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Les anniversaires de la Réforme, dossier coordonné par Yves Krumenacker

Le Réformateur dédoublé : Martin Luther à l’écran dans les « deux Allemagnes » en 1983

Two glances on a Reformer: Martin Luther on screen in the two German states in 1983
Ferdinand Schlie
p. 93-115

Résumés

En 1983, l’histoire de la représentation de Martin Luther à l’écran, déjà assez fournie en exemples, s’enrichit d’un chapitre particulièrement intéressant. À l’occasion du 500e anniversaire du Réformateur, les « deux Allemagnes » diffusèrent chacun un téléfilm en plusieurs parties consacré à la biographie du moine rebelle. Cet article se propose de mettre en regard ces deux productions en les resituant dans le contexte d’une concurrence asymétrique entre les deux États allemands, concurrence qui força la RDA à déployer maints efforts pour contrer l’attraction exercée par son voisin à l’Ouest. S’efforçant de légitimer la RDA en étendant la « galerie de ses ancêtres », la télévision est-allemande se fit le porte-parole du régime en présentent un Réformateur rebelle, œuvrant dans le sens du progrès et portant un coup redoutable au système féodal. De son côté, la seconde chaîne publique ouest-allemande tenta de remplir son rôle à la fois informatif, éducatif et intégrateur en brossant un portrait nuancé mais non moins fédérateur de Martin Luther en champion de l’autonomie intellectuelle et en père fondateur de la nation allemande.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Klaus-Rüdiger Mai, Gehört Luther zu Deutschland ?, Fribourg-en-Brisgau, Herder, 2016.

1« Luther fait-il partie de l’Allemagne ? » À en croire les préparatifs qui sont en cours outre-Rhin pour le 500e anniversaire des quatre-vingt-quinze thèses, cette question récemment posée dans un essai consacré au legs et à l’actualité du Réformateur1 appelle une réponse positive. Le « père du protestantisme » continue à susciter des débats et interrogations quant à son impact sur le cours de l’histoire allemande et la capacité de sa pensée à éclairer les défis du présent.

  • 2 « Pointiert formuliert : Man kann den Eindruck gewinnen, bei den verschiedenen Jubiläen habe man je (...)
  • 3 Au sujet de l’adaptation du concept de Pierre Nora à l’espace germanophone, voir Étienne François, (...)
  • 4 Philippe Alexandre, « Les fêtes commémoratives de Luther 1817-1846-1883-1917 », dans Monique Samuel (...)

2Les commémorations qui se dérouleront en Allemagne en 2017 s’inscrivent dans une longue tradition de jubilés centrés autour de la personne de Luther ; reflétant toujours la situation politique et confessionnelle du moment, ils présentèrent autant d’images différentes du Réformateur : « Pour le dire de façon exagérée, on pourrait avoir l’impression que chaque jubilé célébra un autre Luther. »2 Restaurateur de la vraie foi dans un premier temps, précurseur des Lumières au xviiie siècle, Luther fut perçu à partir du xixe siècle à travers un prisme nationaliste. érigé en figure de proue de l’empire nouvellement unifié en 1883, mobilisé comme un exemple de ténacité et d’ardeur durant la Première Guerre mondiale en 1917, présenté comme un précurseur du « Führer » en 1933, Luther fit office de « lieu de mémoire »3, de point de cristallisation de l’identité collective destiné à rassembler les Allemands autour d’une certaine image de leur nation4.

3La diffusion de ces représentations successives du Réformateur fut assurée par des media de nature diverse et aux fonctions complémentaires. D’une part, les textes – biographies, récits et drames historiques – permirent d’établir et d’ancrer dans les esprits une trame narrative articulée autour des grands exploits du héros associés à des citations canoniques. D’autre part, les arts visuels donnèrent corps aux différentes facettes du personnage par des traits physionomiques, des mimiques et des gestuelles, et fournirent une image concrète des lieux et de l’organisation spatiale des épisodes notables. Les représentations théâtrales, très nombreuses surtout au xixe siècle, détiennent une place intermédiaire puisqu’elles présentent au spectateur une action suivie enchaînant les hauts faits du Réformateur.

  • 5 L’étude la plus récente et la plus complète à ce jour est celle d’Esther P. Wipfler, Martin Luther (...)
  • 6 Ibid., p. 37-48.

4Reflétant l’évolution des genres et des techniques artistiques, l’histoire de l’image de Luther dans les media s’enrichit dès le début du xxe siècle d’un volet important et pourtant assez peu pris en compte par la recherche5. En effet, le moine rebelle devint héros de cinéma : quatre films au total lui furent consacrés à l’époque du Reich wilhelmien et de la République de Weimar, fortement tributaires de la vision nationaliste, héroïque et – surtout dans les années 1920 – anti-romaine de Luther répandue alors6.

  • 7 Christoph Klessmann, « L’Allemagne d’après-guerre : une histoire dédoublée et intégrée », dans Jean (...)
  • 8 Friedrich Engels, Der deutsche Bauernkrieg, dans Marx/Engels Gesamtausgabe, 1. Abteilung, Band 10, (...)
  • 9 Hartmut Lehmann, op. cit., p. 263-265 et p. 271-272.

5Après 1945, la télévision prit le relais du cinéma et présenta une image de Luther qui fut une fois de plus un baromètre des évolutions politiques dans les deux parties de l’Allemagne. Dès la création des deux États allemands en 1949, un rapport de concurrence se mit en place dans la mesure où chacune des « deux Allemagnes » dut s’affirmer par rapport à sa voisine qui lui niait son droit à l’existence. La RDA surtout, non légitimée démocratiquement et ne bénéficiant pas du plan Marshall accordé à la République Fédérale, se trouva forcée à contrer l’attraction exercée sur sa population par l’Allemagne de l’Ouest7. La vision de l’histoire propagée par le régime est-allemand joua un rôle important dans le cadre des efforts de légitimation déployés par les dirigeants. Le discours officiel sur la période de la Réforme fut marqué par une opposition schématique entre Martin Luther et Thomas Müntzer. Sous l’influence de l’écrit La guerre des paysans en Allemagne de Friedrich Engels8, le Réformateur fut accusé d’avoir trahi les paysans après les avoir encouragés à se soulever contre leurs seigneurs. L’image de Luther fut pendant plus de vingt ans celle d’un « réactionnaire » qui avait certes lancé un mouvement d’émancipation mais l’avait étouffé au moment décisif ; c’était à Müntzer, meneur des paysans en révolte présenté comme un communiste avant l’heure, qu’échoyaient les louanges9. Il fallut attendre les années 1970, on y reviendra, pour que démarre une seconde phase dans la réception de Luther par le régime est-allemand, enclin désormais à reconnaître des mérites au moine qui avait défié les autorités religieuses et séculières de son temps.

  • 10 Hartmut Lehmann, op. cit., p. 189-212.
  • 11 Volker Leppin, « Reformationsgeschichtsschreibung in der DDR und der Bundesrepublik », dans Jan Sch (...)
  • 12 Dieter Forte, Martin Luther und Thomas Münzer oder Die Einführung der Buchhaltung, Berlin, Wagenbac (...)
  • 13 Leopold Ahlsen, Der arme Mann Luther, Gütersloh, Gütersloher Verlags-Haus, 1965.

6À l’Ouest, l’image de Luther fut également revisitée d’un œil critique. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la question de l’influence néfaste du luthéranisme sur le cours de l’histoire allemande fut vivement débattue10. À partir des années 1960, les historiens mirent en perspective le « grand homme » en approchant son époque par le prisme de l’histoire sociale et en accordant une attention particulière à l’« aile gauche » de la Réforme récusée par Luther11. Les artistes, appliquant des grilles de lectures marxistes12 ou psychanalytiques13 qui incitaient à reconsidérer les motifs des actions de Luther, contribuèrent eux aussi à faire descendre le héros de son piédestal.

  • 14 Rüdger Steinmetz, Reinhold Viehoff (dir.), Deutsches Fernsehen Ost. Eine Programm-geschichte des DD (...)
  • 15 Hans Pfeiffer (scénariste), Wolf-Dieter Panse, Peter Deutsch (réalisateurs), Denn ich sah eine neue (...)

