Henri Bremond et l’École française de spiritualité
Résumé
Henri Bremond a imposé la notion d’école française de spiritualité. Ce faisant, il a mis en valeur un premier xviie siècle, mais uniquement sur le plan spirituel. Il s’intéresse surtout à Bérulle, mais l’expression permet de désigner tout un courant qu’il caractérise comme français, au risque de minimiser tout l’apport étranger aux origines de cette spiritualité. La notion pose aussi des problèmes parce qu’elle unifie des pensées assez diverses, et isole trop la spiritualité des actions humaines.
Promoting the notion of « école française de spiritualité », Henri Bremond highlighted the first half of the 17th century, but only its spirituality. He is especially interested in Berulle. However this notion is useful to characterize a global spiritual current. For Bremond, this current is a French one, but, doing so, he minimized the foreign sources of this spirituality. The notion is also problematic because it unifies quite various thoughts and because it separates too much spirituality from human acts.
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- 1 Ce que je me suis efforcé de faire dans L’École Française de Spiritualité. Des mystiques, des fonda (...)
1En 1921, Henri Bremond publie le tome trois de sa monumentale Histoire littéraire du Sentiment religieux (elle compte déjà quatre gros volumes, parus en 1916 et 1920). Ce tome, intitulé sobrement « L’École française », sera un des plus importants du point de vue historique, par les déplacements qu’il opérera dans la vision qu’on avait alors du XVIIe siècle religieux. Mais il suscitera également de nombreuses polémiques et remises en cause. La première, opposant Bremond au curé de Saint-Sulpice, M. Letourneau, n’a plus aujourd’hui qu’un intérêt anecdotique ; il s’agissait de savoir ce qu’il était possible de dire de Jean-Jacques Olier, à une époque où la Compagnie de Saint-Sulpice espérait encore la béatification de son fondateur. Mais les autres controverses ont plus d’intérêt, dans la mesure où elles portent sur le concept même d’« École française ». Depuis Bremond, il n’est plus possible d’écrire sur les auteurs qu’il a étudiés dans ce tome 3 sans l’utiliser, même si c’est pour la contester1.
2Les concepts posent problème à tout historien. Ils sont toujours nécessaires, car sans eux le réel n’est pas intelligible. Mais, enfermant le vivant dans des catégories abstraites et artificielles, ils sont forcément inadéquats. La question est de savoir si l’usage de tel ou tel concept, employé avec précaution, est plus utile que néfaste. Mais, posée ainsi, la question est encore trop générale. Un concept vit, évolue, et les connaissances historiques également sont en perpétuel devenir. Il faut donc introduire une composante temporelle et se demander si un concept qui a pu être utile à un moment donné ne se révèle pas, quelques décennies plus tard, bien encombrant. C’est ce que je vais tenter de faire avec cette notion d’« École française » en évaluant tout d’abord tout l’intérêt de l’expression ; j’en verrai ensuite l’origine, ce qui permettra de la relativiser ; je pourrai ensuite m’attarder sur les problèmes qu’elle pose, ce qui me permettra de m’interroger sur la méthode de Bremond et sur la manière dont on pourrait, aujourd’hui, concevoir une histoire de la spiritualité.
La mise en valeur d’un premier XVIIe siècle
3Le grand intérêt de Bremond, c’est d’avoir transformé notre perception du XVIIe siècle, d’avoir déplacé le centre de gravité de l’histoire religieuse. Ce point a souvent été souligné, ce qui nous permettra d’aller vite ; ce qui ne signifie pas que ce soit mineur. Bremond, aujourd’hui, peut être l’objet de nombreuses critiques et je ne manquerai pas de le faire, abondamment. Mais il n’en reste pas moins que sa lecture est encore indispensable, et qu’il a fait faire à l’histoire religieuse des progrès considérables. Elle ne serait sans doute pas ce qu’elle est actuellement, avec sa périodisation, sans l’Histoire littéraire du sentiment religieux. Les critiques portent sur des points qui ne sont pas tous de détail mais l’essentiel, la place nouvelle qu’il faut donner au premier XVIIe siècle, demeure.
- 2 Jean Orcibal, Saint-Cyran et le jansénisme, Paris, Seuil, 1961 ; Les Origines du Jansénisme, t. II, (...)
4En effet, aux vides qu’on trouvait entre François de Sales et Port-Royal d’une part, Port-Royal et la fin du siècle (Bossuet, Fénelon, …) d’autre part, Bremond a substitué une « invasion » et une « conquête mystique », il a montré que l’essentiel se joue dans la première moitié du siècle, sous les règnes d’Henri IV et de Louis XIII. Son modèle, il y revient souvent, est Sainte-Beuve. En traitant avec ampleur et génie son sujet, Sainte-Beuve a installé Port-Royal au centre du XVIIe siècle. Bremond a complétement renversé la perspective, au prix, il est vrai, d’une incompréhension du jansénisme. Celui-ci apparaît déchiré entre Port-Royal, qui fait l’objet du tome 4 de l’Histoire littéraire, Saint-Cyran qui devient bérullien (non sans raison, comme l’a montré par la suite Jean Orcibal2), Pascal dont on retient surtout la prière, Nicole, qui est vu avant tout comme l’adversaire des mystiques, etc. Avant lui, se dresse un bloc compact, cohérent : l’École française. Plus largement, entre l’« humanisme dévot » et le second dix-septième siècle se déploient une « invasion » et une « conquête » mystiques assez riches pour fournir la matière de cinq volumes.
5Si, dans l’historiographie religieuse, la première moitié du siècle apparaissait un peu délaissée, c’est sans doute également pour une autre raison : l’importance du modèle de l’histoire politique traditionnelle avec le siècle de Louis XIV, largement privilégié par rapport aux règnes d’Henri IV et de Louis XIII, entrecoupés de régences, marqués par l’assassinat d’un roi et la domination de son successeur par un cardinal-ministre. Louis XIV et Colbert, magnifiés par Lavisse, apparaissent autrement brillants. Ajoutons qu’en littérature également la grande période classique correspond plutôt au second dix-septième siècle. La période qui précède est alors bien moins appréciée.
- 3 Chez Bloud & Gay ; deuxième édition en 1920.
- 4 Chez Hachette ; t. 6-2 par J.H. Mariéjol, t. 7 par E. Lavisse.
- 5 Mourret, p. 232.
- 6 Ibidem, p. 233.
6Il peut être utile de préciser et de nuancer ce jugement rapide par une plongée dans deux ouvrages d’histoire à peu près contemporains de la grande entreprise de Bremond : du côté ecclésiastique, l’Histoire générale de l’Église, de Fernand Mourret, professeur d’histoire au séminaire de Saint-Sulpice, sulpicien lui-même, dont le tome 6, sur les XVIIe et XVIIIe siècles, est paru en 19143 ; du côté laïc, l’Histoire de France, dirigée par Ernest Lavisse, dont les tomes 6-2 (Henri IV et Louis XIII) et 7 (Louis XIV) sont de 19114. L’ouvrage de Mourret privilégie, au moins par le nombre de pages, le premier dix-septième siècle : 243 pages, contre 168 pour le second (et 247 pages pour le XVIIIe). Mais l’équilibre interne est révélateur : le livre commence par étudier le gouvernement des papes, puis la réforme catholique en Espagne, en Italie et en Allemagne, avant d’aborder les débuts de la renaissance catholique en France (François de Sales et Coton). Vient ensuite la « Renaissance catholique en France. La rénovation du clergé », traitée en 35 pages, dont 4 sur Bérulle et 7 sur Olier ; le fait que le fondateur de Saint-Sulpice ait vécu à cette époque explique sans doute que Mourret accorde tant de place au premier dix-septième siècle. Le chapitre suivant, « Renaissance catholique en France. Les œuvres de charité corporelle et spirituelle », est consacré essentiellement à Vincent de Paul, aux missions intérieures et à la Compagnie du Saint-Sacrement. On retrouve Bérulle dans le chapitre sur « Église et mouvement intellectuel », mais il est vu uniquement comme théologien du sacerdoce, comme « docteur du Sacerdoce universel »5, il est mêlé à Condren, Olier, Vincent de Paul, Thomassin et Bossuet. Olier a droit à une bonne page qui nous dit qu’il « fit faire un pas de plus à cette doctrine »6. Le jansénisme est renvoyé à la deuxième partie de l’ouvrage, sur la deuxième moitié du siècle, mais il est traité assez longuement, en 58 pages.
- 7 Chez Bloud & Gay, 1924. Le tome 2 couvre le Moyen-Age et les temps modernes.
- 8 Pour une vision rapide de ces manuels du début du XXe siècle, voir Daniel Moulinet, « Regards sur l (...)
7Le même équilibre apparaît dans le Précis d’Histoire de l’Église écrit par le même Mourret avec son confrère J. Carreyre7 : l’Ancien Régime a droit à 150 pages, dont 16 pour les papes de la première moitié du XVIIe siècle et 18 pour la renaissance catholique en Espagne, Italie, Allemagne et France ; Bérulle et l’Oratoire sont expédiés en une page, Olier et Saint-Sulpice ont droit à deux pages et demi, Vincent de Paul à trois et demi. Le jansénisme est exposé en quinze pages8.
- 9 p. 93.
