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Réforme et transformation du paysage urbain dans le pays de Vaud

Sarah Pflug
p. 7-30

Résumés

Cet article traite de l’iconoclasme en Pays de Vaud et de la transformation du paysage urbain suite à l’installation de la Réforme par les Bernois en 1536. Il s’intéresse en particulier au devenir des bâtiments et édifices religieux, détruits, sécularisés, confisqués, réutilisés voire reconvertis pour le bien de la communauté, remettant ainsi au centre l’éthique protestante du travail et de l’utilité sociale et repoussant également hors des murs les cimetières et les morts. Il ne s’agit donc pas seulement de comprendre comment a fonctionné la purification de l’Église, mais de saisir à quel point ce réaménagement urbain correspond à une réorganisation sociale et politique. Pour comprendre ce processus et les différentes formes qu’il prit, Orbe et Lausanne peuvent servir d’exemples : le premier, petit bourg sujet de Fribourg et Berne, s’incline peu à peu face au poids des protestants et à la faveur d’un vote, décide d’embrasser la Réforme : les conséquences d’une telle décision ne tardent pas et, à Orbe comme ailleurs, les églises, de par leurs disposition, se réarrangent en temple, les couvents, monastères, prieurés, - désertés, abandonnés de force -, servent d’autres fins séculières, tournées vers la communauté civique, pour une utilisation laïque et publique. Enfin, la place des morts et des cimetières cristallise ce nouvel aspect des villes protestantes en les repoussant hors des murs et en interdisant le culte des morts. Perdant de leur importance dans l’économie du Salut et détachés de l’organisation sociale, les morts ne sont plus des citoyens à part entière, auxquels il faut vouer un culte ritualisé depuis des siècles ; les cimetières sont quant à eux déplacés, fermés, vidés, désacralisés. Ainsi les année 1530 témoignent des enjeux réformés et trouvent des répercussions concrètes et directes dans l’aménagement de l’espace urbain, qui sont pour certaines toujours visibles actuellement.

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Notes de l’auteur

Cet article a bénéficié des conseils d'Olivier Christin, professeur d'histoire moderne à l'université de Neuchâtel, que l'auteur remercie pour sa relecture attentive.

Texte intégral

  • 1 Parmi les études importantes sur l’impact de la Réforme, voir Eamon Duffy, The Stripping of the Alt (...)

1On le sait, le passage de certains territoires à la Réforme eut pour conséquence la remise en question du statut des clercs et plus précisément des réguliers, mais aussi la transformation, plus ou moins rapide et plus ou moins radicale, des lieux qu’ils avaient consacrés et destinés à un usage spécifique. Puisque Dieu était partout présent et pouvait être honoré partout dans le monde, à travers sa création, fallait-il continuer à entretenir, à grands frais pour les communautés et au prix d’abus mille fois décrits, d’immenses et d’innombrables bâtiments ? N’était-il pas plus sage de convertir les anciennes églises des papistes en temples débarrassés des idoles, mais aussi de trouver aux chapelles, couvents, monastères, prieurés, maisons canoniales, d’autres destinations, plus utiles ou plus bénéfiques aux communautés, et d’imaginer pour eux des usages civiques ? Monastères, couvents et abbayes connurent alors des destins différents, selon les autorités en place, l’utilité qu’elles pensaient pouvoir en tirer, la richesse et la valeur de ces constructions : écoles, hospices et hôpitaux, salles destinées aux corps de ville… ou simplement carrières de matériaux à la fois de bon marché et de grande qualité1.

  • 2 Yves Krumenacker (dir.), Lyon 1562, capitale protestante. Une histoire religieuse de Lyon à la Rena (...)
  • 3 Freya Strecker, Augsburger Altäre zwischen Reformation (1537) und 1635: Bildkritik, Repräsentation (...)

2Le paysage urbain en fut profondément transformé, faisant de la Réformation, et même des épisodes fugaces de conquête provisoire du pouvoir urbain par les protestants, un moment de mutation urbanistique et symbolique de première importance, que la gravure, la peinture et les récits de voyageurs allaient faire connaître et propager. On pense par exemple à Lyon, où les quelques mois de pouvoir calviniste en 1562-15632, entraînèrent un bouleversement du paysage de la ville : destruction du cloître et des maisons canoniales de Saint-Jean, création de nouvelles places, percement d’artères, etc., ou encore à Lausanne, où la présence bernoise dès 1536 modifia fortement l’aspect de la ville, voire même celui du Pays de Vaud tout entier. Les autorités réformées ne réglementèrent pas seulement les habitudes cultuelles et confessionnelles de la population, mais s’occupèrent également du devenir des édifices et du bâti religieux. C’est cette question, à la fois bien connue et rarement traitée, sauf dans le cas des intérieurs d’églises – notamment à Augsbourg3 – que nous allons traiter ici en prenant appui sur des exemples suisses relativement bien documentés.

D’un combat pour la foi à une politique

  • 4 Olivier Christin, Une révolution symbolique : l’iconoclasme huguenot et la reconstruction catholiqu (...)
  • 5 Voir Lee Palmer Wandel, Voracious idols and violent hands. Iconoclasm in Reformation Zurich, Strasb (...)
  • 6 Olivier Christin, Une révolution symbolique…, p. 112.
  • 7 Andreas Bodenstein von Karlstadt, Von abtuhung der bilder und das kein betdler unther den christen (...)

3L’une des marques les plus spectaculaires et surtout précoces de la diffusion et du triomphe des idées nouvelles fut la progression des gestes iconoclastes. Souvent perçues comme violentes et dénoncées comme telles par les catholiques et la majorité des réformateurs, ces actions très diverses contre les « idoles », « marmousets » et autres « Götze » ne furent pourtant pas toujours synonymes de destruction désordonnée, en particulier dans les régions où la Réforme fut « indigène », décidée par le gouvernement local et attendue par la population4. Très vite, certaines villes, comme Zurich, choisirent d’endiguer les gestes iconoclastes individuels et incontrôlés, et firent de l’iconoclasme une action politisée et politique, orchestrée par les nouvelles autorités. Le mouvement iconoclaste y fut ainsi l’un des mieux organisés et des plus précoces : les églises furent fermées, par décision du Conseil, entre le 20 juin et le 2 juillet 1525 afin de procéder à l’enlèvement des images5. La Réforme eut logiquement un impact très important sur l’environnement urbain zurichois : de nombreux édifices furent sécularisés, détruits, réutilisés, remis aux mains de la communauté, comme l’église conventuelle des Augustins qui devint un pressoir, ou encore la chapelle Saint-Jacques un atelier monétaire. On constate alors que l’iconoclasme s’apparente plutôt à « une politique urbanistique et à une vaste entreprise de sécularisation »6 qu’à quelques mouvements d’humeur de protestants isolés et haineux, et qu’il constitue une première représentation précoce de cette éthique protestante centrée sur le vrai travail et l’utilité sociale. Il s’agissait alors de faire passer lieux et choses de l’Église romaine d’un culte inutile à un usage bénéfique, dans le droit fil du pamphlet fondateur de Carlstadt7 qui avait lié abolition des images et disparition de la mendicité : les richesses thésaurisées des catholiques devaient enfin servir à soulager les vrais pauvres.

  • 8 Franz-Josef Sladeczek, « Entre destruction et conservation, l’iconoclasme de la Réforme bernoise (1 (...)
  • 9 Paul Reboulet, Jean de Labrune, Voyage De Suisse : Relation Historique Contenue en douze Lettres, é (...)

4Cet aspect essentiel de la Réforme se retrouve à de multiples reprises et eut comme conséquence de transformer les villes, jadis centrées autour des lieux à vocation religieuse, en terres de labeur. L’exemple de Berne, où les événements iconoclastes commencèrent tôt, dès 1523 déjà mais de façon isolée, permet d’illustrer ce point ; la question des images se posa immédiatement après l’adoption de la Réforme par le Conseil de Berne, soit le 26 janvier 1528 ; couvents, églises et objets précieux et liturgiques furent détruits, vidés, transformés, réutilisés en quelques jours à peine : le passage à la Réforme à Berne se fit « de manière brutale et radicale »8, puis se prolongea jusqu’en 1533-1534, années durant lesquelles le Conseil abolit finalement le culte des images dans les demeures privées. En parallèle, ce sont par exemple les anciennes propriétés des Jacobins qui sont sécularisées ; « Le Temple ou s’assemble l’Église Françoise & qui étoit autrefois l’Église des Jacobins, n’a rien qui approche de la beauté, ni de la somptuosité de la grande Église. C’est toutefois un fort beau Temple »9 ; les voyageurs Paul Reboulet et Jean Labrune complètent :

  • 10 Ibid., p. 59.