7Ces évolutions se ressentirent dans les productions télévisées, dont le contenu était lié au rôle dévolu à la télévision publique dans chacune des deux parties de l’Allemagne. À l’Est, la télévision fut conçue comme un instrument soumis au contrôle du SED et visant à consolider la dictature du parti en diffusant la doctrine officielle14. La vision de l’histoire allemande véhiculée sur le petit écran s’inscrivait dans cette ligne directrice en valorisant les figures et les périodes considérées comme les « ancêtres » de la RDA. En ce qui concerne Luther, on lui fit rarement l’honneur d’apparaître en personne ; lorsque ce fut le cas comme dans Car je vis une nouvelle terre (1970)15, ce fut pour célébrer l’action révolutionnaire de Müntzer au détriment du Réformateur.

  • 16 Jens Lucht, « Öffentlich-rechtlicher Rundfunk in der Demokratie », Aus Politik und Zeitgeschichte, (...)
  • 17 Volker Lilienthal, « Integration als Programmauftrag », Aus Politik und Zeitgeschichte, 2009, n° 9- (...)
  • 18 « Kulturelle Inhalte ». Angelika M. Mayer, Qualität im Zeitalter von TV 3.0. Die Debatte zum öffent (...)
  • 19 Ibid.
  • 20 Ibid.

8En République Fédérale, la télévision publique fut mise en place comme une institution indépendante de l’État, chargée de fournir aux spectateurs des informations fiables et nuancées leur permettant de se forger un jugement de manière autonome et de participer ainsi au bon fonctionnement de la démocratie ; le programme proposé était conçu comme une contribution à la formation de citoyens éclairés16. La recherche récente distingue quatre fonctions des media publics en démocratie dont trois méritent de retenir notre attention ici. La fonction « intégrative » vise le maintien de la cohésion sociale17, objectif susceptible d’être atteint par la reprise et la discussion d’opinions divergentes ou encore la présentation à l’écran de « contenus culturels » communs18. Les media en question font par ailleurs office de « forum » permettant l’expression et la confrontation d’opinions différentes19. Enfin, les media publics sont tenus de compléter l’offre proposée par les chaînes privées en diffusant des émissions d’intérêt général indépendamment de leur caractère lucratif ; c’est le cas notamment des émissions à caractère culturel20.

  • 21 Leopold Ahlsen (scénariste), Franz Peter Wirth (réalisateur), Der arme Mann Luther, produit par Bav (...)
  • 22 Rudolf Jugert (réalisateur), Günther Sawatzki (scénariste), Der Reformator, Zweites Deutsches Ferns (...)

9La représentation du Réformateur à la télévision en République Fédérale refléta ce triple objectif en posant sur le passé national un regard qui évitait les raccourcis nationalistes et apologétiques du passé. Luther fut présent sur les écrans dans une adaptation de la pièce Le pauvre homme Luther de Leopold Ahlsen21 (1964) ainsi que dans Le Réformateur22 (1968), une production mêlant dans un souci brechtien de « rupture de l’illusion dramatique » des scènes reconstituées et des séquences dans lesquelles l’auteur du scénario s’adressait directement au public pour commenter l’action. En présentant un héros à taille humaine, en proie aux doutes et aux incertitudes, capable d’exploits mais aussi d’erreurs et d’injustices, ces émissions témoignent toutes deux d’une nouvelle vision de Luther, plus nuancée et moins hagiographique.

  • 23 Hans Kohlus (scénariste), Kurt Veth (réalisateur) : Martin Luther, produit par le DEFA-Studio für S (...)

10La représentation de Luther dans l’Allemagne d’après-guerre s’enrichit en 1983 d’un chapitre particulièrement intéressant. À l’occasion du 500e anniversaire du Réformateur, la RDA et la République Fédérale le célébrèrent tous deux sous des auspices très différents. De part et d’autre de la frontière, l’hommage rendu à Luther passa par les media et notamment par la télévision. En plus d’une série de documentaires, un téléfilm biographique23 en plusieurs parties intitulé Martin Luther vit le jour dans chacune des deux parties de l’Allemagne, donnant lieu ainsi à la première confrontation « directe » à l’écran entre deux images de Luther fort distinctes.

11Nous proposons de comparer ici la représentation du Réformateur véhiculée par chacun des deux films en tenant compte à la fois des évolutions générales de l’image de Luther dans les deux Allemagnes, de leur articulation avec la concurrence asymétrique qui gouvernait les rapports entre les deux États et des différences entre le rôle et la structure de la télévision publique de part et d’autre de la frontière. Il s’agira de montrer que la télévision est-allemande se fit le porte-parole du régime en adoptant le discours officiel sur Luther, présenté désormais comme un Réformateur qui avait œuvré dans le sens du progrès ; le film s’inscrit ainsi dans le cadre d’une offensive plus large visant à enrichir la tradition dans laquelle se plaçait la RDA pour mieux la légitimer. La seconde chaîne de télévision publique ouest-allemande (« Zweites Deutsches Fernsehen ») s’efforça quant à elle de rester fidèle à son rôle de vecteur fiable et équilibré d’informations et de savoirs culturels tout en remplissant sa fonction intégrative. Le film est marqué par l’effort de dresser, malgré les raccourcis et les simplifications nécessaires, une image nuancée de Luther et de ses adversaires. Si ce regard qui évite la caricature est propice en lui-même à rassembler le public sur un sujet potentiellement clivant, la dimension intégratrice du film va encore au-delà : le scénario et son adaptation tentent de renouer avec une image de Luther en héros fédérateur.

  • 24 Rotraut Simons, « Das DDR-Fernsehen und die Luther-Ehrung », dans Horst Dähn, Joachim Heise (dir.), (...)
  • 25 À notre connaissance, le seul travail à ce sujet est celui de Markus Pohlmeyer, « Martin Luther (19 (...)
  • 26 Hans-Rüdiger Schwab, « Luther im deutschen Fernsehen. Signale an ein Massenpublikum », dans Benjami (...)
  • 27 Stewart Anderson, « Martin Luther in primetime. Television fiction and cultural memory construction (...)
  • 28 Ibid., p. 26.

12La comparaison des deux films retenus ici est d’autant plus intéressante qu’elle n’a guère été entreprise jusqu’à présent. La série est-allemande a déjà fait l’objet d’une publication, mais l’attention y est moins portée sur le film en lui-même que sur l’élaboration du scénario et les modifications exigées par les autorités compétentes24. La production ouest-allemande reste peu étudiée25. Un article récent de Hans-Rüdiger Schwab sur Luther à la télévision allemande depuis 1945 n’aborde que brièvement les deux films qui retiendront notre attention26. Enfin, une mise en regard des deux films sous un angle proche de celui que nous avons choisi a été effectuée par l’historien de la télévision Stewart Anderson27. Stimulante, cette étude qui propose d’approcher le phénomène à partir des travaux sur la mémoire collective menés par Jan Assmann reste cependant sommaire, raison pour laquelle l’auteur lui-même incite à poursuivre et à approfondir la réflexion28

13Après avoir rappelé des éléments de contexte indispensables et retracé la genèse des deux films, nous dégagerons successivement les grands traits du personnage de Luther tel qu’il fut présenté par la télévision de RDA et par la seconde chaîne ouest-allemande.

Une genèse marquée par des contextes différents

  • 29 Peter Maser, « Mit Luther alles in Butter? » Das Lutherjahr 1983 im Spiegel ausgewählter Akten, Ber (...)
  • 30 Martin Roy, Luther in der DDR. Zum Wandel des Lutherbildes in der DDR-Geschichtsschreibung, Bochum, (...)
  • 31 Jan Hermann Brinks, Die DDR-Geschichtswissenschaft auf dem Weg zur deutschen Einheit. Luther, Fried (...)

14Commandé par l’État29, le film est-allemand est tributaire d’une nouvelle vision du Réformateur propagée par le régime à l’occasion du 500e anniversaire de Luther30. Depuis le début des années 1970, le régime est-allemand s’était efforcé de revisiter l’histoire allemande en valorisant d’un point de vue marxiste le legs politique de figures qui jusqu’ici avaient servi de repoussoir telles que Frédéric II de Prusse ou Bismarck31. L’objectif était d’accroître la légitimité de l’État est-allemand, toujours menacé par l’existence de son voisin à l’Ouest, en étendant la galerie de ses ancêtres. En faisant de la RDA l’héritière non seulement des personnages et des mouvements au caractère révolutionnaire « évident » mais aussi de tous ceux qui, sans même en être conscients, avaient préparé le terrain au socialisme, les dirigeants souhaitaient installer plus fermement l’État est-allemand.

