Persico, Verona, Cierre, 2005, p. 47-54 ; Daniel Moulinet, « La femme forte », Chrétiens et sociétés. xvie-xxie siècles, n°15, 2008, p. 87-108. [En ligne : http://chretienssocietes.revues.org/1852]
6 A. Piola, op. cit., p. 15.
7 René Laurentin, Maria, Ecclesia, sacerdotium. Essai sur le développement d’une idée religieuse, Paris, Nouvelles éditions latines, 1952 ; Id., Marie, l’Église et le sacerdoce. Étude théologique, Paris, Nouvelles éditions latines, 1953.
8 Le Pseudo-Épiphane, c’est-à-dire Epifanio di Salamine (ca 315-403), dans l’un de ses textes, utilisait ces images sur la Vierge, mais il critiquait durement les groupes montanistes qui admettaient les femmes au ministère sacerdotal : A. Piola, op.cit., p. 128-131.
9 Considéré jusqu’aux années 1950 comme un texte d’Albert le Grand, ce livre a eu un rôle central dans la tradition chrétienne et catholique : Luigi Gambero (éd.), Testi mariani del secondo millennio. Autori medievali dell’Occidente secc. xiii-xv, Rome, Città nuova, 1996, p. 343.
10 René Laurentin, Maria, Ecclesia, sacerdotium, p. 192-193.
11 Sur l’histoire des dogmes mariaux : René Laurentin, Présence de Marie : histoire, spiritualité, fondements doctrinaux, Paris, Salvator, 2011 ; Ermanno M. Toniolo (éd.), La Vergine Maria dal Rinascimento ad oggi, Rome, Centro di cultura mariana Madre della Chiesa, 1999.
12 Francesco Petrillo, Ippolito Marracci protagonista del movimento mariano del secolo xvii, Roma, Edizioni Monfortane, 1992.
13 Raymond Deville, L’École française de spiritualité, Paris, Desclée, 1987 ; Yves Krumenacker, L’École française de spiritualité. Des mystiques, des fondateurs, des courants et leurs interprètes, Paris, Cerf, 1998.
14 Pierre Pourrat, « Marie et le sacerdoce », in Hubert Du Manoir (éd.), Maria. Études sur la Sainte Vierge, I, Paris, Beauchesne, 1966, p. 803-813 ; Pourrat soutient que pour l’école française de spiritualité, l’incarnation, la présentation au Temple, l’immolation du Calvaire, la résurrection et l’ascension sont les parties constitutives du sacrifice du Christ et que, dans toutes les parties de ce sacrifice, Marie a exercé son sacerdoce ministériel.
15 Raymond Deville, « Olier Jean-Jacques », dans Luigi Borriello et al. (éd.), Dizionario di Mistica, Città del Vaticano, Libreria editrice vaticana, 1998, p. 928-929 ; Michel Dupuy, Se laisser à l’Esprit : itinéraire spirituel de J.-J. Olier, Paris, Cerf, 1982.
16 Cité par René Laurentin, Maria, Ecclesia, sacerdotium, p. 372.
17 Ibid., p. 380.
18 Bertrand de Margerie, Histoire doctrinale du culte au cœur de Jésus, Paris, Mame, 1992 ; Jacques Benoist, Le Sacré-Cœur des femmes de 1870 à 1960. Contribution à l’histoire du féminisme, de l’urbanisme et du tourisme, Paris, Éditions de l’atelier, 2000 ; Daniele Menozzi, Sacro Cuore. Un culto tra devozione interiore e restaurazione cristiana della società, Rome, Viella, 2001.
19 Mère Marie de Jésus Deluil Martiny fondatrice de la Société des Filles du Cœur de Jésus, Namur, Monastère des Filles du Cœur de Jésus, 1909 ; René Laurentin, Marie Deluil-Martiny précurseur et martyr, Paris, Fayard, 2003 ; Marie Deluil-Martiny a été déclarée bienheureuse en 1989 par le pape Jean Paul II.
20 Régis Bertrand, « Les visitandines de Marseille, le vœu de la peste de 1720 et le culte du Sacré-Cœur (xviiie et xixe siècles) », in Marie Elisabeth Henneau, Paola Vismara, Bernard Barbiche, Julien Coppier, Yves Kinossian, Claude Langlois (éd.), Pour Annecy et pour le monde. L’ordre de la Visitation (1610-2010), Cinisello Balsamo, Silvana Editoriale, 2011, p. 233-248 ; plus général : Christian Sorrel, « Le temps des épreuves : les Visitations françaises à l’aube du xxe siècle », ibid., p. 85-97.
21 Mgr Nicolas Deschamps est l’auteur du livre Les sociétés secrètes et la société ou philosophie de l’histoire contemporaine, Avignon, Séguin, 1874.
22 Tous ces thèmes sont résumés dans la lettre que Marie Deluil-Martiny écrit aux filles pour le premier jubilé de l’institut, le 8 décembre 1882 : Lettere della serva di Dio Maria di Gesù Deluil Martiny, Milano, Tip. S. Giuseppe, 1910, p. 307.