8Tournons-nous à présent vers le grand manuel laïc que représente l’Histoire de France de Lavisse. Mariéjol, qui traite des règnes d’Henri IV et de Louis XIII, accorde peu de place à la religion. La politique religieuse d’Henri IV est traitée en dix pages ; Bérulle n’apparaît qu’au détour d’une phrase, à propos des ouvriers de la restauration catholique : « Bérulle, dont la mère était une Séguier, et qui fonda l’Oratoire »9. Le chapitre sur « Richelieu et l’Église » a droit à vingt pages, dont six et demi sur les « manifestations de la renaissance catholique au XVIIe siècle ». Il est question de Condren, des fondations au Canada, de Vincent de Paul, de la Compagnie du Saint-Sacrement, un peu aussi de Bourdoise et d’Olier. Bérulle n’est pas cité, alors que Saint-Cyran a droit à une page. Le tome suivant, sur Louis XIV, dû à Ernest Lavisse, accorde une large place au jansénisme qui, avec le gallicanisme et le protestantisme, apparaît comme une des questions religieuses majeures de l’époque.
- 10 Au Seuil. C’est le t. 2 qui est consacré aux XIVe-XVIIIe siècles.
9Soixante-dix ans plus tard, en 1988, l’Histoire de la France religieuse10, dû à une équipe d’universitaires, consacre un chapitre à « la lente mise place de la réforme tridentine ». Sur les trois paragraphes concernant les catholiques, un traite de « l’offensive catholique et l’invasion mystique », hommage explicite à Bremond. Bérulle apparaît comme un des personnages les plus souvent cités, après cependant Vincent de Paul et François de Sales, mais bien avant Olier. Les historiens ont donc ratifié ce changement de perspective sur le XVIIe siècle, peut-être plus et plus rapidement que les littéraires, dont l’intérêt pour la littérature « baroque » me semble plus récent. Ils ont accepté la mise en avant de Bérulle, ils ont pris en compte l’importance des expériences et des écrits mystiques de la première moitié du siècle.
- 11 La Vie Spirituelle, mars 1926, p. 671.
- 12 Un dossier de textes se trouve dans mon École française de spiritualité, pp. 36-38.
- 13 Pierre Pourrat, Le Sacerdoce. Doctrine de l’École française, Paris, Bloud & Gay, 1931.
10L’apport de Bremond ne se limite pas au bouleversement de la chronologie ; comme on peut le pressentir à partir de ces rapides analyses d’ouvrages, Bremond a également découvert Bérulle, ou plutôt son importance réelle. L’homme n’était en effet pas inconnu, mais on ne lui accordait pas une importance considérable. L’Histoire littéraire du sentiment religieux en fait le chef de file de l’École française et même plus, puisque tous les jésuites mystiques sont considérés comme bérulliens et que la « Turba magna » évoquée dans le tome 6 dépend également de lui. Quand on parlait de Bérulle, c’était pour évoquer le fondateur de l’Oratoire ou le théologien du sacerdoce ; Bremond en fait un auteur mystique, restaurateur du théocentrisme, dévot du Verbe incarné, initiateur d’une spiritualité de l’adhérence, inspirateur de la plupart des grands hommes de l’époque. Ceci a dû déranger les sulpiciens, habitués, on l’a vu, à attribuer un bien plus grand rôle à Olier. Mais Bremond fait mieux, il fait découvrir une foule de spirituels, de mystiques qui « inondent le territoire »; désormais le premier dix-septième siècle n’est plus seulement le moment où sont prises les premières initiatives de restauration du catholicisme (les séminaires, les œuvres charitables, les missions), c’est aussi une période profondément spirituelle. Une part très importante est donnée à la mystique, au détriment de l’ascétisme ; peut-être Bremond va-t-il trop loin dans sa volonté de redonner sa juste place à la prière et à l’amour pur, mais il a en tête son opposition à ce qu’il appelle l’« ascéticisme » des jésuites. En tout cas, ses contemporains sont surpris par cette présentation de la spiritualité de l’École française : un sulpicien, Jean Gautier, proteste ainsi : « M. Bremond, qui parle si bien de l’École française, a trop laissé dans l’ombre la pratique des vertus crucifiantes, que cette école considère comme des moyens nécessaires pour parvenir à l’union, à l’adhérence avec le Verbe Incarné. »11 Bremond, enfin, rattache la spiritualité sacerdotale à laquelle s’intéressent en priorité les histoires ecclésiastiques à un mouvement bien plus profond, à une spiritualité du Verbe incarné dont elle n’est qu’un aspect. Sur ce point, cependant, Bremond a connu un échec partiel. Encore aujourd’hui, ou naguère, nombre de théologiens ou de pasteurs attaquent fortement la conception étriquée du prêtre qu’aurait propagée l’École française : Salaün, Marcus, Schillebeeckx, Martelet, Parent, etc.12 Or Bremond insiste finalement assez peu sur le sacerdoce, même s’il n’oublie pas de rappeler que la fondation de l’Oratoire répondait à la nécessité de renouveler « l’état de prêtrise ». Ces auteurs l’ont sans doute mal lu, ou sont resté imprégnés par une littérature sulpicienne ancienne, dont Le Sacerdoce. Doctrine de l’École française13, de Pourrat, peut apparaître comme un bon exemple.
- 14 Histoire du Christianisme, t. 12, Paris, Desclée-Fayard, 1990, pp. 186-187, qui se réfère à Joseph (...)
- 15 Histoire littéraire du sentiment religieux, t. 1, Paris, Bloud & Gay, 1916, p. XII (« Objet, source (...)
11On mesure l’ampleur des déplacements opérés par Bremond. Mais, ce premier dix-septième siècle dont il a tant contribué à modifier la perception, il ne l’a étudié que sous l’angle de la spiritualité. Le contexte dans lequel il écrit explique en partie ce choix : la crise moderniste a rendu difficile tout travail dogmatique ou exégétique et a poussé nombre d’auteurs à s’intéresser à la mystique. De manière générale, dans les séminaires, les futurs prêtres s’intéressent d’avantage à la piété qu’aux problèmes intellectuels et sociaux14. Mais cela fait la grande richesse de Bremond. Et c’est sans doute parce qu’il n’est pas historien mais littéraire qu’il s’intéresse à la psychologie religieuse, qu’il peut ainsi bouleverser les schémas d’une époque. Mais c’est également une faiblesse. Le XVIIe siècle est en effet aussi la période où de nouveaux ordres ou congrégations apparaissent, où les anciens se réforment, où l’on invente de nouveaux modes de formation du clergé (les séminaires), où la réforme catholique commence à se développer et se manifeste avec des évêques plus consciencieux (Cospeau, Gault, Solminihac, etc.), avec l’essor des missions intérieures, avec des cercles dévots recrutant largement parmi les laïcs, des congrégations mariales, la Compagnie du Saint-Sacrement, etc. Bremond ne peut l’ignorer, les histoires de l’Église de son époque ne parlent que de cela. Il a bien vu que son « invasion » et que sa « conquête mystique » se rattachaient à une transformation plus profonde du catholicisme, il n’oublie pas de parler des séminaires ni des nouvelles congrégations. Mais il n’insiste pas, il n’approfondit pas ce lien entre spiritualité et action dans le siècle. C’est particulièrement net pour Vincent de Paul, présenté habituellement comme un apôtre de la charité, même et surtout dans les histoires laïques, et dont seule la spiritualité toute bérullienne retient Bremond. Ce qui l’intéresse, c’est la vie intérieure des personnages qu’il étudie, non leur mérite littéraire, leur rôle dans l’histoire politique ou ecclésiastique, au sens institutionnel du terme ; du Père Joseph, par exemple, il retiendra l’écrivain mystique et le fondateur d’ordre, il ne dira rien du génie diplomatique et guerrier. Comme Sainte-Beuve, comme Newman, il ambitionne « de pénétrer le secret religieux des âmes », de trouver la vie intime, la prière vraie15. Mais, consciemment, il ne présente ainsi qu’un aspect du premier dix-septième siècle et des hommes qui l’illustrent. Il faut être attentif à cela et ne pas réduire cette période à une « invasion » et à une « conquête » mystiques, faute de quoi on tomberait dans le défaut inverse des histoires de l’Église du début du siècle.
- 16 Denis Richet, De la Réforme à la Révolution. Études sur la France moderne, Paris, Aubier, 1991.
- 17 Jacques Solé, Le débat entre protestants et catholiques français de 1598 à 1685, Paris, Aux Amateur (...)
- 18 Denis Crouzet, Les guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de religion vers 1525 - ver (...)
12Bremond a voulu commencer son Histoire littéraire à la fin des guerres de religion. On ne saurait lui reprocher de prendre un point de départ. Sa matière est déjà suffisamment vaste, il ne pouvait pas en plus traiter du XVIe siècle ou du Moyen-Age, comme il semble en avoir eu l’intention (il pensait étudier Charles d’Orléans, Villon, etc.). Mais l’effet produit sur le lecteur, et sans doute sur Bremond lui-même, peut paraître fâcheux. Le lien entre ce premier XVIIe siècle et la Renaissance n’est pas absent de l’Histoire littéraire, mais il apparaît assez peu. Les guerres de religion, la Ligue, puis la pacification opérée par Henri IV sont encore moins présents. Certes, ce n’est pas le propos de Bremond, qui entend ne s’intéresser qu’au sentiment religieux. Mais est-il indifférent que Bérulle ait passé son enfance dans un Paris ligueur, et qu’au même moment François de Sales y soit étudiant ? Bremond n’a-t-il pas également sous-estimé la coupure instaurée par Henri IV, qui n’est pas seulement de l’ordre du politique ? Les études de Denis Richet16, de Jacques Solé17, de Denis Crouzet18 ont montré la conversion des ligueurs en dévots, la transformation des guerres de religion en controverses, la naissance d’une nouvelle philosophie politique fondée sur le pouvoir de la raison et le stoïcisme. Ce n’est sans doute pas sans conséquence sur la spiritualité. L’anti-protestantisme, l’anti-stoïcisme de Bérulle, apparents dans toutes ses œuvres, auraient pu être ainsi davantage éclairés.
