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Charles-Emmanuel Ier ou l’appel à être plus que soi-même

Charles-Emmanuel I or the call to be more than oneself
Stéphane Gal
p. 121-151

Résumés

La vocation fut un élément déterminant dans la politique de légitimation déployée par le duc de Savoie Charles-Emmanuel Ier (1562-1580-1630). Convaincu d’avoir été choisi par la providence divine pour réaliser un dessein dynastique hors du commun, il cultiva le merveilleux afin de dilater sa personne, ses États et son statut aux dimensions d’un royaume. Homme de plume autant qu’homme d’armes, il exprima lui-même ses attentes dans des poésies et des dessins idéalisant le prince chrétien. Son action comme ses œuvres devaient le révéler pour ce qu’il était vraiment : un prince appelé à régner comme un roi.

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Texte intégral

1Le duc de Savoie Charles-Emmanuel Ier (1562-1630) fut l’héritier d’un État qui, depuis 1559, était en pleine refondation. De sa naissance, en 1562, à son avènement, en 1580, le jeune duc s’inscrivit dans le sillage d’un processus de croissance et de transformations extraordinaires qu’il comptait bien accélérer par tous les moyens. Le nouveau duc chercha à incarner la promesse d’un avenir ouvert à tous les possibles, au risque d’une outrance et d’une provocation permanente susceptibles de se retourner contre lui. Le parcours sinueux de Charles-Emmanuel permet ainsi de retrouver les fils de la savante construction de la légitimité royale de la maison de Savoie et, au-delà, de scruter l’enjeu tant du changement de statut princier que de l’affirmation de la souveraineté d’un État secondaire, et partant vulnérable, de l’Europe moderne.

  • 1 Voir à ce sujet mon article : « Charles-Emmanuel Ier ou les flétrissures du prince : la perception (...)

2C’est sous le voile sombre des « ambitions » que l’historiographie traditionnelle, nourrie par les campagnes de propagande anti-savoyarde orchestrées par la refondation bourbonienne et par le cardinal de Richelieu, a recouvert jusqu’à aujourd’hui les actions du duc Charles-Emmanuel. Le terme est cependant beaucoup trop péjoratif pour rendre compte sans les falsifier des sentiments complexes qui habitaient ce duc1. En revanche, l’idée de « vocation », au sens littéral du terme, paraît beaucoup plus pertinente. Alors que l’ambition, sous son aspect le plus négatif, émane de l’individu et qu’elle reste tournée vers l’individu, la vocation, du latin vocatio (invitation) introduit un appel extérieur que l’individu fait sien, parce qu’il est le seul à le percevoir. Cet appel demande une réponse ! C’est par son comportement qu’un individu révèle au monde l’appel intime auquel il conforme désormais toute sa vie. Cette « voix off », résonnant paradoxalement à l’intérieur, singularise celui qui sait l’entendre et lui répondre. Pour un prince tel que Charles-Emmanuel Ier, elle était incontestablement la voix de Dieu, celle de l’élection, au sens biblique du terme, qui devait distinguer le prince et lui conférer la pleine légitimité d’agir. Mais encore fallait-il en convaincre les autres souverains !

Un prince né par miracles

  • 2 Relations de Francesco Barbaro, 1581, et de Constantino Molin, 1583, dans Relazioni degli ambasciat (...)

3Charles-Emmanuel Ier fut le produit d’un concours de circonstances pour le moins improbable qui frappa les contemporains eux-mêmes au point qu’ils purent le qualifier de miraculeux. Les ambassadeurs vénitiens en poste à Turin rappelèrent longtemps, au début de chacune de leurs relations exposant le détail des États de Savoie, l’avènement à la tête du duché, d’un fils unique, né par une grâce divine « quasi miraculeuse » : « ed avuto per grazia quasi miracolosa dal Signor Dio un figliuolo unico, che è il presente Duca Carlo » (Francesco Barbaro, 1581) 2. L’âge avancé de sa mère, la restitution des États, dont son père avait été si longtemps privé, et la paix, enfin rétablie en Europe après soixante-cinq années d’un combat de géants, étaient autant de facteurs qui soulignaient l’extraordinaire sollicitude de Dieu à l’égard des princes de la maison de Savoie.

  • 3 Je paraphrase ici volontairement une citation de Denis Crouzet au sujet du connétable de Bourbon : (...)

4Tous les princes de la Chrétienté avaient plus ou moins la conviction que le pouvoir qu’ils exerçaient, conformément à l’Épître de Paul (Romains XIII), les reliait d’une manière particulière au divin. Mais rarement un prince put, de par ses origines et de par son existence, se convaincre d’être à ce point marqué par un destin providentiel qui tenait du miracle. L’histoire merveilleuse qui se construisit autour de Charles-Emmanuel façonna la perception qu’il eut de sa propre personne et de son existence ; elle l’envahit, au point de devenir une des caractéristiques majeures de sa dimension princière, autrement dit de toute sa vie. Il perçut sa vie comme un miracle et fit d’elle un miracle3. Convaincu lui-même d’avoir été mis au monde miraculeusement, Charles-Emmanuel « per Gratia di Dio Duca di Savoia et Principe di Piemonte » s’ingénia à cultiver un parcours personnel et dynastique qui devait le maintenir dans cet environnement merveilleux, laissant augurer d’effets à venir toujours plus extraordinaires, comme autant de gages d’une légitimité tenue de Dieu !

  • 4 G. von Lukàcs, Die Seele und die Formen, Berlin, 1911, p. 338-339, cité par Lucien Goldmann, Le die (...)

5Il faut prendre ici le miracle dans le sens que lui donnait Georg von Lukàcs, c’est-à-dire celui d’une réalisation concrète de Dieu dissipant en un instant les brumes quotidiennes dans lesquelles se débattent les hommes : « or devant Dieu le miracle seul est réel4. » Le miracle est l’expression visible de ce que, normalement, Dieu seul est capable de voir. Il est en somme l’ordinaire de Dieu entraperçu par les hommes, à travers une manifestation qui, à leurs yeux, ne peut se faire que de manière extraordinaire.

6Le concours de circonstances qui préluda à la venue au monde du prince de Savoie s’amorça cinq années avant la date proprement dite de sa naissance, par une victoire militaire inattendue, devant la ville de Saint-Quentin, le 10 août 1557, jour de la fête patronale de saint Laurent. Les Français, vaincus par les troupes espagnoles de Philippe II, avaient laissé sur le champ de bataille des milliers de morts et de prisonniers. Le connétable de France, Anne de Montmorency, était le plus illustre d’entre eux. Il était le prisonnier personnel du duc de Savoie, Emmanuel-Philibert, qui, en remportant cette bataille pour le compte de l’Espagne, avait acquis en Europe une immortelle réputation de grand homme de guerre. C’était une victoire éclatante et totale. À ce titre, elle fut célébrée comme un miracle par le roi Philippe II, qui voua désormais une dévotion particulière à saint Laurent, comme en témoigne encore aujourd’hui le palais de l’Escurial.

  • 5 « Le problème paraissait insoluble », Bertrand Haan, Une paix pour l’éternité. La négociation du Tr (...)
  • 6 Bertrand Haan, Ibid., p. 109.

7Était venue ensuite une paix générale que l’on n’espérait plus. À ce titre, et comme toutes les grandes paix, elle apparaissait comme une manifestation de la sollicitude de Dieu pour ses créatures, ce qui lui donnait une dimension véritablement miraculeuse. D’autant que les négociations du Cateau-Cambrésis, qui s’achevèrent en 1559, avaient été difficiles, notamment sur le point de la restitution des États du duc de Savoie. Comme le rappelait le texte final du traité, la longueur des dernières guerres avait précisément été provoquée par les prétentions françaises sur la Savoie, la Bresse et le Piémont ; terres que François Ier avait confisquées, en 1536, et transmises à son fils Henri II par légitime héritage en 1547. Celles-ci étaient donc un enjeu considérable qui pouvait s’avérer déterminant pour la conclusion et la pérennité de cette paix (article 33). Une restitution partielle des États du duc avait d’abord été envisagée par les négociateurs français qui escomptaient garder le contrôle du riche Piémont5. Mais, au bout du compte, le désir de paix l’emporta et le traité du Cateau-Cambrésis consacra le triomphe du duc de Savoie en autorisant la restitution de toutes ses terres confisquées. Au point que l’on accusa en France le connétable de Montmorency, principal négociateur de cette paix, d’avoir délibérément favorisé son geôlier, qui était aussi son parent6 ! Le connétable aurait en effet promis à Emmanuel-Philibert que toutes ses terres lui seraient rendues à la naissance d’un héritier ! En recouvrant l’entière possession de ses États de Savoie-Piémont, le duc reprenait sa place en Europe en tant que prince souverain. Cette « grand’paix » était donc pour lui non seulement un miracle, mais une véritable résurrection !

8Enfin, conséquence directe des deux événements précédents, le traité scellait la paix par les liens sacrés de deux mariages : Philippe II, Roi catholique d’Espagne, épousait la jeune Élisabeth de Valois, fille d’Henri II et de Catherine de Médicis ; tandis qu’Emmanuel-Philibert recevait la main de Marguerite de France, duchesse de Berry, la sœur du roi qu’il avait vaincu à Saint-Quentin. La Savoie renouait ainsi avec une politique matrimoniale ancienne, qui la rapprochait de la France, comme jadis avec Charlotte de Savoie, épouse de Louis XI, ou plus récemment avec Louise de Savoie, la propre mère de François Ier.

9Toutefois, Emmanuel-Philibert avait pris un risque considérable en acceptant de s’unir à la duchesse de Berry, celui de n’avoir aucun héritier à qui transmettre un jour les États qu’il venait à peine de recouvrer. Ce qui n’était peut-être pas étranger aux manœuvres des Français, comme des Espagnols, qui allaient spéculant, et espéraient revenir un jour prochain, grâce au défaut d’héritier, sur les terres piémontaises et savoyardes qu’ils continuaient à lorgner.

