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Dossier

L’enseignement public primaire à Lyon de 1848 à 1870

Religion et laïcité dans l’enseignement avant les lois laïques
Public primary education in Lyon from 1848 to 1870. Religion and secularism in education before secular laws
André Lanfrey
p. 23-53

Résumés

L’article entreprend la révision des stéréotypes encore présents dans le domaine de l’histoire de l’enseignement à Lyon. Il prend appui sur une minutieuse évaluation statistique pour montrer le rôle des congrégations religieuses dans l’enseignement public en montrant les avancées puis, à partir de 1860, les freins. Il analyse également le jeu des forces idéologiques qui fait de Lyon un pôle précoce de la laïcité. Mais il s’interroge aussi sur les limites des combats idéologiques pour mettre en évidence la demande sociale d’enseignement qui constitue une force motrice et conduit à mettre l’école, quelle que soit son orientation, au service des populations.

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Géographie :

Lyon

Chronologie :

1848-1870
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Texte intégral

  • 1 Sarah Curtis, L’enseignement au temps des congrégations. Le diocèse de Lyon (1801-1905), Lyon, PUL, (...)
  • 2 L’orthographe de ce mot est de maniement délicat : le substantif « laïc » désigne, en terminologie (...)
  • 3 Pour avoir une idée complète de l’équipement scolaire lyonnais, il faudrait prendre en compte les n (...)

1À la fin du Second Empire, Lyon dispose d’un enseignement élémentaire public comptant 108 écoles toutes gratuites1. Mais le Français moyen serait sans doute surpris d’apprendre que les deux tiers de ces écoles sont congréganistes : les Frères des écoles chrétiennes dirigent alors 32 écoles communales de garçons et les Sœurs Saint-Charles 31 écoles communales de filles. La Société de l’Instruction primaire du Rhône, au personnel laïque2, dirige 22 écoles de garçons et 20 écoles de filles où l’enseignement religieux est aussi donné. Enfin, il y a 2 écoles protestantes et 1 école juive3.

2En effet, avant les lois laïques de 1881-1886, l’enseignement public en France est encore confessionnel et son personnel est congréganiste ou laïque. Ajoutons qu’il n’est pas aussi déficient qu’un certain mythe laïque l’affirme et J. Ferry, en matière d’éducation populaire, est davantage un héritier qu’un créateur.

  • 4 Sarah Curtis, op. cit., préface de Claude Langlois, p. 7.

3En fait, avant lui, l’Église catholique a été, par ses congrégations, « une gigantesque fabrique d’enseignants »4. Par ailleurs, avant 1870, nous sommes dans un monde où le mot « laïque » commence seulement à signifier « a-religieux » et veut encore dire, pour les questions d’enseignement, « non congréganiste ». Nous verrons aussi que le terme « congréganiste » n’est pas aussi clair qu’il y paraît.

4Disons donc que la chute du Second Empire sera l’occasion de l’affirmation d’une école laïque au sens actuel, issue d’un courant de pensée libéral évoluant vers le socialisme et la république dont nous allons suivre la montée au cours du xixe siècle et surtout à partir de 1848. Pour autant, le système antérieur mérite plus qu’une mention en passant, d’autant qu’il est toujours présent aujourd’hui. Ce que je vais donc esquisser c’est : d’une part que Lyon est un pôle majeur de créativité en matière d’éducation publique populaire ; et d’autre part que les congrégations y jouent un rôle majeur mais occulté.

Mythe et histoire

  • 5 Claude Langlois (dir.), Le Catholicisme au féminin. Les congrégations françaises à supérieure génér (...)
  • 6 Sarah Curtis, op. cit.
  • 7 Je me permets de renvoyer à mes deux ouvrages : Sécularisation, séparation et guerre scolaire. Les (...)

5Cette occultation vient en grande partie de la domination d’une historiographie laïque accréditant une vision messianique de l’école laïque génératrice de lumière et de liberté face à l’obscurantisme clérical. Il est vrai que l’histoire religieuse, de son côté, a longtemps négligé une réalité congréganiste foisonnante, difficile d’accès et considérée comme une sorte de prolétariat clérical d’importance secondaire et appartenant à deux domaines différents : l’éducation et le religieux. Enfin, du côté des congrégations, l’effort historiographique a été tardif et souvent dispersé en monographies privilégiant l’aspect religieux de ces institutions. Mais des auteurs ont fait sortir les congrégations de ces ornières épistémologiques. J’en citerai deux particulièrement inspirants : Claude Langlois5 sur les congrégations féminines françaises et Sarah Curtis, une universitaire américaine6, qui a traité de l’enseignement congréganiste à Lyon et dans sa région7. Mon but est donc de traiter de l’école publique congréganiste à Lyon selon une épistémologie renouvelée sans oublier que Lyon est aussi un des foyers majeurs de la montée d’une école publique laïque.

Le poids de l’histoire

  • 8 Le système distingue les écoles de pauvres, gratuites, et les écoles de riches, payantes. Le bureau (...)

6Les congrégations sont issues du courant dévot – le mot « dévot » aujourd’hui péjoratif devant être restitué dans son sens premier de « militant » – qui, au xviie siècle, notamment par la Compagnie du Saint-Sacrement, bâtit à l’échelle de la France un système d’œuvres caritatives. C’est avec son aide que le prêtre Charles Démia (1637-1689) organise à Lyon le premier système scolaire municipal. Promoteur des écoles de pauvres dès 1667, il devient en 1672 intendant des petites écoles et crée un Bureau chargé de leur administration8. Subventionné par la municipalité, bénéficiaire de lettres patentes du pouvoir royal, le système Démia essaime dans le diocèse et hors du diocèse, faisant de Lyon un des pôles de la rénovation scolaire en France. La méthode pédagogique s’apparente à la méthode simultanée des Frères des écoles chrétiennes : des classes d’enfants de même niveau et non la vieille méthode individuelle pratiquée par les maîtres et maîtresses traditionnels qui consiste à faire défiler les enfants les uns après les autres pour prendre et réciter leur leçon, tandis que les autres perdent leur temps.

  • 9 Ce ne sont pas des religieuses : elles ne sont pas cloîtrées et ne font pas de vœux.
  • 10 Roger Gilbert, Charles Démia, fondateur lyonnais des petites écoles des pauvres 1637-1689, Lyon, Éd (...)
  • 11 Sarah Curtis, op. cit., p. 33.

7Pour la formation des maîtres, Démia a créé le séminaire Saint-Charles et une communauté de maîtresses d’école, simples « filles séculières » ou « sœurs » qui deviendront les Sœurs Saint-Charles9. Dès 1689, le bureau gère 20 écoles dont 9 de filles10. À la veille de la Révolution, 50 % des 16 à 20 000 enfants de Lyon sont scolarisés11. En 1791, à la veille de leur dissolution, les Sœurs Saint-Charles gouvernent 15 écoles de filles, 4 écoles de travail initiant les filles pauvres à un métier où enseignent 35 sœurs rétribuées par la commune. À la Croix-Rousse, elles occupent la « maison de l’enfance » comprenant maison de retraite pour les sœurs anciennes, pensionnat de jeunes filles et asile pour femmes démentes. On peut supposer que les écoles de garçons sont alors une quinzaine. Le bureau des écoles de la municipalité révolutionnaire remplace tous ces enseignants par des instituteurs et institutrices laïques mais en 1793, le système des petites écoles est abandonné. En 1799, l’enseignement primaire à Lyon est en pleine confusion.

  • 12 Le gouvernement se méfiant de Lyon, il n’y a pas de mairie centrale.
  • 13 L’actuelle mairie du 5e arrondissement.
  • 14 Le 28 octobre 1804, elles se donnent le nom de « Sœurs des Écoles Chrétiennes » (Annales, t. 1, p.  (...)
  • 15 Sur les Sœurs Saint-Charles sous la Révolution, voir Roland Saussac, « La communauté Saint-Charles (...)

8Contraintes à une vie clandestine après 1793, les sœurs continuent des activités catéchétiques et éducatives. Dès les dernières années de la Révolution, le maire de l’ouest de Lyon12, Bernard Charpieux, cherche à les rassembler avec l’aide de l’abbé Georges Paul, ancien supérieur du séminaire Saint-Charles et membre de l’ancien bureau. En novembre 1802, les sœurs sont installées au Petit Collège13 : des 41 sœurs de 1791, 10 sont mortes et 15 réintègrent la communauté sous la direction de la Mère Sicard14. Pour l’enseignement des filles, il y a donc forte continuité entre l’Ancien Régime et Napoléon15.

  • 16 Il formait des prêtres et des instituteurs. Mais le recrutement d’instituteurs semble avoir été peu (...)
  • 17 Rappelons quelques éléments essentiels de la pédagogie de la Conduite : les élèves de même niveau g (...)
  • 18 Sur cette affaire compliquée, voir Pierre Zind, Les nouvelles congrégations de frères enseignants e (...)

9Pour l’enseignement des garçons, le problème est différent : le séminaire Saint-Charles destiné à former des maîtres d’école a cessé de fonctionner16 mais le bureau des écoles reconstitué sous le nom de « jury des écoles », et dont l’abbé Georges Paul et Bernard Charpieux semblent les chevilles ouvrières, fait appel aux Frères des écoles chrétiennes fondés à Reims par Jean-Baptiste de la Salle (1651-1719) au moment où Démia organisait les écoles de Lyon. Au xviiie siècle, ils ont constitué dans de nombreuses villes – mais pas à Lyon où le système Démia suffisait – des écoles à forte réputation d’excellence grâce à la méthode simultanée codifiée dans la Conduite des Écoles chrétiennes17. Comme d’ex-frères ont créé à Lyon sous la révolution des écoles particulières, à partir de 1802, ils invitent le F. Frumence, le supérieur résidant à Rome, à rentrer en France. Le cardinal Fesch intervient et le supérieur arrive en 1804. La communauté a été implicitement autorisée par le premier consul en 180318.

  • 19 Archives F.E.C., F. Orbanis, Notes historiques des établissements 1705-1914, t. 1, p. 166.

