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Nouvelles recherches sur le catholicisme moderne, dossier coordonné par Bernard Hours

L'abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt et ses dépendances à l'époque moderne : la « mère » et ses « filles »

The abbey of Saint-Sulpice-la-Forêt and its priories in modern times: the "mother" and her "daughters
Céline Trébaol
p. 73-96

Résumés

Saint-Sulpice-la-Forêt, abbaye féminine bretonne de l’ordre bénédictin, se trouve au début du XVIIe siècle à la tête d’un réseau d’une quarantaine de dépendances. Alors que certaines se situent à quelques kilomètres du monastère, la plupart d’entre elles se trouvent disséminées dans divers diocèses du Grand Ouest, loin de l’autorité de la maison-mère. Comment l’abbesse gère-t-elle à distance ses dépendances et comment l’éloignement influe-t-il sur le comportement des religieuses ? L’abbesse se doit de maintenir sous son joug l’intégralité de ses dépendances, de la sauvegarde de son réseau dépend en effet la survie de l’abbaye-mère. Dans un contexte de réforme monastique, l’abbesse doit faire face aux velléités de ses prieures, gagnées par un désir d’accéder à de nouvelles responsabilités tout en cherchant à s’émanciper du pouvoir abbatial. Placée sous la règle de la stricte clôture qu’elle est tenue de respecter, l’abbesse ne peut se déplacer elle-même au sein de son réseau prieural et doit en conséquence se reposer sur des personnes extérieures pour lui rapporter les informations dont elle a besoin. L’étude des archives de Saint-Sulpice permet de suivre l’évolution du lien unissant l’abbaye-mère à ses prieurés. La correspondance met ainsi en évidence une relation bienveillante, respectueuse, mais qui se révèle également difficile et conflictuelle. L’abbesse ne doit pas seulement faire face aux revendications de ses prieures ou aux conflits internes, elle doit également résister à l’ingérence des autorités ecclésiastiques dans les affaires prieurales. Grâce au soutien de personnes de confiance et au recours de la justice lorsque la situation l’exige, l’abbesse réussit à conserver ses droits et ses privilèges tout en maintenant sa souveraineté avec fermeté.

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Texte intégral

1Situé à la lisière de la forêt de Rennes en Bretagne, le monastère de Saint-Sulpice-la-Forêt est né vers 1112 de la volonté d’un ermite prédicateur, Raoul de la Futaie, dans un contexte de réforme grégorienne et de renouveau monastique. Abbaye rayonnante, elle est très tôt dotée d’un réseau d’une quarantaine de prieurés disséminés dans tout le Grand Ouest. Conçue à l’origine comme un ordre double, la présence des frères auprès des religieuses n’est attestée que jusqu’au xvie siècle. À partir de cette date, l’abbaye et ses dépendances ne sont habitées que par des religieuses bénédictines, placées sous la juridiction d’une abbesse.

  • 1 Michel Parisse, Religieux et religieuses en Empire du xe au xiie siècle, Paris, Picard, 2011, p. 19 (...)
  • 2 Récemment, une thèse de doctorat s’est penchée sur les prieurés à l’époque moderne : Quentin Bouzia (...)

2Les dépendances féminines sont pratiquement absentes de la recherche tant pour la période médiévale que moderne. L’essai de synthèse réalisé par Michel Parisse en 2011 dévoile le retard qu’accuse ce domaine1. Quelques études récentes portant sur les prieurés démontrent l’intérêt de ce sujet, mais elles se concentrent encore principalement sur des questions économiques ou politiques2. Le fonds documentaire relatif aux prieurés de Saint-Sulpice offre de nombreux témoignages permettant d’aborder diverses facettes de la vie quotidienne telle qu’elle était menée au cœur de ces établissements. La correspondance, documentation riche et encore sous-exploitée, permet notamment de mieux comprendre les relations qu’entretient l’abbaye-mère avec ses dépendances. Contrainte par la règle de clôture à demeurer dans son monastère, l’abbesse ne peut se déplacer au sein de son réseau pour faire face aux difficultés et y affirmer sa prééminence. Comment gère-t-elle la distance et de quels moyens dispose-t-elle pour s’informer de la vie de ses religieuses ? Comment exerce-t-elle son autorité sur sa communauté ?

  • 3 Respectivement situés dans les évêchés de Maillezais, Quimper et Vannes.

3Cette étude se concentre principalement sur trois prieurés conventuels (la Fougereuse, Locmaria de Quimper et Locmaria de Plumelec3), particulièrement bien documentés, entre le xvii et le xviii siècle. Celle-ci débute par un évènement majeur de l’histoire de l’institution de Saint-Sulpice, l’application de la réforme en 1621. Un long processus qui entraîne des conséquences plus ou moins heureuses selon le statut du prieuré. Ce profond changement réveille les désirs des prieures qui en profitent pour réclamer de nouveaux droits. Progressivement, les rapports entre l’abbaye-mère et ses prieurés se modifient et se complexifient, obligeant l’abbesse à démontrer avec force sa souveraineté.

Carte de répartition des dépendances de l’abbaye de Saint-Sulpice (xviie -xviiie siècle)

Carte de répartition des dépendances de l’abbaye de Saint-Sulpice (xviie -xviiie siècle)

Réformer un réseau désordonné

Un redressement nécessaire

  • 4 Évêché de Nantes.
  • 5 Dom Pierre Anger, « Cartulaire de l’abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt (Ille-et-Vilaine) », Bulletin (...)

4Lors de la nomination de l’abbesse Marguerite d’Angennes en 1609, le réseau de Saint-Sulpice n’est pas un modèle en matière de respect des règles de discipline. N’ayant jamais réellement respecté la régularité, l’instauration d’une réforme au sein des dépendances était devenue indispensable à la survie de l’ordre. Par exemple, dès le xve siècle le prieuré de Notre-Dame des Couëts4 a été retiré de la juridiction de l’abbesse, ses occupantes en sont expulsées. Cette sentence vint clore plusieurs années d’indiscipline due à un relâchement dans l’observance par les religieuses et à un manque de surveillance de la part des abbesses et des autorités ecclésiastiques. Les moniales ont ainsi été priées de regagner leur maison-mère en 1476 par décision du pape Sixte IV en raison de leurs mauvaises mœurs5. La bulle papale datée du 16 août 1477 concède le prieuré des Couëts à Françoise d’Amboise et sa communauté des Carmélites du Bon-Dom.

  • 6 Dom Pierre Anger, « L’histoire de l’abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt », Bulletin et Mémoires de la (...)

5En 1502, au prieuré de la Fougereuse dans le diocèse de Maillezais, le recteur de Bais Jean Lévêque est missionné par l’abbesse Andrée de Belloneau afin d’y effectuer une visite en son nom, un cas scandaleux y aurait été relevé. Deux personnes séculières de sexe masculin fréquentent en effet assidûment le prieuré et la chambre de la prieure. Celle-ci, proche de l’un d’eux, attise la jalousie de l’autre, créant ainsi des conflits. Par ailleurs, la prieure n’hésite pas à sortir hors des murs de sa dépendance pour se rendre au village en compagnie de gentilshommes6. Outre ces dissidences, les religieuses de la Fougereuse désapprouvent le comportement de leur prieure, l’une d’elle se plaint notamment des tentatives d’empoisonnement dont elle aurait été la victime. Ces deux exemples démontrent la permissivité avec laquelle les sœurs vivent au sein de ces établissements, oubliant tout principe de régularité et de bienséance propres à toute communauté religieuse.

  • 7 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H26. Procès-verbal de la visite de l’abbaye, 1544.
  • 8 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H81. Mémoire pour la réforme dans les prieurés, sans date (second quart du (...)
  • 9 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H81. Mémoire envoyé au roi, sans date (seconde moitié du xviiᵉ siècle).
  • 10 Ibid. : « Dans la suite, pour vivre encor avec plus de liberté, pour en pas dire de scandal, elles (...)