  • 7 Roger Peyre, Une princesse de la Renaissance, Marguerite de France, duchesse de Berry, duchesse de (...)

10Ce mariage était en effet l’union de deux êtres déjà âgés pour l’époque et dont on doutait, à juste titre, de la capacité à donner un jour une descendance. Si Emmanuel-Philibert (1528-1580), âgé de trente et un ans, était encore dans la fleur de l’âge, ce n’était plus vraiment le cas de son épouse, Marguerite de Valois (1523-1574), qui, elle, avait atteint les trente-six ans, ce qui, pour une femme de cette époque, était déjà le seuil de la vieillesse. La duchesse avait d’ailleurs perdu tout espoir d’enfanter, ce qui la plaçait dans une situation dramatique, puisque la fécondité était considérée comme la raison d’être d’une souveraine. Elle n’était pas la seule à douter de ses propres capacités à engendrer, au point que les premiers signes de sa grossesse apparurent suspects à beaucoup, notamment aux yeux des ambassadeurs étrangers, qui la soupçonnèrent longtemps de simuler afin d’attirer sur elle l’attention de la cour et de son mari7. de fait, celui-ci n’avait pas attendu pour se consoler dans d’autres bras : Lucrezia Proba lui avait déjà donné un fils, en 1561, qui portait le nom d’Amedeo. Il fut plus tard un précieux lieutenant pour Charles-Emmanuel.

11Ce fut à trente-neuf ans que Marguerite donna finalement naissance à un fils, au château de Rivoli, le 12 janvier 1562. Il était temps ! C’est probablement l’âge avancé de la duchesse qui explique que Charles-Emmanuel fut le seul et unique enfant du couple ducal ! Cet aspect n’était pas sans rappeler qu’Emmanuel-Philibert avait lui-même été unique, dans la mesure où il était resté, « miraculeusement », le seul survivant d’une famille de dix enfants dont aucun, hormis lui, n’avait dépassé l’âge de douze ans !

12Charles-Emmanuel fut baptisé en mars 1567, alors qu’il avait dépassé l’âge de cinq ans. Contrairement à ses prédécesseurs, habituellement portés par des hommes adultes, le petit prince put ainsi se rendre à pied jusqu’à l’église où il répondit lui-même, seul et en latin, aux questions rituelles posées par l’officiant, l’archevêque de Turin, Girolamo della Rovere.

  • 8 Thalia Brero, « Le baptême des enfants princiers (XVe-XVIe siècles) », Le strategie dell’apparenza. (...)

13Un tel délai entre la naissance du prince et son baptême n’était pas exceptionnel dans les maisons princières. Il s’expliquait par l’importance des négociations diplomatiques qui préludaient à la cérémonie, d’autant que dans le cas de Charles-Emmanuel, le duc Emmanuel-Philibert voulait un prestigieux parrainage, lequel devait renforcer les alliances de la maison de Savoie avec les grandes cours et afficher sa puissance dynastique à l’échelle de l’Europe. À ce titre, le baptême donna lieu à un déploiement cérémoniel grandiose, notamment lors d’une grande procession réunissant quatre cents seigneurs, tant savoyards qu’étrangers, ainsi que de nombreuses femmes de la suite de Marguerite et de l’ambassadrice de Catherine de Médicis, accompagnés par des violons, des arquebusiers et des hallebardiers8.

  • 9 Emmanuel-Philibert portait le prénom de son parrain et grand-père, le roi Manuel Ier du Portugal, e (...)

14Le prince reçut un prénom double composé de celui de son père et de celui de son parrain, son cousin germain le roi de France Charles IX. Ce choix était en soi déjà tout un programme politique. Outre le prénom du père, qui inscrivait d’emblée le fils dans une glorieuse lignée dynastique9, un prestige immense était attaché au prénom de Charles : aux yeux des hommes du XVIe siècle, il renvoyait instantanément à Charlemagne et à Charles Quint, donc à deux figures impériales idéalisées. Le baptême était l’occasion d’afficher les alliances et la bonne entente de la Savoie avec les grandes puissances du temps : outre le roi de France, il eut aussi pour parrains le pape Grégoire XIII et le grand-maître de l’ordre de Malte, lequel tenait traditionnellement les fils de Savoie sur les fonts baptismaux. Pour marraines, ce furent la reine Catherine de Médicis, sa tante et l’amie fidèle de sa mère, et sa cousine germaine Élisabeth de Valois, fille de la reine Catherine et reine d’Espagne depuis 1559 : en unissant France et Espagne, le baptême prolongeait en somme l’esprit du traité de paix du Cateau-Cambrésis et du « miracle » de la paix !

15Enfant de la vieillesse, le petit prince de Piémont, unique rejeton du couple ducal, était bien la preuve que rien n’était impossible à Dieu. Cet aspect fut immédiatement souligné par les contemporains, à commencer par le pape qui compara la duchesse à la biblique Élisabeth, mère de saint Jean-Baptiste. Elle aussi avait mis au monde un fils par miracle, et quel fils ! Dans la Bible, les situations de stérilité prolongée apparaissent très souvent comme un champ privilégié de l’action divine. Les enfants ainsi nés sont des signes visibles de la grâce de Dieu, qui se prolonge généralement en eux à travers les grands signes qu’ils accomplissent une fois devenus adultes : Joseph, Isaac, Samuel, Jean-Baptiste... Charles-Emmanuel, « Dieu-donné », fut lui-même convaincu que sa naissance avait été une épiphanie, comme une réponse de Dieu apportée à la prière ardente des hommes : il attribuait sa naissance à la grâce obtenue des frères franciscains, dont le zèle, disait-il, avait permis à sa mère d’enfanter dans la vieillesse : « car rien n’est impossible à Dieu » avait déclaré, lors de l’Annonciation, l’archange Gabriel à la Vierge Marie, en parlant de sa cousine Élisabeth, « elle qu’on appelait la stérile » . Plus que jamais, l’Annonciation, dont le duc était chef et souverain de l’ordre de chevalerie du même nom, semblait faire le lien entre cette maison princière et le Ciel.

  • 10 Merci à Jean-François Dubost d’avoir attiré mon attention sur cet aspect!

16Samuel Guichenon, biographe de la maison de Savoie, renforça également la dimension miraculeuse de cette naissance en rapportant qu’une religieuse de « l’Annonciade » de Vercelli, priant le bienheureux Amédée, avait ressenti les douleurs de l’enfantement à la place de la duchesse, laquelle avait accouché en toute sérénité… « Miracle ! » ou plutôt « Noël ! » comme on aurait pu le crier au XVIe siècle. La référence constante à l’Annonciation, tout comme l’intervention dynastique du bienheureux Amédée, ne semblaient pas fortuites. Il s’agissait bien de souligner la merveilleuse proximité entre les Savoie, la Vierge Marie et le Fils de Dieu. D’autant que le jeune prince portait un prénom qui, à lui seul, devenait le signe vivant de ce miracle : il était « Emmanuel », c’est-à-dire littéralement « Dieu avec nous10 » !

  • 11 Paolo Cozzo, La geografia celeste dei duchi di Savoia : religione, devozione e sacralità in un Stat (...)

17Enfant du miracle, le duc resta convaincu toute son existence d’être né pour le miracle. Celui-ci semblait en effet accompagner l’histoire récente de la maison de Savoie, en particulier depuis l’an 1557, année de la mère des batailles, laquelle avait mis en branle le processus qui avait abouti conjointement à la renaissance des États de Savoie et à sa propre naissance. Rien d’étonnant donc à ce que Charles-Emmanuel se soit lui-même proclamé « né au monde par miracle11 ». Enfant de la Promesse de Dieu, il se considéra jusqu’à sa mort comme marqué à jamais par une « élection » de la Providence, un choix de Dieu susceptible de le distinguer parmi les autres princes, et de l’élever, tel un nouveau David, au rang d’un roi inattendu et providentiel.

  • 12 Samuel Guichenon, Histoire généalogique de la Royale maison de Savoie…, Lyon, Barbier, 1660, p. 708

18Cette conviction fut confortée par un élément supplémentaire apporté par l’astrologie. Michel de Nostredame entretint d’excellentes relations avec la maison de Savoie, en particulier avec le duc Emmanuel-Philibert dont il était le médecin. Le mage « astrophile » le plus célèbre de son temps fut invité par le duc à se rendre à Nice où résidait la duchesse, en 1561. Il devait officiellement intervenir davantage en qualité de médecin que d’astrologue, à l’occasion de la future naissance de l’héritier du trône. Le duc attendait néanmoins une prédiction dont Nostradamus ne le priva point. Celui-ci prophétisa donc que l’enfant « seroit un fils, qui s’appelleroit Charles, & qui seroit le plus grand capitaine de son siecle12. »

Un être marqué par l’exception

19La complexion du jeune Charles-Emmanuel ne semblait pas confirmer la prédiction de Nostradamus, tant le fils d’Emmanuel-Philibert paraissait fragile et malingre. On disait l’enfant « rilevato nella schiena » (littéralement : « relevé de l’échine »), autrement dit un peu bossu, ce qui lui valut le méchant surnom de « il gobbo dei Savoia » : « le bossu des Savoie ». Expression abusive et sans fondement sérieux qui facilita néanmoins l’œuvre de flétrissure historiographique, notamment de la part de la Satyre Ménippée puis de Michelet, qui brossait le portrait d’un Charles-Emmanuel monstrueux, « ventru de Piémont et bossu de Savoie ».

  • 13 Carlo Moriondo, Testa di Ferro, Vita di Emanuele Filiberto di Savoia, Utet, Torino, 2007, p. 97-98.

