Paix civile, sensibilités confessionnelles et érudition moderne : le bicentenaire de la Réforme dans les territoires allemands
Résumés
Ancré dans les tensions préalables à la guerre de Trente ans, le centenaire de la Réforme, en 1617, était animé par le besoin de fixer la valeur et la portée de la geste de Luther. Cent ans plus tard, des dissonances se firent entendre. Non seulement le « camp » luthérien était affaibli dans les territoires-clés dirigés par des princes convertis mais aussi désuni face aux piétistes. La polémique outrancière n’était plus de mise, et la commémoration ne fut même plus perçue par tous comme souhaitable. Les discussions de 1717 nous donnent ainsi à lire les tensions d’une Église et d’une société en plein renouveau, entre la nécessité de définir une tradition et de formuler un projet, entre l’ère « baroque » et les « Lumières », entre des structures de communication éprouvées et de nouveaux modes et vecteurs d’expression.
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Mots-clés :
Réforme, Lutheranisme, Piètisme, Commémoration, Coexistence religieuse, Tensions confessionnellesKeywords:
Reformation, Lutheranism, Pietism, Commemotation, Religious Coexistence, Religious tensionGéographie :
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- 1 Cf. Johannes Burkhardt, Das Reformationsjahrhundert. Deutsche Geschichte zwischen Medienrevolution (...)
1L’affichage des 95 Thèses sur la porte de la chapelle du château de Wittenberg n’est, on le sait, pas avérée avec certitude. Si le moine augustin rédigea bien une lettre en latin munie d’un certain nombre de thèses au sujet du trafic des indulgences, il les adressa à son supérieur hiérarchique, l’archevêque Albrecht de Brandebourg (1490-1545). La traduction de ce texte en langue vernaculaire, à son insu, et la rapidité de sa diffusion étonna le jeune religieux qui, au fil des ans, élargit et approfondit sa critique. Le geste théâtral du placardage et le nombre aisément mémorisable de 95 furent affirmés par Philipp Melanchthon [Philipp Schwartzherdt, 1497-1560], le second et successeur de Luther, dans un texte qu’il rédigea après la mort du fondateur : sur fond de dissensions internes voire de guerre civile – la guerre de Smalkalde –, il importait de manifester au monde la vitalité de la « nouvelle foi » en lui conférant une origine spectaculaire1.
- 2 Cf. Hans-Jürgen Schönstädt, « Das Reformationsjubiläum 1617. Geschichtliche Herkunft und geistige P (...)
2D’emblée, les disciples de Luther inscrivirent leur doctrine dans une histoire mythifiée. Sans doute par besoin de légitimer leur histoire récente par une tradition propre, de fonder des rites aptes à souder les rangs et de manifester leur distinction d’avec les autres confessions chrétiennes, les luthériens célébrèrent très tôt les étapes de la vie du fondateur et l’ancrage local de la Réforme. Dès la fin du xvie siècle, ils honoraient ainsi annuellement le baptême du réformateur (à Hambourg, Francfort sur l’Oder et dans le duché de Poméranie-Stettin), son décès (à Eisleben), l’introduction locale de la Réforme (à Lauenbourg, Ratisbonne et dans le duché Holstein-Gottorf) ou l’adoption du culte évangélique (à Brunswick, Hambourg, Lübeck et dans le duché de Poméranie-Stettin)2. Après la mort de Luther en 1546 et la défaite de Mühlberg face à l’armée impériale en 1547, cette culture hantée par le passé parut aller de pair avec une anxieuse quête d’unité dogmatique. Une confession de foi unifiée ne fut élaborée qu’en 1577 (Formule de Concorde), après les confessions catholique (décrets du concile de Trente en 1563) et réformée (catéchisme de Heidelberg en 1563). Lui suivit en 1580 le Livre de Concorde, qui contenait outre la Formule de Concorde et le Symbole des Apôtres, les articles de foi définis par Luther et Melanchthon : jamais toutefois ce dernier ne servit de plate-forme théologique luthérienne. La rhétorique de dénonciation de l’« Antéchrist papiste » adoptée à l’occasion du centenaire dudit affichage des 95 thèses, en 1617, et sciemment calquée sur les textes des premiers réformateurs soulignait une filiation ininterrompue avec les fondateurs du mouvement. Loin de disparaître, le ton apocalyptique de Luther nourrit en effet la résistance d’une communauté placée sur la défensive.
- 3 Hans-Jürgen Schönstädt, Antichrist, Weltheilsgeschehen und Gottes Werkzeug. Römische Kirche, Reform (...)
- 4 Dotées de l’immédiateté d’Empire, les villes libres d’Empire dépendent directement de l’empereur et (...)
3Loin de démontrer l’unité d’un front protestant, le jubilé de 1617, engagé dans les prémices de la guerre de Trente ans (1618-1648), signala tant la discorde intestine que le polycentrisme territorial3. L’initiative fut prise par le prince-électeur du Palatinat, tête de l’Union évangélique et chef de file du calvinisme dans le Saint-Empire : il s’agissait d’affirmer la conformité du calvinisme – non reconnu par la paix d’Augsbourg de 1555 – au luthéranisme, et de démontrer la puissance de l’armée de l’Union évangélique, alors en quête d’alliés dans l’Empire et à l’extérieur. Peu après, la Saxe électorale, qui refusait de s’engager dans l’Union évangélique, ordonna dans ses territoires et chez ses alliés la tenue d’une commémoration longue de trois jours. Tout en obéissant à l’injonction saxonne, les villes libres du Sud de l’Empire gommèrent le caractère dynastique du jubilé saxon et mirent en avant leur tradition communale4. Pour autant, les luthériens ne renoncèrent pas à leur veine commémorative. Même en période de tension extrême, sinon de persécution – ainsi durant la guerre de Trente ans –, ils marquèrent discrètement les dates-clés de la Réforme et de son application locale.
4Une fois l’Empire pacifié par les traités de Westphalie (24 octobre 1648), célébrer la Réforme non seulement n’était plus dangereux mais était même licite dans la mesure où de telles manifestations ne mettaient pas en péril la paix civile. Attendu et préparé, le bicentenaire de la Réforme de 1717 se profila dans un horizon apaisé. Par rapport à 1617, la donne confessionnelle se trouvait ainsi fortement modifiée. La paix de Westphalie avait reconnu comme égales en droit les confessions catholique, luthérienne et calviniste, astreintes à définir un modus vivendi civil. À la fin du xviie siècle, qui plus est, les grands États territoriaux qui avaient marqué l’histoire du protestantisme étaient dirigés par des non-luthériens : Frédéric-Auguste Ier de Saxe, roi de Pologne sous le nom d’Auguste II (1697-1733), de confession catholique, le roi en Prusse Frédéric-Guillaume Ier, dit roi Sergent (1713-1740), de confession calviniste et attiré par certaines expressions piétistes, tandis que le prince-électeur du Palatinat Charles III Philippe (1716-1742) était catholique. L’université protestante la plus moderne, fondée à Halle en 1694, était, elle, marquée par le piétisme, lequel plaçait non la conformité de la doctrine et l’unité de l’Église luthérienne, mais la personne pieuse au centre de son attention. Certains des lettrés les plus illustres, ainsi Gottfried Wilhelm Leibniz (qui mourut le 14 novembre 1716, moins d’un an avant la tenue du bicentenaire), avaient enfin promu une union des Églises chrétiennes autour d’un noyau de convictions communes.
5Comment, dans cette constellation politique et religieuse, trouva à s’exprimer la quête d’identité confessionnelle luthérienne ? Cet article partira à la recherche des expressions des renouvellements religieux dans les discours du bicentenaire de la Réforme, puis étudiera le recours aux formes modernes d’érudition dans les périodiques savants, un genre littéraire en plein essor.
Paix civile et sensibilités luthériennes en 1717
- 5 Confirmée en 1485, la paix saxonne de 1451 avait abouti à la division de la maison Wettin en deux b (...)
- 6 Ernst Salomon Cyprian, Hilaria evangelica, Oder Theologisch-Historischer Bericht Vom Andern Evangel (...)
