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Nouvelles recherches sur le catholicisme moderne, dossier coordonné par Bernard Hours

L’exercice du magistère épiscopal à l’heure de l’Unigenitus : questions d’ecclésiologie gallican

The exercise of the teaching authority of bishops at the time of the Bull Unigenitus: questions of Gallican ecclesiology
Olivier Andurand
p. 47-71

Résumés

Lorsque l’Unigenitus arrive en France, les évêques, comme premiers pasteurs de l’Église, sont parmi les acteurs principaux, d’autant que Louis XIV, par son ordonnance de 1695, a renforcé leur pouvoir de juridiction. La charge dont ils sont revêtus recouvre une importante dimension magistérielle. Selon la théologie médiévale, ils sont pasteurs, docteurs, et juges de la foi. Le successeur de Pierre, ayant cette même nature, ne peut prétendre qu’à une primauté d’honneur sur le collège épiscopal. Fort de ces considérations, il s’agit de comprendre comment s’est exercé le magistère épiscopal pendant la querelle de l’Unigenitus qui secoue l’Église de France durant la première moitié du xviiie siècle.

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Texte intégral

  • 1 Jules Michelet, Histoire de France, Paris, Éditions des Équateurs, 2008, t. 14, p. 268-269.
  • 2 Dale Van Kley, Les Origines religieuses de la Révolution française, Paris, Éditions du Seuil, 2002 (...)

1Selon Jules Michelet, l’arrivée de la bulle Unigenitus est un moment fondamental : le 8 septembre 1713 est la véritable date de naissance du xviii siècle. Pour lui, la fulmination de la constitution de Clément XI est aussi le moment où le roi rompt avec les traditions de son royaume et où Rome oublie jusqu’aux fondements du christianisme1. Si personne aujourd’hui ne suivrait Michelet sur des pentes aussi controversées, force est de constater que la portée de l’événement a été d’une exceptionnelle ampleur. En effet, la bulle a ouvert la voie à des contestations sans précédent tant dans le clergé qu’au parlement et il a même été jusqu’à faire trembler la monarchie sur ses bases2.

  • 3 Yves Krumenacker, L’École française de spiritualité. Des mystiques, des fondateurs, des courants et (...)
  • 4 Monique Cottret, Histoire du jansénisme, Paris, Perrin, 2016.
  • 5 Monique Cottret, « La querelle janséniste », in Jean-Marie Mayeur et alii (dir.), Histoire du chris (...)
  • 6 Thierry Issartel, « De l’antijansénisme à la lutte contre Port-Royal : Pierre de Marca (1594-1662), (...)
  • 7 Philippe Luez, Port-Royal et le jansénisme. Des religieuses face à l’absolutisme, Paris, Belin, 201 (...)

2L’origine de la querelle janséniste se situe au début du xvii siècle dans le contexte de l’affirmation de la réforme catholique et du développement de l’école française de spiritualité3. Sous l’égide de Cornélius Jansen, dit Jansénius, évêque d’Ypres, docteur de l’université de Louvain, et de son acolyte Jean Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, se développe un mouvement spirituel marqué par une morale rigoureuse, une austérité du mode de vie au nom d’un mépris du monde et d’une exaltation de la croix. Centrés sur la culture de la grâce, tirée d’une lecture stricte d’Augustin, ceux que leurs ennemis appellent « jansénistes » sont persuadés que Dieu n’a donné sa grâce qu’à un petit nombre d’élus dont les qualités leur permettent de ne pas faillir sur le chemin étroit du salut4. Ces considérations théologiques ne doivent pas faire oublier la dimension violemment contestataire de ce groupe. En 1635, dans son Mars Gallicus, Jansénius attaque Richelieu et la monarchie5 ; durant la Fronde beaucoup de rebelles sont proches de Port-Royal et Arnauld ferraille sans relâche contre la collusion entre le roi et le pape sur la question des cinq propositions et du formulaire6. Pour Louis XIV, ces hommes et les religieuses qui les soutiennent depuis leur monastère de Port-Royal des Champs sont des sources d’exaspération et le souverain n’aura de cesse de vouloir les réduire au silence7.

  • 8 Sylvio Hermann De Franceschi, « Le catholicisme antiromain et l’infaillibilité pontificale au début (...)
  • 9 Cinthia Meli, « Le Sermon sur l’unité de l’Église de Bossuet et son interprétation », Revue d’histo (...)
  • 10 Pierre Blet, Les Assemblées du Clergé et Louis XIV, Rome, Università Gregoriana Editrice, 1972, p.  (...)
  • 11 Bénédicte Sère, Les débats d’opinion à l’heure du Grand Schisme. Ecclésiologie et politique, Turnho (...)

3Au-delà des questions politiques et morales, le xvii siècle est aussi tiraillé sur la question ecclésiologique. Depuis la fin du concile de Trente, les théologiens ont beaucoup interrogé l’institution ecclésiale8. À Rome, à la suite de Robert Bellarmin, l’idée que le pontife est infaillible fait son chemin, le pouvoir des clefs promis par le Christ à Pierre s’est transféré directement à ses successeurs ; selon cette lecture, le pape est le monarque tout-puissant de l’Église catholique. À l’inverse, en France, c’est une autre tradition qui prédomine9. En 1682, à la demande du roi, Bossuet et ses confrères de l’assemblée du clergé formalisent plusieurs siècles d’usages gallicans10. Héritiers des légistes de Philippe le Bel, des canonistes du Grand Schisme et des décisions royales de la Pragmatique Sanction de Bourges11, les prélats de l’assemblée résument la vision française de l’Église dans quatre articles qui se veulent la mise en forme des positions constantes du clergé de France sur le rôle du pape, du concile et des évêques dans la catholicité. D’abord, le pontife n’a qu’une autorité spirituelle et il ne peut donc exercer de domination temporelle ; les prélats affirment ensuite que le pape ne peut en aucun cas juger et déposer les rois ; puis, ils placent le concile au-dessus de lui car, seule l’assemblée des clercs inspirée par le l’Esprit saint représente l’Église universelle ; enfin, d’après eux, le pontife n’est pas personnellement infaillible, mais seulement ex unitate cathedrae, c’est-à-dire avec le consentement du corps épiscopal.

  • 12 Olivier Andurand, La Grande affaire. Les évêques de France face à l’Unigenitus, Rennes, Presses Uni (...)
  • 13 Pierre Blet, Le Clergé de France, Louis XIV et le Saint-Siège de 1695 à 1715, Rome, Archivio Segret (...)
  • 14 1 Tim, V, 17 ; Yves Congar, L’Église, de saint Augustin à l’époque moderne, Paris, Éditions du Cerf (...)

4Lorsque l’Unigenitus arrive en France, les évêques, comme premiers pasteurs de l’Église, sont parmi les acteurs principaux12 d’autant que Louis XIV, par son ordonnance de 1695, a renforcé leur pouvoir de juridiction13. En effet, la charge dont ils sont revêtus recouvre une importante dimension magistérielle. Comme le rappelle Yves Congar, avant le xixe siècle le magistère est le fait de ceux qui ont un magisterium et les évêques en tant que successeurs des apôtres ont le devoir de proclamer la doctrine, mais ils doivent aussi en être les protecteurs et les juges14. Selon la théologie médiévale, ils sont pasteurs, docteurs, et juges de la foi. Le successeur de Pierre, ayant cette même nature, ne peut prétendre qu’à une primauté d’honneur sur le collège épiscopal.

5Fort de ces considérations liminaires, il s’agit ici de comprendre comment s’est exercé le magistère épiscopal durant la querelle de l’Unigenitus qui secoue l’Église de France durant la première moitié du xviii siècle. Pour commencer, nous étudierons le choc ecclésiologique et théologique qu’a pu représenter la bulle de Clément XI, puis nous nous pencherons sur les résistances que la Constitution a engendrées et enfin nous examinerons la façon dont elle a réussi à gagner des terrains moins attendus comme la liturgie ou l’enseignement catéchétique. Pour mener à bien une telle étude, cela suppose de rassembler des sources très disparates allant des instructions et lettres pastorales composées par les prélats, à leurs correspondances, ainsi qu’à l’ensemble de la production d’ouvrages diocésains, catéchismes, missels, bréviaires, qui tous ont été touchés par la querelle janséniste.

Le choc de l’Unigenitus

La préparation d’une nouvelle bulle contre le jansénisme

  • 15 Olivier Chaline, Le Règne de Louis XIV, Paris, Flammarion, 2005.
  • 16 Monique Cottret, Histoire du jansénisme, op. cit., p. 128 et suiv.

6Après la paix de l’Église, Louis XIV reprend ses attaques contre les partisans de Port-Royal. Ce sont d’abord les religieuses des Champs qui ont à subir les menées du roi et de ses lieutenants. Pour le monarque, ces rebelles sont un obstacle à sa politique d’unité et il convient de réduire cette fracture dans la foi du royaume15. Les principaux meneurs de l’agitation choisissent l’exil, ainsi le grand Arnauld et son fidèle bras droit, l’oratorien Pasquier Quesnel, partent-ils se réfugier aux Pays-Bas afin d’échapper aux recherches de la police royale16.

  • 17 Arch. Nat., G8, 670*, du lundi 3 août à huit heures et demie du matin.
  • 18 Louis Serbat, Les Assemblées du clergé de France. Origines, organisation, développement (1561-1615)(...)
  • 19 Pierre Blet, Le Clergé de France, Louis XIV et le Saint-Siège de 1695 à 1715, op. cit., p. 167-168  (...)