20Cette délicatesse, aussi mince fût-elle, provoqua une attention redoublée de la part de sa mère. La duchesse déploya une activité peu commune autour de son unique enfant, le protégeant des courants d’air en le maintenant le plus possible à l’intérieur des logis ; le vêtant d’habits chauds et pesants ; le faisant examiner par les médecins jusqu’à deux fois par jour, notamment pour contrôler son pouls ; dosant sa nourriture de manière à éviter tout excès de table...13 Autant de précautions pédiatriques qui pourraient passer pour normales aujourd’hui, mais qui, à l’époque, étaient considérées comme autant d’étrangetés excessives, voire comme des marques de faiblesse maternelle susceptibles de ramollir l’enfant. La duchesse suivait peut-être sur ce point les recommandations de Jean-Baptiste Giraldi, dont elle fit un précepteur de son fils.

  • 14 « Il nostro pittore fiamengo », Giovanni Caracca alla corte dei Savoia (1568-1607), Turin, Umberto (...)
  • 15 Archives d’État de Mantoue Gonzague, E.XIX, 4, busta 739, cité par Pierpaolo Merlin, Emanuele Filib (...)

21À une époque où le fouet était couramment administré aux jeunes, Giraldi prêchait audacieusement en faveur d’une éducation par la douceur rapprochant la mère de l’enfant. Une telle proximité se voit encore sur les portraits de la duchesse Marguerite, peints vers 1568 et 1572, qui montrent la mère avec son enfant, main dans la main, tendrement liés l’un à l’autre14. D’après les ambassadeurs vénitiens et mantouans, le jeune prince avait d’ailleurs hérité des manières douces et bienveillantes de sa mère, dont il parlait le plus souvent la langue. C’est pourquoi l’on estimait qu’il était de nature avant tout française : « di natura più francese che altro15. »

  • 16 « Relazione dello Stato di Savoia di Fantino Corraro », in Relazioni degli ambasciatori veneti… Eug (...)

22De fait, une telle éducation semble avoir profité à Charles-Emmanuel qui, si l’on en croit ses bustes et portraits, était, à dix ans, un enfant en parfaite santé. Quoique le portrait du duc à dix-huit ans, réalisé par Giovanni Caracca, et conservé au musée de Chambéry, donne encore à voir un être délicat, imberbe, quasi androgyne, mais rien dans la vie de Charles-Emmanuel ne permet de souligner une quelconque fragilité, disgrâce ou un handicap physique qui l’aurait entravé dans ses activités de souverain et de guerrier. Au contraire, l’homme, « tout de muscles et d’esprit » (« è tutto muscoli e spirito », Costantino Molin), fit montre d’une santé de fer et d’une singulière énergie, qui frappèrent d’étonnement ses contemporains, à commencer par les fins portraitistes de l’âme et du corps des différents princes d’Europe qu’étaient les ambassadeurs vénitiens. Les descriptions qu’en firent Costantino Molin, en 1583, et Fantino Corraro, en 1598, alors que le duc, âgé respectivement de vingt et un ans et de trente-six ans, était en pleine force de l’âge, sont impressionnantes16 : de taille moyenne, comme son père, de complexion délicate mais pas fragile, plus nerveux que maigre, le duc était prompt à tous les exercices. Fréquemment sous l’armure (dont aucune de celles qui nous sont parvenues ne porte la trace d’une quelconque malformation), il pouvait briser jusqu’à soixante-dix lances en quatre heures de joute sans montrer la moindre lassitude, et rester à cheval un jour et une nuit sans manger ni dormir. Les biographies princières sont souvent pleines de ce genre de performances viriles, mais dans le cas de Charles-Emmanuel, elles atteignent une dimension hors du commun. Il eut rapidement la réputation d’épuiser son entourage parce qu’il était lui-même infatigable en tout : « Stanca tutti con la sua natura indefessa ». « Indefessa » est en effet le mot qui revient le plus souvent sous la plume des ambassadeurs pour définir la nature véritablement « infatigable » de ce duc. Infatigable à la chasse, infatigable au gouvernement, infatigable à la guerre comme à l’amour : il donna dix enfants à son épouse légitime… et en eut au moins autant hors mariage ! S’il y avait de quoi rassurer tous ceux qui pouvaient encore avoir des doutes à son sujet, en se distinguant de la sorte, et notamment par sa vertu d’infatigabilité, Charles-Emmanuel donnait surtout à voir de lui un aspect extraordinaire, fait d’énergie et de force, qui pouvait renforcer la dimension éminemment princière, c’est-à-dire hors du commun, de sa personne.

  • 17 Guido Bentivoglio (1577-1644), nonce en Flandre (1607) et en France (1617) : Mémoires du cardinal B (...)
  • 18 « Notizie istoriche delle circonstanze che hanno preceduto edaccompagnato la conclusione del tratta (...)
  • 19 René de Lucinge, Dialogue du François et du Savoysien (1593), Alain Dufour éd., Paris, 1961, p. 180 (...)

23Autant d’énergie ne contrariait pas pour autant une autre dimension de sa nature, tout aussi présente, elle venait même la renforcer par un effet de contraste saisissant. On le décrivait en effet « affable, courtois, libéral, magnanime… » (Costantino Molin et Cardinal Bentivoglio)17 : « son visage estoit aussi agréable, et par la vivacité de ses yeux et de ses talents, il répandoit beaucoup de grâces dans tout ce qu’il faisoit18. » René de Lucinge, ambassadeur de Savoie à la cour de France, n’hésitait pas à parler d’un véritable « charme » défiant « la commune croyance » pour expliquer la facilité avec laquelle son prince « dérobait » l’affection de tous ceux à qui il parlait19. Cette plénitude de grâce et de majesté, qui emplissait tous ses mouvements (« di disposizione graziosissima in tutti i suoi movimenti »), faisait partie de ce savoir informel, qui surpassait celui du corps et de l’esprit. Un savoir-être plus qu’un savoir, qui ne pouvait s’enseigner parce qu’il était propre à la nature même du prince. Conscient des atouts que recélait son être, Charles-Emmanuel en joua pour sur-affirmer sa légitimité. Il exposa sans compter sa personne sur la scène publique du grand théâtre des cours européennes, en particulier lors de grandes opérations de séduction, à travers des ambassades, qu’il mena personnellement, notamment en France et en Espagne. Une telle exposition du prince tranchait avec les pratiques diplomatiques de son temps exigeant, au contraire, une certaine distance de sa part. Il savait, rapporta le cardinal Bentivoglio, se servir dans ce genre d’occasions des agréments de son corps et de son esprit, dont la nature l’avait si « libéralement pourvu » : autant de qualités de corps et d’âme qui, aux dires mêmes de l’ambassadeur vénitien Corraro, non seulement surpassaient celles des autres princes italiens, mais le hissaient au niveau des plus grands d’Europe !

24Oublié le sobriquet malveillant d’« il gobbo dei Savoia », le duc fit de sa personne une redoutable arme de séduction et le meilleur atout de sa politique de légitimation !

Le miracle inscrit dans la chair

25Le sentiment d’être marqué par le miracle se renforça encore lorsque Charles-Emmanuel, devenu duc, fut terrassé par une « dangereuse maladie » dont il se releva indemne. Le mal avait été contracté durant un séjour à Vercelli, en août 1583. À moins que l’épisode ne se rapporte à une autre date - 1614 - lorsque le duc fut une nouvelle fois gravement malade ! Dans tous les cas, en proie aux fièvres, le duc de Savoie crut sa dernière heure proche et se mit en prière afin de recommander son âme à Dieu. C’est alors que son état s’améliora sensiblement et que la fièvre le quitta ! Le duc attribua un tel miracle au bienheureux Amédée IX, son aïeul, duc en 1464 et mort en 1472. Celui-là même qui avait jadis permis à sa mère de le mettre au monde sans douleur ! Pour immortaliser l’événement, il fit exécuter par ses orfèvres un magnifique ex-voto sur une plaque d’or repoussée, dans un cadre d’ébène orné de roses et de nœuds de Savoie, à la manière du collier de l’ordre de l’Annonciade. Il l’offrit, vers 1615, à la cathédrale de Vercelli, où il se trouve encore aujourd’hui. On y voit le duc alité, les mains jointes en signe de prière, au pied de l’apparition du bienheureux Amédée. Celui-ci, un doigt levé vers le ciel, l’autre baissé vers la terre, signifie la circulation du flux miraculeux à travers sa personne jusque vers l’ultime rejeton de la dynastie de la maison de Savoie. Le duc semble d’ailleurs désigner le « saint » de ses mains d’orant. Le bienheureux se situe au-dessus des armes et de la couronne ducale qui apparaissent à la fois comme sa signature et celle du miraculé, renforçant le caractère dynastique de cette intervention miraculeuse !

  • 20 La Reggia di Venaria e i Savoia : Arte, magnificenza e storia di una corte europea, Turin, 2007, p. (...)

26Il est impossible de mesurer ici la part de vérité dans cette « guérison miraculeuse » attribuée au saint aïeul. Ce qui en revanche est certain c’est que, outre sa dimension strictement religieuse et thérapeutique, « le miracle » était d’une portée éminemment politique : il s’agissait, d’une part, de confirmer la destinée providentielle de Charles-Emmanuel, que Dieu lui-même semblait encourager à régner en prolongeant son existence, tout en renforçant, d’autre part, la sanctification dynastique par l’intermédiaire d’un pieux aïeul dont la forte virtus, cette énergie agissant par delà la mort, était capable de changer le destin des hommes, d’une dynastie, donc du monde. En 1611, le duc demanda en effet à l’évêque de Vercelli de rechercher les miracles accomplis par le duc Amédée IX dans la perspective d’une canonisation. Dans cette enquête, le duc apportait personnellement une pièce majeure au dossier et l’on pouvait espérer qu’un tel miracle donnerait un coup d’éperon au procès qui devait mener, un jour, à la reconnaissance de « saint Amédée de Savoie ». La chose est d’autant plus intéressante que Samuel Guichenon rapporte, de son côté, que ce fut le cardinal Charles Borromée qui pria pour la guérison du duc et vint le visiter sur place en 1583. Pourtant, ce ne fut pas à saint Charles, mais bien à saint Amédée que le duc reconnut la principale grâce de sa guérison. L’ex-voto, dédié à la médiation du saint aïeul, était donc au moins autant une action de grâce pour un vœu déjà réalisé, celui de la guérison du duc, que pour un vœu à venir, dont Charles-Emmanuel souhaitait ardemment la réalisation dans un but politique : celui de voir enfin la présence d’un authentique saint illuminer la généalogie des membres de la famille, une sorte de « saint Louis » de la maison de Savoie, qui aurait trouvé naturellement sa place dans la galerie de la sur-sacralisation dynastique, à laquelle travaillaient les ducs de Savoie, aux côtés du Saint-Suaire, des reliques de saint Maurice et de celles de ses compagnons de la légion thébaine tombés en martyrs dans le Valais ! Lorsque la canonisation d’Amédée fut proclamée, en 1676, on rappela dans l’acte que l’ex-voto de Charles-Emmanuel avait été présenté comme un élément de preuve à l’évêque chargé de l’enquête en 166120.

