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Dossier bibliographique
Recensions

Jean-Pierre Albert, Anne Brenon et Pilar Jiménez (dir.), Dissidences en Occident des débuts du christianisme au xxe siècle, Toulouse, Presses Universitaires du Midi, Méridiennes, 2015, 174 p.

Yves Krumenacker
p. 175-176

Texte intégral

1Ce volume reprend les communications du colloque de Mazamet de 2012 sur « la dissidence dans tous ses états. Hérétiques, révoltés, insoumis, indignés… », organisé par le Collectif International de Recherche sur le Catharisme Et les Dissidences (CIRCAED), qui remplace depuis 2011 le Centre d’Études Cathares. Tout ne porte pas par conséquent sur les périodes moderne et contemporaine. Mais une réflexion commune parcourt l’ensemble des textes : comment des divergences peuvent-elles se transformer en dissidence ? En ce sens, l’ensemble du volume intéresse les historiens du religieux, quelle que soit leur période. L’introduction générale du volume, due à J.‑P. Albert, donne des pistes pour caractériser l’apparition d’une dissidence. Elle suppose un pouvoir estimant que les bornes d’une divergence acceptable sont franchies et un opposant qui choisit d’affronter le pouvoir plutôt que de se soumettre ou de dissimuler, selon quatre postures possibles : celles du prophète, du théologien réformateur, du juriste qui conteste la légalité des décisions du pouvoir, du « magicien » qui se réfère à la tradition. La dissidence, explique B. Jeanjean, avec l’élaboration de la doctrine chrétienne dans la séparation avec le judaïsme, puis à l’intérieur du christianisme quand les empereurs interviennent dans l’élaboration dogmatique. C’est que, rappelle D. Iogna-Prat, la dissidence est le négatif de l’orthodoxie, ce qui la définit en creux, par le rejet de ce qui ne peut entrer dans sa constitution. Elle est inséparable du fait que le christianisme se veut religion de vérité, ce qui implique que les autres Dieux sont de faux Dieux ; ainsi peut s’instaurer un statut d’autorité définissant les divergences doctrinales. À partir des ixe- xe siècles se développe une « société de persécution » qui se définit par ce qu’elle rejette et qui envisage les divergences sur le mode de l’altérité. La naissance d’Églises nationales, dès le xiiie siècle, et plus encore au temps de la Réforme, fait que c’est le pouvoir politique qui, de plus en plus, s’occupe de la dissidence, mot apparu justement en français au xvie siècle. En fin de volume, un autre cas attire l’attention : les libertins des xvie-xviie siècles, explique D. Foucault, représentent une figure différente, celle de personnes issues du christianisme mais qui ne s’en réclament plus – et peu importe leur importance réelle dans la société, dans la mesure où ils sont vus autrement que comme des hérétiques ou des infidèles.

2À côté de ces apports théoriques, d’autres textes traitent de l’iconographie arienne (C. Deleplace), bien difficile à caractériser en raison de la très grande proximité entre ariens et catholiques, des « bons hommes » en pays d’oc, d’abord qualifiés d’ariens (P. Jiménez Sánchez), puis d’albigeois, sans pour autant que les croyances et les rites aient forcément changé ; mais ils n’ont plus avec eux un soutien social et politique (A. Brenon). M. Grandjean étudie le cas de Jan Hus, qui relativise l’institution ecclésiale en en appelant au Christ. Pour l’époque moderne, le cas de l’évangéliste radical italien Pomponio d’Algieri, mort sur le bûcher en 1556 comme hérétique et revendiqué par les protestants comme disciple de Luther, est rapidement présenté par D. Müller. Avec la sécularisation des xixe-xxe siècles, les dissidences catholiques se multiplient, soit pour maintenir la tradition, soit au contraire pour aller plus loin dans les réformes que l’Église, soit enfin en tentant de renouveler totalement le catholicisme ; aujourd’hui, on est plus dans la dissidence individuelle, où chacun se constitue sa religion à la carte (J.-P. Chantin). L’exemple des Pyrénées catalanes des xiie et xvie siècles, étudié par C. Gascón Chopo et L. Obiols Perearnau montre comment les dissidences politiques nées de la confrontation des seigneurs locaux avec les comtes de Barcelone, puis les rois d’Aragon, peuvent utiliser la religion. Un dernier texte, sur Simone Weil, la présente comme ayant un « goût pour l’hérésie » (F. de Lussy), avant que la conclusion, due à F. Vallon, ne différencie bien résistance et dissidence.

3Tous les textes de ce petit livre ne concernent pas le champ couvert par Chrétiens et Sociétés. Mais ils donnent beaucoup à penser. La consultation du volume apparaît ainsi d’une grande utilité pour tous ceux qu’intéressent les concepts de dissidence, d’hérésie ou d’hétérodoxie.

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Pour citer cet article

Référence papier

Yves Krumenacker, « Jean-Pierre Albert, Anne Brenon et Pilar Jiménez (dir.), Dissidences en Occident des débuts du christianisme au xxe siècle, Toulouse, Presses Universitaires du Midi, Méridiennes, 2015, 174 p. »Chrétiens et sociétés, 24 | 2017, 175-176.

Référence électronique

Yves Krumenacker, « Jean-Pierre Albert, Anne Brenon et Pilar Jiménez (dir.), Dissidences en Occident des débuts du christianisme au xxe siècle, Toulouse, Presses Universitaires du Midi, Méridiennes, 2015, 174 p. »Chrétiens et sociétés [En ligne], 24 | 2017, mis en ligne le 10 avril 2018, consulté le 04 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/4235 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.4235

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Auteur

Yves Krumenacker

LARHRA, UMR 5190, Université de Lyon Jean Moulin - Lyon III

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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