6En 1544, à la demande du sénéchal de Rennes venu visiter le monastère de Saint-Sulpice, l’abbesse Alizon de Pontbellanger lui présente le nombre de religieuses résidant dans les prieurés7. Contrairement à la prescription émise par le concile de Latran en 1179 selon laquelle un minimum de deux moines doit résider en obédience dans chaque prieuré, certaines de ses moniales y demeurent seules et se retrouvent isolées. Le nombre insuffisant de religieuses au sein de chaque établissement rend impossible le respect de la régularité8. Dans un mémoire adressé au roi, le procureur de l’abbesse explique les réticences qu’elle éprouve à envoyer en obédience certaines de ses filles dans des prieurés parfois très éloignés de l’abbaye-mère9. Le contexte incertain de l’époque avait en effet introduit un relâchement dans la discipline, conduisant les sœurs à s’approprier des biens appartenant à la mense abbatiale et à négliger leurs vœux de profession10. La mère supérieure reste toutefois vigilante à la bienséance et au respect de la Règle, les visites, tout comme les précautions qu’elle prend en envoyant ses filles en obédience, démontrent sa prudence et son questionnement à ce sujet. Une réflexion qui mène naturellement l’abbesse Marguerite d’Angennes à réguler les dépendances de ses religieuses au début du xvii siècle.

Le rappel des religieuses

  • 11 Voir à ce sujet Jean-Marie Le Gall, Les moines au temps des réformes. France (1480-1560), Seyssel, (...)
  • 12 L’abbaye a débuté sa réforme dès 1475, mais celle-ci n’a été réellement effective que plus d’un siè (...)
  • 13 Constitutions des religieuses bénédictines de l’abbaye de Saint-Sulpice, dans le diocèse de Rennes, (...)

7Le projet d’une réforme s’est esquissé, dans le cas de Saint-Sulpice, au cours du premier quart du xvii siècle. Nombre d’établissements avaient alors déjà amorcé ce processus11, à l’exemple de l’abbaye de Fontevraud dont la réforme avait été pensée dès la seconde moitié du xve siècle12. Avec l’arrivée de la jeune Marguerite d’Angennes (alors âgée de seulement 29 ans) à la tête de la communauté bénédictine en 1609, l’abbaye connait une nouvelle dynamique. Dotée d’une piété profonde et sincère, elle apporte à ses religieuses une spiritualité nouvelle teintée d’austérité. Souhaitant « rétablir dans la communauté le premier esprit de ferveur et de régularité », la supérieure choisit tout d’abord d’éprouver par sa propre expérience la dureté des règles qu’elle désire mettre en place dans son monastère. Elle prend ensuite conseil auprès de François de Sales et des pères jésuites de Rennes, et consulte les règlements d’abbayes déjà réformées depuis un siècle afin d’élaborer son propre projet qu’elle espère « solide et durable ». Au final, la clôture est publiée dans toutes les paroisses voisines et le 17 janvier 1621, jour de la saint Sulpice, les religieuses acceptent toutes de se soumettre à la réforme. À la fin du service divin, les portes du monastère sont officiellement fermées, la clôture doit désormais être exactement gardée13.

  • 14 La définition d’un établissement mineur ou conventuel dépend de deux facteurs : l’effectif et la pr (...)

8L’abbesse souhaite appliquer son projet de réforme à tout l’ordre de Saint-Sulpice, empêchant ainsi les moniales de se rendre dans une des dépendances avec l’intention d’y vivre dans une discipline moins contraignante. Ne pouvant instaurer la clôture et la régularité au cœur des petits établissements, elle décide de rappeler les sœurs résidant dans les prieurés mineurs14, afin de les soumettre elles aussi à la réforme et d’éviter à l’avenir tout abus de leur part. Marguerite d’Angennes choisit par conséquent de privilégier certains prieurés en leur octroyant une communauté plus importante au détriment des autres qui, après le départ des dernières religieuses, deviennent de simples exploitations rurales. Cette décision permet à l’abbesse de contrer les excès tout en se déchargeant d’une contrainte économique importante : elle se libère ainsi de l’entretien de moniales sur place et des dépenses liées à la réfection des bâtiments prieuraux, seuls une demeure et quelques édifices affectés aux activités agricoles sont alors préservés. Toutefois, l’abbesse rencontre des résistances tenaces, certaines religieuses ayant acquis le goût de la liberté et d’une vie quotidienne paisible, refusent de vivre sous une clôture stricte et choisissent de demeurer dans leurs dépendances. Marguerite d’Angennes sollicite alors l’aide du pape afin d’imposer à ses filles le retour à la maison-mère.

  • 15 Constitutions de Saint-Sulpice, op., cit., bulle de Grégoire XV.

9À sa demande, le 8 décembre 1621, Grégoire XV publie une bulle dans laquelle il déplore lui-même le manque de régularité dans les prieurés15. La peur du scandale est ici un élément important, et l’une des principales finalités de la réforme est justement d’améliorer la perception que la population peut avoir du prieuré et, par répercussion, du monastère de Saint-Sulpice. Le recrutement de nouvelles professes en dépend et par conséquent la bonne santé économique de l’abbaye, grâce à l’apport des dots et des pensions. Il est donc important de restaurer la régularité au sein de l’abbaye, mais également au cœur de son réseau prieural.

  • 16 Ibid.
  • 17 Ibid.

10Pas sa bulle, le pontife accède à la requête de l’abbesse qu’il laisse libre d’agir pour la mise en place de son projet, les institutions ecclésiastiques vont l’accompagner sans la gêner dans ses démarches16. La concertation des pouvoirs abbatiaux et épiscopaux conjuguée à l’autorité pontificale est nécessaire à la finalisation de ce dessein. Le pape prévoit ainsi qu’à la demande de la supérieure, les évêques peuvent contraindre les religieuses de leur juridiction à regagner la maison-mère17. De plus, sous la conduite de l’évêque de Rennes, mais sans que cela n’interfère avec les droits de l’abbesse, les biens des dépendances sont repris aux sœurs qui ne doivent plus rien posséder en leur nom, chaque bien étant enfin réuni à la manse abbatiale. La réforme prévoit également qu’aucune novice ne sera admise dans les établissements dépendants, les nouvelles postulantes demeurent au monastère de Saint-Sulpice le temps de leur noviciat et de leur profession.

11La démarche de Marguerite d’Angennes afin d’obtenir une bulle souligne avant tout son manque d’autorité pour rappeler elle-même les moniales des prieurés : elle est obligée de solliciter les autorités compétentes. La proclamation d’un ordre officiel est indispensable à la mise en œuvre de son projet, il lui confère une légitimité permettant de contraindre les plus réfractaires à sa volonté. La réforme devient alors officielle et publique.

12Les religieuses, désormais soumises à la règle de clôture, ne doivent plus quitter l’abbaye ni résider dans leurs dépendances en dehors des quatre prieurés conventuels qui ont obtenu l’accord de l’abbesse : Locmaria de Quimper, la Fougereuse, la Fontaine Saint-Martin et Locmaria de Plumelec.

Un accueil mitigé

13Au cœur des prieurés, le projet de réforme est fraichement accueilli. Alors que les moniales y menaient une vie sans contraintes, pratiquement dans le monde, l’instauration de nouvelles règles, et notamment celle de la clôture, les place dans une position délicate. N’ayant effectivement pas prononcé ce vœu lors de leur profession, certaines moniales expriment leur désaccord, mais doivent rester soumises à leur abbesse. Les archives signalent tout de même des cas où la supérieure sait se montrer bienveillante et fait preuve d’une certaine clémence.

  • 18 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63. Lettre de Louise d’Appelvoisin à l’abbesse de Saint-Sulpice, 16 novemb (...)
  • 19 Ibid. : « je ne say quon pouroit fayre daventage a celles quy nauroint pas bien vescu mes dieu merc (...)
  • 20 Ibid. : « vivre ung peu en repos sur mes vieux jours et estent mal sayne comme je suis cela ma este (...)

14La mise en place d’un enfermement quasi-définitif constitue un changement important pour les moniales et les raisons de cette modification disciplinaire restent parfois incomprises. L’application de la clôture peut être vue comme une sanction faisant suite à des déviances. La communication entre l’abbesse et ses religieuses est donc primordiale pour que son exécution soit acceptée. Dès 1613 à la Fougereuse, la prieure Louise d’Appelvoisin apprend par l’intermédiaire de l’évêque de Maillezais que l’abbesse de Saint-Sulpice souhaiterait réformer son monastère et contraindre les sœurs résidant dans les dépendances à rejoindre la maison-mère pour y vivre sous une clôture stricte18. La démarche de Marguerite d’Angennes peut paraitre surprenante, elle choisit en effet d’imposer la clôture à ses religieuses sans qu’elles en soient auparavant avisées. Désarçonnée, Louise d’Appelvoisin conteste cette ordonnance et refuse de l’appliquer à son établissement qu’elle assure être dans le respect des règles. Accepter la clôture reviendrait à exposer à toute la population la décadence dans laquelle se trouverait son prieuré. Rejetant cette idée, elle tente de prouver à sa supérieure l’inutilité de cette décision, son prieuré étant bien tenu19. Soucieuse de rester dans son droit, la prieure cherche alors conseil auprès d’autres religieux qui la confortent dans l’idée qu’elle n’a pas à se soumettre à cette réforme. N’ayant pas fait vœu de demeurer sous clôture lors de sa profession, elle refuse d’apporter des modifications dans son observance. Par ailleurs, résider dans un prieuré ne signifie-t-il pas vivre sans contraintes, plus paisiblement ? Son réel désir est de suivre l’exemple de ses tantes, prédécesseures, et de finir ses jours sereinement20.

