Françoise Hildesheimer, Dénes Harai, Dictionnaire Richelieu, Paris, Honoré Champion, 2015, 399 p.
Texte intégral
1Ces dernières années, l’histoire politique du premier xviie siècle a connu un bel approfondissement que ce soit par exemple autour de personnalités politiques comme Marie de Médicis (Jean-François Dubost) ou Pierre Séguier (Yannick Nexon) ou encore des pratiques littéraires du pouvoir (Christian Jouhaud). Si Richelieu n’a pas fait l’objet d’études spécifiques, il apparaît en filigrane dans cette histoire en train de s’écrire, et pour cela ce Dictionnaire Richelieu qui resserre la focale sur le célèbre cardinal est particulièrement bien venu. Sous la direction de deux spécialistes du xviie siècle, Françoise Hildesheimer et Dénes Harai, tous deux ayant travaillé tant sur l’histoire du règne de Louis XIII que sur celle des représentations politiques, ce dictionnaire rassemble la contribution de près de 60 auteurs pour un total d’environ 120 notices. C’est ici la principale richesse de cet ouvrage, à savoir une multiplicité de regards sur le grand homme et son œuvre par le prisme d’une historiographie récente, mêlant chercheurs confirmés et jeunes historiens, ce qui offre des facettes complémentaires à l’analyse. Il faut saluer ici un tel choix qui rend la lecture de l’ouvrage particulièrement stimulante. Ce choix a aussi son revers, parfaitement assumé par les deux directeurs de l’ouvrage dans la note liminaire. Plus qu’un dictionnaire exhaustif, ce livre est le fruit d’une réflexion sur l’homme Richelieu, sa position au sein de l’État et ses choix politiques à la tête du royaume. En étant centré sur l’homme et non sur une période, ce livre se fait l’écho d’un questionnement sur le cardinal porté par l’historiographie actuelle mais aussi par ses deux directeurs. Par exemple, si les principaux États européens sont abordés (Angleterre, Espagne, Savoie et États italiens, Provinces-Unies), on peut être surpris de ne rien trouver sur le Saint-Empire ou les Ottomans, alors qu’une notice est accordée à la Transylvanie. Sur le fonds, on constate également que l’aspect économique et social du premier xviie siècle n’est relégué qu’à quelques notices (Mer, Économie, Épidémies, Finances,…), le livre accordant une place plus grande aux questions diplomatiques, religieuses ou culturelles. Un tel ouvrage ne peut que prêter le flanc à ce type de critique car il ne peut être exhaustif. Évidemment, cela n’enlève rien à sa qualité. On peut seulement regretter que les deux directeurs de l’ouvrage n’aient pas un peu plus développé leur chapitre liminaire pour expliquer leurs choix. Dans ce dernier, ils assument les lacunes du livre, mais on aurait aimé qu’ils dépassent l’autocritique pour expliciter la genèse du choix des notices et faire comprendre au lecteur la méthode d’un livre qui relève du genre biographique sans pour autant mettre en récit la vie de son héros. Dernier regret, une relecture trop rapide de l’ouvrage qui entraîne un nombre très important de coquilles préjudiciables à la qualité de la lecture et en contradiction avec le prix de vente d’un tel livre.
2Chaque notice est suivie d’une courte bibliographie suffisamment suggestive et les annexes du livre sont composées de quelques illustrations et d’une chronologie nécessaire pour des lecteurs non rompus à l’histoire politique des années 1600. Ce compte-rendu ne peut souligner la richesse de toutes ces notices, il se contentera d’indiquer les grands axes thématiques choisis par les auteurs afin de façonner un visage de Richelieu. Un ensemble de notices concerne l’histoire et l’historiographie du personnage. Les notices Historiens, Légende et historiographie, Cinéma abordent la construction et l’évolution de l’image de « L’homme rouge » ; celles consacrées à ses archives, à sa bibliothèque, aux pamphlétaires ou à ses collections et ses palais (Palais Cardinal, Rueil) reviennent sur les goûts et la culture du Cardinal et la façon dont il souhaite l’inscrire dans l’histoire. Un autre ensemble concerne la famille et la construction de la fortune personnelle du Cardinal. Les Du Plessis sont abordés, ainsi que plus précisément son oncle Amador de La Porte ; l’évêché de Luçon, sa fortune, sa succession et son réseau de clientèle le sont également. De manière plus classique, le milieu curial est évoqué par une série de notices biographiques sur les grands personnages que côtoient Richelieu. L’action politique du cardinal est présentée de manière tout aussi classique autour des fonctions qu’il a occupées (Ministre, Principal Ministre), des choix de politique intérieure (Gouverneurs, États, Intendants, Présidial, Parlement,…) ou des engagements diplomatiques (notices par pays, Négociation, Armée,…).
3L’aspect religieux de la politique du cardinal constitue le dernier grand thème de ce dictionnaire. La question protestante est abordée par une notice éponyme revenant non sur l’histoire des protestants français sous Richelieu, mais sur le jugement de ce dernier sur les huguenots. Le dictionnaire explore son engagement religieux en faveur de la Réformation catholique sensible dès son passage à Luçon. Il développe aussi son engagement politique et militaire au cours des années 1620 qui virent les dernières révoltes de villes protestantes et leur soumission en 1629. Deux notices sur Rohan et La Rochelle complètent ce tableau, forcément partiel mais représentatif des relations du cardinal-ministre avec le milieu réformé. La question religieuse à la cour de Louis XIII est abordée sous l’angle d’un bel article sur l’identité des dévots et le refus du stéréotype classique « dévots / bon français ». Les confesseurs royaux et quelques grandes figures catholiques de la cour comme Bérulle précisent encore ce milieu parisien en relation avec le cardinal-ministre. À noter la notice sur la notion problématique de Sécularisation qui fait écho à celle sur Machiavélisme et qui revient sur les préoccupations morales du gouvernement du royaume. De manière plus générale, l’article Attrition-Contrition, point de théologie abordé directement par Richelieu (Traité de la perfection du chrétien), les articles Gallicanisme, Luçon, Ordres religieux, Sorbonne complètent ce tableau de manière certes impressionniste, mais pertinente car centrée sur des enjeux directement liés à la personnalité de Richelieu.
4Ce livre représente ainsi une contribution intéressante à l’œuvre biographique du principal ministre de Louis XIII. Proposant un portrait par petites touches grâce à des notices très diverses il est le reflet incomplet mais pertinent d’un savoir historique sur le personnage tel qu’il se dessine dans l’historiographie actuelle.
Pour citer cet article
Référence papier
Pierre-Jean Souriac, « Françoise Hildesheimer, Dénes Harai, Dictionnaire Richelieu, Paris, Honoré Champion, 2015, 399 p. », Chrétiens et sociétés, 23 | -1, 214-216.
Référence électronique
Pierre-Jean Souriac, « Françoise Hildesheimer, Dénes Harai, Dictionnaire Richelieu, Paris, Honoré Champion, 2015, 399 p. », Chrétiens et sociétés [En ligne], 23 | 2016, mis en ligne le 09 février 2017, consulté le 13 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/4137 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.4137
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