Michel Despland, Un monde pluriel. Mon apprentissage d’historien des religions, Montréal, Liber Canada, 2015, 310 p.
Texte intégral
1Michel Despland est un spécialiste d’histoire des religions de renommée internationale. Né à Lausanne mais émigré au Canada depuis le milieu des années 1960, il a enseigné pendant l’essentiel de sa carrière au département de sciences religieuses de l’Université Concordia de Montréal. Il a également occupé plusieurs fonctions au sein du monde de la recherche : membre de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme et membre du Conseil des Universités, il fut aussi président de la Société québécoise pour l’étude de la religion. Il est enfin membre de la Société royale du Canada.
2Dans cet ouvrage pourtant autobiographique, le lecteur éprouvera bien des difficultés à identifier quelques repères chronologiques pour reconstituer le parcours académique et les principales étapes de la vie intellectuelle et universitaire de ce chercheur globe-trotter. Car là n’est manifestement pas son intention. Bien que l’architecture générale du livre soit ordonnée autour de sept parties qui s’échelonnent approximativement depuis son enfance heureuse dans le pays de Vaud jusqu’aux manifestations étudiantes du printemps 2012 au Québec, nulle démarche de rationalisation a posteriori d’une vie bien remplie ne préside à son organisation d’ensemble. L’auteur préfère laisser remonter à sa conscience des souvenirs enfouis et mettre en récit des réminiscences. Une observation de l’auteur dans un paragraphe consacré à sa relecture de la Vie de Rancé de Châteaubriand pourrait résumer sa quête : « Le problème, en fin de compte, me semble être de rejoindre la densité de notre vie. Aller au-delà de la perception du temps linéaire, de la suite de faits. "Plus j’avance dans mes récits, moins j’y puis mettre d’ordre et de suite", écrit Jean-Jacques Rousseau » (p. 286).
3Ce livre est donc celui d’un inventaire de rencontres en forme de kaléidoscope. Rencontres de professeurs, d’abord, qui ont marqué ses propres travaux : ses maîtres en théologie Pierre Thévenaz et René Schaerer ; le professeur de religions comparées Wilfred Cantwell Smith à la Harvard Divinity School où le jeune Michel Despland est venu se former ; l’helléniste suisse André Bonnard, fondateur de l’université populaire de Lausanne mais également le philosophe conservateur George Grant. Rencontres d’autres univers culturels et mentaux, aussi, de Johannesburg à New Dehli, de Salvador de Bahia à Bergen, au gré des congrès de l’Association internationale pour l’histoire des religions ou d’invitations à des colloques. Rencontres avec des livres, surtout, et il faut y insister. L’historien Michel Despland a beaucoup lu, et pas seulement dans sa discipline. Ce livre rend hommage aux multiples figures qui ont marqué son cheminement intellectuel : des philosophes qui ont donné une méthode et un cap à ses recherches, de Jean-Jacques Rousseau à Peter Sloterdijk et Giorgio Agamben ; des anthropologues éclairés, sans surprise, comme Alfred Métraux et Jean Bastide ; des écrivains de tout temps, surtout, auxquels il consacre toute la partie intitulée « Politiques et littératures » : défilent donc saint Augustin, Gérard de Nerval, mais aussi Mona Ozouf, Jean Starobinski, la littérature romande, Ella Maillart et ses voyages, Renan et Quinet comme historiens de leurs propres vies. À l’inverse, il s’en prend aux pensées jugées trop réductrices et trop rigides de Descartes ou de Michelet. Un joyeux éclectisme donc, dans ce livre où fourmillent grands noms et petites gens, à hauteur d’enfant ou d’universitaire affûté.
4Ce parti-pris des chemins de traverse et du passage fortuit d’un souvenir à un autre (ou d’une conviction à une autre) pourrait assez aisément emporter la bienveillance du lecteur si le récit n’était pas émaillé de pages parfois superflues sur l’histoire de plusieurs religions (bouddhisme, islam, protestantisme…) ou d’analyses un peu convenues – l’auteur appelle par exemple à un dépassement de l’opposition stéréotypée Orient-Occident. Le ton est parfois professoral, alors même que la pluralité des convictions et l’affirmation d’une sensibilité poétique courent tout au long de ces pages où l’auteur cherche avec une sincérité parfois touchante à redonner vie à un monde en partie disparu, en particulier celui de son enfance et de ses ancêtres.
Pour citer cet article
Référence papier
Olivier Chatelan, « Michel Despland, Un monde pluriel. Mon apprentissage d’historien des religions, Montréal, Liber Canada, 2015, 310 p. », Chrétiens et sociétés, 23 | -1, 204-205.
Référence électronique
Olivier Chatelan, « Michel Despland, Un monde pluriel. Mon apprentissage d’historien des religions, Montréal, Liber Canada, 2015, 310 p. », Chrétiens et sociétés [En ligne], 23 | 2016, mis en ligne le 09 février 2017, consulté le 14 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/4126 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.4126
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