Vous vous imaginez bien sans doute que le Couvent des Jacobins n’étoit pas fort éloigné de ce Temple. Il étoit dans la même enceinte : Et c’est aujourd’huy une grande maison qu’on appelle la Discipline. On élève là les enfans Orphelins, qui n’ont aucun bien de leurs Peres. On y travaille en draps & autres étofes de laine. Et l’on y enferme certaines personnes qu’on ne sauroit dompter autrement10.

  • 11 Die Kunstdenkmäler des Kantons Bern, tome 5 « Die Kirchen der Stadt Bern : Antonierkirche, Französi (...)

5En effet, quelques mois seulement après l’entrée en vigueur de la Réforme, l’hôpital prit possession du couvent jacobin ; dans l’ancienne sacristie, les autorités installèrent une cantine pour les pauvres et les étudiants. Puis, à partir de 1657, l’établissement remplit plusieurs fonctions simultanées, orphelinat, foyer pour enfants difficiles, voire simple prison, où les occupants étaient formés et éduqués à divers travaux manuels11 ; c’est ainsi que Reboulet et Labrune découvrirent l’ancien couvent dominicain, symbolisant clairement l’installation définitive de la Réforme et de ses principes.

6Berne et Zurich permettent alors de comprendre à quel point l’iconoclasme recouvre des événements et des politiques complexes et multiples ; certes il fallait avant tout purifier l’Église, – et par extension, les lieux de culte, en faisant tomber les idoles, par la violence par voie de droit. Ce réaménagement peut se comprendre également comme une réorgani­sation sociale, une nouvelle manière de voir et de prévoir les relations entre les personnes et les institutions, et d’assigner aux différents groupes ainsi qu’aux individus des places bien précises : moins d’oisiveté – celle des clercs et des mendiants – et plus de contrôle social – par la mise en place d’écoles et d’hospices. L’iconoclasme présente de fait les caractéristiques contraires d’un épisode éphémère et violent.

7Dans le canton de Vaud, la question de l’iconoclasme et avec elle de la confiscation et de la sécularisation des biens d’Église se pose avec une acuité particulière. Elle prend des formes très variées, qui mettent en jeu un petit nombre d’acteurs et de principes (droit de propriété, reconnaissance des ayants droit, inaliénabilité, droit des communautés...). Les mutations urbanistiques et paysagères ont souvent été rapides, soudaines, et concernaient autant les bâtiments à proprement parler que les décorations, ornements et objets religieux disséminés en ville et ses alentours.

  • 12 Sur la conquête du Pays de Vaud, voir Jean-François Poudret, La Maison de Savoie évincée de Lausann (...)
  • 13 Voir Fabrice Flückiger, « Annexion, conversion, légitimation. La dispute de Lausanne et l’introduct (...)
  • 14 Une exception notable à cette promesse bernoise de rester tolérants – temporairement – fut Yverdon  (...)
  • 15 Pierre Viret s’installa au couvent de Saint-François à Lausanne en avril 1536 où il bénéficia de la (...)
  • 16 Collection de sources du droit suisse (désormais SDS). Canton de Vaud, Epoque Bernoise, Tome 1 : Le (...)

8La conquête du Pays de Vaud12 entreprise par Berne, et soutenue par Fribourg, en 1536, permit aux Bernois de s’emparer de l’essentiel de la région, dont Lausanne, siège épiscopal, ville sur laquelle nous reviendrons et d’engager les Vaudois dans une nouvelle manière de vivre sa foi et de concevoir les relations entre religion et pouvoir politique. Tant que la dispute de Lausanne13 ne fut pas organisée, Berne interdit les destructions et les actes iconoclastes sur son nouveau territoire qui froissaient les populations restées fidèles au catholicisme14 ; il fallait en effet que le peuple soit acquis à la cause réformée par la conviction de la vérité, non par la violence et la contrainte. La dispute de Lausanne allait servir ce but, bien que les résultats concrets aient pris plus de temps à être observés et nécessitèrent l’aide de nombreux prédicateurs pendant plusieurs décennies. Cependant, les Bernois firent très tôt, dès le printemps 1536, en sorte que le prêche évangélique soit autorisé et même très encouragé – afin que la population entende la vraie parole de Dieu et accepte la foi nouvelle –, les couvents interdits de recrutement, les messes limitées à une par jour. Les commissaires envoyés après la conquête firent le tour du Pays et jetèrent la base de leur politique en matière de religion : inventaire des biens ecclésiastiques, récupération des comptes des couvents et monastères, parfois mise sous séquestre, invitation et installation de prédicateurs réformés15. La conquête bernoise, et avec elle le triomphe programmé des idées nouvelles, déboucha quasi immédiatement sur la mise en route d’une politique de confiscation et de sécularisation aux enjeux juridiques et politiques complexes, loin de l’économie du pillage. Les Bernois semblaient ainsi préparer l’introduction de la Réforme, même si celle-ci nécessita le coup de pouce bienvenu de la dispute. Peu à peu acquis à la foi nouvelle, les Vaudois ne protestèrent pas lorsque le culte catholique fut officiellement interdit par les Édits de Réformation à la fin de l’année16. La désacralisation d’objets de dévotion, d’images et de lieux pouvait alors clairement s’exprimer : les quelques exemples qui suivent montrent que le processus fut plutôt rapide, afin d’ancrer au plus vite la vraie foi parmi les habitants.

  • 17 Sur Orbe et le Pays de Vaud, voir : Michael W. Bruening, Le premier champ de bataille du calvinisme (...)
  • 18 Mémoires de Pierrefleur, édition par Louis Junod, Lausanne, Éditions de la Concorde, 1933 ; ces mém (...)
  • 19 Olivier Christin, « Putting faith to the ballot » in Stéphanie Novak, Jon Elster (ed. by), Majority (...)

9Sur le territoire du Pays de Vaud, Berne administrait en commun avec Fribourg certains bailliages, dont celui d’Orbe depuis 1476. Dans ce petit bourg, la division confessionnelle, déjà sensiblement ressentie dès 1528 – année de l’adhésion de Berne à la Réforme – y fut plus visible et plus marquée après la campagne bernoise de 153617. En effet, majoritairement attachés à leurs pratiques religieuses traditionnelles, les citoyens et habitants d’Orbe constatèrent que le mouvement réformateur gagnait certains d’entre eux. Peu à peu, les protestants se firent plus nombreux – Pierre Viret, natif d’Orbe, n’y fut certainement pas étranger – avec comme conséquence la multiplication d’actes iconoclastes plutôt violents, souvent anonymes et régulièrement perpétrés de nuit. Pierrefleur, citoyen, notaire et gouverneur à plusieurs reprises, narre dans ses écrits18 l’avancée des idées réformatrices : celles-ci se traduisirent par des actions concrètes qui touchèrent et modifièrent le paysage : destruction d’images, d’autels, de statues, profanation de lieux saints, enlèvement de croix et de crucifix. Ces actes iconoclastes, d’abord fruits de partisans isolés de la nouvelle foi, furent ensuite le résultat de l’introduction officielle de la Réforme en 1554 ; les quelques édifices religieux dédiés au culte catholique ne résistèrent pas longtemps à la vague réformatrice, soutenue par Berne, les magistrats locaux et les nouveaux convertis. Le « Plus » en faveur du protestantisme voté par les habitants légitima alors l’entreprise iconoclaste amorcée vingt ans auparavant19. Par la suite les autorités procédèrent à la désacralisation et la sécularisation des édifices religieux, en particulier les établissements des réguliers, sur lesquels nous reviendrons.

  • 20 Carlos Eire, War against the Idols : the Reformation of Worship from Erasmus to Calvin, Cambridge, (...)
  • 21 Reboulet, Labrune, Voyage de Suisse..., op. cit., p. 15, qui complètent la description de façon pré (...)
  • 22 Jean-Baptiste Plantin, Abrégé de l’histoire générale de Suisse, Genève, Iean Ant. & Samuel De Tourn (...)