Le portrait labyrinthique d’un roi prophète

27Le Palazzo Madama de Turin possède dans ses collections une œuvre énigmatique et fascinante qui est à elle seule un témoignage extraordinaire de la manière dont le duc de Savoie envisageait sa vocation princière. Il s’agit d’un portait miniature de Charles-Emmanuel figurant sur un carré d’ardoise peinte, de 53 cm de côté. L’œuvre est anonyme, mais d’une main experte tant en peinture qu’en sculpture, peut-être celle d’Alessandro Ardente, peintre et sculpteur de la cour de Savoie jusqu’à sa mort en 1595. Au vu de son contenu (faisant référence au siècle où brilla Charles Quint) et de la physionomie du duc, cette œuvre pourrait bien être de l’Ardente, car elle serait à situer à l’extrême fin du XVIe siècle, probablement dans les années 1590, quoiqu’on l’estime généralement du début du XVIIe siècle. On sait précisément, grâce à un inventaire de 1631, que ce portrait était conservé dans la Wunderkammer (ou chambre des merveilles) de Charles-Emmanuel sous le nom de « Croix de Saint Maurice mystérieusement couverte de sentences… » (« Croce di S. Mauritio misteriosa piena di sentenze sopra una losa... »).

  • 21 « Il nostro pittore fiamengo » Giovanni Caracca alla corte dei Savoia (1568-1607), a cura di Paola (...)

28Cette œuvre a surtout été abordée comme la célébration d’un prince poète, amoureux des arts, et comme le signe tangible d’un règne théocratique fondé sur la fameuse lettre de saint Paul aux Romains, chapitre 1321. En fait, sa forme et son contenu nous amènent à envisager une telle composition sous un angle éminemment davidique, avec une dimension beaucoup plus prophétique que poétique, dont tout le sens serait de dévoiler un être providentiel à la dimension royale. Dans la tradition hermétique de la Renaissance, le recours au langage énigmatique avait une dimension oraculaire qui devait transmettre un « plus haut sens » à un petit nombre d’élus, seuls capables d’en saisir le sens caché.

29Il s’agit ici d’un portrait labyrinthique, dont l’effigie du duc, au centre des croix superposées des saints Maurice et Lazare, n’est qu’un aspect visible. Car l’essentiel du portrait est dissimulé à l’œil du profane, un peu comme si l’on regardait une réalité merveilleuse par le trou d’une serrure. Dans un entrelacs de citations bibliques, de prières et de prophéties, c’est l’être profond du duc qui se dévoile et ouvre sur des perspectives grandioses : le nom de Charles-Emmanuel y apparaît trois fois, comme la scansion d’une identité dont les dimensions plurielles et cachées surgissent par le pouvoir des mots sacrés.

30On peut y discerner quatre niveaux de texte : un premier niveau correspond à la première croix, celle de saint Maurice, martyr et patron de la Savoie, entièrement composée de versets de psaumes. Le second niveau, correspondant à la seconde croix, celle de saint Lazare, est composé non de psaumes mais de formules orantes tirées d’hymnes qui, selon les branches de la croix, renvoient à Dieu le père, au Christ, à l’Esprit Saint et à la Vierge Marie. Dans un troisième niveau, quatre gros médaillons et seize cartouches de différentes tailles évoquent des prophéties. Enfin, au quatrième niveau, l’ensemble est fermé par un cadre textuel composé des entrelacs et nœuds de Savoie dans lesquels on peut lire l’intégralité du psaume 145 (ou 144 selon la numérotation de la Vulgate clémentine).

31Les nombreux textes entretissés sur toute la surface de l’ardoise se lisent un peu dans tous les sens, de droite à gauche, de bas en haut, de manière croisée… Ce que soulignent les deux croix superposées qui, comme une rose des vents, indiquent toutes les directions en même temps. de telle sorte que le lecteur se trouve comme aspiré dans un tourbillon de mots et de formes géométriques, tourbillon qui part du duc et ramène au duc, et qui rebondit d’un verset de psaume à un autre. L’ensemble, par sa forme et son contenu, vise à montrer que le duc est davantage que le prince chrétien type : il est au cœur d’une configuration prophétique, cosmique et providentielle, il est un roi caché et, comme tout roi, recèle en lui-même des dimensions christiques et impériales ! La subtilité de l’œuvre fait en sorte que, si Charles-Emmanuel ne dit jamais directement sa royauté, tout autour de lui le dit roi !

32Les nœuds en forme de losange qui enserrent l’ensemble de l’œuvre semblent confirmer d’emblée la dimension hermétique de ce portrait : les nœuds et entrelacs, outre la symbolique connue des Savoie, indiquent ici symboliquement et matériellement une clôture, telle une limite magique, qui scelle le secret entourant tout mystère sacré. Seuls ceux qui forment de tels nœuds ont aussi le pouvoir de les défaire ! Les nœuds introduisent également dans la perception de la double vue du prophète, c’est-à-dire celui qui voit ce que les autres ne voient pas. Le sens de la composition serait alors non pas tant d’annoncer quelque chose qui aurait à se produire dans un futur plus ou moins proche, que de rendre visible ce qui serait déjà en train d’advenir ! Tel le reflet d’une réalité d’en-haut, non perceptible à l’œil nu, hormis par celui à qui Dieu en aurait donné le pouvoir. La prophétie ne se livre donc pas à l’état brut. Elle a besoin pour être vue et entendue d’une mise en scène qui accompagne toujours les prophètes bibliques : tel Jérémie portant un joug sur ses épaules pour signifier le poids de l’exil babylonien ou Ezéchiel avalant un rouleau de parchemin pour dire l’approbation divine. Le portrait labyrinthique de Turin doit donc être abordé comme un reflet de la pensée symbolique du duc, comme un langage sacré dévoilant la vérité à travers une mystagogie princière.

33Il n’est pas improbable que la proximité historique et affective des Savoie avec la relique du Saint Suaire ait contribué, tout particulièrement chez Charles-Emmanuel, à façonner un goût mystique pour l’occulte et le dévoilement crypté du mystère. Le duc avait lui-même chanté dans ses poèmes l’ambivalence de cette « étoffe tout à la fois funeste et glorieuse », opaque et limpide. Comme le Suaire, cet autre portrait d’un roi, qui dévoilait en filigrane le mystère de la Passion du Christ et donc le visage de Dieu, le duc de Savoie, nouveau David, se dévoilait par le jeu des entrelacs et des nœuds, au milieu desquels couraient les mots et les acrostiches. Claude Guichard, seigneur d’Arandat, qui avait composé quelques sonnets et anagrammes sur le nom de Charles-Emmanuel, ne disait-il pas :

  • 22 Archves d’État de Turin [A.S.To], Storia della real casa, cat III, d’addizione, Carlo Emanuel I, n° (...)

Non sans juste raison les plus scellés mystères
Etaient dedans les noms autrefois recherchés
Les sages y trouvaient des grands secrets couchés
Séparant, assemblant, mêlant leurs caractères
L’ardeur plus qu’à nul autre heureusement m’a fait
Connaître de ton nom le divin parfait
Tu es SOLAS (soleil) RECEU, AME de NUL HAYE22

34Ce qui est l’anagramme de « Charles-Emanuel de Savoye ».

  • 23 Patricia Falguières, Les chambres des merveilles, Paris, 2003, p. 67-97.

35Le portrait énigmatique couché sur ardoise, que le duc conservait dans sa « chambre des merveilles », à Turin, n’était peut-être destiné à nul autre qu’à celui qui en avait la clé, c’est-à-dire le duc lui-même. On sait que ces chambres, où seuls quelques rares privilégiés avaient le droit de pénétrer, étaient aussi le lieu reclus des « mystères de l’État ». Elles avaient pour enjeu l’éducation des princes en offrant une synthèse des savoirs universels, aux lisières du rêve et de la prouesse, qu’elle fût artificielle ou naturelle23. Le portrait symbolique de Charles-Emmanuel, miroir visuel et textuel du prince, apparaît lui aussi comme une synthèse, celle de toutes les plus hautes aspirations du duc. Reflet idéal, il lui renvoyait l’image de sa vocation propre et de la potentialité de son être princier ! Il est d’ailleurs probable que Charles-Emmanuel fût lui-même le concepteur de cette composition.

36L’agencement de l’œuvre invite l’œil à partir du centre où se situe l’effigie axiale du duc, lequel semble ainsi ordonner toute chose autour de sa personne. Mais le portrait ne s’arrête pas aux traits plastiques. Les mots prennent le relais du dessin et, sur chacun des quatre côtés du cadre central, par groupe de sept lettres, ils déclinent explicitement l’identité du prince : CAROLUS-EMANUEL-DUX.SABA-VDIÆ.PRI : « Charles Emmanuel Ier, duc de Savoie ».

  • 24 Le dictionnaire des symboles, Alleur, Marabout, 1989.