10C’est donc grâce à l’action conjointe des milieux ecclésiastiques, des municipalités et des notables catholiques que 27 frères peuvent s’installer au Petit Collège en 1804, obtenir l’autorisation légale et la direction des écoles communales de garçons. Leur gratuité, établie dès 1803, convient tout à fait aux Frères des écoles chrétiennes qui font vœu d’enseigner gratuitement. En 1805, ils dirigent 10 écoles. Ils reprennent l’habit religieux et les Sœurs Saint-Charles font de même au grand ébahissement des habitants. En 1808, le réseau des écoles communales, réparties en trois quartiers (nord, midi, ouest), est ainsi organisé19 :

Frères des écoles chrétiennes

Sœurs Saint-Charles

16 frères enseignants dans 8 écoles

24 sœurs dans 12 écoles

2 écoles de couture

2 suppléants en cas de maladie

2 suppléantes

2 frères servants

2 servantes

1 économe

1 maîtresse des novices

Coût : 18 628 F

Coût : 15 600 F

  • 20 Claude Langlois souligne l’importance de l’offre scolaire de personnel qualifié dans le développeme (...)
  • 21 Le vicaire général Jauffret rassemble les anciennes religieuses de divers ordres et congrégations a (...)
  • 22 Georges Rigault, Histoire générale de l’institut des Frères des écoles chrétiennes, Paris, Plon, 19 (...)
  • 23 Commune à l’est du Rhône, non encore rattachée à la ville.

11Les raisons d’un tel succès ne sont pas fortuites. Il y a d’abord l’excellente réputation de l’enseignement des Frères des écoles chrétiennes, réclamés par de nombreuses villes. D’où les faveurs du pouvoir napoléonien qui ne veut pas de moines ni de jésuites mais des associations utiles. Il y a aussi l’avantage, pour les autorités municipales, de résoudre le problème de la pénurie de maîtres et maîtresses20, sans compter que des associations spécialisées sont capables d’assurer continuité et encadrement21. En 181422, 56 frères exercent à Lyon et 3 à la Guillotière23.

  • 24 F. Orbanis, Notes historiques des établissements (1705-1914), t. 1, p. 120.
  • 25 Sarah Curtis, op. cit., p. 52.

12Leur action est soutenue par un milieu catholique en pleine renaissance, apte à soutenir financièrement ces écoles vues comme à la fois civilisatrices et christianisatrices dans la tradition de Démia. Les Frères des écoles chrétiennes signalent comme aide précieuse une « Association pieuse d’hommes dévoués aux écoles chrétiennes » indépendante du jury24. Les Sœurs Saint-Charles bénéficient de l’aide des « Dames associées à l’œuvre de Saint-Charles » qui impriment des livres et des images pour les élèves, distribuent des prix, paient le chauffage, fournissent des bourses pour la formation des novices25.

Les congrégations et l’État

  • 26 Georges Rigault, op. cit., t. IV, p. 138-143.

13Cependant, les frères et les sœurs, sans être des ordres religieux, n’en sont pas moins des associations religieuses laïques et certaines instances gouvernementales nourrissent à leur égard une grande méfiance, surtout pour les hommes. En 1807-1809, pour Fourcroy, ministre de l’intérieur, les écoles élémentaires de Lyon étant, selon la tradition, des « écoles de charité », elles relèvent du bureau de bienfaisance. Mais Fontanes, grand maître de la toute nouvelle Université impériale, et le cardinal Fesch considèrent qu’elles relèvent de l’Université. Quant à la municipalité, elle voudrait qu’elles dépendent d’elle, le jury étant délégué pour les gouverner. Le cardinal Fesch, alors au faîte de sa puissance, n’entend pas que les Frères des écoles chrétiennes soient soumis au jury ni au bureau de bienfaisance mais, leur vocation étant nationale, qu’ils soient une entité autonome sous le contrôle de l’Université26. C’est ce qui arrivera en 1806-1808. Dans cette querelle au sommet, nous trouvons la plupart les ingrédients de la question scolaire au xixe siècle : l’école relève-t-elle des préfets, de l’université, de la commune ou de l’Église ? Quant à l’opinion publique, elle est encore indifférente à ce genre de débat. Ce qui l’intéresse, c’est de disposer de bons éducateurs.

  • 27 Georges Rigault, op. cit., t. IV, p. 402

14L’intégration des Frères des écoles chrétiennes à l’Université opère cependant une petite révolution : l’école de garçons est émancipée du cadre caritatif dans lequel elle était née et quitte le modèle Démia qui faisait du clergé la seule institution tutélaire de l’école. Le jury des écoles devient une simple instance de soutien distribuant des fonds et des encouragements. Ce sont le préfet et le recteur qui organisent les établissements et nomment les maîtres. C’est donc une première forme de laïcisation par entente entre autorité ecclésiastique, congrégation et pouvoir central. Les autorités locales sont priées de subventionner mais sans pouvoir de décision. En transférant à Paris leur maison-mère en 1821, les Frères des écoles chrétiennes s’affirmeront comme entité à vocation nationale et s’émanciperont de la ville qui a vu leur renaissance. La mesure est mal ressentie par le milieu lyonnais27, même si un noviciat demeure à Lyon.

  • 28 Leur maison-mère restera à Lyon.
  • 29 En 1802-1804, leur centre a été au Petit Collège (mairie actuelle du 5e) ; en 1804-1809, elles deme (...)

15Les Sœurs Saint-Charles, à la réputation moins largement établie mais à l’enracinement local plus ancien et plus profond28, suivent une autre voie : leur maison-mère restera à Lyon, même quand elles auront essaimé largement au-dehors, et l’archevêché exerce sur elles une direction attentive par un supérieur et un aumônier. Au niveau civil, un décret du 15 mai 1806 les a reconnues provisoirement comme association charitable. Le décret du 22 octobre 1810 les reconnaît définitivement. En 1807, comme d’autres associations charitables féminines, elles ont été placées sous le patronage de Madame-Mère. Le gouvernement leur accorde en 1808 l’ancien couvent des Annonciades, une subvention annuelle de 8 000 F et 15 000 F pour frais d’établissement29.

16Donc, les congrégations qui président à la direction des écoles communales n’ont pas le même statut ni même des objectifs tout à fait semblables : les Sœurs Saint-Charles se livrent à des activités caritatives diverses dont l’école n’est qu’un aspect, tandis que l’école de garçons est plus nettement émancipée de la tradition.

Fonctionnement et extension du réseau d’écoles publiques

17En tout cas, dès l’Empire, la ville de Lyon dispose d’un système d’écoles publiques modernes contrôlé par l’Université, subventionné par la municipalité et le jury des écoles, organisé par deux associations à la fois laïques et catholiques pourvues d’une méthode efficace. Chaque matin, les Frères des écoles chrétiennes partent de leur résidence du Petit Collège pour aller enseigner dans les écoles de quartier et les Sœurs Saint-Charles font de même à partir de leur maison-mère de l’Annonciade.

  • 30 Annales des Sœurs Saint-Charles, t. 1, p. 234. Elles établissent aussi en grande banlieue des école (...)

18Dès l’Empire, leur action déborde le cadre municipal. En 1810, les Sœurs Saint Charles ouvrent une école communale à la Guillotière (sur la rive gauche du Rhône) et en 1824, son maire, Vitton, demande trois sœurs supplémentaires pour secourir les indigents de cette commune misérable. En 1826, une seconde école communale est ouverte aux Brotteaux (quartier de la Guillotière), en plein changement, où les sœurs trouvent « un peuple d’enfants aussi incultes que celui des missions lointaines ». Vers 1820, à la demande du maire, les Sœurs Saint-Charles s’installent à la Croix-Rousse, au bord du plateau qui domine Lyon, puis à Caluire, un peu plus loin sur le plateau, sur demande du maire Coste, en 182730.

  • 31 F. Orbanis, op. cit., p. 283, 294, 299.

19Chez les Frères des écoles chrétiennes, le scénario est très semblable et s’explique fort bien par le souci des autorités municipales et paroissiales de disposer à la fois d’une école de filles et d’une autre de garçons. Dès 1810, Revol, le maire de la Guillotière, après des démarches de « personnes recommandables », sollicite du préfet la création d’une école publique. Le conseil municipal approuve mais « les enfants des familles indigentes doivent seuls y être admis ». L’école est ouverte le 4 mars 1811, tenue par deux Frères des écoles chrétiennes logeant au Petit Collège. En 1821, une seconde école est ouverte, dans la même commune, aux Brotteaux. En 1818, le comte de Varax, maire de Vaise, sur la rive droite de la Saône au nord de Lyon, fonde pour eux une école de trois Frères des écoles chrétiennes qui logeront dans la commune même. À la Croix-Rousse, une école est fondée en 182031.

Méthode mutuelle contre méthode simultanée : un débat national (1815-1836)

  • 32 Robert Raymond Tronchot, L’enseignement mutuel en France de 1815 à 1830, t. 1, p. 105.

20Mais sous la Restauration, la situation scolaire est moins favorable aux congrégations car les milieux libéraux prônent la méthode mutuelle inventée en Angleterre par M. Bell et Lancaster : des moniteurs enseignent sous la direction d’un seul maître et à l’aide d’un matériel de tableaux de lecture, d’ardoises, de bac à sable. Carnot, ministre de l’instruction publique durant les Cent Jours, a préconisé l’adoption de cette méthode et une Société pour l’instruction élémentaire, constituée dès mai 1815 pour promouvoir ce mode pédagogique, survivra à la chute de l’Empire. Les libéraux pensent ainsi parvenir à une éducation populaire massive et peu coûteuse32.

21Mais les milieux ultra lui reprochent son origine étrangère et protestante. En outre, ils contestent son efficacité et son coût peu élevé. La méthode simultanée, nationale et catholique, leur paraît meilleure. D’où une guerre scolaire très rude, particulièrement au début et à la fin de la Restauration, ranimée au début de la Monarchie de Juillet. Guizot y mettra fin en choisissant la méthode simultanée tout en lui joignant des éléments de méthode mutuelle. Vers 1840, les écoles publiques de Lyon, qu’elles soient congréganistes ou laïques, pratiquent vraisemblablement la méthode simultanée-mutuelle devenue celle du ministère de l’Instruction Publique.

Méthode mutuelle et écoles « laïques » à Lyon

  • 33 F. Orbanis, op. cit., p. 284.

22La méthode mutuelle n’a pu s’implanter durablement à Lyon dans l’école publique avant 1828 pour deux raisons qui ne sont que partiellement politiques : la commune a déjà son propre système éducatif et les milieux ecclésiastiques jugent l’enseignement mutuel peu apte à catéchiser. Par ailleurs, bien des maîtres mutuels ne sont que superficiellement initiés à cette pédagogie et ont du mal à résister à la concurrence des Frères. Les archives des Frères des écoles chrétiennes notent qu’aux Brotteaux, « l’école mutuelle à l’arrivée des frères fut désertée peu à peu et supprimée par le conseil municipal le 23 septembre 182333 ».

  • 34 J. Janicot, Monographie des écoles communales de Lyon depuis 1828 jusqu’en 1891, Lyon, J. Chanard, (...)
  • 35 Il sera maire de Lyon de 1840 à 1847.
  • 36 Robert Raymond Tronchot, op. cit., t. 2, p. 141.