- 19 Pp. 101-102. Cité par Émile Goichot, Henri Bremond historien du sentiment religieux, Paris, Ophrys, (...)
- 20 La Spiritualité chrétienne, t. 3, 1ère partie, Paris, Gabalda, 1925.
- 21 Les Écoles de Spiritualité Chrétienne, Liège-Paris, Giraudon, 1928. Le chapitre sur la spiritualité (...)
- 22 Émile Mersch, Le Corps mystique du Christ. Études de théologie historique, Louvain, Museum Lessianu (...)
- 23 Louis Cognet, Les Origines de la spiritualité française au XVIIe siècle, Paris, La Colombe, 1949 ; (...)
- 24 Article « Française (école) » du Dictionnaire de Spiritualité (1953).
- 25 Bérulle et l’École française, Paris, Seuil, 1963.
- 26 L’École française de spiritualité, Paris, Desclée, 1987.
- 27 Article « Spiritualité » du Dictionnaire de Spiritualité (1990).
13Il reste que l’apport de Bremond est considérable. Il lègue un concept et une expression, l’École française, désormais inévitables. Leur réception n’a pourtant pas été immédiate. Avec les sulpiciens, la controverse portait plutôt sur la place d’Olier et sur sa « névrose ». Avec les jésuites, la contestation est plus fondamentale : elle porte sur les caractères mêmes de l’École française, et donc sur son existence ; il n’y aurait rien de très original dans sa doctrine, le théocentrisme en particulier serait largement ignatien. La Revue d’Ascétique et de Mystique, pourtant, dès 1920, dans la notice nécrologique du Père de Maumigny, emploie l’expression, disant du jésuite disparu qu’il mettait « en garde contre une partie de l’école française du dix-septième siècle et notamment contre la tendance du Père Surin à montrer, dans les états mystiques, la récompense et la suite, pratiquement certaine, de l’ascèse pratiquée à un degré supérieur. »19 L’auteur de la notice donne-t-il à l’expression le même sens que Bremond ? On peut remarquer qu’il cite Surin qui, s’il ne figure pas parmi les « jésuites bérulliens » du tome 3, apparaît souvent comme bérullien aux yeux de Bremond. Du côté sulpicien, on a noté la reprise de l’expression, en 1926, par Gautier. L’année précédente, Pierre Pourrat avait étudié l’« école française », après l’« école espagnole » et l’« école italienne », semblant ainsi adopter un découpage national ou géographique neutre. Mais très vite, après quelques pages sur Richelieu, il fait débuter l’« école française » avec Bérulle et il énumère les principaux auteurs cités par Bremond20 et, dans son ouvrage sur Le Sacerdoce, de 1931, il reprend sans hésiter l’expression bremondienne dans le sens que lui donne le tome trois de l’Histoire littéraire. En revanche, en 1928, l’expression « École française » est absente de l’ouvrage collectif Les Écoles de Spiritualité Chrétienne ; il est simplement question de la spiritualité de l’Oratoire, œuvre de Bérulle, qui a marqué une grande partie du XVIIe siècle et qui s’est prolongée jusqu’à nos jours grâce aux séminaires tenus par les lazaristes, les sulpiciens et les eudistes21. En 1933, le jésuite Émile Mersch n’hésite pas à parler d’« École française » en reprenant bien des critères de Bremond, notamment le christocentrisme et la doctrine du Corps mystique22. Mais Louis Cognet, après la guerre, évite de parler d’« École française », tout en insistant sur le courant christologique représenté par l’« école bérullienne », dont les caractères sont proches de ceux qu’avait définis Bremond23. Après lui, cependant, à peu près tous les auteurs reprennent l’expression, même si c’est pour la critiquer : A. Rayez24, P. Cochois25, R. Deville26, M. Dupuy27, etc. On peut dire que le concept d’« École française » a été assez vite admis, même si c’est pour le nuancer, mais que l’expression n’a vraiment été consacrée qu’après guerre avec, toujours, cependant, d’importantes réserves.
Aux origines de l’expression
- 28 Jean Dagens, Maurice Nédoncelle , Entretiens sur Henri Bremond, Paris-La Haye, Mouton, 1967, pp. 11 (...)
14Plus que le concept, c’est l’expression qui semble gêner. Il vaut alors la peine de se demander d’où elle provient. Voyons d’abord comment Bremond a pris conscience de l’existence de l’ensemble qu’il va dénommer ainsi. C’est pendant ses premières années de scolasticat que Bremond a lu les spirituels français du XVIIe siècle et qu’il a pensé à les étudier, mais d’abord d’un point de vue exclusivement littéraire. Il s’est intéressé assez naturellement en premier lieu aux jésuites, Saint-Jure, Surin, Lallemant peut-être un peu plus tard. Mais il a, un temps, hésité entre les spirituels anglais et français. Ce n’est qu’entre 1900 et 1904 qu’il se serait progressivement détaché de l’idée de faire une étude approfondie des Anglais. Il connaissait Barrès depuis 1900, l’ayant rencontré sur un échafaudage du Parthénon alors en restauration, mais, d’après Blanchet, cela s’est fait indépendamment de lui28.
15C’est, semble-t-il, dans un deuxième temps qu’il a vraiment rencontré les spirituels non jésuites. Dans un article des Études de juin 1900, repris comme épilogue de L’Inquiétude religieuse (1901), il remarque :
- 29 Études, juin 1900, p. 644, et L’Inquiétude religieuse, Paris, Perrin, 1901, p 329.
« Aucun siècle n’a eu peut-être une dévotion plus intense et plus tendre au Verbe incarné que celui des Bérulle et des Condren, des Olier et des Bossuet, des Saint-Jure et des Surin […]. Le contraste même est assez piquant entre la gravité solennelle de leur vie et la grâce aimable des prières et des dévotions que la vénérable Marguerite de Beaune leur avait apprises »29.
- 30 André Blanchet, Henri Bremond…, op. cit., p. 94.
- 31 Cité par Émile Goichot, Henri Bremond…, op. cit., pp. 62-63.
16C’est apparemment la première fois qu’il prête ainsi attention à Bérulle. Peut-être l’a-t-il découvert grâce à l’abbé Huvelin, directeur spirituel du baron von Hügel que Bremond rencontre pour la première fois en février 189930. Mais il n’entrevoit sans doute pas encore la place qu’il lui attribuera dans le développement de la spiritualité du XVIIe siècle. En 1908, il prévoit une œuvre dont l’étude de François de Sales sera le prélude « au grand épanouissement mystique sous Louis XIII : Bérulle, Condren, Olier, Vincent de Paul »31. Bremond semble ne se rendre compte qu’assez tardivement de l’importance de Bérulle ; en mars 1909 il demande conseil à Huvelin après ses découvertes de lecture :
- 32 Ibidem, p. 65.
« Je crois, à plusieurs indices, découvrir chez les hommes de ce temps, et notamment chez les premiers oratoriens, une sorte de réaction contre saint François de Sales. On félicite unanimement Bérulle et Condren d’avoir réinventé le ‘respect de Dieu’ et la politesse dans la religion »32.
- 33 Ibidem, op. cit., pp. 66-67.
- 34 Ibidem, p. 70.
- 35 Henri Bremond, Maurice Blondel, Correspondance, annotée par André Blanchet, Paris, Aubier, 1970-197 (...)
- 36 Émile Goichot, Henri Bremond…, op. cit., pp. 108-109.
- 37 Henri Bremond, Maurice Blondel, Correspondance, op. cit., t. 2, p. 333.
- 38 Émile Goichot, Henri Bremond…, op. cit., p. 109.
17Entre le printemps 1911 et l’été 1912, Bremond isole un « groupe Bérulle, puis Condren et les principaux », qu’il différencie du groupe Acarie, du groupe salésien et du groupe plus actif de Vincent de Paul33. Le projet n’est donc pas encore tout à fait fixé : dans le tome trois, Vincent de Paul sera rattaché à Bérulle. Ce dernier disparaît d’ailleurs d’une ébauche de septembre 1913, où les « grands mystiques » du tome 3 sont Condren, Olier, Surin, Bernières, Renty34. Bremond hésiterait-il encore sur l’importance de Bérulle ? En mai 1916, en revanche, il est décidé : « tout le t. III sera consacré à l’école Bérulle-Condren » et il prévoit un plan en dix chapitres, bien plus vaste que le plan définitif, puisqu’il va jusqu’à Malebranche et Bossuet ; il débute par un chapitre sur Bérulle et l’Oratoire35. Dans la version définitive, cela donnera un chapitre sur Bérulle, un sur sa doctrine, un sur l’Oratoire : le projet va donc considérablement s’amplifier, preuve que Bremond n’a pas encore pris, en 1916, toute la mesure de Bérulle. Il commence d’ailleurs par rédiger le chapitre sur Condren, en avril 1916, puis passe à Saint-Cyran, à Mère Antoinette de Jésus, à Lallemant ; il ne travaille à Bérulle qu’à partir de la fin septembre36. Le 11 décembre 1917, il peut annoncer à Blondel : « J’achève le grand chapitre Bérulle [n’aurait-il pas encore de titre ?] que nos bons pères goûteront peu. »37. La même année, une lettre à Monbrun, à propos de Saint-Cyran, utilise l’expression « École française »38. D’où provient-elle ?
- 39 Irénée Noye, « L’héritage bérullien dans la Compagnie de Saint-Sulpice. Enquête bibliographique », (...)