  • 32 Hartmut Lehmann, op. cit., p. 266-270.

15L’élargissement de la tradition dans laquelle on s’efforçait désormais d’inscrire la RDA fit occuper à Luther une place de choix. Le blason du « traître des paysans » fut à présent redoré par le régime qui s’appropria des considérations élaborées par les historiens est-allemands dès la fin des années 195032. Par sa remise en question du primat papal, Luther n’avait-il pas mis en branle l’un des piliers les plus puissants du système féodal et déclenché ainsi une « révolution bourgeoise précoce » (« frühbürgerliche Revolution ») au cours de laquelle la bourgeoisie naissante chercha à gagner du terrain aux dépens de la noblesse ? N’avait-il pas, en revendiquant la « liberté du chrétien », fourni aux paysans une arme contre leurs seigneurs ? Que Luther eût été mal compris – la « liberté » qu’il revendiquait n’était pas d’ordre politique – importait peu : quelle que fût la nature de ses intentions subjectives, il avait objectivement contribué à faire évoluer l’Histoire dans le « bon sens ». Son appel à massacrer les paysans révoltés était une « tragique erreur » qui mettait en évidence les « limites » de son action sans en gommer les apports. Même le Luther âgé, officiellement honni jusque-là, trouvait désormais grâce aux yeux du régime : par ses efforts pour consolider la confession naissante et instruire le peuple, il avait poursuivi son œuvre émancipatrice.

  • 33 Peter Maser, op. cit., p. 78-108 et p. 122-125.
  • 34 Ibid., p. 109-121. Voir aussi Hartmut Lehmann, op. cit., p. 213-256.

16De la part de l’État, le jubilé de 1983 fut placé tout entier sous le signe de cette nouvelle lecture de Luther. Un « Lutherkomitee » fondé en 1981 et présidé par Erich Honecker en personne fut chargé de coordonner les cérémonies officielles auxquelles s’ajoutaient notamment une conférence et un colloque scientifiques ainsi qu’une exposition à la Nationalgalerie de Berlin33. Une série de quinze « thèses sur Martin Luther » élaborées pour l’essentiel par Gerhard Brendler, historien à l’Académie des Sciences de RDA, et publiées en septembre 1981 dans le périodique Einheit édité par le Comité central du SED, fit le point sur l’interprétation de Luther qui à présent était à l’ordre du jour34.

  • 35 Rotraut Simons, op. cit.
  • 36 Horst Dähn, Joachim Heise (dir.), op. cit., p. 268.
  • 37 Ibid., p. 107-108.

17C’est dans ce contexte qu’il faut analyser la série télévisée consacrée au Réformateur, destinée à diffuser et à ancrer dans les esprits une vision de Luther qui désormais soulignait l’apport progressiste du moine rebelle. L’histoire de la production du film est marquée en effet par l’effort d’obtenir un résultat conforme à l’image de Luther officiellement propagée par le régime35. L’élaboration du scénario fut confiée à Hans Kohlus, marxiste convaincu et scénariste familier des productions télévisées qui, depuis longtemps, avait eu le projet de consacrer un film à Luther36. Kohlus et la conseillère artistique du film, Heide Hess, furent guidés dans l’élaboration du scénario par Gerhard Brendler, engagé comme conseiller scientifique. Les « thèses sur Martin Luther » servirent de point d’ancrage pour la conception du film37.

  • 38 « […] den Luther zu zeigen, den die DDR 1983 ehren wolle ». Ibid., p. 111.
  • 39 Ibid., p. 115-121.
  • 40 Ibid., p. 119.
  • 41 « […] im wesentlichen für richtig und möglich ». Ibid., p. 125.
  • 42 Ibid., p. 125-126.
  • 43 Ibid., p. 133.
  • 44 Ibid., p. 133-135.

18Le lien étroit entre l’image du Réformateur véhiculée par cette production télévisée et le discours sous-jacent sur l’identité de l’État est-allemand se reflète dans les prises de position et les controverses engendrées par le scénario et la première version du film. Brendler se dit satisfait du scénario qui, selon lui, remplissait la tâche de « montrer le Luther auquel la RDA souhaitait rendre hommage en 1983 » 38. À l’inverse, Erich Selbmann, directeur du secteur « art dramatique » de la télévision de RDA, mit en garde contre le scénario proposé en s’appuyant sur un rapport alarmiste de Hanfried Müller, théologien protestant adepte du système politique est-allemand39. Müller pointa la tendance selon lui dangereuse à valoriser l’hostilité de Luther à la révolution et sa préférence pour une réforme « par le haut ». En produisant un tel film, la RDA ne risquait-elle pas de se présenter comme un État devenu conservateur, méfiant vis-à-vis des initiatives d’« en bas » pour la construction du socialisme ?40 Wolfgang Schnedelbach, membre de la section « propagande » du Comité central du SED, trancha : le projet lui semblait « juste et faisable dans l’ensemble »41 ; il alla toutefois dans le sens de Müller dans la mesure où il exigea de reconsidérer la représentation de Thomas Müntzer qui lui semblait être trop négative et discréditait par là même la révolte des paysans42. Schnedelbach s’efforça ainsi de ménager la revalorisation récente du Réformateur avec la tradition plus ancienne qui, dans la lignée du jeune Engels, glorifiait Müntzer comme un moteur des forces révolutionnaires. Le scénario ayant été approuvé, le tournage du film eut lieu sous la direction de Kurt Veth, ami de longue date du scénariste Kohlus et réalisateur familier des productions télévisées. Bien que le scénario fût retravaillé, la question du rapport entre Müntzer et Luther se posa une nouvelle fois lors de la projection des quatrième et cinquième épisodes de la série devant Heinz Adameck, président du Comité d’État pour la télévision, et Eberhard Fensch, responsable de la radio et de la télévision au sein de la section « agitation » du Comité central, tous deux chargés d’examiner le film avant sa diffusion43. Tous deux refusèrent de donner le feu vert en arguant entre autres de la représentation de Müntzer, trop défavorable, et de celle de Luther, montré comme étant trop hostile à la révolte des paysans. Leurs remarques donnèrent lieu à une série de modifications qui aboutirent à la version définitive, approuvée en septembre 1983 et considérée comme rendant justice tant à l’enthousiasme révolutionnaire de Müntzer qu’à la position progressiste, bien que plus modérée, de Luther44. La série fut diffusée à raison d’un épisode tous les trois à quatre jours à partir du 9 octobre 1983.

19Du côté ouest-allemand, le téléfilm consacré à Martin Luther ne vit pas le jour sous les mêmes auspices. La série d’émissions consacrées au Réformateur par les chaînes de télévision publiques peut être vue comme remplissant les trois fonctions décrites plus haut : en fournissant différents éclairages sur la figure éminente de l’histoire allemande qu’est Luther, la télévision transmettait un savoir culturel nuancé, remplissant par là un rôle à la fois éducatif et intégrateur.

  • 45 Volker Leppin, op. cit., p. 40-42.
  • 46 Karl Gabriel, « Säkularisierung und Religiosität im 20. Jahrhundert », dans Andreas Rödder (dir.), (...)
  • 47 Johannes Wallmann, Kirchengeschichte Deutschland seit der Reformation, Tübingen, Mohr Siebeck, 2012 (...)

20Pour donner un aperçu de la « toile de fond » devant laquelle la seconde chaîne allemande proposa aux téléspectateurs son téléfilm sur Luther, il convient de souligner que, poursuivant sur le chemin engagé depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale et à plus forte raison depuis les années 1960, l’image de Luther en République Fédérale avait gagné en nuances. Deux éléments méritent d’être retenus. D’une part, on constate une évolution du regard posé sur l’« aile gauche » de la Réforme, la révolte des paysans et l’attitude de Luther vis-à-vis de celles-ci. Si les représentations populaires du Réformateur avaient eu jusqu’en 1945 une forte tendance à montrer Luther comme un garant de l’ordre face à la meute déchaînée des paysans à laquelle on associait volontiers les partisans de l’iconoclasme, la donne changea notamment à partir des années 1960. Dans le sillage de 1968, un regard nouveau, prenant en compte les « perdants » et réexaminant d’un œil critique les grands protagonistes, fut posé sur les événements. La recherche accorda également une importance nouvelle à Thomas Müntzer, libéré de son image négative d’« exalté » et pris au sérieux dans sa pensée et ses actions45. Deuxième point majeur, les conflits interconfessionnels perdirent en importance. Les efforts en vue d’un rapprochement entre les confessions46 allèrent de pair avec une distanciation croissante de la population vis-à-vis des églises institutionnalisées47. Tant du côté protestant que du côté catholique, le regard sur ceux qui avaient été les « adversaires » au temps de la Réforme s’adoucit et gagna en complexité.

