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Dossier coordonné par Olivier Chatelan

Paul-Henry Chombart de Lauwe, sociologue urbain, chrétien, intellectuel et expert

Éléments d’un portrait
Eric Le Breton
p. 15-31

Résumés

Paul-Henry Chombart de Lauwe est aujourd’hui une figure oubliée de la sociologie urbaine française. Pourtant, entre 1959 et 1975, dans une France en plein bouleversement, il a joui d’une double reconnaissance d’intellectuel et d’expert des questions urbaines. Chef de fil d’une équipe nombreuse, Chombart a combiné la recherche fondamentale et les études appliquées ; il a articulé la réflexion éthique sur la place de l’Homme dans les villes contemporaines et les conseils pragmatiques aux aménageurs. Préoccupé d’abord par le sort des catégories populaires, il a tenté d’ouvrir avec elles les voies d’une démocratie de proximité.

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Texte intégral

  • 1 Pour des éléments biographiques, voir le livre d’entretien de Paul-Henry Chombart de Lauwe et Thier (...)

1Paul-Henry Chombart de Lauwe (1913-19981) n’a aucune postérité. Ses travaux ne sont évoqués que pour mémoire, dans des prolégomènes historiques des manuels de sociologie urbaine, où il est réduit au titre d’introducteur en France des approches écologiques de l’École de Chicago. Pourtant, Chombart a compté, au tout premier plan, parmi les spécialistes catholiques des questions urbaines, au xxe siècle.

  • 2 Germàn Solinis, « Paul- Henry Chombart de Lauwe », in Jacques Julliard et Michel Winock (dir.), Dic (...)
  • 3 Rémy Rieffel, La Tribu des clercs. Les intellectuels sous la Vème République, Calmann-Lévy/CNRS Édi (...)

2Au cours des années 1950 et 1960, Chombart est un intellectuel éminent. Il figure parmi les sociologues français les plus reconnus, au niveau de Michel Crozier, de Raymond Aron et d’Alain Touraine. Il a sa place, comme Henry Lefebvre, dans les rangs de l’intelligentsia. Une notice du Dictionnaire des intellectuels français2 lui est consacrée et Rémy Rieffel l’évoque à plusieurs reprises dans La tribu des clercs3, son analyse des intellectuels sous la Ve République. Les médias le sollicitent, notamment la télévision ; il est le scientifique mobilisé dans le documentaire « À la découverte des Français. Remarques sur un tour de France », diffusé entre 1957 et 1960. Chombart est aussi un habitué des cabinets ministériels, des instances technocratiques, du ministère de l’Équipement ou du Commissariat général au Plan. Intellectuel, il est aussi un expert courtisé.

  • 4 Michel Amiot, Contre l’État, les sociologues. Éléments pour une histoire de la sociologie urbaine ( (...)
  • 5 Éric Le Breton, Pour une critique de la ville. La sociologie urbaine française, 1950-1980, Presses (...)

3Il va perdre ce statut. D’abord en perdant son monopole sur les études urbaines. Chombart accède à la notoriété, au début des années 1950, quand il est le seul à mener des travaux de sociologie de la ville. Mais de nombreux chercheurs investissent le domaine dans le cours des années 19604. Ils seront perçus comme théoriquement plus audacieux que Chombart, qui se trouve simultanément concurrencé et déclassé. L’engagement de Chombart dans la recherche contractuelle l’a aussi disqualifié. Les universitaires et chercheurs des années 1950 et 60 méprisaient la recherche appliquée, jugée moins digne et lui ont reproché une sociologie trop conciliante envers le « Pouvoir ». Enfin, le travail de Chombart, riche sur bien des plans, était faible dans le registre théorique. Ses notions angulaires ont vite fait l’objet de critiques radicales et ont été évacuées. Le besoin, les aspirations et la dynamique culturelle n’ont jamais eu de véritable contenu. Comparativement aux courants de la recherche critique des années 19685, la sociologie de Chombart semble platement empirique.

  • 6 Une des singularités de l’œuvre de Paul-Henry Chombart de Lauwe est qu’elle s’inscrit dans plusieur (...)

4Son œuvre doit pourtant être prise en compte. Chombart est le premier à saisir, au cours des Trente Glorieuses, les nouvelles articulations entre espace et société. Il en pointe de multiples dimensions à travers des analyses détaillées et originales fondées sur des enquêtes socio-anthropologiques6. Par ailleurs, l’appréhension des banlieues sensibles en termes de culture populaire et de développement social des quartiers est puissamment ancrée dans une vision chrétienne de gauche que Chombart a le premier projetée sur les questions urbaines. Sa pensée est un héritage vivant dans bien des domaines urbains, quand bien même cet héritage serait oublié ou ignoré.

Entre l’École de Chicago et les pensées chrétiennes

5Des premiers travaux des années 1950 jusqu’à La fin des villes en 1982, Chombart de Lauwe ne s’intéresse qu’à un problème : la situation des classes populaires dans une société en recomposition. Il existe un malentendu le concernant. Il est considéré comme « l’inventeur » de la sociologie urbaine française alors que la ville n’est que le cadre de son objet, pas son l’objet lui-même.

6En 1949, Chombart débute une thèse sur le mode de vie de la classe ouvrière mais il ne dispose d’aucune information sur l’environnement quotidien de cette population : dans quels quartiers vivent les ouvriers ? Dans quels types de logements ? Quelles sont leurs pratiques éducatives ou de santé ? Les recensements informant ces questions ne viendront qu’en 1954 et 1962. En attendant, Chombart n’a d’autre alternative que de réaliser lui-même ce cadrage qui, peu à peu élargi à d’autres populations que les ouvriers, devient la première monographie de sociologie urbaine française ; du moins le livre Paris et l’agglomération parisienne (1952) est-il identifié comme tel dans le sens où les caractéristiques sociales des habitants (professions, pratiques religieuses, tailles et poids, préférences politiques…) sont localisées dans l’espace de la ville.

