La vocation du prince protestant
Résumés
La conversion de certaines principautés à la Réforme luthérienne entraîne une redéfinition des devoirs du prince et de ses obligations envers Dieu et envers ses sujets. Pour définir ces derniers, les auteurs de Miroirs de princes emploient le terme de « Beruf» qui signifie à la fois vocation et profession. Ce choix conceptuel relève d’un changement linguistique que Max Weber avait relevé dans ses deux œuvres majeures, Le savant et le politique et surtout l’Ethique protestante et l’esprit du capitalisme. Le sociologue expliquait en effet que le terme de Beruf (profession-vocation) arrivait dans la langue allemande avec les traductions de la Bible par Luther. Il soulignait combien le mot choisi par le Réformateur avait l’avantage d’articuler à la fois la notion de travail et celle de vocatio, d’appel de Dieu. Ce changement linguistique témoigne des nouveaux impératifs qui pèsent sur le prince luthérien, désormais « évêque de secours» et pasteur, responsable ici-bas du salut de ses sujets. La vocation du prince protestant peut alors revêtir une dimension sacrificielle. Cependant, à la fin du XVIe siècle, c’est moins la dimension religieuse et morale dont se charge le « Beruf» du prince que son aptitude à gouverner son territoire, à l’aide d’un appareil étatique en pleine professionnalisation. La vocation du prince se fait alors profession.
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Haut de pageNotes de l’auteur
Cet article doit beaucoup aux suggestions de Yann Lignereux. Qu’il en soit ici très vivement remercié.
Texte intégral
1La réforme luthérienne induit une triple conversion dans les familles princières : une conversion des personnes mais aussi une conversion des normes de gouvernement et des manières de les nommer. Cette transformation importante est particulièrement perceptible dans l’évolution des Miroirs de princes, lesquels subissent une véritable reconversion du genre. Comment déterminer des vertus princières strictement évangéliques ? Comment définir le bon prince luthérien ? Ce sont précisément à ces questions que les traités politiques publiés à partir des années 1530 viennent répondre devant l’urgence de construire non seulement de nouvelles communautés chrétiennes mais aussi de nouveaux modèles de gouvernement, puisque désormais le prince est le responsable séculier de son Église. Plus que jamais, le prince ou le magistrat urbain doit être un modèle à suivre. Ce dernier reste à réinventer.
- 1 Dans les années 1470, deux « miroirs », dont un sous forme de lettres, sont adressés à l’empereur M (...)
- 2 Sur la difficulté à traduire le terme de Beruf, voir la lumineuse préface de Catherine Colliot-Thél (...)
2Les Miroirs de princes luthériens viennent apporter un nouveau souffle à un genre littéraire antique issu de l’encomiastique politique, tombé en désuétude depuis la fin du XVe siècle. Les rares miroirs écrits à cette époque, principalement pour le comte palatin du Rhin et pour l’empereur Maximilien1, étaient des ouvrages manuscrits souvent richement enluminés qui circulaient dans les cours, au sein d’une économie du don et du contre-don. Leurs thématiques avaient été largement renouvelées sous l’influence des humanistes italiens, juristes, philologues ou poètes, qui gravitaient autour des plus grands princes de l’Empire. Ces auteurs exaltaient la nobilitas du prince, sa libéralité, son amour des lettres et définissaient de nouvelles règles du comportement courtisan. La littérature pédagogique humaniste allemande, dans la mouvance des traités européens dédiés à l’éducation de la noblesse, fondait son propos sur la perfectibilité de ses disciples princiers. Lorsque l’on compare les miroirs humanistes, plutôt rares avant 1530 et les très nombreux miroirs luthériens, des différences notables apparaissent. Non seulement les modèles bibliques tendent à prévaloir dans les seconds, mais surtout le vocabulaire politique change pour désigner une nouvelle réalité. Les miroirs de la Réformation consacrent de longues pages à la légitimité du prince dans l’ordre divin. Plutôt que de s’attacher à combattre la nature pécheresse de l’homme, ils s’ingénient non seulement à définir la place et les fonctions du prince au sein du monde social, mais ils n’ont de cesse de rappeler à leur lecteur princier l’ampleur considérable de sa charge et de sa peine. Le prince, martèlent les pasteurs et les juristes, est détenteur d’une lourde tâche assignée par Dieu qu’ils désignent sous un double vocable : celui de « Amt » (office, charge, ministère) et de « Beruf ». Ce dernier terme est, comme on le verra, résolument nouveau dans la trattistique politique. Il condense à la fois la notion de vocation et de profession2, et ce faisant ébauche une nouvelle conception du pouvoir politique.
« ministère », « métier » ou « vocation » ?