7En 1703, la publication du Cas de Conscience ranime la querelle du droit et du fait. L’exaspération de Louis XIV le conduit à demander à Clément XI nouvellement installé sur le trône de Pierre une condamnation de ce libelle provocateur. Le pape fulmine le bref Cum nuper qui obtempère aux ordres du souverain, mais que le parlement refuse d’enregistrer au nom des libertés de l’Église de France. En vue d’éviter une nouvelle déconvenue, des négociations s’engagent à Rome entre la curie et le cardinal de Janson, chargé des affaires du roi auprès du Saint-Père, dans le but que ce dernier rédige une bulle ayant la même teneur mais dont le propos serait parfaitement conforme aux libertés gallicanes pour que rien n’en empêche l’enregistrement. Le texte tant attendu arrive en juillet 1705 durant l’assemblée du clergé. Louis XIV demande à Noailles qui la préside de le faire recevoir par ses collègues le plus rapidement possible17. Si ces réunions ne sont en rien des conciles nationaux, les évêques qui les composent n’entendent pas abandonner leurs prérogatives de docteurs de la foi et devenir simplement des gestionnaires de la fortune de l’ordre18. C’est à une commission présidée par Jacques Nicolas Colbert, archevêque de Rouen, qu’il revient de statuer sur la constitution Vineam Domini Sabaoth. Les conclusions ne se font guère attendre. Les prélats acceptent la bulle de Rome, non pas parce que Clément XI le demande mais bien parce qu’ils l’ont étudiée et jugée conforme aux maximes gallicanes et à la foi catholique. Aux yeux du Saint-Siège, c’est une affirmation très provocatrice du magistère épiscopal et une remise en cause des prétentions romaines à la domination spirituelle universelle19.

  • 20 Hans Küng, Qu’est-ce que l’Église ?, Paris, Desclée de Brouwer, 1990, et en particulier p. 15-25

8La sanction des évêques de France au décret pontifical n’est pas perçue comme une manifestation normale du leur rôle dans la chrétienté mais bien telle qu’une prétention à s’ériger en juges de la doctrine du pape et à attaquer son autorité suprême. On distingue ici les deux tendances principales qui parcourent l’histoire de l’Église : un centralisme autour de la figure du souverain pontife considéré comme le chef spirituel de toute la catholicité et une voie qui fait de la collégialité l’essence même du message chrétien20. Les prélats français se rattachent davantage à cette dernière car elle a le mérite de préserver leur fonction et leur importance dans la catholicité ainsi qu’à renforcer la dimension nationale de l’Église de France.

  • 21 Pierre Blet, Le Clergé de France, Louis XIV et le Saint-Siège, op. cit., p. 359-362 ; Lucien Ceysse (...)

9Comme l’ont bien montré Pierre Blet et Lucien Ceyssens, les cardinaux Fabroni et Paolucci manifestent leur mécontentement face à la décision française en attaquant violemment le président de l’assemblée et son protégé, Pasquier Quesnel21. Ce dernier a commis un livre intitulé Le Nouveau Testament en français avec des réflexions morales sur chaque verset. Proche d’Antoine Arnauld, l’oratorien n’en est pas moins un auteur à succès. Son ouvrage trouve un large écho auprès des ecclésiastiques et reçoit l’approbation des évêques de Châlons, Félix de Vialart de Herse, Louis-Antoine de Noailles et son frère Gaston-Jean-Baptiste. En s’en prenant au théologien, c’est la foi du cardinal de Noailles que Rome cherche à mettre en doute.

  • 22 Olivier Andurand, Roma autem locuta, op. cit., p. 176-177.
  • 23 Archives du Ministère des Affaires étrangères, CP, Rome, 514, fol. 359v-360.

10Dès 1708, un nouveau bref vient flétrir les Réflexions morales, seulement le parlement de Paris, fidèle à ses traditions, ne le reçoit pas. Les attaques se multiplient contre Noailles et Quesnel. Les évêques de Luçon et de La Rochelle sont les premiers à porter le fer contre l’archevêque de Paris22, et Louis XIV sollicite une nouvelle bulle qui mettra fin aux disputes. La demande est officiellement faite par La Trémoille en décembre 1711. D’après le père Daubenton, Fabroni qui dirige les congrégations cardinalices s’emploie à écraser « le cardinal de Noailles et l’engeance quesnelliste ». Son objectif est d’arriver à une définition claire de la position romaine sur les Réflexions morales. En tant que pasteur universel, Clément XI s’implique directement dans l’étude des propositions qui doivent être retenues pour la condamnation. Fort de l’expérience malheureuse de la bulle Vineam Domini Sabaoth, le Saint-Père ne cède pas aux pressions de Louis XIV et prend son temps pour parvenir à un résultat qui lui paraît satisfaisant. Cependant, il n’entend pas les recommandations du chargé d’affaires français qui lui rappelle les précautions nécessaires à une réception rapide en France : faire en sorte que rien dans la constitution ne puisse heurter les sensibilités gallicanes du clergé23.

La bulle Unigenitus dans le royaume

11Clément XI fulmine sa nouvelle bulle le 8 septembre 1713. Celle-ci commence par les mots Unigenitus Dei filius et reprend cent-une propositions tirées de deux éditions des Réflexions morales de Pasquier Quesnel. La constitution commence par remémorer le rôle du pape dans la protection du dépôt de la foi et de la vérité. L’oratorien y est dénoncé comme un faux prophète, un séducteur qui sous les habits de la foi cache un loup, un serpent, un diable. Elle mentionne aussi la mission du pasteur universel qui répond avec sollicitude aux vœux du roi et des évêques de France, enfin elle évoque la pertinence des conseils de la curie et des docteurs de Rome. Tout concourt donc à faire de l’Unigenitus l’expression infaillible du magistère pétrinien.

  • 24 Clementis Undecimi Pont. Max. Bullarium, Rome, Imprimerie de la Chambre Apostolique, 1723, p. 161.

12Les propositions sont organisées sans plan apparent, elles concernent pourtant ce qui constitue le fond de la querelle janséniste : la grâce, le libre arbitre, la justification, la contrition et l’attrition. Pour donner plus de poids à la censure, les rédacteurs cherchent à faire tomber Quesnel et ses Réflexions morales sous le coup des bulles In Eminenti, Cum Occasione et Ad Sacram. Seulement ces cent-une citations sont récusées in globo comme « fausses, captieuses, malsonnantes […] et comme hérétiques, renouvelant des hérésies déjà condamnées24 ».

  • 25 « Prop. 90. C’est l’Église qui en a l’autorité, de l’excommunication, pour l’exercer par les premie (...)

13Plusieurs points de la Bulle viennent ajouter une pierre au vieux débat sur la place des souverains pontifes dans l’ecclésiologie : est-il un évêque jouissant d’une primauté d’honneur parmi le collège épiscopal ou bien le chef absolu et infaillible d’une Église qui lui est entièrement soumise ? Le premier point litigieux vient d’abord de la censure des propositions 91 et 92 sur la crainte de l’excommunication injuste25. Pour bon nombre de commentateurs de Quesnel, elles ne sont qu’une reprise parfaitement orthodoxe du texte de saint Paul. De là à penser que le pape se permet de sanctionner l’Écriture, il y a un pas qui est vite franchi tant les tensions sont vives. Plus largement, ces deux propositions renvoient indirectement à la grande querelle des investitures entre Grégoire VII et l’empereur Henri IV, l’excommunication du roi Philippe Ier et l’interdit lancé sur le royaume. Pour les plus farouches gallicans, derrière l’expression formelle des décisions du magistère pontifical se cache rien moins que la reprise des ambitions théocratiques développées par Grégoire VII et Boniface VIII. Le second point qui prête à débat tient à la forme de réception que Rome veut imposer à la France. Comme tous les éléments ont été pesés lors des congrégations cardinalices, Clément XI exige de Louis XIV que le clergé reçoive la bulle sans discussion et se soumette à ses volontés sans qu’il exerce son magistère.

  • 26 David Feutry, Guillaume-François Joly de Fleury (1675-1756), un magistrat entre service du roi et s (...)
  • 27 Isabelle Storez, Le Chancelier Henri-François d’Aguesseau (1668-1751), monarchiste et libéral, Pari (...)
  • 28 Antoine Dorsanne, Journal de l’abbé Dorsanne, docteur de Sorbonne, chantre de l’Église de Paris, Gr (...)
  • 29 Ibid.
  • 30 Louis de Saint-Simon, Mémoires, éd. Yves Coirault, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 19 (...)