23Ce n’est qu’en 1828, avec l’avènement d’un gouvernement libéral, que se constitue à Lyon la Société pour l’Instruction Primaire du Rhône (S.I.P.R.), autorisée par ordonnance le 15 avril 1829. Son fondateur est M. Berna et « il eut pour collaborateurs des hommes généreux et dévoués appartenant à la loge du parfait silence »34. C’est donc une fondation des milieux libéraux visant à contester le monopole des congréganistes en un moment de renaissance générale de l’enseignement mutuel. Sa création reflète aussi sans doute le désir d’une partie du conseil municipal de disposer d’une alternative à l’enseignement public congréganiste. D’ailleurs, à l’origine, cette société ne semble pas hostile à l’enseignement congréganiste : M. Terme, son président de 1828 à 184035, est fort apprécié des frères et des sœurs. En 1830, la société a 1314 membres et 11 écoles mutuelles (7 de garçons et 4 de filles36).

  • 37 J. Janicot, op. cit., p. 178.

24J. Janicot37 évoque l’une des plus anciennes de ces écoles, celle des garçons rue Sergent-Blandan n° 8-10 dont il a probablement été élève, car il décrit avec précision quelques traits typiques de cette méthode.

Cette école avant d’être dans le local actuel avait été installée dans divers locaux. Elle fut fondée en 1832 par la Société d’Instruction Primaire du Rhône dans un local rue de l’Annonciade, 24 sous la direction de M. Bétens. Dès le commencement, on pratiqua l’enseignement mutuel : les tables étaient recouvertes d’une couche de sable sur laquelle l’élève retraçait avec le doigt les lettres ou les chiffres que le maître faisait au tableau ; ensuite le moniteur passait une règle plate d’un bout à l’autre de la table et effaçait ainsi tout ce qui était tracé sur le sable. C’est aussi dans cette école qu’on employait, pour annoncer le changement des leçons, ce qu’on appelait le télégraphe. Le moniteur avait, à l’extrémité de la table, un bâton au bout duquel il mettait un écriteau annonçant la leçon nouvelle ; à ce signal, tous les élèves se mettaient en mesure pour suivre la leçon annoncée.

25À la fin de la Restauration, l’école publique lyonnaise passe donc du monopole congréganiste à une simple domination.

La Révolution de 1830 et ses effets

  • 38 Arthur Kleinclausz (dir.), Histoire de Lyon de 1814 à 1914, Lyon, P. Masson, 1952, p. 77.
  • 39 Georges Rigault, op. cit., t. V, p. 33.
  • 40 Robert Raymond Tronchot, op. cit., t. 2, p. 192

26La révolution de 1830 provoque à Lyon des troubles limités, car elle est menée par la bourgeoisie libérale, les ouvriers y prenant une faible part38. La querelle des méthodes est relancée : le maire, M. Prunelle, tient à laisser jouer la concurrence entre méthode simultanée et méthode mutuelle, ne doutant pas que la dernière l’emporte39. Si en certains lieux, on a chassé les frères de leurs écoles, à Lyon, on préfère user d’une voie indirecte faite de tracasseries et de réduction de subventions, mais il n’est pas question de se passer des congréganistes : frères et sœurs ont 9 000 élèves dans 26 écoles gratuites, tandis que l’enseignement mutuel ne dispose que de 7 écoles et de 1 092 élèves dont 710 gratuits. Le 11 décembre 1830, le maire propose donc un partage des subventions qui correspond plus ou moins à l’état des forces en présence : 44 600 F au jury des écoles chrétiennes et 5 000 F à l’enseignement mutuel40. Autre tracasserie : en 1834, le conseil municipal projette de réoccuper le Petit Collège, qui sert à la fois de noviciat, de maison de retraite et de communauté pour les frères de nombreuses écoles.

  • 41 Archives des F.E.C., Frère Orbanis, District de Lyon par tableaux d’ensemble, p. 31.
  • 42 Fondatrice de la Propagation de la foi et dame d’œuvre influente.

27En 1836, il somme les frères d’envoyer leurs plus forts élèves à l’école supérieure municipale et leur fait défense d’enseigner dessin et géographie. Comme le supérieur général obtient du ministre la révocation de la décision, le conseil municipal « garde rancune aux frères »41. En novembre 1836, les Frères des écoles chrétiennes réussissent à acheter à Pauline Jaricot42 les bâtiments dits des Lazaristes, sur la pente de la colline de Fourvière, et y installent noviciat, maison des vieillards et la communauté des frères des écoles de l’ouest de Lyon. Ne reste au Petit Collège que la communauté des frères des écoles du midi qui déménagera à Ainay en 1843. Autre acte de défiance probable, cette fois envers les Sœurs Saint-Charles : en 1844, l’école normale féminine de Lyon est confiée aux Sœurs de Saint-Joseph.

  • 43 Robert Raymond Tronchot, op. cit., p. 198.
  • 44 Sarah Curtis, op. cit., p. 85.

28C’est aussi la période du développement, contre les congrégations, d’un arsenal d’arguments inventés après 1815 et indéfiniment répétés par la suite : l’éducation des frères (et des sœurs) est surannée ; ils abusent des exercices de piété ; leurs chefs sont étrangers à l’université ; leur méthode est trop lente43. Mais Sarah Curtis signale que, jusque dans les années 1870, les inspecteurs émettent sur la compétence des Frères des écoles chrétiennes et Sœurs Saint-Charles des avis favorables44. De plus, le ministre Guizot a reconnu la valeur de leur méthode.

  • 45 Georges Rigault, op. cit., t. V, p. 179
  • 46 Ils traversent la Saône en bateau.
  • 47 La communauté comprend 18 frères desservant les écoles paroissiales de Saint-Pierre, Saint-Louis, S (...)

29Il semble qu’après 1836, les relations entre municipalité et Frères des écoles chrétiennes se normalisent, chacun des partenaires ayant besoin de l’autre. On a néanmoins l’impression que l’effectif des écoles de frères connaît une certaine stagnation à Lyon même : en septembre 1838, ils y ont 3 512 élèves répartis dans 14 écoles paroissiales45. C’est aussi un temps de décentralisation de leur dispositif. En 1838, ils fondent l’école de Caluire dirigée par deux frères venant de la Croix-Rousse. En 1841, ils prennent en charge l’école de Serin, au bord de la Saône, sur la commune de la Croix-Rousse mais proche de Vaise d’où les frères partent chaque jour pour enseigner46. En 1844, une nouvelle communauté de frères est érigée dans le quartier Saint-Polycarpe dans un local loué par la commune47. La même année, ils installent une résidence pour huit frères à La Guillotière. En 1846, le noviciat des Frères des écoles chrétiennes est transféré à Caluire et la maison de retraite y vient en 1847.

  • 48 La Révolution et les deux révoltes des canuts.
  • 49 Annales, t. 1, p. 287.

30Chez les Sœurs Saint-Charles, les événements de 1830, 1831 et 183448 inquiètent, sans plus. L’expansion est à peine freinée. Dans un rapport au ministre du 7 octobre 183849 la supérieure, Mère Dupuy, signale pour Lyon et ses faubourgs :

-18 écoles gratuites et plus de 4000 élèves
- 5 classes de travail pour 250 jeunes filles
- 2 salles d’asile pour 230 enfants
- 1 providence pour 60 orphelines
- 1 hospice de femmes (Saint-Bruno)
- 1 hospice de vieillards à la Guillotière

Problèmes de cohérence interne dans les congrégations.

  • 50 Annales, t. 1, p. 120-123. Les sœurs favorables à une vie religieuse traditionnelle constitueront u (...)
  • 51 Annales, t. 1, p. 200, 260-261.
  • 52 Annales, t. 1, p. 256.
  • 53 Vers 1840-1845, le cardinal de Bonald doit un temps devenir supérieur direct de la congrégation (An (...)

31Comme je l’ai déjà dit, à l’origine, les Sœurs Saint-Charles ne sont pas un ordre religieux : les sœurs ne font pas des vœux mais de simples promesses dont elles peuvent facilement être relevées. Cependant, après la Révolution, comme un certain nombre d’entre elles viennent d’anciens ordres, elles évoluent vers la vie religieuse selon le modèle ancien : vie cloîtrée, vœux, long noviciat… Leurs supérieurs ecclésiastiques, et Fesch en premier, les poussent dans ce sens. En 1813, est introduite la prise d’habit solennelle et l’imposition d’un nom de religion. Mais les sœurs de Lyon ne veulent pas aller au-delà50. Et même, en 1823, M. Bochard, leur supérieur ecclésiastique, fait élire la Mère Nicoud qui semble avoir voulu revenir à l’organisation primitive des Sœurs Saint-Charles, en particulier en supprimant la distinction, sans doute établie récemment, entre sœurs de chœur et sœurs converses. Peut-être à la faveur des événements de 1830, elle impose un statut unique. Mais, devant l’opposition des autorités ecclésiastiques et d’une partie des sœurs, elle doit démissionner le 24 septembre 183351. La même année, le supérieur ecclésiastique, M. Cattet, impose des vœux de religion, faisant des Sœurs Saint-Charles une congrégation52. Mais cette mutation crée un malaise interne durable53 et contribue peut-être à un certain éloignement de la société envers un corps qui s’isole d’elle.

  • 54 Il leur est interdit d’apprendre le latin et, évidemment, de l’enseigner.
  • 55 Georges Rigault, op. cit., t. IV, p. 469. L’auteur situe l’admission d’élèves-maîtres à partir de 1 (...)

32Chez les Frères des écoles chrétiennes, beaucoup plus autonomes des autorités ecclésiastiques, et revendiquant leur condition laïque, nous ne discernons pas ce genre de problème54. C’est d’ailleurs une association à mi-chemin entre la confrérie et la congrégation : au sortir du noviciat, un grand nombre de frères ne font pas de vœux et exercent comme « novices employés », libres de se retirer à tout moment ou susceptibles d’être renvoyés sans formalités. Aussi, une forte proportion des jeunes gens entrés au noviciat se détachent de leur association après un temps plus ou moins long, continuant souvent le métier qu’ils ont appris. La frontière entre frères et maîtres laïques est donc fragile d’autant que le noviciat55, au moins sous la Restauration, ainsi que certaines écoles, forme des élèves-maîtres laïcs. Aussi, en 1838, le gouvernement accorde aux Frères des écoles chrétiennes une subvention de 12 000 F pour fonder à Lyon l’École normale départementale.