23 Marie Deluil-Martiny, « Journal d’âme, 7 juin 1871 », in René Laurentin, Marie Deluil-Martiny précurseur et martyr, p. 68.
24 La serva di Dio madre Maria di Gesù Deluil Martiny fondatrice della Società delle Figlie del Cuore di Gesù e la sua opera, Milano, Tip. Pontificia, 1922, p. 34 ( trad. : « Les Filles du Cœur de Jésus, victimes avec Marie, seront aussi avec Marie les auxiliatrices du prêtre ; elles attendront dans le but de l’aider avec leurs propres prières et leurs sacrifices quotidiens, pour que dignement il réponde à sa sublime vocation ; elles ne cesseront jamais d’implorer de Dieu que son ministère soit fécond et brille par la vertu, la force et la sainteté » ).
25 Oswald Van den Berghe, Marie et le sacerdoce, Bruxelles, Haenen, 1872.
26 Pierre Pourrat, op.cit., p. 819.
27 Sources primaires sur la spiritualité de Deluil-Martiny et de son ordre : Louis Laplace, La Mère Marie de Jésus Deluil-Martiny, Lyon, E. Vitte, 1906 et Eugène Vendeur, La Sainte Messe et les écrits de la servante de Dieu Marie de Jésus, Namur, Woitrin, 1912.
28 Marie Deluil-Martiny, « Journal d’âme, 25 décembre 1868 », in René Laurentin, Marie Deluil-Martiny précurseur et martyr, p. 64. Il faut dire que, même après l’ouverture de la canonisation de la fondatrice, on n’a pas la pleine disponibilité de ses écrits : Laurentin parle de 21 manuscrits déposés près de la Congrégation des Rites, mais pendant ma recherche, je n’ai jamais pu les consulter.
29 Il faut rappeler en particulier, à ce propos, ce qui concerne la biographie de Louis Laplace (premier biographe de la fondatrice) : si la troisième édition (Louis Laplace, La Mère Marie de Jésus fondatrice de la Société des Filles du Cœur de Jésus, Paris, Casterman, 1906), donnait des éléments concernant des grâces mystiques reçues en 1868 sur cette thématique, dès l’édition suivante cette information disparaît. Même les plus récentes biographies de Deluil-Martiny, sauf celle de Laurentin, taisent cet épisode de 1868.
30 Par exemple : Giuseppe Salvi, La Vergine sacerdote socia del sacrificio divino, Camerino, Marchi, 1905 ; Augustin M. Lepicier, L’Immaculée Mère de Dieu corédemptrice, Turnhout, Saint-Victor, 1906 ; Édouard Hugon, La Vergine sacerdote. Esame teologico d’un titolo e d’una dottrina, Pavia, Artigianelli, 1912 ; P. Ignace Marie, La Vierge sacerdotale, Strasbourg, Benziger, 1924.
31 En 1838, le Saint-Office avait déjà analysé le thème, mais une décision sur la légitimité du titre n’avait été pas prise : Liviana Gazzetta, « Una memoria cancellata. Il culto alla “Virgo sacerdos” e la questione del sacerdozio femminile », Ricerche di storia sociale e religiosa, 2011, n° 79, p. 179-202.
32 Associatio Reparationis Sacerdotalis, Amende Honorable au Cœur Immaculé de Marie Vierge Prêtre, Lille, Desclée, 1913.
33 Max Schmid, Les âmes victimes, Toulouse, Apostolat de la prière, 1927.
34 Voir en particulier Benedetto Fassanelli, « Mentre vediamo che un falso misticismo va dilagando. Esperienze mistiche e pratiche devozionali nella serie archivistica del Sant’Uffizio Devotiones variae (1912-1938) », Ricerche di storia sociale e religiosa, XL/79, 2011, p. 67‑178.
35 P. Giovanni Lottini, Voto su Maria Santissima Virgo Sacerdos, dans Archives de la Congrégation de la Doctrine de la Foi (à partir de maintenant ACDF), Dev. V., 1913, 2, Virgo Sacerdos, vol. I, f. 1 (trad. : « puisque la prêtrise, soit dans la loi de la nature, soit dans la loi mosaïque, soit dans la loi évangélique, a été exclusivement réservée au sexe masculin »).
36 Ibid. (trad. : « dans un degré éminent et beaucoup plus important que n’importe quel autre saint »).
37 Ibid. (trad. : « il ne semble pas convenable d’en abuser »).
38 Ibid. (trad. : « Avec ceci je ne veux pas dire qu’une telle dévotion doit être condamnée et exclue de l’Église. Bien au contraire : mais il me semble qu’il ne faut pas en faire trop de propagande chez les ignorants et spécialement chez les femmes, incapables d’en comprendre la vraie signification et donc capables plutôt de lui donner un sens qui n’est pas le sien »).
39 Ibid. (trad. : « un groupe d’imitatrices de Marie dont le but serait de coopérer à l’action sacerdotale »).
40 « Sommario dalle Costituzioni », in P. Raffaello di S. Giuseppe C. S., Istituto delle Figlie del S. Cuore di Gesù. Visita Apostolica. Relazione e voto, marzo 1920, ACDF., Dev. V., 1913, 2, Virgo Sacerdos, vol. I, f. 4.
