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Dossier bibliographique
Recensions

Joseph F. Byrnes, Priests of the French Revolution. Saints and renegades in a new political era, Pennsylvania, The Pennsylvania State University Press, 2014, 314 p.

Paul Chopelin
p. 201-202

Texte intégral

1L’ouvrage que propose Joseph F. Byrnes est appelé à faire date dans l’historiographie religieuse de la Révolution française. Il s’agit de la première synthèse à ce jour sur l’histoire du clergé constitutionnel entre 1789 et 1802. Celui-ci est principalement connu à travers la figure tutélaire d’Henri Grégoire, dit l’abbé Grégoire, évêque constitutionnel de Blois, mais les renseignements faisaient jusqu’ici largement défaut sur les autres acteurs de cette histoire. Quelques évêques, comme Fauchet ou Le Coz, ont fait l’objet d’importantes biographies entre la fin du xixe et le début du xxe siècle, mais ces travaux sont empreints de jugements de valeurs bien peu historiques qui les rendent souvent peu utilisables. Le Répertoire biographique de l’épiscopat constitutionnel du chanoine Pisani (1907) rassemble de précieux renseignements sur ce groupe ecclésiastique, mais cette synthèse souffre également des préjugés de son auteur. Depuis les travaux décisifs de Bernard Plongeron, notamment son Théologie et politique au siècle des Lumières (1973), les théologiens de l’Église constitutionnelle sont bien mieux connus, et il est malvenu aujourd’hui d’associer ces prêtres au ramassis d’aventuriers et d’opportunistes sans talents que se plaisait à décrire jadis l’historiographique catholique conservatrice. Dans les années 2000, plusieurs travaux marquants ont permis de mieux connaître certaines figures, que ce soit la thèse de Caroline Chopelin-Blanc sur Adrien Lamourette, évêque constitutionnel de Rhône-et-Loire, celle de Michel Deblock sur le clergé constitutionnel du Doubs ou l’ouvrage de Jean-Claude Meyer sur Sermet, évêque de Haute-Garonne, et Barthe, évêque du Gers. Prenant acte de ce renouveau historiographique, Joseph Byrnes a entrepris de faire la synthèse de ces travaux et de les compléter par ces propres investigations dans les archives et les bibliothèques françaises.

2L’ouvrage obéit à un plan chronologique classique qui permet de suivre les étapes de la vie de cette Église, au regard de l’évolution de la législation révolutionnaire, dont elle dépend largement. La première partie est consacrée à la période 1789-1791 qui voit l’émergence de la figure du prêtre patriote. À travers les exemples de Grégoire, de Sieyès et d’Henri Reymond, le lecteur peut suivre ainsi la politisation du clergé en faveur de la défense des droits du Tiers-État. Tous sont animés par le désir de réformer la Nation, dans un idéal spirituel de régénération ouvrant la voie à une conversion collective. D’emblée, ces prêtres s’inscrivent dans une perspective providentialiste, volontiers messianique, qui fait du peuple français le nouveau peuple élu, appelé à établir un régime politique chrétien idéal, fondé sur l’Évangile et la référence – largement mythique – à l’Église des premiers siècles. Cette approche est particulièrement visible dans les écrits de Claude Fauchet ou d’Adrien Lamourette, les principaux promoteurs de cette mystique de la régénération. La seconde partie de l’ouvrage traite de l’établissement de l’Église d’État entre 1791 et 1794. Comme le remarque fort justement Joseph Byrnes, les prêtres patriotes rejoignent les rangs d’une institution ecclésiastique dont ils ne sont pas les concepteurs, puisque celle-ci est le fruit de la réflexion des légistes de l’Assemblée nationale constituante, à l’origine de la Constitution civile du clergé votée le 12 juillet 1790. Élus dans les paroisses ou dans les sièges diocésains vacants, ces prêtres font vivre du mieux qu’ils peuvent leur idéal de christianisme régénéré, en réformant la liturgie, en défendant les « saines » traditions et en exhortant les fidèles à obéir aux lois justes votées par l’Assemblée nationale. Mais cet idéal se brise sur les réalités politiques du moment : les prêtres patriotes se heurtent à la résistance farouche des prêtres réfractaires, qui établissent une contre-Église, avec le soutien de Rome, tandis que les autorités civiles ne soutiennent guère les prêtres fonctionnaires, que d’aucuns considèrent comme des « parasites ». L’Église constitutionnelle est finalement emportée par la grande vague anticléricale de 1793, qui voit de nombreux prêtres et évêques abdiquer publiquement leurs fonctions ecclésiastiques. Joseph Byrnes livre à cette occasion une analyse très fine des différentes formes de renoncement – temporaire ou définitif – au ministère, en présentant un large éventail de comportements qui résiste aux analyses trop tranchées en la matière. À partir de 1795, sous la houlette du « Comité des évêques réunis », les prêtres patriotes organisent une Église républicaine, plus conforme à leurs idéaux démocratiques, réussissant à tenir deux conciles nationaux en 1797 et en 1801. Au-delà de la figure de Grégoire, qui avait surtout retenu l’attention des historiens pour cette période, Joseph Byrnes souligne le rôle déterminant d’autres évêques, en s’attardant notamment sur le cas de Claude Le Coz ou celui de Jean-Baptiste Royer, l’évêque de Paris, qui suit sa propre voie, en se rapprochant de l’Église réfractaire. Ces quelques lignes rendent difficilement compte de tout l’intérêt d’un ouvrage foisonnant, qui, sans prétendre à traiter l’ensemble du sujet, offre une première synthèse particulièrement bienvenue, ouvrant la voie à de nouvelles recherches par les riches nuances qu’elle laisse entrevoir.

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Pour citer cet article

Référence papier

Paul Chopelin, « Joseph F. Byrnes, Priests of the French Revolution. Saints and renegades in a new political era, Pennsylvania, The Pennsylvania State University Press, 2014, 314 p. »Chrétiens et sociétés, 23 | -1, 201-202.

Référence électronique

Paul Chopelin, « Joseph F. Byrnes, Priests of the French Revolution. Saints and renegades in a new political era, Pennsylvania, The Pennsylvania State University Press, 2014, 314 p. »Chrétiens et sociétés [En ligne], 23 | 2016, mis en ligne le 09 février 2017, consulté le 15 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/4123 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.4123

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