Une bande dessinée américaine transposée dans un cadre colonial et catholique belge : la série « Tiger Joe » de Charlier et Hubinon
Résumés
La série "Tiger Joe" parue au début des années 1950 dans le supplément jeunesse du quotidien catholique La Libre Belgique fournit un bon exemple des phénomènes de transferts culturels qui affectent la BD. Les deux auteurs, Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, se sont inspirés d'un comic strip américain bien connu en Europe : "Jungle Jim" d'Alex Raymond. Mais ils ont largement adapté leur propos au support de publication et au public visé. Ainsi, si les héros portent des noms et arborent des physiques dignes du cinéma hollywoodien, les situations se révèlent en parfaite adéquation avec un discours colonial et catholique belge. Comme dans Tintin au Congo, c'est par exemple un dynamique missionnaire qui symbolise l'action "civilisatrice" menée en Afrique centrale.
Toutefois, lue tardivement et dans un contexte non belge, cette série peut être reçue différemment. Elle sera ainsi présentée au début des années 1960 dans l'hebdomadaire français Pilote comme une grande aventure plus "exotique" que coloniale ....
Plan
Haut de pageTexte intégral
- 1 Olivier Odaert, « Rob-Vel passeur de cultures », communication donnée dans le cadre du colloque « L (...)
1La bande dessinée belge francophone constitue un excellent poste d’observation pour les phénomènes de transferts culturels. Elle a parfois puisé son inspiration dans la production américaine, et s’est pour une large part adaptée au marché français, beaucoup plus important numériquement. Dans un récent colloque, Olivier Odaert a par exemple montré comment Rob-Vel, créateur français du très belge personnage de Spirou, avait été influencé par des normes de composition américaines. Le dessinateur parisien s’était en effet initié au « neuvième art » outre-Atlantique, en assistant Martin Branner sur la série « Winnie Winkle », que les Français découvrent par la suite sous le nom de « Bicot ». Si dans les premiers exploits de Spirou, livrés aux éditions Dupuis en 1938, il se conforme à des découpages assez linéaires, il introduit ensuite des compositions de planches bien plus complexes, expérimentées avec le maître américain1.
2Mais la mise en valeur d’influences externes ne doit pas dissimuler les processus de « digestion », de réinterprétation en fonction de l’univers culturel d’accueil. La série « Tiger Joe », publiée à partir du mois d’août 1950 dans le quotidien catholique La Libre Belgique, semble particulièrement intéressante en ce domaine. Le patronyme anglais du héros principal montre bien que les deux auteurs, le scénariste Jean-Michel Charlier et le dessinateur Victor Hubinon, lorgnent pour une part du côté de la bande dessinée ou du cinéma américains. Mais les trois grands épisodes qu’ils réalisent ensemble se déroulent en Afrique centrale, et plus précisément au Congo belge. Un subtil dialogue s’établit ainsi entre références américaines et imaginaire colonial et catholique européen. Nous souhaiterions revenir sur l’imbrication de ces différents éléments. On se trouve ici au cœur même du processus de construction d’une bande dessinée d’aventures qui mobilise des stéréotypes divers. Toutefois, la « littérature en images » ne peut être réduite à un assemblage d’éléments disparates. Il importe de se pencher sur la structure même du récit, pour tenter de savoir quel pôle de référence l’emporte. Nous serons finalement conduits à nous demander si, par delà l’emploi de patronymes américains, une bande dessinée telle que « Tiger Joe » n’est pas avant tout porteuse d’un discours colonial et catholique assez spécifiquement belge. Dans la même optique, il conviendra de s’interroger sur la diffusion de cette série à l’époque des indépendances africaines, et sur un marché un peu différent, à savoir la France.
Tiger Joe, un clone de Jungle Jim ?
- 2 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire (1951), rééd. dans Intégral (...)
- 3 Patrick Gaumer, « Texte de présentation », dans Buck Danny. L’intégrale 1, Marcinelle, Dupuis, 2010 (...)
3En créant cette nouvelle série, les deux auteurs misent manifestement sur l’attirance des jeunes lecteurs belges pour la culture américaine. Lorsque le récit en images est lancé, en août 1950, dans La Libre Belgique, c’est en effet sous un intitulé anglo-saxon : « Tiger Joe ». Les principaux protagonistes de la série portent par ailleurs tous des patronymes qui renvoient au monde anglo-américain. Le fidèle compagnon du héros s’appelle « Gin », en référence à son goût immodéré pour l’alcool, et leur ennemi juré se nomme « Slim Hunter ». Enfin, une New-yorkaise, « Sheila Keeler », tient un rôle essentiel au sein de l’intrigue. Pour que les choses soient d’ailleurs bien claires, dès le début de l’épisode, le capitaine d’un bateau à vapeur fait savoir à la jeune femme que Tiger Joe est l’un de ses « compatriotes »2. Un tel choix n’est guère étonnant. Charlier et Hubinon ne font que se conformer à une stratégie déjà éprouvée. Ils animent en effet depuis plus de trois ans, dans les pages du Journal de Spirou, un personnage explicitement américain : le pilote de chasse « Buck Danny ». Et précisément en 1950, les premiers épisodes de la série, repris en albums souples, commencent à rencontrer un réel succès. Ajoutons que les deux auteurs ont intégré une structure qui se réclame, par son nom autant que par sa fonction, de la culture américaine : la World’s Publicity Press, agence liégeoise qui vend des récits en images à tel ou tel périodique. Le créateur de ce petit groupe, Troisfontaines, avait très tôt manifesté son américanophilie, puisqu’il s’était lancé dans la vie active en traduisant des lettres destinées aux G.I. repartis aux États-Unis3.
Des patronymes anglo-américains
Charlier et Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire, Lefrancq, 1988, p. 4.
- 4 Paul Guérin, « La presse écrite », dans Jean Pirotte et Guy Zelis (dir.), Pour une histoire du mond (...)
- 5 Mark Van den Wijngaert et Vincent Dujardin, La Belgique sans roi (1940-1950), Bruxelles, Complexe, (...)
4On peut ajouter qu’un support comme La Libre Belgique est sans doute d’autant plus porté à accueillir en son sein des héros américains que le contexte s’y prête éminemment. Le quotidien en question est un organe catholique, qui a été fondé à Bruxelles à la fin du xixe siècle, dans une optique de défense religieuse4. Durant l’entre-deux guerres, dans de tels milieux, un anticommunisme viscéral n’excluait pas une certaine défiance vis-à-vis du capitalisme américain. Toutefois, en 1950, la guerre froide, avec son cortège d’angoisses, impose d’être fidèle au camp atlantique. En juillet de cette année, soit un mois avant la parution de « Tiger Joe », le ministre belge des Affaires étrangères ne déclarait-il pas à ses collègues que, du fait de l’affrontement en Corée, il y avait une chance sur deux que son petit pays soit entraîné dans un nouveau grand conflit mondial5 ?
- 6 Patrick Gaumer, « Jungle Jim », dans Larousse de la BD, Paris, Larousse, 2004, p. 438 ; voir aussi (...)