6Un an presque avant le bicentenaire de la date devenue mythique du 31 octobre 1517, le surintendant de Dresde Valentin Ernst Löscher (1673-1749) demanda l’organisation d’un bicentenaire à Frédéric II de Saxe-Gotha-Altenbourg, l’Ernestin5 de proue et le prince luthérien le plus influent depuis la conversion au catholicisme, en 1697, du prince-électeur de Saxe Frédéric-Auguste Ier. Hormis un abondant échange de lettres avec Ernst Salomon Cyprian (1673-1745), le théologien de cour du duché de Saxe-Gotha-Altenbourg, cette correspondance n’eut guère d’incidence concrète. Cyprian reprit bien plutôt à son compte l’ambition de coordonner et orchestrer les célébrations locales ; grâce au truchement de nombreux informateurs et à sa correspondance active avec des clercs luthériens d’autres territoires, il en tira une énorme masse documentaire qu’il publia dès 17196.
- 7 Depuis 1653, la Diète siégeait de façon permanente à Ratisbonne. Sur les questions religieuses, ell (...)
- 8 Je me distingue ici de l’étude interne au luthéranisme – par ailleurs bien informée – de Harm Corde (...)
7Dans cet ouvrage monumental qui se voulait exhaustif, Cyprian affirmait notamment que l’initiative du bicentenaire avait été prise par le landgrave Ernest-Louis de Hesse-Darmstadt (1678-1739), lequel avait appelé à une célébration unifiée du bicentenaire dans le Saint-Empire. Par crainte que le retentissement démultiplié d’une fête unifiée ne heurtât les catholiques, le roi en Prusse Frédéric-Guillaume Ier refusa l’unité de la célébration et la fixa pour les sujets luthériens de ses territoires à la seule journée du 31 octobre 1717, qui tombait de toute façon un dimanche. Contrairement à la promptitude de 1617, en 1717, les princes protestants les plus influents ne se pressèrent pas. Tout en se prononçant pour une fête dispersée, l’empereur Charles VI (1711-1740) notifia au Corpus evangelicorum de la Diète de Ratisbonne l’impératif de la paix publique et la nécessité afférente d’éviter toute controverse anticatholique7. Si bien sûr la commémoration fut ordonnée par des autorités luthériennes et répondit de ce fait à un moule confessionnel, et si les institutions luthériennes – clergés et universités – y jouèrent un rôle déterminant, il n’est donc pas possible d’en livrer une version strictement interne. La commémoration de 1717 ne se comprend que sur le fond de l’impératif civil, donc de l’échange avec les autres confessions8.
Paix civile et différends confessionnels
8Les protestants affrontèrent leur commémoration en ordre dispersé. Dans les territoires d’Allemagne du Nord incorporés au Danemark, en particulier les duchés de Schleswig et Holstein et la partie danoise du duché de Holstein-Gottorf, prévalut le modèle danois d’une commémoration étendue à huit jours (31 octobre-7 novembre) dont seulement trois chômés ; l’ambassade du Danemark à Vienne rendit même discrètement hommage à la Réforme. Depuis la conversion du prince-électeur de Saxe au catholicisme, le roi Frédéric IV de Danemark et de Norvège se présentait en effet comme le gardien du luthéranisme. Si la Suède n’honora pas officiellement les 200 ans de la Réforme, la principauté de Palatinat-Deux-Ponts, dont les ducs étaient les rois de Suède depuis 1654 (et jusqu’à la mort de Charles XII en 1718), célébra une fête à la fin de décembre 1717. En Saxe électorale et dans les territoires alliés de Saxe, le bicentenaire fut célébré du 31 octobre au 2 novembre, dans le reste de l’Empire, en général seulement le 31 octobre, parfois le 31 octobre et le 1er novembre. Comme en 1617, la fête soulignait le polycentrisme politique du Saint-Empire.
- 9 Pour le détail du bicentenaire, l’étude la plus solide reste la suivante, sur laquelle je me base d (...)
9C’est précisément pour parer à cette dissémination qu’Ernst Salomon Cyprian s’efforça de centraliser et coordonner l’information. La virulence orale dans la prédication n’étant guère contrôlable, les autorités civiles interdirent conformément à l’injonction impériale le recours à la polémique imprimée. C’était une nouveauté par rapport au jubilé de 1617, lors duquel le prédicateur de cour de Saxe électorale, Matthias Hoë von Hoënegg (1580-1645), avait prescrit à tous les clercs luthériens saxons un sermon-modèle avec une interprétation stéréotypée des textes bibliques. En 1717, les clergés eurent la liberté de choisir les versets bibliques de référence et de les interpréter à leur goût9.
10Face au front désuni des luthériens, les calvinistes décidèrent de ne pas célébrer le bicentenaire. Des princes calvinistes permirent cependant à leurs sujets luthériens d’honorer la Réforme. Le plus éminent d’entre eux était bien sûr le roi en Prusse Frédéric-Guillaume Ier qui, dès le 25 janvier 1717, ordonna à ses sujets luthériens de commémorer l’affichage des 95 thèses le 31 octobre 1717 : un jour seulement – un dimanche au surplus –, aucune journée chômée. Le formulaire d’annonce motivait brièvement la fête par l’approche des 200 ans de l’opposition de Luther au prédicateur d’indulgences Johannes Tetzel et la fin de la corruption du christianisme par la papauté.
11Ces prescriptions très concises purent donner l’impression aux clergés locaux qu’ils avaient toute latitude dans l’interprétation de la célébration. Partant du principe que tout est permis qui n’est pas explicitement interdit, le clergé de Stettin (Szczecin, une ville prussienne de Poméranie antérieure) renoua avec la controverse eschatologique de 1617 ; dans la ville saxonne de Magdebourg sise dans un duché devenu prussien, le choix se porta de même sur le Jugement dernier.
- 10 « Reformation seines Herzens », cité d’après Ibid., p. 64.
- 11 « den rechten Zweck der Reformation », Ibid., p. 64.
- 12 August Hermann Francke, Oratio Jubilaea de reformatione academiarum evangelio digna per D. Mart. Lu (...)
12À l’autre extrémité du champ luthérien, les piétistes tirèrent également le jubilé en leur sens. Dans la ville de Halle, le pasteur Johann Michael Heineccius (1674-1722) usa des sermons dominicaux et festifs sur les péricopes pour prêcher sur la « purification » de la religion par Luther et son amélioration nécessaire chez tout chrétien en une « Réforme de son cœur »10. À la faculté de théologie de Halle, Johann Daniel Herrnschmidt (1675-1723) fonda un Collegium historicum de Reformatione Evangelica pour enseigner le « véritable dessein de la Réforme »11 ; bien plus, inlassablement de janvier à juillet 1717, August Hermann Francke (1663-1727) utilisa la commémoration à venir pour promouvoir avec force la réforme du système éducatif qu’il appelait de ses vœux. Les « orthodoxes » ne manquèrent pas de décrier le Discours que Francke publia quelques années plus tard comme une appropriation de la figure du Réformateur à des fins partisanes12.
13Parfois, les dissensions s’inscrivirent dans les lieux mêmes. À 120 km à l’ouest de Wittenberg, la ville de Quedlinburg avait perdu son statut de chapitre libre en 1698 pour entrer dans l’orbite de la Prusse. S’orientant sur le programme de la Saxe électorale par dépit face à l’influence politique prussienne, l’abbesse princière Marie-Élisabeth de Holstein-Gottorf (1678-1755), qui disposait du ius episcopale sur huit églises, y ordonna une fête longue de trois jours (31 octobre-2 novembre 1717) tandis que dans le reste du territoire prévalait la célébration prussienne calfeutrée du 31 octobre. Or, la Saxe électorale était elle-même prise entre la volonté de manifester une « orthodoxie » luthérienne et la nouvelle donne depuis la conversion du prince-électeur au catholicisme.
L’ombre des conversions au catholicisme
- 13 « mit Theologischer Prudenz und behörigen Glimpffe abzufassen », d’après H.-J. Schönstädt, « Das Re (...)
14Lors de sa conversion en 1697, le prince-électeur Frédéric-Auguste Ier avait solennellement assuré aux États de son territoire que les affaires religieuses continueraient à être réglées par le Conseil secret et le Haut consistoire de Dresde. Or, la Saxe (albertine comme ernestine) avait une tradition de pompe des célébrations de la Réforme. En Saxe albertine, le 31 octobre était une fête annuelle depuis 1668. À l’encontre de la Prusse, le Haut Consistoire de Dresde n’émit une décision qu’en septembre 1717. Selon le modèle de l’ordonnance de 1617, elle prévoyait trois jours de fête sauf en cas de manque local de pasteurs en zone rurale, mais à l’inverse du jubilé de 1617, elle interdisait toute publication de sermons non censurés conformément à l’admonestation de l’empereur à la Diète de Ratisbonne et eu égard pour la confession du prince. Par crainte que les théologiens de l’université de Wittenberg n’appelassent les clergés luthériens des autres territoires, voire États, à commémorer de la sorte l’avènement de la Réforme, le prince-électeur leur intima du reste directement de rédiger leurs invitations et programmes « avec une prudence théologique et les ménagements qui leur sont dus »13.