37On connaît la symbolique septénaire qui renvoie à l’ordonnancement cosmique par Dieu lui-même du temps, de l’espace et de la vie. Il est le chiffre de la complétude. D’autant qu’il est ici associé au quatre, lui aussi symbole d’organisation et d’ordre, notamment dans le christianisme où le quartenaire est omniprésent, du tétragramme divin aux branches de la croix24.

38Un acrostiche, au départ des branches de la croix de saint Maurice, permet ensuite de prolonger le portrait physique et officiel du duc par une autre dimension, invisible celle-là, parce que spirituelle et sainte. En effet, chacune des vingt-huit lettres bordant le cadre central amorce le verset d’un psaume, le chant de l’âme par excellence, perceptible par le cœur et par Dieu : les quatre branches de la croix ainsi que leurs bordures et leurs extrémités en trèfle sont construites avec des versets. En tout, une cinquantaine de psaumes différents sont cités. La référence des citations bibliques est la très orthodoxe Vulgate Clémentine, publiée pour la première fois en 1592, une version citée fidèlement, à quelques exceptions près.

39La tradition fait passer le roi David pour l’auteur de la plupart des cent cinquante psaumes. Dans l’imaginaire royal, David tenait une place immense, dans le sens où il incarnait le choix de Dieu par excellence, la pleine légitimité reçue directement du Ciel. Il avait été le roi caché connu de Dieu seul et dont le prophète Samuel avait manifesté l’élection divine par l’onction sacrée. Si David était aux yeux des hommes un enfant, cadet, petit et faible, il était devenu grand et fort grâce à Dieu qui, lui, ne regarde pas à l’apparence mais au cœur : « J’ai trouvé un homme selon mon cœur », comme le disait la citation qui accompagnait le dessin du « vrai prince » esquissé par Charles-Emmanuel et qui faisait parfaitement écho au portrait de l’ardoise. Dans la main de Dieu, David s’était révélé aux hommes par ses exploits guerriers qui témoignaient ouvertement de son élection. En optant pour une lecture saturée de psaumes, le portrait de Charles-Emmanuel poussait naturellement à une identification entre le duc de Savoie et le roi David, en écho avec les nombreuses références faites par ailleurs à ce roi, comme nous l’avons déjà maintes fois souligné, notamment dans le Simulacro del vero principe. D’autant que le duc était poète et musicien, tout comme le roi David. Partant du centre de la croix, où se situent le portrait et le nom du duc, les versets davidiques paraissent émaner du duc lui-même. Les rares références qui ne proviennent pas des psaumes sont d’ailleurs presque toutes tirées du livre de Samuel (1 Rg 2, 2, 4 et 10), donc en lien direct avec l’histoire de David.

40Pas de lamentations ou de malédictions ici, toutes ces références bibliques ont pour but de louer, chanter et glorifier Dieu, le roi des rois, lequel élève son serviteur fidèle et le fait triompher de toutes les adversités : « Non timebo millia populi circumdantis me » (psaume 3, 7). Dieu protège et guide la main des faibles au milieu des combats. On ne s’étonne pas d’y trouver le psaume 143, dont le contenu se rapporte au duel de David contre Goliath : « Benedictus Dominus Deus meus, qui docet manus meas ad praelium » (psaume 143, 1). Le psaume 71, interprété comme prophétique du règne du Christ, est cité plusieurs fois.

  • 25 Cité par Machiavel, Discours sur la première décade de Tite-Live, Livre III, chapitre 41.

41Il est difficile de dégager un quelconque ordonnancement rationnel dans tout cet imbroglio de citations ; cependant, la croix de saint Maurice semble peu ou prou associer des versets de psaumes selon un programme thématique : la louange adressée à Dieu par le ciel et tous les peuples de la terre ; la louange du nom et des merveilles de Dieu ; la crainte de Dieu, lui qui guide et soumet ; Dieu est fort et rend forts ses fidèles. Parmi toutes ces citations, c’est le psaume 145 (144) qui occupe la plus grande place. Cité intégralement, il est par excellence le psaume de louange de David, celui de l’éloge de la grandeur et de la Providence de Dieu, roi de l’univers : « Exaltabo te, Deus meus rex » (Je t’exalte, mon Dieu, ô Roi », verset 1). Laquelle Providence, par le jeu visuel des entrelacs, semble littéralement étreindre l’ensemble de l’œuvre. Une telle composition pouvait renvoyer son observateur à la question suivante : quelles sont les limites d’un prince qui se donne pour limites celles de la Providence divine ? Tout semble donc vouloir indiquer ici que, comme David, Charles-Emmanuel était un prince qui avait toutes les raisons de se réjouir de l’élection particulière dont la Providence l’avait marqué. Il était l’intime de Dieu, celui qui résidait en ses parvis, applaudissait, chantait et dansait devant son arche. Les limites imposées par les hommes n’étaient pas celles de Dieu : « Sa force et sa sagesse sont sans limites » (psaume 146, 5). Dieu portant sur les hommes un regard différent de celui des hommes était seul en mesure de voir un roi là où les hommes ne voyaient qu’un duc ! Par leur nature, les psaumes renvoient à une image royale et, de ce fait, peuvent être compris comme une expression de la royauté davidique de Charles-Emmanuel, une royauté cachée qu’il revient à Dieu de révéler. Nombreux sont d’ailleurs les versets qui sonnent comme une invite à lever les pans d’un grand mystère divin : « Venez et voyez les œuvres du Seigneur » (psaumes 45 et 65), « Venez, écoutez, je vous raconterai, à vous qui craignez Dieu » (psaume 65, 16) etc. Plus que jamais, le duc semble ici fondre sa voix et sa prière dans celles de David, une prière royale par excellence, écrite de la main d’un roi et destinée à un autre roi : « Exaltabo te, Deus meus rex » (psaume 145, 1). Le duc pouvait alors légitimement se prétendre « invaincu », non parce qu’il n’avait jamais perdu une seule bataille, mais parce que l’espérance qu’il fondait en Dieu et en sa vocation providentielle voulait qu’il ne s’estimât jamais vaincu. Un providentialisme qui rejoignait la vision française de la royauté, laquelle voulait que le roi ne puisse jamais souffrir de honte dans aucun de ses choix, que la fortune lui fût bonne ou adverse, « car qu’il perde ou qu’il gagne, on dit que toutes ces choses sont dignes d’un roi25. »

Rêves d’Empire

42Le mythe davidique était alors fortement relié au prophétisme impérial et à la croisade. Ce que semble confirmer l’effigie de Charles-Emmanuel, au centre du portrait labyrinthique, puisque celui-ci apparaît en César, la tête couronnée de lauriers. Cet aspect est repris dans les textes figurant dans les gros médaillons et les petits cartouches de l’ardoise. Les traces de dorure et de couleur rouge carmin, qui entourent les médaillons prophétiques, viennent encore en accentuer la symbolique impériale. Enfin, soulignons que la forme même de la rédaction de certains passages (comme le médaillons en bas à droite) est intéressante : la syntaxe y est très lâche, chaotique, quasi inorganique, ce qui accentue l’impression de vaticination, situant le lecteur dans l’instant de la prophétie naissante, un peu comme s’il en était lui-même la source !

43Les textes placent le duc de Savoie au cœur des nombreuses prophéties eschatologiques associant empire et croisade qui couraient depuis l’époque médiévale. Le prénom de Charles avait alors une résonance exceptionnelle parce qu’il se rattachait directement à la mythologie impériale : « pense à Charles, ton nom » dit un des médaillons. Le double prénom du duc de Savoie fut d’ailleurs souvent raccourci au seul prénom de Charles afin de mieux insister sur sa dimension impériale : « Charles régnant sur la Savoie » ! Dans la lignée des grands « Charles » de l’histoire de la Chrétienté, Charlemagne et Charles Quint, le duc de Savoie, « glaive des chrétiens », avait à son tour à jouer un rôle messianique décisif dans la lutte contre les hérétiques et les infidèles. La présence des croix des saints Maurice et Lazare, symboles des ordres de chevalerie du même nom, dont la vocation était précisément de lutter contre les ennemis de la foi, venait en souligner la portée :

  • 26 Traduction du texte latin contenu dans les petits médaillons situés sous le cadre extérieur, en par (...)

Trois hommes brillent dans ce siècle devant Dieu,
Le premier dis-je, Charles le grand qui a soutenu le Saint-Siège.
Le deuxième, Charles V, dernier roi, qui commande en empereur qui a chassé les infidèles.
Le troisième, Charles régnant sur la Savoie, grand duc, à qui Dieu a donné le pouvoir. Il a anéanti les hérésies sur toute la terre.
Après la douzième année, quand le pouvoir du fruit rouge lui aura été rendu (à notre empereur), apparaîtra le glaive des chrétiens, c’est-à-dire Charles Emmanuel dit le magnanime, sérénissime et invaincu duc de Savoie, le vicaire du Sacro Saint Empire Romain qui fera fuir les Turcs de tout côté.26

  • 27 Alphonse Dupront, Du Sacré. Croisades et pèlerinages. Images et langages, Paris, 1987, p. 290.
  • 28 Alexandre Haran, Le lys et le globe, Messianisme dynastique et rêve impérial en France aux XVIe et (...)