10Les premières formes de destruction en Pays de Vaud révèlent un point fondamental : s’attaquant principalement aux autels et aux crucifix, les iconoclastes souhaitaient accélérer l’abolition de la messe, l’un des fondements de la liturgie et du dogme de l’Église catholique le plus décrié par les réformateurs, et d’une certaine façon, en mettre en scène la disparition. Ce premier iconoclasme, celui des individus ou des groupes d’activistes cherchant à forcer le cours de l’histoire, au besoin par la force et les armes, prit donc une forme de « guerre aux idoles »20. Une fois le Pays de Vaud passé officiellement à la Réforme, l’iconoclasme devint l’affaire des autorités qui réglèrent cette question de façon analogue à Zurich, où, nous l’avons vu, la purification des lieux religieux se fit sous le contrôle du gouvernement et de ses magistrats. Les autorités cherchèrent à mettre fin à la violence révolutionnaire de l’iconoclasme, dont elles redoutaient le potentiel contestataire. Elles s’approprièrent l’iconoclasme légitime et purent avec lui mettre la main sur une partie des lieux de culte anciennement dédiés à la foi catholique, pour les aménager de façon à ce qu’ils servent la nouvelle confession. Les temples protestants prirent donc souvent leurs quartiers dans d’anciennes églises catholiques. Ainsi, à Lausanne même, le temple Saint-François, qui « étoit autrefois l’Église des Cordeliers »21, comme le soulignent les voyageurs Reboulet et Labrune, connut donc une deuxième vie, servant le culte protestant. Un autre exemple analogue, raconté par Jean-Baptiste Plantin dans son Abrégé de l’histoire générale de Suisse publié en 1666, concerne Montpreveyres – entre Moudon et Lausanne – où « il y avait autrefois un prioré. Ce qui reste des bâtiments de ce Prioré & de l’Église, c’est seulement le Chœur qui est vouté de Tuf, et sert de temple »22. Le baillage de Grandson, réformé, comptait deux églises : celle des Cordeliers

  • 23 Ibid., p. 760.

au bas de la ville, en l’une des extrémités proche du lac, de laquelle on a fait un magasin de sel, et un grenier, on voit encore dans une muraille, la statue de Ottho de Granson. L’autre Église est au dessus de la ville, elle n’est pas grande, mais marque bien d’être antique, & semble avoir été du temps du Paganisme. Il y a de belles colonnes de pierres rondes & et d’une pièce qui soutiennent les voûtes23.

11Ce ne sont alors pas seulement les églises qui, de par leur disposition, pouvaient aisément servir de temples protestants et donc garder une certaine valeur, mais tous les édifices religieux qui connurent des destins variés, résultats et conséquences de l’introduction de la Réforme et de la récente désertion des résidents de nombreux bâtiments construits pour le culte et le salut des hommes. En particulier les abbayes, couvents et monastères.

Devenir des édifices religieux

  • 24 Martin Luther, Jugement sur les vœux monastiques, in Œuvres, Marc Lienhard et Matthieu Arnold [et a (...)
  • 25 Ibid, p. 893.
  • 26 De la liberté du chrétien, in Martin Luther, Œuvres, op. cit., p. 841. Développements assez proches (...)

12L’un des premiers combats de la Réforme dans le courant des années 1520 prit la forme d’une critique radicale des vœux monastiques, notamment chez Luther. Sa conception de l’Évangile – comme promesse et non comme loi – et du Salut – par la foi et non par les œuvres – porta en effet celui-ci à juger très sévèrement le clergé consacré et plus particulièrement les réguliers qui, à ses yeux, croyaient illusoirement travailler à leur rédemption en inventant de toutes pièces des obligations, des règles et des mortifications sans fondements scripturaires et finalement sans rapport avec la question de la justification. Les moines, qui s’étaient imaginés être les meilleurs des chrétiens, priant pour eux et pour autrui, accumulaient un trésor de mérites et de grâces, lequel pouvait être reversé aux fidèles enchaînés à une vie mondaine et par elle distraits de la prière, faisaient en fait fausse route : « à présent, cette classe d’hommes, qui devait être la plus libre de toutes, est la plus superstitieuse et vétilleuse, prisonnière de ses innombrables statuts, d’articles particuliers et d’observance dérisoires »24. Ces hommes qui auraient dû être, selon Luther, ceux qui suivaient le plus librement le seul chemin du Salut véritable, devinrent ainsi prisonniers des règles qu’ils avaient eux-mêmes inventées. À la fois superstitieux et orgueilleux, croyant mener une vie meilleure, plus parfaite, ils pensaient être les seuls véritables chrétiens : ce fut la preuve, pour le réformateur, de leur « aveuglement incommensurable », car l’Église n’est pas une somme de règles, de préceptes, de conseils qu’il aurait suffi de suivre machinalement et scrupuleusement, mais une promesse. Elle n’est pas davantage la propriété de quelques-uns, mais « le bien commun de tous les fidèles »25, et par conséquent, contrairement à ce que prétendaient les moines, « il ne sert à rien à l’âme que le corps revête des habits consacrés […] ni qu’il se tienne dans les églises et les lieux consacrés, ni qu’il manipule des objets consacrés, ni qu’il prie et jeûne corporellement »26.

  • 27 Mémoires de Pierrefleur…, p. 241-242 ; ces événements prennent place en octobre 1557.
  • 28 Ibid., p. 267-268. Enfin, l’auteur note que « le jour fête Saint-Maurice a été pendue l’enseigne de (...)

13Pour saisir ce que ces positions eurent comme conséquences visibles dans le paysage urbain et dans la destination des lieux de culte et de prière, Orbe peut à nouveau servir d’exemple : abritant un couvent, celui des Clarisses, la ville ferma l’édifice et chassa les sœurs lorsque le « Plus » fut voté en 1554. Ce couvent, nous informe Pierrefleur, devint la maison d’un maître d’école français, « pour régenter et enseigner la jeunesse »27; il semblerait par ailleurs que le couvent ait eu plusieurs vies, puisque, dans la Maison de la Ville, soit l’auberge de commune, « en laquelle était autrefois le couvent de Sainte-Claire, […] à présent on y tient taverne »28. La sécularisation rapide du bâtiment et ses diverses utilisations montrent clairement que sa sacralité était révolue. Un autre cas relaté par Pierrefleur mérite également notre attention ; pendant les années 1558 et 1559,

  • 29 Ibid., p. 242.

ont été dérochés une partie des murailles du curtil des sœurs de Sainte-Claire de la dite ville, aussi une grande partie de l’église de Saint-Germain, perrochiale du dit Orbe, et des pierres l’on a fait les murs fermant entièrement le cemetière du dit Saint-Germain ; le dit cemetière a été tout fermé et clos de toutes parts, réservé que l’on a fait une grande porte fermant à la clef29.

14Dans ses mémoires, l’auteur déplore la décision de détruire complétement l’église Saint-Germain, dédiée alors au saint patron de la ville, et de répartir les matériaux pour les réutiliser.

15On constate aisément que le paysage d’un bourg comme Orbe se transforme radicalement suite à la Réforme qui fut l’occasion de changements notables du paysage urbain. Ces transformations se caractérisent d’une part par la disparition de l’emprise sur la cité des religieux, grâce à la sécularisation des établissements des réguliers et l’abolition des vœux : en effet, les communautés religieuses perdirent leur rôle dans la conception protestante du Salut et furent obligées de quitter des bâtiments immenses ayant une forte présence urbaine ou périurbaine. D’autre part, l’inutilité des couvents, monastères et abbayes permit d’aménager la ville en accord avec la nouvelle doctrine et de récupérer des matériaux : ainsi en est-il de la fermeture du cimetière par un mur, sanctionnant le fait que dans le monde protestant les morts ne méritent pas autant de considérations ; nous reviendrons sur la question des cimetières en dernière partie. Enfin, les usages civiques l’emportent et l’installation d’une école au sein du couvent illustre précisément cet aspect.

  • 30 Peter Jezler, « L’iconoclasme à Zurich… », op. cit., p. 80.