15Si les versets bibliques des sermons furent prescrits comme en 1617, on n’ordonna donc plus d’appliquer à la papauté le livre de Daniel sur les quatre royaumes (Dan 7) et la Bête de l’Apocalyptique (Apo 13). Les sermons s’interdirent toute controverse ouverte : on pria pour le retour de l’Évangile grâce à l’« instrument » choisi de Dieu, Martin Luther, pour la purification de la doctrine et son maintien en dépit des attaques des ennemis intérieurs et extérieurs de l’Évangile poussés par le diable depuis deux siècles.
- 14 Cf. H.-J. Schönstädt, « Das Reformationsjubiläum 1717 », art. cit., p. 89.
- 15 Moïse avait ainsi sorti la Nouvelle Alliance « nos, majoresque nostros, ex Ægypto Papistica eduxit (...)
- 16 « Eant Zuinglio-Reformati, et omnem piae repurgationis gloriam sibi unis, solisque, vindicent », da (...)
16Pour maints théologiens de proue, concilier l’ordre de non-polémique à la volonté de démontrer une « orthodoxie » confessionnelle n’allait pas sans poser problème. Tout en affirmant ne vouloir offenser aucun adepte de l’Église catholique romaine, le surintendant de Dresde Löscher affirmait ainsi devoir reconnaître au nom de la vérité que la papauté accomplissait les prophéties de la prostituée de Babylone14. La Lettre d’invitation envoyée par la faculté de théologie le 20 septembre 1717, imprimée avec l’autorisation du prince-électeur et signée des professeurs Caspar Löscher, Gottlieb Wernsdorf, Marin Chladny et Friedrich Schröer, était de la même veine. Si elle évitait tout affront polémique, elle présentait Luther comme le sauveur divin du peuple de Dieu, lequel était soumis à une servitude pharaonique « papistique »15. Les autres théologiens saxons s’interdirent certes de qualifier le pape d’Antéchrist, mais restèrent aussi empreints des accents du jubilé de 1617 – y compris à l’encontre des… « Zwingliens »16.
- 17 « die unter dem Joch des Antichrists/ um deines Evangelii willen/ Verfolgung und Drangsal leiden », (...)
- 18 Leipzig était une ville majoritairement luthérienne avec une forte minorité huguenote. En temps de (...)
- 19 Kurtze Nachricht/ wie es mit Feyrung des andern Evangelisch-Lutherischen Jubilaei 1717 in der […] C (...)
17Avant même la parution de l’ordonnance de Saxe-électorale, le duc Christian de Saxe-Weissenfels, directeur du Corpus evangelicorum, convoqua les surintendants de Saxe à Querfurt le 8 août 1717 pour leur intimer les versets de prédications pour le 31 octobre, qu’il cadra dans la tradition eschatologique de 1617 (1 Tim 4,1-5 et Apo 14,6-8) sans interdire expressément la controverse anticatholique – l’oraison prescrite, qui enjoignait à prier tous les chrétiens « qui souffrent au nom de l’Évangile de la persécution et du tourment sous le joug de l’Antéchrist » semblait même y pousser17. Querfurt se situait à 60 km à l’ouest de la ville saxonne protestante de Leipzig18, à 30 km au sud-ouest de la ville universitaire prussienne et largement piétiste de Halle, et à 60 km au nord-ouest de la bourgade de Zeitz. Or, le 18 avril 1717, le duc Maurice-Guillaume de Saxe-Seitz (qui était aussi administrateur de la Saxe-Mersebourg, située à mi-chemin entre Querfurt et Leipzig) avait annoncé publiquement sa conversion au catholicisme ; le jubilé fut néanmoins célébré dans les paroisses luthériennes selon les prescriptions saxonnes. À Guben, à l’autre extrémité de la Saxe (dans la Basse-Lusace, à 50 km au sud de Francfort sur l’Oder), deux femmes et deux hommes se convertirent le premier jour de la commémoration, durant le culte, du catholicisme au luthéranisme, en firent confession publique et reçurent le sacrement de la Cène19.
- 20 Cf. Christophe Duhamelle, « La conversion princière au catholicisme dans le Saint-Empire : conséque (...)
- 21 Bericht wegen Herrn Hertzog Moritz Wilhelms […] Wiederkehr zur Evangelischen Kirchen, dans E. S. Cy (...)
18Depuis 1648, la conversion des princes au catholicisme n’avait plus d’effet global déstabilisant, puisque les traités de Westphalie avaient détaché la confession du prince de celle(s) de son territoire ; le tropisme grandissant de la cour de Vienne au gré des succès contre les Turcs avait mis en branle une tendance notable de conversion au catholicisme dans la seconde moitié du xviie siècle20. Quelle fut l’incidence de la conversion du prince-électeur de Saxe, déterminée, on le sait, par la volonté d’acquérir la couronne de Pologne ? On peut penser que la motivation du duc Maurice-Guillaume de Saxe-Seitz était tout autant politique. Un conflit chronique pour faire respecter son influence sur son chapitre l’opposait à l’administration de la Saxe électorale. Sans doute pensa-t-il qu’une conversion pourrait sensiblement améliorer ses chances de succès. Lorsque ses projets s’avérèrent définitivement irréalisables, il revint en effet ouvertement, le 16 octobre 1718, au luthéranisme21. Quant aux conversions privées de Guben, elles furent peut-être suscitées par la combativité du clergé local. Même si leur répercussion territoriale se trouvait désamorcée depuis 1648, les conversions restaient donc au début du xviie siècle des événements délicats de la vie publique.
- 22 Gebeth, dans Cyprian I, 94a-95a. Sur l’exemple d’Augsbourg, cf. Claire Gantet, La paix de Westphali (...)
19La situation confessionnelle particulière de la Saxe explique sans doute une conscience aiguë de la précarité des communautés luthériennes : comme dans les villes biconfessionnelles où le luthéranisme était en situation relativement défensive, l’Église luthérienne était présentée en Saxe électorale comme le « petit troupeau » (Luc 12,32), « comme une hutte dans une vigne, comme une cabane dans un champ de concombres, comme une ville assiégée » (Isaïe 1,8)22. La polémique anticatholique peut être dans ces conditions interprétée comme une réponse à une situation de concurrence perçue comme oppressante.
- 23 Klag-Lied/ Deß Luther-Thumbs: Da Ihre Kinder Im Jahre 1717. den 31. Weinmonat Das Zweyte Jubel-Jahr (...)
- 24 Johann Kraus, Historischer Beytrag Für Das Zweyte Lutherische Jubel-Jahr. Den Lutherischen Worts-Di (...)
- 25 Valentin Ernst Löscher, Römisch-Catholische Discurse, vom Evangel. Lutherischen Jubel-Jahr. Zur Chr (...)
- 26 Telle est néanmoins la conclusion de H. Cordes, op. cit.
- 27 L’ouvrage de J. Kraus, Historischer Beytrag, op. cit. est écrit comme une chronique catholique des (...)
20De fait, les catholiques ne restaient pas inactifs. Une brochure anonyme parut en 1717 simultanément à Munich chez Matthias Riedl et à Augsbourg chez Johann Michael Labhart. Présenté comme une complainte d’un luthérien à l’occasion du bicentenaire de la Réforme, ce texte en sizains d’alexandrins grossièrement imprimés brossait avec force le contraste entre le message de Luther – exterminer le pape, les moines et le clergé – et les nombreuses conversions princières au catholicisme qu’il se plaisait à longuement énumérer : les princes-électeurs du Palatinat et de Saxe, Christine de Suède, Anton Ulrich de Wolfenbüttel, Christine-Élisabeth, épouse de l’empereur Charles VI, Frédéric de Hesse, Gustave-Adolphe de Bade, Christian-Auguste de Saxe-Zeitz, Charles-Alexandre de Wurtemberg, Sigismond de Pologne, Jacques (II) d’Angleterre23. Le controversiste catholique le plus prolixe fut toutefois un jésuite pragois, Johann Kraus (1656 ?-1715 ?), un opposant acharné au surintendant dresdois Löscher. Entre 1717 et 1719, il ne publia pas moins de 30 réfutations du luthéranisme et répliques au jubilé de 1717, ciblées et informées, historiques, dogmatiques et historiographiques : il mentionnait au passage – mais en en gommant la violence – les commentaires de Johannes Cochläus de 161724. Les répliques jésuites entraînèrent des contre-répliques luthériennes orthodoxes, qui, elles aussi, s’abstinrent de toute outrance verbale. Löscher lui-même prit la parole pour rectifier la version catholique et souligner le soutien indéfectible des protestants à la lutte contre les Turcs25. Il serait ainsi aventureux, sinon erroné, de conclure à l’absence de toute dimension politique de tels discours26. Les grands ouvrages de controverse – aussi bien des jésuites que des luthériens – furent conçus comme des chroniques (évidemment partisanes) de l’époque de la Réforme27. La polémique ne disparut donc pas, loin de là, mais elle avait désormais besoin d’une patine d’érudition.