14De même que Vineam Domini Sabaoth, Unigenitus a été demandée par le roi afin de pouvoir réaliser son rêve d’unité religieuse dans le royaume. Toutefois plusieurs écueils se dressent dans ce royal dessein. Les prétentions du Saint-Père à l’infaillibilité si solennellement exposées dans le dispositif de la constitution ne peuvent que heurter les magistrats du parlement ainsi que la volonté toujours manifestée d’indépendance du clergé de France26. Pour circonvenir ces obstacles potentiels, le monarque réclame l’appui du Chancelier Voysin, et du Premier Président du parlement de Paris, Henri-François d’Aguesseau27. Les deux hommes lui confirment que libellée de la sorte la bulle sera reçue sans difficultés. Puis, avec le cardinal de Noailles, Louis XIV évoque les modalités de l’approbation ecclésiastique. Il écarte les acceptations individuelles et les conciles provinciaux ; il souhaite en revanche la convocation d’une assemblée extraordinaire dont les membres auront été préalablement choisis afin d’éviter toute mauvaise surprise. Ainsi les évêques émérites de Gap et de Fréjus ne sont pas sollicités car leur penchant pour Port-Royal est de notoriété publique28. Le souverain décide de faire appel aux prélats du royaume même en dehors des limites stricto sensu de l’Église gallicane. Il convoque les évêques lorrains, mais aussi celui de Strasbourg et l’archevêque de Besançon. Enfin il demande à Chérubin-Louis Le Bel, récollet nommé au minuscule siège de Bethléem-Clamecy, de se rendre à l’assemblée. Ce dernier refuse car, non encore sacré, il ne pense pas détenir la plénitude du pouvoir épiscopal29. Tout est donc fait pour que la réception pose le moins possible de problèmes. Ces précautions ne sont pas de trop, car à l’intérieur même des soutiens au roi, les critiques sont nombreuses. En voyant le texte de la bulle, l’évêque de Meaux s’emporte, alors qu’il a depuis longtemps exprimé un appui total – et intéressé – aux décisions du siège apostolique. Il l’affirme d’ailleurs sans détour à Louis XIV, la constitution n’a aucune chance d’être reçue en France30.

L’assemblée du clergé de 1713-1714

15L’assemblée qui s’ouvre en octobre 1713 n’a qu’un but : recevoir sans discussion la bulle de Clément XI. La lettre du monarque aux prélats est directe et impérative :

  • 31 Antoine Duranthon, Collection des procès-verbaux des assemblées du clergé de France depuis l’année (...)

Comme je désire avec ardeur, que les Églises de mon Royaume jouissent promptement de la tranquillité, qui doit être le fruit de cette Constitution, en observant les formes établies par les saints Décrets & par les usages de mon Royaume, j’ai jugé à propos de vous faire assembler pour vous adresser une copie de cette Bulle, afin que vous puissiez la recevoir avec le respect qui est dû à notre saint Père le Pape, & le zèle que vous apportez dans tout ce qui regarde le bien & l’avantage de l’Église, vous exhortant de travailler incessamment aux moyens que vous jugerez les plus convenables, pour la faire accepter d’une manière uniforme dans tous les Diocèses de mon Royaume31.

16La volonté du roi se heurte malgré tout aux particularismes de son clergé. Ce dernier, et principalement la génération qui siège lors de cette réunion exceptionnelle, est très marqué par le gallicanisme et par l’idée que la France, si elle demeure catholique et unie au pape, n’en reste pas moins indépendante de l’autorité directe du pontife romain.

  • 32 Pierre Gombert, Louis-Antoine de Noailles, cardinal-archevêque de Paris (1651-1729), thèse pour le (...)
  • 33 Olivier Andurand, « Fluctuat nec mergitur, les hésitations du cardinal de Noailles », Bon gré mal g (...)
  • 34 Pierre-François Lafitau, Histoire de la constitution Unigenitus, Florence, J. Manni, 1737, p. 111.

17Les travaux s’ouvrent le 16 octobre 1713 sous la présidence de Noailles32. Archevêque de Paris depuis 1695, cardinal en 170033, il fait figure de premier prélat du royaume. Homme faible et sans envergure, son official, l’abbé Antoine Dorsanne, le présente comme le plus ferme soutien des libertés du clergé de France, quand l’abbé Lafitau, le décrit tel un personnage sournois et rebelle à toute autorité34.

  • 35 Philippe Moulis, « L’Artois : une province ultramontaine et antijanséniste sous l’épiscopat de Mgr  (...)

18Noailles obtient de ses collègues qu’une commission soit mise en place pour examiner la constitution. Un des évêques présents, François de Berton de Crillon, s’en étonne et l’abbé Dorsanne rapporte l’altercation qu’il a avec son confrère de Boulogne35, Pierre de Langle :

  • 36 Antoine Dorsanne, Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 45.

Quelques Prélats livrés aux Jésuites ou purement Sulpiciens, auraient fort souhaité que tout se terminât dans une seule Séance, pour acquitter la parole que le P. Tellier avait donnée au Pape que sa Constitution serait reçue sans examen. Et c’est pour cela que l’Évêque de Vence s’entretenant le lendemain avec l’Évêque de Boulogne, lui demanda, comme un bon Avignonnais, Si l’on prétendait ici corriger le Pape, Est-ce que vous croyez, lui répondit son Confrère, que le pape soit incorrigible36 ?

19Dès les premiers jours, les questions majeures sont posées : le pape est-il infaillible ? L’assemblée a-t-elle le droit de se prononcer sur un de ses jugements dogmatiques ? Le magistère pontifical peut-il se substituer totalement à celui des évêques, docteurs de la foi eux aussi ? Trois tendances apparaissent au sein du clergé. La première demande une réception rapide et conforme à la volonté du pape. Elle est menée par l’évêque de Meaux, Henri-Pons de Thiard de Bissy. La seconde souhaite un examen approfondi de la bulle Unigenitus afin d’en saisir le sens et surtout d’en vérifier le fond et la conformité aux libertés de l’Église de France. Elle rassemble des prélats comme les frères Noailles, Langle, ou l’archevêque de Tours, Ysoré d’Hervault. La dernière, autour du cardinal de Rohan, tente de faire le lien entre les deux autres factions et cherche notamment à accommoder les volontés du roi et du souverain pontife aux principes essentiels du clergé.

  • 37 Olivier Andurand, « L’instruction pastorale des XL : une traduction gallicane de la bulle Unigenitu (...)
  • 38 René Taveneaux, « L’évêque selon Port-Royal », Chroniques de Port-Royal, n° 32, 1983, p. 21-38.

20C’est donc tout naturellement à Rohan que Noailles confie la mission de présider la commission d’examen de l’Unigenitus. Son objectif est d’exercer la fonction magistérielle épiscopale de telle façon qu’aucune partie ne puisse se sentir lésée. Rohan préconise la rédaction d’une instruction pastorale qui lèverait les équivoques de la Bulle sans prétendre à nul moment juger la doctrine de Rome ; le texte produit en serait ainsi une sorte de vade-mecum37. Les clauses de style, l’emploi du « nous » en souligne toute l’ambiguïté. Est-ce, comme le cardinal l’entend, une acceptation respectueuse des enseignements dogmatiques du pape ou bien est-ce une marque supplémentaire de l’épiscopalisme larvée du clergé de France ? La réponse se trouve dans le rôle même de l’épiscopat : juges de la foi, les évêques ne peuvent se contenter d’être de simples exécutants de la volonté de Rome. Pour bien manifester leur fonction doctorale38, les prélats de la commission prennent le soin d’insérer chaque proposition de la Constitution dans un argumentaire extrêmement précis.

21La vocation de l’instruction est aussi de montrer clairement les liens entre les doctrines de Quesnel et de Jansénius en particulier sur l’épineuse question de la grâce ou dans la construction ecclésiologique. Les développements les plus intéressants concernent la thèse de l’excommunication injuste évoquée dans les propositions 90, 91 et 92. La rhétorique des évêques permet d’éviter toute confusion entre la condamnation clémentine et les épîtres de Paul. Le texte sauve la Bulle et la rend acceptable par des ecclésiastiques où la figure du Saint-Père ne sert pas de blanc-seing aux entreprises théologiques, il est la manifestation la plus évidente du magistère épiscopal de l’Église de France au moment de l’Unigenitus. Aux yeux des prélats, il peut servir de base interprétative commune sans enlever une once de force à la constitution pontificale. Pourtant, ce désir de conciliation ne peut cacher les oppositions qui se dessinent dans le clergé. Un groupe d’évêques considère que leurs confrères ont outrepassé leurs droits et qu’ils ne sont plus en mesure de se dire fidèles au pape qui demandait une soumission pleine et absolue à la bulle Unigenitus. Une seconde coterie, menée par Noailles, entend bien accepter mais relativement à l’instruction pastorale. La Constitution n’aurait donc de sens qu’avec la sanction du magistère épiscopal.

22Les chefs de cette mouvance de l’assemblée publient des mandements à destination de leurs diocésains qui exigent le respect de la volonté du souverain pontife et la condamnation de Quesnel. Ysoré d’Hervault est celui qui promulgue le texte le plus rigoureux. Il rappelle que les décisions du siège apostolique ne peuvent avoir de force sans l’accord des évêques et surtout que l’Unigenitus est en train de bouleverser subrepticement les fondements de l’Église en permettant au Saint-Père de censurer l’Écriture sainte sans qu’il ait besoin de se justifier. Selon l’archevêque de Tours, l’infaillibilité appartient au corps des évêques qui a le devoir de protéger le dépôt de la foi contre toutes les erreurs d’où qu’elles viennent, y compris de Rome.

23L’analyse du cardinal de Noailles est la même que celle de son collègue tourangeau. Il conclut son mandement de mars 1714 par une demande solennelle : pour restaurer l’unité de la sainte Église, Clément XI doit expliquer les propositions litigieuses de l’Unigenitus.

Magistère, ecclésiologie et politique : difficultés autour d’une bulle

Autorité du pape, autorité du roi

  • 39 Louis de Saint-Simon, Mémoires, op. cit., t. 4, p. 893.