7Paris et l’agglomération parisienne rencontre un grand succès, en particulier dans les milieux de l’expertise urbaine des services de l’État mais aussi des entreprises et autres organismes privés et publics qui interviennent dans l’aménagement de la ville et des territoires. Ce succès engage Chombart et son équipe sur les voies de la sociologie urbaine naissante. Le programme de recherche de Chombart va s’inscrire durablement dans une problématique dont les fondements empruntent à l’École de Chicago d’une part et la pensée chrétienne sociale d’autre part.

  • 7 Paul-Henry Chombart de Lauwe et Thierry Paquot, op. cit., p. 157-158.

8Chombart connaissait bien les travaux de Chicago. Les bibliographies de ses ouvrages et articles comportent toujours plusieurs références américaines. Il a rencontré Nels Anderson et Ernest W. Burgess. Il s’est pourtant défendu, à plusieurs reprises, d’être le continuateur français de l’École de Chicago. « Il a souvent été question […] de nous rattacher à l’École de Chicago, ce qui est inexact lorsqu’on lit nos ouvrages de cette époque en détail [les années 1950]. Nous avions en effet utilisé un élément d’une théorie qui nous avait paru utile [les zones concentriques] mais nous en critiquions beaucoup d’autres aspects7. » Nonobstant cette affirmation, les proximités sont nombreuses et portent sur des éléments fondamentaux du prisme chombartien.

  • 8 Jean-Michel Chapoulie montre que les sociologues de Chicago étaient, comme Chombart, impliqués aupr (...)
  • 9 Paul-Henry Chombart de Lauwe, La vie urbaine, 1958 (octobre-décembre), n° 4, p. 241‑251 ; Paul-Henr (...)
  • 10 Robert E. Park, « La ville. Propositions de recherche sur le comportement humain en milieu urbain » (...)

9Les sociologues de Chicago et Chombart s’intéressent à la ville dans des contextes du même type de croissance urbaine accélérée, en s’engageant au plus près des enjeux opérationnels avec la volonté d’éclairer la décision des professionnels de la transformation des environnements de vie8. Ces deux sociologies partagent aussi une forte dimension programmatique. Chombart restera toujours prudent dans ses discours sur la ville ; jamais il ne propose une théorie urbaine. Il s’estime ne pas être en position de capitaliser les savoirs. Mais il consacre beaucoup d’efforts à établir les programmes de recherches nécessaires au progrès des connaissances, par exemple, en 1965 dans son « Esquisse d’un plan de recherches sur la vie sociale en milieu urbain »9. Cette position le rapproche des travaux de Robert E. Park dans La ville. Propositions de recherche sur le comportement humain en milieu urbain10.

  • 11 Paul-Henry Chombart de Lauwe, Des hommes et des villes, op. cit., p. 116.
  • 12 Robert E. Park, op. cit., p. 108-109.

10Les rapprochements sont aussi marqués dans la conception générale de la ville. Chombart et les sociologues de Chicago partagent un regard sombre sur la métropole désorganisatrice des fonctionnements sociaux. Lorsque Chombart écrit que « les hommes sont venus hier à la ville chercher la liberté. Ils y étouffent aujourd’hui sous la pression des difficultés matérielles et des contraintes sociales »11, il n’est pas éloigné de Park qui évoque « l’influence destructrice de la vie urbaine » et estime que « c’est probablement la rupture des attaches locales et l’affaiblissement des contraintes et des inhibitions du groupe primaire, sous l’influence de l’environnement urbain, qui sont largement responsables de la progression du vice et de la criminalité dans les grandes villes12. »

11C’est en proximité avec l’École de Chicago que Chombart élabore les cadres de son orientation de recherche. Mais l’objet de ses recherches, centré sur l’acculturation des ouvriers et leur défense, n’est compréhensible que restituée dans le sillage de ses préoccupations chrétiennes.

  • 13 Michel Marié évoque les relations entre la sociologie d’après-guerre et le catholicisme social dont (...)
  • 14 Les Équipes sociales furent lancées en 1919 avec l’objectif de rapprocher les étudiants et les jeun (...)
  • 15 Sur le mouvement Jeunesse de l’Église, voir Thierry Keck, Jeunesse de l’Église 1936-1955. Aux sourc (...)
  • 16 Toutes ces structures prennent forme autour de la fin de la guerre (1944-1946) et sont condamnées e (...)
  • 17 Il a cependant peu travaillé sur les questions proprement religieuses. Une seule fois, il contribue (...)

12Aux lendemains de la Première Guerre mondiale, Chombart participe13 aux Équipes sociales de Robert Garric14 et suit le mouvement Jeunesse de l’Église15, celui des prêtres-ouvriers, de la Mission de France et de la Mission de Paris16. Ces démarches ont le projet commun d’évangélisation par immersion dans les milieux ouvriers urbains17. Ce catholicisme de gauche veut libérer l’homme des asservissements et critique les hiérarchies internes de l’Église : le pouvoir doit revenir à la base et ne plus être monopolisé par des sommets institutionnels éloignés des conditions de vie du plus grand nombre. Cette position donne lieu à des démarches d’auto-organisation des populations de tel quartier, de telle cité. Voilà un premier algorithme de la vision du monde chombartienne : l’organisation autonome des couches sociales modestes. Nous le retrouverons plus loin.