44Le XVIe siècle était friand de telles prophéties. La croisade et ses mythes apparaissaient comme l’une des voies privilégiées par lesquelles l’humanité sortait du cycle du temps ordinaire de l’histoire pour s’engager vers son plein accomplissement27. Depuis le début du siècle, avaient circulé de nombreuses prédictions annonçant le retour d’un âge d’or impérial fait de paix et d’unité, telles celles de Lactance et des Sibylles, amalgamées à des prophéties apocalyptiques joachimites28. Nous en retrouvons ici les échos. Les passages prophétiques des médaillons de l’ardoise de Turin font en effet directement allusion à ces thèmes, ainsi qu’à la Sibylle et à Joachim de Flore (dans les petits cartouches). On peut également y percevoir un écho d’une des plus célèbres prophéties du siècle, celle dite de Magdebourg, connue depuis 1572 grâce à Michel de Nostradamus le Jeune, pour avoir diffusé l’idée qu’un souverain du nom de Charles, issu du sang des rois de France et de celui de « Charles Caesar », régnerait sur toute l’Europe. Cette prophétie avait été directement associée au roi de France Charles IX, mais celui-ci étant mort en 1574, sans enfant légitime et sans que de véritables prémices de la réalisation d’un grand dessein impérial n’apparaissent. La prophétie était en quelque sorte à prendre ! Or, Charles-Emmanuel n’était-il pas le filleul du roi Très Chrétien Charles, dont il portait le nom, et dont le sang était à la fois issu de France et des Césars ? C’est ce que cherchait à montrer d’autres textes, en particulier ce poème savoyard adressé à « Charles le Grand » :

  • 29 Cité par Cornel Zwierlein, Discorsi und Lex Dei, Die Entstehung neuer Denkrahmen im 16. Jahrundert (...)

[…] comme un puissant philtre
Savoye, Autriche, et Valoys
Ne te sont qu’un seul tiltre29

  • 30 Luisa Capodieci, « Légitimation prophétique de l’identité du roi : Auguste et la Sybille de Tibur d (...)

45En tant que souverain ayant succédé aux Allobroges, le duc de Savoie pouvait également reprendre à son compte toutes les prédictions touchant aux Celtes, et autres Gaulois issus de Gomer, en lien avec les aspirations unitaires impériales, mises en avant par les humanistes français du XVIe siècle, en particulier par Guillaume Postel et prolongées par L’Astrée d’Honoré d’Urfé. Lequel Urfé participa pleinement à la construction des origines mythiques de la maison de Savoie dans sa Savoysiade, œuvre cependant restée à l’état de manuscrit. Les textes du portrait labyrinthique de Turin reprenaient également des symboles de l’Empire, comme le fruit rouge et l’anneau suspendu, évoqués dans les médaillons. Cet anneau n’était pas sans rappeler le tableau d’Altdorfer, « la bataille d’Alexandre à Issos » (exécuté en 1529 à la demande du duc de Bavière suite à l’échec de Soliman devant Vienne). Les textes renvoyaient au thème de la croisade et de l’unité forgée dans la lutte entre Occident et Orient, entre la croix et le croissant. Des allusions explicites à Mahomet ainsi qu’à la conversion des Juifs et des Turcs (dans les branches de la croix de Saint Lazare), venaient compléter une panoplie d’arguments familiers de l’eschatologie moderne30. Pour la Savoie, la présence de cet anneau pouvait aussi avoir une valeur symbolique précise dans la mesure où il rappelait l’anneau dit « de Saint Maurice », qui avait été donné au comte Pierre Ier (mort en 1076) par l’abbé d’Agaune, et qui matérialisait la transmission dynastique lors de chaque avènement, ainsi que le lien entre les Savoie et leur saint patron. D’autant que la légende prétendait que la lance et le casque de celui-ci avaient été réutilisés ensuite par Charles Martel pour repousser les Sarrasins lors de la bataille de Poitiers.

  • 31 « Del Serenissime et Augustissime Carlo Emanuel » A.S.To, Storia della real casa, cat. 3, mazzo 13, (...)
  • 32 En 1580, une médaille avait été frappée en Espagne avec, à l’avers, le portrait de « Philippe II ro (...)

46La dimension impériale et universelle du duc est également soulignée par un dernier dessin anonyme réalisé à la plume, et conservé aux archives d’État de Turin. Ce dessin est situé au revers du portrait de Charles-Emmanuel en Fortuna, peut-être de manière à suggérer que les deux pages se répondent l’une à l’autre : qui domine la fortune domine le monde ! Le dessin est dédié au duc Charles-Emmanuel, impérialement salué d’« Augustissime ». Il représente trois globes terrestres entrecroisés et reliés entre eux par un sceptre (lequel semble surmonté à droite d’une couronne fermée), le tout accompagné du motto suivant : « uni non sufficit unus » (« un ne suffit pas à un »)31. Une ambitieuse devise qui, outre le fait de rappeler insolemment celle figurant sur les médailles du roi Philippe II32, renvoyait à la dimension une et multiple d’un prince rêvant d’être toujours plus que lui-même.

47Faut-il déduire de ces divers affichages identitaires que Charles-Emmanuel avait de réelles et sérieuses prétentions à l’Empire ? Certes, le duc y songea, notamment en 1619, lorsque disparut l’empereur Mathias. Il put alors faire valoir la qualité ancienne de vicaire impérial des Savoie et sa descendance issue de la maison de Saxe. Mais croyait-il sérieusement à sa chance face à un prince de la maison de Habsbourg ? On peut en douter ! Le portrait labyrinthique laissait déjà planer le doute à ce sujet. Car si le programme de l’ardoise jouait abondamment sur la dimension impériale du prénom de Charles, il situait en même temps le duc de Savoie comme simple « vicaire de l’empereur » !

48Si Charles-Emmanuel effleura l’Empire et caressa ses mythes, comme celui de la croisade en terre sainte, il faut à mon sens le comprendre d’abord comme une marque identitaire d’appartenance au clan des rois : il ne s’agissait donc pas tant pour lui de prétendre à la couronne élective du Saint Empire, dans l’espoir d’être un jour élu, que de partager les mêmes revendications, ou faudrait-il dire la même vocation, que les autres rois : la construction d’une sur-sacralité dynastique fondée sur le miraculeux, la prétention à l’Empire, tout comme l’idéal de croisade, appartenaient aux critères qui permettaient de parler en roi, à tout le moins de se hisser à la hauteur des rois en répondant aux mêmes appels qu’eux !

ANNEXES

Portrait labyrinthique de Charles-Emmanuel Ier

Ardoise peinte, collections du Palazzo Madame, Turin.

Transcription

49Les références bibliques sont tirées de la Vulgate clémentine du XVIe siècle : la Vulgate est citée mot pour mot dans la plupart des cas à travers une cinquantaine de psaumes.

50Double numérotation des psaumes : on trouvera entre parenthèses le numéro du psaume actuel (voir Bible de Jérusalem).

51Rg dans la Vulgate correspond à Samuel dans les bibles d’aujourd’hui.

52Les traductions du latin au français ont été établies en collaboration avec mon ami Marcel Fontana.

La croix :

53Au centre : le portrait

54Autour du portrait : Acrostiche à partir du Nom de Charles-Emmanuel duc de Savoie :

CAROLUS-EMANUEL-DUX.SABA-VDIÆ.PRI

« Charles Emmanuel premier, duc de Savoie »

Les branches de la croix de saint Maurice

55NORD :

Cantate… « Chantez au Seigneur un chant nouveau. Acclamez-le terre entière » Ps 95 (96) v. 1

Annunciate… « Racontez sa gloire parmi les nations, ses merveilles parmi tous les peuples » Ps 95 (96) v. 3

Regna… « Rois de la terre, chantez le Seigneur, sautez de joie. » Ps 67 (68), 33

Omnes… « Applaudissez, toutes les nations de la terre. Faites entendre des cris de joie en son nom. » Ps 46, 2

Laudates… « Louez le Seigneur tous les anges et chantez sa puissance. » Ps 148, 2

Venite… « Venez sautons de joie en l’honneur du Seigneur, acclamons le Dieu de notre salut (Ps 94, 1) car

Suavis… « Il est bon et miséricordieux en toutes ses œuvres. » Ps 99, 5

56Bord : « Il n’y a pas de Dieu semblable dans ses œuvres parmi les dieux » Ps 85, 8
« Je bénirai toujours le Seigneur et toujours la louange sera dans ma bouche. » Ps 33, 2

57EST :

Exaltare… « Sois loué, mon Dieu, pour ta force. Nous (la) chanterons et l’acclamerons. Ps 20, 14

Magnificate… « Célébrez le Seigneur, dansons de joie en chantant son nom. » Ps 33, 4

Afferte… « Accordez à Dieu la gloire et la force ; accordez à Dieu la gloire de son nom » Ps 28, 2

Narrantes… « Nous raconterons les exploits du Seigneur, sa force et les merveilles qu’il fit » Ps 77, 4

Venite… « Venez et voyez les œuvres de Dieu, terrible en ses exploits à l’égard des fils d’homme » Ps 65, 5

Ecce… « Bénissez le Seigneur » Ps 133, 1, « vous qui mettez votre confiance en lui et » (Ps 30, 25) et

Laudate… « Louez son nom » Ps 99,4 « à lui qui seul fait des merveilles sur toute la terre. » Ps 135, 4

58Bord : « Ecoutez bien, tous les habitants de la terre. » Ps 48, 2
« Demande-moi et je te donnerai toute la terre en héritage. » Ps 2, 8

59SUD :

Dominus… « Dieu de Sion est grand et très haut, qui règne sur tous les peuples de la terre. » Ps 98, 2

Venite « Venez, écoutez, je vous raconterai, à vous qui craignez notre Dieu » (Ps 65 16), Jésus

Xptus « Christ, notre rédempteur. Il est admirable en toutes ses œuvres. » ?