21L’histoire de la production du film, que nous reconstituerons à partir des documents consultés aux archives du ZDF à Mayence, témoigne du souci de fournir une image nuancée et équilibrée de Luther, mais aussi des sacrifices et des compromis qui furent imposés par la prise en considération des contraintes financières et des goûts du public.

  • 48 Archives (« Unternehmensarchiv ») du ZDF à Mayence, classeur n° 5/0931: lettre de Gottfried Edel à (...)
  • 49 « zur Sozial-, Wirtschafts- und Kulturgeschichte, dazu zur theologischen und politischen Lage ». Vo (...)
  • 50 Ibid., p. 13.
  • 51 Ibid., p. 21-24.
  • 52 Ibid., p. 26.

22En mars 1980, Gottfried Edel, rédacteur au service culture du ZDF, soumit au directeur des programmes Dieter Stolte un projet ambitieux destiné à rompre, tant sur le plan de la forme que sur celui du contenu, avec les représentations de Luther à l’écran proposées jusque-là48. Edel proposa un cycle de sept émissions retraçant le parcours de Luther sous la forme de reconstitutions d’événements historiques encadrés ou parsemés de brefs documentaires apportant des éclairages sur « l’histoire économique, sociale et culturelle ainsi que sur la situation théologique et politique »49. Le rôle de ces documentaires serait d’ancrer le Réformateur dans le contexte d’un monde en mutation pour montrer que Luther n’avait pas uniquement agi sur le cours de l’histoire en individu génial mais qu’il avait été lui-même façonné par son époque. D’autres éléments visaient tout autant à éviter les simplifications dont Edel accusait ses prédécesseurs : l’auteur proposait ainsi de multiplier au sein du film les points de vue sur les actions de Luther en donnant la parole tant à ses partisans qu’à ses détracteurs50. L’interprétation d’ensemble du personnage devait prendre en compte autant de facettes que possible de son caractère et de son œuvre unifiées sous l’égide d’une idée centrale : l’immédiateté du rapport entre le croyant et Dieu et l’acquisition du salut par la foi seule51. En plaçant au centre la quête spirituelle de Luther, Edel espérait aboutir à une production susceptible d’intéresser non seulement les protestants mais aussi les catholiques ainsi que les travailleurs immigrés orthodoxes installés en Allemagne, voire même les musulmans et les bouddhistes52.

  • 53 Archives du ZDF, classeur n° 5/0931: Werner Schwaderlapp, Compte rendu de la réunion du 11 juillet (...)
  • 54 Heiner Michael, « Luther zum Gedächtnis. Pläne des ZDF zum Lutherjahr », Der Tagesspiegel, Berlin, (...)
  • 55 Archives du ZDF, classeur n° 5/0931: Werner Schwaderlapp, Compte rendu de la réunion du 11 juillet (...)
  • 56 « wesentliche biographische Ereignisse oder Sachfragen », ibid.

23Lors de la réunion organisée par le directeur des programmes le 11 juillet 1980 en vue de la préparation du jubilé de 1983, la proposition d’Edel ne fut pas retenue53. D’une part, l’expérience avait montré que des formats hybrides, à mi-chemin entre documentaire et téléfilm, aboutissaient rarement à des résultats convaincants et n’étaient guère plébiscités par le public ; de l’autre, le projet aurait demandé une coopération inhabituelle et fort complexe entre deux services distincts du département des programmes54. On opta donc pour une séparation nette entre une série de documentaires d’un côté et deux ou trois téléfilms de l’autre55. Toutefois, ce choix plus classique ne signifia pas dans un premier temps le retour à un récit de vie traditionnel : les films envisagés étaient supposés sélectionner des « événements biographiques ou questions spécifiques d’une importance majeure »56, la tâche de donner une vue d’ensemble du Réformateur étant confiée aux documentaires.

  • 57 Archives du ZDF, classeur n° 5/0931: Wolfgang Hammerschmidt, « Zwischenbericht zum Entwicklungsstan (...)
  • 58 « Emanzipationsgeschichte ». Ibid., p. 4.
  • 59 Ibid., p. 3-4.

24Les propositions de scénario retenues témoignent de la volonté d’éviter une approche trop convenue et hagiographique du Réformateur. Heiner Michel, scénariste familier des téléfilms historiques, suggéra ainsi de consacrer une émission au rapport entre Luther et les juifs en prenant pour personnage principal un universitaire vivant sous le Troisième Reich ; spécialiste des écrits antijuifs du Réformateur, il serait soumis aux manipulations des Nazis souhaitant récupérer l’antijudaïsme théologique de Luther pour légitimer leur politique antisémite57. L’écrivain est-allemand Rolf Schneider proposa de décentrer le jubilé en consacrant un film à Katharina von Bora ; conçu comme « l’histoire d’une émancipation »58, il retracerait le destin d’une femme forte et courageuse, gestionnaire active et indispensable du foyer luthérien. Le projet le plus traditionnel vint de l’écrivain ouest-allemand Theodor Schübel, romancier et auteur dramatique volontiers sollicité par la télévision et familier des scénarios à caractère historique. Schübel soumit l’idée d’un « drame à stations » (« Stationendrama ») chronologique en deux parties, articulé autour des grands moments de la vie du Réformateur59.

  • 60 Archives du ZDF, classeur n° 5/0931: lettre de Karl Schnelting à Dieter Stolte datée du 21 avril 19 (...)
  • 61 Archives du ZDF, classeur n° 5/0931: Gottfried Edel, « Bemerkungen zum Informationsgespräch beim Le (...)
  • 62 Archives du ZDF, classeur n° 5/0931: lettre de Karl Schnelting à Dieter Stolte datée du 21 avril 81
  • 63 Heiner Michael, op. cit.
  • 64 Ibid.

25Ce furent des raisons financières qui amenèrent l’équipe en charge de la préparation du jubilé à revoir à la baisse ses ambitions. Les fonds disponibles n’étant pas suffisants pour financer plusieurs téléfilms et le texte de Schübel ne pouvant être réduit à une partie, on décida d’accorder la priorité au projet de ce dernier, les deux autres propositions de scénario et en particulier celle de Heiner Michel étant considérées comme impropres à constituer le seul téléfilm consacré au Réformateur à l’occasion de son 500e anniversaire60. En sacrifiant la mise en perspective de Luther permise par les deux autres productions et en optant pour un film centré sur la biographie du Réformateur, on renoua avec un traitement conventionnel du sujet, entraînant le risque de produire une sorte d’abrégé illustré célébrant les hauts faits de Luther, comme le souligna Gottfried Edel61. Autre aspect problématique, le film risquait d’entrer en concurrence avec la série de documentaires censée brosser un tableau complet de Luther et de son œuvre62. La difficulté fut résolue par une reconsidération du rôle des documentaires : les sondages ayant montré que les téléspectateurs suivaient rarement l’ensemble des émissions d’une série aussi longue, l’architecture d’ensemble des documentaires n’aurait pas été perçue et aurait au contraire risqué de dérouter le public63. Dès lors, on décida de réserver à chacun des documentaires un thème spécifique permettant d’approcher Luther par un angle bien précis64. La logique initiale se trouvait ainsi remplacée par la tendance inverse : au téléfilm de donner une impression d’ensemble – bien que nécessairement lacunaire – du Réformateur, et aux documentaires de pointer des aspects particuliers. Les thèmes d’abord retenus pour les téléfilms se retrouvèrent désormais dans les documentaires : l’un des cinq films réalisés fut consacré à « Luther et les femmes » et un autre à « Luther et les juifs ». Les regards plus inattendus sur le Réformateur et les sujets plus épineux furent relégués ainsi au sein d’un genre susceptible d’atteindre un public moins large que les téléfilms, choix qui fit peser d’autant plus lourd le risque de se livrer dans le film biographique à une vision trop positive et univoque de Luther.