13Chombart est aussi proche de la philosophie d’Économie et humanisme. Il n’a pas participé à ce mouvement mais l’un et l’autre convergent dans la volonté d’amender le système libéral. Chombart et le père dominicain Louis-Joseph Lebret partagent aussi une ouverture aux problèmes des pays du Sud. C’est là qu’ils voient le laboratoire grandeur nature du développement urbain et simultanément, qu’ils découvrent la mise en place de systèmes communautaires de développement social des territoires pauvres des grandes villes et de leurs populations.

  • 18 Chombart a écrit sur les théories humanistes de Teilhard : Paul-Henry Chombart de Lauwe, « Social E (...)

14Le troisième pan de la vision du monde que Chombart projette sur les questions urbaines renvoie à sa conception de l’individu forgée entre le personnalisme d’Emmanuel Mounier et la pensée de Teilhard de Chardin. Dans une société se relevant du nazisme et dans laquelle point l’aliénation de l’homme par la technique ou la consommation, Chombart défend la grandeur immanente de chaque conscience humaine. L’influence de Pierre Teilhard de Chardin sur la pensée de Chombart est plus diffuse et pourtant structurante. C’est à lui que le sociologue consacre le plus de temps dans son autobiographie18. La lecture de Chombart livre une perception du monde colorée par les convictions teilhardiennes d’une transformation des sociétés vers un « mieux », vers un rapprochement entre les hommes et vers un rapprochement de ce qui paraît contraire : le technique et le spirituel, la science et l’humanisme. De ces conceptions se dégage un optimisme qui n’est pas béat – Chombart multiplie les alertes quant aux effets sociaux d’une urbanisation brutale – mais qui le distingue des sombres visions critiques qui ont le vent en poupe autour des années 68.

L’acculturation des classes populaires en milieu urbain

15La dimension chrétienne du travail de Chombart apparaît dans son objet de recherche principal, presque unique : le monde ouvrier urbain et la manière dont il peut tenir le coup dans les chambardements urbains et sociaux des Trente glorieuses. Il ne s’intéresse pas aux classes supérieures ni aux classes moyennes émergentes à ce moment. Le regard qu’il porte sur la classe ouvrière est non marxiste : non pas le travailleur dans la sphère du travail mais tous les membres de la famille observés dans le hors travail, à la maison – en réservant notamment une grande attention aux femmes ; Chombart est un féministe presque radical avant l’heure.

  • 19 En postface à la 3ème réédition de son ouvrage La vie quotidienne des familles ouvrières, Paris, Éd (...)
  • 20 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 2002 [1945 (...)

16Le fil rouge de son travail est la prise en compte désespérée de la disparition de la classe ouvrière. Il déconstruit les registres de cette « chronique d’une disparition annoncée ». Dès 1964, il écrit un article intitulé « Le prolétariat a-t-il disparu19 ? ». Pour lui, cette disparition relève d’abord de la transformation de l’espace de vie. Les derniers quartiers ouvriers sont détruits. Les ouvriers y vivaient dans des conditions parfois difficiles mais ils y vivaient ensemble. Une culture est un espace ou, pour le dire dans des termes que Chombart de Lauwe n’utilisait pas, mais dans ceux de Maurice Merleau-Ponty : l’espace est le corps propre de la culture20.

17Le premier axe de travail appréhende les modalités concrètes de cette acculturation par l’urbanisme des Trente Glorieuses.

  • 21 Henry Coing, Rénovation urbaine et changement social, Paris, Éditions ouvrières, 1966.

18Le logement est au cœur de l’étude de l’espace social ouvrier. Chombart et ses camarades l’appréhendent au regard d’une situation de référence qui est celle du quartier ouvrier. Henry Coing, explorant le quartier de la gare, dans le XIIIe arrondissement de Paris, décrit un espace social relativement clos, où les ouvriers habitent et travaillent21. Des ateliers d’entretien des trains y emploient encore, à la fin des années 1950, 10 000 personnes. À ces gros employeurs, s’ajoutent d’autres usines : Say, Panhard, la Snecma et des petites entreprises. Le quartier est autonome en matière d’emplois, d’approvisionnement et de services. Pour une majorité des travailleurs, la vie quotidienne est à l’échelle piétonne. Chombart insiste longuement sur l’habitat ouvrier dans le premier volume de Famille et habitation (1959) : il est de mauvaise qualité au regard des normes des Trente Glorieuses. Les deux tiers à peine des logements disposent de l’eau courante ; un quart d’entre eux ont des WC et 15 % une douche ou une baignoire. La proportion de logements surpeuplés est considérable. Mais les logements sont ouverts sur l’extérieur, sur un espace d’interconnaissance et des sociabilités de proximité denses. La famille ouvrière est bien intégrée dans une unité forte ; ses membres vivent ensemble sur un même espace. L’acculturation se produit lorsque ces ouvriers sont contraints de s’installer dans des espaces de vie conçus à partir d’une table rase selon des strictes normes techniques – Chombart n’évoque jamais les normes financières et de rentabilité.

19Ces quartiers sont détruits et leurs habitants ainsi que les nouveaux ménages de citadins s’installent dans les grands ensembles où les architectes tentent de concevoir le logement moderne équipé d’aménités alors exceptionnelles telles que les salles de bain, des loggias, l’électricité dans chaque pièce. Chombart et ses camarades suivent ces pionniers dans la manière dont ils s’approprient de nouveaux espaces et dans leur découverte d’un mode d’existence marqué par l’allongement des temps de transports, l’obligation de déjeuner loin du domicile et la démocratisation des loisirs…

  • 22 Paul-Henry Chombart de Lauwe et le Groupe d’ethnologie sociale, Famille et habitation. II : Un essa (...)