- 7 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire, op. cit., p. 9.
5Toutefois, la série « Tiger Joe » ne peut être réduite à un simple hommage généraliste aux héros d’outre-Atlantique. Elle s’inspire en effet plus ou moins directement d’une bande dessinée américaine bien précise : « Jungle Jim », lancée par Alex Raymond en 1934. Cette série mettait en scène un intrépide chasseur de fauves opérant en Asie. Elle a rapidement été diffusée au sein du monde francophone européen, par le biais du Journal de Mickey6. Plusieurs éléments montrent que Charlier et Hubinon se réfèrent, à travers leur « Tiger Joe », au « Jungle Jim » de Raymond. On peut d’abord évoquer le nom même du héros, et par voie de conséquence celui de la série. En effet, alors que l’action se déroule en Afrique centrale, le patronyme du personnage renvoie à un fauve asiatique. Et comme si les mots ne suffisaient pas, une peau de tigre trône sur le sol de la « case » de Tiger Joe7. Tout concourt donc à laisser penser que celui-ci a un temps exercé son métier de chasseur et guide de safaris en Orient, exactement comme Jungle Jim.
- 8 Alex Raymond, « Le triangle pourpre », dans Jungle Jim, Paris, Futuropolis, 1982, n. p.
- 9 René Chateau, « Filmographie des comics », dans La méthode. Revue de cinéma, n° 10, février 1963, p (...)
6On peut ensuite s’attarder sur la fonction et l’aspect physique du héros. Comme Jungle Jim, Tiger Joe délaisse assez vite son activité de chasseur de fauves pour se lancer dans des aventures plus débridées. Dans « Le mystère des hommes léopards », paru en 1952-1953, il combat ainsi une dangereuse secte qui veut déstabiliser le Congo, tout comme son ancêtre américain avait lutté, dans un épisode publié en 1936, contre la redoutable société du « Triangle pourpre », qui cherchait à prendre le pouvoir en Chine8. L’aspect physique du héros créé par Charlier et Hubinon pourrait paraître assez éloigné de celui du personnage dessiné par Raymond. Tous deux ont des cheveux bruns, présentent un visage carré, avec un menton volontaire, et fument la pipe. Mais Tiger Joe porte un pantalon droit et un chapeau de brousse blanc, tandis que Jungle Jim arbore un casque colonial, une large culotte d’équitation et des bottes. Cette divergence renvoie sans doute pour une part aux évolutions de la mode vestimentaire. Mais elle tient aussi au fait que Charlier et Hubinon s’inspirent tout autant de l’adaptation cinématographique de « Jungle Jim » que de la version dessinée originale. Il convient de rappeler que la série créée par Alex Raymond a été portée sur grand écran dès 1937, par le studio Universal. Entre 1948 et 1950, c’est-à-dire juste au moment où les deux auteurs belges imaginent leur nouvelle série, la Columbia reprend le flambeau, en produisant trois films consécutifs dans lesquels le rôle titre est interprété par le fameux Johnny Weissmuler9. Dans ces dernières adaptations, l’ancien champion de natation, à l’imposante stature, porte un chapeau de brousse clair et un pantalon droit. Le personnage imaginé par Charlier et Hubinon lui ressemble de manière saisissante, ce qui n’échappe sans doute pas aux amateurs belges de films d’action !
- 10 Alex Raymond, « Le tigre aux dents de sabre », dans Jungle Jim, op. cit., n. p ; Jean-Michel Charli (...)
7On pourrait encore souligner que comme Jungle Jim, Tiger Joe est accompagné, lors de ses premières aventures, par un « boy » fidèle et par une jeune femme. Du fait d’un environnement géographique différent, le serviteur du héros est dans un cas un Asiatique arborant un turban, et dans l’autre, un Africain qui porte une chéchia rouge. Mais il joue sensiblement le même rôle dans les deux séries : celui d’un « indigène » dévoué, qui donne du « Massa » ou du « Bwana » au chasseur de fauves, et qui lui apporte un concours souvent décisif. Tout comme Kolu sauve ses compagnons en lançant avec habileté un poignard, N’Mango rétablit une situation compromise en tuant un crocodile d’un coup de lance bien ajusté10.
Un physique inspiré du Jungle Jim hollywoodien
Charlier et Hubinon, Tiger Joe. Le cimetière des éléphants, Lefrancq, 1989, p. 3.
- 11 Ibid., p. 9.
- 12 Alex Raymond, « Le triangle pourpre », dans Jungle Jim, op. cit., n. p.
- 13 Alex Raymond, « La reine des vampires », dans ibid., n. p.
- 14 Benoit Mouchard, La Bande dessinée, Paris, Le Cavalier bleu, 2009, p. 35-36.
8La fonction attribuée aux personnages féminins semble beaucoup moins comparable. Sheila Keeler, qui intervient dans les deux premières aventures au long cours de Tiger Joe, est une assez jeune fille, qualifiée de « gosse » par Gin, vêtue très sobrement, et qui ne manifeste aucun sentiment amoureux explicite pour le héros11. Elle ne sera en outre pas remplacée par un autre personnage féminin dans le troisième épisode de la série. On trouve nettement plus d’allusions aux jeux de la séduction à travers l’œuvre d’Alex Raymond. Ainsi, lorsque la belle « Maggie », qui accompagnait Jungle Jim au cours de ses premiers exploits, décide de partir, elle laisse au chasseur de fauves une lettre dans laquelle elle lui avoue son amour12. Et cette première héroïne est rapidement remplacée par une autre jeune femme, plus vénéneuse, mais tout aussi attirée par le personnage principal : « Shangaï Lil », apparue comme la redoutable « Reine des vampires », et devenue, au fil des épisodes, une espionne au service du « bien ». Celle-ci n’hésite pas à revêtir, alors qu’elle se trouve au cœur de la brousse, une longue robe moulante, afin de mieux séduire Jungle Jim13. Une telle divergence doit être mise en relation avec les supports dans lesquels ont été publiées originellement les deux séries. Les strips de « Jungle Jim » sont parus à partir de janvier 1934 comme « bandes complémentaires » au bas de la Sunday page de grands quotidiens américains. Les lecteurs visés étaient avant tout les acheteurs de ces journaux, c’est-à-dire des pères de famille14. On a noté que la série « Tiger Joe » avait été lancée elle aussi dans les pages d’un quotidien d’information, en l’occurrence La Libre Belgique. Mais la forte identité catholique de ce périodique imposait certainement de ne pas mettre en avant des femmes aussi « fatales » que « Shangaï Lil ». En outre, le public ciblé par « Tiger Joe » était sans doute bien plus celui des jeunes gens que celui des pères de famille.
- 15 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Intégrale Tiger Joe, Lefrancq, 1995, dos de la seconde page (...)