16L’exemple urbigène n’est pas isolé ; le même processus s’observe de façon similaire, avec quelques différences notables, à Lausanne, siège de l’évêché, ville abritant la cathédrale, mais aussi des couvents, des églises, des chapelles. Lors de l’introduction de la Réforme, les bâtiments et les fondations pieuses perdent leur finalité originelle et passent aux mains de la ville et du gouvernement qui décident ensuite du devenir de ces édifices. Contrairement aux églises dont la disposition leur permettait d’être converties en temples protestants, au prix d’importantes modifications que nous avons signalées précédemment, ou qui, le cas échéant, furent rapidement détruites et leurs matériaux réutilisés, les couvents, monastères ou abbayes connurent différents sorts ; parmi ceux-ci, une utilisation séculière, civique, tournée vers le bien de la communauté laïque. Cette désacralisation allait de pair avec la nécessité de faire disparaître toute idolâtrie, celle-ci ne touchant pas seulement les images au sens propre, mais également tous les éléments cultuels, rituels ou matériels30 ; la sécularisation des églises, chapelles et couvents permit alors de constituer un trésor non négligeable, accroissant ainsi les revenus de la ville, ainsi que son pouvoir sur les affaires ecclésiales et élargissant ses domaines d’action. La Seigneurie lausannoise récupéra alors une partie des attributions qui avaient été autrefois celles des communautés religieuses et des évêques, notamment en matière d’éducation, d’assistance aux plus démunis – pauvres, personnages âgées – et de soins.

  • 31 SDS, p. 20 et ss. Le second traité est plus long et plus complet que celui de 1536, réglant au pass (...)
  • 32 Monuments d’Art et d’Histoire du Canton de Vaud (désormais MAH), tome I, Marcel Grandjean, « La Vil (...)

17À Lausanne, les biens des paroisses et des couvents devinrent propriété de la ville par la ‘Largition’ ; ce traité, datant de novembre 1536 et confirmé en avril 154831, règle la concession de Berne à Lausanne de droits sur les biens d’établissements religieux, ceux des réguliers, en particulier franciscains et dominicains, et ceux des paroisses et prieurés, ainsi que les possessions temporelles de l’évêque – à l’exception de l’Évêché, du Chapitre, de la Clergie, et du Château d’Ouchy. La plupart des églises paroissiales ou conventuelles furent peu à peu détruites et leurs matériaux réutilisés : ainsi, les pierres de l’église Saint-Paul, l’une des premières à être démolie lors de la Réforme, servirent à la réfection des pavés32. Au-delà de la réutilisation de matériaux de qualité, la sécularisation des édifices illustre quelques-unes des conséquences du triomphe du protestantisme dans nombre de localités : Dieu partout présent, les bâtiments, autrefois réservés aux clercs et aux besoins du culte, perdirent de leur importance et de leur spécificité, surtout une fois vidés des reliques de saints qui étaient essentielles à leur sacralité. Ils eurent une nouvelle utilité, bénéficiant à la communauté entière et non plus à un groupe restreint, dont les réformateurs n’ont cessé de décrire les vices et l’inutilité. Jean-Baptiste Plantin, régent au collège de Lausanne de 1678 à 1700, donne un exemple concret pour éclairer cet aspect :

  • 33 Jean-Baptiste Plantin, Abrégé de l’histoire..., op. cit., p. 489.

Sous cette bannière entre la porte de St Francois & celle de Rive, est le temple de St. François d’assez jolie structure, proche duquel étoit anciennement le Couvent des Cordeliers. C’était ici où le Pape Felix V demeura quelques années lors que le Concile de Bâle fut transporté à Lausanne. Le Couvent est en partie ruiné, & sert de retraite à un potier de terre ; Ce qui est de plus entier a été converti en Cave où la Seigneurie retire du vin33.

18De fait, le couvent passa également à la ville ; celui-ci fut ensuite abandonné pendant quelques années ; enfin, de nouvelles constructions au xviiie siècle finirent d’effacer les traces de l’ancien couvent.

  • 34 Commenté également dans MAH Vaud, tome I, op. cit., p. 51-52.

19Les conséquences des politiques iconoclastes de longue haleine sur les paysages urbains s’observent très clairement sur les plans de Lausanne qui nous sont parvenus. Car on peut utiliser d’anciens plans de ville comme sources pour saisir et décrire ces changements urbanistiques intervenus lors de la Réforme, même si la démarche n’est pas sans soulever des difficultés de méthode. On peut en prendre pour preuve le plan de Mattheus Merian (Ill. 1), qui apporte quelques éclairages, malgré trois problèmes. Premièrement, nous n’avons aucun plan de la ville de Lausanne datant du début du xvie siècle permettant de les comparer, deuxièmement, le plan de Merian date environ d’un siècle après l’arrivée des troupes bernoises, ce qui laisse un laps de temps assez important pour marquer profondément la ville et effacer visiblement des traces du catholicisme ; enfin, le graveur prend quelques libertés qui exigent certaines précautions lors de l’étude du document. Mais l’analyse de l’évolution sur la longue durée peut bénéficier du « Plan de la Ville de Lausanne et de ses Faubourgs levé en l’année 1723 » 34(Ill. 2), bien que la comparaison ne soit pas toujours aisée, étant donné les différences entre ces documents : plan en trois dimensions avec une attention pour la volumétrie pour l’un, plan de type cadastral pour l’autre. Il ne s’agit donc pas d’accorder une sécurité excessive aux informations transmises par ces documents ; leur enseignement va, malgré cela, dans le même sens que les sources mentionnées jusqu’à présent.

« LAVSANNA »

« LAVSANNA »

Topographia Helvetiae, Rhaetiae, et Valesiae. Das ist Beschreibung unnd eygentliche Abbildung der vornehmsten Stätte und Plätze in der hochlöblichen Eydgenossschaft, Graubündten, Wallis und etlicher zugewandten Orthen

Truck gegeben u. verlegt durch Matthaeum Merian, 1642.

Plan de la Ville de Lausanne et de ses Faubourgs

Plan de la Ville de Lausanne et de ses Faubourgs

Levé en l’année 1723 sur www.lausanne.ch/lausanne-officielle/administration/travaux/ coordination-cadastre/plans-et-donnees/plans-historiques.html (22 octobre 2014).

© Service de la coordination et du cadastre de la Commune de Lausanne.

  • 35 Olivier Christin, « Une confessionnalisation du paysage urbain ? Les fontaines ornementales du xvie(...)

20On constate à l’évidence que certains des grands chamboulements urbanistiques dus à la Réforme se matérialisent dans ces plans. Le démantèlement des bâtiments des réguliers, ainsi que nous l’avons observé avec le couvent des cordeliers par exemple, est flagrant : sur le plan de 1723, les anciens bâtiments apparaissent comme des « Magasin » ou « Écurie », utilisation civique, bénéfique à la société, et non plus à un nombre restreint de personnes. Le bien-être de la communauté fait désormais partie des priorités affichées par le magistrat, comme cela a été montré pour les fontaines de Suisse romande par exemple35.

  • 36 MAH Vaud, tome I, op. cit., p. 154.

21Autre exemple de sécularisation et de remploi en tous points analogue, celui du prieuré de Saint-Maire, qui « devint d’abord, probablement en incorporant d’autres édifices, un grenier pour LL.EE. de Berne, appelé soit ‘grenier du château’, soit ‘grenier de Saint-Maire’, puis, au xixe siècle, une caserne de milices »36. On l’aperçoit déjà au sud-est du Château sur le plan de Merian, qui est clairement indiqué comme « Grenier de LL.EE » sur celui de 1723. On peut constater non seulement que la fonction et l’utilité des édifices sont fondamentalement différentes, mais également que les autorités ont apprécié la situation centrale de ceux-ci et en profitèrent pour mettre à disposition du bien commun de ces vastes espaces. Lausanne disposa de ces nouveaux biens selon la demande de ses habitants et ses propres besoins, faisant sienne la politique de désacralisation et de reconversion des lieux consacrés, et surtout à des fins d’usages civiques.

  • 37 Ibid., p. 249.
  • 38 Johannes Stumpf, Gemeiner loblicher Eydgnoschafft Stetten, Landen und Völckeren Chronickwirdiger th (...)