20La satisfaction des classes populaires semble largement partagée. « Les cités nouvelles […] ont atteint pleinement leur but puisque la grande majorité de leurs habitants déclarent qu’ils éprouvent plus de goût à vivre en famille depuis leur installation22. » Au total, 82 % des habitants des grands ensembles se disent contents de leur nouveau logement. Mais ces déclarations ne cachent pas que l’acclimatation aux logements est difficile, perturbante pour une fraction significative des entrants. Tous les espaces rationnellement aménagés sont décalés par rapport aux pratiques d’habiter ouvrières.

21De nombreux ménages ne savent pas quoi faire de la salle à manger qu’ils n’utilisent jamais ou dans laquelle ils se sentent mal à l’aise. C’est le cas à la Cité radieuse construite à Rezé-les-Nantes par Le Corbusier. L’espace est puissamment structuré par l’architecte qui va jusqu’à équiper les logements de meubles fixes. Les familles qui s’installent entrent dans un espace qui « moule » leurs gestes quotidiens et les transforme par contrainte : cuisine minuscule (moins de 4 m²), table de salle à manger fixée au sol, lits des parents et des enfants également intégrés à l’aménagement des pièces. De façon plus générale, les ménages populaires en provenance soit de l’habitat ancien, soit de l’habitat paysan découvrent les douches et les baignoires, les WC dans l’appartement, les chambres séparées pour parents et enfants et parfois des chambres pour chacun des enfants, les volets aux fenêtres, les parquets vitrifiés et encore les logements en étages sans accès immédiat à l’espace public.

  • 23 Ibid., p. 261.

22Chombart et ses équipes s’intéressent aussi au palier, à la cage d’escalier. Ces espaces du voisinage s’avèrent perturbés de tensions et de conflits, de la même manière que l’espace public du pied d’immeuble. C’est là que les jeunes passent une partie de leur temps. Dès 1960, Chombart observe que « dans la vie sociale des cités, la place et le rôle des adolescents et des jeunes posent partout des questions particulièrement angoissantes. […] Le problème est tel qu’il met en question la formule même des nouvelles cités23. » L’espace public des sociabilités de proximité disparaît. Les ménages populaires se trouvent repoussés et enfermés dans leurs domiciles.

23Au final, l’habiter ouvrier est redéfini. Les modes d’occupation du logement, les espaces de la proximité piétonne, la dissociation des lieux de vie et de travail, tout cela reconfigure de force les pratiques de vie quotidienne. Les espaces de vie des ouvriers sont reconfigurés en eux-mêmes et dans leurs articulations : l’espace du logement, l’espace du voisinage et celui des relations amicales et familiales. La culture, encastrée dans une spatialité particulière, se défait lorsque son espace est détruit.

Chombart, expert porte-parole du peuple habitant

  • 24 Paul-Henry Chombart de Lauwe, « L’avenir de Paris, les problèmes humains », Esprit, 1964 (octobre), (...)

24Profondément inquiet de ses découvertes, de la situation du monde populaire, Chombart se démène auprès des pouvoirs publics pour obtenir qu’ils prennent en compte la meilleure part de l’homme. Il délivre de nombreuses préconisations. Il intervient sur les normes des nouveaux logements en termes de surfaces habitables et d’isolation acoustique, de densités de population et d’organisation des appartements. Il est attentif aux équipements collectifs nécessaires à l’intégration sociale des cités nouvelles : équipements de sports, centres de loisirs pour les jeunes, bars sans alcool [sic], buanderies collectives pour les femmes des milieux modestes qui n’ont pas de machines à laver le linge. Sur tous ces plans, Chombart est précis et soumet aux techniciens de l’aménagement des points de vue qu’ils peuvent intégrer tels quels dans leurs travaux. Chombart contribue aussi aux débats relevant de la planification urbaine, notamment à propos des villes nouvelles, alors envisagées sur une prévision démographique de 16 millions de franciliens en l’an 2 000. Il propose un schéma d’aménagement des agglomérations fondé sur le polycentrisme et articulant 4 niveaux24 : le territoire des micro-équipements pour jeunes (50 logements) ; le quartier de voisinage (de 1 000 à 2 000 personnes) ; la ville, dont la dimension optimale varie entre 100 000 et 300 000 personnes, ce qui suppose pour lui de donner une vraie autonomie aux arrondissements parisiens ; enfin, les agglomérations, qui ont pour dimension optimale un million d’habitants.

  • 25 Une équipe du Centre d’étude des groupes sociaux a étudié cette question pour le compte du Commissa (...)
  • 26  Nous dirions aujourd’hui la mixité sociale. Chombart n’utilise jamais ce terme.

25À travers ce schéma, Chombart formule plusieurs principes d’aménagement. D’abord, la nécessaire qualité des équipements collectifs, à toutes les échelles de territoires et dans tous les domaines25 ; ensuite, la polycentralité qui doit permettre de contenir les villes à une taille raisonnable de un million d’habitants maximum ; puis, la maîtrise de la spécialisation fonctionnelle des territoires, de sorte que soit évitée l’allongement des distances entre domicile-travail ; l’organisation des mobilités est un autre enjeu central pour Chombart, une question qui en commande beaucoup d’autres ; autre principe : l’importance dans la ville des monuments et du symbolique ; enfin, le brassage social26, même s’il ne précise pas à quelle échelle il faut le mettre en œuvre : immeuble, cité, quartier, agglomération ?