Journaux, savants et publics face au bicentenaire
21Une recension de la description du bicentenaire de la Réforme à l’université de Leipzig dans les Deutsche Acta Eruditorum (Acta Eruditorum allemands) s’ouvrait par les considérations suivantes :
- 28 « Die Historie der gesegneten Reformation ist dermaßen weitläufftig, daß man sich nicht zu verwunde (...)
L’histoire de la Réforme bénie est si volumineuse que l’on ne doit pas s’étonner qu’à l’approche de cette fête, les librairies soient remplis de textes commémoratifs, si bien que ceux qui ne laissent pas volontiers leur plume rester oisive trouvent à présent une bonne réserve pour constituer une bibliothèque de la commémoration.28
22Certes, depuis leur création dans le dernier tiers du xviie siècle, les périodiques savants ne cessaient de déplorer le « flot de livres » (Bücherflut) qui en même temps était leur raison d’être, puisqu’ils s’attachaient à livrer au public des lettrés le contenu des parutions et les principales nouvelles du monde savant. En 1717, le problème fut toutefois non seulement quantitatif, mais aussi qualitatif.
Anciens et nouveaux discours théologiques
23La « couverture médiatique » de la commémoration de 1717 ne commença pas avec l’Historia evangelica d’Ernst Salomon Cyprian, mais avec une longue annonce publiée le 1er décembre 1717 dans les Neue Zeitungen von gelehrten Sachen (Nouveaux journaux de choses savantes) :
- 29 « Weil man wahrgenommen/ daß unter den häuffig gedruckten Jubel-Schrifften vornehmlich diejenigen, (...)
Comme l’on a perçu qu’entre les textes publiés pour la commémoration, souvent ceux qui donnent quelque nouvelle (même très incomplète) du premier jubilé luthérien il y a 100 ans sont très bien reçus, on a décidé de préparer une Histoire complète et exhaustive du deuxième jubilé luthérien aussi bien en Allemagne qu’à l’extérieur. Elle consistera en deux parties, la première contenant non seulement les ordonnances, formulaires prescrits, Lectiones, textes, prières etc. émis par les dignitaires protestants mais aussi relatera amplement les solennités, Orationibus, Carminibus Secularibus, Promotionibus, Disputationibus, Actibus Oratoriis, Illuminationibus, médailles etc. qu’ils programmeront. La deuxième partie sera consacrée à la recension minutieuse et au jugement sobre de tous les textes déjà publiés à l’occasion de la commémoration non seulement par les luthériens, mais aussi par les papistes. Pour la première partie, l’auteur se servira des Actorum Jubilaei et d’autres nouvelles déjà imprimées ou que l’on peut espérer recevoir, lesquelles se perdent facilement et dont on n’a pas l’occasion de voir le dixième ; il espère recevoir nouvelle écrite en provenance des endroits où ne seront imprimés pas d’Acta Jubilaei particuliers. Il enjoint par la présente tous les lettrés dans de telles villes à bien vouloir rédiger une contribution idoine et les prie de l’envoyer au plus tôt à l’éditeur Johann Christian Martini ici dans la rue Niclas. Pour la deuxième partie, tous les textes commémoratifs qui nous sont connus seront rassemblés avec grand soin ; on promet de poursuivre cela avec la même application pour ne rien laisser échapper, en sorte que l’œuvre puisse être composée aussi complètement que possible.29
24L’annonce avait été placée sur la demande de l’éditeur leipzigois Johann Christian Martini (1686-1756), qui voyait dans la commémoration un marché prometteur ; avec le jeune théologien Johann Ernst Kapp (1696-1756), il lançait un appel au public en vue de rassembler la documentation en un volume qui se vendrait bien. Kapp avait entrepris en 1714 des études de théologie à Leipzig, où ses maîtres Christian Friedrich Börner (1683-1753) et Johann Gottlob Carpzov (1679-1767) lui enseignèrent l’exégèse et l’histoire ecclésiastique luthérienne. Kapp faisait par là son entrée dans le monde des journaux savants, alors en pleine mutation.
- 30 Sur les différences de rapport au pouvoir et de fonctionnement des académies scientifiques et de le (...)
25Les premiers périodiques savants étaient nés en 1665, à Paris, avec le Journal des sçavans d’abord édité par Denis de Sallo, conseiller au Parlement, et placé sous le patronage de Colbert, puis avec les Philosophical Transactions fondées à Londres par Henry Oldenburg et qui se voulaient la voix de la Royal Society. Quelque différent que fût leur fonctionnement, les deux journaux s’assignaient comme but de rapporter tout ce qui était susceptible d’intéresser les lettrés ou savants. Suivant ce dernier modèle parurent dès 1670 les Miscellanea curiosa medicophysica édités par l’Academia Naturae Curiosorum de Leipzig. Dès 1668 toutefois, Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) avait sollicité auprès de l’empereur Léopold Ier une aide financière et un privilège aptes à permettre l’édition d’un journal semestriel en latin (langue supra-régionale et de l’enseignement universitaire) et à l’échelle du Sant-Empire, dénommé le Nucleus librarius semestralis ; Leibniz appuyait sa demande sur l’insuffisance des catalogues de foire avec leur bref descriptif des nouvelles parutions sur le marché du livre : seul un périodique portant à la connaissance du public les nouveautés scientifiques via des recensions d’ouvrages récents dans toutes les sciences (y compris les belles-lettres) et via les nouvelles personnelles du monde universitaire serait apte à répondre aux nouveaux besoins de la communication scientifique. La motivation de Leibniz peut nous servir de définition : les périodiques savants se caractérisaient 1) par une volonté de proximité ou de lien immédiat à la publication et à l’information scientifique, 2) par la mise en œuvre d’un espace public ancré le plus souvent dans une société savante (université, académie, etc.). Ils reposaient donc sur les principes de l’actualité de la critique, d’une relative ouverture publique et du lien à une institution (université, académie). Ce faisant, les journaux savants fonctionnaient comme des forums de la République des lettres qu’ils contribuaient à institutionnaliser30.
- 31 Ernst Wilhelm Tentzel, Historischen Bericht vom Anfang und ersten Fortgang der Reformation Lutheri. (...)
- 32 Unschuldige Nachrichten von alten und neuen theologischen Sachen, Büchern, Uhrkunden, Controversien (...)
26Les premiers périodiques avaient des contours très vagues, les frontières avec les pratiques de collections d’articles érudits (Quaestiones, Observationes, etc.) restant instables. Dès les années 1680, le genre de la recension prit forme avec la parution des Acta Eruditorum, le premier périodique universel allemand presque entièrement dédié à des recensions, c’est-à-dire de brefs relevés du contenu des nouvelles parutions, le plus souvent sans jugement. Avec ses deux périodiques, les Monatliche Unterredungen (Leipzig, 1689-1698) et sa Curieuse Bibliothec (Leipzig 1704-1706), l’historiographe de la cour de Saxe et enseignant au Gymnase de Gotha Ernst Wilhelm Tentzel (1659-1707) avait puissamment contribué à l’intérêt pour ce nouveau genre à l’université de Leipzig et à la cour de Gotha. C’est en effet Cyprian qui publia – précisément en 1717 – une œuvre majeure de Tentzel restée inachevée, sa Relation historique du début et des premiers développements de la Réforme de Luther31, laquelle fut immédiatement recensée dans les grands journaux savants, à commencer par les Unschuldige Nachrichten von alten und neuen theologischen Sachen, Büchern, Uhrkunden, Controversien, Veränderungen, Anmerckungen, Vorschläge u.d.g., auff d. Jahr … (Nouvelles innocentes de choses, livres, documents, controverses, remarques, propositions etc. théologiques anciennes et nouvelles pour l’année …), un périodique édité par le surintendant de Dresde, Valentin Ernst Löscher32.