22Certains bâtiments « furent loués à des artisans (forgerons, imprimeurs, etc.) ou servirent de magasins et de caves à la ville endus, transformés peu à peu, certains devinrent des logements »37, des manufactures, des maisons de maîtres. Toujours à Lausanne, et toujours dans l’objectif de reprendre ce qui a été possessions du clergé, et de se servir de ce qui est déjà bâti, le chapitre des chanoines fut reconverti en école, où ceux qui prêchent, nous dit Johannes Stumpf, peuvent instruire les jeunes à la lecture de l’hébreu, du latin et du grec38. La remarque de ce protestant n’est pas anodine : en lieu et place de prières, de rites empreints de paganisme et de cultes fastueux, la Réforme encouragea le travail, l’étude, nouveau chemin du Salut, et exila le clergé, inutile, passif, improductif. Dès lors que les fidèles peuvent avoir accès à la vraie Parole de Dieu, correctement prêchée et enseignée, le clergé traditionnel, qui se croyait seul intermédiaire entre eux et Dieu, n’a plus sa place

23Le démantèlement des bâtiments, leur remploi et leur réutilisation à des fins civiques, publiques, se constatent globalement d’après les plans et confirment les écrits que nous avons mentionnés. La déprise religieuse se fait en faveur de l’emprise communale : la disparition du clergé et la confiscation de ses biens profitent aux autorités communales, qui savent parfaitement mettre en acte et en scène leur dévouement au bien commun chrétien. Les politiques urbaines sont donc pleinement cohérentes avec le message protestant sur les devoirs du magistrat chrétien, à savoir veiller à l’encadrement et à l’approvisionnement des populations, apporter de l’aide aux pauvres, aux démunis et aux vieillards.

  • 39 Voir SDS, op. cit., p. 14. Le premier Édit fut promulgué le 19 octobre, et le second le 24 décembre (...)
  • 40 Christine Lyon, Le sort du clergé Vaudois au lendemain de la Réforme, mémoire de licence d’histoire (...)
  • 41 Evian fut également le refuge des sœurs du couvent de Sainte-Claire d’Orbe, ainsi que le mentionne (...)
  • 42 SDS, op. cit. : « Touchant les biens meubles desdictes eglyses, comme vestemens, ornemens, calices (...)

24On comprend alors pourquoi le sort des gens d’Église fut réglé tout de suite après la dispute de Lausanne, grâce à la promulgation de deux Édits de Réformation qui fixèrent les contours de lois morales, religieuses et sociales en accord avec la foi nouvelle : ceux-ci demandent aux clercs d’ « abbattre toutes images et idoles, aussi les aultres estans dedans lesdictes eglyses et monasteres, touteffoys cela par bon ordre et sans tumulte »39. Ces mêmes « gens d’eglyse », s’ils se convertissent, ont droit de conserver leurs biens et bénéficient de pensions, contrairement aux religieux absents lors de la dispute et donc par définition défavorables à l’instauration de la Réforme. Le clergé séculier et régulier vaudois représentait, à ce moment et selon les estimations minutieuses faites par Christine Lyon, environ un demi-millier d’individus40. Parmi ceux-ci, la moitié se convertit, du moins officiellement, et eut donc droit à une pension versée par Berne ; en contrepartie, ces nouveaux réformés avaient le devoir de fréquenter le prêche et de s’instruire de la foi nouvelle, directive qui fut, semble-t-il, peu suivie. L’autre moitié, celle restée fidèle à l’Église catholique romaine, fut contrainte à l’exil, bannie par Berne et s’installa principalement sur la rive opposée du lac Léman, à Évian41 – alors territoire valaisan – ainsi que dans le canton de Fribourg. L’Édit de décembre régla également la question des biens possédés par l’Église : vêtements et objets de culte purent être récupérés par leurs donateurs42, ainsi que les rentes versées à l’occasion de messes et d’anniversaires – à la mort du clergé responsable, et pour autant que ce dernier se soit converti.

  • 43 Voir le catalogue de l’exposition Trésors d’art religieux en Pays de Vaud, Lausanne, Musée Historiq (...)

25La sécularisation toucha de fait plusieurs villes et régions de l’ancienne Confédération : le Pays de Vaud – Lausanne en particulier – constitue un exemple intéressant car la Réforme y a été imposée par l’envahisseur (ou le sauveur ?) étranger ; le paysage religieux de l’ensemble de ce territoire en a été profondément et définitivement transformé : en milieu urbain, les signes de l’ancienne foi disparurent peu à peu : objets vendus – dans le meilleur des cas – détruits, brûlés, réutilisés, peu à peu remplacés43.

26Les réguliers furent en particulier rejetés ; cela n’empêcha pas pour autant les gouvernements des villes d’apprécier les ressources et biens immobiliers laissés derrière la fuite ou la conversion de leurs résidents, et de s’approprier ceux-ci pour le bien de la communauté civique et de son Salut. Destruction, réutilisation, sécularisation, modifications : l’iconoclasme revêt différentes facettes, certaines d’entre elles furent plus aisées à appliquer que d’autres, en particulier lorsque l’on se penche sur la mort et la place accordée aux défunts. Expulser les clercs fut une chose, désacraliser les morts en fut une autre, bien compliquée, ce qui nous amène à la question particulière des cimetières et du rôle des morts dans la nouvelle économie religieuse.

Disparition des morts et la question des cimetières

  • 44 Craig M. Koslofsky, The Reformation of the Dead. Death and Ritual in Early Modern Germany, 1450-170 (...)

27L’un des aspects essentiels de la Réforme toucha le culte des morts, objet d’une vive critique de la part des Réformateurs et occasion d’innombrables conflits entre catholiques et protestants avec l’expansion des idées nouvelles : refus de sépulture, corps déterrés et jetés aux chiens ; morts exhumés, convertis dans l’au-delà et exhumés dans un autre rite ; cimetières déplacés au terme de débats et de violences sans fin comme à Leipzig44.

  • 45 Comme l’analyse Michel Lauwers, « Le cimetière dans le Moyen Age latin. Lieu sacré, saint et religi (...)
  • 46 Eamon Duffy, Stripping, op. cit., chap. 9, et p. 475 et ss.

28« Lieu sacré, saint et religieux »45, le cimetière constituait un lieu central de la vie paroissiale et communautaire, où les défunts devaient être à la fois protégés, encadrés et respectés puisque les corps étaient en attente de résurrection et faisaient de ce fait partie intégrante de l’Église. Sacralisé par un rite de consécration attesté dès le xe siècle, cet espace s’étendait à proximité immédiate de l’église, afin que les morts reçoivent les prières qui leur étaient dues et jouent un rôle d’intermédiaire entre les vivants et le monde sacré de la résurrection46. Comme il n’était pas question que la terre sacrée du cimetière soit souillée, seuls les bons chrétiens avaient le droit d’y être inhumés, les catholiques refusant toute présence de corps étrangers, païens, non baptisés, excommuniés, hérétiques, etc.

  • 47 Keith P. Luria, Territories of Grace : Cultural Change in the Seventeenth-century Diocese of Grenob (...)
  • 48 « Traduction de l’acte d’opposition que fit Sr. Jean Bagnyion, Scindic de la Ville de Lausanne, aux (...)
  • 49 « Manuel du Conseil d’Estavayer, année 1524 », cité dans le Grand Livre de l’Histoire d’Estavayer-l (...)
  • 50 Devant l’augmentation de la population de certaines villes et l’impossibilité d’agrandir l’espace a (...)

29Mais le cimetière avait d’autres fonctions, bien plus profanes, du Moyen Âge jusqu’au xviie siècle au moins. Sorte de forum, le cimetière était alors un lieu ouvert à d’autres activités ayant des fins toutes sauf religieuses : marchés, foires, justice, exécutions, élections, discours, danses, promenades, jeux et prostitution y prenaient place. Le bétail lui-même venait parfois paître parmi les tombes et les sépultures47. Ainsi, à la fin du xve siècle, « la dite Criée se faisoit actuellement sur le Cimetiere de St. Laurent de Lausanne »48 ; le cimetière revêt alors la fonction de place publique, où les hommes se rassemblent, la justice est faite, déclamée, les lois promulguées, les décisions municipales votées. À Estavayer, dans le canton de Fribourg, le Conseil « ordonne à tout homme qui se [trouverait] sur le cimetière, sur le banc des Halles ou aux Halles, de suivre la procession »49 hebdomadaire menant aux couvent des religieuses, tout contrevenant était d’ailleurs amendé ; il est clair que la place dédiée aux morts n’était nullement celle d’une relégation, d’un éloignement, d’une mise à l’écart. Au contraire, lieu central, en général directement attenant à l’église paroissiale50, il attire les habitants et citoyens.