  • 27 Paul-Henry Chombart de Lauwe, Des hommes et des villes, op. cit., p. 73.

26Ses recommandations, opérationnelles, dépassent néanmoins le registre technique. Il transmet aux aménageurs une vision anthropologique de l’homme, saisi dans sa globalité, dans la totalité de ses besoins, dans l’interdépendance des dimensions de sa vie. Ce qui manque aux urbanistes à ses yeux, « c’est une anthropologie dans laquelle seraient définies les aspirations des hommes d’aujourd’hui en fonction de l’avenir qui s’impose à eux, en fonction des valeurs auxquelles ils sont attachés, des croyances, des symboles, des mythes qui orientent leur pensée27. » Élaborer cette anthropologie du nouveau citadin est un objectif central du travail de Chombart.

27Ce travail d’avocat et d’homme de « bonne volonté » est cruellement déçu. Chombart comprend peu à peu qu’il prêche dans le désert. Les derniers quartiers ouvriers sont systématiquement détruits et les grands ensembles déshumanisés sortent du sol à toute vitesse, identiques partout. Les limites et les échecs du partenariat avec les aménageurs le minent et ses appels se font plus poignants. À le lire dans la continuité de ses travaux, on perçoit une déchirure, une faille grandissante entre l’exercice du partenariat avec les pouvoirs publics et ses trop maigres résultats. La prise de distance intervient dans le contexte intellectuel radical des années 1970.

Un doctrinaire de l’autogestion des milieux populaires

28Chombart s’engage dans le troisième et dernier moment de sa problématique : la réflexion autour des modes d’action autonomes des classes populaires. Il théorise les possibilités de mobilisation des habitants pour décider et maîtriser, dans une certaine mesure, leur cadre de vie. L’acculturation des classes populaires, d’abord passivement vécue, doit devenir le moteur d’une action collective. Voilà Chombart doctrinaire de l’autogestion des milieux populaires.

29Son objectif est désormais de produire des connaissances au profit des populations habitantes. Il mise sur leur contribution collective à des choix d’aménagement plus pertinents et, surtout, à la densification du lien social au sein des cités. Les redéfinitions des espaces ont bouleversé les structures sociales. Il en résulte des manifestations anomiques que Chombart identifie à travers plusieurs indicateurs : les bandes de jeunes et la délinquance ; les surcharges d’activité des femmes qui doivent gérer le travail salarié et le travail domestique sans l’aide des voisines ou de la famille ; les troubles psychiques liées aux situations nouvelles d’isolement et d’exclusion, etc.

  • 28 Paul-Henry Chombart de Lauwe et le Groupe d’ethnologie sociale, op. cit., p. 270.

30Tout ce qui contribue à l’intégration du lien social doit être soutenu, notamment les associations de tout type qui sont pour Chombart au « fondement même de la démocratie28 », mais d’une démocratie qu’il entend dans le domaine social, pas dans le domaine politique. L’association, le club, le comité d’immeuble ou de quartier sont les structures qui permettent à tous les habitants d’accéder à la discussion collective et au renforcement des liens sociaux de proximité.

31Chombart milite pour l’implantation systématique de lieux où les habitants peuvent échanger les uns avec les autres : buanderies collectives et crèches, centres de loisirs et espaces pour les jeunes. À travers cette revendication, il pointe les questionnements ultérieurs de la démocratie locale et de l’organisation sociale et solidaire dans les quartiers populaires, qui constituent une des origines de la politique de la Ville actuelle. Chombart inscrit ces mobilisations habitantes dans la sphère de la société civile et non dans le domaine politique, ce qui tendrait, à ses yeux, à ramener les enjeux anthropologiques de la vie quotidienne à des logiques partisanes et conflictuelles. À aucun moment, il n’évoque l’inscription de revendications dans les programmes de partis politiques ou dans les jeux électoraux. Il ne tient aucun discours sur les scènes politiques locale ou nationale. Pour lui, la mobilisation populaire doit être autonome car à travers elle, il s’agit de préserver une culture particulière, celle de l’habiter ouvrier. Cette démarche ne peut être portée que par les ouvriers eux-mêmes. Chombart n’envisage jamais non plus de regroupement des mobilisations locales. La légitimité de l’habitant est d’être actif sur territoire qu’il habite ; ailleurs, il perd toute légitimité. L’action collective est locale chez Chombart : c’est celle de l’habitant sur son territoire.

32Les transformations des Trente Glorieuses, tant de la ville que des structures socio-politiques, font émerger des quasi-communautés d’habitants. L’espace de l’habiter est, pour Chombart, celui où les groupes sociaux peuvent préserver leur culture, des liens sociaux spécifiques et, plus globalement, une dignité, c’est-à-dire, pour lui, le sentiment de pouvoir vivre leurs aspirations. Mais cet espace d’autonomie doit être conquis dans un rapport de force ; cette conquête s’opère dans le cadre de la dynamique culturelle.

33Cette notion participe d’un nouveau regard de Chombart sur les logiques de structuration sociale. C’est avec La culture et le pouvoir, en 1975, qu’il opère ce virage critique, ouvrage que nombre de chombartiens tiennent pour le maître opus de leur chef de file. Il propose une analyse du changement des sociétés, européennes et non européennes, dans le contexte d’une urbanisation forcée en abandonnant sa conception linéaire et « continuiste » du pouvoir où les populations, les structures d’État et les responsables politiques sont liés les uns aux autres dans un progrès partagé.