9De manière tout à fait significative, après que quatorze planches ont été publiées, selon un rythme hebdomadaire, au sein même du quotidien, la série rejoint La libre junior, supplément fondé explicitement pour les enfants, dans la lignée du célèbre Petit Vingtième, qui avait popularisé Tintin15. L’aspect humoristique de « Tiger Joe », qui ressort notamment au travers du personnage de Gin, gaffeur sympathique mais impénitent, traduit d’ailleurs bien cette orientation « bon enfant »…
- 16 Alex Raymond, « Le tigre aux dents de sabre », dans Jungle Jim, op. cit., n. p.
- 17 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire, op. cit., p. 29-30.
- 18 Alex Raymond, « Le tigre aux dents de sabre », op. cit., n. p.
- 19 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire, op. cit., p. 28.
- 20 Matthieu Letourneux, Le roman d’aventures 1870-1930, Limoges, PULIM, 2010, p. 25‑99.
- 21 Gilles Ratier, Avant la case. Histoire de la bande dessinée francophone du XXe siècle racontée par (...)
10Les corrélations entre « Jungle Jim » et « Tiger Joe » peuvent aussi être appréciées à travers un certain nombre de péripéties communes. Dans l’épisode intitulé « Le tigre aux dents de sabre », publié en 1934, le héros créé par Raymond découvre assez rapidement le squelette percé de flèches d’un explorateur, signe de la « sauvagerie » des « indigènes » avoisinants16. De la même manière, dans la première aventure de Tiger Joe, les ennemis du héros ont tôt fait de rencontrer le squelette d’un missionnaire tué d’une flèche empoisonnée par les terribles « Gébélés »17. On pourrait aussi mentionner les « démêlés » des deux héros avec les crocodiles. Toujours dans « Le tigre aux dents de sabre », Jungle Jim est jeté, ligoté, dans une rivière infestée par les redoutables sauriens. Il faut tout le courage et l’habileté au tir d’un aventurier de ses amis, Tonin, pour l’arracher aux mâchoires déjà largement ouvertes18. Dans sa première grande aventure, Tiger Joe, qui tente de sauver son client de la noyade, est attaqué lui aussi par des crocodiles. Il doit à son tour son salut à l’habileté avec laquelle l’un de ses compagnons manie les armes19. Cependant, il ne faut sans doute pas se laisser abuser par de tels rapprochements. Si les mêmes péripéties se retrouvent dans « Jungle Jim » et dans « Tiger Joe », elles sont aussi présentes dans bien des romans populaires, dont se sont peut-être inspirés les auteurs. Toute une littérature d’aventures destinée aux jeunes garçons s’était en effet développée en Europe comme en Amérique, entre les années 1860 et les années 1940. Or, l’une des caractéristiques de ce type de romans, c’était précisément qu’ils se présentaient comme une succession de péripéties circonscrites, assez comparables, les auteurs s’inspirant les uns des autres. Ajoutons que cette littérature pour la jeunesse avait déjà largement mis en avant la figure du chasseur, aventurier par choix, qui incarnait bien la présumée suprématie occidentale sur une nature « sauvage ». On songe par exemple à Allan Quatermain, propulsé dans diverses aventures par l’écrivain britannique Henry Rider Haggard au cours des années 1880. Comme Jungle Jim ou Tiger Joe, ce personnage est un chasseur de fauves qui n’hésite pas à se lancer dans des quêtes débordant amplement sa fonction, comme la recherche d’un fabuleux trésor20. Le scénariste Jean-Michel Charlier connaissait sans doute bien ce type de littérature. Il dira en tout cas, dans une interview ultérieure, qu’il entendait se situer dans la lignée des grands auteurs de « romans feuilletons », tels Eugène Sue, Paul Féval, ou encore Ponson du Terrail21. S’il citait ici des créateurs qui s’étaient plutôt illustrés avec des récits fondés sur un dépaysement social, on peut aisément imaginer qu’il avait aussi fréquenté une littérature populaire qui cultivait la veine « exotique » …
Un imaginaire colonial éminemment belge !
- 22 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire, op. cit., p. 3.
- 23 Bernard Piniau, Congo-Zaïre (1874-1981). La perception du lointain, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 11 (...)
- 24 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. Le mystère des hommes-léopards, dans Intégrale, (...)
11Mais, si Charlier et Hubinon effectuent certains emprunts à l’œuvre d’Alex Raymond, dans sa version dessinée ou filmée, ils évoluent par ailleurs dans un contexte particulier, qui ne peut manquer de peser sur leur création : la société belge des années 1950. Les aventures de Jungle Jim se déroulaient au sein d’une Asie immense, et plus ou moins imaginaire. En revanche, les trois épisodes de « Tiger Joe » réalisés par Charlier et Hubinon prennent place dans un même espace, plus circonscrit et mieux déterminé : le Congo belge. Le nom même de la grande colonie d’Afrique centrale n’est jamais prononcé. Mais, sur la première vignette de la première aventure, qui plante le décor, un petit cartouche stipule que le bateau à vapeur que découvre le lecteur navigue sur un « affluent de l’Uélé »22. Il s’agit d’un fleuve bien réel, situé au nord du Congo belge. On peut imaginer que les jeunes lecteurs d’outre-Quiévrain, qui ont sans nul doute été initiés à la géographie de « l’Empire » au cours de leur scolarité, saisiront aisément une telle allusion. Ajoutons que La Libre Belgique vise un public particulièrement intéressé par la situation congolaise. Comme on le redira ensuite, le monde catholique belge a pris une part déterminante dans l’entreprise coloniale. Et La Libre Belgique publie nombre d’informations sur la possession d’Afrique centrale, fait écho aux avis des planteurs, et pèse même parfois sur la nomination des administrateurs. Elle est d’ailleurs bien mieux distribuée au Congo même qu’un journal comme Le Soir23. Dans un tel contexte, on comprend pourquoi Charlier et Hubinon se contentent d’allusions géographiques éparses, et n’évoquent jamais ouvertement « le Congo ». Pour les lecteurs de La Libre Belgique, l’espace au sein duquel évolue l’intrépide chasseur est une évidence ! Ainsi, lorsque, dans le troisième épisode de la série, le héros est acclamé pour avoir sauvé « la colonie », ils n’ont aucun besoin qu’on leur précise de quelle possession il s’agit, d’autant que, contrairement à son homologue français, « l’Empire belge » n’est pas éclaté au gré de divers continents24.
- 25 Correspondance avec Philippe Charlier, fils de Jean-Michel Charlier, novembre 2010.
- 26 Pierre Halen, « Le Petit Belge avait vu grand ». Une littérature coloniale, Bruxelles, Labor, 1993, (...)
- 27 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire, op.cit., p. 10-16.