- 40 Publiée en septembre 1913 dans la revue de Toulouse Le Recrutement sacerdotal.
18En théorie, le problème est assez facile à résoudre. L’expression semble née dans les années 1850 autour du sulpicien Baudry ou de l’académie littéraire présidée par Jules Hugo. On la retrouve en 1890 dans une controverse entre la Correspondance catholique de Bruxelles et le supérieur général de Saint-Sulpice, M. Icard ; pour la revue belge, elle désigne « l’École pieuse de Saint-Sulpice »39. Mais il n’est pas sûr que Bremond ait connu ces premiers emplois de l’expression. Il l’a sans doute reprise du sulpicien Letourneau, bon connaisseur de la spiritualité du XVIIe siècle, avec qui il est en relations depuis plusieurs années. Celui-ci l’utilise, notamment dans une conférence de 1912 publiée l’année suivante, intitulée : « Les écoles de spiritualité. L’école française du XVIIe siècle »40, et où il est question des auteurs spirituels des XVIIe et XVIIIe siècles utilisés pour la formation dans les séminaires tenus par les sulpiciens, les oratoriens, les eudistes et les lazaristes.
- 41 Histoire littéraire…, op. cit., t. 3, p. 3.
- 42 Voir par exemple les œuvres de piété 170, 287 (espagnol), ou 342 (italien) : Pierre de Bérulle, Œuv (...)
19Mais le problème n’est pas si simple. Pourquoi, en effet, Bremond a-t-il repris précisément cette expression, et pas une autre ? Cela correspond-il à des critères scientifiques ? Lui-même s’en explique rapidement : « Il va sans dire qu’en un sens elles le sont toutes [françaises], les écoles s’entend, qui font l’objet du présent travail. Mais enfin, doctrine ou méthode, on ne trouve rien chez les autres, qui paraisse proprement, spécifiquement français. Le jésuite Lallemant pouvait aussi bien nous venir d’Espagne, François de Sales d’Italie et Jean de Bernières du pays flamand. Bérulle, au contraire, est tout nôtre, et Condren, et leur disciple authentique, Jacques-Bénigne Bossuet »41… ce qui ne peut que laisser perplexe un lecteur d’aujourd’hui, surtout quand on sait que le premier ouvrage de Bérulle est une adaptation de l’Abrégé de la perfection chrétienne du jésuite italien Gagliardi et qu’il lui arrive d’écrire et, sans doute, de penser en espagnol ou en italien42 ! Mais Bremond n’a connu le premier fait qu’après coup et a sans doute ignoré le second. Il est en réalité probable, comme le laisse entendre l’explication qu’il donne lui-même, que le nationalisme de Bremond lui ait fait rechercher un caractère spécifiquement français aux auteurs qu’il apprécie le plus.
- 43 « Le roman de la poésie française », Études, octobre 1900, pp. 208-210.
- 44 André Blanchet, Henri Bremond…, op. cit., pp. 144 s.
- 45 Préface à Maurice Barrès Vingt-cinq années de vie littéraire. Pages choisies, Paris, Bloud et Cie, (...)
- 46 Maurice Barrès, Vingt-cinq années de vie littéraire…, op.cit., pp. 313-321.
20Ce nationalisme ne fait aucun doute et apparaît même aujourd’hui assez gênant. Ainsi, en octobre 1900, Bremond rend compte dans les Études du livre de Maurice Barrès, L’Appel au Soldat. Il explique : « Le but de ce livre est, en effet, de nous faire constater l’existence des énergies françaises, trésor latent, source profonde, vie inconsciente de la nation ». Et de citer des passages de Barrès montrant que la France a « une vie propre, un caractère, des destinées », « des façons de sentir » ; c’est « un territoire où les hommes possèdent en commun des souvenirs, des mœurs, un idéal héréditaire », un « fonds moral ». Il conclut sur la nécessité d’un « combat acharné contre les adversaires mortels des énergies françaises, qui sont les parlementaires, les universitaires, les protestants et tous ceux qui ont pris le nom d’intellectuels »43. L’année suivante, Bremond se fait agent recruteur au bénéfice de l’Action Française, signalant à Maurras des jésuites que le mouvement pourrait intéresser – une Action Française qui, il est vrai, n’existe que depuis deux ans et n’est pas encore ce qu’elle deviendra plus tard44. En 1908, dans l’introduction qu’il donne à un recueil de textes de Barrès, il cite avec faveur ce passage des Déracinés : » Les catholiques, qu’on chasse le plus possible du gouvernement, contre qui l’on gouverne, ce sont des gens du type français, et on leur substitue le plus possible des protestants et des juifs dont beaucoup possèdent encore des habitudes héréditaires opposées à la tradition nationale »45. Parmi les pages choisies par Bremond de cette anthologie se trouve l’introduction aux Scènes et Doctrines du Nationalisme où Barrès définit son nationalisme comme « l’acceptation d’un déterminisme » ; chaque nation a son génie propre ; l’accepter, se sentir fils de sa nation, c’est être nationaliste46.
21Bremond adhère sans conteste à ces idées. C’est pourquoi il peut si facilement découvrir un génie authentiquement français chez certains des auteurs qu’il étudie. Dans une période marquée par l’affrontement franco-allemand, ce nationalisme n’a rien d’étonnant. À l’heure où le souvenir des batailles anticléricales est encore vif, batailles vécues par Bremond qui a dû se former en Angleterre, découvrir des catholiques authentiquement français n’est certainement pas neutre. Ce contexte explique sans doute en bonne partie pourquoi l’école de spiritualité fondée par Bérulle ne peut être que française. N’oublions pas non plus la perspective apologétique : pour Bremond, il est important de faire découvrir au public laïc les racines catholiques de la France.
- 47 Histoire littéraire…, op. cit., t. 3, p. 3.
22Mais l’usage de cette expression a d’autres avantages. Bremond semble avoir hésité à parler d’école oratorienne, car « plusieurs de ses représentants n’appartiennent pas à l’Oratoire »47. L’expression ne serait donc pas juste ; elle serait peut-être gênante pour les membres des autres congrégations. Parler d’école bérullienne serait pire. Quand on se souvient de la place respective donnée par Mourret à Bérulle et à Olier, on voit mal comment Saint-Sulpice aurait pu accepter de devenir aussi facilement bérullien. École française est plus neutre et permet de mieux ménager les susceptibilités. Mais cela n’a rien de très scientifique, pas plus que le nationalisme.
- 48 Ibidem.
23N’insistons cependant pas trop sur ce point. Il est sans doute indispensable pour comprendre d’où vient l’expression « École française », mais celle-ci n’a pas une grande importance aux yeux de Bremond : « J’avoue bien, du reste, que des vues de ce genre, toujours contestables, ont peu d’importance, et je ne m’attarderai pas à les défendre »48. Et, sauf erreur de notre part, il n’utilise pas l’expression « École française » dans sa correspondance avec Blondel, alors qu’il parle de Bérulle, du « chapitre Bérulle », de « l’école Bérulle-Condren ». Il n’en reste pas moins qu’elle a fini par s’imposer et, nous le verrons plus loin, ce n’est pas sans poser quelques problèmes de méthode.
Les problèmes
- 49 André Blanchet, Henri Bremond 1865-1904, Paris, Aubier, 1975, p. 36.
- 50 Georges Minois, Histoire de l’athéisme, Paris, Fayard, 1998. Il intitule son chapitre VIII « L’enve (...)
24Bremond aime jouer avec les mots. Mais cela peut jouer des tours, à lui ou à ses lecteurs. Pris par la beauté d’une formule, il peut méconnaître une réalité que celle-ci lui masque. Et les historiens qui reprendront ses analyses risquent fort, eux aussi, de rester prisonniers des fausses évidences suggérées par le vocabulaire bremondien. On peut ainsi s’interroger sur les termes « invasion », « conquête ». Ne serait-ce pas un souvenir des disputes scolastiques vécues pendant le noviciat, de ces joutes oratoires auxquelles le jeune Bremond a pu se laisser prendre ? « Plus tard, nous fait remarquer son biographe, André Blanchet, il usera volontiers de titres belliqueux : l’Invasion mystique, la Conquête mystique, la Retraite des mystiques » ; il faudrait y voir un « mélange spécifiquement bremondien de sérieux et d’ironie »49. Mais cela n’introduit-il pas également en erreur ? On y voit l’image d’un catholicisme conquérant. N’est-il pas plutôt sur la défensive ? L’édit de Nantes permet aux réformés de se maintenir et la lutte continue sur le terrain de la controverse, à laquelle le jeune Bérulle a beaucoup contribué. Les libertins apparaissent comme une menace, ainsi qu’en témoigne La Doctrine curieuse des beaux esprits de ce temps du Père Garasse qui paraît l’année même (1623) où Mersenne évalue le nombre des athées parisiens à cinquante mille. Que son estimation soit très exagérée ne change rien à l’affaire : pour l’Église, le temps est aussi bien à la défensive et à la restauration d’un christianisme primitif qu’à la conquête. En utilisant trop rapidement ce vocabulaire guerrier, Bremond est resté prisonnier d’une historiographie triomphaliste qui voyait les grandes réalisations et les saints du XVIIe siècle sans en pressentir les ombres, « l’envers incrédule » exploré récemment par Georges Minois50. Il n’a pas contribué à en modifier la perception.
- 51 Germain Habert, Vie du Cardinal de Bérulle, 1646, 1ère partie, § 5.
- 52 Histoire littéraire…, op . cit., t. 3, p. 17.
- 53 Stéphane-Marie Morgain, La Théologie politique de Pierre de Bérulle (1598-1629), Paris, Publisud, 2 (...)