33Chez les Sœurs Saint Charles, existent sans doute aussi des cours normaux pour institutrices. La persévérance y est certainement très supérieure à celle des Frères des écoles chrétiennes mais certaines allusions de leurs annales indiquent que les défections n’y sont pas un phénomène négligeable. Il est donc important de rappeler que les noviciats congréganistes, comme les séminaires, sont l’une des voies de promotion sociale pour un grand nombre de jeunes gens de milieux modestes qui y bénéficient d’une formation avant de s’en éloigner.

34En somme, sous la Monarchie de Juillet, les rapports entre conseil municipal et congrégations demeurent assez tendus, surtout dans la phase 1830-1836. Celles-ci ne semblent pas affaiblies mais refondent partiellement leur dispositif. Chez les Frères des écoles chrétiennes, l’établissement des Lazaristes remplace le Petit Collège avant de devenir un grand pensionnat. Leurs annales ne signalent pas d’hostilité de la population à leur égard.

  • 56 F. Orbanis, p. 235.

35Une statistique56 concernant le personnel enseignant congréganiste des écoles publiques de Lyon indique une évolution nettement positive, en personnel plus qu’en écoles. En somme, le dispositif est arrivé à maturité et les classes se multiplient dans les écoles.

Année

Écoles de garçons

Frères

Écoles de filles

Sœurs

1830

11

36

11

25

1838

13

50

13

34

  • 57 Panachant les deux méthodes avec plus ou moins de bonheur.
  • 58 Robert Raymond Tronchot, op. cit., p. 485.
  • 59 Ibid., op. cit., p. 533.
  • 60 Ce sont probablement des personnes inscrites mais pas des participants réguliers.

36Quant à l’enseignement public « laïque », si la concordance entre la S.I.P.R. et l’enseignement mutuel est forte, toutes les écoles mutuelles ne relèvent pas d’elle : les rapports d’inspecteurs signalent en 1833 12 écoles mutuelles à Lyon, 1 à Lyon-Guillotière, 1 à Oullins, 2 à Lyon-Vaise et des écoles simultanées-mutuelles57 à Caluire, Oullins, Lyon-Saint-Georges58. En 1837, la S.I.P.R.59 dispose de 7 écoles élémentaires, dont une supérieure, groupant 948 garçons ; de 3 écoles pour 472 filles, d’une école de dessin et d’un cours normal. Les jeudis et dimanches, elle accueillerait 2 249 adultes60.

Radicalisation de la S.I.P.R. ?

  • 61 Robert Raymond Tronchot, op. cit., t. 2, p. 565

37J’ai déjà dit que, dans les années 1833-1836, Guizot a délaissé l’enseignement mutuel au profit d’un enseignement baptisé simultané-mutuel mais s’inspirant surtout de la méthode simultanée. Soucieux de préserver l’autorité du gouvernement, le ministre refuse systématiquement l’autorisation à toute nouvelle association enseignante, qu’elle soit religieuse ou laïque. La Société pour l’enseignement mutuel reçoit cette politique comme un déni et attribue ses échecs aux manœuvres congréganistes. Après 1842, son journal sombre dans l’anticléricalisme, l’antijésuitisme et l’anticongréganisme61.

  • 62 J. Janicot, op. cit., p. 17.

38La S.I.P.R. de Lyon a-t-elle suivi cette évolution de la société mère ? En tout cas, l’uniforme de ses élèves après 1830 est significatif de l’esprit de la société : les garçons portent une blouse bleue avec brassard tricolore, pantalon blanc, ceinturon et bonnet rouge rayé de noir. Quant aux filles, dans les cérémonies, elles ont ceinture bleue et robe blanche62.

  • 63 André Latreille, Histoire de Lyon et du Lyonnais, Toulouse, Privat, 1975, p. 332

39On serait donc tenté de penser qu’à Lyon, la querelle des méthodes étant désormais dépassée, le libéralisme évolue vers l’idée d’un enseignement laïque au sens actuel, favorisé par la montée d’un socialisme anarchiste ou fouriériste et d’une petite bourgeoisie républicaine63. Mais devant la faiblesse de notre documentation et son caractère contradictoire, il convient de rester prudent et d’envisager plutôt un enseignement « laïque » traversé de courants divers allant du libéralisme catholique au socialisme anticlérical.

  • 64 F. Orbanis, op. cit., p. 239. Le terme est en passe de devenir impropre.
  • 65 Les Annales des Sœurs Saint-Charles (p. 329) précisent que les sœurs institutrices qui recevaient 5 (...)

40Ceci dit, l’évolution du budget des écoles de la ville de Lyon en 1831-1838 reflète – ou contribue à favoriser – une montée très nette de l’enseignement mutuel64. On s’achemine vers la proportion 2/3-1/3 en faveur de l’enseignement congréganiste65.

Année

Budget des écoles chrétiennes

Budget des écoles mutuelles

1830

49 600

5 000

1831

37 000

9 000

1832

37 000

12 000

1833

37 000

17 200

1834

40 000

17 200

1835

45 600

19 000

1836

51 395

19 000

1837

52 195

23 000

Les troubles de 1848

  • 66 F. Orbanis, op. cit., p. 415. Ces métiers à tisser avaient été installés au pensionnat pour apprend (...)
  • 67 Annales, t. 1, p. 326-27.

41Nous savons que la révolution de février est l’occasion d’une sorte de guerre sociale, les « voraces » s’attaquant aux ouvroirs et établissements soupçonnés d’une concurrence déloyale. Ils envahissent aussi les grands établissements ecclésiastiques et congréganistes (séminaire Saint-Irénée, Chartreux…) soupçonnés d’être des foyers de réaction mais ne semblent pas faire cas des écoles proprement dites. En ce qui concerne les Frères des écoles chrétiennes, les voraces pénètrent aux Lazaristes, y brûlent des métiers à tisser la soie et recherchent des armes. Le récit des Frères des écoles chrétiennes concernant cette invasion décrit les envahisseurs sous deux aspects complémentaires : une minorité organisée visant la destruction des métiers à tisser, à laquelle s’est jointe une foule cherchant à piller et casser sans discernement66. Ils ne signalent pas d’hostilité anticléricale. Le noviciat et la maison de retraite de Caluire sont aussi attaqués et 150 novices sont congédiés. L’école normale est dissoute. À Ainay, c’est la panique : les frères se munissent d’habits civils, tandis que 500 clubistes tiennent réunion dans les classes de la maison. La maison-mère des Sœurs Saint-Charles est aussi envahie et perquisitionnée. Dans une ambiance d’affolement, les sœurs converses (qui doivent sortir pour les services de la maison) s’habillent en civil. Une partie des sœurs se retirent dans leur famille67.

  • 68 Arthur Kleinclausz, op. cit., p. 146.
  • 69 Ibid, p. 154-155.
  • 70 Archives des F.E.C., F. Orbanis, op. cit.

42Durant quatre mois, les ouvriers maintiennent le trouble dans la cité68. Au niveau politique, 1848 génère une durable radicalisation en deux camps, « conservateurs et républicains “rouges” écrasant de leur masse les républicains modérés, état-major sans troupe »69. L’ambiance trouble favorise une action municipale agressive envers les congrégations, d’autant que M. Terme, ami des frères et maire de Lyon, est mort en décembre 1847. Laforêt, le nouveau maire, fait appeler le F. Sylvestre chargé des relations avec les autorités civiles : « Citoyen […], votre enseignement n’est plus en rapport avec l’esprit du jour. Vous avez à nous remettre les clés dans les 24 heures »70. Les Frères des écoles chrétiennes suscitent alors le soutien du cardinal de Bonald et la commune doit renoncer devant la multiplication des pétitions et députations. En mars, une pétition d’instituteurs laïques demande, sans plus de succès, la suppression des frères.

Expansion urbaine et écoles

43La position des congrégations est forte pour diverses raisons : outre qu’elles sont bien intégrées au milieu lyonnais, la ville est en croissance rapide : 130 000 habitants en 1800 ; 177 000 en 1851 à la veille de l’annexion des communes de Vaise (8 800 habitants), la Croix-Rousse (28 700 habitants), la Guillotière (41 500 habitants). En 1861, Lyon aura 319 000 habitants. Les besoins en éducateurs sont donc criants et les congrégations demeurent les institutions les plus capables de fournir du personnel, le recrutement des écoles normales demeurant encore faible. Qu’elles soient révolutionnaires, libérales ou conservatrices, les autorités municipales n’ont pas les moyens de se passer des services congréganistes.

  • 71 En 1848, les frères ont été expulsés des écoles publiques de la Guillotière et ont créé des écoles (...)
  • 72 F. Orbanis, op. cit., p. 283.

44L’action des Frères des écoles chrétiennes continue donc de se manifester qualitativement et à s’étendre géographiquement. Dès 1849, ils ouvrent une école spéciale (supérieure) pour les écoles du midi à Ainay. Ils s’étendent dans les quartiers annexés et en banlieue ou y réoccupent leurs positions71. À partir de 1852, ils se renforcent à la Guillotière et aux Brotteaux et en 1861, leur résidence de la rue Vendôme peut recevoir 25 à 30 frères72. Vénissieux les appelle en 1853. En 1856, un établissement est fondé à la Mulatière ; en 1861, un autre est fondé à Saint-Fons.

  • 73 Ibid., p. 299.
  • 74 Arthur Kleinclausz, op. cit., p. 164.

45À la Croix-Rousse, centre d’action des voraces, la situation est moins bonne : « Les frères, malgré le traitement diminué, leurs élèves détournés, les procédés hostiles et en dépit des menaces, restèrent fidèles au poste »73. Comme la commune étrangle financièrement les écoles de frères, ceux-ci font appel aux quêtes et loteries pour survivre. En 1853, les communautés de frères de Lyon se cotisent pour les soutenir. On peut penser que l’annexion de la Croix-Rousse a permis ensuite une amélioration de leur situation. Néanmoins, pour la première fois semble-t-il, existe une opposition organisée et tenace des républicains « rouges », spécialement à la Guillotière et à la Croix-Rousse, qui « se donna le plaisir de combattre âprement les congrégations enseignantes »74.

  • 75 Annales, t. 1, p. 389. Ce semble être une mesure d’économie et non une intention malveillante.
  • 76 Annales, t. 1, p. 332.
  • 77 Annales, t. 1, p. 366.

46Chez les Sœurs Saint-Charles, la subvention de 8 000 F. versée depuis 1808 par le gouvernement est réduite à 4 000 F en janvier 184975. L’invasion de la maison-mère les a peut-être incitées à une décentralisation qui réduit leur visibilité et les rapproche des populations. Des résidences sont créées près des écoles les plus éloignées : à Saint-Pothin (Brotteaux) et à Saint-Eucher (Croix-Rousse) en 1850, quartiers les plus éloignés et aussi plus pauvres et difficiles76. En 1859, une communauté est établie à Saint-André comprenant école communale, externat payant, salle d’asile et œuvre d’aide aux pauvres. En 1860, une résidence sera établie rue Pierre Corneille aux Brotteaux77 où les dix sœurs ont plus de 1 000 élèves et des œuvres caritatives dans un quartier que leurs annales décrivent comme un monde de masures et de rues défoncées semblant « séparé par de longs siècles de la double civilisation du christianisme et des progrès modernes ».