12Le scénariste de « Tiger Joe », Charlier, est lui-même un produit du « pilier catholique belge ». Il est passé par un collège jésuite, avant de se lancer dans des études de droit, et il a rencontré ses premiers succès grâce au Journal de Spirou, qui, s’il n’était pas un périodique confessionnel, cultivait une identité religieuse assez marquée. Il ne se rendra au Congo qu’à la fin des années 1950, c’est-à-dire après avoir abandonné la série « Tiger Joe », et que l’une de ses sœurs s’y soit installée25. Mais cela ne l’empêche pas de faire écho à l’idéologie coloniale belge au sein des aventures publiées dans La Libre Belgique. On peut d’ailleurs observer que la mise en scène d’un chasseur de fauves américain s’inscrit parfaitement dans un tel discours. Rappelons que l’implication de la Belgique en Afrique noire a obéi à un processus historique bien particulier. C’est le roi Léopold II qui a fondé à titre personnel la colonie du Congo, à la fin du xixe siècle. Mais la volonté d’une rentabilité rapide s’est traduite par maints excès à l’égard des « indigènes », et par l’indignation de la presse anglo-américaine. La Belgique a finalement repris l’entreprise léopoldienne en 1908, en affichant la volonté de promouvoir désormais une domination plus respectable. L’idéologie coloniale belge insiste donc sur le sens du devoir, sur le sérieux. Elle entend cultiver un paternalisme bonhomme, bien éloigné de l’esprit d’aventure. Selon une telle optique, la chasse aux grands fauves apparaît comme une activité pour le moins superflue26. Elle ne saurait constituer une profession respectable pour un héros belge ! Que ce soit un Américain, en l’occurrence Tiger Joe, qui s’y consacre entre donc tout à fait dans le discours dominant. De même, les lecteurs de La Libre Belgique ne s’étonneront pas de constater que le seul client du guide de safari est un Français nommé Mouton, personnage ridicule, pressé d’en découdre en paroles avec le gibier, mais timoré et gaffeur dans la « réalité »27.
- 28 Henry de Monfreid, Le cimetière des éléphants, Paris, Grasset, 1994 (1ère éd. 1952).
- 29 Daniel Verhelst et Hyacint Daniels, Scheut hier et aujourd’hui, Louvain, Presses universitaires de (...)
- 30 Jacques Vanderlinden, « Le Congo des Belges », dans Congo 1960. Échec d’une décolonisation, Bruxell (...)
- 31 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. Le cimetière des éléphants, op. cit., p. 9-12.
- 32 Alex Raymond, « La reine des vampires », op. cit., n. p.
13Les deux premiers épisodes de « Tiger Joe », parus en 1950-1952, et qui ne forment qu’une seule aventure, obéissent à une trame assez classique, qui ne paraît guère renvoyer à une identité coloniale particulière. Le héros vient en aide à une jeune fille menacée, et part à la recherche d’un fabuleux trésor : l’ivoire accumulée dans le « cimetière des éléphants », bravant au passage la menace de terribles cannibales. D’ailleurs, presqu’au même moment, le romancier français Henry de Monfreid mobilise lui aussi le mythe d’un lieu secret où s’en iraient mourir tous les grands pachydermes28. Cependant, certaines scènes au sein de la série animée par Charlier et Hubinon apparaissent comme les marqueurs d’une identité belge assez affirmée. On songe notamment à quatre planches situées au début de l’épisode intitulé « Le cimetière des éléphants », et qui sont censées prendre place à « la mission de Bakété ». Le lecteur suit, au long de ces pages, les efforts déployés par un sympathique missionnaire barbu, le Père Samuel, pour déjouer les plans des ennemis de Tiger Joe. Il convient ici de revenir sur le rôle assumé par l’Église catholique au sein de l’entreprise congolaise. La Belgique était un petit royaume bien plus marqué par les traditions chrétiennes que la France républicaine, et Léopold II avait rapidement voulu impliquer le clergé dans l’œuvre coloniale. Une convention avait été signée en 1906 entre le Saint-Siège et le monarque, qui permettait aux congrégations missionnaires d’assumer l’essentiel de l’action « civilisatrice », notamment scolaire, à mener en Afrique, et qui les dotait de vastes étendues de terres. Cet accord sera reconduit lors de la reprise du Congo par l’État belge29. Dans un tel contexte, le discours colonial met l’accent sur l’importance du catholicisme, comme agent premier pour la civilisation des « indigènes ». Au final, c’est sans doute au Congo belge que la collaboration entre missions et colonisation a été le plus institutionnalisée30. Les planches de « Tiger Joe » qui mettent en scène le Père Samuel apparaissent à maints égards comme un fidèle décalque de cette idéologie. Le lecteur aperçoit sur quelques cases, « la mission de Bakété », qui se présente comme un village bien ordonné et un havre de paix, en total contraste avec les terres peuplées de terribles cannibales que les héros viennent de quitter. Notons par ailleurs que cette enclave chrétienne est d’autant mieux mise en valeur qu’elle forme la seule manifestation des avancées de « la civilisation » visible au long des deux épisodes, aucune plantation, usine, ou voie ferrée n’étant montrée. Le thème de la mission porteuse de progrès matériel se trouve renforcé quelques vignettes plus loin, quand on découvre que « la case » du prêtre regorge de « vivres » et de « médicaments ». À travers ces brèves mentions, c’est toute l’œuvre d’assistance aux « indigènes » qui se trouve mise en avant ! Enfin, conformément au paternalisme éthique prôné par l’idéologie coloniale belge, le missionnaire apparaît comme un chef, qui mobilise les Noirs à coups de sifflet, mais comme un chef débonnaire qui ne ménage pas ses efforts pour venir en aide à ses convertis, lorsqu’ils sont en danger. On peut observer au passage que, du fait sans doute du caractère confessionnel de La Libre Belgique, les auteurs n’hésitent pas à présenter le Père Samuel non seulement comme un homme d’action, mais aussi comme un homme de Dieu. C’est en effet en priant, à genoux, que le missionnaire réussit à trouver un stratagème qui lui permettra de libérer une partie de ses ouailles31. Ajoutons, à titre de comparaison, qu’on trouvait aussi des missionnaires au sein de la série « Jungle Jim ». Mais la figure de l’agent évangélisateur était ici pensée dans un cadre protestant. Ainsi, le pasteur présent dans l’épisode intitulé « La reine de vampires », lancé en 1935, apparaît comme un philanthrope itinérant, qui parcourt la jungle avec sa Bible sous le bras32. Il n’est nullement question ici de la gestion de villages chrétiens, d’une action « civilisatrice » patiente, comme dans « Tiger Joe » …
La mission, havre de « civilisation »
Charlier et Hubinon, Tiger Joe. Le cimetière des éléphants, Lefrancq, 1989, p. 9.
- 33 François Ramirez et Christian Rolot, Histoire du cinéma colonial au Zaïre, au Rwanda et au Burundi, (...)
- 34 Bernard Piniau, Congo-Zaïre (1874-1981), op. cit., p. 79-87.
- 35 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. Le cimetière des éléphants, op. cit., p. 10-11.
- 36 Ibid., p. 6-7.