26Le tournage du film se déroula dans l’église Saint-Laurent à Nuremberg, choix suggéré par Theodor Schübel qui, en évitant le recours à un décor réaliste, souhaitait souligner qu’il s’agissait non pas d’une représentation en tous points fidèles de la vie de Luther, mais bien plus d’une adaptation artistique, nécessairement sélective et condensée. La réalisation fut confiée à Rainer Wolffhardt, familier tant de l’adaptation à l’écran de textes dramatiques que de téléfilms historiques. Les deux parties furent diffusées respectivement le 1er et le 3 avril 1983.

Luther en RDA : un héros rebelle au service du progrès

27Il ne fait nul doute que la série télévisée est-allemande construit l’image d’un héros conforme à la grille de lecture officiellement propagée par le régime.

  • 65 Richard Stephan, Im Bannkreis eines Epochengemäldes. Von der Idee zur Wirklichkeit. Das Bauernkrieg (...)
  • 66 Cf. par exemple Patrice Neau, « Vom Umgang mit den "Parteiorganen der Kulturpolitik" der DDR. Strat (...)

28Certes, les génériques de début et de fin qui encadrent chaque épisode peuvent être interprétés comme fournissant un indice ambigu quant au statut et au contenu de la série. Tandis que l’on entend des variations du célèbre hymne luthérien « C’est un rempart que notre dieu », la caméra s’approche d’un extrait du tableau « La révolution bourgeoise précoce en Allemagne » du peintre est-allemand Werner Tübke pour s’en éloigner avant le générique de fin. La toile monumentale, qui au moment de la réalisation du film était encore en cours d’élaboration, avait été commandée en 1975 par le ministère de la culture de RDA pour orner un « Musée panoramique » à Bad Frankenhausen, construit sur le lieu de la bataille qui avait marqué la fin de la révolte des paysans en 1525 pour rendre hommage à Thomas Müntzer65. Toutefois, on sait que Tübke revendiqua sa liberté d’artiste tant sur la forme que sur le fond, son panorama complexe et riche en allégories ayant même donné lieu à des interprétations diamétralement opposées aux exigences du régime66. Le film, né comme la toile d’une commande invitant des artistes à « donner corps » à la vision de la Réforme propagée par la régime, atteint-il le même degré d’ambiguïté ?

29L’analyse de la série qui, on l’a vu, fut examinée de près quant à sa conformité avec la ligne propagée par le régime est-allemand, montre que ce n’est pas le cas. Le film véhicule l’image d’un Luther rebelle qui, étranger aux considérations politiques, n’en met pas moins en danger la position clé de l’Église dans le système féodal par ses considérations théologiques.

30Le choix de se concentrer sur la période allant de 1517 à 1525 permet de mettre l’accent sur les conflits qui opposèrent Luther aux autorités de son temps et, en passant sous silence les années de « gestation », de le présenter d’emblée comme un théologien ayant développé des positions en contradiction flagrante avec la pratique des indulgences, pierre d’achoppement qui déclenche la Réforme. Les premières séquences du film, centrées sur la vente des indulgences orchestrée par le moine dominicain Johann Tetzel, préparent ex negativo l’apparition de Luther en dénonçant un commerce par lequel l’Église consolide sa position en monnayant l’accès au salut. Tetzel apparaît comme un manipulateur de génie, instrumentalisant les consciences pour vampiriser les petites gens. Le film s’ouvre sur le contraste flagrant entre la mise en scène grandiose du dominicain, avançant sur un char précédé des symboles imposants du pouvoir papal, et la misère du peuple : sales, indigents, estropiés, les paysans se hâtent vers celui qu’ils pensent être leur rédempteur. La séquence suivante, qui nous fait assister à une conversation entre Tetzel et deux autres moines, révèle le cynisme du dominicain et lui oppose l’inquiétude sincère de Luther dont les prises de position sont raillées et condamnées.

31C’est sur ce fond que le Réformateur entre en scène ; la première séquence qui le présente contient en germe les deux aspects centraux qui caractériseront son action tout au long du film et font de lui l’exact opposé de Tetzel. Au moine voyageant en char et saluant de haut les miséreux s’oppose le frère Luther marchant à pied, accompagné du jeune Valentin, peintre dans l’atelier de Lucas Cranach, qui chante en s’accompagnant de son violon. C’est un « homme du peuple » qui nous est présenté ; les origines modestes du Réformateur seront rappelées à plusieurs reprises au cours du film, indiquant ainsi que son « appartenance de classe » ne se résume pas au statut de théologien universitaire. Autre trait saillant, sa prise de position en faveur des démunis et contre la hiérarchie catholique est annoncée dès le départ : en effet, Luther vient au secours de Kristina, jeune femme désespérée venant de perdre père et mère, tous deux excommuniés pour ne pas avoir pu verser la dîme au monastère local. Sensible au chagrin de l’orpheline, choqué par une autorité ecclésiastique qui s’acharne sur les plus pauvres, Luther prie sur la tombe de sa mère et prend en charge Kristina. Dès le départ, le scénario souligne le potentiel révolutionnaire et résolument progressiste du moine augustin.

32C’est ce potentiel qui se déploie tout au long de la série, dominée par un Luther combatif, hardi, fermement convaincu d’être dans le vrai. Les quatre premiers épisodes enchaînent les confrontations directes ou indirectes entre le Réformateur et l’autorité qui cherche à le faire rentrer dans le rang. Chacune de ces rencontres est l’occasion de mettre en scène la ferveur du moine rebelle : le visage sévère, les mains souvent fermées en signe de colère et de détermination, Ulrich Thein parle fort et ne recule pas devant les cris et les hurlements. De longues séquences sont dévolues au débat avec Johann Eck à Leipzig et le cardinal Cajetan à Augsbourg, deux occasions de montrer l’inefficacité des méthodes – intimidation, bienveillance paternelle – mises en œuvre pour freiner Luther.

33À aucun moment, le scénario ne perd de vue que les motifs qui animent Luther sont de nature théologique ; le long débat avec Cajetan est une occasion parmi d’autres de le souligner en entrant dans des subtilités d’interprétation quelque peu déroutantes pour un public non averti. Néanmoins, les implications économiques et politiques qui émanent de l’action du moine et qui lui valent la reconnaissance du régime est-allemand constituent un aspect majeur de la série. Luther lui-même, partant d’une certaine idée de la justice sociale fondée sur l’Écriture, dénonce explicitement certains travers de la réalité qu’il observe : c’est ainsi qu’il attaque avec virulence la rapacité du capitalisme naissant ainsi que la constitution de monopoles et se prononce en faveur d’une expropriation des Fugger.

34Toutefois, c’est malgré lui que se déploie la charge révolutionnaire contenue dans ses attaques contre l’Église de Rome. L’impact social de ses prises de position est traduit par l’intermédiaire du personnage fictif de Valentin : adhérent à la cause luthérienne et admiratif du moine rebelle, le jeune homme rejoint au cinquième épisode le camp de Müntzer, séduit par l’idée d’avoir recours aux armes pour qu’advienne le royaume de Dieu sur terre. À l’image des paysans révoltés, il se sent abandonné par Luther dont il ne comprend pas le comportement ; fidèle à ses convictions, il est tué au lendemain de la bataille de Frankenhausen. Parallèlement au destin de Valentin, qui renoue avec le motif de Luther en « traître des paysans » et « serviteur des princes » classique dans la tradition communiste, le scénario déploie le point de vue de Luther et en révèle la cohérence : l’appel à tuer les paysans ne relève guère du revirement opportuniste mais découle de la conviction de voir le Démon en action, semant le chaos pour détruire l’ordre social instauré par Dieu. Poursuivant la réhabilitation du Réformateur, le film insiste sur les doutes et les remords qui l’assaillent au lendemain du conflit : un très gros plan montre le visage terrorisé de Luther, soudainement submergé par l’angoisse de ne pas être justifié devant Dieu.

35Ainsi, le film réalisé par Kurt Veth d’après un scénario de Hans Kohlus s’efforça-t-il de répondre aux exigences du régime et de mobiliser la population est-allemande autour d’une image de Luther aux implications idéologiques bien précises. À l’Ouest, la marge de manœuvre de la télévision publique était bien plus grande ; il n’en reste pas moins que le souci de contribuer à la cohésion de la société comptait parmi les objectifs principaux des media publics. Il n’y a dès lors rien de surprenant à constater que le téléfilm de Theodor Schübel et Rainer Wolffhardt est caractérisé par le souci de présenter une image fédératrice des débuts de la Réforme et de son principal protagoniste.