  • 78 Ibid., Quant à ses présidents, après M. Terme, ce sont M. Thiaffait (1840-1851), Reveil (1851-1852) (...)

47Quant à la S.I.P.R., elle semble avoir traversé sans encombre la période 1848-1852 puisqu’en 1853, elle prend en charge « toutes les écoles laïques de garçons et de filles des communes de Vaise, de la Guillotière-Brotteaux et de la Croix-Rousse » annexées à la ville de Lyon en 185278.

Le blocage des congrégations à partir de 1860

48Si 1848 a été un rude choc, la république conservatrice qui vote la loi Falloux, puis l’Empire autoritaire sont favorables aux congrégations, gênées plus qu’entravées en certains lieux par une opposition politique décidée mais très minoritaire.

  • 79 Jean Maurain, La politique ecclésiastique du Second Empire, Paris, 1930 ; Maurice Gontard, Les écol (...)

49C’est dans les années 1860-1870 qu’un retournement se produit pour des raisons à la fois nationales et locales. En effet, le ministre Rouland s’inquiète de l’expansion des congrégations qu’il juge plus dévouées au pape qu’au gouvernement et veut soutenir les instituteurs laïques jusque-là défavorisés et susceptibles de devenir des agents du pouvoir. Les autorités municipales n’ayant plus de pouvoir sur les écoles administrées par les préfets, ceux-ci sont invités à s’opposer à la nomination d’instituteurs congréganistes dans les écoles publiques nouvelles s’il leur semble que ce choix ne correspond pas au désir de la majorité de la population79.

  • 80 André Latreille, op. cit., p. 338.
  • 81 F. Orbanis, op. cit., p. 251.

50André Latreille souligne de son côté qu’à Lyon, jusqu’en 1860, les forces conservatrices, y compris la bourgeoisie libérale attachée à la propriété et au parlementarisme, empêchent l’émergence d’un fort courant républicain, mais qu’ensuite l’alliance entre le petit peuple et l’aile avancée de la moyenne bourgeoisie (Hénon, Jules Favre) suscite un retournement cimenté par l’anticléricalisme, qui se développe à une vitesse étonnante. Le soutien des catholiques à Pie IX et la publication du Syllabus (1864) contribuent largement à ce phénomène80. Chez les Frères des écoles chrétiennes, le F. Orbanis81 note pour cette période :

La municipalité, l’académie se montrent indifférentes à nos écoles tandis que les protecteurs des écoles mutuelles s’efforcent de faire prospérer leur œuvre, d’encourager leurs maîtres à se montrer supérieurs aux frères dans les catéchismes faits aux élèves dans les églises. Ils n’y réussissent pas.

  • 82 André Lanfrey, Une congrégation enseignante : les Frères Maristes, thèse sous la direction de Xavie (...)

51Les Frères des écoles chrétiennes sont donc conscients d’avoir perdu le soutien des autorités nationales et locales. Mais en évoquant une concurrence avec l’enseignement mutuel pour le catéchisme, le F. Orbanis rappelle, d’une part que l’enseignement reste confessionnel, et d’autre part que la S.I.P.R. veut faire tomber le préjugé d’enseignement a-religieux qui entrave son développement. En somme, les Frères des écoles chrétiennes se sentent concurrencés sur leur propre terrain. C’est un aspect de la lutte entre congrégations et enseignement « laïque » qui mériterait d’être mieux documenté et permettrait de sortir d’une vision binaire de l’historiographie posant l’instituteur « laïque » comme opposé à l’enseignement religieux ou incompétent en ce domaine. On peut penser que, vers 1860, entre la S.I.P.R. et les congrégations existe une rivalité corporative sans clivage religieux net. Il ne faut d’ailleurs pas oublier que les congrégations religieuses se concurrencent aussi sans trop de ménagements82 et que, pour la population, l’apprentissage du catéchisme, nécessaire pour la première communion, demeure important.

  • 83 Pour les inspecteurs et les partisans de l’enseignement laïque, la lettre d’obédience, qui n’est pa (...)
  • 84 Mais aussi rendrait les institutrices plus autonomes.
  • 85 Annales, t. 1, p. 444. Ces mêmes annales soulignent des « oppositions et divergences au sein de son (...)

52C’est aussi l’époque où les inspecteurs primaires et les adversaires des congrégations dénoncent la lettre d’obédience délivrée par le ou la supérieure, qui remplace le brevet dans les congrégations autorisées83. Supprimée en 1848, elle a été rétablie par la loi Falloux (1850) et jette le soupçon sur la compétence professionnelle des Frères des écoles chrétiennes et des Sœurs Saint-Charles. La Mère Dupont, supérieure de 1849 à 1874, fortement soutenue par les autorités ecclésiastiques, est résolument opposée au brevet pour deux raisons : il pourrait être source d’orgueil84 pour ses religieuses et tendrait à placer l’enseignement du catéchisme au second rang85 mais la question fait débat au sein de la congrégation.

  • 86 Ibid., p. 371.
  • 87 Ibid. Dès 1847, il n’y a plus guère de monde aux réunions annuelles. En sus du vieillissement, les (...)

53Il reste un élément nouveau de faiblesse des congrégations que soulignent les Annales des Sœurs Saint-Charles : le vieillissement. C’est pourquoi une maison de retraite est créée à Brignais en 185986. C’est aussi la cause partielle de l’extinction progressive de l’association des Dames associées de Saint-Charles créée tout au début du siècle. En 1830, elle compte encore 80 membres. La dernière admission dans cette espèce de confrérie a lieu à une date significative : le 13 janvier 1848. La Révolution de février semble donc avoir donné le coup de grâce à une œuvre déclinante qui s’éteindra en 185887. Une telle prise de distance de la part d’un milieu connu pour son grand esprit charitable est surprenante mais traduit peut-être une évolution de fond : les congrégations paraissent puissantes et imbues d’un esprit qui ne fait plus l’unanimité ; et l’école est moins perçue comme œuvre charitable.

Initiatives des congrégations féminines

54Il ne faut sans doute pas exagérer ce retrait de la bonne société lyonnaise envers les congrégations féminines, qui font d’ailleurs preuve d’une grande créativité, particulièrement dans les quartiers périphériques de Lyon. En effet, Janicot mentionne la création, par les congrégations féminines, de quelques groupes scolaires de 1860 à 1870 qui comprennent salle d’asile, école élémentaire et parfois pensionnat. En 1860, la construction de l’église de l’Immaculée-Conception aux Brotteaux intègre, en sus du presbytère, une école de filles qui sera tenue par les Sœurs Saint-Charles.

  • 88 L’architecte n’est pas M. Desjardins mais M. Bissuel.

55En 1861-1862, un groupe scolaire est établi 23 rue Montgolfier pour les Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul, sur un terrain appartenant aux Hospices civils. Ses plans ont été réalisés par M. Desjardins, architecte de la ville. Le rez-de-chaussée est occupé par un asile (école maternelle), le 1er étage est l’école de filles et le 2e comprend dortoirs, chapelle… Des groupes semblables sont établis : en 1862 au 135 rue Créqui (Sœurs Saint-Charles) ; en 1863 rue des tables claudiennes sur un terrain communal, un autre sur le boulevard de la Croix-Rousse (Sœurs Saint-Joseph), toujours avec pour architecte M. Desjardins. En 1869, un asile est établi pour les Sœurs Saint-Charles rue de la Part-Dieu sur un terrain appartenant aux Hospices civils et à un particulier88.

  • 89 Le rôle des Hospices civils est significatif d’un état d’esprit traditionnel qui inclut toujours l’ (...)

56Ces créations qui concernent uniquement des congrégations féminines semblent requérir un montage financier mixte : les instances publiques89 donnent le terrain et assurent des services techniques (architecture), tandis que les congrégations féminines construisent avec l’aide des bienfaiteurs. Ainsi, c’est par les congrégations féminines que semble commencer un effort de rationalisation des équipements scolaires qui jusque-là occupaient en général des locaux mal adaptés.

57Les congrégations féminines ont aussi largement investi dans l’accueil aux petits enfants avec les salles d’asile ou écoles maternelles. Janicot, qui chiffre leur nombre à 29 avant 1876, rappelle que « les écoles maternelles ont presque toujours été dirigées par des institutrices congréganistes de divers ordres, sauf cinq ou six qui, en 1870, 1871 et 1872 avaient été laïcisées, plus celles qui appartenaient au consistoire protestant et une seule, celle de la rue Saint-Denis, 6 qui ont toujours été dirigées par des institutrices laïques ».

Bilan global à la fin du Second Empire

  • 90 Sarah Curtis, op. cit., p. 57.

58Entre 1848 et 1870, le paysage socio-politique s’est redessiné. Le suffrage universel inauguré en 1848 et enraciné au cours de l’Empire pose de manière nouvelle le problème scolaire : dans les écoles de garçons, il faut former des citoyens. Avec Victor Duruy, à la fin de l’Empire, se profile la politisation de l’enseignement féminin. Au niveau social, l’école, par l’action même des congrégations, s’est largement émancipée de sa matrice catéchétique et caritative : désormais, le catéchisme n’est qu’une matière parmi d’autres et, pour bien des parents, l’instruction profane est devenue un enjeu majeur. Cours normaux congréganistes et écoles normales ont formé de nombreux enseignants laïques capables et pas nécessairement irréligieux. Il commence à y avoir un équilibre entre l’offre et la demande d’instruction, les populations étant relativement indifférentes quant au statut laïque ou congréganiste des enseignants, pourvu que leurs enfants reçoivent un enseignement efficace et gratuit90 incluant le catéchisme.

59Longtemps plus nombreux et mieux formés que la plupart des enseignants laïques, les congréganistes sont en voie de perdre cet avantage, d’autant qu’en renforçant leurs formes monastiques, certaines congrégations, comme les Sœurs Saint-Charles, se sont éloignées de la société, apparaissant comme des entités puissantes et relativement opaques, même si elles sont légitimées du fait de leur ancienneté et des services qu’elles rendent. Cependant, seuls les courants idéologiques les plus extrêmes, qui prônent obligation, gratuité et – plus discrètement – laïcité, veulent les supprimer. Mais est-ce bien réaliste ? En 1870, le budget des écoles publiques de Lyon qui s’élève à 437 607 F semble donner une bonne idée des forces en présence, sans doute autant complémentaires qu’opposées :

  • Écoles congréganistes : 271 207 F (62 %)

  • Écoles de la S.I.P.R. : 166 400 F (38 %)

  • 91 Maurice Gontard, op.cit., p. 199.