- 54 Sophie Houdard, « Sacerdoce et direction spirituelle. Le prêtre et la représentation du Corps mysti (...)
- 55 Christian Renoux, « Madame Acarie « lit » Thérèse d’Avila au lendemain de l’édit de Nantes», Carmes (...)
25Or ceci est dommageable même pour une histoire de la spiritualité. Celle de Bérulle a une forte dimension apologétique, ce qu’on ne peut considérer si l’on n’a pas pris la mesure des combats du XVIIe siècle. Une apologétique interne d’abord : le Discours de l’état et des grandeurs de Jésus (1623) est une justification du vœu de servitude. Apologétique externe ensuite. Bérulle est viscéralement anti-protestant, même s’il se détourne assez vite des controverses ; mais c’est que, pour lui, elles ne mènent à rien. C’est la spiritualité, la dévotion qui sont la meilleure arme contre la Réforme. Une de ses converties, Mademoiselle d’Abra de Raconis, future carmélite, affirme « qu’il [l’] avait plus gagnée par la piété chrétienne que par la foi catholique »51. Bremond reconnaît bien qu’« associer la piété au dogme, telle paraît bien en effet la grâce propre de Bérulle »52. Mais ne faut-il pas aller plus loin et faire l’hypothèse que toute la spiritualité bérullienne est, au moins en partie, une alternative au protestantisme ? Cherchant à définir la théologie politique de celui qui a peut-être été le principal rival de Richelieu, Stéphane-Marie Morgain a sans cesse rencontré le protestantisme dans la réflexion de Bérulle53. De même, quelle conséquence tirer de l’intérêt de Bérulle pour Descartes, pour sa volonté de fonder une nouvelle philosophie pouvant conduire à une connaissance certaine et indubitable ? La Réforme, comme le libertinage, sont facteurs de désordre, aux yeux de Bérulle ; ils décomposent la société chrétienne. La doctrine du corps mystique, si importante dans l’École française, ne peut-elle pas être analysée comme une tentative de recomposer la société en regroupant les fidèles autour des prêtres pour les lier à Dieu ?54 De même la spiritualité thérésienne, tant prisée par Bérulle, même s’il la comprend sans doute mal, peut être vue comme une tentative de résistance au protestantisme, les carmels réformés étant autant de forteresses habitées par des soldats d’élite en vue d’une reconquête catholique. C’est ce que retient Madame Acarie, la cousine de Bérulle, de sa lecture des œuvres de Thérèse d’Avila55 et Anne de Jésus, une des six carmélites ramenées en France, est prête à subir le martyre en terre d’hérésie.
- 56 Giuseppe De Luca, La Piété. Approche historique, Paris, Letouzey et Ané, 1995. Voir en particulier (...)
26Il ne s’agit là que de questions. Mais leur but est de montrer qu’en partant d’une autre analyse de l’histoire religieuse de l’époque, une étude sensiblement différente de la spiritualité est sans doute possible. Bremond, en se bornant à chercher le sentiment religieux qui se dégage des textes, en est difficilement capable. Son ami Giuseppe De Luca lui a d’ailleurs reproché une certaine intemporalité de ses analyses. En voulant découvrir partout la prière pure, la rencontre avec Dieu (ce qui est, au fond, le grand problème de Bremond, bien plus qu’une étude historique de la spiritualité), il tend à considérer l’homme comme un « animal religieux » dont l’ancrage dans le temps est finalement assez accessoire. Il ne voit pas comment l’époque à la fois informe et reçoit le discours spirituel56. Il se contente d’enregistrer l’intensité de la dévotion au Verbe incarné du premier dix-septième siècle et de noter la « révolution copernicienne » opérée par Bérulle. Ce qui intéresse Bremond, c’est l’expérience religieuse (notion très mal vue à l’époque, qui sent le protestantisme, et qui s’oppose au catholicisme d’après Vatican I valorisant la raison), le mysticisme, et non l’histoire. Les faiblesses de l’Histoire littéraire s’expliquent sans doute en partie par une histoire sans intérêt historique, sans problématique historique.
- 57 Histoire littéraire…, op. cit., t. 1, pp. XI-XXIII.
27Tous les mots de l’expression « École française de spiritualité » posent problème. École, tout d’abord. Cela semble être chez Bremond un concept très impressionniste, sans grand caractère scientifique. L’introduction méthodologique de l’Histoire littéraire ne dit pas comment il parvient à dégager des écoles, il se contente de remarquer que ses lectures lui ont donné la conviction qu’un vaste courant, dévot et mystique, caractérise la première moitié du dix-septième siècle57. Le début du tome 3 n’est pas beaucoup plus explicite, même si Bremond se montre très affirmatif :
- 58 Ibidem, t. 3, pp. 3-4.
« J’ajoute que ce mot d’école, nous le prenons ici au sens rigoureux. Aucun des groupes que nous étudierons après celui-ci, ne présente une cohésion aussi parfaite, une telle unanimité. De Bérulle, né sous Henri III, à Grignion de Montfort, qui mourra sous la Régence, ils se tiennent tous, ils ne font qu’un […]. Tous ils s’appliquent uniquement à exploiter les magnifiques prémisses posées par le cardinal de Bérulle »58.
28Mais sa méthode ne lui permet que de constater des thèmes communs, des rapprochements, une certaine parenté de vocabulaire, de ton (il consacre un paragraphe aux « O de Bérulle et de Bossuet »), une méditation des mêmes textes de l’Écriture. Ses lectures innombrables, sa bonne connaissance de la littérature spirituelle du dix-septième siècle (mais aussi du dix-neuvième) lui permettent d’avoir des vues très pertinentes et de retrouver une unité mais aussi des différences avec d’autres courants qu’un lecteur moins averti ne découvriraient pas. Mais cela suffit-il pour parler d’école ? Au sens strict, il faudrait postuler l’existence d’un ensemble de personnes se réclamant d’un même maître et professant les mêmes doctrines.
- 59 Bernard Hours, « Quelques remarques sur le Carmel et l’École française de spiritualité », Théophily (...)
29Pour le vérifier, il faut sans doute faire une autre analyse des textes spirituels et recourir à des sources différentes. Il serait nécessaire de savoir si tous ceux que Bremond fait entrer dans l’École française font consciemment référence à Bérulle ou l’ont personnellement connu. Or les œuvres de Bérulle ont très vite été oubliées : peu d’éditions dans la deuxième moitié du XVIIe siècle, une seule au XVIIIe (des Elévations à Dieu publiées en 1766 par Jean-Martin Moye). Dès 1644, Bourgoing se plaint de cet oubli dans la Préface qu’il donne aux Œuvres complètes de Bérulle, qui n’auront d’ailleurs que deux rééditions, en 1657 et en 1665, et qui seront peu diffusées en dehors du Carmel et de l’Oratoire. La biographie de Bérulle par Germain Habert n’a aucun succès et son procès de canonisation, entrepris en 1648, tourne court. Les lettres circulaires et les inventaires de bibliothèques des carmels montrent que les religieuses ont accès aux œuvres des maîtres de l’École française (mais pas toujours à Bérulle lui-même), que certaines ont une dévotion nettement marquée par des thèmes bérulliens. Mais généralement cela ne constitue qu’une petite partie de la spiritualité des carmels français59. Vincent de Paul ne cite presque jamais Bérulle, Jean Eudes et Grignion de Montfort pas davantage.
- 60 Sur ces points, et ceux évoqués au paragraphe précédent, je me permets de renvoyer à mon École fran (...)
30On pourrait également s’intéresser aux sources scripturaires ou patristiques de nos auteurs. Bérulle cite surtout le Nouveau Testament, particulièrement les épîtres pauliniennes et l’Évangile de Jean. Les Pères grecs ont une grande importance chez lui. Condren et Jean Eudes semblent s’intéresser globalement aux mêmes textes, avec peut-être plus d’attention portée à l’épître aux Hébreux. Mais Vincent de Paul est moins johannique et moins paulinien, Grignion de Montfort se réfère davantage à l’Ancien Testament et, dans le Nouveau, il cite assez peu Saint Jean60.
31C’est pourquoi il me paraît préférable de ne pas parler d’école, mais de différencier la spiritualité de Bérulle, qui lui appartient en propre, le bérullisme, avec ce suffixe en « isme » qui montre toujours à la fois une référence consciente à un maître et une infidélité inconsciente, et l’influence diffuse de Bérulle. Ceci éviterait d’imaginer un groupe homogène qui se contenterait d’exploiter les thèmes bérulliens, comme l’avance imprudemment Bremond. Les hommes qui le composent ont leurs préoccupations propres, l’éducation dans les séminaires pour certains, une extrême attention aux pauvres pour d’autres, le souci de la mission pour d’autres encore, qui les amènent à infléchir le discours bérullien dans des sens différents et à être attentifs à d’autres maîtres spirituels. Ce n’est qu’ainsi, me semble-t-il, qu’on peut rendre compte de l’éclatement et de la disparition du bérullisme dans la deuxième moitié du dix-septième et au dix-huitième siècle. C’est aussi le moyen de sortir des disputes sans fin sur la spiritualité de sociétés comme la Compagnie du Saint-Sacrement (ignatienne ou École française ?) ou la Société des Missions Étrangères, ou encore sur les « jésuites bérulliens ».
- 61 Paul Cochois, Bérulle initiateur mystique. Les vœux de servitude, thèse dactylographiée, Institut c (...)