24Les conclusions de l’assemblée du clergé de 1713-1714 posent une question essentielle : quelle part d’autonomie les évêques ont-ils pu avoir dans la réception de la Bulle ? À Rome, la façon dont la constitution a été reçue est considérée comme une atteinte à la supériorité doctrinale du Saint-Siège. Clément XI envoie un bref aux prélats qui ont signé la lettre concluant l’instruction pastorale de 1714. Il leur mentionne son profond mécontentement. Le duc de Saint-Simon s’en fait l’écho dans ses Mémoires et rapporte que le pape cherche par la Bulle à s’imposer tel le docteur universel prononçant des oracles infaillibles et considérant les évêques comme ayant obtenu leur pouvoir non du Christ mais de lui seul39. Quant à ceux qui demandent des explications, le souverain pontife les tient pour rien moins que des schismatiques et des rebelles à l’autorité pétrinienne. Les attaques se concentrent d’ailleurs sur le cardinal de Noailles qui est présenté comme le chef d’une secte gallicane qu’il faut abattre le plus rapidement possible.

  • 40 Archives du Ministère des Affaires étrangères, CP, Rome, 541, fol. 136 et 138.

25Le 26 mars40, un décret romain condamne les mandements de Tours et de Paris. Dans les jours qui suivent, le texte est examiné par le conseil du Roi qui le juge attentatoire aux libertés de l’Église de France et le rejette.

  • 41 Antoine Dorsanne, Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 99.

26La marge de manœuvre des prélats français vis-à-vis de Rome est donc bien ténue. Elle n’est pas plus large face aux pressions de Versailles qui ont été nombreuses durant toute la durée de l’assemblée. Plusieurs pages du journal de l’abbé Dorsanne en témoignent, en particulier lorsqu’il dévoile les échanges qu’ont eus les évêques de Vence et de Saint-Pons. C’est à Berton de Crillon que revient l’analyse la plus pertinente et surtout la sentence qui résume le mieux l’axe de la politique royale : « Le roi le veut, il faut bien obéir41. » Ailleurs, on constate que l’acceptation de la constitution Unigenitus s’est faite aussi en fonction des situations personnelles. Mgr de Rochechouart, d’Arras, a été contraint de la recevoir pour éloigner les suspicions de jansénisme qui planaient autour de lui après ses démêlés face aux jésuites. Le cas de Caylus, évêque d’Auxerre, est sûrement le plus emblématique :

  • 42 Ibid., p. 96.

M.M. les Évêques de Saint-Malo [Desmarets] et de Senez [Soanen] arrivèrent à Paris la veille ou surveille de l’assemblée, ils étaient l’un et l’autre très bien intentionnés, & promirent à M. le Cardinal de Noailles de ne point accepter la Constitution, si on ne faisait mention dans l’acceptation de la qualité de Juges, & si cette acceptation n’était relative à l’Instruction pastorale. M. de Senez portait ses deux coups, étant chargé de la procuration de M. de Sisteron [Thomassin] ; pour s’opposer, protester, appeler-même au futur concile ; mais en même temps que M. le Cardinal de Noailles acquit M.M. de Saint-Malo & de Senez, il perdit M. l’Évêque d’Auxerre qui n’avait pu résister aux vives persuasions de M. Voisin & de sa Famille42.

27Ses relations avec Mme de Maintenon, le poids de sa famille à la cour l’ont poussé à joindre son nom à ses trente-neuf collègues puis à faire paraître un mandement d’acceptation le 26 mars 1714. Il se contente de publier l’instruction des Quarante ainsi que son modèle de dispositif. En moins d’un an, presque tous les diocèses ont suivi les vœux de Louis XIV avec d’autant plus de confiance que l’assemblée a agi à leurs yeux comme une sorte de concile national.

28L’acceptation est un acte d’obéissance politique à la volonté du roi et les évêques ont choisi de déléguer leurs compétences magistérielles à leurs confrères. Ils sont pleinement juges de la foi et s’ils adoptent la bulle Unigenitus c’est relativement aux explications du clergé de France et non pas simplement parce que le Saint-Père le veut. Le gallicanisme est donc toujours vivant, les prélats défendent leurs droits face aux empiétements supposés de Rome. Mais avec l’Unigenitus, il est aussi une pratique qui impose une soumission aux souhaits du monarque même quand, dans leur for intérieur, les premiers pasteurs ne partagent pas les orientations théologiques développées dans le texte pontifical.

29L’assemblée de 1713-1714 est loin de la liberté des échanges religieux qui prévalent habituellement. La position argumentée de Noailles et de ses confrères qui refusent de souscrire à l’acceptation ne trouve qu’un succès d’estime auprès des autres évêques et surtout elle rencontre l’animosité conjointe de Clément XI et Louis XIV. Ce dernier exile les récalcitrants dans leurs diocèses et le pape entame des procédures canoniques pour décardinaliser Noailles. L’archevêque de Paris est jugé coupable d’avoir soutenu les prérogatives de son ministère et de ne pas avoir servi avec assez de zèle ses deux maîtres à qui il a juré fidélité. Après une telle opposition, tout espoir de carrière est évanoui et la disgrâce n’est que la partie la moins dangereuse des avanies que les prélats désobéissants doivent craindre.

L’appel de 1717 : un manifeste de l’épiscopalisme gallican

  • 43 Jacques M. Grès-Gayer, Théologie et pouvoir en Sorbonne. La faculté de théologie de Paris et la bul (...)

30Au début du xviii siècle, le clergé de France est toujours largement marqué par l’épiscopalisme et le conciliarisme hérités du Moyen-Âge. Contre les tenants d’une ecclésiologie bellarminienne et facilement infaillibiliste, les évêques du royaume tiennent l’Église et non le pape pour infaillible. Seul le concile général peut se prétendre irréformable et incarnation véritable de toute l’assemblée des fidèles sous la conduite du Saint-Esprit. Après les tensions liées à la réception de la bulle Unigenitus, l’opposition des universités, en particulier de la Sorbonne, s’exacerbe encore plus43. Pour la faculté de théologie, au sens premier dispose d’un magister ceux qui ont fonction d’enseigner la foi et qui peuvent exercer un magistère ordinaire, il s’agit des prélats et des docteurs ; il leur est alors impossible d’obéir aveuglément au souverain pontife sans trahir leur charge.

31C’est autour de cette idée – amplement partagée dans le second ordre – que se forme un petit groupe. Les évêques de Montpellier, Senez, Boulogne et Mirepoix entendent pousser la logique gallicane jusqu’à son terme ultime en ayant recours à toutes les armes canoniques disponibles pour obtenir une discussion sur la constitution Unigenitus. Selon eux, c’est une fois qu’elle sera réunie en concile général que l’Église pourra vraiment exercer son magistère extraordinaire et se prononcer sur l’orthodoxie de la Bulle. Ils veulent aussi rappeler que les promesses de Jésus-Christ ont été faites à l’institution ecclésiale et non à la personne de Pierre, et que le pape doit se soumettre à l’instance représentative de la communauté chrétienne.

  • 44 Lettre de Mgr Soanen à Mgr l’évêque de Montpellier, du 19 octobre 1715, in Jean-Baptiste Gaultier, (...)
  • 45 Aimé-Georges Martimort, Le Gallicanisme de Bossuet, Paris, Éditions du Cerf, 1953.

32Si les premiers témoignages sur l’appel se trouvent dès 1715, la démarche n’aboutit véritablement qu’en 171744. Le 5 mars, lors d’une séance de la Sorbonne, les quatre prélats viennent présenter aux docteurs, un argumentaire extrêmement précis qui tente de mettre Gerson et Bossuet en lice contre Clément XI. Leur action est motivée par la défense de « la patrie, de l’Église et de la Vérité » ainsi que par l’outrance des prétentions pontificales. Le déroulement des débats est connu par de nombreuses sources concordantes. C’est à Soanen qu’il revient de lire l’acte d’appel ; il se fonde sur des autorités que des docteurs français ne peuvent trouver qu’incontestables : Gerson et les théologiens conciliaristes, Bossuet surtout dans son analyse de la déclaration des quatre articles de 168245. Seul le magistère épiscopal est fondé scripturairement et, convoquant Augustin, l’acte cherche à prouver que la conception bellarminienne du pouvoir des clefs est une innovation funeste. Enfin il se conclut par une injonction qui ne peut souffrir de discussion : il faut toujours obéir à Dieu et à l’Église et non à un homme, fut-il le souverain pontife.

  • 46 Olivier Andurand, La Grande affaire, op. cit., p. 74-85.

33L’acte d’appel de 1717 peut être considéré davantage comme un second manifeste du gallicanisme plutôt qu’une réponse à la querelle janséniste. En effet, le texte porte notamment sur le rôle des évêques dans la structure de l’Église et dans la définition du dogme que sur la condamnation de Quesnel qui pourtant motive la rédaction de l’Unigenitus. Inscrit dans la lignée des thèses de Pithou sur les libertés gallicane, il est un nouveau surgeon de cet épiscopalisme latent dans le clergé de France46.

  • 47 Louis de Polastron, Louis Milon, François Hébert, Acte d’Appel de Messeigneurs les illustrissimes e (...)
  • 48 Louis-Antoine de Noailles, Mandement de Son Éminence Monseigneur le cardinal de Noailles, archevêqu (...)
  • 49 Olivier Andurand, « Conciliation et accommodement dans l’affaire de la bulle Unigenitus, 1713-1720  (...)
  • 50 Dominique Dinet, Marie-Claude Dinet-Lecomte, « Les appelants contre la Bulle Unigenitus d’après Gab (...)

