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Dossier bibliographique
Recensions

Jérémie Foa, Le tombeau de la paix. Une histoire des édits de pacification (1560-1572), Limoges, PULIM, 2015, 546 p.

Pierre-Jean Souriac
p. 209-211

Texte intégral

1Ce livre de Jérémie Foa, issu de sa thèse de doctorat, aborde une question récurrente en histoire politique : la mise en œuvre de la loi, depuis sa décision jusqu’à son application locale en passant par ses différents intermédiaires et ses degrés d’adaptation. Balayant une histoire trop institutionnelle faisant de la loi un absolu universel accepté ou refusé, Jérémie Foa postule au contraire qu’elle relève de « manières de faire », pour reprendre les termes de Michel Foucault, c’est-à-dire de décisions conjointes, d’adaptations et de compromis entre État central et périphéries d’application. À l’aune de cette analyse, la loi dans la France du xvie siècle se manifeste comme un espace de négociation centre/périphérie, comme un échange entre le roi et ses sujets, comme une norme inspirée par l’État mais applicable dans le royaume parce qu’en phase avec les contraintes sociales et juridiques du territoire. Cette réflexion est incarnée dans un contexte historique précis : l’application des édits de pacification au cours de la première décennie des guerres de Religion françaises et le rôle spécifique des commissaires royaux dans cette mise en œuvre. La sortie des guerres de Religion ne s’est pas faite par un règlement religieux du conflit mais par un règlement juridique dans lequel le droit a imposé la coexistence. Si l’Édit de Nantes a tendance à occulter ses prédécesseurs, il n’est pourtant qu’un édit parmi d’autres et l’histoire de ces guerres civiles relève aussi d’une histoire des expérimentations de paix.

2L’auteur montre avec une grande pertinence combien cette étude s’inscrit dans trois voies historiographiques renouvelées depuis quarante ans : la construction de l’État par la monopolisation progressive de la violence et donc l’imposition d’une paix arbitrée par les gouvernants ; la révision de l’image de Catherine de Médicis et de son fils Charles IX autour d’une politique pacificatrice ambitieuse ; la modernisation de l’État par le recours à de nouveaux agents, notamment les commissaires. Jérémie Foa interroge alors l’ensemble des provinces du royaume de Charles IX, passe au crible les municipalités, les parlements, les gouverneurs et lieutenants du roi, chaque commissaire envoyé par le royaume et toute instance parlant de cette paix. Il offre à son lecteur le vaste horizon des tentatives de paix dans un royaume déchiré, comparant les lieux, multipliant les actions individuelles, et ce grâce à une masse d’informations particulièrement dense mais toujours ordonnée et présentée avec clarté. Ce livre est une réflexion d’histoire politique sur des enjeux religieux, mais c’est aussi un voyage dans les arcanes des pratiques politiques locales et de leur réactivité face aux décisions monarchiques.

3Le livre est organisé autour de neuf chapitres qui sont autant d’échelles d’analyse de la personnalité et de l’action des commissaires d’application des paix. Les textes de paix et leur réception font l’objet du premier développement, posant alors la question de leur réception dans les provinces. Viennent ensuite les hommes en charge de ces commissions. Il ressort de leur recension qu’ils ne sont pas interchangeables, qu’ils sont choisis de manière spécifique selon le contexte et les rapports de force politiques. Si ceux de 1563 relèvent du milieu des officiers du Parlement, les suivants appartiennent à celui du clientélisme curial ou à celui des maîtres des requêtes. L’analyse cumule les exemples et permet de cerner précisément ce milieu des serviteurs de l’État dont le trait commun est la modération religieuse. Jérémie Foa revient ensuite sur les pratiques discursives, celles des remontrances, de leurs auteurs et des thèmes privilégiés dans les plaintes que reçoivent les commissaires. Qui se plaint ? Des juristes et des ecclésiastiques. Qui est l’ennemi ? Rarement un hérétique. Qu’est-ce qui pose problème ? Essentiellement le prêche, les meubles perdus pendant les conflits et les finances altérées par la guerre civile. Très rarement est abordée la question des exils des catholiques ou des protestants déplacés à la faveur des conflits. Les retours dans les villes de ces exilés occupent le quatrième chapitre de ce livre : si les ecclésiastiques revinrent dans les villes protestantes souvent en grande pompe, les protestants le firent bien plus discrètement et avec de nombreux empêchements. Les chapitres suivants développent ensuite chacun un thème spécifique des pacifications et du travail des commissaires. Le premier concerne les biens confisqués durant les troubles et leur restitution problématique. Le second aborde la question militaire, celle de la démobilisation des hommes, de la restitution des places fortes, de l’apurement des dettes et des retards fiscaux. Le troisième est celui des outils utilisés par les commissaires pour faire appliquer leurs décisions : l’oubli et l’amnistie, le serment et l’invention du pluralisme par la mise en place des municipalités mi-parties. Le quatrième est celui des espaces concernés par ces paix : les maisons, les lieux de prêche, les ressorts de juridiction.

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Pour citer cet article

Référence papier

Pierre-Jean Souriac, « Jérémie Foa, Le tombeau de la paix. Une histoire des édits de pacification (1560-1572), Limoges, PULIM, 2015, 546 p. »Chrétiens et sociétés, 23 | -1, 209-211.

Référence électronique

Pierre-Jean Souriac, « Jérémie Foa, Le tombeau de la paix. Une histoire des édits de pacification (1560-1572), Limoges, PULIM, 2015, 546 p. »Chrétiens et sociétés [En ligne], 23 | 2016, mis en ligne le 09 février 2017, consulté le 17 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/4132 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.4132

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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