15L’appréhension de la moniale et le rejet immédiat du projet de réforme démontrent un manque de communication évident entre l’abbesse et ses religieuses. Mais cette situation traduit peut-être le souhait de Marguerite d’Angennes de placer les sœurs dans une position où le refus n’est pas une possibilité. Le fait de s’associer avec l’évêque démontre que pour la supérieure, la consultation des sœurs à ce sujet est inutile. La nécessité de la réforme ne pouvait se laisser entraver par le refus probablement catégorique de ses filles. L’abbesse s’est donc engagée auprès des institutions diocésaines afin qu’elles agissent dans le prolongement de son dessein. Néanmoins, le manque d’explication de la part de l’abbesse et le manque d’intérêt de l’évêque ne permettent pas la mise en place de la clôture dès 1613. La date tardive de son application – officiellement en 1621 – est certainement due à deux facteurs principaux, l’absence de communication entre la supérieure et ses moniales d’une part, et le manque d’implication de l’évêque d’autre part. La réussite de ce projet réside finalement dans la réelle détermination de l’abbesse qui a su rechercher les soutiens nécessaires. Ainsi, l’intervention du pape Grégoire XV confère aux évêques une légitimité et une liberté d’action dont ils étaient jusque-là dépourvus.

  • 21 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H89. Lettre de l’abbesse Marguerite d’Angennes à sa prieure, Louise d’Appel (...)
  • 22 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H90. Lettre de Louise d’Appelvoisin à l’abbesse de Saint-Sulpice, 6 août 16 (...)
  • 23 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63. Lettre de Louise d’Appelvoisin à l’abbesse de Saint-Sulpice, 6 septemb (...)
  • 24 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63. Lettre de Monsieur de la Roche du Maine à l’abbesse de Saint-Sulpice, (...)

16Quelques années plus tard, alors que la réforme est instaurée à Saint-Sulpice, l’abbesse envoie deux jeunes religieuses au prieuré de la Fougereuse afin d’y constituer une petite communauté, dans le respect des nouvelles règles21. La prieure remercie sa supérieure pour l’octroi des deux moniales mais lui demande également de respecter son envie de ne pas demeurer sous clôture, contrairement aux nouvelles professes, et de ne pas se liguer contre elle avec l’évêque de Maillezais22. Elle précise par ailleurs que les jeunes sœurs se soumettront à la réforme comme leurs vœux l’exigent et, souhaitant leur permettre de vivre plus paisiblement ces contraintes, elle lui demande le droit de recevoir leurs parents et proches dans l’enceinte du prieuré, afin qu’elles ne restent pas continuellement seules23. D’après les sources, la mère supérieure avait prévu que les premiers temps seraient difficiles et qu’il faudrait procéder en douceur24, elle agit donc ici avec bienveillance et concède quelques libertés.

17La sollicitude de l’abbesse démontre une grande sensibilité dans l’application de la réforme, un vrai souci d’adaptation : ne brusquant pas les esprits, elle permet progressivement son adoption. Le passage vers une règle plus stricte doit donc passer par l’acceptation de certains compromis de la part du pouvoir abbatial. Reçue diversement par les religieuses, la réforme a notamment été refusée par la prieure de la Fougereuse, un choix toléré par l’abbesse mais qui demeure une exception. A contrario, les deux nouvelles moniales, ayant professé leurs vœux sous la réforme au monastère, doivent continuer à appliquer la clôture au prieuré et vivent ainsi séparément de la prieure.

Mise en conformité des prieurés

  • 25 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H89. Factum pour l’abbesse Marguerite d’Angennes, 3 décembre 1644.
  • 26 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63. Lettre d’Elisabeth de Bruno à l’abbesse de Saint-Sulpice, 15 juin 1644
  • 27 Ibid.

18Les religieuses des dépendances mineures sont désormais retournées à l’abbaye-mère, celles résidant dans une dépendance conventuelle ont l’autorisation d’y rester. Néanmoins, les dispositions architecturales des prieurés ne correspondent pas aux nouveaux principes mis en place par la réforme, notamment en ce qui concerne la clôture. L’abbesse prend donc la décision de lancer des campagnes de travaux afin de restaurer les bâtiments existants ou d’en construire de nouveaux en conformité avec la nouvelle discipline25. Ainsi, dès 1624, le prieuré de la Fougereuse procède à la réfection des édifices préexistants (cloître, église) et en bâtit de nouveaux (dortoir et bâtiments communautaires) dans l’optique d’y recevoir les religieuses dans une parfaite régularité. Pourtant, le 15 juin 1644, la moniale Elisabeth de Bruno confesse à l’abbesse que le prieuré n’est pas en état de recevoir des religieuses, les règles de vie observées à la maison-mère ne peuvent encore l’être à la Fougereuse26. Les sœurs ne sont en effet séparées des séculiers que « d’affection », partageant avec eux une salle commune. Le 26 juin 1644, la prieure Claude d’Appelvoisin répond à la lettre envoyée par l’abbesse, dans laquelle celle-ci venait s’inquiéter de l’avancée des travaux, commencés une vingtaine d’années auparavant. La prieure note le « mécontentement » de sa supérieure mais lui apprend que le chantier n’est pas encore achevé, la clôture n’y est pas exacte. Elle assure néanmoins rester en conformité avec les normes en vigueur à Saint-Sulpice et conserver la clôture autant que possible. Le respect de cette règle reste donc très relatif, malgré la mise en conformité des édifices et les encouragements constants de l’abbesse27.

19Bien que les travaux de réaménagement aient été lancés dès l’instauration de la réforme, plus d’un quart de siècle après, les religieuses ne vivent toujours pas sous une stricte clôture. La correspondance et les visites effectuées au nom de l’abbesse dénotent l’intérêt et la vigilance qu’elle porte à l’application des nouvelles règles, mais son intervention reste limitée. N’ayant aucune possibilité d’agir à distance, la supérieure ne peut que constater le retard des travaux et signifier sa contrariété. L’éloignement de l’abbesse induit des difficultés à maintenir une emprise et à exercer son autorité sur ses filles. Une situation qui dévoile les prémices des complications à venir.

Un désir d’émancipation

20L’agrandissement des prieurés et leur mise en conformité donnent en effet des idées d’indépendance aux prieures qui aspirent désormais à des responsabilités plus importantes.

21Souhaitant accroitre l’effectif de ses religieuses, la prieure de la Fougereuse Claude d’Appelvoisin entame des démarches auprès de son abbesse. Les travaux qui y ont été engagés doivent permettre au prieuré d’accueillir de nouvelles professes issues de Saint-Sulpice dans le respect de la stricte clôture. Mais les envies de la prieure sont tout autres, c’est pour elle l’opportunité de se détacher de la tutelle de la maison-mère et de former par elle-même sa communauté.

  • 28 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63. La lettre écrite par Madame de la Rabatelière le 15 juin 1644 et celle (...)
  • 29 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H89. Consultation suite au refus d’un noviciat, 13 novembre 1644.
  • 30 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H88/1. Procuration donnée le 26 février 1645.

22À cette fin, elle s’adjoint les services d’un avocat et formule alors une première demande de noviciat en 1644, alors même que les travaux du prieuré ne sont pas encore terminés28. Pour faire valoir ses droits, elle démontre que les actes signés lorsqu’elle était encore à Saint-Sulpice ne sont pas recevables car elle était encore enfermée au monastère, sous la domination de la mère supérieure29. Ainsi, la prieure n’aurait pas à se conformer aux prescriptions stipulées par l’abbesse concernant la stricte clôture ni à assujettir son prieuré à la juridiction de l’abbaye-mère. Soutenue par son frère, elle réitère sa demande quelques mois plus tard en faisant délivrer une lettre par huissier mais se heurte au mécontentement et au refus catégorique de l’abbesse Marguerite d’Angennes30. S’adresser ainsi à un représentant de la justice démontre la force de volonté de la prieure et sa détermination à acquérir le droit de noviciat. De son côté, la mère supérieure subit les revendications de sa religieuse mais elle réussit à maintenir fermement sa position et à sauvegarder ses droits.