34Le mouvement de l’appel n’est pas un franc succès. Les docteurs de Sorbonne, ceux des facultés de Nantes, Reims et Caen s’y joignent rapidement, suivis par vingt-six prélats – seulement – dont certains étaient acceptants comme Caylus ou d’Arbocave de Dax. Les évêques de Lectoure, Condom et Agen publient un mandement commun dans lequel ils exaltent l’antique pouvoir des successeurs des apôtres à décider du dogme ; ils soulignent la conformité de leurs thèses avec l’histoire de l’Église renvoyant les partisans de l’infaillibilité personnelle du pape dans le camp honni des novateurs47. L’hésitant cardinal de Noailles rend son appel public en 1719 mais la rumeur circulait déjà depuis 171748. La France est séparée en deux factions : ceux qui portent le combat au niveau du concile général – les vingt-six évêques, une partie du bas clergé et bon nombre de religieux – et ceux qui admettent, au moins officiellement, l’impertinence de la réaction des appelants. Le Régent impose le silence aux protagonistes et cherche une voie de conciliation avec Rome49. De son côté, Clément XI excommunie les rebelles en 1718 par les lettres Pastoralis Officii, mais l’appel trouve un grand écho au sein du royaume en particulier autour du bassin parisien et dans le sud-est50.

35La fulmination de la bulle Unigenitus a été l’occasion d’un renouveau théorique et politique du gallicanisme épiscopal. Il a fait rejouer la concurrence des magistères dans l’Église jusqu’à une rupture que seule l’intervention du pouvoir politique permet d’empêcher. L’accommodement négocié entre les différentes tendances du catholicisme français calme les tensions. Toutefois il achoppe sur un point de doctrine : la théologie et la foi ne peuvent se satisfaire d’un compromis dont la conséquence immédiate serait de crisper les franges les plus outrées dans leurs positions magistérielles, sans avoir réussi à dire laquelle des deux était la plus essentielle.

L’Église enseignante à l’heure des querelles

  • 51 Henri-Charles du Cambout de Coislin, Mandement et Instruction pastorale de Monseigneur l’Évêque de (...)

36Il appartient aux évêques de juger de la foi et d’assurer à leurs diocésains un enseignement dogmatiquement pur. Plusieurs gestes épiscopaux viennent donner à cette fonction majeure une dimension concrète. Ainsi lorsque Mgr de Coislin à Metz publie une instruction pastorale différente de celle des Quarante, il remplit son rôle magistériel auprès de ses fidèles et les engage à accepter la constitution de Clément XI relativement à ses explications et non à celles de ses confrères51. Il existe cependant deux autres aspects plus discrets et néanmoins essentiels pour bien saisir comment les prélats ont marqué leur indépendance face à Rome à l’heure de l’Unigenitus.

Dire la foi des hommes : le magistère épiscopal et les catéchismes

  • 52 Antoine Monaque (dir.), Catéchismes diocésains de la France d’Ancien Régime conservés dans les bibl (...)
  • 53 Jean-Claude Dhôtel, Les Origines du catéchisme moderne d’après les premiers manuels imprimés en Fra (...)

37Le xvii siècle voit un changement majeur dans la production de catéchismes52. S’il n’y a que cinq manuels diocésains avant 1600, seulement vingt en 1669, la progression se fait nettement sentir après 1670. À ce moment, une nouvelle génération d’évêques formés dans les séminaires et dévoués à la propagation de la réforme catholique arrive dans les diocèses. En 1755, sur les cent-trente-quatre évêchés que compte le royaume, seuls quatorze n’ont pas de catéchismes et en 1789, ils ne sont plus que cinq. Ces petits ouvrages sont un moyen pour les prélats de contrôler ce que la population doit savoir, apprendre et comprendre53.

  • 54 Pierre-Guillaume de La Vieuxville, Catéchisme ou abrégé de la doctrine chrétienne à l’usage des jeu (...)
  • 55 Joseph de Revol, Catéchisme à l’usage du diocèse d’Oloron par l’ordre de Monseigneur l’illustrissim (...)
  • 56 François-Hyacinthe de Ploeuc de Timeur, Catéchisme francois-breton, dressé en faveur des enfans par (...)

38Pour l’essentiel, les catéchismes sont en français mais là où d’autres langues ont cours, les évêques n’hésitent pas à faire éditer des versions bilingues, l’important étant que le message divin soit bien assimilé par les fidèles. À Bayonne, Mgr de La Vieuxville en fait paraître un en basque et en français54, son collègue d’Oloron, Revol, y ajoute une traduction en béarnais55. À Quimper, Ploeuc de Timeur publie en breton56 et le strasbourgeois Rohan réédite régulièrement la version allemande de son prédécesseur le cardinal de Fürstenberg.

39Tous ces manuels n’ont pas le même succès. Le plus célèbre est celui de Montpellier composé par l’oratorien Pouget sous la direction de Colbert de Croissy. Son confrère de Senez l’utilise dans son propre diocèse et le livre connaît de très nombreuses éditions. Son rayonnement est tel que le successeur de Colbert de Croissy ne pourra se résoudre à l’abandonner et se contentera d’y apporter des modifications aussi discrètes qu’essentielles afin de rendre son contenu plus en harmonie avec ses principes théologiques.

40Une étude précise des catéchismes est un exercice souvent ingrat. Arides, répétitifs, ils fonctionnent par questions réponses et c’est par une analyse sérielle et approfondie que l’on arrive à en tirer des conclusions riches d’enseignement. En comparant les dialogues sur les matières à controverses – la grâce, la pénitence, les pratiques de communion, la définition de l’Église – on peut espérer récolter de nombreux fruits soulignant la nuance des positions épiscopales.

41C’est dans l’étude du neuvième article du Symbole des apôtres « Je crois en la Sainte Église et à la communion des Saints » que les élèves doivent expliquer ce qu’est l’Église, comment elle est dirigée et qui y détient le magistère. Il faut alors aller examiner les conceptions ecclésiologiques des prélats dans ces détails argumentatifs. Toutes s’y trouvent mais à des degrés différents. À Luçon, Bussy-Rabutin établit une distinction subtile entre le chef invisible de l’Église, le Christ, et sa tête visible, le pape :

  • 57 Michel Celse Roger de Bussy-Rabutin, Catéchisme pour le diocèse de Luçon…, Fontenay, J. Poirier, [1 (...)

D. : Qu’entendez-vous par l’Église ?
R. : J’entends que c’est l’assemblée visible des Fidèles, qui sous la conduite des pasteurs légitimes unis à notre Saint Père le Pape, professent une même Foy.
D. : Quelles sont les marques de la véritable Église ?
R. : Elle est Une, Elle est Sainte, Elle est Catholique, Elle est Apostolique, Elle est visible.
D. : Pourquoi une ?
R. : Parce que ceux qui la composent n’ont qu’une même Foy, & reconnaissent un même chef visible qui est notre Saint Père le Pape
57.

  • 58 Jean-François Chiron, « Infaillibilité pontificale et consensus Ecclesiæ : enjeux théologiques », i (...)
  • 59 Jean-Joseph Languet de Gergy, Catéchisme du diocèse de Sens…, Sens, A. Jannot, 1732, p. 29.
  • 60 Jean-Claude de La Poype de Vertrieu, Catéchisme du diocèse de Poitiers…, Poitiers, Faulcon, 1725, p (...)
  • 61 Charles-Gabriel de Caylus, Catéchisme ou instruction sur les principales vérités de la religion cat (...)

42Ce dernier est mis au sommet de la hiérarchie sacrée du clergé et semble perçu comme le prince des évêques58. La doctrine la plus répandue est celle d’une « codirection » entre le souverain pontife et les prélats, institués par le Christ pour gouverner l’Église. C’est la thèse que l’on retrouve dans la plupart des manuels. Chez Languet de Gergy, à Soissons puis à Sens59, ou chez La Poype de Vertrieu à Poitiers60, on souligne l’institution divine de l’épiscopat tout en admettant une primauté de fait au pape. À Auxerre ou à Montpellier, les évêques se plaisent davantage à insister sur la puissance du corps épiscopal dans la catholicité ne reconnaissant au successeur de Pierre qu’une primauté d’honneur, et ils rappellent avec vigueur que l’infaillibilité n’appartient qu’à l’Église, canoniquement assemblée, et pas à un homme, faillible par nature61.

43On ne peut donc pas dire que la bulle Unigenitus, en forçant l’acceptation des évêques, a fait disparaître toute trace de gallicanisme. Les prélats le maintiennent fermement dans leur diocèse par l’enseignement des fondements théologiques de l’épiscopalisme qui en constituent une des bases.

Dire le rite : le magistère épiscopal
et la liturgie

  • 62 Xavier Bisaro, Le Passé présent : une enquête liturgique dans la France du début du xviii siècle, (...)
  • 63 Aimé-Georges Martimort, L’Église en prière. Introduction à la liturgie, Paris-Tournai, Desclée, 196 (...)

44La production de livres liturgiques a connu un fort accroissement à partir de la deuxième moitié du xvii siècle62. Parmi ces ouvrages, les bréviaires et les missels ont été l’objet de controverses âpres et difficiles après la fulmination de la bulle Unigenitus63.

  • 64 Philippe Martin, Une religion des livres (1640-1850), Paris, Éditions du Cerf, 2003.
  • 65 Olivier Andurand, La Grande affaire, op. cit., p. 203-228.