60Insatisfaits d’un système scolaire trop conservateur à leur goût, les milieux radicaux et anticléricaux fondent en 1869 une Société d’instruction libre et laïque récusant tout enseignement religieux. Illégale, cette société bénéficie du laxisme de la fin de l’Empire qui la laisse organiser des écoles qui accueilleront 500 enfants en 1869-1870. La chute de l’Empire, le 4 septembre 1870, donnera raison aux audacieux qui ont tenté une épreuve de force91.

L’avance de Lyon dans la politique laïcisatrice (1870-1873)

  • 92 Arthur Kleinclausz, op. cit., p. 180-206.

61Sous l’Empire, Lyon a souffert d’être sous la coupe des préfets et a développé une forte opposition. En 1859, est fondé Le Progrès au titre significatif. Le parti républicain, qui se recrute dans la bourgeoisie, le petit commerce, les chefs d’ateliers et les ouvriers, se réorganise à partir de 1863. Une section de l’Internationale ouvrière se constitue en 1866. Le journal L’excommunié, sorte de « moniteur officiel de la Libre-Pensée », attaque systématiquement l’Église, et notamment les Frères des écoles chrétiennes. Lyon élit des députés d’extrême gauche comme Bancel et Raspail. Au plébiscite de mai 1870, qui entérine la mutation politique du Second Empire, les « non » l’emportent largement. Tous ces facteurs expliquent que Lyon proclame, avant Paris, la déchéance de l’Empire à l’aube du 4 septembre92. Les conséquences de cette prise de pouvoir seront considérables au niveau de l’enseignement.

  • 93 Maurice Gontard, « Une bataille scolaire au xixe siècle : l’affaire des écoles primaires laïques de (...)

62Maurice Gontard a décrit en détail les péripéties de la bataille scolaire que mènera la municipalité de Lyon contre les congrégations puis contre le gouvernement et l’Instruction publique pour imposer l’école laïque93. Synthétisons les grandes phases du conflit :

  • 94 La S.I.P.R. a refusé de supprimer l’enseignement religieux. Elle est dissoute et son personnel s’en (...)

- Le Comité de Salut Public déclare la laïcisation des écoles le 13 septembre.
- Le 30 septembre, la municipalité élue, formée uniquement de républicains, confirme cette décision et crée un réseau d’écoles laïques en faisant appel à des enseignants laïques94. Fin 1870, elle réussit à faire fonctionner 29 écoles de garçons et 31 de filles. Le 28 avril 1871, le dispositif communal comprend 116 écoles gratuites avec 216 maîtres et maîtresses. Université et gouvernement ont laissé faire.
- Les congrégations aidées des curés et des notables catholiques constituent un réseau concurrent d’écoles privées et entreprennent une action judiciaire contre la ville.
- En août 1871, l’affaire devient nationale : la commune de Lyon étant dans une situation illégale, le gouvernement est sommé d’intervenir.
- S’ensuit un long conflit (fin 1871-1873) entre la commune et le préfet Ducros qui rend aux congrégations leurs écoles publiques en septembre 1871 et se substitue à la commune pour les questions d’éducation, passant de nouveaux contrats avec elles.

  • 95 L’ambiance révolutionnaire a dissuadé l’électorat conservateur.

63Trois facteurs semblent avoir animé la commune de Lyon et contribué à un assez large soutien populaire95 : l’affirmation des prérogatives communales contre le pouvoir central ; la liberté de conscience ; et surtout un véritable messianisme justifiant l’illégalité au nom du progrès et de la liberté d’opinion.

  • 96 Maurice Gontard, « Une bataille scolaire au xixe siècle... », op. cit., p. 291-293.

64Cette affaire de Lyon, malgré son échec à court terme, annonce donc les victoires républicaines futures en matière d’éducation. Ceci étant, la politisation extrême de la question scolaire cache bien des complexités. Maurice Gontard rapporte que des instituteurs de la Société libre d’éducation laïque, poursuivis pour n’avoir pas enseigné le catéchisme à l’école, révèlent que, sur la demande des mères, ils l’avaient fait en dehors des heures de classe, à l’insu des pères des enfants et de la Société96.

65Au fond, le principal facteur de la réussite relative de la ville de Lyon, puis celui de l’enseignement public laïque, c’est un fait peu spectaculaire mais décisif : une grande ville peut mobiliser assez d’enseignants laïques pour remplacer les congréganistes, surtout quand ceux-ci résolvent en partie le problème en créant des écoles libres concurrentes.

Les laïcisations vues par les congréganistes

  • 97 Le F. Orbanis semble avoir recueilli la mémoire de la communauté d’Ainay mais ne pas donner une vue (...)
  • 98 F. Orbanis, op. cit., p. 254.

66Dès le 4 septembre, les frères de la communauté d’Ainay97 s’inquiètent : « Quelques paroles malveillantes entendues par les frères dans la journée font craindre que la communauté soit assaillie durant la nuit ». Le souvenir de 1848 est vivace, puisque le directeur donne immédiatement aux frères des habits civils et de l’argent. Quelques-uns restent à la maison et les autres passent la nuit dans l’église d’Ainay98. Le 6 septembre, « la populace armée s’empare de la maison voisine des RR.PP. jésuites » et emmène quelques pères en prison mais elle ne vient pas chez les frères : deux sentinelles armées ont d’ailleurs été postées à l’entrée de la cour, on ne sait par qui.

67Les clés de l’établissement ayant été rendues, sur les 38 frères de la communauté d’Ainay, 18 demeurent et les autres sont dispersés. Le conseil municipal somme même les frères de quitter l’établissement des Lazaristes qui leur appartient. Comme en 1848, le noviciat de Caluire est attaqué et les frères âgés et infirmes de la maison de retraite, expulsés en octobre, doivent être recueillis à l’hôpital de la Charité. Visitant les Frères des écoles chrétiennes au moment de la Commune, le F. Philippe, supérieur général, « compare la résidence des frères à celle des chrétiens des catacombes ».

  • 99 Annales, t. 1, p. 473.

68Les Sœurs Saint-Charles signalent des perquisitions et des pillages dans bien des maisons religieuses mais sont laissées tranquilles, d’autant que certaines sœurs prêtent leur concours au soin des blessés. Mais les annales signalent « au cours de cette année d’épreuves quelques défections »99, peut-être de sœurs s’engageant dans l’enseignement laïque.

  • 100 Maurice Gontard, « Une bataille scolaire au xixe siècle... », art. cit., p. 275.

69Il convient d’ajouter que la S.I.P.R., avec laquelle la mairie voulait s’entendre pour laïciser ses écoles, lui oppose un refus. Elle est alors dénoncée « comme une force réactionnaire à la remorque des Frères Ignorantins » et le conseil municipal supprime ses subventions le 1er janvier 1871. Sans ressources, la société doit abandonner la plupart de ses écoles. Son personnel – par nécessité ou (et) conviction ? – accepte son intégration dans les écoles laïques de la ville. Les consistoires protestant et israélite font de même : leurs écoles sont laïcisées100.

70Le système congréganiste, adossé au milieu catholique lyonnais, est beaucoup plus solide et réactif : la création d’écoles libres par le Comité catholique lyonnais est rapide et efficace. L’inspecteur primaire de l’académie de Lyon donne les chiffres suivants pour 1870-1871 :

  • 101 Ce faible nombre est étonnant. On peut supposer que les familles, craignant des troubles, ont gardé (...)

Avant le 4 septembre 1870

En 1871

F.E.C. : 33 écoles publiques et 9 497 élèves

30 écoles privées et 7 565 élèves

Sœurs Saint-Charles : 30 écoles publiques et 7905 élèves

26 écoles privées et 3 550 élèves101

71Le Comité des écoles catholiques relève pour l’année 1871-1872 les effectifs suivants :

- 8 858 élèves dans les écoles congréganistes devenues privées
- 5 082 dans les écoles publiques laïques (créées par la municipalité)
- 4 350 dans les écoles de la S.I.P.R.
- 500 dans les écoles privées laïques (celles de la Société d’instruction libre et laïque)
- 271 dans les écoles protestantes et juives.

72Soit 10 203 élèves d’écoles non congréganistes publiques et privées contre 8 858 élèves des congréganistes.

73Le recensement scolaire de juin 1872 donne des résultats assez semblables :

  • 102 Au sens de non-congréganistes. Apparemment, les écoles privées non-congréganistes n’ont pas été pri (...)

Garçons

Filles

Total

Écoles laïques102

4 855

3 953

8 808

52 %

Écoles congréganistes

3 950

4 002

7 952

48 %

Vers la privatisation de l’enseignement congréganiste

  • 103 J. Janicot, op. cit.
  • 104 Sarah Curtis, op. cit., p. 164.
  • 105 André Latreille, op. cit., p. 357-359.

74Les années 1872-1878 seront pour l’enseignement congréganiste l’occasion de récupérer provisoirement ses positions. En 1874, le préfet Ducros agissant comme représentant de la ville de Lyon passe contrat pour six ans avec les Frères des écoles chrétiennes, les Sœurs Saint-Charles, les Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul et les Sœurs de Saint-Joseph. Celui-ci sera dénoncé dès 1877 par la commission municipale103. À partir de 1878, la pression, les tracasseries se multiplient envers les écoles congréganistes : réductions de traitement, du nombre de classes, de subvention pour le chauffage… Néanmoins, en 1880, les écoles confessionnelles ont encore la majorité du public scolaire, en partie parce que les autorités peinent à recruter des enseignants laïques104. C’est seulement vers 1885 que leur effectif sera dépassé par celui des écoles laïques105 .

  • 106  André Latreille, op. cit., p. 371 : « Il existait à peine 25 groupes scolaires dans des installati (...)

75Dès 1873, la municipalité a entrepris la construction de groupes scolaires rompant avec la politique de sous-traitance privilégiée jusque-là. En 1886, 18 de ces groupes auront été construits et ce dispositif ne variera guère avant l’arrivée d’Herriot à la mairie avant la guerre de 14-18106. En somme, la domination de l’enseignement laïque à Lyon s’effectue en une quinzaine d’années. Dans une large mesure, la municipalité a anticipé la politique de Jules Ferry. Pour autant sa victoire, là comme ailleurs, est loin d’être un triomphe, d’autant que, pour une grande partie des catholiques, la cause de l’école « libre » revêt désormais une importance capitale. C’est pourquoi le gouvernement Combes en 1903 et 1904 éprouvera le besoin de se débarrasser des congrégations en leur interdisant l’enseignement. Mais ces mesures ne feront que relancer une guerre scolaire commencée à Lyon en 1870. Il reste que les années 1848-1880 auront été la phase décisive d’un basculement fondamental de l’éducation publique en France et que Lyon y a joué un rôle moteur.