  • 31 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63. Lettre de Claude d’Appelvoisin à l’abbesse, le 28 septembre 1655.
  • 32 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H89. Et 24H63. Lettre de la prieure à l’abbesse.
  • 33 P. Anger, op. cit., t. 45, p. 201.
  • 34 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H89. Lettre de l’abbesse à la prieure, 8 juin 1657 : « aves fait venir deng (...)
  • 35 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63. Lettre de la prieure à l’abbesse, 14 juin 1657 : « pourveu que ce soit (...)
  • 36 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H89. Réplique de l’abbesse en 1657. 24H90 : défense de la prieure.
  • 37 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H89. Délibération du 4 juin 1658.

23Malgré le rejet de ses réclamations, la prieure poursuit ses démarches et recherche dans son entourage des soutiens qui lui seront utiles. Elle se tourne alors vers le prieur de Saint-Hippolyte, un monastère voisin, qu’elle envoie à l’abbaye de Saint-Sulpice afin d’appuyer sa requête et de présenter à sa place les avantages qu’un noviciat pourrait avoir pour sa communauté31. En parallèle, elle consulte les archives du prieuré dans le but de prouver la présence de novices au cours des précédents priorats32. Ayant entendu l’appel de la prieure, l’évêque de Maillezais décide, sans l’accord de Marguerite d’Angennes, de lui fournir trois nouvelles religieuses issues de l’abbaye de la Fidélité à Angers, pour constituer sa nouvelle communauté33. L’abbesse, qui organise régulièrement des visites dans le prieuré, apprend que des jeunes filles qu’elle ne connait pas et dont elle n’a pas approuvé la venue, résident dans sa dépendance sous le commandement de la prieure. Elle prie alors cette dernière de les renvoyer dans leur abbaye, une demande qui restera sans effet34. L’étude de la correspondance démontre que les rapports entre les deux femmes s’enveniment progressivement, chacune campant sur ses positions. Dans une volonté d’apaisement, Marguerite d’Angennes propose à la prieure de lui envoyer deux moniales de Saint-Sulpice afin de remplacer les filles de la Fidélité. Claude d’Appelvoisin refuse et fait du chantage à sa supérieure : elle ne recevra aucune sœur de son monastère si elle n’acquiert pas le droit de noviciat35. L’affaire ne pouvant être réglée entre elles deux, celle-ci est portée devant le parlement de Paris36. Le 4 juin 1658, la prieure obtient gain de cause et conserve finalement le droit d’accueillir de nouvelles religieuses37, mais l’abbesse persiste et reconduit le procès.

  • 38 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63.
  • 39 Ibid. : « de rendre vostre affaire publique, et par conséquent plus importante, et plus considérabl (...)
  • 40 P. Anger, op. cit., t. 45, p. 204.

24Souhaitant prouver que les dépendances qu’elle détient sont indispensables à la survie de l’abbaye-mère, notamment grâce aux revenus qu’ils génèrent, l’abbesse se rapproche des familles de ses moniales afin d’obtenir leur soutien. Les parents lui accordent alors leur confiance et témoignent en sa faveur, ils n’auraient en effet pas placé leurs filles dans ce monastère si celui-ci n’avait pas été à la tête d’un important réseau de dépendances, gage selon eux de la pérennité de l’ordre38. Rendue publique, l’affaire suscite l’attention des juges39. En 1660, le verdict donne raison à l’abbesse qui ordonne immédiatement le retour des jeunes filles de la Fidélité dans leur monastère d’origine40. Marguerite d’Angennes réussit une nouvelle fois à rejeter les revendications de la prieure de la Fougereuse et à défendre les intérêts de sa communauté. Mais l’éloignement du prieuré et l’impossibilité pour la mère supérieure de sortir de la clôture complexifient les démarches. Dans ce cas-ci, seule la justice était apte à mettre un point final à cette affaire de rébellion. Deux ans plus tard, l’abbesse décède après avoir été près de 57 ans à la tête de Saint-Sulpice. Femme de conviction, elle a su donner l’impulsion nécessaire à la réforme de son monastère afin de lui permettre d’avoir de meilleures perspectives d’avenir. Sa nièce Marguerite de Morais s’inscrit dans cette lignée tout en adoptant une conduite plus ouverte.

L’obtention d’un consensus

Le concordat de 1664

  • 41 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H64. Lettre de la prieure Suzanne du Guémadeuc à l’abbesse, juin 1664.
  • 42 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H115. Mémoire des titres du prieuré.

25Après le décès de Marguerite d’Angennes, les demandes d’augmentation d’effectif et d’émancipation de l’autorité de la maison-mère se poursuivent. La prieure de Locmaria de Plumelec écrit à ce sujet à l’abbesse Marguerite de Morais en juin 1664 en lui précisant qu’elles ne sont que huit moniales au sein du prieuré, dont quatre seulement utiles au chant. Ayant des difficultés à maintenir un service divin de qualité, elle demande à sa supérieure l’envoi de six nouvelles religieuses, ce qui lui permettrait de mener correctement les heures liturgiques et de mieux observer la régularité41. Avant d’y donner suite, l’abbesse fait effectuer une visite quelques mois plus tard afin de s’assurer de la bonne tenue de l’établissement42. Le projet de la prieure n’est pas seulement ici d’améliorer les offices, il s’agit principalement d’une volonté d’accroitre sa communauté et de gagner en influence et en autonomie. Cette requête s’inscrit donc pleinement dans une démarche d’indépendance semblable à celle du prieuré de la Fougereuse.

  • 43 Constitutions de Saint-Sulpice, op. cit., préface.
  • 44 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H111. Concordat passé le 22 octobre 1664, ratifié à l’abbaye de Saint-Sulpi (...)
  • 45 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H115. Modèle de supplique de la prieure de Locmaria de Plumelec à l’abbesse (...)
  • 46 Quant à l’acquisition du droit de noviciat par le prieuré de la Fougereuse, les sources restent mue (...)

26Suite à ces nombreuses sollicitations, bien que les raisons exactes ne soient pas notifiées dans les sources, l’abbesse Marguerite de Morais décide de donner son accord à l’obtention d’un noviciat par trois prieurés conventuels : Locmaria de Quimper, Locmaria de Plumelec et la Fontaine Saint-Martin. Deux ans après le décès de l’abbesse réformatrice Marguerite d’Angennes, sa nièce décide de s’affranchir des prescriptions de la bulle de Grégoire XV selon lesquelles les dépendances ne devaient pas accueillir de jeunes filles à la profession43. Ce concordat induit des modifications importantes au sein du réseau de Saint-Sulpice. Les communautés qui résidaient dans ces dépendances n’étaient alors formées que d’une petite dizaine de sœurs professes expérimentées, mais ce nouveau droit permet aux prieurés de s’ériger en véritables monastères où se côtoient des moniales de diverses catégories (professes, converses et novices). Ainsi, il est convenu que le prieuré de la Fontaine-Saint-Martin pourrait recevoir trente religieuses de chœur et huit converses, tandis que celui de Locmaria de Quimper se voit accorder une communauté de vingt-cinq religieuses de chœur et cinq converses. Le contrat, renouvelable tous les dix ans, est signé entre l’abbesse et les prieures le 8 octobre 1664 à Locmaria de Quimper44, le 2 décembre à Plumelec45 et six jours plus tard à la Fontaine46.

27Dans l’optique de conserver certains privilèges et de maintenir sa prééminence, l’abbesse ajoute certaines contreparties à ce concordat. Il est ainsi clairement précisé que la dépendance reste sous la domination de l’abbaye-mère, la supérieure y détient un droit de visite qu’elle est libre d’exercer par elle-même ou par un de ses délégués. De même, le choix du personnel séculier qui est au service des moniales (prêtre et confesseur) est soumis à l’approbation de l’abbesse, les religieuses ne peuvent donc pas décider seules de leur direction spirituelle. Chaque contrat d’entrée doit être présenté à l’abbesse et son chapitre avant toute installation d’une postulante au sein de leur communauté, les moniales restent par ailleurs toute leur vie à la disposition de la mère supérieure qui se réserve le droit de les retirer de leurs dépendances lorsqu’elle le juge opportun. La novice, dont le contrat est agréé ou réformé par l’abbesse, promet obéissance aux deux supérieures dont elle dépend, la prieure et l’abbesse. En contrepartie de la perte de la dot et des pensions de ces nouvelles religieuses, la supérieure exige de la prieure une rente annuelle. Celle-ci se monte à 200 livres pour la Fontaine Saint-Martin et 150 livres pour Locmaria de Quimper, payables toutes deux dès 1666, soit plus d’un an après les signatures, le temps de recevoir quelques postulantes. Au regard des termes du contrat, Marguerite de Morais conserve la prédominance et détient toujours le pouvoir décisionnaire. Elle se montre vigilante quant à la direction spirituelle de ses moniales et à la formation des novices, deux points cruciaux qui forment l’identité et la réputation d’une communauté religieuse.