Subiecit… « Il a mis tous les peuples à nos pieds. » (Ps 46, 4) et

Arcum… « Il écrasera l’ennemi et détruira ses armes par le feu. » Ps 45, 10

Benedictus… « Bénis sois-tu, mon Dieu, toi qui guides nos mains dans les combats. » Ps 143,1 (David face à Goliath)

Arcus… « L’arc est brisé et Il donne la force aux faibles » 1 Rg 2, 4

60Bord : « Dieu règnera sur toutes les nations, il est assis sur son trône sacré » Ps 46, 9
« En lui j’ai été fortifié dès le ventre de la mère. Tu es mon rempart. » Ps 70, 6

61OUEST :

Venite… « Venez et voyez les œuvres du Seigneur. » Ps 45, 9 « Il porte la guerre jusqu’aux confins de la terre. » Ps 45, 10

Dextera… « La droite du Seigneur est ma force, elle m’a exalté, la droite du Seigneur est ma force » Ps 117, 16

In… « En Dieu nous sommes sans faiblesse, Il écrasera nos adversaires » Ps 59, 14

Æxpecta… « Espère dans le Seigneur et ton cœur sera réconforté » Ps 26, 14

Pro… « Tu feras des enfants des hommes les princes de la terre » Ps 44, 17

Respice… « Que ton œuvre apparaisse à tes serviteurs et ta splendeur sur leurs fils » Ps 89, 16

Iste… « Il est mon Dieu et je le glorifierai, Il est le Dieu de mon père, je l’exalterai » Ex 15, 2

62Bord : « Je suis ton serviteur. Donne-moi l’intelligence pour que je puisse te reconnaître. » Ps 118, 125
« Sa force et sa sagesse sont sans limites » Ps 146, 5

Les cercles au bout des branches de la croix de Saint Maurice

« Gloire à Dieu mon sauveur. Je mets mon espérance en lui. » Ps 61, 8 Toi Seigneur, tu es mon soutien et ma gloire, mon rempart et mon Dieu. Ps 3, 4

a. (carré à l’intérieur du cercle) « Louez son nom, mon Dieu est bon. » Ps 33, 9

Je confesserai ton nom parce que tu es célébré pour ta puissance terrible. Ps 138, 14 Tous les rois t’adoreront et seront soumis à toi. ? C’est pourquoi tous les peuples confesseront ton nom pour toujours. Ps 44, 18

b. Espérez en lui tous les peuples de la terre. Ps 61, 9

Je dirai à Dieu mes louanges. J’ai mis mon espoir en lui. Ps 55, 5 Moi j’ai crié vers Dieu et il m’a sauvé. Ps 54, 17 En effet tu m’as délivré de tout ce qui m’accable. Ps 43, 8

c. « Venez adorons le Seigneur et prosternons-nous devant lui. » Ps 94, 6

Louez Dieu et adorez l’escabeau de ses pieds Ps 98, 5 Que toutes les nations de la terre soient bénies en son nom. Ps 71, 17 Mon Dieu est mon secours, je mettrai mon espérance en lui. Ps 17, 3

d. « Dans l’épreuve tu m’as invoqué et je t’ai délivré. » Ps 80, 8

Louez le Seigneur car il est bon. Acclamez son nom en dansant. Ps 146, 1 Il est proche de tous ceux qui l’invoquent en vérité. Ps 144, 18 Il est juste et saint dans ses œuvres. Ps 144, 17

e. « Nul n’est plus saint que notre Dieu. » 1 Rg 2, 2

La terre tout entière a vu notre salut. Ps 97, 3 Il a brisé les puissances, l’arc et le bouclier, arrêté la guerre. Ps 75, 4 Tu as fait connaître ta puissance en tout lieu. Ps 76, 15

f. « Tu es mon soutien et mon sauveur. » Ps 69, 6

Voici, bénissez donc le Seigneur, tous les serviteurs et servantes de Dieu. Ps 133, 1 Donne la gloire non à nous Seigneur, mais à ton nom. Ps 113,9 Tes œuvres sont devenues pour nous des témoignages croyables. Ps 92, 5

g. « Exauce-moi, Seigneur, dans ta miséricorde infinie. » Ps 68, 14

Dieu a fait sur terre et dans les cieux tout ce qu’il a voulu. Ps 134, 6 Dieu s’exprime dans toute sa force et sa magnificence. Ps 28, 4 Lui-même m’a invoqué : Dieu, tu es mon Dieu. Ps 88, 27

h. « Aucune puissance n’est semblable à la tienne. » Ps 88, 27

Dès que je me sens trembler, je mets en toi mon espérance. Ps 55, 4 Voici mon Dieu sauveur. Agis avec confiance Is 12, 2 car Dieu est mon Dieu et mon salut. Ps 61, 3

i. « Ainsi je bénirai ton nom toute ma vie. » Ps 61,3

« Et qu’ainsi tu sois loué jusqu’au bout de la terre, mon Dieu, pour ton nom. » Ps 47, 11 « Que tous les habitants de la terre craignent ton nom, seigneur. » ? « Tu es juste Seigneur et tes jugements sont droits » Ps 118, 137.

j. « Il tonne dans les cieux contre ses adversaires » 1 Rg 2, 10

Je ne crains rien de ce peuple innombrable qui se dresse devant moi de toute part Ps 3, 7 Tous mes os diront, Seigneur, qui est semblable à toi ? Ps 34, 10 Ton règne durera dans les siècles des siècles. Ps 144, 13

k. « La miséricorde et la vérité de Dieu s’étendent sur tous » Ps 24, 10

Les Ethiopiens et tous ses ennemis iront au devant de lui. Ps 71, 9 Il recevra la bénédiction du Dieu de son salut. Ps 23, 5 Les rois de Tharsis et les Arabes lui offriront des présents. Ps 71, 10

l. « Acclamez Dieu avec des cris de joie tous les peuples de la terre et dansez. » Ps 97, 4

Traduction des textes entre les branches de la croix de St Lazare : des prières

63Lecture croisée plus en cohérence avec le texte prophétique des gros médaillons.

A : Seigneur Jésus Christ très miséricordieux, je te prie, toi qui nous as rachetés par ton sang par amour pour nous, afin que ta mort soit un remède (à nos maux) et que ton évangile soit reçu partout.

B : Je te prie impératrice des Cieux et reine des anges pour que tu intercèdes auprès de ton fils notre Seigneur afin qu’il protège la sainte Eglise et ses serviteurs contre tous les maux et contre les antéchrists qui aboient [illisible] victorieux.

C : Seigneur tout-puissant, nous te prions pour que tu aiguises les épées de tes fidèles afin que les Juifs et les Turcs et tous les hérétiques connaissent ton nom et te reconnaissent comme vrai Dieu.

: Par la force insaisissable de l’Esprit, je te prie ô Dieu Saint pour que tu nous donnes ta grâce et affermisses notre foi, pour que soit évitée la peste des guerres, que les maux soient supportés avec sérénité et que nos péchés soient effacés.

64Texte des petits cartouches : des prophéties

1-2 : L’oracle des Turcs dans lequel sont indiquées les frontières de cet empire.

3-4 : Le rêve de Mahomet se réalise dans le siège de Con. (Constantinople ?)

5-6 : « La prophétie, la sibylle », .T. OL. LVII IX. AN (par la prophétie… de la fondation de Rome…)

7-8 : « Vaticini IIII Le prêtre [ou abbé] Joachim » : Joachim de Flore ? « la voix trompeuse perdra l’Empire »

65Texte des petits médaillons sous le cadre extérieur : en partant de celui en haut à droite : des prophéties

1. Trois hommes brillent dans ce siècle devant Dieu,

2. Le premier dis-je, Charles le grand

3. qui a soutenu le Saint-siège.

4. Le deuxième, Charles V, dernier roi,

5. qui commande en empereur qui a chassé les infidèles.

6. Le troisième, Charles régnant sur la Savoie,

7. grand duc, à qui Dieu a donné le pouvoir.

8. Il (Dieu ? le duc ?) a anéanti les hérésies sur toute la terre.

66Gros médaillons : des prophéties : Nostradamus ?

67I. En haut à gauche :

Béni soit celui qui vient au nom du seigneur, contemplateur de toutes choses célestes qui, seul, fut élevé hors de la terre ténébreuse, monta puis redescendit. En effet, une parole double [pleine de ruse ou trompeuse] dévorera son empire, et il mourra en pays étranger.

Ô combien souffrira son épouse de la chute de son époux légitime, elle qui fut livrée à un lion pour être dévorée. Pourquoi, ô homme simple, as-tu abandonné ton épouse aux chiens cruels, destinée à être partagée par ceux qui aboient. Pense à Charles, ton nom, et a tes premiers exploits. Fais en sorte d’être ramené des confins de l’orient.

68II. En bas à droite : impossible de respecter la syntaxe très lâche, presque inorganique !

Il lui semblait, pendant son sommeil, voir le ciel s’ouvrir et en descendre un vieillard vénérable. En même temps était envoyé du ciel un anneau suspendu à un fil, que le vieillard, après avoir saisi la main droite de Mahomet, posa sept fois à tous les doigts. La première fois, après ce geste Mahomet ressentit une grande joie. La 2ème, la 3ème fois, et ainsi de suite, jusqu’à la 7ème et dernière fois, le plaisir à chaque fois était moindre. Mahomet se plaignait et éprouvait une douleur plus forte à chaque fois que l’anneau était changé (de place). Enfin à la 7ème fois, l’anneau fut enlevé au ciel et le vieillard disparut au grand dépit de Mahomet.

69III. En haut à droite :

Notre empereur viendra et il prendra aussi le fruit rouge qui, si l’épée chrétienne ne s’est pas dressée avant la septième année, les dominera jusqu’à la douzième année. Après la douzième année, quand le pouvoir du fruit rouge lui aura été rendu (à notre empereur), apparaîtra le glaive des chrétiens, c’est-à-dire Charles Emmanuel dit le magnanime, sérénissime et invaincu duc de Savoie, le vicaire du Sacro Saint Empire Romain qui fera fuir les Turcs de tout côté.

70IV. En bas à gauche :

Un astre se lèvera sur les Ibères et sur la grande maison du Nord. Partout ses rayons illumineront à l’improviste la terre entière. Cela adviendra au temps tant attendu où, après qu’auront été déposées les armes mortelles, s’établira une paix avec beaucoup de pays. ( ?)

On aura sans doute à combattre, mais enfin la race du sang ancestral remportera la victoire. En effet, presque en même temps, on se rassemblera près de cet astre plongeant dans la mer, là où sa lumière, bien plus ardente que les feux les plus ardents de Mars, délimite l’empire aux confins des antipodes.