14Un autre élément traduit bien l’imprégnation de la série par une idéologie coloniale belge : un discours anti-esclavagiste sous-jacent. On peut rappeler ici que, plus encore que d’autres nations, la Belgique a mis en avant les luttes conduites contre les négriers, afin de conférer un aspect moral à son action en Afrique centrale. Ainsi, jusqu’à la fin des années 1950, les films tournés au Congo stigmatisent de manière récurrente des « forbans arabes, trafiquants d’esclaves »33. De même, lors du voyage du jeune roi Baudouin en Afrique en 1955, un grand spectacle organisé au stade de Léopoldville mettra notamment en scène les combats menés autrefois par la « Force publique » contre les négriers34. On retrouve l’écho d’un tel discours dans la série « Tiger Joe ». Quand Hunter et ses amis, qui représentent le « mal », décident d’enrôler de force les fidèles du Père Samuel comme porteurs, ils ont soin de les couvrir de chaînes. Une grande case en haut de page montre les Noirs alignés les uns derrière les autres, entravés par de lourds colliers de fer autour du cou. En découvrant une telle image, les jeunes lecteurs belges ne manqueront sans doute pas de se remémorer tout un discours sur les horreurs de la traite négrière arabe. D’ailleurs, comme pour renforcer l’effet produit par le dessin, le Père Samuel, présent en arrière-plan, lance à l’intention de Hunter : « vous êtes pire que des esclavagistes ! »35. Quand le missionnaire tente ensuite de tout faire pour délivrer les malheureux Noirs, il rejoue donc, dans une certaine mesure, le combat de la Belgique catholique contre la traite négrière. Une scène plus furtive, située un peu en amont du même épisode, paraît contenir une charge symbolique comparable. On y voit N’Mango, le boy de Tiger Joe, être délivré par son « maître » de l’étreinte mortelle d’un énorme python. Se tenant aux pieds du héros blanc, il s’écrie : « moi ton esclave ! ». Mais le valeureux chasseur de fauves rétorque nonchalamment : « ça va, vieux frère »36. On peut penser qu’à travers un tel dialogue, affleure l’image idéalisée de la domination belge. En refusant d’entrer dans des rapports de maître à esclave, et en instaurant une relation fraternelle avec son boy, Tiger Joe incarne bien l’idéal d’un paternalisme émancipateur !
Un discours anti-esclavagiste
Charlier et Hubinon, Tiger Joe. Le cimetière des éléphants, Lefrancq, 1989, p. 11.
- 37 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire, op. cit., p. 4 ; Tiger Joe (...)
- 38 JijÉ, Le nègre blanc (1952), rééd. dans Tout Jijé (1951-1952), Marcinelle, Dupuis, 1991, p. 51-95.
- 39 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire, op. cit., p. 5.
15Après ce qu’on vient de dire, on peut s’étonner en constatant que les héros emploient parfois des termes assez méprisants pour désigner les Africains. Dans le premier épisode de la série, Gin qualifie ainsi un matelot noir de « moricaud », tandis que dans le second, Tiger Joe traite de présumés cannibales de « macaques »37. Il convient de noter tout d’abord que, dans le contexte colonialiste du début des années 1950, de tels termes ne suscitent pas forcément une grande indignation. Rappelons par exemple que le dessinateur belge Jijé, qui voulait pourtant plaider à travers les aventures de Blondin et Cirage pour une certaine égalité entre Blancs et Noirs, intitulera un épisode de cette série paru en 1951 : « Le Nègre blanc »38. On peut surtout souligner qu’en donnant des patronymes anglo-américains à leurs héros, Charlier et Hubinon signifient bien aux lecteurs qu’ils rendent hommage à la bande dessinée et au cinéma élaborés outre-Atlantique, et se situent donc pour une part au second degré. Qu’un chasseur de fauves au menton carré, qui paraît tout droit sorti d’un film d’action hollywoodien de série B, utilise un vocabulaire brutal ne saurait guère surprendre ! Cela n’empêche pas les héros d’être par ailleurs porteurs de certaines « valeurs » de la domination belge, à l’instar de Gin qui, malgré, ou plutôt à cause de ses propres penchants, prend bien soin de rappeler aux « indigènes » que la consommation d’alcool leur est interdite39…
- 40 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. Le mystère des hommes-léopards, dans Intégrale T (...)
- 41 Pierre Halen, « Le Petit Belge avait vu grand ». Une littérature coloniale, Labor, 1993, p. 166-168
- 42 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. Le mystère des hommes-léopards, op. cit., p. 39.
- 43 « Interview de Jijé », Hop. Revue d’information et d’études sur la BD, n° 40, 1986, p. 7.
16Le troisième épisode de « Tiger Joe », publié dans La Libre junior à partir du mois de mai 1952, paraît plus marqué que les deux premiers, dans sa structure même, par l’idéologie coloniale. On y voit les héros combattre la cruelle secte africaine des Aniotos, ou « hommes-léopards », elle-même manipulée par des gangsters étrangers qui souhaitent s’approprier les formidables richesses du Congo. L’épisode s’achève pratiquement sur l’image d’un Tiger Joe officiellement remercié pour avoir « sauvé la colonie et tous ses habitants de race blanche »40. L’idée selon laquelle les « indigènes » qui menacent l’ordre établi sont en réalité des êtres naïfs, soumis aux pressions d’intérêts étrangers, forme un thème relativement classique au sein de la littérature coloniale. On trouve d’ailleurs un argument assez proche de celui du troisième épisode de « Tiger Joe » dans le roman La griffe du léopard, paru deux ans plus tôt en Belgique, et honoré par un prix41. Toutefois, dans le cas présent, on ne peut s’empêcher de penser que les deux auteurs rendent un hommage plus ou moins appuyé à un « monument » de la bande dessinée belge. L’intrigue de la troisième aventure de Tiger Joe s’inspire en effet directement de celle de Tintin au Congo. On peut seulement noter que Charlier a quelque peu modernisé le propos en montrant des malfrats avides de s’emparer, non de mines de diamants, mais de gisements d’uranium42. Une telle modification prend tout son sens dans le contexte de la guerre froide, le minerai en question étant essentiel pour les alliés américains ! En tout cas, la filiation avec les exploits de Tintin ne doit pas nous étonner, puisque comme nous l’avons noté, la bande dessinée d’aventure est une littérature de genre, au sein de laquelle les citations entre diverses séries sont fréquentes. En outre, les lecteurs de La Libre Belgique appartiennent à des milieux chrétiens au sein desquels l’œuvre d’Hergé constitue certainement une référence incontournable. Un auteur issu du pilier catholique comme Jijé ne disait-il pas qu’au cours des années 1930, la publication des aventures de Tintin représentait « le grand événement » pour la jeunesse belge ?43 En reprenant une trame déjà exploitée par Hergé, Charlier et Hubinon envoient donc un signal rassurant aux lecteurs de bandes dessinées. Mais on peut peut-être avancer qu’ils contribuent aussi à renforcer l’image d’une colonisation belge apaisée, motivée par la fidélité dynastique, et qui creuserait le même sillon « civilisateur » des années 1930 aux années 1950 …
La parution dans Pilote : un autre angle de lecture ?
- 44 BDM 2011-2012.Trésors de la BD. Catalogue encyclopédique, Paris, L’Amateur, 2010, p. 813.
- 45 Pilote, n° 240, 28 mai 1964, p. 32-33.
- 46 Benoît Peeters, Le monde d’Hergé, Tournai, Casterman, 2004, p. 31.