  • 51 Frédéric Godet, Histoire de la Réformation et du Refuge dans le Pays de Neuchâtel, Éditions ThéoTEX (...)
  • 52 Abraham Ruchat, Histoire de la réformation de la Suisse, tome V, livre XI, Genève, Marc-Michel Bous (...)

30La Réforme fut ici aussi une césure à la fois brutale et relative. Les années de combat pour la propagation des idées nouvelles furent souvent celles d’une lutte pour l’occupation et l’utilisation des cimetières, pour ensevelir les morts, mais aussi pour prêcher, pour chanter, pour empêcher les catholiques de célébrer leurs propres rites funéraires. C’est, par exemple, ce qui s’observe autour de Guillaume Farel à Neuchâtel en 1529 qui, interdit de prêcher dans l’église, « monta donc sur une pierre dans le cimetière qui entourait le temple, et là, prêcha au peuple qui s’était rassemblé en foule »51. La scène se répète à Payerne en 1533, où, nous raconte Abraham Ruchat, Farel alla prêcher, « mais on lui ferma les deux Temples ; celui de la Ville, & celui de l’Abbaye. Se voiant rebuté de ce côté-là, il se mit à prêcher sur le Cimetiére »52. Mais dans le même temps, la critique du Purgatoire, des prières pour le morts et des cérémonies eut rapidement pour conséquence un tout autre rapport au sort de la dépouille mortelle et donc à la résidence des morts. Nul ne le dit plus clairement, peut-être, que Luther dans les Propos de Table lors de la mort de sa fille :

  • 53 Martin Luther, Propos de Table (Tischreden), trad. et introduction par Louis Sauzin, Paris, Aubier, (...)

Quand on la mit dans la fosse et qu’on l’enterra, il dit : C’est la résurrection de la chair. Et comme on rentrait de l’enterrement, il dit : Le sort de ma fille est maintenant réglé, tant pour son corps que pour son âme. Nous, les chrétiens, nous n’avons pas à répandre des larmes, car nous savons qu’il faut qu’il en soit ainsi.53

31Même message, l’émotion en moins, dans une anecdote racontée par Ruchat qui permet de saisir le mépris envers le clergé et le peuple que la religion aveugle :

  • 54 Ruchat, Abraham, op. cit., livre XII, p. 309.

On faisoit aussi accroire au peuple, que les ames, qui étoient en Purgatoire, en revenoient de tems en tems, & paroissoient dans les Églises & dans les Cimetiéres, comme de petites chandelles, pour implorer les secours & les priéres des Vivans ; qui ne manquoient pas de s’empresser à racheter les ames de leurs parens, & à faire dire des Messes pour leur repos : ce qui produisoit un gain assuré aux Prêtres. On examina de près cette affaire. On trouva que ces prétenduës ames n’étoient autre chose que des Ecrevisses armées de petits Cierges allumez, que les Prêtres attachoient sur le dos, & qu’ils plaçoient dans les coins des Églises & des Cimetiéres, où ils les laissoient aller54.

  • 55 Mémoires de Pierrefleur…, p. 242.
  • 56 « [...] das man den kirchoff ausser der stad habe », « Denn ein begrebnis solt ja billich ein feine (...)
  • 57 Eamon Duffy, Stripping, op. cit., p. 475.

32Le cimetière perdait donc de son importance dans l’économie du Salut et dans l’organisation du monde social, et Pierrefleur peut ainsi constater à Orbe que « le dit cemetière a été tout fermé et clos de toutes parts, réservé que l’on a fait une grande porte fermant à la clef »55. Luther souhaitait que les enterrements soient simplifiés et simples, et les cimetières en dehors de la ville, loin du tumulte, dans un lieu calme et peu visité56. Cette interdiction d’adresse et de prières aux les morts les fit disparaître du cadre sacré du monde des vivants ; comme le résume Eamon Duffy, les frontières de la communauté ont été redessinées, excluant explicitement et définitivement les défunts57.

33Or ces changements s’observent une nouvelle fois dans le paysage. À Neuchâtel, comme nous le montre la gravure « NEOCOMUM – Neuwenburg Am See » (Ill. 3) également tirée de la Topographia Helvetiae, Rhaetiae et Valesia de Merian (1642), le cimetière est situé extra muros, à l’est des fossés – le cimetière de la Collégiale ayant été abandonné après l’introduction de la Réforme en 1569. Il apparaît en bas à gauche de la gravure et légendé « Gotts acker », clairement décentré, mis à l’écart.

NEOCOMUM

NEOCOMUM

Topographia Helvetiae, Rhaetiae, et Valesiae. Das ist Beschreibung unnd eygentliche Abbildung der vornehmsten Stätte und Plätze in der hochlöblichen Eydgenossschaft, Graubündten, Wallis und etlicher zugewandten Orthen,

Truck gegeben u. verlegt durch Matthaeum Merian, 1642.

34À Lausanne, les plans de la ville que nous avons commentés précédemment, prouvent à leur tour que les morts ne sont plus des citoyens : une certaine hésitation quant à la place à réserver aux défunts transparaît dans la lecture de ces documents ; et ces incertitudes sont révélatrices. Car ce ne sont plus des citoyens avec une présence garantie intra-muros.

35Les cimetières sont vidés ou en passe de l’être, déplacés, fermés, réappropriés pour d’autres usages – ainsi de la place devant la cathédrale que le plan indique comme « Place publique dite sus le cimetière de St-Maurt » – une chapelle Saint-Maur existait en effet aux abords de la cathédrale et faisait partie des chapellenies de Notre-Dame et fut démolie en 1706, après avoir servi au xviie siècle de siège de la Cour de Justice baillivale. On note tout de même certaines incohérences entre le plan de 1642 et celui de 1721, comme la présence soudaine du cimetière septentrional de la cathédrale au xviiie siècle, absent de la gravure de Merian, en usage pourtant depuis le xiiie siècle. Mais dans l’ensemble, il est clair que les cimetières ont perdu leur situation centrale et leur rôle d’extension de l’église paroissiale ; les morts sont déplacés, déportés, éloignés, relégués aux abords de la ville, détachés de la paroisse et de la prière. Malgré les précautions à prendre à la lecture des plans, les cimetières de Saint-Pierre au sud-est et celui de la Madeleine – clos en 1604 – du côté de l’Occident, semblent avoir pris de l’importance entre le milieu du xviie siècle et la première moitié du xviiie : les plans indiquent une forte présence de ceux-ci, marqués par une situation en extrême périphérie, à la limite des fortifications, aux abords de la ville, éloignés du centre. Par ailleurs, l’église de la Madeleine, son clocher ainsi que le couvent, ont complétement disparu du plan de 1723, alors qu’ils étaient encore mentionnés par Merian. Auparavant accolés à leur église, les lieux de repos des morts se détachent du monde des vivants et de leur pratique cultuelle.

Conclusion

36Désacralisés, les cimetières rejoignent la longue liste d’édifices et de lieux qui subirent les conséquences de l’instauration de la Réforme. Les autorités jouèrent un rôle indéniable et ressortent finalement enrichies de ce processus de sécularisation : accroissement de revenus, acquisition de nouveaux biens, développement de leur souveraineté sur les affaires ecclésiastiques, récupération de prérogatives anciennement réservées au clergé. Surtout, c’est la nouvelle religion qui s’impose, non seulement dans ses pratiques confessionnelles, mais également dans sa conception spirituelle et matérielle du Salut de la communauté. L’aspect des villes réformées devint tout autre, la part du religieux ayant été diminuée, purifiée de l’ostentation caractéristique du culte catholique, sécularisée. L’espace protestant redéfini par de nouvelles frontières entre sacré et profane marque un tournant dans le paysage urbain confessionnel et dans la pratique quotidienne de la religion. Ces transformations eurent pour effet d’inscrire dans la pierre la nouvelle économie du Salut, ainsi que la nouvelle cité protestante et ses principes – Dieu partout, sola fides – permettant également de mettre en pratique une nouvelle éthique sociale – basée sur le travail et l’étude.

37Enfin, cette étude est fondée sur un corpus limité et partiel – sources nominatives et plans – et des recherches plus approfondies en archives ne pourraient qu’affiner ces résultats. Pour autant, les descriptions issues de chroniques et de récits de voyage permettent justement d’observer les transformations visuelles, spatiales, matérielles presque, d’une ville lors du changement de confession. Et il s’agit là d’un aspect essentiel, qui met en relief l’appréciation d’une nouvelle pratique religieuse.