  • 29 Paul-Henry Chombart de Lauwe, La culture et le pouvoir, Paris, Stock, 1975, p. 39.
  • 30 Paul-Henry Chombart de Lauwe, Pour l’université, Paris, Payot, 1968, p. 15.

34Il aborde désormais les fonctionnements sociaux en terme de conflits : « Entre le système de valeurs des dirigeants de l’industrie capitaliste, fondé sur le profit, l’efficacité, le rendement, et celui des militants ouvriers, qui fait appel à la dignité, au respect de la justice et des droits de l’individu et de la classe, les tentatives de compromis n’aboutissent qu’à un enlisement29. » La concertation-participation que Chombart a défendue si fort dans les années 1950 devient à ses yeux partie prenante de la manipulation : « Il y a bien des consultations fréquentes et parfois spectaculaires mais le pouvoir n’en tient compte que dans la mesure où les résultats ne gênent pas ses plans30. »

35L’affrontement se joue dans l’espace culturel. Deux pouvoirs ont pris le pas sur le politique : le pouvoir financier et celui de la technique, en particulier les techniques de propagande. C’est à elles que Chombart s’intéresse le plus, comme le pouvoir de construction, de diffusion et de manipulation de modèles culturels, de modes de penser, de comportements et d’expression. Au-delà des dominations économiques et politiques, les populations sont « mentalement » manipulées, incapables dès lors de s’affranchir.

  • 31 Paul-Henry Chombart de Lauwe, La culture et le pouvoir, op. cit., p. 111.
  • 32 Ibid., p. 33.

36Chombart désigne du terme de « dominance » – plutôt que « domination », trop connoté – le système de contrainte qui pèse sur les populations. La dominance procède d’une logique totale, encadrant la vie quotidienne dans toutes ses dimensions à travers un réseau de normes sociales délimitant le moindre comportement intime, la projection de soi dans le futur. Les préoccupations urbaines, le cadre de vie et la consommation sont eux aussi régis par la dominance. Chombart estime que dans le contexte « de la pollution, du bruit, des cadences de travail, de l’agitation des transports urbains […] la reconquête de l’environnement devient un enjeu de la lutte des classes31. » De larges pans de la population sont aliénés : les travailleurs modestes, les jeunes et les femmes, les membres des nations en développement. Tous vivent l’imposition de normes hétérogènes dans le domaine de la consommation, de l’espace envahi de dispositifs auxquels il faut se plier et du temps fractionné, mais aussi dans le rapport à la nature. « Dans le domaine des valeurs, comme ailleurs, les hommes de la fin du xxe siècle sont désorientés ou aveugles32 ».

Libération sans révolution

  • 33 Paul-Henry Chombart de Lauwe, « Introduction à la troisième édition », La Vie quotidienne des famil (...)

37Les groupes dominés aspirent à se libérer. Dans cette perspective, Chombart concède presque tout au marxisme : le discours sur la fin de l’histoire, le constat d’un capitalisme parvenu au dernier stade de son développement, les contradictions internes au système social... Chombart évoque désormais la lutte des classes et exprime les idées de la cause internationaliste. Par exemple, les ouvriers migrants et les ouvriers français ont cause commune car « toute avancée de la classe ouvrière dans un pays peut bénéficier aux autres, à condition de prendre conscience de la nécessité de définir une politique à l’échelle mondiale33. »

  • 34 Paul-Henry Chombart de Lauwe, La culture et le pouvoir, op. cit., p. 87.

38Mais nonobstant le recours à la terminologie marxiste, la vision du monde de Chombart continue de s’en distinguer. Chez lui, c’est l’acteur-sujet qui est au cœur du projet, non la classe et encore moins le parti. Cet acteur s’institue lui-même, à travers « la pratique de l’action, de la communication, du dialogue avec d’autres hommes34. » Le sujet chombartien n’est pas institué en tant que membre d’un collectif qui le dépasse d’emblée mais se constitue par la réflexivité, dirions-nous aujourd’hui. Chombart n’adhère pas au primat marxiste accordé aux déterminants économiques en matière de structuration sociale et de changement social. Sur le plan politique, Chombart refuse l’option révolutionnaire violente. Il reproche au marxisme la négation de la part spirituelle de l’homme et ne privilégie pas l’intégration des individus dans des institutions abstraites aux dépens de l’intégration de l’individu dans sa famille et son réseau d’interconnaissance. Par ailleurs, chez les marxistes, la mobilisation collective est appréhendée dans le registre politique où les idées et les revendications sont clairement formulées, mais formulées par des professionnels, leaders et intellectuels. Pour Chombart, le mouvement de libération doit prendre naissance en amont de l’expression des revendications, au moment où les individus éprouvent qu’ils sont « mal » dans leur situation dominée mais sans être encore capables d’identifier pourquoi et comment changer. Cet état renvoie au concept d’aspiration, comme désir fondé sur le sentiment d’un décalage entre la situation donnée et la situation qui paraît souhaitable. Ce travail d’élucidation doit être réalisé, étape par étape, par les intéressés eux-mêmes ; le parti, l’institution sont inutiles. Ce que Chombart appelle la dynamique culturelle est cet accompagnement des individus dans un parcours de conscientisation de leurs désirs de changement social.

Pour conclure

  • 35 Ces travaux et théories de Chombart sont fondés sur ses voyages dans de nombreux pays en cours de d (...)