Des contreparties discutées

  • 47 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63.

28Malgré la liberté et la confiance accordées aux prieures par l’abbesse, celles-ci n’hésitent pas à s’élever contre leur supérieure et à contester les termes du concordat, notamment au sujet du paiement de la rente annuelle. Cette dernière est prélevée sur le revenu des prieurés conventuels et souligne, de manière symbolique, leur appartenance à l’ordre de Saint-Sulpice et leur sujétion à l’abbaye-mère. Dès 1666, la prieure de Locmaria de Quimper s’oppose à la demande de l’abbesse Marguerite de Morais selon laquelle elle devrait procéder au paiement de la rente qu’elle lui doit. La prieure se plaint de ne pas encore avoir reçu de religieuses à la profession et, n’ayant pas de dot ni de pension, ses moyens sont pour le moment insuffisants pour s’acquitter de cette somme47.

  • 48 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H81. Régulation du prétendu vice de simonie, sans date : « Mais pour leur r (...)

29Quelques années plus tard, au sein de ce même prieuré, la nouvelle prieure Marie-Henriette de Talhouët ne se montre pas aussi accommodante envers l’abbesse lorsqu’il s’agit d’expliquer son refus au paiement de la rente. Prétendant que cette somme correspond à son droit de posséder un noviciat, elle accuse sa supérieure de simonie et la traduit en justice. Malgré l’étonnement que suscite cette affaire au parlement de Paris, les juges la traitent avec sérieux. S’il est vrai que tout achat d’un droit ecclésiastique est présenté comme simoniaque, il ne peut en être question à propos de la rente versée d’un prieuré à son abbaye-mère. Le concordat signé en 1664 expose par ailleurs très clairement la finalité de cette pension : marque de sujétion de la dépendance envers l’abbaye, elle permet également de dédommager l’abbesse suite à la perte des dots et des pensions des nouvelles professes, conservées par la prieure. Autorisée par le droit canonique, cette portion de revenu délaissée par les membres de l’ordre de Saint-Sulpice contribue à la subsistance de l’abbaye-mère. Les conclusions du notaire sont sans appel, les accusatrices, entrainées par « d’ignorans conseils » de leurs « imbéciles directeurs et agens » ne peuvent traiter de simoniaque le prélèvement d’une infime partie des revenus de la dépendance. Le vice de simonie est par conséquent irrecevable, la pension doit être acquittée par le prieuré48.

  • 49 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H115. Jugement rendu en 1782.

30À la fin du xviii siècle, le paiement de cette rente pose également quelques soucis à la prieure de Plumelec. La supérieure et ses religieuses ne reconnaissent plus le concordat signé un siècle plus tôt ni les droits de juridiction détenus par la maison-mère. Lors d’une visite effectuée par le procureur de l’abbesse dans le but de récupérer les rentes et les arrérages qui lui sont dus, les moniales refusent de lui ouvrir les portes du prieuré et de lui présenter les justificatifs demandés. Le jugement de cette affaire, rendu en 1782, précise que la prieure doit s’acquitter de 5800 livres d’arrérages pour les 29 années de non-paiement cette taxe49. L’abbesse accepte finalement que la somme de la rente soit abaissée, le prieuré ne lui fournira donc que 24 livres par an.

31La rente annuelle reste donc une source de conflits entre l’abbesse et ses prieures et son montant dérisoire n’est pas le critère sur lequel reposent les discussions. Le cœur du problème réside en ce que représente cette rente, la subordination du prieuré à son abbaye. Avec l’obtention du droit de noviciat, les prieures ont acquis davantage de responsabilités et une force décisionnaire dont elles étaient jusqu’alors dénuées, éveillant chez elles un désir d’émancipation. L’octroi d’une pension au monastère de Saint-Sulpice les maintient dans une position de soumission qui convient mal à leur nouvelle condition de supérieure. En effet, alors que les précédentes prieures s’apparentaient à de simples obédienciaires, la possibilité de recevoir de nouvelles postulantes et de concevoir leur propre communauté confère aux prieures de cette seconde moitié du xvii siècle un meilleur statut. Ainsi, refuser de payer une rente, aussi modique soit-elle, revient à refuser la sujétion à laquelle elles sont astreintes. Progressivement, les prieurés conventuels se détachent de la mainmise de la maison-mère et s’érigent en monastères indépendants. Néanmoins, l’abbesse reste vigilante au respect des droits et des privilèges qui lui sont accordés et n’hésite pas à rappeler à l’ordre les religieuses dissidentes, avec le soutien constant de la justice. L’autonomie progressive des prieurés n’est cependant pas du seul fait des prieures, la responsabilité de l’abbesse est également à prendre en compte. L’exemple du prieuré de Plumelec démontre que la rente annuelle n’a pas été payée pendant près de trente ans, mais les sources restent muettes quant à une quelconque réclamation de la part du monastère. Au final, les prieurés profitent également de cette marge de liberté laissée par l’abbaye-mère.

  • 50 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H115. Mémoire du petit Locmaria, sans date, probablement entre 1777-1778 : (...)

32La rente annuelle n’est pas le seul point du concordat à être contesté par les prieurés. L’approbation de l’abbesse concernant l’accueil des postulantes et la réception des filles à la profession n’est pas toujours observée. Les qualités de chaque fille et le montant de la dot doivent en effet être examinés par le chapitre abbatial qui décide ou non d’invalider la demande. Ainsi, en 1777-1778, les vœux prononcés par les novices lors de leur profession au sein du prieuré de Locmaria à Plumelec ont été simplement annulés, la prieure ayant outrepassé ses droits50.

  • 51 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H111. 8 septembre 1674 : « elle auroit appris par leurs proces verbaux et p (...)
  • 52 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H111. 30 décembre 1675.

33En 1674, l’abbesse Marguerite de Morais reçoit une lettre signée par les religieuses résidant à Locmaria de Quimper. Elles l’informent de la mauvaise gestion du temporel par la prieure, une femme antipathique, pauvre d’esprit et gagnée par l’avarice d’après le portrait dressé dans les procès-verbaux51. Le manque de ressources financières du prieuré pousse la supérieure à suspendre l’accord de noviciat afin de lui permettre de retrouver une stabilité économique. La réponse de la prieure ne se fait pas attendre, elle saisit les tribunaux et en réfère à la cour de Rome, profitant de cette occasion pour faire valoir son indépendance, qu’elle ne gagnera pas. Finalement, l’abbesse lui accorde une commission décennale l’année suivante52.

34Avec l’obtention du droit de noviciat, les prieures accèdent à de nouvelles responsabilités et à un nouveau statut, elles n’hésitent alors plus à concrétiser leur désir d’indépendance quitte à bafouer les droits de l’abbaye dont elles restent pourtant sujettes. En offrant plus de liberté à ses religieuses, l’abbesse ne se libère pas pour autant de leurs velléités et doit continuellement démontrer sa souveraineté et défendre ses droits et privilèges malgré l’éloignement de ses dépendances.

Une autorité vacillante

Le contrôle à distance de l’abbesse

35Mère supérieure de toutes ses religieuses, il est du devoir de l’abbesse de vérifier la bonne tenue de ses établissements tant au point de vue matériel que spirituel, un contrôle qu’elle ne peut assurer qu’à distance.

  • 53 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H1/11.
  • 54 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H1/11. Procuration fournie par Marguerite d’Angennes, première moitié du xv (...)
  • 55 XXVe session, chapitre V. Père Sforza Pallavicini, Histoire du concile de Trente, t.1, Montrouge, I (...)
  • 56 Constitutions de Saint-Sulpice, op. cit., Partie I, Chapitre VII, IV-V-VII. A.D. Ille-et-Vilaine, 2 (...)