Luther en République Fédérale : un regard consensuel et fédérateur

36Premier trait frappant, le scénario de Theodor Schübel est marqué par le refus de présenter le Réformateur comme un héros sans faille et par l’effort de rendre justice à ses adversaires. En évitant à la fois de céder aux raccourcis hagiographiques et de provoquer le rejet d’un public a priori peu enclin à apprécier le personnage et l’œuvre du Réformateur, le film s’efforce de présenter une image de Luther qui fasse consensus.

37La deuxième moitié du film dépeint ainsi l’attitude de Luther face à Thomas Müntzer et aux paysans en révolte non sans sévérité à l’égard du premier et avec une sympathie certaine pour les seconds. Dans le scénario de Schübel et son adaptation par Wolffhardt, trois moments forts font écho au regard assez favorable et compréhensif posé sur l’« aile gauche » de la Réforme. La séquence qui oppose Müntzer à Luther, rencontre inventée par Schübel, est l’occasion de déployer la doctrine des « deux royaumes » défendue par Luther, tout en rendant plausible et compréhensible la cause de Müntzer. À un Réformateur défendant le principe de l’obéissance à l’autorité séculière s’oppose un avocat des pauvres qui dénonce la misère intolérable dont souffre le peuple et s’appuie sur les Écritures pour légitimer son appel à la violence.

  • 67 Martin Luther, Wider die räuberischen und mörderischen Rotten der Bauern, dans Martin Luther, Werke (...)

38Le deuxième épisode marquant fait suite au sermon réprobateur dans lequel Luther, par des termes empruntés à l’écrit Contre les paysans meurtriers et pillards67, avait appelé à écraser dans le sang la révolte des paysans : les épouses et les mères des victimes viennent frapper à la porte de Luther et l’accusent d’être responsable de la boucherie. D’habitude fervent rhéteur, le Réformateur ne trouve guère ses mots ; Lambert Hamel s’exprime à voix basse, les plans rapprochés et le champ-contrechamp accentuant l’impression de détresse et de consternation qui émane du personnage. Enfin, la séquence qui suit montre Luther découvrant les cadavres des paysans ainsi que la tête de Müntzer plantée sur une pique ; ému, horrifié par les conséquences de son appel à la violence contre les révoltés, Luther tombe à genoux et se met à prier le Notre Père.

  • 68 Stewart Anderson, op. cit., p. 25.

39Afin de désamorcer le potentiel clivant du sujet, l’auteur et le réalisateur se gardent bien de donner une image trop négative des adversaires catholiques de Luther, évitant ainsi une confrontation caricaturale entre une Église « en tort » et un héros venant rétablir la vraie foi. Le pape Léon X est certes dépeint comme un esthète épicurien et indolent, manifestant un désintérêt évident pour le cas du moine rebelle. Toutefois, deux personnages viennent contrebalancer ce pontife peu intéressé par son rôle de pasteur suprême. Le cardinal Cajetan apparaît comme un homme certes dévoué à la cause de l’Église romaine, mais pas sourd pour autant aux arguments de Luther. Ernst Fritz Fürbringer l’interprète comme un homme pondéré, qui comprend les revendications du moine augustin, mais tente de tempérer son enthousiasme juvénile par la sagesse de l’homme d’expérience, convaincu de la nécessité d’une instance médiatrice et unificatrice entre les hommes et Dieu et inquiet face au danger turc qui menace la chrétienté. Enfin, le légat qui, dans l’une des dernières séquences, du film rend visite à Luther et dresse avec celui-ci un premier bilan de la Réforme est lui aussi un homme mesuré, échangeant calmement avec son adversaire sur les effets du mouvement initié par Luther68.

40Ainsi, le film ouest-allemand est-il marqué par le souci de rendre justice aux adversaires du Réformateur et de ne pas cacher les « côtés sombres » de ce dernier, reflétant l’évolution générale du discours sur Luther et évitant de réveiller des querelles anciennes. Toutefois, il n’en reste pas moins que Schübel et Wolffhardt célèbrent le moine courageux qui se bat sans relâche pour la défense de sa conviction intime et contribue par là même à la constitution de la nation allemande. Se dessine ainsi une image de Luther fédératrice par-delà les clivages politiques et religieux.

  • 69 Markus Pohlmeyer, op. cit., p. 283.
  • 70 « ungeheure[r] Mut, Königsthronen und Papstthronen zu trotzen ». « Im Gespräch mit Rainer Wolffhard (...)
  • 71 Markus Pohlmeyer, op. cit., p. 281-282.

41En effet, le scénario et son adaptation à l’écran cherchent à susciter l’admiration pour un Luther présenté comme le père de la « modernité », de la pensée autonome revisitant la tradition d’un œil critique69. Le film rend hommage au moine qui défend envers et contre tout la « découverte réformatrice » acquise au prix de tourments intérieurs terribles. Contrairement au film est-allemand qui démarre avec la « rébellion » de 1517, la production ouest-allemande nous fait assister à la naissance douloureuse du Réformateur qui se tord d’angoisse dans sa cellule, terrorisé par l’idée de ne pas être digne de la grâce divine. La solidité du socle intérieur qu’acquiert Luther en découvrant le principe du « sola fide » est proportionnelle à ces souffrances : rien ne pourra arrêter celui qui, comme le formula Wolffhardt avec beaucoup de sympathie pour le protagoniste, trouva le « courage prodigieux de braver les trônes des rois et des papes »70. La première partie du film est une série d’affrontements avec des figures d’autorité dont Luther sort vainqueur71. L’enchaînement est caractérisé par une gradation ascendante : tenant d’abord tête à son père qui refuse de voir son fils devenir moine, il affronte ensuite Cajetan puis l’empereur Charles Quint. Personne ne résiste à celui qui s’émancipe des dogmes et des raisonnements devenus obsolètes.

  • 72 Heinz Schilling, Martin Luther. Rebell in einer Zeit des Umbruchs. Eine Biographie, Munich, C.H. Be (...)
  • 73 Hartmut Lehmann, op. cit., p. 287.

42Le public est d’autant plus susceptible d’adhérer à la cause de Luther que l’auteur et le réalisateur reprennent les « grandes stations » de la biographie du Réformateur en y incluant les éléments légendaires, non vérifiés par la recherche historique. Lorsque Luther brûle la bulle qui le menace d’excommunication, il jette le document au feu d’un grand geste décidé et à grand renfort de paroles proférées à haute voix, représentation qui n’est pas en accord avec les sources72. La comparution de Luther devant la diète de Worms culmine dans le fameux « Me voici donc. Je ne puis faire autrement », qui n’est pas davantage authentique73.

  • 74 Henrike Holsing, « Luthers Thesenanschlag im Bild », dans Joachim Ott, Martin Treu (dir.), Luthers (...)

43Si l’image de Luther véhiculée par le film est fédératrice, c’est non seulement parce qu’elle force la sympathie pour un esprit autonome et déterminé, mais encore parce que le film rappelle que Luther est le « père de la nation », aspect d’autant plus marquant que les éléments légendaires n’en sont pas non plus absents. La représentation de l’affichage des thèses s’inscrit ainsi dans une tradition héritée du xixe siècle74 : le moine en personne cloue le document au portail de l’église, suscitant par là un mouvement de foule immédiat. Certes, la présence d’autres documents fixés au même endroit renvoie au fait que l’affichage de thèses théologiques soumises au débat académique était alors courant, mais la mise en scène n’en accentue pas moins le caractère inédit et grandiose de l’événement. Alors que la caméra filme une messe qui se déroule à l’intérieur de l’église, les coups de marteau de Luther résonnent dans l’édifice, symbolisant ainsi l’attaque vigoureuse contre les rites romains. Le plan suivant montre le moine finir sa tâche puis quitter le champ ; une foule dont l’ampleur est mise en évidence par un traveling arrière se rassemble progressivement autour du portail et écoute attentivement la traduction des thèses latines en allemand improvisée par l’un des fidèles. La séquence suggère ainsi l’idée d’une mobilisation immédiate de la population allemande derrière son rédempteur, représentation qui fait fi des efforts de « démythification » fournis par les historiens.

  • 75 C’est ce que semble suggérer Markus Pohlmeyer, op. cit., p. 281-283.