- 33 Ibid., 1717, nouvelles de la commémoration : p. 110-125 (invitations et programmes des universités (...)
- 34 Ibid., 1718, p. 133-153, 284-321, 470-492, 534-537, 548, 631-633, 847-902.
- 35 « trubseligen Zeiten », « « Rissen », « Wächtern », « so viel Gott- und Lieblose Chartequen gegeben (...)
- 36 Ibid., p. 401. Unschuldige Nachrichten, 1701, préface, p. 3.
27Le volume 1717 des Unschuldige Nachrichten fut en grande partie consacré à la commémoration saxonne, à des recensions de publications jubilaires et à la réfutation des ouvrages de controverse catholique avivée par ces textes, égrenées tout au long du volume33. Le volume de 1718 emboîta le pas en recensant à satiété les ordonnances et textes d’inspiration saxonne parus pour le jubilé34. Pour Löscher et ses collègues, il s’agissait moins d’argumenter sur le plan proprement théologique que d’avoir le dernier mot, de dominer le champ public. Dès le premier numéro de ce périodique, Löscher avait en effet présenté son entreprise comme un assaut pour la défense de l’enseignement « intact » de Luther. En ces « temps moroses » durant lesquels l’Église était parcourue de « fissures », les théologiens devaient se faire des « gardiens » face à « tant de brochures impies et négligées, dont toutes les librairies de notre Allemagne luthérienne sont remplies »35. Löscher poursuivait en ces mots : « Ô combien nous étions heureux il y a 20 ans, alors que nous ne savions que peu, sinon rien d’une licence si ignoble, et écoutions avec étonnement tout le malheur que la rédaction inconvenante de livres a causé dans la Hollande bien trop libre. »36 Löscher luttait tous azimuts, contre les catholiques, les calvinistes, les piétistes, les « enthousiastes » (visionnaires), les « indifférentistes » et tous les germes de critique, mais le véritable combat était de plume : il en allait du contrôle du marché du périodique, dont les « politiques » avaient déjà tenté de s’emparer mais pas les théologiens, et qu’il s’agissait de conquérir pour poursuivre avec des voies modernes un ancien combat.
- 37 Johann Kraus, Curieuse Nachrichten Von Begebenheiten, So sich von der Zeit deß entstandenen Luthert (...)
- 38 Auffrichtige Nachrichten Von der Unrichtigkeit Der so genanten Unschuldigen Nachrichten, Leipzig/Ha (...)
- 39 Unschuldige Nachrichten, 1717, p. 980-999, réimprimé dans E. S. Cyprian, op. cit., I, 1109 a-b.
- 40 Ibid., I, 1110a.
28Il n’est guère étonnant, dans ces conditions, que les Unschuldige Nachrichten aient suscité réponses, critiques et répliques. Il était tentant de se servir des périodiques savants comme autant de tribunes publiques. Le jésuite Johann Kraus réagit virulemment aux articles et recensions des Unschuldige Nachrichten et eut recours aux Neue Zeitungen von gelehrten Sachen37. Le chef de file des piétistes de Halle, Joachim Lange (1670-1744), qui obtint son doctorat de théologie durant le bicentenaire de 1717, lança quant à lui une contre-attaque interne avec un journal délibérément concurrent, les Auffrichtige Nachrichten Von der Unrichtigkeit Der so genanten Unschuldigen Nachrichten (Nouvelles sincères de l’erreur manifeste desdites Nouvelles innocentes)38. Les Unschuldige Nachrichten semblent néanmoins avoir buté avant tout sur des bornes internes. Contre les « indifférentistes », Cyprian lui-même y soulignait l’engagement de tous les princes et clergés protestants d’Allemagne et leur empressement dans l’organisation du jubilé39 (alors que l’on connaît leurs flottements). Les Unschuldige Nachrichten publièrent de même le texte que les deux clercs les plus en vue en Saxe électorale, le surintendant de Dresde Löscher et le premier prédicateur de cour Heinrich Pipping (1670-1722), envoyèrent aux facultés de théologie et aux pasteurs pour organiser une commémoration unifiée, alors que le Conseil secret contactait les autres territoires saxons : l’article eut tout aussi peu de résultats40. Les périodiques savants étaient un véhicule d’expression moderne ; la controverse exacerbée ne relevait certes pas du passé, mais elle ne convenait pas au genre des journaux savants, alors précisément en quête de règles de courtoisie érudite.
- 41 Neue Zeitungen von gelehrten Sachen, Leipzig, Georgi/Gross, 1715-1717, Martini, 1718-1737. Directeu (...)
- 42 Neue Bibliothec oder Nachricht und Urtheile von neuen Büchern Und allerhand zur Gelehrsamkeit diene (...)
- 43 Deutsche Acta eruditorum, Leipzig, Gleditsch. 1712-1739, directeurs de publication Justus Gotthard (...)
29L’annonce placée par Johann Ernst Kapp dans les Neue Zeitungen von gelehrten Sachen n’aboutit pas non plus. Fort de ses réseaux constitués, Cyprian s’empara du marché de la commémoration. Le jubilé de 1717 fut toutefois aussi couvert par les Neue Zeitungen von gelehrten Sachen, qui, sans cacher leurs convictions luthériennes, s’abstinrent de toute critique outrancière41 ; il en alla de même de la Neue Bibliothec oder Nachricht und Urtheile von neuen Büchern Und allerhand zur Gelehrsamkeit dienenden Sachen (Nouvelle bibliothèque ou nouvelle et jugement des livres nouveaux et de toutes choses relatives à l’érudition)42 et des Deutsche Acta eruditorum43.
« Indifférentistes » et sceptiques
- 44 « …der jetzo sehr überhand-nehmende Indifferentistische Geist Hoffnung gemacht », V. E. Löscher, Rö (...)
30Le jubilé de 1717 suscita une vaste palette de réactions dans le luthéranisme et en dehors de lui. Après que les États luthériens eurent déclaré que la fête du bicentenaire n’était pas obligatoire, les calvinistes décidèrent de ne pas la célébrer. En Brandebourg-Prusse, la cour de Berlin n’honora pas le bicentenaire, non plus que les deux universités calvinistes de Duisbourg et de Francfort sur l’Oder. En terre luthérienne même, des ordonnances détaillées qui, en 1617, avaient, avec maints détails, prescrit la présence aux cultes et prières sous peine d’amendes, n’étaient plus de règle. Plus redoutable encore que le succès du catholicisme auprès d’un certain nombre de princes était en effet pour Löscher et ses collègues l’« indifférentisme » subodoré d’une frange de la population. Löscher motivait ainsi sa réfutation du controversiste Johann Kraus par la crainte que la polémique jésuite contre la commémoration luthérienne ne menât qu’à « donner espoir à l’esprit indifférentiste qui s’accroît partout »44.
31Ces propos recouvraient-ils un stéréotype ou une réalité ? De quelle nature était le cas échéant cette dernière ? Revenons aux célébrations de 1717 elles-mêmes. En un lieu – un lieu unique à ma connaissance, mais un lieu remarquable –, les pasteurs luthériens appelèrent de leurs vœux l’unité des chrétiens par-delà toute barrière confessionnelle et toutes sensibilités confondues. Dans la bourgade méridionale d’Isny qui s’était décidée pour un Triduum (31 octobre-2 novembre), la prière du jubilé non seulement s’abstint de toute polémique, mais elle formulait aussi explicitement le vœu suivant :
- 45 « Gib deiner Kirche Frieden/ welchen die Welt nicht geben kann/ auf daß alle/ die sich Christen nen (...)
Donne la paix à ton Église que le monde ne peut pas donner, en sorte que tous ceux qui se nomment chrétiens puissent à l’avenir célébrer ensemble leurs commémorations […] Fait enfin cesser toutes les désunions de la chrétienté pour qu’elle devienne un pasteur et un troupeau selon ta propre parole.45
- 46 Johann Peter von Ludewig, Dica iubilaeorum, quam bonis mentibus civibus praesertim Fridericianae ad (...)
- 47 Voir par exemple Neue Zeitungen von gelehrten Sachen, t. 3, 1717, n° 100, p. 807. Johann Georg Hein (...)