36Lors de la mise en place de la réforme au monastère de Saint-Sulpice en 1621, la règle de la stricte clôture est appliquée à tous les prieurés du réseau, obligeant les prieures à réaliser en conséquence les agencements nécessaires. Vigilante quant à son observation, l’abbesse Marguerite d’Angennes multiplie les exhortations et vérifie sa bonne pratique. Pour se tenir informée, elle charge le personnel séculier qu’elle emploie (procureur ou confesseur) de visiter le prieuré afin de contrôler les éléments matériels de la clôture tels que les murs d’enclos, les passages réservés et les cloisons, et de s’assurer que les sœurs sont toujours enclines à suivre la règle53. Munis d’une lettre de procuration et d’un modèle de visite fournis par la supérieure, ils peuvent ainsi accéder à tous les bâtiments du prieuré et à tout document qu’il leur sera jugé utile d’étudier54. Un rapport complet lui est ensuite adressé afin qu’elle puisse décider des modifications ou des restrictions à apporter. Bien que la clôture soit appliquée, les sœurs bénéficient tout de même de certaines conditions selon lesquelles elles ont le droit de quitter leur dépendance : en cas de maladie, de guerre ou de renvoi au monastère. Le concile de Trente demande pour les sorties des religieuses hors de leur abbaye ou de leur dépendance une cause légitime et motivée55. Elles ne doivent donc pas quitter leur prieuré sans une condition valable approuvée par l’abbesse mais aussi par la hiérarchie diocésaine56. Par ailleurs, une moniale ne se déplace jamais seule, elle est le plus souvent accompagnée par des proches, avec le consentement de la supérieure. La règle de clôture s’est instaurée lentement au sein des prieurés, nécessitant une intensification des contrôles des systèmes de claustration, une surveillance accrue et un règlement plus strict. Même si la clôture n’est pas toujours exactement observée par les religieuses, la multiplicité des visites de contrôle démontre la vigilance de l’abbesse et témoigne de sa volonté de maintenir son exécution.

  • 57 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H81. Visite de 1643. Les religieuses devaient respecter les règles de silen (...)
  • 58 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63. Lettre d’une religieuse de Locmaria de Quimper à l’abbesse de Saint-Su (...)
  • 59 P. Anger, op. cit., t. 46, p. 60. Lettre de Marguerite de Morais, 26 mars 1700.

37Au sein des prieurés, la règle et les statuts de Saint-Sulpice doivent être autant respectés qu’à l’abbaye-mère, même si la liturgie ne peut être assurée de la même manière57. Pour l’abbesse, il reste difficile de vérifier avec exactitude si l’office divin est dûment accompli au cœur de ses établissements. Les visites de prieurés ne lui permettent que d’avoir un aperçu. Le système repose finalement sur la confiance et/ou la délation des sœurs entre elles58. En 1700, le prieur de Bais, envoyé par l’abbesse au prieuré de Locmaria de Quimper, enregistre les confidences des sœurs lors de sa visite et apprend ainsi que la prieure manque de bienveillance envers certaines de ses religieuses et qu’elle n’assiste pas toujours aux offices journaliers. L’abbesse, informée grâce au compte-rendu du prieur, ne peut alors qu’ordonner à la prieure de faire célébrer l’office divin aux heures prescrites et de donner l’exemple de la régularité59. Au final, le respect des heures liturgiques ne résulte pas de l’autorité de l’abbesse, qui peut seulement envoyer des exhortations à suivre correctement la Règle, mais de celle de la prieure. De son inclination et de sa volonté d’observance dépendra la qualité du service spirituel offert dans le prieuré.

Une immixtion parfois nécessaire

  • 60 Jacques Dubois, « La vie quotidienne dans les prieurés au Moyen Âge », in Jean-Loup Lemaitre (éd.), (...)
  • 61 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H81. Indications pour une visite au prieuré, 1643.
  • 62 A.D. Ille-et-Vilaine 24H63. Lettre de Jeanne de Talhouët à l’abbesse, sans date (document incomplet (...)
  • 63 Ibid. « Quand je ne suis pas a loffice elle ne font que rire ou murmurer sur les autres, quand jy s (...)

38Le rôle de la mère supérieure ne se limite pas uniquement à la surveillance à distance, il est également de son devoir d’intervenir lorsque la situation l’exige. Une communauté réduite, des espaces exigus, les rapports sociaux entre les différents membres d’un prieuré peuvent devenir conflictuels, que ce soit entre les religieuses ou envers la prieure60. En dehors du respect de la clôture et de l’observance, le procureur ou le prieur missionné par l’abbesse s’inquiète également de l’union et de la bonne entente entre les religieuses. Un trouble social peut en effet créer un désordre conséquent et la paix entre les sœurs est un point important et nécessaire au bon fonctionnement du prieuré61. Certaines maisons rencontrent quelques difficultés et l’immixtion de l’abbesse s’avère parfois nécessaire, comme à Locmaria de Quimper où la prieure doit faire face à la rébellion d’une partie de sa communauté au tournant du xviii siècle62. Jeanne de Talhouët adresse une lettre à l’abbesse Marguerite de Morais afin de se plaindre du comportement indécent de cinq de ses religieuses. Celles-ci ne la reconnaissent plus pour supérieure et ne s’embarrassent pas pour le lui faire comprendre en outrepassant toute forme d’autorité. Lorsque la supériorité et la légitimité d’une prieure sont mises en cause, il devient difficile, voire impossible de conserver de l’ascendant sur la communauté. Les sœurs ne respectent plus les premiers fondements de la règle bénédictine, comme assister aux offices ou pratiquer la méditation et l’examen de conscience, elles n’observent plus leurs vœux de pauvreté et d’obéissance. Assistées par le procureur du prieuré et le vicaire de la paroisse, les contestataires vont jusqu’à mépriser la prieure : moqueries, jets de nourriture, elle est menacée, ridiculisée63. Ces déviances finissent par devenir publiques et détériorent peu à peu la réputation du couvent en induisant des conséquences négatives sur le recrutement. La rébellion des religieuses n’est plus seulement un problème inhérent à la communauté de Locmaria, par répercussion il fait vaciller la notoriété de l’ordre de Saint-Sulpice et de sa supérieure directe, l’abbesse Marguerite de Morais. Son intervention est alors essentielle mais à travers cet exemple les limites de son autorité et de son emprise sur les dépendances apparaissent clairement.

Les droits contestés

  • 64 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H1/11. 12 septembre 1680.

39Les droits de nomination et de juridiction qu’elle possède dans ses prieurés sont régulièrement sujets à contestation de la part de l’autorité épiscopale. En 1680, le droit de visite détenu par l’abbesse est discuté par l’évêque du Mans, l’obligeant ainsi à requérir l’aide des avocats du parlement de Paris64. S’il lui est impossible de prouver son exemption du pouvoir épiscopal, elle devra accepter son immixtion dans les affaires prieurales. Au final, certains droits sont accordés à l’évêque, notamment le choix du directeur spirituel ou la possibilité d’interroger les novices avant leur profession. L’abbesse conserve toutefois quelques prérogatives, comme le droit de visite dans ses dépendances et l’application des rectifications nécessaires. S’il est vrai que l’évêque détient une juridiction supérieure à celle de l’abbesse, elle ne l’annihile pas pour autant. Le pouvoir épiscopal est là pour suppléer les décisions de la supérieure en cas de négligence.

  • 65 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H108. Ordonnance du Parlement de Rennes, 1756.

40L’autorité de la mère supérieure reste dépendante de l’implication de celle-ci dans son maintien, si son attention décroit, les droits et les privilèges qui lui sont accordés par sa charge abbatiale peuvent être diminués. Les évêques, comme la population locale, cherchent à s’immiscer dans la gouvernance du prieuré et passer outre la supériorité de l’abbesse. Grâce aux personnes de confiance qui lui transmettent les informations nécessaires, celle-ci garde une marge de manœuvre pour intervenir selon son souhait. Comme à Lesneven, dans l’évêché de Léon, où l’abbaye possédait une dépendance depuis le xiiie siècle. Le droit de banalité du fournage était détenu par l’abbesse de Saint-Sulpice, ce qui imposait aux habitants de la ville l’utilisation de ses fours banaux, générant ainsi un revenu important pour la communauté. Mais en 1755, Clotilde de la Bourdonnaye apprend par l’intermédiaire de son procureur que ceux-ci ont été délaissés par la population, substitués par des fours individuels bâtis sans autorisation. Après avoir déposé une requête auprès du parlement de Rennes, l’abbesse obtient une ordonnance lui permettant de faire démolir ces fours et de mettre en place une amende à quiconque ne respecterait pas son droit65. Son but est ici de défendre ses intérêts et ceux de sa communauté, et de protéger les revenus issus de ses prieurés qui restent indispensables à la survie de l’ordre de Saint-Sulpice. Ainsi, sans l’aide de son personnel qui collecte les informations au sein des dépendances et qui les lui fait parvenir, l’abbesse ne peut contrôler l’intégralité de son réseau et garantir son équilibre.