- 47 Thierry Groensteen, Astérix, Barbarella et Cie. Histoire de la bande dessinée d’expression français (...)
17Faire l’histoire de la bande dessinée impose de s’interroger sur le devenir des séries sur le long terme. On sait en effet que beaucoup d’aventures en images ont été reprises dans plusieurs périodiques ou éditées en albums. « Tiger Joe » n’échappe pas à la règle. Le premier épisode de la série est réédité dans un album souple, en noir et blanc, par La Libre Belgique, en 195144. Mais la suite des aventures du chasseur de fauves ne sera pas reprise sous cette forme, sans doute parce que le quotidien n’avait pas vraiment vocation à devenir éditeur de bandes dessinées. Un autre fait se révèle nettement plus intéressant pour notre propos. En mai 1964, les exploits de Tiger Joe commencent à être publiés en feuilleton dans l’hebdomadaire français Pilote45. Un tel choix peut sembler quelque peu étonnant. À l’époque, l’Afrique noire francophone a accédé à l’indépendance, et les opinions publiques européennes commencent à rompre avec les anciennes idéologies coloniales. D’ailleurs, au même moment, l’éditeur belge Casterman ralentit par prudence la diffusion de Tintin au Congo46. D’autre part, les historiens de la bande dessinée soulignent que le journal Pilote, co-dirigé à partir de 1963 par Goscinny, explore peu à peu des voies nouvelles, en cultivant un humour plus débridé et en mettant en scène des héros un peu moins monolithiques, comme Blueberry ou Le grand Duduche47.
- 48 Yves Chaland, Une aventure de Freddy Lombard. Le cimetière des éléphants, Paris, Les Humanoïdes ass (...)
18Or, comme on vient de le dire, une série telle que « Tiger Joe » était assez profondément marquée par une idéologie coloniale et catholique. D’ailleurs, lorsqu’à partir des années 1980, la mode d’une bande dessinée cultivant des références à « l’âge d’or » belge se développera, plusieurs auteurs feront allusion aux exploits du chasseur de fauves, pour dénoncer de manière plus ou moins parodique les poncifs colonialistes. Yves Chaland choisit ainsi d’intituler une aventure africaine de Freddy Lombard peuplée de cannibales aux énormes bouches : « Le cimetière des éléphants », sans doute en référence au titre donné au deuxième épisode de « Tiger Joe » lors de sa réédition tardive en album. Dans ce récit, on découvre d’ailleurs, au long de deux pages, un guide de safari tout droit sorti du cinéma américain, et si piètre négociateur qu’il emmène les héros pour une somme dérisoire48.
- 49 Jean Dufaux et Ana Miralles, Djin. 5. Africa, Paris, Dargaud, 2005, p. 24-32.
19Deux décennies plus tard, Dufaux et Miralles mettront en scène, dans un épisode africain de la série « Djinn », un chasseur de fauves ridicule et cruel, répondant au nom de « Tiger Thompson »49. Là encore, on peut imaginer que les auteurs ont voulu faire écho au héros imaginé en 1950 par Charlier, tout en soulignant l’incongruité des exploits de ce dernier …
- 50 Pilote, n° 240, 28 mai 1964.
20Mais, pour revenir à Pilote, c’est surtout après le printemps 1968, et un affrontement entre une jeune génération d’auteurs et Goscinny, que l’hebdomadaire rompra ouvertement avec la bande dessinée « franco-belge » traditionnelle. Lorsque la série « Tiger Joe » paraît dans les pages du périodique français, elle ne semble donc pas particulièrement en décalage avec la ligne éditoriale. Elle côtoie d’ailleurs des récits en images qui s’inscrivent à bien des égards dans une tradition éprouvée : exploits « exotiques » de pirates, comme Barbe-Rouge, ou aventures de pilotes de chasse, comme Tanguy et Laverdure. Ajoutons que Jean-Michel Charlier est alors co-rédacteur en chef de Pilote, aux côtés de René Goscinny. On imaginera aisément qu’il ne pouvait que plaider en faveur de la reprise de l’une de ses anciennes séries, en l’occurrence « Tiger Joe ». Tout en générant des droits d’auteur, une telle option pouvait permettre de relancer l’édition en albums des exploits du chasseur de fauves. Ajoutons que certains caractères propres à « Tiger Joe » conduisaient probablement la rédaction de Pilote à penser que cette série ne déclencherait pas de réactions étonnées, voire indignées. L’absence totale de références explicites au « Congo », voire à une quelconque « colonie » au sein des deux premiers épisodes, constituait un avantage certain pour la diffusion auprès d’un public avant tout français, et à une époque marquée par les indépendances africaines. Les allusions géographiques éparses, par exemple au fleuve Uélé, perdent évidemment une grande partie de leur signification dans un contexte hexagonal et post-colonial. Dans Pilote, les aventures de Tiger Joe pourront finalement être lues comme un simple récit d’aventures « exotique », situé dans un environnement africain imprécis. Pour le lancement de la série, au mois de mai 1964, un dessin de Parra présente, sur la couverture du périodique, le visage du chasseur de fauves, encadré par un léopard et des guerriers africains. De manière tout à fait significative, le texte d’accompagnement évoque seulement une : « sensationnelle aventure dessinée »50. Le fait que les principaux protagonistes de la série portent des patronymes américains vient probablement accentuer l’apparente rupture avec une quelconque idéologie coloniale, les États-Unis n’ayant pas été impliqués dans le partage du continent africain. Et comme précédemment, la référence relativement évidente au cinéma d’action hollywoodien peut désamorcer les qualificatifs pour le moins choquants placés ici ou là dans la bouche des héros …
Conclusion
21Au final, une série comme « Tiger Joe » montre bien que si la bande dessinée belge se nourrit de références culturelles extérieures, elle les digère pour une part, et porte un discours sous-jacent souvent lié à son identité originelle. L’aspect physique du héros créé par Charlier et Hubinon, tout comme les patronymes employés, ou certains dialogues, renvoient sans nul doute à la littérature en images et au cinéma américains. Les auteurs entendent certainement envoyer des signaux à de jeunes lecteurs belges prompts à goûter les productions culturelles issues d’outre-Atlantique. Toutefois, par delà ces références somme toute éparses, perce un imaginaire colonial bien en phase avec la ligne idéologique de La Libre Belgique. Le lecteur se trouve en effet plongé dans un Congo identifié par des allusions géographiques précises, peuplé de négriers étrangers et de sectes cruelles, mais peu à peu « civilisé » par des religieux catholiques à la fois énergiques et bienveillants. C’est ainsi toute une part du projet colonial et missionnaire belge qui affleure à travers les cases et les bulles …
- 51 Voir à ce sujet Gilles Ratier, « Kim Devil et la cité perdue », dans Jean-Michel Charlier et Gérald (...)
22Charlier et Hubinon ont abandonné « Tiger Joe » après le troisième épisode. Peut-être déçu par l’absence de reprise en albums des dernières aventures, le scénariste a transféré dans l’hebdomadaire belge Spirou le personnage du chasseur de fauves, mais en situant cette fois l’action en Amérique latine51. Cependant, cette évolution ne marque pas la fin définitive de Tiger Joe. Au printemps 1958, une nouvelle équipe reprend en effet le personnage dans La Libre junior : le scénariste Greg et le dessinateur Forton.