45Le bréviaire est un outil indispensable à la vie religieuse64. Il rassemble les prières à réciter en fonction des heures canoniales. Chaque oraison est accompagnée d’une légende évoquant les hauts faits du saint honoré au jour dit. Souvent très consensuels, ces textes servent à rappeler les principaux éléments de l’hagiographie. Des problèmes peuvent parfois surgir comme ça a pu être le cas lors de l’introduction dans le bréviaire de la vie de Grégoire VII65. La légende aborde avec force détails la déposition de l’empereur germanique Henri IV et l’excommunication du roi de France Philippe Ier.

  • 66 René Taveneaux, Le Jansénisme en Lorraine, Paris, Vrin, 1960, p. 504-505

46Chez les prélats français, ce nouveau récit est dangereux car il promeut subrepticement une ecclésiologie qui consacre la toute-puissance du pape, légitime sa prérogative de délier les sujets de l’obéissance qu’ils doivent à leur souverain et contredit clairement les articles gallicans de 1682. La frange la plus engagée du mouvement des appelants se lance dans une défense des droits du roi afin de lui montrer que l’attaque menée par Rome est en train de saper les fondements de son autorité et de valider les thèses infaillibilistes les plus outrées. Les prélats les plus virulents sont, sans surprise, les deux plumes anticonstitutionnaires, Caylus d’Auxerre et Colbert de Croissy de Montpellier. Ils sont cependant rejoints par d’autres dont l’engagement contre l’Unigenitus est moins fort : Quiqueran de Beaujeau à Castres, Bossuet à Troyes et Coislin à Metz. Le cas le plus surprenant reste celui de l’évêque de Verdun, Charles d’Hallencourt de Dromesnil66, qui le 21 août 1729 donne un mandement interdisant le développement de la légende de Grégoire VII au nom de la défense des droits du souverain et à l’indépendance des rois face au pouvoir temporel des papes :

  • 67 Charles-François d’Hallencourt de Dromesnil, Mandement de Monseigneur l’Évêque Comte de Verdun, Pri (...)

Non, Mes Très Chers Frères, quelles que puissent être les fautes de l’Empereur Henri quatrième, le Pape n’était pas en droit de lui enlever sa couronne, ni de délier les nœuds sacrés qui attachaient ses sujets à son service.
[…] Nous n’avons pas lieu de craindre, Mes Très Chers Frères, que la lecture de cette prétendue Légende affaiblisse en vous la fidélité que vous devez à vos Souverains : votre amour pour eux a profondément gravé dans vos cœurs les principes immuables, & inviolables, sur lesquels la nécessité de votre obéissance est fondée
67.

47Le gallicanisme est un point fixe de la politique de nombreux prélats qui s’inclinent devant les décisions des papes parce que le roi le veut mais surveillent avec attention les intérêts spirituels et politiques des monarques quand ceux-ci sont attaqués.

  • 68 Monique Cottret, Histoire du jansénisme, op. cit., p. 163-164.
  • 69 Olivier Andurand, « Saints, diables et convertis. L’épiscopat français dans les Nouvelles ecclésias (...)
  • 70 Prosper Guéranger, Institutions liturgiques, 2éd., Paris-Bruxelles, V. Palmé, 1878-1885, t. 2, p. (...)

48Un autre cas permet de montrer que derrière la soumission affichée à l’Unigenitus se cache parfois des sentiments bien contraires. Les partisans les plus zélés de la Bulle comme Languet de Gergy ou Thiard de Bissy se sont réjouis de l’acceptation car elle faisait entrer le clergé de France dans une pleine obéissance avec Rome. Pour beaucoup de leurs confrères, une telle extrémité n’est guère envisageable, accepter ne veut pas dire se soumettre. Ainsi, Charles-Gaspard de Vintimille du Luc, archevêque de Paris à la mort du cardinal de Noailles, est un acceptant de la première heure. Sa mission dans la capitale est de calmer l’agitation janséniste entretenue durant l’épiscopat de son prédécesseur68. Ses résultats sont connus et il fait figure d’ennemi irréductible pour les Nouvelles ecclésiastiques qui rapportent régulièrement les vexations qu’il ordonne contre les appelants69. Pourtant en 1735, Vintimille du Luc exige une refonte du bréviaire de Paris. Il en confie la réalisation à deux prêtres réputés pour leur hostilité à la Constitution. Pour Dom Guéranger au xixe siècle, ce nouveau livre est vu comme le parangon de la déviation liturgique qui pollue tout le xviii siècle, le bénédictin n’hésitant pas à le qualifier de janséniste70. Il n’en reste pas moins que l’ouvrage est rapidement adopté partout en France et qu’il est proche d’une tradition d’érudition ecclésiastique qui séduit nombre de prélats – même les plus engagés en faveur de la bulle Unigenitus – jusqu’à Benoît XIV lui-même.

  • 71 Robert Amiet, Missels et bréviaires imprimés (supplément aux catalogues de Weale et Bohatta). Propr (...)
  • 72 Xavier Bisaro, Une nation de fidèles, op. cit., p. 386.

49Parmi les responsabilités magistérielles des évêques se trouve aussi la définition du rite. Pour comprendre la façon dont ils se sont saisis de cette tâche, il faut avoir recours à l’étude des missels, source peu utilisée, qui se révèle riche d’enseignements lorsque l’historien les interroge et les met en parallèle71. Le royaume a connu trois grandes phases de production liturgique au xviii siècle. La première qui se clôt entre 1720 et 1730 voit la réédition de missels anciens ou la réalisation de nouveaux livres diocésains. La seconde coïncide avec les années 1730-1740 durant lesquelles les nouvelles éditions sont réalisées en lien avec les clercs et hymnographes du séminaire Saint-Magloire favorable au mouvement port-royaliste. C’est autour de ce petit groupe que sont produits les missels de Paris, de Troyes ou d’Auxerre par exemple. Enfin la dernière période qui couvre la deuxième moitié du siècle correspond à la fixation d’une liturgie gallicane qui se développe avec Paris. D’après Xavier Bisaro, en 1789, 36% des diocèses célèbrent la messe selon le rite parisien, 20% conformément au rite romain et 44% suivant leur rite propre72. La faible influence du missel romain est une marque de l’indépendance épiscopale dans la gestion de leur évêché. Le poids des formes locales ou parisiennes tend à montrer qu’en France le gallicanisme prédomine et que la liturgie est une autre facette de l’action magistérielle.

  • 73 Olivier Andurand, La Grande affaire, op. cit., p. 233-241.
  • 74 Philippe Martin, Le Théâtre divin. Une histoire de la messe, xvie-xxe siècle, Paris, CNRS éditions, (...)
  • 75 Jacques-Bénigne Bossuet, Missale Sanctae Ecclesiae Trecensis..., Troyes, P. Michelin, 1736, p. 303.
  • 76 René Taveneaux, La Vie quotidienne des jansénistes, Paris, Hachette, 1973, p. 129-131.

50Les missels sont aussi un bon moyen de saisir les lignes théologiques des prélats. À Troyes, un nouvel ouvrage est publié à la demande de Bossuet et réalisé sous la direction de Nicolas Petitpied, théologien janséniste proche de Quesnel et de Boursier73. Plusieurs points indiquent que l’évêque a choisi une orientation bien différente de celle que l’on peut trouver dans les diocèses voisins. D’abord, sur l’autel, la seule décoration autorisée est un crucifix, la messe est le lieu où se rappelle le sacrifice du Christ, rien ne doit divertir le fidèle de cette réalité74. Ensuite, la tonalité de la voix du célébrant change selon les moments de la cérémonie. Les passages importants sont dits clariori voce quand ailleurs ils sont prononcés secrete voce75. Le non sum dignus qui précède la communion est récité à voix haute et répété à trois reprises. Le fidèle doit être concentré sur l’eucharistie afin de comprendre le mystère qui s’y déroule et surtout prendre conscience de sa nature peccamineuse76.

51La question liturgique prouve une nouvelle fois que l’on peut être acceptant et soumis aux constitutions pontificales et en même temps défenseur d’une vision très rigoriste de la foi proche de celle condamnée par la bulle Unigenitus. Il appartient donc au magistère de l’évêque de régler la vie, l’enseignement et les rites de son diocèse en toute indépendance.

  • 77 Bernard Hours, « Fausse primauté du pape et vraie constitution de l'Église : la première querelle d (...)

52Durant la première moitié du xviii siècle, l’Église a été partagée sur un sujet essentiel : qui dans la catholicité dispose du magistère supérieur ? Les prétentions à l’infaillibilité des papes trouvent un écueil important dans les assemblées du clergé qui opèrent comme des conciles nationaux acceptant les choix de Rome non parce que le successeur de Pierre le veut mais car le roi l’a décidé. De plus, les prélats de l’assemblée ont agi comme juges de la foi en rédigeant une instruction pastorale expliquant la constitution de Clément XI. Ils sont acteurs de la doctrine et non de simples exécutants des décisions pontificales L’appel des quatre évêques réaffirme hautement les principes de l’ecclésiologie gallicane. En matière de croyance et de dogme, seul le concile général est infaillible, le Saint-Père ne peut en aucun cas prétendre au magistère universel car les prélats jouissent au même degré des ordres sacrés77.

53Dans les diocèses les évêques défendent jalousement leurs prérogatives contre les empiétements pontificaux en faisant apprendre aux fidèles les rudiments d’un épiscopalisme tempéré et en marquant clairement leur droit à choisir la liturgie.