76Nous avons pu percevoir dans cette histoire évoquée à grands traits combien l’éducation est proche de la politique, et ce dès l’époque de Démia qui réussit à faire entrer la municipalité de Lyon dans une politique éducative née dans des milieux militants du catholicisme. Nous trouverons le même schéma au xixe siècle, la municipalité de Lyon oscillant longtemps entre deux entités militantes opposées pour finalement opter définitivement. C’est pourquoi le xixe siècle a été celui des guerres scolaires, d’abord entre méthode simultanée et méthode mutuelle pour passer, après un temps de relatif équilibre, à un second stade plus radical, la notion de laïcité évoluant d’un sens canonique (religieux et laïcs) à un concept idéologique signifiant le refus du religieux. Il faudrait aussi considérer combien les périodes révolutionnaires sont capitales pour créer des évolutions décisives.

77Nous avons peu évoqué un problème sous-jacent fondamental : celui de la légitimité des corps intermédiaires, dans un État centralisateur qui ne veut avoir face à lui que des individus. Longtemps tolérés par nécessité, ces corps, qu’ils soient laïcs ou religieux, devenus pour un temps des instances semi-publiques, sont finalement rejetés au nom des droits de l’État éducateur formulés dès la suppression des jésuites en 1763 et affirmés avec force par la Révolution. Pour autant, l’État central n’a pas été le seul acteur de cette prise de pouvoir comme l’exemple de Lyon le démontre.

78Cette vision trop exclusivement politique de l’histoire de l’enseignement a été vivement – et justement à notre avis – critiquée, notamment par Sarah Curtis qui situe son travail dans une histoire de l’offre et de la demande d’éducation. Et à ce sujet, il est clair que les congrégations ont joué un rôle majeur et précoce dans la politique de l’offre. Ce sont elles qui ont créé l’instituteur et l’institutrice modernes établis sur trois piliers fondamentaux : la notion de vocation poussant des hommes et des femmes à consacrer leur vie à l’éducation populaire ; la technicité par la méthode simultanée et un programme précis ; enfin la notion de corps organisé, hiérarchisé, et donc capable de continuité. Les « hussards noirs de la république » (Péguy) ne seront pas si loin que cela des congréganistes, esprit mis à part. Et encore faudrait-il fortement nuancer l’image d’un corps enseignant laïque totalement républicain et anticlérical.

79On ne songe guère que l’enseignement congréganiste (surtout chez les hommes) a réalisé une première laïcisation de l’enseignement en émancipant les enseignants de la tutelle directe du clergé et en donnant à l’école une fonction bien plus large que le simple apprentissage du catéchisme. On ne songe pas assez que dans les quartiers, les bourgs et les villages, l’instituteur congréganiste a été avant l’instituteur laïque une autorité complémentaire, voire concurrente de celle du curé. Il faut souligner aussi que les congrégations ont été de grandes pourvoyeuses d’enseignants laïques par les frères et les sœurs ne persévérant pas en leur sein et par les élèves-maîtres formés dans des cours normaux plus ou moins informels et même des écoles normales. Contrairement à une certaine mémoire idéologique, les ponts ont été nombreux entre enseignants laïques et congréganistes, même si une certaine rivalité corporative a joué, dont il est difficile d’évaluer l’importance.

80Pour autant, le relatif échec congréganiste est aussi dû à des causes structurelles. Son enseignement a souffert d’une contradiction interne entre une action modernisatrice, poussant les individus à l’émancipation grâce à l’instruction dispensée, et une pensée politico-religieuse fondée sur les idées d’ordre, de hiérarchie et de stabilité. Cette contradiction se manifeste aussi par un genre de vie d’abord assez proche de celui de la société, qui évolue vers le retrait monastique. Il pourrait y avoir là deux des causes profondes de la relative mais réelle désaffection des milieux populaires et des classes moyennes envers les congréganistes. Et c’est peut-être ce faible ancrage social qui permet à la commune de Lyon puis au gouvernement français de marginaliser les congrégations dans les années 1870-1904 : une marginalisation qu’elles avaient amorcée elles-mêmes.

  • 107 Voir un modèle à l’état pur de cette vulgate dans la préface à l’ouvrage de J. Janicot qui est par (...)
  • 108 Voir la préface de Claude Langlois à l’ouvrage de Sarah Curtis rappelant que l’Église du xixe siècl (...)

81Quoi qu’il en soit, il y a eu avant Jules Ferry un modèle éducatif structuré, quoique non centralisé, et pas seulement une poussière d’écoles rétrogrades comme l’a trop proclamé sans preuves une vulgate laïque107 dont la mémoire française a quelque mal à sortir108. L’enseignement public laïque doit à ce modèle plus qu’il ne croit, spécialement à Lyon.

  • 109 En partie parce que les femmes ne votent pas.

82Mais je suis conscient que mon étude présente les péripéties d’une lutte entre minorités agissantes et évoque peu, et de manière imprécise, un acteur pourtant décisif : la société demandeuse d’éducation et d’instruction. J’ai suggéré un certain éloignement entre congrégations et société lyonnaise, effleuré la question de l’importance du catéchisme et en même temps évoqué une certaine indifférence quant au statut congréganiste ou laïque de l’enseignant. Les sources me manquent pour approfondir ces questions mais je poserais volontiers l’hypothèse qu’en définitive, une bonne partie de la société adhère à une forme particulière de laïcité que l’on pourrait un peu prosaïquement définir ainsi : peu importe l’habit de l’instituteur pourvu qu’il corresponde aux objectifs des familles. Cette attitude de fond expliquerait qu’à Lyon, l’enseignement public laïque s’impose109 en dépit de la puissance des congrégations mais aussi qu’y subsiste ensuite un fort enseignement « libre » congréganiste. Car au fond, le débat scolaire se déroule à trois partenaires (Église, État, société) et le plus laïque des trois n’est pas celui que l’on croit car, dans sa masse, la société ne revêt pas l’école de significations politico-religieuses, mais la perçoit comme un instrument à son service.

  • 110 Émile Keller cité par Sarah Curtis, op. cit., p. 34.

83Enfin, si j’ai montré qu’en matière de laïcité, Lyon avait été un pôle d’importance nationale, j’ai négligé de rappeler que, par les congrégations, son rayonnement a été grand : en 1880, 39 congrégations d’hommes et de femmes ont leur maison-mère à Lyon110. Et même, toute une étude pourrait être menée sur le rayonnement mondial de Lyon par les congrégations fondées dans la ville, sa banlieue ou sa région : en premier les Sœurs Saint-Charles et les Frères des écoles chrétiennes bien sûr. Mais aussi, pour les femmes, les sœurs de Saint-Joseph ; pour les hommes, les Frères Maristes à Saint-Genis-Laval ; les Clercs de Saint-Viateur fondés à Vourles. En bien des pays, Lyon est connue parce que des congrégations, aujourd’hui émancipées de leur lieu d’origine, y sont nées.

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Notes

1 Sarah Curtis, L’enseignement au temps des congrégations. Le diocèse de Lyon (1801-1905), Lyon, PUL, 2003, p. 178.

2 L’orthographe de ce mot est de maniement délicat : le substantif « laïc » désigne, en terminologie catholique, celui qui n’est pas clerc. En ce sens, les congréganistes sont des laïcs. Employé dans un sens profane, le mot « laïque » est presque toujours un adjectif : un instituteur laïque…

3 Pour avoir une idée complète de l’équipement scolaire lyonnais, il faudrait prendre en compte les nombreuses écoles privées congréganistes (Sœurs de Saint-Joseph, Filles de la Charité…) ou laïques et des œuvres à caractère social (orphelinats, providences) exerçant aussi partiellement une fonction enseignante et éducative. Voir, entre autres, Nobuko Maeda, L’offre d’éducation à Lyon. Les établissements secondaires privés pour les garçons (1808-1870), DEA d’histoire contemporaine, université Lumière-Lyon II, juin 2002, 200 p.

4 Sarah Curtis, op. cit., préface de Claude Langlois, p. 7.

5 Claude Langlois (dir.), Le Catholicisme au féminin. Les congrégations françaises à supérieure générale au xixe siècle, Paris, Cerf, 1984, 776 p.

6 Sarah Curtis, op. cit.

7 Je me permets de renvoyer à mes deux ouvrages : Sécularisation, séparation et guerre scolaire. Les catholiques français et l’école (1901-1914) , Paris, Cerf, 2003, 639 p. ; Marcellin Champagnat & les Frères Maristes, instituteurs congréganistes au xixe siècle, Paris, Éditions Don Bosco, 1999, 324 p.

8 Le système distingue les écoles de pauvres, gratuites, et les écoles de riches, payantes. Le bureau administre l’ensemble.

9 Ce ne sont pas des religieuses : elles ne sont pas cloîtrées et ne font pas de vœux.

10 Roger Gilbert, Charles Démia, fondateur lyonnais des petites écoles des pauvres 1637-1689, Lyon, Éditions E. Robert, 1989.

11 Sarah Curtis, op. cit., p. 33.

12 Le gouvernement se méfiant de Lyon, il n’y a pas de mairie centrale.

13 L’actuelle mairie du 5e arrondissement.

14 Le 28 octobre 1804, elles se donnent le nom de « Sœurs des Écoles Chrétiennes » (Annales, t. 1, p. 60).

15 Sur les Sœurs Saint-Charles sous la Révolution, voir Roland Saussac, « La communauté Saint-Charles de Lyon pendant la Révolution », dans Yves Krumenacker (dir.), Religieux et religieuses pendant la Révolution (1770-1820), Lyon, Profac, 1995, t. 2, p. 65.

16 Il formait des prêtres et des instituteurs. Mais le recrutement d’instituteurs semble avoir été peu efficace, les candidats cherchant à accéder à la prêtrise. Cependant, un certain nombre de prêtres sans bénéfice enseignaient un temps plus ou moins long.

17 Rappelons quelques éléments essentiels de la pédagogie de la Conduite : les élèves de même niveau groupés en classes ou bandes, apprenant à lire en français et non plus en latin ; présences contrôlées, rôle d’officiers pris parmi les élèves…

18 Sur cette affaire compliquée, voir Pierre Zind, Les nouvelles congrégations de frères enseignants en France de 1800 à 1830, chez l’auteur, 1969, p. 47‑57.