32Autre terme contestable, « française ». Nous en avons déjà parlé, pour déterminer son origine. Mais il faut également dire un mot sur les conséquences négatives de son emploi. Il postule qu’il n’y a pas à rechercher d’influence étrangère sur le bérullisme, ou qu’il ne pourrait s’agir que d’une influence très marginale, réinterprétée de plus à la française. Or ceci est très discutable. Il est significatif que Bremond ne se soit guère intéressé aux sources. Il n’a donc pas vu toute l’importance des traductions des néo-platoniciens en français dans les années 1580, quand Bérulle se forme. La pensée dionysienne sous-tend de nombreuses œuvres du début du XVIIe siècle, en particulier celles de Bérulle, comme l’a montré, de manière cependant sans doute trop systématique, Paul Cochois61 ; Bremond n’en a rien su.
- 62 Jean Orcibal, La Rencontre du Carmel thérésien avec les mystiques du Nord, Bibliothèque de l’École (...)
- 63 Jean Dagens, Bérulle et les origines de la restauration catholique (1575-1611), Paris, Desclée de B (...)
33Il a entrevu le rôle des chartreux, particulièrement de Dom Beaucousin, dans l’introduction des mystiques rhéno-flamands : La Perle évangélique, Ruysbroeck, Tauler, Denis le Chartreux, etc. ; mais il ne s’y attarde pas. On peut en dire de même de l’influence franciscaine, par le biais des capucins, notamment Canfield. Malgré les rapports assez étroits entre Bérulle et les jésuites, malgré les Exercices spirituels, malgré surtout l’importance accordée au Carmel, Bremond n’accorde guère de place à une éventuelle influence espagnole. Or une des particularités de la France de ce début de dix-septième siècle est d’être un point de rencontre entre des spiritualités d’origine très différente. La mystique abstraite du Nord côtoie et dialogue avec la christologie espagnole62. Mais c’est, plus largement, toute la spiritualité européenne qui est présente, comme le montre l’étude de Dagens sur la formation de Bérulle et son précieux répertoire de cette littérature63. N’accordant que peu d’importance aux sources, Bremond a ainsi minimisé l’importance des influences étrangères sur Bérulle et il a pu avancer la notion d’École française de spiritualité.
- 64 Émile Goichot, dans Jean Dagens, Maurice Nédoncelle, Entretiens sur Henri Bremond, op. cit., p. 12. (...)
- 65 Leszek Kolakowski, Chrétiens sans Église. La conscience religieuse et le lien confessionnel au XVII(...)
- 66 Histoire littéraire…, op. cit., t. 1, p. XIII.
34Il n’en reste pas moins que Bérulle est Français, que ses disciples sont Français, que son influence s’est surtout fait sentir en France. Mais plutôt qu’invoquer un génie français, un caractère, une manière de sentir, comme pense les percevoir Maurice Barrès, il est nécessaire de s’interroger sur la place particulière de la France en Europe. On est ainsi convié à une histoire culturelle, largement amorcée par les travaux de Jean Dagens, qu’il faudrait pouvoir comparer avec des études analogues sur d’autres pays européens. La France semble, à cette époque, davantage un creuset culturel que l’Italie, l’Espagne, l’Angleterre ou les territoires de l’empire. Autre particularité française, dont il a déjà été question, la présence d’une minorité protestante active et protégée par la loi depuis l’édit de Nantes. Cela ne peut pas laisser insensibles des dévots souvent issus des milieux ligueurs du siècle précédent. Bien plus qu’un génie, il y aurait plutôt une spécificité de la France du premier dix-septième siècle, qui pourrait rendre compte de Bérulle, mais aussi des jésuites dits bérulliens et qui ne représentent peut-être qu’un courant français de la tradition ignatienne, où la mystique nordique se mêle aux influences espagnoles et italiennes, qui expliquerait également l’originalité de certains dominicains découverts par Bremond, Chardon ou Piny par exemple. La spiritualité, enfin, vue par Bremond, pose problème. Il semble en avoir eu une idée assez large. Dans ses Cahiers, Barrès indique que, pour Bremond, il faut « chercher le sentiment religieux ailleurs que chez les mystiques proprement dits, par exemple en France chez Rousseau, en Angleterre chez G. Eliot », chez Pascal, George Sand, Veuillot, Carlyle, Newman également64, c’est-à-dire pour beaucoup d’entre eux des gens détachés de l’Église, des libres penseurs, d’après Barrès, des « prophètes du dehors », selon Bremond, analogues aux « Chrétiens sans église » étudiés par Kolakowski65 (mais il est intéressant de noter que cet auteur consacre tout un chapitre à Bérulle), des protestants libéraux ou des catholiques de diverses tendances. Bremond aurait ainsi ouvert la voie à une histoire non confessionnelle de la spiritualité et sans doute permis des rapprochements inattendus mais fort instructifs. Sa bienveillance dans la critique littéraire permet de penser qu’il en aurait été capable. Pour en revenir à une question plusieurs fois abordée, il aurait sans doute découvert des points de contacts entre certains spirituels protestants et Bérulle, malgré leurs différences évidentes, et aurait ainsi permis de progresser dans notre connaissance des sensibilités religieuses. Mais ce n’est pas ce qu’il a fait dans son Histoire littéraire, à cause sans doute de l’ampleur de la tâche. Il précise bien, au début de sa grande entreprise, qu’il n’étudiera que des catholiques et non l’ensemble du XVIIe siècle religieux66. Peut-on sérieusement le lui reprocher ? Mais il serait à souhaiter que ce travail soit entrepris.
- 67 Histoire littéraire…, op. cit., t. 1, pp. XI-XXIII.
35Il peut être utile de relire les principes méthodologiques posés par Bremond lui-même. Il veut ne faire qu’une histoire littéraire, et non une histoire tout court. Cela signifie qu’il utilise des sources exclusivement littéraires et qu’il ne se sert d’aucune pièce d’archive. Dans les ouvrages étudiés, il recherche non le mérite littéraire, la valeur esthétique, ce qui lui fait négliger la plupart des poètes et des prédicateurs, mais la vie intérieure de l’auteur. De ces auteurs, il ne retient pas tout, mais seulement leur insistance sur telle ou telle dévotion. Aussi utilise-t-il deux types d’écrits, les biographies et les traités didactiques, qu’il veut éclairer l’un par l’autre ; ainsi les traités d’Olier doivent-ils toujours être lus en parallèle avec la Vie de Condren d’Amelote. Il lui faut trouver les textes les plus significatifs. Le critère utilisé est celui du rayonnement exercé, même si l’auteur étudié est aujourd’hui totalement oublié ; il accorde également une place à ceux qui préparent ou qui relaient l’action des maîtres. Ce qui l’intéresse, en définitive, c’est la vie mystique, l’action et l’influence des mystiques ; mais il n’entend pas faire œuvre spéculative et disserter sur l’expérience mystique67.
- 68 Préface à Maurice Barrès, Vingt-cinq années de vie littéraire…, op.cit., p. XXXVIII, note 2.
- 69 Ibidem, p. LXV.
- 70 Émile Goichot, Henri Bremond…, op. cit., p. 57.
- 71 Histoire littéraire…, op. cit., t. 1, pp. XXI-XXII.
36Cette déclaration d’intention appelle plusieurs remarques. Tout d’abord sur la notion d’histoire littéraire. Pour Bremond, une analyse littéraire n’a pas à être rigoureuse. Elle résulte plutôt de l’impression que fait une œuvre sur un lecteur cultivé. C’est du moins ce que l’on peut inférer d’une note consacrée au génie de Barrès : « Qu’il me soit permis d’indiquer à ce propos qu’une étude attentive du lexique barrésien confirmerait, je crois, les conclusions littéraires de la présente étude »68. L’analyse du vocabulaire employé par un auteur n’appartient pas à la critique littéraire. La tâche de celle-ci est de « définir et de peindre »69. Bremond excelle à peindre, il définit moins bien. Il aurait pourtant eu l’idée, lorsqu’il avait vingt ans, d’une thèse sur l’intérêt littéraire et grammatical de la littérature dévote du XVIIe siècle70 et la fin de son introduction méthodologique signale l’intérêt des auteurs spirituels pour l’évolution de la langue71. C’est à un élève de Blondel qu’il conseille d’étudier le lexique bérullien, avec des remarques fort judicieuses :
« A mon avis, c’est un des hommes qui ont le plus travaillé à enrichir la langue dévote, et indirectement la langue tout court […] il écorchait les vieux mots, les vidait de leur contenu et les remplissait d’un autre : impossible que cela (accepté, répandu docilement par les 10 000 disciples) n’ait pas eu d’influence. »
- 72 Henri Bremond, Maurice Blondel, Correspondance, op.cit., t. 2, p. 335.
37Il suggère également de voir chez Bérulle la différence entre les états qui demeurent et les actes du Christ, pour mieux fonder la distinction entre ascétique et mystique : Bérulle ne veut pas (contrairement aux jésuites) poser des actes, mais s’imbiber des états du Verbe72. Pour Bremond, « histoire littéraire » signifie simplement que l’étude repose sur des documents d’ordre littéraire. C’est ce qu’il avoue dans une lettre à Monbrun :
- 73 Lettre du 18 septembre 1913, citée par Émile Goichot, Henri Bremond…, op. cit., p. 75.
« Histoire littéraire voulait surtout dire que je m’en tenais aux seuls documents de cet ordre, n’ayant ni le courage, ni les moyens d’aborder l’immense enquête sur le chiffre des communions, les pèlerinages, etc. à quoi il faudrait trois vies. »73
- 74 Fernando Guillén Precker, « État » chez le Cardinal de Bérulle, Rome, Université Grégorienne, 1974.
- 75 Charles A. Whannou, Subsistence chez Bérulle, Église de Porto-Novo, 1993.