41 P. Giovanni Lottini, Voto su Maria Santissima Virgo Sacerdos, ACDF., Dev. V., 1913, 2, Virgo Sacerdos, vol. I, f. 1 (trad. : « attirées par une certaine ambition féminine »).
42 Silvio Fasso, « S. Offizio. La devozione alla Vergine sacerdote », Palestra del clero. Rivista settimanale, 1927, n° 51, p. 32-33 : l’interdiction ne concerne pas les thèses théologiques sur la participation de Marie au sacerdoce.
43 Claude Langlois, « Le temps de l’Immaculée Conception. Définition dogmatique et événement structurant », in Bruno Béthouart, Alain Lottin (éd.), La dévotion mariale de l’an mil à nos jours, Arras, Artois Presses Université, 2005, p. 365-380 ; Id., Le continent théologique. Explorations historiques, Rennes, Presses Universitaires, 2016, p. 265-278.
44 D’ailleurs, à ce moment historique, il y avait déjà quelques voix féminines qui en parlaient clairement, comme Thérèse de Lisieux : Dinora Corsi, « “Forme” del ministero sacro femminile », in Ead., Donne cristiane e sacerdozio, p. XVIII ; Claude Langlois, Le désir de sacerdoce chez Thérèse de Lisieux, Paris, Salvator, 2002 ; plus généralement il faut dire, selon Claude Langlois, que la même dévotion à la Vierge prêtre « représentait l’aspect le plus visiblement dicible d’un désir féminin, largement disséminé, d’être prêtre […] » : Claude Langlois, Le continent théologique, op.cit., p. 273.
45 P. Raffaele di S. Giuseppe, Visita Apostolica all’Istituto delle Figlie del S. Cuore di Gesù. Relazione e voto. Sommario dalle Costituzioni, ACDF., Dev. V., 1913, 2, Virgo Sacerdos, vol. I, f. 4.
46 P. G. Lottini, Voto su Maria Santissima Virgo Sacerdos, cit. (trad. : « Combien il aurait été plus bénéfique pour l’institut si les sœurs avaient insisté sur la vénération de la maternité de Marie et avaient vénéré le sacerdoce de Jésus »).
47 Ibid. (trad. : « Parce que de telles coopératrices ont été officiellement établies, fût-ce de façon indirecte, à l’exemple de Marie, il en dérivera comme conséquence logique de les appeler elles aussi, bien que d’une manière spirituelle, sous la dénomination de prêtre, et nous aurons ainsi des prêtresses dans l’Église de Dieu, comme le prétendait aussi la secte des Colliriens, au sein de laquelle les femmes ne prétendaient pas consacrer le Corps et le Sang de Notre Seigneur, mais prétendaient, apparemment, offrir une galette de pain à la Vierge Marie »). Les Colliriens étaient une secte gnostique des premiers siècles du christianisme, diffusée en Thrace et Arabie et dénoncée par Épiphane de Salamine (ca 315-403), qui avait développé le culte à la Vierge (à laquelle ils offraient des galettes de pain) sur la base de croyances païennes.
48 Claude Langlois, Le continent théologique, op.cit., p. 270.
49 Si dans le catholicisme post-tridentin, la Mère de Jésus est la seule dimension du sacré qui ait une déclinaison au féminin, le culte marial entre 1850 et 1960 pousse évidemment vers l’approfondissement de cette lecture de la figure de la Vierge : Claude Langlois, Le continent théologique, op.cit., p. 265-278.
50 Joachim Bouflet, Philippe Boutry, Un signe dans le ciel. Les apparitions de la Vierge, Paris, Grasset, 1997 ; Emma Fattorini, Il culto mariano tra Ottocento e Novecento : simboli e devozione. Ipotesi e prospettive di ricerca, Milano, Franco Angeli, 1999.
51 P. G. Lottini, Voto su Maria Santissima Virgo Sacerdos, cit. (trad. : « Qu’il est plus beau, plus convenable à l’esprit et à la dévotion des fidèles, surtout simples, d’aucune ou de peu d’éducation qui sont la majorité dans les ordres religieux, de vénérer Marie sous le doux titre de Mère, Mère de Dieu et Mère des hommes, et d’insister plutôt sur cela que la vénérer sous le titre de Prêtre ! La maternité de Marie considérée sous son double aspect ne comprend-elle pas de façon claire et à tous compréhensible ce que d’une manière équivoque et nébuleuse on signifie sous le titre de Prêtre ? »).
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Référence papier
Liviana Gazzetta, « Une idée de sacerdoce féminin entre xixe et xxe siècle : les Filles du Cœur de Jésus et la dévotion à la « Vierge Prêtre » », Chrétiens et sociétés, 25 | -1, 127-143.
Référence électronique
Liviana Gazzetta, « Une idée de sacerdoce féminin entre xixe et xxe siècle : les Filles du Cœur de Jésus et la dévotion à la « Vierge Prêtre » », Chrétiens et sociétés [En ligne], 25 | 2018, mis en ligne le 08 juin 2022, consulté le 13 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/4502 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.4502
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