44La dernière séquence du film renoue également avec la représentation de Luther en « héros national » et vient revaloriser ainsi un protagoniste dont l’image avait été écornée par les séquences précédentes. En effet, les exploits de la première partie du film avaient été contrebalancés dans la seconde par le rôle peu glorieux que joue Luther dans la guerre des paysans. Il est vrai aussi que l’avant-dernière séquence du film dépeignait un Luther profondément découragé, doutant du sens de la Réforme qu’il a enclenchée. Il est toutefois inexact d’affirmer que le film repose sur une structure bipartite75 : la dernière séquence vise précisément à dépasser l’impression d’échec véhiculée par l’avant-dernière en rendant hommage au traducteur de génie léguant à son peuple une Bible en allemand qui fut le fruit du travail de toute une vie. C’est donc sur l’image du Réformateur en bon père à la fois de l’Église protestante et de la langue nationale que se clôt le film.

  • 76 Stewart Anderson, op. cit., p. 23.

45Il reste à se demander dans quelle mesure le Luther ouest-allemand peut être conçu comme le produit d’une concurrence entre les deux Allemagnes. S’il est évident que le discours véhiculé par le film est-allemand est une réaction au péril émanant de la République Fédérale, la donne est moins certaine à l’Ouest. Faut-il voir dans la représentation de Luther en défenseur de la « liberté de pensée » une pointe contre la dictature du SED ? L’hypothèse est permise, d’autant plus que le zèle du cardinal Cajetan à faire noter scrupuleusement les hérésies émises par Luther n’est pas sans rappeler l’appareil de surveillance est-allemand, producteur lui aussi de quantités de dossiers personnels et de comptes rendus. La représentation de Luther en héros national est-elle destinée à marteler qu’il n’existe qu’une seule Allemagne dont la République Fédérale est la seule héritière légitime ? Là encore, la réflexion ne paraît pas dénuée de fondement. Autre piste allant dans le même sens, Stewart Anderson estime que l’impression de rationalité et de calme qui se dégage de Lambert Hamel est un appel à ne pas céder aux solutions extrêmes proposées par la communisme76. Quoi qu’il en soit, les traces qui témoignent de la volonté de se démarquer du voisin est-allemand nous paraissent discrètes. L’existence d’un État est-allemand semble avoir moins influencé l’image de Luther véhiculée par le film ouest-allemand qu’inversement, donnée qui reflète l’asymétrie de la concurrence entre les deux États allemands.

Conclusion

46À sa manière, chacun des deux films biographiques consacrés à Luther en 1983 chercha à présenter une image fédératrice du Réformateur. L’image de Luther qui en résulta reflète à la fois les évolutions du regard posé sur le Réformateur dans les deux Allemagnes, l’existence d’une concurrence asymétrique entre celles-ci, les différences entre le rôle et la structure de la télévision publique. Conçue comme un organe véhiculant la doctrine officielle du SED, la télévision est-allemande s’efforça de peindre Luther comme une force vive œuvrant dans le sens du progrès en attaquant l’une des colonnes porteuses du système féodal. Énergique, déterminé, conséquent, le Réformateur fit office de modèle malgré son attitude face à la révolte des paysans, épisode qui permit toutefois de le laver de l’accusation de « traîtrise » véhiculée jusqu’ici par le discours officiel. Le ZDF de son côté chercha, tout en évitant les simplifications abusives et les caricatures provocatrices, à célébrer le héros émancipateur qui, en rompant avec l’Église romaine, contribua à la naissance de la nation allemande. Des références directes et indirectes au voisin est-allemand peuvent être détectées mais ne se trouvent guère au premier plan.

  • 77 Voir par exemple l’épisode Luther und die Nation dans la série Die Deutschen diffusée par le ZDF en (...)
  • 78 Voir Benjamin Hasselhorn (dir.), op. cit.

47Si elle atteignit un pic à l’époque de la Guerre froide, la carrière télévisuelle de Luther ne s’arrêta pas avec la chute du Mur. Un regard sur les productions postérieures à 1989 nous invite à penser que le Réformateur fut au contraire érigé une nouvelle fois en figure de proue destinée à rassembler la nation réunifiée77. L’avenir nous dira si les projets en cours de réalisation pour le jubilé de l’an prochain78 poursuivront sur cette voie.

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Notes

1 Klaus-Rüdiger Mai, Gehört Luther zu Deutschland ?, Fribourg-en-Brisgau, Herder, 2016.

2 « Pointiert formuliert : Man kann den Eindruck gewinnen, bei den verschiedenen Jubiläen habe man jeweils an einen anderen Luther erinnert », Hartmut Lehmann, Luthergedächtnis 1817 bis 2017, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2012, p. 10.

3 Au sujet de l’adaptation du concept de Pierre Nora à l’espace germanophone, voir Étienne François, Hagen Schulze (dir.), Deutsche Erinnerungsorte I, Munich, C.H. Beck, 2009, p. 9-26.

4 Philippe Alexandre, « Les fêtes commémoratives de Luther 1817-1846-1883-1917 », dans Monique Samuel-Scheyder (dir.), Martin Luther. Images, appropriations, relectures, Centre de Recherches Germaniques et Scandinaves de l’Université de Nancy II (Bibliothèque Le texte et l’idée, vol. V), Nancy, 1995, p. 167-190.

5 L’étude la plus récente et la plus complète à ce jour est celle d’Esther P. Wipfler, Martin Luther in Motion Pictures. History of a Metamorphosis, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2011.

6 Ibid., p. 37-48.

7 Christoph Klessmann, « L’Allemagne d’après-guerre : une histoire dédoublée et intégrée », dans Jean-Paul Cahn, Ulrich Pfeil (dir.), Allemagne 1945-1961. De la « catastrophe » à la construction du Mur, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2008, p. 227-241.

8 Friedrich Engels, Der deutsche Bauernkrieg, dans Marx/Engels Gesamtausgabe, 1. Abteilung, Band 10, Berlin, Dietz Verlag, 1977, p. 367-443.

9 Hartmut Lehmann, op. cit., p. 263-265 et p. 271-272.

10 Hartmut Lehmann, op. cit., p. 189-212.

11 Volker Leppin, « Reformationsgeschichtsschreibung in der DDR und der Bundesrepublik », dans Jan Scheunemann (dir.), Reformation und Bauernkrieg. Erinnerungskultur und Geschichtspolitik im geteilten Deutschland, Leipzig, Evangelische Verlagsanstalt, p. 33-47, voir p. 40.

12 Dieter Forte, Martin Luther und Thomas Münzer oder Die Einführung der Buchhaltung, Berlin, Wagenbach, 1971.

13 Leopold Ahlsen, Der arme Mann Luther, Gütersloh, Gütersloher Verlags-Haus, 1965.

14 Rüdger Steinmetz, Reinhold Viehoff (dir.), Deutsches Fernsehen Ost. Eine Programm-geschichte des DDR-Fernsehens, Berlin, Verlag für Berlin-Brandenburg, 2008, p. 22-33.

15 Hans Pfeiffer (scénariste), Wolf-Dieter Panse, Peter Deutsch (réalisateurs), Denn ich sah eine neue Erde, Deutscher Fernsehfunk (DFF), 1970.

16 Jens Lucht, « Öffentlich-rechtlicher Rundfunk in der Demokratie », Aus Politik und Zeitgeschichte, 2009, n° 9-10, p. 26-32.

17 Volker Lilienthal, « Integration als Programmauftrag », Aus Politik und Zeitgeschichte, 2009, n° 9-10, p. 6-12, voir p. 6-7.

18 « Kulturelle Inhalte ». Angelika M. Mayer, Qualität im Zeitalter von TV 3.0. Die Debatte zum öffentlich-rechtlichen Fernsehen, Wiesbaden, Springer VS, p. 170.

19 Ibid.

20 Ibid.

21 Leopold Ahlsen (scénariste), Franz Peter Wirth (réalisateur), Der arme Mann Luther, produit par Bavaria Atelier GmbH sur commande du Westdeutscher Rundfunk, 1964.

22 Rudolf Jugert (réalisateur), Günther Sawatzki (scénariste), Der Reformator, Zweites Deutsches Fernsehen, 1968.

23 Hans Kohlus (scénariste), Kurt Veth (réalisateur) : Martin Luther, produit par le DEFA-Studio für Spielfilme sur commande de la télévision de RDA (Fernsehen der DDR), 1983. Support utilisé : DVD édité par Studio Hamburg Enterprises, 2012. Theodor Schübel (scénariste), Rainer Wolffhardt (réalisateur), Martin Luther, produit par Eikon Film sur commande du Zweites Deutsches Fernsehen, 1983. Support utilisé : DVD édité par Studio Hamburg Enterprises, 2011.