Texte des lacs de Savoie : Psaume 145 (144) Grandeur et providence de Yahvé

71Louange au roi Yahvé

- Je te glorifierai, ô mon Dieu, mon roi
- Et je bénirai ton nom à jamais, éternellement
- Chaque jour je te bénirai et je louerai ton nom à jamais, éternellement
- Yahvé est grand, digne de toute louange, et sa grandeur est sans mesure
- On louera tes œuvres de génération en génération
- Et l’on proclamera tes hauts faits.
- Je redirai l’éclatante splendeur de ta gloire et tes œuvres merveilleuses.
- On répétera tes œuvres puissantes et terribles,
- Je redirai ta grandeur.
- On proclamera le souvenir de ton immense bonté,
- On glorifiera ta justice.
- Yahvé est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour
- Il est bon envers tous, et sa tendresse va à toutes ses œuvres.
- Toutes tes œuvres te loueront, ô Yahvé, et tes fidèles te béniront.
- Ils rediront la gloire de ton règne, ils proclameront ta puissance, pour faire connaître aux fils des hommes tes prodiges et la gloire éclatante de ton règne.
- Ton règne s’étend sur tous les siècles, et ton empire, de génération en génération
- Yahvé est fidèle en toutes ses voies et miséricordieux en toutes ses œuvres.
- Il soutient ceux qui tombent et redresse ceux qui chancellent.
- Tous ont les yeux tournés vers toi, et tu donnes en son temps à chacun sa nourriture.
- Tu ouvres la main et tu rassasies à souhait tout être vivant.
- Yahvé est justice en toutes ses voies, amour en toutes ses œuvres.
- Il est proche de ceux qui l’invoquent, et de tous ceux qui l’invoquent en vérité.
- Il évacue le désir de ceux qui le craignent, il entend leur cri, il les délivre.
- Il garde tous ceux qui l’aiment et fait périr tous les méchants.
- Que ma bouche dise la louange de Yahvé, et que toute chair bénisse son saint nom, à jamais, éternellement.

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Notes

1 Voir à ce sujet mon article : « Charles-Emmanuel Ier ou les flétrissures du prince : la perception par la France du duc de Savoie et de ses « ambitions » (fin XVIe-début XVIIe siècle), La Savoie et ses voisins dans l’histoire de l’Europe, Actes du 43ème congrès des Sociétés savantes de Savoie, Annecy, 2010, p. 109-121. Pour plus de détails sur la politique de Charles-Emmanuel, on se reportera à mon ouvrage : Charles-Emmanuel de Savoie, La politique du précipice, Payot, 2012.

2 Relations de Francesco Barbaro, 1581, et de Constantino Molin, 1583, dans Relazioni degli ambasciatori veneti al Senato, Eugenio Albèri, Série II, tomo V, Florence, 1858, p. 75 et p. 99.

3 Je paraphrase ici volontairement une citation de Denis Crouzet au sujet du connétable de Bourbon : « Il perçoit son histoire comme une allégorie et il fait d’elle une allégorie. » Denis Crouzet, Charles de Bourbon, Connétable de France, Paris, 2003, p. 614.

4 G. von Lukàcs, Die Seele und die Formen, Berlin, 1911, p. 338-339, cité par Lucien Goldmann, Le dieu caché, Paris, 1959, p. 48-49.

5 « Le problème paraissait insoluble », Bertrand Haan, Une paix pour l’éternité. La négociation du Traité du Cateau-Cambrésis, Madrid, 2010, p. 90.

6 Bertrand Haan, Ibid., p. 109.

7 Roger Peyre, Une princesse de la Renaissance, Marguerite de France, duchesse de Berry, duchesse de Savoie, Paris, 1902, p. 69.

8 Thalia Brero, « Le baptême des enfants princiers (XVe-XVIe siècles) », Le strategie dell’apparenza. Ceremoniali, politica e società alla corte dei Savoia in età moderna, a cura di Paola Bianchi e Andrea Merlotti, Torino, 2010, p.17-37. Voir Archivio di Stato di Torino (A.S.To), Archivio di corte : Materie politiche per rapporto all’interno : Ceremoniale : “nascite e battesimi”.

9 Emmanuel-Philibert portait le prénom de son parrain et grand-père, le roi Manuel Ier du Portugal, et celui du mari de sa marraine, Marguerite d’Autriche, qui avait expressément demandé à ce que son filleul portât le nom de son défunt époux, Philibert II de Savoie.

10 Merci à Jean-François Dubost d’avoir attiré mon attention sur cet aspect!

11 Paolo Cozzo, La geografia celeste dei duchi di Savoia : religione, devozione e sacralità in un Stato di età moderna (secoli XVI-XVII), Bologna, 2006, p. 59.

12 Samuel Guichenon, Histoire généalogique de la Royale maison de Savoie…, Lyon, Barbier, 1660, p. 708.

13 Carlo Moriondo, Testa di Ferro, Vita di Emanuele Filiberto di Savoia, Utet, Torino, 2007, p. 97-98.

14 « Il nostro pittore fiamengo », Giovanni Caracca alla corte dei Savoia (1568-1607), Turin, Umberto Allemandi, 2005, p. 29. Il existait un portrait du même type de Catherine de Médicis et de ses enfants. Cité par Alexandra Zvereva, Portraits dessinés de la cour des Valois. Les Clouet de Catherine de Médicis, Paris, Arthena, 2011, p. 138.

15 Archives d’État de Mantoue Gonzague, E.XIX, 4, busta 739, cité par Pierpaolo Merlin, Emanuele Filiberto. Un Principe tra il Piemonte e l’Europa, Torino, 1995, p. 196.

16 « Relazione dello Stato di Savoia di Fantino Corraro », in Relazioni degli ambasciatori veneti… Eugenio Albèri, Appendice, Florence, 1863, p. 377-378. Les passages cités en italien sont de sa plume.

17 Guido Bentivoglio (1577-1644), nonce en Flandre (1607) et en France (1617) : Mémoires du cardinal Bentivoglio. Avec la relation des guerres arrivées en Flandre à l'occasion de l'entreprise des Provinces-Unies sur la ville & la citadelle de Juliers, & la négociation de la trêve conclue à Anvers ..., Paris, 1713.

18 « Notizie istoriche delle circonstanze che hanno preceduto edaccompagnato la conclusione del trattato del 1601… », A.S.To, Negoziazioni colla Francia, mazzo 7, n°14, f° 48. D’après les Mémoires du cardinal Guido Bentivoglio cités dans ce manuscrit.

19 René de Lucinge, Dialogue du François et du Savoysien (1593), Alain Dufour éd., Paris, 1961, p. 180-181.

20 La Reggia di Venaria e i Savoia : Arte, magnificenza e storia di una corte europea, Turin, 2007, p. 36.

21 « Il nostro pittore fiamengo » Giovanni Caracca alla corte dei Savoia (1568-1607), a cura di Paola Astrua, Anna Maria Bava, Carla Enrica Spantigati, Torino, 2006, p. 122-123.

22 Archves d’État de Turin [A.S.To], Storia della real casa, cat III, d’addizione, Carlo Emanuel I, n°4.

23 Patricia Falguières, Les chambres des merveilles, Paris, 2003, p. 67-97.

24 Le dictionnaire des symboles, Alleur, Marabout, 1989.

25 Cité par Machiavel, Discours sur la première décade de Tite-Live, Livre III, chapitre 41.

26 Traduction du texte latin contenu dans les petits médaillons situés sous le cadre extérieur, en partant de celui en haut à droite. Je remercie mon ami Marcel Fontana sans l’aide duquel il m’aurait été difficile de lire ces lignes.

27 Alphonse Dupront, Du Sacré. Croisades et pèlerinages. Images et langages, Paris, 1987, p. 290.

28 Alexandre Haran, Le lys et le globe, Messianisme dynastique et rêve impérial en France aux XVIe et XVIIe siècles, Seyssel, 2000, p. 82, p. 134-135 et 192-201.

29 Cité par Cornel Zwierlein, Discorsi und Lex Dei, Die Entstehung neuer Denkrahmen im 16. Jahrundert and die Wahrnehmung der französischen Religionskriege in Italien und Deutschland, Vandenhoeck & Ruprecht, 2006, p. 545.

30 Luisa Capodieci, « Légitimation prophétique de l’identité du roi : Auguste et la Sybille de Tibur d’Antoine Caron », Thomas W. Gaehtgens et Nicole Hochner, L’image du roi de François Ier à Louis XIV, Paris, 2006, p. 149-167. Sur les liens anciens entre la maison de Savoie et le prophétisme, on se reportera aux travaux d’Elisabetta Lurgo, en particulier « Luterani, Zwingliani, calvinisti, Politici » I monstri di Guglielmo Baldessano », RSCr, 6 (2/2009), p. 433-485, ainsi qu’à sa thèse à paraître : La beata Caterina da Racconigi fra santità et stregoneria. Carisma profetico e autorità istituzionale nella prima età moderna, Firenze, Nerbini.

31 « Del Serenissime et Augustissime Carlo Emanuel » A.S.To, Storia della real casa, cat. 3, mazzo 13, n°25.

32 En 1580, une médaille avait été frappée en Espagne avec, à l’avers, le portrait de « Philippe II roi d’Espagne et du Nouveau Monde » et, au revers, la devise, en latin, « Le monde ne lui suffit pas. » Cité par Jean-Michel Sallmann, Géopolitique du XVIe siècle 1490-1618, Paris, 2003, p.239.

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Pour citer cet article

Référence papier

Stéphane Gal, « Charles-Emmanuel Ier ou l’appel à être plus que soi-même »Chrétiens et sociétés, Numéro spécial II | -1, 121-151.

Référence électronique

Stéphane Gal, « Charles-Emmanuel Ier ou l’appel à être plus que soi-même »Chrétiens et sociétés [En ligne], Numéro spécial II | 2013, mis en ligne le 14 février 2014, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/3459 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.3459

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Auteur

Stéphane Gal

Université Pierre Mendès France Grenoble 2, LARHRA-UMR 5190

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