Conclusion

41L’institution prieurale perdure, se développe et va vers une autonomie qui est recherchée par les prieures mais redoutée par les abbesses qui n’ont de cesse de rappeler la soumission inhérente à ces structures. La réforme de 1621, puis l’accord de noviciat signé en 1664, introduisent un réel changement dans les relations entre l’abbaye et ses dépendances. S’il diminue l’ascendant de la mère supérieure, celui-ci accroît aussi la puissance de l’ordre de Saint-Sulpice grâce au prestige et à l’attrait suscités par les prieurés, générant ainsi le recrutement de nouvelles professes. Malgré la distance, les abbesses ont su conserver leur domination et maîtriser les velléités d’indépendance des prieures, tout en leur accordant certaines concessions. Développant au fil du temps une véritable relation épistolaire avec ses religieuses, les prêtres ou les fermiers qu’elle emploie, la supérieure se tient ainsi informée des évènements – positifs ou négatifs, officiels ou officieux – qui se déroulent au sein du prieuré et peut agir en conséquence lorsque les circonstances l’exigent. Droits bafoués, privilèges amoindris, l’abbesse se doit d’être vigilante pour maintenir intacte sa souveraineté. La loyauté de certaines personnes de son entourage lui permet de gouverner avec tact et clairvoyance tout en conservant sa prééminence, même si parfois le recours à la justice ne peut être évité.

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Notes

1 Michel Parisse, Religieux et religieuses en Empire du xe au xiie siècle, Paris, Picard, 2011, p. 190-199.

2 Récemment, une thèse de doctorat s’est penchée sur les prieurés à l’époque moderne : Quentin Bouziat, La place des prieurés conventuels dans la vie économique, politique et religieuse du diocèse de Genève-Annecy aux xvie, xviiᵉ et xviiiᵉ siècles, Thèse de doctorat sous la direction de Jean-Pierre Gutton, Université Lyon 2, 2012. Et pour la période médiévale : Sébastien Legros, Moines et seigneurs dans le Bas-Maine. Les prieurés bénédictins du xe au xiiie siècle, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2010, 360 p. ; Anthony Petit et Philippe Racinet, « Questions sur l'implantation et l'organisation des petits prieurés dans l'espace médiéval », in Dom Thierry Barbeau et Daniel-Odon Hurel (dir.), Solesmes. Prieuré médiéval, abbaye contemporaine, Paris, Riveneuve éditions, 2016, p. 121-150.

3 Respectivement situés dans les évêchés de Maillezais, Quimper et Vannes.

4 Évêché de Nantes.

5 Dom Pierre Anger, « Cartulaire de l’abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt (Ille-et-Vilaine) », Bulletin et Mémoires de la Société d’Archéologie et d’Histoire d’Ille-et-Vilaine, t. 38, 1908, p. 245. Oubliant la clôture, elles profitaient de la compagnie de séculiers dans et hors les murs de leur dépendance : « … mentis et corporis integritatem spontanea voluntate devoverant gravem offensam, religionis opprobrium, perniciosum quoque exemplum et scandalum plurimorum… ».

6 Dom Pierre Anger, « L’histoire de l’abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt », Bulletin et Mémoires de la Société d’Archéologie et d’Histoire d’Ille-et-Vilaine, t. 46, 1917-1918, p. 59. Qualifiée de « ribaude », la prieure prétendrait qu’Etienne de Sanzay, un de ces hommes, l’aurait « prise à la gorge, décoiffée, trainée par les cheveux, battue ».

7 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H26. Procès-verbal de la visite de l’abbaye, 1544.

8 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H81. Mémoire pour la réforme dans les prieurés, sans date (second quart du xviiᵉ siècle) : « elles n’estoient que trois avec la prieure & depuis ce temps on en trouve plus grand nombre mais aussy est-il assuré que de ce temps la l’abbaye estoit decheue de l’ordre & de la régularité ».

9 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H81. Mémoire envoyé au roi, sans date (seconde moitié du xviiᵉ siècle).

10 Ibid. : « Dans la suite, pour vivre encor avec plus de liberté, pour en pas dire de scandal, elles ne voulurent plus souffrir les autres religieuses qui leur envoioit pour compagnes. La vie monastique, la pauvreté et la closture étoint pour ne point trop expliquer, ce qu’elles pratiquoint le moins ».

11 Voir à ce sujet Jean-Marie Le Gall, Les moines au temps des réformes. France (1480-1560), Seyssel, Champ Vallon, 2001, 642 p.

12 L’abbaye a débuté sa réforme dès 1475, mais celle-ci n’a été réellement effective que plus d’un siècle plus tard. Jean de Viguerie, « La réforme de Fontevraud, de la fin du xve siècle à la fin des guerres de religion », Revue d’histoire de l’Église de France, t. 65, n° 74, 1979, p. 114. La règle de Fontevraud, publiée en 1642 à l’initiative de l’abbesse Jeanne-Baptiste de Bourbon, fait suite à cette réforme : Regula ordinis Fontis-Ebraldi – La Règle de l’Ordre de Fontevrault, Paris, 1642.

13 Constitutions des religieuses bénédictines de l’abbaye de Saint-Sulpice, dans le diocèse de Rennes, 1685. Préface.

14 La définition d’un établissement mineur ou conventuel dépend de deux facteurs : l’effectif et la présence d’éléments architecturaux permettant l’application de la clôture. Ainsi, dans notre cas, seuls quatre dépendances peuvent être appelées conventuelles : Locmaria de Quimper, la Fougereuse, la Fontaine Saint-Martin et Locmaria de Plumelec.

15 Constitutions de Saint-Sulpice, op., cit., bulle de Grégoire XV.

16 Ibid.

17 Ibid.

18 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63. Lettre de Louise d’Appelvoisin à l’abbesse de Saint-Sulpice, 16 novembre 1613 : « le dit sieur de maillezais faysent la vizite aus paroisses de son evesché ayent couche a une lieux dicy menvoya signyfier une ordonnence dont je vous envoye la quopye laquelle a este trouvée grendement rude par plussieurs personnes de qualité et de mérite mesme par des religieux quy ce sont estonnez dun tel procédé ».

19 Ibid. : « je ne say quon pouroit fayre daventage a celles quy nauroint pas bien vescu mes dieu mercy chacun sait dans le peaix que je nay point faict chose dont mes partyes ayent pu trouver que redire ».

20 Ibid. : « vivre ung peu en repos sur mes vieux jours et estent mal sayne comme je suis cela ma este bien fort sensible destre tretée de la fason et que on me veille contraindre a des choses a quoy celon dieu et en bonne consience je ne suis point oblygée car je men suis conseillée a de bons religieux et des plus reformés ausquelz jay dit n’avoir james faict veu de closture et que lors que jay faict ma profession sa este en intension de vivre avec la mesme dispence dont avoint jouy mes predesseseures et tentes cest pourquoy je ne croy point estre oblygée a daventage qua ce que jay promys ».

21 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H89. Lettre de l’abbesse Marguerite d’Angennes à sa prieure, Louise d’Appelvoisin, août 1624.

22 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H90. Lettre de Louise d’Appelvoisin à l’abbesse de Saint-Sulpice, 6 août 1624.

23 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63. Lettre de Louise d’Appelvoisin à l’abbesse de Saint-Sulpice, 6 septembre 1624.

24 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63. Lettre de Monsieur de la Roche du Maine à l’abbesse de Saint-Sulpice, 3 septembre 1624 : « Vous scavez madame qu’il est impossible de garder une aussy entière perfection en ce lieu comme a st sulpice, comme vous l’avez bien preveu devant quelles en partissent, et n’eusse peu croire qu’elles y eussent eu tant de moyens de pratiquer les vertus, comme nostre seigneur la permis. Il fault tolérer pour un temps, pour la gloire de dieu, ce que bonnement on ne sauroit esviter, peu à peu les choses viendront a leur point, nostre bon dieu le permettra, il y en a desja un tres bon et tres grand commencement ».

25 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H89. Factum pour l’abbesse Marguerite d’Angennes, 3 décembre 1644.

26 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63. Lettre d’Elisabeth de Bruno à l’abbesse de Saint-Sulpice, 15 juin 1644.