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Notes

1 Parmi les études importantes sur l’impact de la Réforme, voir Eamon Duffy, The Stripping of the Altars. Traditional Religion in England 1400-1580, New Haven, London, Yale University Press, 2nd edition, 2005 ; Olivier Christin, « L’espace et le temps, enjeux de conflits entre les confessions », in Jacques-Olivier Boudon, Françoise Thelamon (dir.), Les chrétiens dans la ville, Mont-Saint-Aignan, Publications des Universités de Rouen et du Havre, 2006, p. 167-180 ; Will Coster, Andrew Spicer (dir.), Sacred space in early modern Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2011 ; Alain Cabantous, Entre fête et clochers : profane et sacré dans l’Europe moderne. xviie-xviiie siècle, Paris, Fayard, 2002 ; Alexandra Walsham, The Reformation of the Landscape. Religion, Identity and Memory in Early Modern Britain and Ireland, Oxford, Oxford University Press, 2011.

2 Yves Krumenacker (dir.), Lyon 1562, capitale protestante. Une histoire religieuse de Lyon à la Renaissance, Lyon, éditions Olivetan, 2009.

3 Freya Strecker, Augsburger Altäre zwischen Reformation (1537) und 1635: Bildkritik, Repräsentation und Konfessionalisierung, Kunstgeschichte Bd. 61, Münster, LIT Verlag, 1998.

4 Olivier Christin, Une révolution symbolique : l’iconoclasme huguenot et la reconstruction catholique, Paris, Éditions de Minuit, 1991.

5 Voir Lee Palmer Wandel, Voracious idols and violent hands. Iconoclasm in Reformation Zurich, Strasbourg, and Basel, Cambridge, Cambridge University Press, 1995, chap. 2 ; Peter Jezler (ed), Bilderstreit : Kulturwandel in Zwinglis Reformation, Zürich, Theologischer Verlag 1984; également Peter Jezler, « L’iconoclasme à Zurich 1523-1530 », in Cécile Dupeux, Peter Jezler, Jean Wirth, Iconoclasme. Vie et mort de l’image médiévale, Paris, Somogy, 2001, p. 79.

6 Olivier Christin, Une révolution symbolique…, p. 112.

7 Andreas Bodenstein von Karlstadt, Von abtuhung der bilder und das kein betdler unther den christen sein soll, Wittenberg 1522, in Gottfried Bœhm, Norber Miller (hg. von), Bibliothek der Kunstliteratur, Bd. 1 : « Renaissance und Barock », Frankfurt am Main, 1995, p. 9-35 ; source étudiée entre autres par Jörg Jochen Berns (hrsg.), Von Strittigkeit der Bilder: Texte des deutschen Bildstreits im 16. Jahrhundert, Berlin, Boston, Walter de Fruyter, 2014 ; Joseph Leo Kœrner, The reformation of the image, London, Reaktion Books, 2004.

8 Franz-Josef Sladeczek, « Entre destruction et conservation, l’iconoclasme de la Réforme bernoise (1528) », in Cécile Dupeux, Peter Jezler, Jean Wirth, op. cit, p. 99 et ss.

9 Paul Reboulet, Jean de Labrune, Voyage De Suisse : Relation Historique Contenue en douze Lettres, écrites par les Srs. Reboulet & Labrune à un de leurs amis de France, Volume 1 et 2, La Haye, Pierre de Glasson, 1686, p. 57.

10 Ibid., p. 59.

11 Die Kunstdenkmäler des Kantons Bern, tome 5 « Die Kirchen der Stadt Bern : Antonierkirche, Französische Kirche, Heiliggeistkirche und Nydeggkirche », Basel, Birkhäuser, 1969, p. 52-54.

12 Sur la conquête du Pays de Vaud, voir Jean-François Poudret, La Maison de Savoie évincée de Lausanne par Messieurs de Berne, Lausanne, Cahiers de la Renaissance vaudoise, 1962, et Charles Gilliard, La conquête du Pays de Vaud par les Bernois, Lausanne, Éditions de la Concorde, 1935 (rééd. 1982).

13 Voir Fabrice Flückiger, « Annexion, conversion, légitimation. La dispute de Lausanne et l’introduction de la Réforme en Pays de Vaud (1536) », Revue historique Vaudoise, tome 119, 2011, p. 59-74.

14 Une exception notable à cette promesse bernoise de rester tolérants – temporairement – fut Yverdon : le culte catholique fut supprimé en mars 1536 et les images immédiatement brûlées, cf. Charles Gilliard, « Les premières mesures du Gouvernement bernois en matière de religion », Revue historique vaudoise, tome 39, 1931, p. 321-337.

15 Pierre Viret s’installa au couvent de Saint-François à Lausanne en avril 1536 où il bénéficia de la protection des Bernois et put ainsi prêcher l’Évangile : Charles Gilliard, « Les premières mesures… », op. cit., p. 336.

16 Collection de sources du droit suisse (désormais SDS). Canton de Vaud, Epoque Bernoise, Tome 1 : Les mandats généraux bernois pour le Pays de Vaud 1536–1798 par Regula Matzinger-Pfister, 2003, L. SDS VD C 1, sur http://ssrq-sds-fds.ch, p. 13 et ss (consulté le 22 octobre 2014).

17 Sur Orbe et le Pays de Vaud, voir : Michael W. Bruening, Le premier champ de bataille du calvinisme. Conflits et réformes dans le Pays de Vaud, 1528-1559, trad. de l’anglais par Marianne Enckell, Lausanne, Éditions Antipodes, (1ère éd. 2005), 2011 ; Jules Ogiz, Orbe à travers les siècles : notice historique sur la ville d’Orbe, Sierre, Éd. à la carte, 2001 ; Karine Crousaz, « Un témoignage sur la régulation politique de la division confessionnelle : la chronique de Guillaume de Pierrefleur », in Bertrand Forclaz (dir.), L’expérience de la différence religieuse dans l’Europe moderne (xvie-xviiie siècles), Neuchâtel, Éditions Alphil, 2013, p. 47-66 ; Marcel Grandjean, Les temples vaudois. L’architecture réformée dans le Pays de Vaud (1536-1798), Lausanne, Bibliothèque Historique vaudoise, 1988.

18 Mémoires de Pierrefleur, édition par Louis Junod, Lausanne, Éditions de la Concorde, 1933 ; ces mémoires, incomplètes, couvrent les années 1530 à 1561.

19 Olivier Christin, « Putting faith to the ballot » in Stéphanie Novak, Jon Elster (ed. by), Majority Decisions. Principles and Practices, Cambridge, Cambridge University Press, 2014, p. 17-33.

20 Carlos Eire, War against the Idols : the Reformation of Worship from Erasmus to Calvin, Cambridge, Cambridge University Press, 1989 ; voir aussi pour le cas Vaudois, Michael W. Bruening, Le premier champ de bataille..., op. cit., p. 144.

21 Reboulet, Labrune, Voyage de Suisse..., op. cit., p. 15, qui complètent la description de façon précise : « On void à quelque pas de là, l’endroit où étoit le couvent de ces Pères ».

22 Jean-Baptiste Plantin, Abrégé de l’histoire générale de Suisse, Genève, Iean Ant. & Samuel De Tournes, 1666, p. 533.

23 Ibid., p. 760.

24 Martin Luther, Jugement sur les vœux monastiques, in Œuvres, Marc Lienhard et Matthieu Arnold [et alii] (ed.), Paris, Éditions Gallimard, La Pléiade, 1999, p. 893.

25 Ibid, p. 893.

26 De la liberté du chrétien, in Martin Luther, Œuvres, op. cit., p. 841. Développements assez proches dans le Jugement sur les vœux monastiques : « ce genre de vie s’oppose à l’Évangile, en faisant des aliments, des vêtements, des boissons, des lieux, des personnes, des œuvres, des gestes une affaire de péché là où le Christ ne le fait pas, mais où il a décrété la liberté », ibid, p. 1031. 

27 Mémoires de Pierrefleur…, p. 241-242 ; ces événements prennent place en octobre 1557.

28 Ibid., p. 267-268. Enfin, l’auteur note que « le jour fête Saint-Maurice a été pendue l’enseigne de la taverne en dite maison, qui étaient deux poissons nommés saumons », les deux poissons formant les armoiries de la ville d’Orbe, épisode relaté en l’an 1561.