19 Archives F.E.C., F. Orbanis, Notes historiques des établissements 1705-1914, t. 1, p. 166.

20 Claude Langlois souligne l’importance de l’offre scolaire de personnel qualifié dans le développement de la scolarisation. Voir Sarah Curtis, op. cit., p. 8.

21 Le vicaire général Jauffret rassemble les anciennes religieuses de divers ordres et congrégations anciennes sous la coupe des Sœurs Saint-Charles. Des communautés locales s’affilient à elles.

22 Georges Rigault, Histoire générale de l’institut des Frères des écoles chrétiennes, Paris, Plon, 1942, t. IV, p. 310

23 Commune à l’est du Rhône, non encore rattachée à la ville.

24 F. Orbanis, Notes historiques des établissements (1705-1914), t. 1, p. 120.

25 Sarah Curtis, op. cit., p. 52.

26 Georges Rigault, op. cit., t. IV, p. 138-143.

27 Georges Rigault, op. cit., t. IV, p. 402

28 Leur maison-mère restera à Lyon.

29 En 1802-1804, leur centre a été au Petit Collège (mairie actuelle du 5e) ; en 1804-1809, elles demeurent rue Tramassac (Annales, t. 1, p. 89).

30 Annales des Sœurs Saint-Charles, t. 1, p. 234. Elles établissent aussi en grande banlieue des écoles privées, parfois destinées à devenir écoles publiques : Vourles (1823) ; Millery (1824) ; Saint-Genis-Laval (1824), Fontaine-Saint-Martin, Sainte-Foy-les-Lyon, Saint-Clair (Annales, p. 202, 213, 218, 226, 228, 240).

31 F. Orbanis, op. cit., p. 283, 294, 299.

32 Robert Raymond Tronchot, L’enseignement mutuel en France de 1815 à 1830, t. 1, p. 105.

33 F. Orbanis, op. cit., p. 284.

34 J. Janicot, Monographie des écoles communales de Lyon depuis 1828 jusqu’en 1891, Lyon, J. Chanard, 1891, p. 16.

35 Il sera maire de Lyon de 1840 à 1847.

36 Robert Raymond Tronchot, op. cit., t. 2, p. 141.

37 J. Janicot, op. cit., p. 178.

38 Arthur Kleinclausz (dir.), Histoire de Lyon de 1814 à 1914, Lyon, P. Masson, 1952, p. 77.

39 Georges Rigault, op. cit., t. V, p. 33.

40 Robert Raymond Tronchot, op. cit., t. 2, p. 192

41 Archives des F.E.C., Frère Orbanis, District de Lyon par tableaux d’ensemble, p. 31.

42 Fondatrice de la Propagation de la foi et dame d’œuvre influente.

43 Robert Raymond Tronchot, op. cit., p. 198.

44 Sarah Curtis, op. cit., p. 85.

45 Georges Rigault, op. cit., t. V, p. 179

46 Ils traversent la Saône en bateau.

47 La communauté comprend 18 frères desservant les écoles paroissiales de Saint-Pierre, Saint-Louis, Saint-Bruno, Saint-Bernard (F. Orbanis, op. cit., p. 305).

48 La Révolution et les deux révoltes des canuts.

49 Annales, t. 1, p. 287.

50 Annales, t. 1, p. 120-123. Les sœurs favorables à une vie religieuse traditionnelle constitueront une entité différente à Pradines en 1814.

51 Annales, t. 1, p. 200, 260-261.

52 Annales, t. 1, p. 256.

53 Vers 1840-1845, le cardinal de Bonald doit un temps devenir supérieur direct de la congrégation (Annales, t. 1, p. 294, 304-305, 313).

54 Il leur est interdit d’apprendre le latin et, évidemment, de l’enseigner.

55 Georges Rigault, op. cit., t. IV, p. 469. L’auteur situe l’admission d’élèves-maîtres à partir de 1821 sans préciser si cette organisation se prolonge longtemps.

56 F. Orbanis, p. 235.

57 Panachant les deux méthodes avec plus ou moins de bonheur.

58 Robert Raymond Tronchot, op. cit., p. 485.

59 Ibid., op. cit., p. 533.

60 Ce sont probablement des personnes inscrites mais pas des participants réguliers.

61 Robert Raymond Tronchot, op. cit., t. 2, p. 565

62 J. Janicot, op. cit., p. 17.

63 André Latreille, Histoire de Lyon et du Lyonnais, Toulouse, Privat, 1975, p. 332

64 F. Orbanis, op. cit., p. 239. Le terme est en passe de devenir impropre.

65 Les Annales des Sœurs Saint-Charles (p. 329) précisent que les sœurs institutrices qui recevaient 500 F avant 1830 n’en reçoivent plus que de 300 à 400 en 1831-1835 et de 387 à 400 en 1836-1848. En 1847, 63 sœurs sont institutrices, dont 59 reçoivent un traitement.

66 F. Orbanis, op. cit., p. 415. Ces métiers à tisser avaient été installés au pensionnat pour apprendre aux élèves « la théorie de la soie ». Mais le journal Le Censeur avait évoqué « cent métiers mis en œuvre » et fonctionnant nuit et jour. En fait, devant ces attaques, le directeur a vendu 3 métiers dès octobre 1847 et au moment de l’attaque, il en reste un seul avec trois dévidoirs.

67 Annales, t. 1, p. 326-27.

68 Arthur Kleinclausz, op. cit., p. 146.

69 Ibid, p. 154-155.

70 Archives des F.E.C., F. Orbanis, op. cit.

71 En 1848, les frères ont été expulsés des écoles publiques de la Guillotière et ont créé des écoles privées.

72 F. Orbanis, op. cit., p. 283.

73 Ibid., p. 299.

74 Arthur Kleinclausz, op. cit., p. 164.

75 Annales, t. 1, p. 389. Ce semble être une mesure d’économie et non une intention malveillante.

76 Annales, t. 1, p. 332.

77 Annales, t. 1, p. 366.

78 Ibid., Quant à ses présidents, après M. Terme, ce sont M. Thiaffait (1840-1851), Reveil (1851-1852), Royé-Vial (1852-1860) et Valois (1860-1878).

79 Jean Maurain, La politique ecclésiastique du Second Empire, Paris, 1930 ; Maurice Gontard, Les écoles primaires de la France bourgeoise (1833-1875), Toulouse, CRDP, 1976, p. 144‑150.

80 André Latreille, op. cit., p. 338.

81 F. Orbanis, op. cit., p. 251.

82 André Lanfrey, Une congrégation enseignante : les Frères Maristes, thèse sous la direction de Xavier de Montclos, Université Lyon 2, 1979.

83 Pour les inspecteurs et les partisans de l’enseignement laïque, la lettre d’obédience, qui n’est pas pratiquée par toutes les congrégations, est la preuve de l’infériorité professionnelle des congréganistes. Pour les congrégations, passer le brevet, c’est se soumettre à l’autorité illégitime de l’État éducateur.

84 Mais aussi rendrait les institutrices plus autonomes.

85 Annales, t. 1, p. 444. Ces mêmes annales soulignent des « oppositions et divergences au sein de son conseil » (p. 484).

86 Ibid., p. 371.

87 Ibid. Dès 1847, il n’y a plus guère de monde aux réunions annuelles. En sus du vieillissement, les Annales donnent deux causes : les bouleversements politiques et le sentiment que les Sœurs Saint-Charles peuvent se suffire à elles-mêmes.

88 L’architecte n’est pas M. Desjardins mais M. Bissuel.

89 Le rôle des Hospices civils est significatif d’un état d’esprit traditionnel qui inclut toujours l’enseignement dans les œuvres de charité, d’autant que les salles d’asile sont vues comme des œuvres sociales plutôt que comme des œuvres d’enseignement.

90 Sarah Curtis, op. cit., p. 57.

91 Maurice Gontard, op.cit., p. 199.

92 Arthur Kleinclausz, op. cit., p. 180-206.

93 Maurice Gontard, « Une bataille scolaire au xixe siècle : l’affaire des écoles primaires laïques de Lyon (1869-1873) », Cahiers d’histoire, t. III/3, 1958, p. 269-294. On peut regretter quelques généralisations hâtives. Par exemple la soi-disant opposition entre bourgeoisie d’affaires catholique et artisans et ouvriers d’esprit républicain et anticléricaux (p. 270). En fait, le mouvement de laïcisation est largement aux mains d’une bourgeoisie anticléricale soutenue par une partie des milieux populaires.

94 La S.I.P.R. a refusé de supprimer l’enseignement religieux. Elle est dissoute et son personnel s’engage dans l’enseignement communal.

95 L’ambiance révolutionnaire a dissuadé l’électorat conservateur.

96 Maurice Gontard, « Une bataille scolaire au xixe siècle... », op. cit., p. 291-293.

97 Le F. Orbanis semble avoir recueilli la mémoire de la communauté d’Ainay mais ne pas donner une vue d’ensemble sur le dispositif des écoles des Frères des écoles chrétiennes.

98 F. Orbanis, op. cit., p. 254.

99 Annales, t. 1, p. 473.

100 Maurice Gontard, « Une bataille scolaire au xixe siècle... », art. cit., p. 275.

101 Ce faible nombre est étonnant. On peut supposer que les familles, craignant des troubles, ont gardé leurs filles chez elles.

102 Au sens de non-congréganistes. Apparemment, les écoles privées non-congréganistes n’ont pas été prises en compte.

103 J. Janicot, op. cit.

104 Sarah Curtis, op. cit., p. 164.

105 André Latreille, op. cit., p. 357-359.

106  André Latreille, op. cit., p. 371 : « Il existait à peine 25 groupes scolaires dans des installations exiguës sinon sordides ». Herriot crée 150 écoles primaires et maternelles et 6 écoles primaires supérieures.

107 Voir un modèle à l’état pur de cette vulgate dans la préface à l’ouvrage de J. Janicot qui est par ailleurs d’une remarquable technicité, se gardant de tout jugement de valeur.

108 Voir la préface de Claude Langlois à l’ouvrage de Sarah Curtis rappelant que l’Église du xixe siècle a été une gigantesque « fabrique d’enseignants », Ferry arrivant après la bataille.

109 En partie parce que les femmes ne votent pas.

110 Émile Keller cité par Sarah Curtis, op. cit., p. 34.

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André Lanfrey, « L’enseignement public primaire à Lyon de 1848 à 1870 »Chrétiens et sociétés, 25 | -1, 23-53.

Référence électronique

André Lanfrey, « L’enseignement public primaire à Lyon de 1848 à 1870 »Chrétiens et sociétés [En ligne], 25 | 2018, mis en ligne le 07 mai 2019, consulté le 06 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/4383 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.4383

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