39Dans ses dernières années, avec La fin des villes (1982), Paul-Henry Chombart de Lauwe élabore à l’échelle mondiale un modèle de la ville à « deux vitesses35 ». Les classes populaires européennes et les habitants des bidonvilles de Mexico ou de Lima, des villes d’Afrique et d’Inde sont prises dans une situation commune de ne pouvoir acquérir d’autonomie qu’à condition d’être invisibles, presque clandestines. Ce qu’il désigne en évoquant la « fin des villes » renvoie à deux dynamiques interdépendantes : la production, par la combinaison des techniques d’aménagement et de propagande, d’un espace matrice de la domination ; et la production par les groupes dominés d’un espace divergent et souterrain.

40Ce regard de Chombart est à rapprocher de celui d’Ivan Illich. Après avoir été longtemps un espace de convivialité – au sens d’un espace produit par le don, le partage et l’usage – la ville devient un « outil », dispositif fonctionnant de manière autonome, sans que soient pris en compte les hommes et les femmes qui y participent. La ville grandit, se complique et rompt les équilibres sociaux qu’elle abritait.

41L’enjeu pour l’action n’est pas politique. Il ne s’agit pas simplement de changer le pilote d’un système productiviste. C’est la nature même du système de production qui est en cause. Dans cette perspective, il devient important de mettre en place des organisations qui restaurent un ordre plus respectueux des individus, plus proches d’eux, et dans lesquelles ils puissent s’exprimer, créer, se créer. Cet ordre ne peut être que local, c’est-à-dire d’interconnaissance et de proximité. Ce n’est pas une pensée conservatrice qui amène Chombart à fonder ses espoirs sur ce qu’on pourrait appeler des « petites républiques » ; c’est plutôt une pensée moderne qui n’est pas sans rapport avec l’écologie politique.

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Notes

1 Pour des éléments biographiques, voir le livre d’entretien de Paul-Henry Chombart de Lauwe et Thierry Paquot, Un anthropologue dans le siècle, Paris, Descartes & Cie, 1996. Voir aussi la notice précise et complète d’André Grelon, « In memoriam, Paul-Henry Chombart de Lauwe, 1913-1998 », L’Année sociologique, 1999, 49, n° 1, p. 7-18. Pour la bibliographie : Luce Kellermann, « Publications de Paul-Henry Chombart de Lauwe, liste signalétique » dans Collectif, Les hommes, leurs espaces et leurs aspirations. Hommage à Paul-Henry Chombart de Lauwe, Paris, L’Harmattan, 1994, p. 473-479. Parmi les travaux significatifs de Chombart de Lauwe : « Pierres et poteries sacrées du Mandara (Cameroun Nord) », Journal des africanistes, 1937, VII-1, p. 53-67 (première publication scientifique d’un jeune anthropologue) ; « Espace social et urbanisme des grandes cités », La vie urbaine, 1951, n° 51, p. 161-184 ; Paris et l’agglomération parisienne, 2 vol., Paris, Presses universitaires de France, 1952 ; « Scandale du logement et espoir de l’urbanisme », Esprit, 1953 (octobre-novembre), p. 571-579 ; Étude sociologique de l’agglomération bordelaise, 1956 ; Enquêtes sur les regroupements d’urbanisme de Maubeuge et de la vallée de la Sambre, Paris, Centre d’étude des groupes sociaux, 1956 ; La vie quotidienne des familles ouvrières. Recherches sur les comportements sociaux de consommation, Éditions du CNRS, 1956 ; Logements et comportements des ménages dans trois cités nouvelles de l’agglomération parisienne (Cahiers du Centre scientifique et technique du Bâtiment, 3), 1957 ; « Les hommes et la société urbaine », dans L’homme et la révolution urbaine. Citadins et ruraux devant l’urbanisation, 52ème session des Semaines sociales de France (Brest), Lyon, Chronique sociale de France, 1965, p. 67-80 ; La fin des villes. Mythe ou réalité, Paris, Calmann-Lévy, 1982 ; en collaboration avec Louis Couvreur, « La sociologie urbaine en France. Revue des recherches significatives », Current sociology, 1955, vol. IV, p. 9-52 ; en collaboration avec le Groupe d’ethnologie sociale, Famille et habitation, 2 vol., Paris, Éditions du CNRS, 1959-1960.

2 Germàn Solinis, « Paul- Henry Chombart de Lauwe », in Jacques Julliard et Michel Winock (dir.), Dictionnaire des intellectuels français, Paris, Seuil, 2002, p. 308-310.

3 Rémy Rieffel, La Tribu des clercs. Les intellectuels sous la Vème République, Calmann-Lévy/CNRS Éditions, 1993.

4 Michel Amiot, Contre l’État, les sociologues. Éléments pour une histoire de la sociologie urbaine (1900-1980), Paris, Éditions de l’École des Hautes études en sciences sociales, 1986.

5 Éric Le Breton, Pour une critique de la ville. La sociologie urbaine française, 1950-1980, Presses universitaires de Rennes, coll. « Le sens social », 2012.

6 Une des singularités de l’œuvre de Paul-Henry Chombart de Lauwe est qu’elle s’inscrit dans plusieurs champs disciplinaires : la sociologie, la géographie (les photographies aériennes et les cartes sont toujours de l’ordre de plusieurs dizaines dans chaque livre), l’économie sociale, la psychosociologie (secteur dans lequel il a publié plusieurs articles) et l’anthropologie.