Le « Tiger Joe » de Greg et Forton : un retour aus sources ?
Greg et Forton, Tiger Joe. Le tigre aux dents de sabre, Pan Pan, 2010, pl. 20.
- 52 Greg et Forton, Les nouvelles aventures de Tiger Joe. 1. Safari vers l’interdit, Pan Pan, 2007, n. (...)
- 53 Jules GÉrard-Libois, « Vers l’indépendance : une accélération imprévue », dans Congo 1960, op. cit.(...)
23La première aventure de Tiger Joe imaginée par la jeune paire de créateurs, intitulée « Safari vers l’interdit », s’inscrit dans une forte continuité avec les épisodes réalisés par Charlier et Hubinon. L’action se situe toujours en Afrique centrale, les héros font une halte à « la mission », présentée comme un havre de paix, et combattent des gangsters étrangers qui veulent s’emparer de gisements d’uranium52. Cependant, en cette année 1958, le contexte politique n’est plus le même que lorsque Charlier avait lancé son personnage d’intrépide chasseur de fauves. La question de l’indépendance du Congo commence en effet à se poser avec de plus en plus d’acuité. Un plan d’émancipation progressive, rédigé en 1956 par un universitaire belge, a lancé le processus, et précisément en 1958, une nouvelle organisation, le Mouvement national congolais, réclame la décolonisation. En janvier 1959 des émeutes à Léopoldville conduiront le roi à annoncer sa volonté d’amener la colonie vers l’indépendance53. Dans un tel contexte, il devient délicat de publier les exploits d’un héros blanc dominant les Noirs et la faune africaine. Le problème est d’ailleurs d’autant plus évident que les évolutions en cours au Congo sont particulièrement bien relayées dans La Libre Belgique.
- 54 Greg et Forton, Les nouvelles aventures de Tiger Joe. 3. Le tigre aux dents de sabre, Bruxelles, Pa (...)
- 55 Ibid.
- 56 Greg et Forton, Les nouvelles aventures de Tiger Joe. 2. Menace sur le Gopal, Bruxelles, Pan Pan, 2 (...)
- 57 HergÉ, Les aventures de Jo, Zette et Jocko. La vallée des cobras (1957), rééd. dans Intégrale Jo, Z (...)
24Ce contexte explique pourquoi Greg et Forton opèrent un revirement radical, en propulsant, au mois d’octobre 1958, Tiger Joe en Asie. Les deux auteurs ne se contentent d’ailleurs pas de cette rupture géographique. Prenant en compte l’évolution des mentalités, ils font disparaître le personnage du fidèle boy. Lorsque, dans le troisième épisode de Tiger Joe qu’ils mettent en scène, un jeune Indien propose au héros de devenir son serviteur, le chasseur rétorque qu’il a seulement besoin d’« un ami »54. On peut noter que le transfert des aventures de Tiger Joe en Asie constitue à certains égards un retour aux sources. Le chasseur justifie ainsi un patronyme renvoyant à la traque des tigres. Il peut en outre s’inscrire plus clairement encore qu’auparavant dans la filiation avec Jungle Jim. Toujours dans la troisième aventure réalisée par Greg et Forton, publiée en 1959, Tiger Joe affronte au long de trois planches un « tigre aux dents de sabre », animal mythique et terrifiant que son homologue américain avait déjà combattu durant trois strips, au milieu des années 193055. Toutefois, il ne faudrait pas en déduire que tout signe de belgitude a disparu. La « petite principauté » indienne dans laquelle débarque le chasseur de fauves à l’automne 1958 se nomme « le Gopal »56. Les amateurs de l’œuvre d’Hergé auront immédiatement reconnu le nom d’un royaume asiatique imaginaire, inventé par le père de Tintin quelques années plus tôt, pour le dernier grand épisode de Jo et Zette57 !
Notes
1 Olivier Odaert, « Rob-Vel passeur de cultures », communication donnée dans le cadre du colloque « Les racines populaires de la culture européenne », organisé par l’Association internationale des chercheurs en littérature populaire et cultures médiatiques, Université de Louvain-la Neuve, 12-14 octobre 2011.
2 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire (1951), rééd. dans Intégrale Tiger Joe, Bruxelles, Lefrancq, 1995, p. 3-7.
3 Patrick Gaumer, « Texte de présentation », dans Buck Danny. L’intégrale 1, Marcinelle, Dupuis, 2010, p. 14-24.
4 Paul Guérin, « La presse écrite », dans Jean Pirotte et Guy Zelis (dir.), Pour une histoire du monde catholique au 20e siècle. Wallonie-Bruxelles, Louvain-la-Neuve, Archives du monde catholique, 2003, p. 487-489.
5 Mark Van den Wijngaert et Vincent Dujardin, La Belgique sans roi (1940-1950), Bruxelles, Complexe, 2006, p. 172.
6 Patrick Gaumer, « Jungle Jim », dans Larousse de la BD, Paris, Larousse, 2004, p. 438 ; voir aussi Édouard François, « Jim la Jungle/Alex Raymond », dans Aventures de l’âge d’or, Bruxelles, Deligne, 1980, p. 74-75.
7 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire, op. cit., p. 9.
8 Alex Raymond, « Le triangle pourpre », dans Jungle Jim, Paris, Futuropolis, 1982, n. p.
9 René Chateau, « Filmographie des comics », dans La méthode. Revue de cinéma, n° 10, février 1963, p. 32-34.
10 Alex Raymond, « Le tigre aux dents de sabre », dans Jungle Jim, op. cit., n. p ; Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire, op. cit., p. 28.
11 Ibid., p. 9.
12 Alex Raymond, « Le triangle pourpre », dans Jungle Jim, op. cit., n. p.
13 Alex Raymond, « La reine des vampires », dans ibid., n. p.
14 Benoit Mouchard, La Bande dessinée, Paris, Le Cavalier bleu, 2009, p. 35-36.
15 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Intégrale Tiger Joe, Lefrancq, 1995, dos de la seconde page de garde.
16 Alex Raymond, « Le tigre aux dents de sabre », dans Jungle Jim, op. cit., n. p.
17 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire, op. cit., p. 29-30.
18 Alex Raymond, « Le tigre aux dents de sabre », op. cit., n. p.
19 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire, op. cit., p. 28.
20 Matthieu Letourneux, Le roman d’aventures 1870-1930, Limoges, PULIM, 2010, p. 25‑99.
21 Gilles Ratier, Avant la case. Histoire de la bande dessinée francophone du XXe siècle racontée par les scénaristes, Bordeaux, Sangam, 2005, p. 51.
22 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire, op. cit., p. 3.
23 Bernard Piniau, Congo-Zaïre (1874-1981). La perception du lointain, Paris, L’Harmattan, 1992, p. 111-114.
24 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. Le mystère des hommes-léopards, dans Intégrale, op. cit., p. 48.