54Envisager le magistère épiscopal au moment de l’Unigenitus ne peut donc se faire en scrutant seulement les prises de positions publiques sur la Bulle. Il est nécessaire de prendre en compte toutes les dimensions de l’exercice du pouvoir des prélats car, si certains ont accepté – la majorité –, ils n’en ont pas moins continué de promouvoir leur place dans l’Église par d’autres moyens. Céder sur les aspects les plus politiques de leur fonction préserve ce qu’ils considèrent comme essentiel : la paix du royaume et la foi des diocésains. Cette modération leur permet de tenir un juste milieu entre indépendance et soumission excessive à Rome.

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Notes

1 Jules Michelet, Histoire de France, Paris, Éditions des Équateurs, 2008, t. 14, p. 268-269.

2 Dale Van Kley, Les Origines religieuses de la Révolution française, Paris, Éditions du Seuil, 2002 (traduction française de The Religious Origins of the French Revolution. From Calvin to the Civil Constitution, 1560-1791, New Haven-London, Yale University Press, 1996).

3 Yves Krumenacker, L’École française de spiritualité. Des mystiques, des fondateurs, des courants et leurs interprètes, Paris, Éditions du Cerf, 1998.

4 Monique Cottret, Histoire du jansénisme, Paris, Perrin, 2016.

5 Monique Cottret, « La querelle janséniste », in Jean-Marie Mayeur et alii (dir.), Histoire du christianisme, t. 9, L’Âge de raison (1620/30-1750), Paris, Desclée, 1997, p. 355-357.

6 Thierry Issartel, « De l’antijansénisme à la lutte contre Port-Royal : Pierre de Marca (1594-1662), archevêque, ministre d’État et directeur du conseil de conscience de Louis XIV », Louis XIV et Port-Royal, Chroniques de Port-Royal, n° 66, 2016, p. 285-311.

7 Philippe Luez, Port-Royal et le jansénisme. Des religieuses face à l’absolutisme, Paris, Belin, 2017.

8 Sylvio Hermann De Franceschi, « Le catholicisme antiromain et l’infaillibilité pontificale au début du xvii siècle », in id. (dir.), Le Pontife et l’erreur. Anti-infaillibilisme catholique et romanité ecclésiale aux temps posttridentins. Chrétiens et sociétés, documents et mémoires, n° 11, 2010, p. 39-75 ; Klaus Schatz, La Primauté du pape, son histoire des origines à nos jours, Paris, Éditions du Cerf, 1990.

9 Cinthia Meli, « Le Sermon sur l’unité de l’Église de Bossuet et son interprétation », Revue d’histoire de l’Église de France, t. 100, n° 245, 2014, p. 319-332 ; Sylvio De Franceschi, « Bossuet ultramontain. Le Centre et l’unité de l’Église : saint Pierre dans l’œuvre bossuétienne », Bulletin des Amis de Bossuet, n° 36, 2009, p. 14-35.

10 Pierre Blet, Les Assemblées du Clergé et Louis XIV, Rome, Università Gregoriana Editrice, 1972, p. 248-410.

11 Bénédicte Sère, Les débats d’opinion à l’heure du Grand Schisme. Ecclésiologie et politique, Turnhout, Brepols, 2016.

12 Olivier Andurand, La Grande affaire. Les évêques de France face à l’Unigenitus, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2017.

13 Pierre Blet, Le Clergé de France, Louis XIV et le Saint-Siège de 1695 à 1715, Rome, Archivio Segreto Vaticano, 1989, p. 37-60.

14 1 Tim, V, 17 ; Yves Congar, L’Église, de saint Augustin à l’époque moderne, Paris, Éditions du Cerf, 2007.

15 Olivier Chaline, Le Règne de Louis XIV, Paris, Flammarion, 2005.

16 Monique Cottret, Histoire du jansénisme, op. cit., p. 128 et suiv.

17 Arch. Nat., G8, 670*, du lundi 3 août à huit heures et demie du matin.

18 Louis Serbat, Les Assemblées du clergé de France. Origines, organisation, développement (1561-1615), Paris, H. Champion, 1906 ; Michel Péronnet, « Les assemblées du clergé de France (1560-1625) : fixation des frontières d’un cadre institutionnel », in Robert Sauzet (dir.), Les Frontières religieuses en Europe du XVe au xvii siècle, Paris, Vrin, 1992, p. 249-258 ; Pierre Blet, Le Grand Siècle en ses assemblées, Paris, Éditions du Cerf, 1995 ; Olivier Andurand, Roma autem locuta. Les évêques de France face à l’Unigenitus. Ecclésiologie, pastorale et politique dans la première moitié du xviii siècle, thèse d’histoire, Université Paris Nanterre, 2013, t. 1, p. 95-105.

19 Pierre Blet, Le Clergé de France, Louis XIV et le Saint-Siège de 1695 à 1715, op. cit., p. 167-168 ; Olivier Andurand, « Louis XIV et son clergé : les enjeux de la bulle Vineam Domini Sabaoth », Louis XIV et Port-Royal, op. cit., p. 313-333.

20 Hans Küng, Qu’est-ce que l’Église ?, Paris, Desclée de Brouwer, 1990, et en particulier p. 15-25

21 Pierre Blet, Le Clergé de France, Louis XIV et le Saint-Siège, op. cit., p. 359-362 ; Lucien Ceyssens, Joseph A. G. Tans, « Quesnel », in eid. (dir.), Autour de l’Unigenitus. Recherches sur la genèse de la Constitution, Louvain, Presses universitaires de Louvain, 1987, p. 583-648 ; Olivier Andurand, La Grande affaire, op. cit., p. 35-39.

22 Olivier Andurand, Roma autem locuta, op. cit., p. 176-177.

23 Archives du Ministère des Affaires étrangères, CP, Rome, 514, fol. 359v-360.

24 Clementis Undecimi Pont. Max. Bullarium, Rome, Imprimerie de la Chambre Apostolique, 1723, p. 161.

25 « Prop. 90. C’est l’Église qui en a l’autorité, de l’excommunication, pour l’exercer par les premiers Pasteurs, du consentement au moins présumé de tout le Corps. Matthieu 18, 17 (éditions 1693, 1694). Prop. 91. La crainte même d’une excommunication injuste ne nous doit jamais empêcher de faire notre devoir… On ne sort jamais de l’Église lors même qu’il semble qu’on en soit banni par la méchanceté des hommes, quand on est attaché à Dieu, à Jésus-Christ, et à l’Église même par la charité. Jean 9, 22, 23 (éditions 1693, 1699). Prop. 92. C’est imiter saint Paul, que de souffrir en paix l’excommunication et l’anathème injuste, plutôt que de trahir la vérité, loin de s’élever contre l’autorité ou de rompre l’unité. Romains 9, 3 (éditions 1693, 1699) », Olivier Andurand, Roma autem locuta, op. cit., t. 2, p. 208.

26 David Feutry, Guillaume-François Joly de Fleury (1675-1756), un magistrat entre service du roi et stratégies familiales, Paris, École des chartes, coll. « Mémoires et documents de l’École des chartes », 2011.

27 Isabelle Storez, Le Chancelier Henri-François d’Aguesseau (1668-1751), monarchiste et libéral, Paris, Publisud, 1996.

28 Antoine Dorsanne, Journal de l’abbé Dorsanne, docteur de Sorbonne, chantre de l’Église de Paris, Grand-Vicaire et Official du même diocèse contenant l’histoire & les anecdotes de ce qui s’est passé de plus intéressants à Rome et en France dans l’affaire de la constitution Unigenitus, Rome, aux dépens de la Société, 1756, t. 1, p. 47.

29 Ibid.

30 Louis de Saint-Simon, Mémoires, éd. Yves Coirault, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1985, t. 4, p. 702.

31 Antoine Duranthon, Collection des procès-verbaux des assemblées du clergé de France depuis l’année 1560 jusqu’à présent…, Paris, G. Desprez, 1774, t. 6, col. 1252.

32 Pierre Gombert, Louis-Antoine de Noailles, cardinal-archevêque de Paris (1651-1729), thèse pour le diplôme d’archiviste paléographe, École nationale des chartes, 2004. (Résumé dans École nationale des chartes. Positions des thèses soutenues par les élèves de la promotion de 2004 pour obtenir le diplôme d’archiviste paléographe, Paris, 2004, p. 111-119.) ; Édouard de Barthélemy, Le Cardinal de Noailles, évêque de Châlons, archevêque de Paris, d’après sa correspondance inédite, 1651-1729, Paris, Techener, 1886.

33 Olivier Andurand, « Fluctuat nec mergitur, les hésitations du cardinal de Noailles », Bon gré mal gré : les échanges interconfessionnels dans l’Occident chrétien (xiiᵉ-xviiᵉ siècles), Cahiers de recherches médiévales et humanistes n° 24, 2012, p. 267-298.

34 Pierre-François Lafitau, Histoire de la constitution Unigenitus, Florence, J. Manni, 1737, p. 111.

35 Philippe Moulis, « L’Artois : une province ultramontaine et antijanséniste sous l’épiscopat de Mgr Pierre de Langle, évêque de Boulogne-sur-Mer de 1698 à 1724 », Bulletin historique du Haut-Pays, t. 16, n° 65-66, 2003, p. 80-98 ; id., Le Clergé paroissial du diocèse de Boulogne-sur-Mer de 1627 à 1789, thèse d’histoire, université d’Artois, 2008, t. 2, p. 329‑363.

36 Antoine Dorsanne, Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 45.

37 Olivier Andurand, « L’instruction pastorale des XL : une traduction gallicane de la bulle Unigenitus ? », 8 septembre 1713 : le choc de l’Unigenitus, Chroniques de Port-Royal, n° 64, 2014, p. 95-113.