7 Paul-Henry Chombart de Lauwe et Thierry Paquot, op. cit., p. 157-158.

8 Jean-Michel Chapoulie montre que les sociologues de Chicago étaient, comme Chombart, impliqués auprès des gestionnaires du logement, de travailleurs sociaux agissant au sein de fondations sur les questions de santé, de pauvreté, d’éducation (Jean-Michel Chapoulie, La tradition sociologique de Chicago. 1892-1961, Paris, Seuil, 2001).

9 Paul-Henry Chombart de Lauwe, La vie urbaine, 1958 (octobre-décembre), n° 4, p. 241‑251 ; Paul-Henry Chombart de Lauwe, Des hommes et des villes, Paris, Payot, 1965, p. 35-47.

10 Robert E. Park, « La ville. Propositions de recherche sur le comportement humain en milieu urbain », dans Yves Grafmeyer et Isaac Joseph (dir.), L’École de Chicago. Naissance de l’écologie urbaine, Paris, Aubier, 1979, p. 83-131 (1ère éd. 1922).

11 Paul-Henry Chombart de Lauwe, Des hommes et des villes, op. cit., p. 116.

12 Robert E. Park, op. cit., p. 108-109.

13 Michel Marié évoque les relations entre la sociologie d’après-guerre et le catholicisme social dont Chombart de Lauwe était « la figure emblématique » en même temps que « la conscience malheureuse » (Michel Marié, Les terres et les mots, Paris, Méridiens-Klincksieck, 1989).

14 Les Équipes sociales furent lancées en 1919 avec l’objectif de rapprocher les étudiants et les jeunes ouvriers à des fins de découverte réciproque puis d’actions communes. Elles réunissent 10 000 participants en 1939.

15 Sur le mouvement Jeunesse de l’Église, voir Thierry Keck, Jeunesse de l’Église 1936-1955. Aux sources de la crise progressiste en France, Paris, Karthala, 2004.

16 Toutes ces structures prennent forme autour de la fin de la guerre (1944-1946) et sont condamnées et interdites en 1953-1954 par les autorités de l’Église, au motif d’une trop grande proximité avec le communisme ou le marxisme. Dissolution souvent suivie de réémergence sous d’autres formes et d’autres dénominations.

17 Il a cependant peu travaillé sur les questions proprement religieuses. Une seule fois, il contribue à un recensement national des pratiquants : Paul-Henry Chombart de Lauwe, Louis Couvreur et Lucien Vieille, Pratiques religieuses dominicales, CDU-CNRS, ronéoté, 1954.

18 Chombart a écrit sur les théories humanistes de Teilhard : Paul-Henry Chombart de Lauwe, « Social Evolution and Human Aspirations », The American Catholic Sociological Review, 1962, vol. XXIII, n° 4, p. 294-309.

19 En postface à la 3ème réédition de son ouvrage La vie quotidienne des familles ouvrières, Paris, Éditions du CNRS, 1964, p. 213-219.

20 Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, coll. « Tel », 2002 [1945 pour la 1ère édition].

21 Henry Coing, Rénovation urbaine et changement social, Paris, Éditions ouvrières, 1966.

22 Paul-Henry Chombart de Lauwe et le Groupe d’ethnologie sociale, Famille et habitation. II : Un essai d’observation expérimentale, Paris, Éditions du CNRS, 1960, p. 107.

23 Ibid., p. 261.

24 Paul-Henry Chombart de Lauwe, « L’avenir de Paris, les problèmes humains », Esprit, 1964 (octobre), n° 10-12, p. 546-565, en particulier p. 564.

25 Une équipe du Centre d’étude des groupes sociaux a étudié cette question pour le compte du Commissariat général du plan d’équipement et de la productivité et de la Délégation générale au District de la région de Paris : Claude Cornuau, Maurice Imbert, Bernard Lamy, Jacques-Olivier Retel et Paul Rendu, L’attraction de Paris sur sa banlieue. Étude sociologique, Paris, Éditions ouvrières, 1965.

26  Nous dirions aujourd’hui la mixité sociale. Chombart n’utilise jamais ce terme.

27 Paul-Henry Chombart de Lauwe, Des hommes et des villes, op. cit., p. 73.

28 Paul-Henry Chombart de Lauwe et le Groupe d’ethnologie sociale, op. cit., p. 270.

29 Paul-Henry Chombart de Lauwe, La culture et le pouvoir, Paris, Stock, 1975, p. 39.

30 Paul-Henry Chombart de Lauwe, Pour l’université, Paris, Payot, 1968, p. 15.

31 Paul-Henry Chombart de Lauwe, La culture et le pouvoir, op. cit., p. 111.

32 Ibid., p. 33.

33 Paul-Henry Chombart de Lauwe, « Introduction à la troisième édition », La Vie quotidienne des familles ouvrières, Paris, Éditions du CNRS, 1977, p. 9-18, p. 13.

34 Paul-Henry Chombart de Lauwe, La culture et le pouvoir, op. cit., p. 87.

35 Ces travaux et théories de Chombart sont fondés sur ses voyages dans de nombreux pays en cours de développement et sur l’ensemble des enquêtes des chercheurs membres de l’Association de recherche coopérative internationale.

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Pour citer cet article

Référence papier

Eric Le Breton, « Paul-Henry Chombart de Lauwe, sociologue urbain, chrétien, intellectuel et expert »Chrétiens et sociétés, 21 | -1, 15-31.

Référence électronique

Eric Le Breton, « Paul-Henry Chombart de Lauwe, sociologue urbain, chrétien, intellectuel et expert »Chrétiens et sociétés [En ligne], 21 | 2014, mis en ligne le 16 juin 2022, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/3661 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.3661

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Auteur

Eric Le Breton

Université Rennes 2, CIAPHS (EA 2241)

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