25 Correspondance avec Philippe Charlier, fils de Jean-Michel Charlier, novembre 2010.
26 Pierre Halen, « Le Petit Belge avait vu grand ». Une littérature coloniale, Bruxelles, Labor, 1993, p. 148-149.
27 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire, op.cit., p. 10-16.
28 Henry de Monfreid, Le cimetière des éléphants, Paris, Grasset, 1994 (1ère éd. 1952).
29 Daniel Verhelst et Hyacint Daniels, Scheut hier et aujourd’hui, Louvain, Presses universitaires de Louvain, 1993, p. 134-136.
30 Jacques Vanderlinden, « Le Congo des Belges », dans Congo 1960. Échec d’une décolonisation, Bruxelles, GRIP/André Versailles, 2010, p. 38-42.
31 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. Le cimetière des éléphants, op. cit., p. 9-12.
32 Alex Raymond, « La reine des vampires », op. cit., n. p.
33 François Ramirez et Christian Rolot, Histoire du cinéma colonial au Zaïre, au Rwanda et au Burundi, Tervuren, Musée royal de l’Afrique centrale, 1987, p. 92-93.
34 Bernard Piniau, Congo-Zaïre (1874-1981), op. cit., p. 79-87.
35 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. Le cimetière des éléphants, op. cit., p. 10-11.
36 Ibid., p. 6-7.
37 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire, op. cit., p. 4 ; Tiger Joe. Le cimetière des éléphants, op. cit., p. 17.
38 JijÉ, Le nègre blanc (1952), rééd. dans Tout Jijé (1951-1952), Marcinelle, Dupuis, 1991, p. 51-95.
39 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire, op. cit., p. 5.
40 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. Le mystère des hommes-léopards, dans Intégrale Tiger Joe, op. cit., p. 48.
41 Pierre Halen, « Le Petit Belge avait vu grand ». Une littérature coloniale, Labor, 1993, p. 166-168.
42 Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Tiger Joe. Le mystère des hommes-léopards, op. cit., p. 39.
43 « Interview de Jijé », Hop. Revue d’information et d’études sur la BD, n° 40, 1986, p. 7.
44 BDM 2011-2012.Trésors de la BD. Catalogue encyclopédique, Paris, L’Amateur, 2010, p. 813.
45 Pilote, n° 240, 28 mai 1964, p. 32-33.
46 Benoît Peeters, Le monde d’Hergé, Tournai, Casterman, 2004, p. 31.
47 Thierry Groensteen, Astérix, Barbarella et Cie. Histoire de la bande dessinée d’expression française, Paris, Somogy/CNBDI, 2000, p. 155-160.
48 Yves Chaland, Une aventure de Freddy Lombard. Le cimetière des éléphants, Paris, Les Humanoïdes associés, 1984, p. 9-10.
49 Jean Dufaux et Ana Miralles, Djin. 5. Africa, Paris, Dargaud, 2005, p. 24-32.
50 Pilote, n° 240, 28 mai 1964.
51 Voir à ce sujet Gilles Ratier, « Kim Devil et la cité perdue », dans Jean-Michel Charlier et Gérald Forton, Kim Devil. La cité perdue, Bordeaux, Sangam, 2010 (1ère éd. 1955), p. 8‑12.
52 Greg et Forton, Les nouvelles aventures de Tiger Joe. 1. Safari vers l’interdit, Pan Pan, 2007, n. p.
53 Jules GÉrard-Libois, « Vers l’indépendance : une accélération imprévue », dans Congo 1960, op. cit., p. 61-78.
54 Greg et Forton, Les nouvelles aventures de Tiger Joe. 3. Le tigre aux dents de sabre, Bruxelles, Pan Pan, 2010, n. p.
55 Ibid.
56 Greg et Forton, Les nouvelles aventures de Tiger Joe. 2. Menace sur le Gopal, Bruxelles, Pan Pan, 2009, n. p.
57 HergÉ, Les aventures de Jo, Zette et Jocko. La vallée des cobras (1957), rééd. dans Intégrale Jo, Zette et Jocko, Tournai, Casterman, 2008, p. 221.
Haut de pageTable des illustrations
Titre | Des patronymes anglo-américains |
---|---|
Légende | Charlier et Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire, Lefrancq, 1988, p. 4. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/3560/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 196k |
Légende | Charlier et Hubinon, Tiger Joe. La piste de l’ivoire, Lefrancq, 1988, p. 4. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/3560/img-2.jpg |
Fichier | image/jpeg, 200k |
Titre | Un physique inspiré du Jungle Jim hollywoodien |
Légende | Charlier et Hubinon, Tiger Joe. Le cimetière des éléphants, Lefrancq, 1989, p. 3. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/3560/img-3.jpg |
Fichier | image/jpeg, 288k |
Légende | Johnny Weissmuller dans le rôle de Jungle Jim. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/3560/img-4.jpg |
Fichier | image/jpeg, 276k |
Titre | La mission, havre de « civilisation » |
Légende | Charlier et Hubinon, Tiger Joe. Le cimetière des éléphants, Lefrancq, 1989, p. 9. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/3560/img-5.jpg |
Fichier | image/jpeg, 184k |
Légende | Charlier et Hubinon, Tiger Joe. Le cimetière des éléphants, Lefrancq, 1989, p. 9. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/3560/img-6.jpg |
Fichier | image/jpeg, 140k |
Titre | Un discours anti-esclavagiste |
Légende | Charlier et Hubinon, Tiger Joe. Le cimetière des éléphants, Lefrancq, 1989, p. 11. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/3560/img-7.jpg |
Fichier | image/jpeg, 324k |
Légende | Charlier et Hubinon, Tiger Joe. Le cimetière des éléphants, Lefrancq, 1989, p. 7. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/3560/img-8.jpg |
Fichier | image/jpeg, 172k |
Légende | Couverture de Pilote n° 240 |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/3560/img-9.jpg |
Fichier | image/jpeg, 1,2M |
Titre | Le « Tiger Joe » de Greg et Forton : un retour aus sources ? |
Légende | Greg et Forton, Tiger Joe. Le tigre aux dents de sabre, Pan Pan, 2010, pl. 20. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/3560/img-10.jpg |
Fichier | image/jpeg, 176k |
Légende | Greg et Forton, Tiger Joe. Menace sur le Gopal, Pan Pan, 2009, pl. 1 |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/docannexe/image/3560/img-11.jpg |
Fichier | image/jpeg, 141k |
Pour citer cet article
Référence papier
Philippe Delisle, « Une bande dessinée américaine transposée dans un cadre colonial et catholique belge : la série « Tiger Joe » de Charlier et Hubinon », Chrétiens et sociétés, 20 | -1, 97-148.
Référence électronique
Philippe Delisle, « Une bande dessinée américaine transposée dans un cadre colonial et catholique belge : la série « Tiger Joe » de Charlier et Hubinon », Chrétiens et sociétés [En ligne], 20 | 2013, mis en ligne le 16 juin 2022, consulté le 07 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/3560 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.3560
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page