- 76 Anne Ferrari, Figures de la contemplation. La « rhétorique divine » de Pierre de Bérulle, Paris, Ce (...)
38On peut le regretter. Des travaux portant précisément sur le vocabulaire ou le style de Bérulle ont en effet apporté récemment beaucoup de choses sur notre connaissance de sa spiritualité. Ainsi l’analyse de la notion d’état montre comment, pour Bérulle, chaque mystère révèle un état de Jésus, qui met en lumière un mode de relation au Père qui est permanent ; ceci apparaît encore peu dans les premières Conférences aux oratoriens, mais est pleinement développé dans les œuvres de la maturité74. L’étude précise de l’emploi par Bérulle du terme de « subsistence » révèle également une évolution mais montre aussi combien la problématique de la participation divine, de la divinisation de l’homme par la médiation du Christ et par la voie de l’humilité, de l’abnégation et de l’amour est fondamentale75. Enfin une thèse récente sur la rhétorique de Bérulle montre comment il utilise l’écriture et en fait une démarche de contemplation, comment l’usage de figures de style comme les antithèses, les chiasmes, les oxymores ou de métaphores comme celles du Soleil ou du Phénix, étroitement apparentées au style baroque, expriment au mieux l’indicible et révèlent Dieu présent au cœur du monde76.
- 77 Yves Krumenacker, « La mission dans l’Oratoire de France au XVIIe siècle », Les missions intérieure (...)
39D’autre part, on peut se demander si le sentiment religieux d’une personne peut apparaître à travers les seuls documents littéraires. Il est évidemment tout à fait possible de ne l’étudier qu’à partir d’un seul type de source. Mais il faut alors être conscient des limites de l’entreprise. Ce que Bremond a cherché à faire à propos de Bérulle, c’est de dégager la vie intime qui transparaît dans ses œuvres. Ce n’est pas dégager la vie intime de l’homme Bérulle, car celle-ci s’exprime également dans ses actions. Bremond voit en partie le problème, quand il entreprend de croiser les biographies avec les traités théoriques ; mais, des biographies, il ne retient que ce qui concerne les dévotions. Or l’enseignement de Bérulle pourrait se réduire au désir de faire vivre Jésus en nous. C’est donc toute la vie qui reflète la spiritualité. Plus généralement, on peut se demander si toute spiritualité ne se définit pas autant par son caractère apostolique que par ses dévotions. Comment est-on apôtre de Jésus-Christ, dans quelle activité, qui peut être d’ailleurs simplement la prière, cela s’exprime-t-il ? Si l’histoire de la spiritualité a pour objet la manière dont la relation personnelle à Dieu transforme tout l’homme, l’ensemble des pratiques humaines doit être étudié. De ce point de vue, peut-on considérer, comme Bremond, que c’est bien la même spiritualité qui anime le missionnaire Le Jeune, le savant Malebranche et le curé de Saint-Sulpice Olier ? Peut-on, comme Bremond, considérer Batterel comme « vivante preuve » de la fidélité à l’école française parce qu’« il a presque de l’onction dès qu’il touche à la spiritualité oratorienne », alors que l’historien de l’Oratoire s’intéresse aux écrits de ses confrères, à leur dévotion, à leur esprit de prière, mais qu’il néglige presque totalement les missions qui faisaient vivre Le Jeune ou Le Fèvre ?77 Il y a sans doute des rapports étroits entre tous ces personnages, leurs dévotions sont certainement assez semblables. Mais ont-ils vraiment le même sentiment religieux, la même vision et le même rapport à Dieu ? On peut en douter. En s’en tenant aux témoignages littéraires sur les dévotions, Bremond a une conception assez étriquée de la spiritualité.
40Il faudrait aller encore plus loin. Faire l’histoire du sentiment religieux, ce n’est pas se restreindre à de grands personnages, à ceux qui ont produit des textes ou sur qui on a écrit. Bremond le sait, et il a l’idée de ce que pourrait être une analyse parfaitement rigoureuse en ce domaine. Dans L’Inquiétude religieuse il trace ce programme que n’auraient pas renié, bien plus tard, les initiateurs de la sociologie religieuse ou, encore plus près de nous, les historiens du livre, mais qu’il ne remplira jamais :
- 78 L’Inquiétude religieuse, op. cit., p. 335.
« Il n’est pas indifférent, par exemple, de savoir quelles ont été les variations du goût public et de la mode dans la rédaction des livres de prières ; quel a été le nombre d’éditions d’ouvrages […], dans quelle province et à quel moment ces livres ont eu le plus de succès ; quel est l’appoint de chaque diocèse aux œuvres générales ; ce qui se passe, par le menu, dans les innombrables associations et tiers-ordres répandus dans le monde entier. Puisqu’il s’agit d’une enquête sérieuse, rien n’est inutile, aucun renseignement n’est à dédaigner »78.
41Il arrive à Bremond de comparer sa méthode à une autre possible :
- 79 Histoire littéraire…, op. cit., t. 9, p. 291.
« Au demeurant, je dois avouer ici une fois de plus l’insuffisance de ma méthode. Elle n’apporte pas de statistiques ; elle tâche de recréer une atmosphère spirituelle. Chacun sa besogne ; la nôtre se borne au choix et à la manipulation critique des indices proprement littéraires. »79
42Toute la question est de savoir si, procédant ainsi, on ne déforme pas la réalité. Cette dernière citation de Bremond a sa place dans un tome consacré à « La vie chrétienne sous l’Ancien Régime », dans un passage sur le mariage. La critique est alors aisée. Pour un historien actuel, il est évident que parler du mariage au XVIIe siècle à partir des seules sources littéraires est très insuffisant et ne permet sûrement pas de savoir grand chose sur la spiritualité conjugale des couples de l’époque.
43Bremond a donc ses limites. Faut-il s’en étonner ? Qu’on puisse en discuter, au bout de presque quatre-vingts ans, est plutôt signe de bonne santé pour une œuvre. Il est inutile de reprendre en détail toutes les critiques qu’on peut lui formuler, tous les problèmes qu’il soulève. Remarquons plutôt qu’il a été conscient de beaucoup d’entre eux et qu’il a lancé des pistes, suggéré d’autres travaux qu’il n’a pas pu ou voulu effectuer lui-même. Plusieurs ont été réalisés et se sont révélés très riches, nous l’avons quelquefois signalé. Il faut à présent dépasser Bremond. Nous avons déjà indiqué quels sont les points qu’il nous paraît important de développer. Ce qui nous semble essentiel, c’est d’ancrer davantage la spiritualité dans son époque et de dépasser les clivages confessionnels. On pourrait ainsi s’orienter vers une histoire de la sensibilité, dont le sentiment religieux apparaît comme une composante plus ou moins importante selon les individus. En retour, on peut espérer une vision plus fine et plus riche de la spiritualité. Celle-ci doit être analysée en rapport avec des pratiques. Couper l’homme en deux et ne considérer de lui que ses sentiments, sa dévotion, c’est le mutiler, c’est refuser de voir le va-et-vient constant entre la pratique et la réflexion, c’est se condamner à ignorer la contradiction hautement révélatrice qu’il peut quelquefois y avoir entre elles. Il semble clair, aujourd’hui, que Bérulle et ses disciples ont une spiritualité baptismale, qu’ils font de tous les chrétiens, de par leur baptême, des êtres « capables de Dieu », pouvant vivre de Jésus-Christ. Pourtant tous se sont intéressés davantage aux prêtres, et beaucoup de leurs successeurs ne se sont consacrés qu’à la formation des prêtres. Ceci n’est-il pas révélateur du cadre mental et des besoins d’une époque ?
44L’heure, enfin, n’est plus à l’étude exclusive des « grands hommes », c’est-à-dire à ceux qui ont publié ou dont on a publié la vie, même si le genre biographique refleurit et si un certain nombre de livres récents ont montré comment ce type d’ouvrages peut apporter quelque chose d’essentiel à notre réflexion. Dans le domaine difficile de l’histoire de la spiritualité, il faudrait pouvoir penser non en terme d’individus, considérant qu’une pensée est déformée, trahie ou au contraire enrichie par les disciples d’un maître, mais en terme de groupe. Quel est le milieu spirituel moyen d’un groupe, et comment évolue-t-il en fonction de ses besoins, comment se mêle-t-il au milieu spirituel d’autres groupes, pour recomposer un courant encore différent ? Les sources existent sans doute pour cela, mais il faut peut-être les découvrir et savoir les interroger. Nous avons déjà évoqué les bibliothèques, et dans le cas de religieuses les lettres circulaires. Bremond a pensé aux pèlerinages, à la diffusion des livres de prières. Autant d’études qui fleurissent actuellement. Elles devraient permettre une connaissance renouvelée de la société d’Ancien Régime et, plus précisément, des dévots, par l’exploration de la vie intime des hommes et des femmes qui la composent, cette vie intime qui préoccupait tant l’abbé Bremond.
Notes
1 Ce que je me suis efforcé de faire dans L’École Française de Spiritualité. Des mystiques, des fondateurs, des courants et leurs interprètes, Paris, Cerf, 1998.
2 Jean Orcibal, Saint-Cyran et le jansénisme, Paris, Seuil, 1961 ; Les Origines du Jansénisme, t. II, Paris, Vrin, 1947.
3 Chez Bloud & Gay ; deuxième édition en 1920.
4 Chez Hachette ; t. 6-2 par J.H. Mariéjol, t. 7 par E. Lavisse.
5 Mourret, p. 232.
6 Ibidem, p. 233.
7 Chez Bloud & Gay, 1924. Le tome 2 couvre le Moyen-Age et les temps modernes.
8 Pour une vision rapide de ces manuels du début du XXe siècle, voir Daniel Moulinet, « Regards sur les Histoires générales de l’Église publiées en France au cours du XXe siècle », Revue d’Histoire de l’Église de France, 2000, pp. 657-667.