29 Ibid., p. 242.

30 Peter Jezler, « L’iconoclasme à Zurich… », op. cit., p. 80.

31 SDS, p. 20 et ss. Le second traité est plus long et plus complet que celui de 1536, réglant au passage quelques points litigieux.

32 Monuments d’Art et d’Histoire du Canton de Vaud (désormais MAH), tome I, Marcel Grandjean, « La Ville de Lausanne », Bâle, Éditions Birkhäuser, 1965, p. 248 et ss.

33 Jean-Baptiste Plantin, Abrégé de l’histoire..., op. cit., p. 489.

34 Commenté également dans MAH Vaud, tome I, op. cit., p. 51-52.

35 Olivier Christin, « Une confessionnalisation du paysage urbain ? Les fontaines ornementales du xvie siècle », in Réformes religieuses en Pays de Vaud : ruptures, continuités et résistances (m. xve-m. xvie siècle), Lausanne, Éd. Antipodes, 2011, p. 189‑204

36 MAH Vaud, tome I, op. cit., p. 154.

37 Ibid., p. 249.

38 Johannes Stumpf, Gemeiner loblicher Eydgnoschafft Stetten, Landen und Völckeren Chronickwirdiger thaaten beschreybung…, Getruckt Zürych in der Eydgnoschafft, bey Christoffel Froschouer, 1548 : « Die von Bern habend an statt des Chorgesangs und der Thummherren alda ein Schuel aufgericht / ein geleert jugend zeplanzen. Da werden erhalten etlich geleerten / die dem volckpredigeng / und der jugend in Herbraischen / Griechischen und Latinischen geschrifften laesend », 271 v.

39 Voir SDS, op. cit., p. 14. Le premier Édit fut promulgué le 19 octobre, et le second le 24 décembre 1536.

40 Christine Lyon, Le sort du clergé Vaudois au lendemain de la Réforme, mémoire de licence d’histoire préparé sous la direction du professeur Alain Dubois et soutenu à l’Université de Lausanne, 2 vol., 1998 ; un article de synthèse se trouve dans la Revue historique vaudoise, tome 119, 2011 sous le titre « Le clergé vaudois au moment de la Réforme. Tentative de recensement, d’identification et destinée », p. 75-87.

41 Evian fut également le refuge des sœurs du couvent de Sainte-Claire d’Orbe, ainsi que le mentionne Pierrefleur : « Les dits seigneurs Vallésiens, ayant ouï la supplication de ces pauvres sœurs, le cœur leur fit à tous grand mal, et leur en prit pitié, leur octroyant le contenu de leur pétitoire, à savoir la ville d’Evian, pour être leur refuge, dont elles en redirent grâces au Seigneur », Mémoires de Pierrefleur…, op. cit., p. 224-225.

42 SDS, op. cit. : « Touchant les biens meubles desdictes eglyses, comme vestemens, ornemens, calices et aultres choses, lesquelles sont encores presents, oultroyons à ceulx qui les ont données jusques à la tierce lignée, asçavoyr grands-peres et grands-meres, par condition que ungchascung par bon signes et tesmoignages approuvent par devant nous commys ou aultres à ce deputes que ainsi soyt », p. 16.

43 Voir le catalogue de l’exposition Trésors d’art religieux en Pays de Vaud, Lausanne, Musée Historique de l’Ancien-Evêché, 1982.

44 Craig M. Koslofsky, The Reformation of the Dead. Death and Ritual in Early Modern Germany, 1450-1700, New York, Palgrave, 2000 ; Philippe Ariès, Essais sur l’histoire de la mort en Occident : du Moyen âge à nos jours, Paris, coll. Points Histoire, éd. du Seuil, 2015 ; Bruce Gordon, Peter Marshall (ed.), The place of the dead : death and remembrance in late medieval and early modern Europe, Cambridge, Cambridge University Press, 2000.

45 Comme l’analyse Michel Lauwers, « Le cimetière dans le Moyen Age latin. Lieu sacré, saint et religieux », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 54e année, no 5, 1999, p. 1047-1072.

46 Eamon Duffy, Stripping, op. cit., chap. 9, et p. 475 et ss.

47 Keith P. Luria, Territories of Grace : Cultural Change in the Seventeenth-century Diocese of Grenoble, Berkeley, Los Angeles, University of California press, 1991, p. 70-71 ; et Daniel Ligou, « L’évolution des cimetières », Archives de sciences sociales des religions, no 39, 1975, p. 64-65.

48 « Traduction de l’acte d’opposition que fit Sr. Jean Bagnyion, Scindic de la Ville de Lausanne, aux publications faittes dans la ditte Ville par ordre du Seigr. Evêque de Lausanne, sans le consentement des habitans, de deffenses de porter des armes, d’aller la nuit sans Chandelles &ca. Les dittes publications s’étants faittes contre les franchises de la Ville de Lausanne. Du mercredy avant la fête de St. Vincent 1481 », Pièces servant à l’histoire de la ville impériale de Lausanne, s. n., 1790, p. 10.

49 « Manuel du Conseil d’Estavayer, année 1524 », cité dans le Grand Livre de l’Histoire d’Estavayer-le-Lac, vol. 1, p. 129, Archives paroissiales d’Estavayer-le-Lac.

50 Devant l’augmentation de la population de certaines villes et l’impossibilité d’agrandir l’espace autour des églises, certains cimetières furent déplacés en dehors de la ville dès la fin du XVe siècle : Craig M. Koslofsky, The reformation, op. cit., p. 3.

51 Frédéric Godet, Histoire de la Réformation et du Refuge dans le Pays de Neuchâtel, Éditions ThéoTEX, 1858, p. 72.

52 Abraham Ruchat, Histoire de la réformation de la Suisse, tome V, livre XI, Genève, Marc-Michel Bousquet et Comp., 1728, p. 25.

53 Martin Luther, Propos de Table (Tischreden), trad. et introduction par Louis Sauzin, Paris, Aubier, 1992, p. 328 et ss.

54 Ruchat, Abraham, op. cit., livre XII, p. 309.

55 Mémoires de Pierrefleur…, p. 242.

56 « [...] das man den kirchoff ausser der stad habe », « Denn ein begrebnis solt ja billich ein feiner stiller ort sein » ; Luther reproche d’ailleurs : « [...] der kirchhoff, da man teglich, ja tag und nacht uber leufft, beyder menschen und viehe [...], und allerley drauff geschicht », etc. in D. Martin Luthers Werke. Kritische Gesamtausgabe, Bd, 23, Weimar, H. Böhlau, 1883-2009, p. 375-377.

57 Eamon Duffy, Stripping, op. cit., p. 475.

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Table des illustrations

Titre « LAVSANNA »
Légende Topographia Helvetiae, Rhaetiae, et Valesiae. Das ist Beschreibung unnd eygentliche Abbildung der vornehmsten Stätte und Plätze in der hochlöblichen Eydgenossschaft, Graubündten, Wallis und etlicher zugewandten Orthen
Crédits Truck gegeben u. verlegt durch Matthaeum Merian, 1642.
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Titre Plan de la Ville de Lausanne et de ses Faubourgs
Légende Levé en l’année 1723 sur www.lausanne.ch/lausanne-officielle/administration/travaux/ coordination-cadastre/plans-et-donnees/plans-historiques.html (22 octobre 2014).
Crédits © Service de la coordination et du cadastre de la Commune de Lausanne.
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/3869/img-2.jpg
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Titre NEOCOMUM
Légende Topographia Helvetiae, Rhaetiae, et Valesiae. Das ist Beschreibung unnd eygentliche Abbildung der vornehmsten Stätte und Plätze in der hochlöblichen Eydgenossschaft, Graubündten, Wallis und etlicher zugewandten Orthen,
Crédits Truck gegeben u. verlegt durch Matthaeum Merian, 1642.
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Pour citer cet article

Référence papier

Sarah Pflug, « Réforme et transformation du paysage urbain dans le pays de Vaud »Chrétiens et sociétés, 22 | -1, 7-30.

Référence électronique

Sarah Pflug, « Réforme et transformation du paysage urbain dans le pays de Vaud »Chrétiens et sociétés [En ligne], 22 | 2015, mis en ligne le 08 juin 2022, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/3869 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.3869

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Auteur

Sarah Pflug

Université de Neuchâtel

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