32Les savants les plus illustres se prononcèrent non seulement contre la polémique confessionnelle, mais même contre toute fête. Christian Thomasius et Christian Wolff s’abstinrent ostensiblement. Mieux, Johann Peter von Ludewig (1668-1743), protecteur de l’université de Halle, prit la plume dans un ouvrage en latin adressé aux clercs et aux lettrés, dans lequel il comparaît les commémorations protestantes et les jubilés catholiques, les ramenait à des pratiques païennes, prônait enfin le « retour » à une « religion naturelle » et le rejet de tout alignement confessionnel46. Cet ouvrage fut sans commentaire recensé dans des journaux savants et intégré à une version actualisée de l’Histoire impartiale de l’Église et des hérétiques de Gottfried Arnold (1666-1714), par là intégré à une histoire de l’Église d’ambition supra-confessionnelle47.
33Le besoin d’identité luthérien exprimé dans la ferveur commémoratrice manifestait la quête d’un passé. Ancré dans les tensions préalables à la guerre de Trente ans, le centenaire de la Réforme, en 1617, était de fait animé par le besoin de fixer la valeur et la portée de la geste de Luther. Cent ans plus tard, des dissonances se faisaient entendre. Non seulement le « camp » luthérien était affaibli dans les territoires-clés dirigés par des princes convertis mais aussi désuni face aux piétistes. La polémique outrancière n’était plus de mise, et des ordonnances détaillées prescrivant la présence aux cultes et prières sous peine d’amendes comme en 1617 n’étaient plus la règle ; la commémoration ne fut même plus perçue par tous comme un vecteur unitaire souhaitable. Les discussions de 1717 nous donnent ainsi à lire les tensions d’une Église et d’une société en plein renouveau, entre la nécessité de définir une tradition et de formuler un projet, entre l’ère « baroque » et les « Lumières », entre des structures de communication éprouvées et de nouveaux modes et vecteurs d’expression.
Notes
1 Cf. Johannes Burkhardt, Das Reformationsjahrhundert. Deutsche Geschichte zwischen Medienrevolution und Institutionenbildung 1517-1617, Stuttgart, Kohlhammer, 2002, p. 32-35. Sur l’histoire du protestantisme, cf. Thomas Kaufmann, Konfession und Kultur. Lutherischer Protestantismus in der zweiten Hälfte des Reformationsjahrhunderts, Tübingen, Mohr Siebeck, 2006 (Spätmittelalter und Reformation, Neue Reihe, 29).
2 Cf. Hans-Jürgen Schönstädt, « Das Reformationsjubiläum 1617. Geschichtliche Herkunft und geistige Prägung », dans Georg Schweiger (dir.), Reformationsjubiläen, Stuttgart, Kohlhammer, 1982 (Zeitschrift für Kirchengeschichte, 93/1), p. 5-57, ici p. 5-6.
3 Hans-Jürgen Schönstädt, Antichrist, Weltheilsgeschehen und Gottes Werkzeug. Römische Kirche, Reformation und Luther im Spiegel des Reformationsjubiläum 1617, Wiesbaden, Franz Steiner, 1978 (Veröffentlichungen des Instituts für europäische Geschichte Mainz, 88). Sur les gravures émises à l’occasion du centenaire de la Réforme, cf. Harry Oelke, Die Konfessionsbildung des 16. Jahrhunderts im Spiegel illustrierter Flugblätter, Berlin/New York, De Gruyter, 1992 (Arbeiten zur Kirchengeschichte, 57), p. 415-429 et Ruth Kastner, Geistlicher Rauffhandel. Illustrierte Flugblätter zum Reformationsjubiläum 1617, Francfort sur le Main et al., Peter Lang, 1982 (Mikrokosmos, 11).
4 Dotées de l’immédiateté d’Empire, les villes libres d’Empire dépendent directement de l’empereur et non, médiatement, d’un prince territorial. La capitale d’un prince territorial (par exemple Dresde pour la principauté-électorale de Saxe) est dénommée résidence. Les princes-électeurs (à la tête de principautés-électorales) ont le droit d’élire l’empereur ; leurs territoires, dénommés principautés territoriales, sont déclarés indivisibles et ont le privilège de non appellando, par lequel il est interdit à leurs sujets de recourir en appel à la justice d’Empire. La Bulle d’Or, en 1356, en fixe sept, soit par ordre hiérarchique décroissant les trois princes-électeurs ecclésiastiques (Mayence, Trèves, Cologne) et les quatre laïcs (Palatinat, Brandebourg, Saxe, Bohême) ; en 1648, un huitième est créé pour la Bavière, et en 1692 un neuvième pour le Brunswick-Lunebourg/Hanovre.
5 Confirmée en 1485, la paix saxonne de 1451 avait abouti à la division de la maison Wettin en deux branches, ernestine et albertine. La rivalité latente s’était muée en une franche hostilité lors du transfert en 1547 de la dignité électorale de la ligne ernestine à l’albertine, puis lorsque vingt ans plus tard la deuxième avait pris le dessus sur la première.
6 Ernst Salomon Cyprian, Hilaria evangelica, Oder Theologisch-Historischer Bericht Vom Andern Evangelischen Jubel-Fest…, Gotha, Weidmann, 1719.
7 Depuis 1653, la Diète siégeait de façon permanente à Ratisbonne. Sur les questions religieuses, elle se séparait en deux « corps », le Corpus catholicorum et le Corpus evangelicorum, qui rassemblait luthériens et réformés. Le Directoire de ce dernier était en Saxe électorale ; même après sa conversion au catholicisme, le prince-électeur de Saxe continuait à en être le président.
8 Je me distingue ici de l’étude interne au luthéranisme – par ailleurs bien informée – de Harm Cordes, Hilaria evangelica academica. Das Reformationsjubiläum von 1717 an den deutschen lutherischen Universitäten, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2006 (Forschungen zur Kirchen- und Dogmengeschichte, 90).
9 Pour le détail du bicentenaire, l’étude la plus solide reste la suivante, sur laquelle je me base dans ce paragraphe : Hans-Jürgen Schönstädt, « Das Reformationsjubiläum 1717. Beiträge zur Geschichte seiner Entstehung im Spiegel landesherrlicher Verordnungen », dans Georg Schweiger (dir.), op. cit., p. 58-118, ici p. 79-85.
10 « Reformation seines Herzens », cité d’après Ibid., p. 64.
11 « den rechten Zweck der Reformation », Ibid., p. 64.
12 August Hermann Francke, Oratio Jubilaea de reformatione academiarum evangelio digna per D. Mart. Lutherum coepta et posteris commendata…, Halle, 1721.
13 « mit Theologischer Prudenz und behörigen Glimpffe abzufassen », d’après H.-J. Schönstädt, « Das Reformationsjubiläum 1717 », art. cit., p. 89.
14 Cf. H.-J. Schönstädt, « Das Reformationsjubiläum 1717 », art. cit., p. 89.
15 Moïse avait ainsi sorti la Nouvelle Alliance « nos, majoresque nostros, ex Ægypto Papistica eduxit », Ordinis Theologorum in Academia Wittenbergensi Epistola Invitatoria ad Universos Dominos Theologos…, dans E. S. Cyprian, op. cit., II, Nr. V, 19a-21b, ici 20a ; H.-J. Schönstädt, « Das Reformationsjubiläum 1717 », art. cit., p. 90.
16 « Eant Zuinglio-Reformati, et omnem piae repurgationis gloriam sibi unis, solisque, vindicent », dans E. S. Cyprian, op. cit., 20a ; H.-J. Schönstädt, « Das Reformationsjubiläum 1717 », art. cit., p. 91.
17 « die unter dem Joch des Antichrists/ um deines Evangelii willen/ Verfolgung und Drangsal leiden », Gebeth/ So auf instehendes Jubilaeum, in dem Fürstenthum Sachsen-Querfurth/nach der Predigt/ abzulesen, dans E. S. Cyprian, op. cit., I, p. 191a-192b, ici 191b ; H.-J. Schönstädt, « Das Reformationsjubiläum 1717 », art. cit., p. 92.
18 Leipzig était une ville majoritairement luthérienne avec une forte minorité huguenote. En temps de foire – alors la plus importante foire d’Allemagne –, elle était une ville largement cosmopolite. Cf. Katharina Middell, Hugenotten in Leipzig. Streifzüge durch Alltag und Kultur, Leipzig, Leipziger Universitätsverlag, 1998 ; Hartmut Zwahr, Berit Bass (dir.), Leipzigs Messen, 1497- 1997. Gestaltwandel, Umbrüche, Neubeginn, vol. 1, 1497-1914, Cologne et al., Böhlau, 1999 (Geschichte und Politik in Sachsen, 9,1).