27 Ibid.

28 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63. La lettre écrite par Madame de la Rabatelière le 15 juin 1644 et celle de la prieure Claude d’Appelvoisin, datée du 26 juin 1644, précisent toutes deux que les bâtiments – dortoir, salle commune – ne sont pas encore terminés et que la clôture n’y est pas parfaitement maintenue.

29 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H89. Consultation suite au refus d’un noviciat, 13 novembre 1644.

30 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H88/1. Procuration donnée le 26 février 1645.

31 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63. Lettre de Claude d’Appelvoisin à l’abbesse, le 28 septembre 1655.

32 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H89. Et 24H63. Lettre de la prieure à l’abbesse.

33 P. Anger, op. cit., t. 45, p. 201.

34 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H89. Lettre de l’abbesse à la prieure, 8 juin 1657 : « aves fait venir dengers nombre de religieuses et les aves ressues dens le dict prieuré de la foulgereuses non seulemant a nostre inceu mes aussy contre nostre volonté qui de touts temps vous est congnues aussy bien que les droits de nostre abbaye sur le dict prieuré de la foulgereuse ».

35 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63. Lettre de la prieure à l’abbesse, 14 juin 1657 : « pourveu que ce soit a condition de recepvoir des filles au novitiat et a la profession come on faict dans toutes les autres religions […] car amoyns que dobtenir ceste permission et promesse de votre bonté nous ne pouvons recepvoir de religieuze de st sulpisse non pas mesme ma propre niepce ».

36 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H89. Réplique de l’abbesse en 1657. 24H90 : défense de la prieure.

37 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H89. Délibération du 4 juin 1658.

38 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63.

39 Ibid. : « de rendre vostre affaire publique, et par conséquent plus importante, et plus considérable à vos juges, qui pour cette raison ne la traitteront pas légèrement. »

40 P. Anger, op. cit., t. 45, p. 204.

41 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H64. Lettre de la prieure Suzanne du Guémadeuc à l’abbesse, juin 1664.

42 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H115. Mémoire des titres du prieuré.

43 Constitutions de Saint-Sulpice, op. cit., préface.

44 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H111. Concordat passé le 22 octobre 1664, ratifié à l’abbaye de Saint-Sulpice le 5 novembre 1664.

45 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H115. Modèle de supplique de la prieure de Locmaria de Plumelec à l’abbesse, 1778 : « la dite dame Marguerite de Morais abbesse auroit donné, concédé et octroyé pouvoir et commission à la ditte dame Suzanne du Guemadeuc de recevoir et admettre à profession jusqu’au nombre de vingt cinq religieuses de chœur et cinq sœurs converses, à la charge toutefois que la dite dame Suzanne du Guemadeuc lors prieure ou autres prieures qui lui succéderoient, prendroient nouvelle commission de la ditte dame abbesse de St Sulpice ou autres qui pareillement lui succéderoient de dix ans en dix ans, le tout éxécutant de point en point le dit concordat ». Une visite eu lieu cette même année, les 13, 14, 15 juillet, afin de voir si le tout était bien maintenu. Un procès-verbal en donne les détails (A.D. Ille-et-Vilaine, 24H115).

46 Quant à l’acquisition du droit de noviciat par le prieuré de la Fougereuse, les sources restent muettes à ce sujet.

47 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63.

48 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H81. Régulation du prétendu vice de simonie, sans date : « Mais pour leur rendre leurs compliments, nous disons qu’il faut qu’ils aient l’imagination bien renversée pour trouver que dans ces concordats on ait permis de recevoir des religieuses à l’habit et profession moyennant une rente, qu’ils sont imbus d’une manière de raisonner bien fausse pour changer ainsi l’objet et la fin aux quelles les actions se rapportent, afin d’avoir prétexte de forger des simonies et d’insulter à la sagesse des personnes illustres qui rédigerent ces concordats ».

49 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H115. Jugement rendu en 1782.

50 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H115. Mémoire du petit Locmaria, sans date, probablement entre 1777-1778 : « Il est certain que la dame prieure du petit Locmaria n’a ni le droit ni le pouvoir de faire aucune novice ni de les admettre à la profession sans auparavant avoir envoyé à la dame abbesse de st Sulpice le contrat d’entrée de chacune d’elles pour qu’elle et son chapitre l’approuvent s’ils voyent l’avoir à faire ».

51 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H111. 8 septembre 1674 : « elle auroit appris par leurs proces verbaux et par les plaintes qui luy ont esté faites que la dicte de thaloüet estoit une fille sans prudence, sans esprit et sans conduite et tellement ignorante qu’elle ne peut pas seulement escrire son nom, a moins qu’une personne luy nomme les lettres qui le composent l’une apres l’autre, tellement portée a l’avarice qu’elle ne fournit pas le nécessaire aux religieuses du dit prieuré qu’elle tourmente et persécute contre toute sorte de raison ».

52 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H111. 30 décembre 1675.

53 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H1/11.

54 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H1/11. Procuration fournie par Marguerite d’Angennes, première moitié du xviiᵉ siècle. Et A.D. Ille-et-Vilaine, 24H81. Mémoire pour la visite des prieurés, 1643.

55 XXVe session, chapitre V. Père Sforza Pallavicini, Histoire du concile de Trente, t.1, Montrouge, Imprimerie catholique de Migne, 1844. col. 135.

56 Constitutions de Saint-Sulpice, op. cit., Partie I, Chapitre VII, IV-V-VII. A.D. Ille-et-Vilaine, 24H88/1. Autorisation de sortie de l’évêque.

57 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H81. Visite de 1643. Les religieuses devaient respecter les règles de silence, de charité, mais aussi l’union entre elles. La visite souligne l’incitation à bien suivre les règles.

58 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H63. Lettre d’une religieuse de Locmaria de Quimper à l’abbesse de Saint-Sulpice, sans date (dernier quart du xviiᵉ siècle) : « quand elles veulent elle vienne a loffice, quand elle ne veule pas elle ny vienne pas et quand elle sont au Chœur elle vont librement a la grille du Chœur sans permission et sans estre apellee avec mauvais edification de la Communautez plusieurs fois durant lofice et sorte de loffice sans permission et quand bon leur semble ».

59 P. Anger, op. cit., t. 46, p. 60. Lettre de Marguerite de Morais, 26 mars 1700.

60 Jacques Dubois, « La vie quotidienne dans les prieurés au Moyen Âge », in Jean-Loup Lemaitre (éd.), Prieurs et prieurés dans l’occident médiéval. Actes du colloque organisé à Paris le 12 novembre 1984 par la IVe section de l’École Pratique des Hautes Études et l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes, Genève, Droz, 1987, p. 113.

61 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H81. Indications pour une visite au prieuré, 1643.

62 A.D. Ille-et-Vilaine 24H63. Lettre de Jeanne de Talhouët à l’abbesse, sans date (document incomplet). L’abbesse a envoyé un procureur s’inquiéter de la tenue de l’établissement et du respect de la régularité après avoir reçu diverses plaintes de religieuses de la communauté de Locmaria, ainsi que du recteur de la paroisse.

63 Ibid. « Quand je ne suis pas a loffice elle ne font que rire ou murmurer sur les autres, quand jy suis elle ne sesse de rire sur moy et sindiquer mes actions et mes gestes naturelles », « quand les meits ne leurs plaize pas ils me les gete contre la teste en plain refectouer, difammant mes abits », « elle mont menassee de lever toutes les serrures de la maison sy je fermois le parlouer de leglize, et denfonser la porte de ma chambre sur moy et de me mestre dehors non seulement de ma chambre mais de la maison ».

64 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H1/11. 12 septembre 1680.

65 A.D. Ille-et-Vilaine, 24H108. Ordonnance du Parlement de Rennes, 1756.

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Table des illustrations

Titre Carte de répartition des dépendances de l’abbaye de Saint-Sulpice (xviie -xviiie siècle)
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Pour citer cet article

Référence papier

Céline Trébaol, « L'abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt et ses dépendances à l'époque moderne : la « mère » et ses « filles » »Chrétiens et sociétés, 24 | 2017, 73-96.

Référence électronique

Céline Trébaol, « L'abbaye de Saint-Sulpice-la-Forêt et ses dépendances à l'époque moderne : la « mère » et ses « filles » »Chrétiens et sociétés [En ligne], 24 | 2017, mis en ligne le 16 juin 2022, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/4205 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.4205

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Auteur

Céline Trébaol

Université Rennes 2, CERHA, EA 1279

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Droits d’auteur

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