9 p. 93.
10 Au Seuil. C’est le t. 2 qui est consacré aux XIVe-XVIIIe siècles.
11 La Vie Spirituelle, mars 1926, p. 671.
12 Un dossier de textes se trouve dans mon École française de spiritualité, pp. 36-38.
13 Pierre Pourrat, Le Sacerdoce. Doctrine de l’École française, Paris, Bloud & Gay, 1931.
14 Histoire du Christianisme, t. 12, Paris, Desclée-Fayard, 1990, pp. 186-187, qui se réfère à Joseph Rogé, Le Simple prêtre, Tournai-Paris, Casterman, 1965.
15 Histoire littéraire du sentiment religieux, t. 1, Paris, Bloud & Gay, 1916, p. XII (« Objet, sources, méthodes et divisions ») et VI (« Avant-propos »).
16 Denis Richet, De la Réforme à la Révolution. Études sur la France moderne, Paris, Aubier, 1991.
17 Jacques Solé, Le débat entre protestants et catholiques français de 1598 à 1685, Paris, Aux Amateurs de Livres, 1985.
18 Denis Crouzet, Les guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de religion vers 1525 - vers 1610, Paris, Champ Vallon, 1990 ; Id., La nuit de la Saint-Barthélémy. Un rêve perdu de la Renaissance, Paris, Fayard, 1994
19 Pp. 101-102. Cité par Émile Goichot, Henri Bremond historien du sentiment religieux, Paris, Ophrys, 1982, p. 97.
20 La Spiritualité chrétienne, t. 3, 1ère partie, Paris, Gabalda, 1925.
21 Les Écoles de Spiritualité Chrétienne, Liège-Paris, Giraudon, 1928. Le chapitre sur la spiritualité de l’Oratoire (p. 152-180) est de L. Baudiment.
22 Émile Mersch, Le Corps mystique du Christ. Études de théologie historique, Louvain, Museum Lessianum, 1933.
23 Louis Cognet, Les Origines de la spiritualité française au XVIIe siècle, Paris, La Colombe, 1949 ; il restera fidèle à ce parti dans son Essor de la spiritualité moderne, Paris, Aubier, 1966.
24 Article « Française (école) » du Dictionnaire de Spiritualité (1953).
25 Bérulle et l’École française, Paris, Seuil, 1963.
26 L’École française de spiritualité, Paris, Desclée, 1987.
27 Article « Spiritualité » du Dictionnaire de Spiritualité (1990).
28 Jean Dagens, Maurice Nédoncelle , Entretiens sur Henri Bremond, Paris-La Haye, Mouton, 1967, pp. 11-12.
29 Études, juin 1900, p. 644, et L’Inquiétude religieuse, Paris, Perrin, 1901, p 329.
30 André Blanchet, Henri Bremond…, op. cit., p. 94.
31 Cité par Émile Goichot, Henri Bremond…, op. cit., pp. 62-63.
32 Ibidem, p. 65.
33 Ibidem, op. cit., pp. 66-67.
34 Ibidem, p. 70.
35 Henri Bremond, Maurice Blondel, Correspondance, annotée par André Blanchet, Paris, Aubier, 1970-1971, t. 2, pp. 292-293.
36 Émile Goichot, Henri Bremond…, op. cit., pp. 108-109.
37 Henri Bremond, Maurice Blondel, Correspondance, op. cit., t. 2, p. 333.
38 Émile Goichot, Henri Bremond…, op. cit., p. 109.
39 Irénée Noye, « L’héritage bérullien dans la Compagnie de Saint-Sulpice. Enquête bibliographique », Bulletin de Saint-Sulpice, 22, 1996, pp. 177-180.
40 Publiée en septembre 1913 dans la revue de Toulouse Le Recrutement sacerdotal.
41 Histoire littéraire…, op. cit., t. 3, p. 3.
42 Voir par exemple les œuvres de piété 170, 287 (espagnol), ou 342 (italien) : Pierre de Bérulle, Œuvres complètes, t. 4, Paris, Cerf, pp. 555, 594, 641.
43 « Le roman de la poésie française », Études, octobre 1900, pp. 208-210.
44 André Blanchet, Henri Bremond…, op. cit., pp. 144 s.
45 Préface à Maurice Barrès Vingt-cinq années de vie littéraire. Pages choisies, Paris, Bloud et Cie, 1908, p. LXXI.
46 Maurice Barrès, Vingt-cinq années de vie littéraire…, op.cit., pp. 313-321.
47 Histoire littéraire…, op. cit., t. 3, p. 3.
48 Ibidem.
49 André Blanchet, Henri Bremond 1865-1904, Paris, Aubier, 1975, p. 36.
50 Georges Minois, Histoire de l’athéisme, Paris, Fayard, 1998. Il intitule son chapitre VIII « L’envers incrédule du Grand Siècle ».
51 Germain Habert, Vie du Cardinal de Bérulle, 1646, 1ère partie, § 5.
52 Histoire littéraire…, op . cit., t. 3, p. 17.
53 Stéphane-Marie Morgain, La Théologie politique de Pierre de Bérulle (1598-1629), Paris, Publisud, 2001.
54 Sophie Houdard, « Sacerdoce et direction spirituelle. Le prêtre et la représentation du Corps mystique », L’image du prêtre dans la littérature classique (XVIIe-XVIIIe siècles), éd. par Danielle Pister, Berne, Peter Lang, 2001, pp. 109-120.
55 Christian Renoux, « Madame Acarie « lit » Thérèse d’Avila au lendemain de l’édit de Nantes», Carmes et carmélites en France du XVIIe à nos jours, éd. par Bernard Hours, Paris, Cerf, 2001, pp. 117-154.
56 Giuseppe De Luca, La Piété. Approche historique, Paris, Letouzey et Ané, 1995. Voir en particulier l’introduction d’Émile Goichot.
57 Histoire littéraire…, op. cit., t. 1, pp. XI-XXIII.
58 Ibidem, t. 3, pp. 3-4.
59 Bernard Hours, « Quelques remarques sur le Carmel et l’École française de spiritualité », Théophilyon, 1999, pp. 95-106.
60 Sur ces points, et ceux évoqués au paragraphe précédent, je me permets de renvoyer à mon École française de spiritualité, pp. 211-212, 215-217, 370-373, 409-414, 536-537.
61 Paul Cochois, Bérulle initiateur mystique. Les vœux de servitude, thèse dactylographiée, Institut catholique de Paris, 1960 ; « Bérulle et le pseudo-Denys », Revue de l’Histoire des Religions, 1961, pp. 173-204 ; « Bérulle, hiérarque dionysien », Revue d’ascétique et de mystique, 1961, pp. 314-353 ; 1962, pp. 354-375.
62 Jean Orcibal, La Rencontre du Carmel thérésien avec les mystiques du Nord, Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Paris, P.U.F., 1959.
63 Jean Dagens, Bérulle et les origines de la restauration catholique (1575-1611), Paris, Desclée de Brouwer, 1952 ; Bibliographie chronologique de la littérature de spiritualité et de ses sources (1501-1610), Paris, Desclée de Brouwer, 1952.
64 Émile Goichot, dans Jean Dagens, Maurice Nédoncelle, Entretiens sur Henri Bremond, op. cit., p. 12. L’indication provient de Maurice Barrès, Mes Cahiers, Paris, 1963, p. 139.
65 Leszek Kolakowski, Chrétiens sans Église. La conscience religieuse et le lien confessionnel au XVIIe siècle, Paris, Gallimard, 1969.
66 Histoire littéraire…, op. cit., t. 1, p. XIII.
67 Histoire littéraire…, op. cit., t. 1, pp. XI-XXIII.
68 Préface à Maurice Barrès, Vingt-cinq années de vie littéraire…, op.cit., p. XXXVIII, note 2.
69 Ibidem, p. LXV.
70 Émile Goichot, Henri Bremond…, op. cit., p. 57.
71 Histoire littéraire…, op. cit., t. 1, pp. XXI-XXII.
72 Henri Bremond, Maurice Blondel, Correspondance, op.cit., t. 2, p. 335.
73 Lettre du 18 septembre 1913, citée par Émile Goichot, Henri Bremond…, op. cit., p. 75.
74 Fernando Guillén Precker, « État » chez le Cardinal de Bérulle, Rome, Université Grégorienne, 1974.
75 Charles A. Whannou, Subsistence chez Bérulle, Église de Porto-Novo, 1993.
76 Anne Ferrari, Figures de la contemplation. La « rhétorique divine » de Pierre de Bérulle, Paris, Cerf, 1997.
77 Yves Krumenacker, « La mission dans l’Oratoire de France au XVIIe siècle », Les missions intérieures en France et en Italie du XVIe au XXe siècle, Chambéry, Bibliothèque des Études Savoisiennes, 2001, pp. 73-86.
78 L’Inquiétude religieuse, op. cit., p. 335.
79 Histoire littéraire…, op. cit., t. 9, p. 291.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Yves Krumenacker, « Henri Bremond et l’École française de spiritualité », Chrétiens et sociétés, 9 | 2002, 115-138.
Référence électronique
Yves Krumenacker, « Henri Bremond et l’École française de spiritualité », Chrétiens et sociétés [En ligne], 9 | 2002, mis en ligne le 26 mai 2016, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/4006 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.4006
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