38 René Taveneaux, « L’évêque selon Port-Royal », Chroniques de Port-Royal, n° 32, 1983, p. 21-38.

39 Louis de Saint-Simon, Mémoires, op. cit., t. 4, p. 893.

40 Archives du Ministère des Affaires étrangères, CP, Rome, 541, fol. 136 et 138.

41 Antoine Dorsanne, Journal de l’abbé Dorsanne, op. cit., t. 1, p. 99.

42 Ibid., p. 96.

43 Jacques M. Grès-Gayer, Théologie et pouvoir en Sorbonne. La faculté de théologie de Paris et la bulle Unigenitus, Paris, Klincksieck, 1991.

44 Lettre de Mgr Soanen à Mgr l’évêque de Montpellier, du 19 octobre 1715, in Jean-Baptiste Gaultier, La Vie et les lettres de Messire Jean Soanen, évêque de Senez, Cologne, aux dépens de la Compagnie, 1750 t. 1, p. 41.

45 Aimé-Georges Martimort, Le Gallicanisme de Bossuet, Paris, Éditions du Cerf, 1953.

46 Olivier Andurand, La Grande affaire, op. cit., p. 74-85.

47 Louis de Polastron, Louis Milon, François Hébert, Acte d’Appel de Messeigneurs les illustrissimes et révérendissimes évêques de Lectoure, de Condom, et d’Agen, au pape mieux informé & au futur concile général de la Constitution de N. S. P. le Pape Clément XI du 8. Septembre 1713 qui commence par ses mots Unigenitus Dei Filius, Paris, J.-B. Delespine, 1718.

48 Louis-Antoine de Noailles, Mandement de Son Éminence Monseigneur le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, pour la publication de l’Appel qu’il a interjeté le 3 avril 1717..., s. l. n. d. [24 septembre 1718]

49 Olivier Andurand, « Conciliation et accommodement dans l’affaire de la bulle Unigenitus, 1713-1720 », in Franck Collard, Monique Cottret (dir.), Conciliation, réconciliation aux temps médiévaux et modernes, Paris, Presses Universitaires de Paris Ouest, 2012, p. 161‑185.

50 Dominique Dinet, Marie-Claude Dinet-Lecomte, « Les appelants contre la Bulle Unigenitus d’après Gabriel-Nicolas Nivelle », Histoire, économie et société, n° 3, 1990, p. 365-389 ; eid., « Les jansénistes du xviii siècle d’après les recueils des Actes d’appel de Gabriel-Nicolas Nivelle », Chroniques de Port-Royal, n° 39, 1990, p. 47-63.

51 Henri-Charles du Cambout de Coislin, Mandement et Instruction pastorale de Monseigneur l’Évêque de Metz pour la publication de la Constitution de N. S. P. le Pape du 8 septembre 1713, Metz, B. Antoine, 1714.

52 Antoine Monaque (dir.), Catéchismes diocésains de la France d’Ancien Régime conservés dans les bibliothèques françaises, Paris, Bibliothèque nationale de France, 2001.

53 Jean-Claude Dhôtel, Les Origines du catéchisme moderne d’après les premiers manuels imprimés en France, Paris, Aubier, 1967 ; Pierre Colin et alii (dir.), Aux origines du catéchisme en France, Paris, Desclée, 1989 ; Jean-Robert Armogathe, « Les catéchismes et l’enseignement populaire en France au dix-huitième siècle », Image du peuple au xviiie siècle, Paris, A. Colin, 1973, p. 103-121 ; Alain Sandrier, « Les catéchismes au temps des “ philosophes ” », Dix-Huitième Siècle, t. 39, n° 1, 2007, p. 319-334.

54 Pierre-Guillaume de La Vieuxville, Catéchisme ou abrégé de la doctrine chrétienne à l’usage des jeunes enfants..., Bayonne, P. Fauvet, s. d. [v. 1731 d’après la date de l’édition en basque] ; id., Guiristinoen Doctrina Haur Gaztei Irakhastico ; Piarres de Lavieuxville, Baionaco Jaun Aphezpicuaren manuz imprimatura. Hau choilqui irakhatfia içateico Baionaco Diocesan, Bayonne, P. Fauvet, 1731.

55 Joseph de Revol, Catéchisme à l’usage du diocèse d’Oloron par l’ordre de Monseigneur l’illustrissime et révérendissime messire Joseph de Revol, conseiller du Roi en ses conseils et en son parlement de Navarre, etc…, Pau, Jean Dupoux, 1727 et version en béarnais de 1742.

56 François-Hyacinthe de Ploeuc de Timeur, Catéchisme francois-breton, dressé en faveur des enfans par l’ordre de monseigneur l’illustrissime et réverendissime François-Hyacinthe de Ploeuc, évêque de Quimper et comte de Cornouailles, Quimper, Jean Périer, 1717.

57 Michel Celse Roger de Bussy-Rabutin, Catéchisme pour le diocèse de Luçon…, Fontenay, J. Poirier, [1724], p. 18.

58 Jean-François Chiron, « Infaillibilité pontificale et consensus Ecclesiæ : enjeux théologiques », in Sylvio Hermann De Franceschi (dir.), Le Pontife et l’erreur. Anti-infaillibilisme catholique et romanité ecclésiale aux temps posttridentins (xviie-xxe siècles), Chrétiens et sociétés. Documents et mémoires, n° 11, 2010, p. 13-37.

59 Jean-Joseph Languet de Gergy, Catéchisme du diocèse de Sens…, Sens, A. Jannot, 1732, p. 29.

60 Jean-Claude de La Poype de Vertrieu, Catéchisme du diocèse de Poitiers…, Poitiers, Faulcon, 1725, p. 59.

61 Charles-Gabriel de Caylus, Catéchisme ou instruction sur les principales vérités de la religion catholique, imprimé par ordre de l’Évêque d’Auxerre pour l’usage de son Diocèse, Auxerre, s. l., 1734, p. 59-60.

62 Xavier Bisaro, Le Passé présent : une enquête liturgique dans la France du début du xviii siècle, Paris, Éditions du Cerf, 2012 ; id., Chanter toujours. Plain-chant et religion villageoise dans la France moderne (xvie-xixe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010 ; et surtout, l’essentiel, id., Une nation de fidèles. L’Église et la liturgie parisienne au xviii siècle, Turnhout, Brepols, 2006.

63 Aimé-Georges Martimort, L’Église en prière. Introduction à la liturgie, Paris-Tournai, Desclée, 1961.

64 Philippe Martin, Une religion des livres (1640-1850), Paris, Éditions du Cerf, 2003.

65 Olivier Andurand, La Grande affaire, op. cit., p. 203-228.

66 René Taveneaux, Le Jansénisme en Lorraine, Paris, Vrin, 1960, p. 504-505

67 Charles-François d’Hallencourt de Dromesnil, Mandement de Monseigneur l’Évêque Comte de Verdun, Prince du Saint Empire, s. l. n. d. [21 août 1729], p. 3-4.

68 Monique Cottret, Histoire du jansénisme, op. cit., p. 163-164.

69 Olivier Andurand, « Saints, diables et convertis. L’épiscopat français dans les Nouvelles ecclésiastiques », in Monique Cottret, Valérie Guittienne-Mürger (dir.), Les Nouvelles ecclésiastiques. Une aventure de presse clandestine au siècle des Lumières (1713-1803), Paris, Beauchesne, 2016, p. 131-159.

70 Prosper Guéranger, Institutions liturgiques, 2éd., Paris-Bruxelles, V. Palmé, 1878-1885, t. 2, p. 504-505.

71 Robert Amiet, Missels et bréviaires imprimés (supplément aux catalogues de Weale et Bohatta). Propres des saints, Paris, Éditions du CNRS, 1990.

72 Xavier Bisaro, Une nation de fidèles, op. cit., p. 386.

73 Olivier Andurand, La Grande affaire, op. cit., p. 233-241.

74 Philippe Martin, Le Théâtre divin. Une histoire de la messe, xvie-xxe siècle, Paris, CNRS éditions, 2009.

75 Jacques-Bénigne Bossuet, Missale Sanctae Ecclesiae Trecensis..., Troyes, P. Michelin, 1736, p. 303.

76 René Taveneaux, La Vie quotidienne des jansénistes, Paris, Hachette, 1973, p. 129-131.

77 Bernard Hours, « Fausse primauté du pape et vraie constitution de l'Église : la première querelle de l'Histoire ecclésiastique », in Franz-Xaver Bischof, Sylvio Hermann De Franceschi (dir.), Histoires antiromaines II. L'antiromanisme dans l'historiographie ecclésiastique catholique (xvie-xxe siècles), Chrétiens et Sociétés. Documents et mémoires, n° 23, 2014, p. 123-156.

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Pour citer cet article

Référence papier

Olivier Andurand, « L’exercice du magistère épiscopal à l’heure de l’Unigenitus : questions d’ecclésiologie gallican »Chrétiens et sociétés, 24 | 2017, 47-71.

Référence électronique

Olivier Andurand, « L’exercice du magistère épiscopal à l’heure de l’Unigenitus : questions d’ecclésiologie gallican »Chrétiens et sociétés [En ligne], 24 | 2017, mis en ligne le 09 juin 2022, consulté le 01 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/4230 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.4230

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Olivier Andurand

Université Paris Nanterre, CHiSCO

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