19 Kurtze Nachricht/ wie es mit Feyrung des andern Evangelisch-Lutherischen Jubilaei 1717 in der […] Creyß-Stadt Guben im Markgraffthum Nieder-Lausitz ist gehalten worden, dans E. S. Cyprian, op. cit., I, 196a ; H.-J. Schönstädt, « Das Reformationsjubiläum 1717 », art. cit., p. 93.
20 Cf. Christophe Duhamelle, « La conversion princière au catholicisme dans le Saint-Empire : conséquence ou remise en cause de la paix de Westphalie ? », dans Jean-Pierre Kintz, Georges Livet (dir.), 350e anniversaire des Traités de Westphalie. Une genèse de l’Europe, une société à reconstruire, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 1999, p. 299-310 ; Éric Hassler, La Cour de Vienne, 1680-1740. Service de l’empereur et stratégies spatiales des élites nobiliaires dans la monarchie des Habsbourg, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2013 (Les Mondes Germaniques, 17).
21 Bericht wegen Herrn Hertzog Moritz Wilhelms […] Wiederkehr zur Evangelischen Kirchen, dans E. S. Cyprian, op. cit., I, 920a-b ; H.-J. Schönstädt, « Das Reformationsjubiläum 1717 », art. cit., p. 94.
22 Gebeth, dans Cyprian I, 94a-95a. Sur l’exemple d’Augsbourg, cf. Claire Gantet, La paix de Westphalie (1648). Une histoire sociale, xviie-xviiie siècle, Paris, Belin, 2001 (Essais d’histoire moderne), p. 329-360.
23 Klag-Lied/ Deß Luther-Thumbs: Da Ihre Kinder Im Jahre 1717. den 31. Weinmonat Das Zweyte Jubel-Jahr Ihres Neuen Evangelij begiengen, München, Riedl, 1717.
24 Johann Kraus, Historischer Beytrag Für Das Zweyte Lutherische Jubel-Jahr. Den Lutherischen Worts-Dienern, Welchen es etwan an Büchern und Concepten mangelt, Zum Geschencke praesentiret, Prague, Wickhart, 1717.
25 Valentin Ernst Löscher, Römisch-Catholische Discurse, vom Evangel. Lutherischen Jubel-Jahr. Zur Christlichen Anleitung, Wie man Bey diesen bösen Zeiten Geübte Sinnen zum Unterscheid des Bösen und Guten erlangen solle, Leipzig, [Dresden], Braun, Harpeter, 1717-1720.
26 Telle est néanmoins la conclusion de H. Cordes, op. cit.
27 L’ouvrage de J. Kraus, Historischer Beytrag, op. cit. est écrit comme une chronique catholique des années 1517-1717, actualisée par les conversions princières au catholicisme, suivie des articles de foi catholique. La réplique de Martin Schmeizel (1679-1747) est également conçue comme une chronique luthérienne des années 1517-1717, laquelle doit avoir valeur de vérité comme le souligne la conclusion : « Quid habet oculos ad legendum legat, quid legit, intelligat & judicet, qui judicat, cogitet, quid sit veritas », dans Martin Schmeizel, Historischer Beweis, daß der Pragische Jesuit P. Johannes Krauss in seinem so genannten Historischen Beytrag Zum zweyten Lutherischen Jubel-Jahr, in vielen Stücken geirrt, und unverantwortlicher Weise wider die Historische Wahrheit gehandelt habe, Cologne, Marteau [éditeur fictif], 1717, p 141. Lui faisait écho V. E. Löscher, qui motivait sa réfutation du controversiste Johann Kraus par la « réalité » et la « solidité » de son « travail », dans ses Römisch-Catholische Discurse, op. cit., 1717, p. A6b.
28 « Die Historie der gesegneten Reformation ist dermaßen weitläufftig, daß man sich nicht zu verwundern hat, wie bey Herannahung dieses Fests die Buchläden mit Jubel-Schrifften angefüllet, so daß die, welche ihre Feder nicht gerne müßig liegen lassen, nunmehro guten Vorrath finden, eine Jubel-Bibliotheck zu verfertigen », dans « Academiae Lipsiensis Pieta », Deutsche Acta eruditorum, 1717, n° 5, p. 345-354, ici 345.
29 « Weil man wahrgenommen/ daß unter den häuffig gedruckten Jubel-Schrifften vornehmlich diejenigen, welche einige (obwohl sehr unvollkommene) Nachricht von dem vor 100 Jahren gefeyerten ersten Lutherischen Jubel-Feste gegeben, sehr wohl aufgenommen worden so ist man entschlossen eine vollständige und ausführliche Historie des andern Evangelisch-Lutherischen Jubel-Fests zu verfertigen/ wie solches sowohl inn- als ausserhalb Deutschland gefeyert worden. Es wird solche aus zwei Theilen bestehen/ davon der erste nicht nur die von denen Protestantischen Ober-Häuptern wegen der Feyerung desselben ergangenen Verordnungen/ vorgeschriebene Formulare/ Lectiones, Texte/ Gebethe u.a. in sich fassen/ sondern auch von denen dabey angestellten Solennitäten/ Orationibus, Carminibus Secularibus, Promotionibus, Disputationibus, Actibus Oratoriis, Illuminationibus, Müntzen/ u.a. ausführliche Nachricht geben soll. In dem anderen Theile aber werden alle bey Gelegenheit des Jubel-Fests sowohl von Lutheranern als Papisten bereits herausgegebene Schrifften accurat recensiret und bescheiden beurtheilet werden. Zum ersten Theile wird Verfasser sich der Actorum Jubilaei und anderer bereits gedruckten und noch zu hoffenden Nachrichten/ welche sich bald verliehren und dem Zehnten nicht zu Gesichte kommen/ bedienen/ und er hoffet auch von denen jenigen Orthen wo keine besondere Acta Jubilaei zusammengedruckt werden/ schrifftliche Nachricht zu erhalten. Wie er denn hiermit alle Gelehrten in dergleichen Städten um willigen Beytrag gebührend ersuchet/ und bittet solchen an den Verleger Johann Christian Martini allhier in der Niclas-Straße ehestens einzusenden. Zu dem andern Theile sind auch alle bis daher bekannt gewordene Jubel-Schrifften mit grosser Sorgfalt gesamlet worden und verspricht man mit gleichem Fleisse auch ins künfftige fortzufahren/ um es an nichts ermangeln zu lassen/ dadurch das Werck so viel möglich in vollkommenen Stand möge gesetzet werden », Neue Zeitungen von Gelehrten Sachen, 1717, p. 775-776 ; Cf. H. Cordes, op. cit., p. 10-11.
30 Sur les différences de rapport au pouvoir et de fonctionnement des académies scientifiques et de leurs organes, les périodiques savants, cf. Mario Biagioli, « Le prince et les savants. La civilité scientifique au 17e siècle », Annales. Histoire, sciences sociales, 1995, n° 50/6, p. 1417-1453 ; Anne Goldgar, Impolite Learning. Conduct and community in the Republic of Letters, 1680-1750, New Haven, Yale University Press, 1995. Sur le Journal des Sçavans, cf. Jean-Pierre Vittu, « Du Journal des savants aux Mémoires pour l’histoire des sciences et des beaux-arts : l’esquisse d’un système européen des périodiques savants », xviie siècle, 2005, 57e année, n°228, p. 527-545 ; id., « La formation d’une institution scientifique : le Journal des savants de 1665 à 1714. 2. L’instrument central de la République des Lettres », Journal des savants, juillet-décembre 2002, p. 349-377 ; id., « La formation d’une institution scientifique : le Journal des savants de 1665 à 1714. 1. D’une entreprise privée à une semi institution », Journal des savants, janvier-juin 2002, p. 179-203 ; Jeanne Pfeiffer et Jean-Pierre Virru, « Les journaux savants, formes de la communication et agents et la construction des savoirs (17e-18e siècles) », Dix-Huitième Siècle, 2008, n° 40, p. 281-300. Jean Sgard (dir.), Dictionnaire de la presse, 1600-1789, I, Dictionnaire des journaux, 2 t., Paris, Universitas, 1991 [en ligne : http://c18.net/dp/]. Deux ouvrages fondamentaux mais incomplets : David A. Kronick, A History of Scientific and Technical Periodicals. The Origins and Development of the Scientific and technical Press 1665-1790, 2e éd., Metuchen (NJ), The Scarecrow Press, 1976 (1962), et Joachim Kirchner, Bibliographie der Zeitschriften des deutschen Sprachgebietes bis 1900, t. 1, Bis 1830, Stuttgart, Hiersemann, 1969. Pour l’espace allemand, cf. Herbert Jaumann, Critica. Untersuchungen zur Geschichte der Literaturkritik zwischen Quintilian und Thomasius, Leyde et al., Brill, 1995 (Brill’s studies in intellectual history, 62) ; Thomas Habel, Gelehrte Journale und Zeitungen der Aufklärung. Zur Entstehung, Entwicklung und Erschließung deutschsprachiger Rezensionszeitschriften des 18. Jahrhunderts, Brême, Edition Lumière, 2007 (Presse und Geschichte, Neue Beiträge, 17), not. p. 56-57.