24 Rotraut Simons, « Das DDR-Fernsehen und die Luther-Ehrung », dans Horst Dähn, Joachim Heise (dir.), Luther und die DDR. Der Reformator und das DDR-Fernsehen 1983, Berlin, Edition Ost, 1996, p. 99-185.

25 À notre connaissance, le seul travail à ce sujet est celui de Markus Pohlmeyer, « Martin Luther (1983) : Filmische Rekonstruktion eines Genies. Und eine Demontage. Ein Essay », dans Günter Helmes (dir.), « Schicht um Schicht behutsam freilegen ». Die Regiearbeiten von Rainer Wolffhardt, Hambourg, Igel-Verlag, 2012, p. 278-288.

26 Hans-Rüdiger Schwab, « Luther im deutschen Fernsehen. Signale an ein Massenpublikum », dans Benjamin Hasselhorn (dir.), Luther vermitteln. Reformationsgeschichte zwischen Historisierung und Aktualisierung, Leipzig, Evangelische Verlagsanstalt, 2016, p. 208-228, voir p. 216-220.

27 Stewart Anderson, « Martin Luther in primetime. Television fiction and cultural memory construction in Cold War Germany », Journal of European Television History & Culture, n° 3, 2012, p. 22-26.

28 Ibid., p. 26.

29 Peter Maser, « Mit Luther alles in Butter? » Das Lutherjahr 1983 im Spiegel ausgewählter Akten, Berlin, Metropol, 2013, p. 182.

30 Martin Roy, Luther in der DDR. Zum Wandel des Lutherbildes in der DDR-Geschichtsschreibung, Bochum, Winkler, 2000, p. 182-189 ; Hartmut Lehmann, op. cit., p. 267-280.

31 Jan Hermann Brinks, Die DDR-Geschichtswissenschaft auf dem Weg zur deutschen Einheit. Luther, Friedrich II. und Bismarck als Paradigmen politischen Wandels, Francfort sur le Main/New York, Campus-Verlag, 1992.

32 Hartmut Lehmann, op. cit., p. 266-270.

33 Peter Maser, op. cit., p. 78-108 et p. 122-125.

34 Ibid., p. 109-121. Voir aussi Hartmut Lehmann, op. cit., p. 213-256.

35 Rotraut Simons, op. cit.

36 Horst Dähn, Joachim Heise (dir.), op. cit., p. 268.

37 Ibid., p. 107-108.

38 « […] den Luther zu zeigen, den die DDR 1983 ehren wolle ». Ibid., p. 111.

39 Ibid., p. 115-121.

40 Ibid., p. 119.

41 « […] im wesentlichen für richtig und möglich ». Ibid., p. 125.

42 Ibid., p. 125-126.

43 Ibid., p. 133.

44 Ibid., p. 133-135.

45 Volker Leppin, op. cit., p. 40-42.

46 Karl Gabriel, « Säkularisierung und Religiosität im 20. Jahrhundert », dans Andreas Rödder (dir.), Alte Werte – Neue Werte. Schlaglichter des Wertewandels, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2008, p. 97-106.

47 Johannes Wallmann, Kirchengeschichte Deutschland seit der Reformation, Tübingen, Mohr Siebeck, 2012, p. 318.

48 Archives (« Unternehmensarchiv ») du ZDF à Mayence, classeur n° 5/0931: lettre de Gottfried Edel à Dieter Stolte du 10 mars 1980 accompagnée d’un exposé écrit présentant le projet proposé (« Martin Luther. Filmserie zu seinem 500. Geburtstag am 10. November 1983. Ein Vorschlag von Gottfried Edel »).

49 « zur Sozial-, Wirtschafts- und Kulturgeschichte, dazu zur theologischen und politischen Lage ». Voir l’exposé de Gottfried Edel, p. 34.

50 Ibid., p. 13.

51 Ibid., p. 21-24.

52 Ibid., p. 26.

53 Archives du ZDF, classeur n° 5/0931: Werner Schwaderlapp, Compte rendu de la réunion du 11 juillet 1980 daté du 16 juillet 1980.

54 Heiner Michael, « Luther zum Gedächtnis. Pläne des ZDF zum Lutherjahr », Der Tagesspiegel, Berlin, 10 avril 1983.

55 Archives du ZDF, classeur n° 5/0931: Werner Schwaderlapp, Compte rendu de la réunion du 11 juillet 1980 daté du 16 juillet 1980.

56 « wesentliche biographische Ereignisse oder Sachfragen », ibid.

57 Archives du ZDF, classeur n° 5/0931: Wolfgang Hammerschmidt, « Zwischenbericht zum Entwicklungsstand der Spielprojekte LUTHER », 7 avril 1981.

58 « Emanzipationsgeschichte ». Ibid., p. 4.

59 Ibid., p. 3-4.

60 Archives du ZDF, classeur n° 5/0931: lettre de Karl Schnelting à Dieter Stolte datée du 21 avril 1981.

61 Archives du ZDF, classeur n° 5/0931: Gottfried Edel, « Bemerkungen zum Informationsgespräch beim Leiter der HR Kultur, Herrn Karl Schnelting, am 9.4.81 », non daté, p. 2-3.

62 Archives du ZDF, classeur n° 5/0931: lettre de Karl Schnelting à Dieter Stolte datée du 21 avril 81.

63 Heiner Michael, op. cit.

64 Ibid.

65 Richard Stephan, Im Bannkreis eines Epochengemäldes. Von der Idee zur Wirklichkeit. Das Bauernkriegs-Panorama auf dem Schlachtberg bei Bad Frankenhausen, Munich, AVM, 2013.

66 Cf. par exemple Patrice Neau, « Vom Umgang mit den "Parteiorganen der Kulturpolitik" der DDR. Strategien, um die Zensur zu unterlaufen, am Beispiel der Leipziger Schule », dans Beata MikoŁajczyk, Beata Ociepka, Detlef Pollack, Matthias Theodor Vogt (dir.), Die Stärke der Schwäche, Berlin / Berne / Bruxelles, New York / Oxford / Vienne, Peter Lang, 2009, p. 29-46, voir p. 41.

67 Martin Luther, Wider die räuberischen und mörderischen Rotten der Bauern, dans Martin Luther, Werke. Kritische Gesamtausgabe / Weimarer Ausgabe. 1. Abteilung : Schriften. 18. Band, Weimar, Hermann Böhlaus Nachfolger, 1908, p. 344-361.

68 Stewart Anderson, op. cit., p. 25.

69 Markus Pohlmeyer, op. cit., p. 283.

70 « ungeheure[r] Mut, Königsthronen und Papstthronen zu trotzen ». « Im Gespräch mit Rainer Wolffhardt : "Von der Unterscheidung von Wirklichkeit und Wahrheit" », ZDF Presse Journal, n° 3, 1983, p. 5-9, voir p. 9.

71 Markus Pohlmeyer, op. cit., p. 281-282.

72 Heinz Schilling, Martin Luther. Rebell in einer Zeit des Umbruchs. Eine Biographie, Munich, C.H. Beck, 2013, p. 201. (trad. Franç. : Martin Luther. Biographie, Paris, Salvator, 2014)

73 Hartmut Lehmann, op. cit., p. 287.

74 Henrike Holsing, « Luthers Thesenanschlag im Bild », dans Joachim Ott, Martin Treu (dir.), Luthers Thesenanschlag – Faktum oder Fiktion, Leipzig, Evangelische Verlagsanstalt, 2008, p. 141-172.

75 C’est ce que semble suggérer Markus Pohlmeyer, op. cit., p. 281-283.

76 Stewart Anderson, op. cit., p. 23.

77 Voir par exemple l’épisode Luther und die Nation dans la série Die Deutschen diffusée par le ZDF en 2008.

78 Voir Benjamin Hasselhorn (dir.), op. cit.

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Pour citer cet article

Référence papier

Ferdinand Schlie, « Le Réformateur dédoublé : Martin Luther à l’écran dans les « deux Allemagnes » en 1983 »Chrétiens et sociétés, 23 | -1, 93-115.

Référence électronique

Ferdinand Schlie, « Le Réformateur dédoublé : Martin Luther à l’écran dans les « deux Allemagnes » en 1983 »Chrétiens et sociétés [En ligne], 23 | 2016, mis en ligne le 15 février 2017, consulté le 13 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/4098 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.4098

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