31 Ernst Wilhelm Tentzel, Historischen Bericht vom Anfang und ersten Fortgang der Reformation Lutheri. Zur Erläuterung des Hn. v. Seckendorff Historie des Lutherthums, mit grossem Fleiß erstattet, und nunmehro in diesem andern Evangelischen Jubel-Jahr, nebst einer besondern Vorrede, auch nützlichen […] Uhrkunden, und nöthigen Registern mitgetheilet, Édité et préfacé par Ernst Salomon Cyprian, Leipzig, Gleditsch & Weidmann, 1717. Dès 1718 paraissait une troisième édition de ce texte.
32 Unschuldige Nachrichten von alten und neuen theologischen Sachen, Büchern, Uhrkunden, Controversien, Veränderungen, Anmerckungen, Vorschläge u.d.g., auff d. Jahr […], Leipzig, Braun, 1701-1719 (suite à partir de 1720 sous un autre titre). Valentin Ernst Löscher était le directeur de publication, assisté à partir de 1714 par Michael Heinrich Reinhard († 1732). Dans les premières années, ils furent épaulés par les contributeurs suivants : Christian Heinrich Zeibich, Johann Caspar Löscher, Hector Adrian Janson, Gottfried Balthasar Scharf, Christoph Andreas Lossius, Adrian Zahn, Martin Grünewald, Justus Christian Uthen, Johann Grottfried Rochau. La préface du volume de 1718 mentionne également Michael Heinrich Reinhard, Crispinus Weiß, Johann Christian Koch, Johann David Stenkard et Johann Christoph Manzel.
33 Ibid., 1717, nouvelles de la commémoration : p. 110-125 (invitations et programmes des universités saxonnes, discours, textes prescrits et prêches), p. 119-120 (annonce que les réformés y participeront [sic]), p. 120-125 (controverse catholique), p. 137-139 (médailles) ; 283-385 (réponse à la question : si l’année 1717 sera une année jubilaire ?), p. 466-474 (annonce du bicentenaire), p. 670-691 (anagrammes), 674, 994 (réplique aux fausses prophéties des papistes), p. 800-801 (poèmes), 980-999 (ordonnances saxonnes, programmes des universités, Gymnases et écoles, versets prescrits, sermons et chants, gravures), 1074-1078 (médailles de Dresde) ; premières recensions : p. 284 (recension de Praetorius, Historie und Recht), p. 136, 473, 675, 867, 1154, 1167 (traités).
34 Ibid., 1718, p. 133-153, 284-321, 470-492, 534-537, 548, 631-633, 847-902.
35 « trubseligen Zeiten », « « Rissen », « Wächtern », « so viel Gott- und Lieblose Chartequen gegeben worden/ davon alle Buch-Läden unsers Evangelischen Deutschlandes erfüllet sind », Ibid., 1, 1701, préface, p. 3. Cf. Martin Gierl, Pietismus und Aufklärung. Theologische Polemik und die Kommunikationsreform der Wissenschaft am Ende des 17. Jahrhunderts, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1997 (Veröffentlichungen des Max-Planck-Instituts für Geschichte, 129), p. 400.
36 Ibid., p. 401. Unschuldige Nachrichten, 1701, préface, p. 3.
37 Johann Kraus, Curieuse Nachrichten Von Begebenheiten, So sich von der Zeit deß entstandenen Lutherthums, meistens Religions-Sachen betreffend zugetragen. Den diese Jahr außgangenen Leipziger Unschuldigen Nachrichten entgegen gestellt, Prague, Straub, 1-6, 1718-1720.
38 Auffrichtige Nachrichten Von der Unrichtigkeit Der so genanten Unschuldigen Nachrichten, Leipzig/Halle, Zeitler/Heinich, 1707-1710. Directeur de publication : Joachim Lange. Cf. M. Gierl, op. cit., p. 400-409,
39 Unschuldige Nachrichten, 1717, p. 980-999, réimprimé dans E. S. Cyprian, op. cit., I, 1109 a-b.
40 Ibid., I, 1110a.
41 Neue Zeitungen von gelehrten Sachen, Leipzig, Georgi/Gross, 1715-1717, Martini, 1718-1737. Directeur de publication : Johann Gottlieb Krause, Bicentenaire de la Réforme dans le volume de 1717, p. 544, 637, 717, 775-776, 806-807, 834-839; volume de 1718, p. 94-95, 422-424, 787-788, 838.
42 Neue Bibliothec oder Nachricht und Urtheile von neuen Büchern Und allerhand zur Gelehrsamkeit dienenden Sachen, Francfort sur le Main/Leipzig [i.e. Halle], Renger 1709-1721. Directeurs de publication : Wilhelm Türck (livraisons 1-12), Nikolaus Hieronymus Gundling (livraisons 13-40), Peter Adam Boysen (livraisons 40ff.), collaborateurs : Christophe August Heumann, Christian August Salig, Johann Jakob Schmauß. Bicentenaire de la Réforme dans le volume de 1717, p. 174-183, 349-355, 566-577, 694-696.
43 Deutsche Acta eruditorum, Leipzig, Gleditsch. 1712-1739, directeurs de publication Justus Gotthard Rabener (1712-1719) et Christian Gottlieb Jöcher (1718-1739), collaborateurs : Jakob August Franckenstein, Georg Christian Gebauer, Jakob Gehring, Christian Gottfried Hoffmann, Johann Erhard Kapp, Johann Jakob Reiske, Johann Christian Schöttgen, Gottfried Tilgner, Johann Georg Walch. Bicentenaire de la Réforme dans le volume de 1717, p. 235-249, 345-354 ; volume de 1720, p. 394-400, 435-437.
44 « …der jetzo sehr überhand-nehmende Indifferentistische Geist Hoffnung gemacht », V. E. Löscher, Römisch-Catholische Discurse, op. cit., p. A5a.
45 « Gib deiner Kirche Frieden/ welchen die Welt nicht geben kann/ auf daß alle/ die sich Christen nennen/ in das künfftige ihre Jubel-Feste mit einander halten […] mach doch endlich ein Ende an aller Uneinigkeit in der Christenheit/ daß es wieder/ nach deinem eigenen Wort/ ein Hirt und eine Heerde werde », Jubel-Gebeth in Isny, dans E. S. Cyprian, op. cit., I, 792b ; H.-J. Schönstädt, « Das Reformationsjubiläum 1717 », art. cit., p. 101.
46 Johann Peter von Ludewig, Dica iubilaeorum, quam bonis mentibus civibus praesertim Fridericianae ad cavendas in secundo iubilaeo evangelico ceremonias et ritus, Halle, Bibliopolium Novum, 1717, rééd. 1718.
47 Voir par exemple Neue Zeitungen von gelehrten Sachen, t. 3, 1717, n° 100, p. 807. Johann Georg Heinsius, Johann Christoph Mylius, Gottfried Büchner, Unpartheyische Kirchen-Historie Alten und Neuen Testaments, Von Erschaffung der Welt bis auf das Jahr nach Christi Geburt 1730, t. 2, Iéna, Hartung, 1735, p. 914. Cette œuvre monumentale s’inspirait directement de l’ouvrage du piétiste radical Gottfried Arnold paru en 1688 puis en 1700, lequel présentait l’histoire de l’Église institutionnalisée comme celle d’un déclin depuis l’Église primitive, hormis quelques années de renouveau au tout début de la protestation de Luther.
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Référence papier
Claire Gantet, « Paix civile, sensibilités confessionnelles et érudition moderne : le bicentenaire de la Réforme dans les territoires allemands », Chrétiens et sociétés, 23 | -1, 11-30.
Référence électronique
Claire Gantet, « Paix civile, sensibilités confessionnelles et érudition moderne : le bicentenaire de la Réforme dans les territoires allemands », Chrétiens et sociétés [En ligne], 23 | 2016, mis en ligne le 10 février 2017, consulté le 03 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/4081 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.4081
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