- 3 Reinhard Lorich, Wie die Junge Fursten und grosser Herrn kinder rechtschaffen instituirt und unterw (...)
- 4 Georg Lauterbeck, Regentenbuch aus vielen trefflichen alten und neuen Historien/ mit sonderm vleis (...)
- 5 Sur cet ouvrage : Michael Philipp, « Regierungskunst im Zeitalter der konfessionellen Spaltung. Pol (...)
3Un des premiers miroirs de princes luthériens intitulé Comment les jeunes princes et les enfants des grands seigneurs doivent être correctement éduqués,3 est publié en 1537. Son auteur, Reinhard Lorich (1500-1564) le dédie à Guillaume de Hesse. Dans la dédicace à son protecteur, il conçoit d’emblée la vocation du prince comme une ascèse, un exercice presque spirituel de sacrifice de soi : « les princes sont résignés à leur gouvernement, non pour leur propre intérêt mais pour le bien commun ». Cette dimension sacrificielle se déploie dans les décennies suivantes dans toute la trattistique politique luthérienne. Un des cas les plus emblématiques est sans doute l’ouvrage de Georg Lauterbeck, le Livre des princes (Regentenbuch 1556, première édition)4 : une vaste somme de plus de mille pages rédigée au lendemain de la paix d’Augsbourg (1555) par un savant protestant qui fut à la fois pédagogue, juriste, conseiller et chancelier du comte de Mansfeld5. Sa conversion au luthéranisme, ses contacts avec Luther et Melanchthon, son expérience tant de pédagogue que de juriste auprès des princes, ont sans aucun doute servi à faire de ce monument un des grands succès d’édition de la seconde moitié du XVIe siècle. L’ouvrage est moins un traité qu’une compilation de savoirs, d’histoires et d’exemples sur l’art de bien gouverner. Il n’en demeure pas moins que le choix des figures exemplaires, notamment contemporaines, et les emprunts fréquents au droit romain proposent quelques instruments conceptuels pour penser les pouvoirs renouvelés par la Réforme protestante.
4À plusieurs reprises, l’auteur définit, dans la tradition paulinienne (Rom, 13), le pouvoir des princes comme une pesante charge voulue par Dieu. En de nombreux endroits dans son livre, l’auteur identifie cette charge comme un « ministère » (Amt) ou comme une vocation ou profession (Beruf). Dès la préface au lecteur, où il justifie l’utilité de son ouvrage, il note :
- 6 « Es wirde geliebter Leser/ von den Gelerten dafür gehalten/ das einem jeglichen Menschen oder stan (...)
Les savants estiment, cher lecteur, que chaque homme ou état dans ce monde est là par nécessité, qu’il doit avoir une règle d’après laquelle il organise et oriente sa vie et afin qu’il ne fasse rien qui ne lui soit défavorable dans le cours de son existence et dans sa profession [Beruff]6.
5Dans la seconde partie (II, 1) de son livre intitulée « Que tout pouvoir vient de Dieu », l’auteur, après avoir longuement commenté le célèbre passage du deuxième songe de Nabuchodonosor, et l’interprétation qu’en fait le prophète Daniel (Daniel, 4, 8-12), définit les qualités du bon prince, par opposition aux tyrans :
- 7 « Aber widerumb ist das fur die fromen Herren und Fürsten ein tröstlich und lieblich Exempel, das G (...)
Pour cette raison les princes et les seigneurs pieux sont un exemple consolant et agréable que le Seigneur Dieu représente, aussi pour ce roi tyrannique <Nabuchodonosor>, sous la forme d’un bel arbre sous l’ombre duquel tous les animaux vont se reposer. Par ce moyen, Dieu nous montre qu’il donne et maintient le calme et la paix, protection et refuge, nourriture et biens terrestres par l’autorité politique, et qu’il lui est plaisant, qu’un seigneur ou prince exerce bien son office [Ampt] avec zèle car ce sont de beaux rameaux, de beaux fruits et de beaux feuillages, dit-il, c’est-à-dire, des œuvres précieuses, nobles et bonnes7.
- 8 Ibid., fol. 34v.
6Cette charge est conçue comme un sacrifice de soi à l’exemple, dit-il, du roi Alphonse d’Espagne qui commanda un vêtement sur lequel était peint un pélican qui, perçant sa poitrine avec son bec, nourrissait de son sang sa progéniture. L’image s’accompagnait de la devise « pro lege et pro grege » que l’auteur interprète comme une aptitude à verser « son sang pour la religion et pour ses sujets8. » Il ajoute, citant Paul (1 Cor, 1, 26) :
- 9 « Nicht viel Weisen nach dem Fleisch, nicht viel Gewaltige, nicht viel Edle sind beruffen, sondern (...)
Sur ce sujet, saint Paul dit aussi, « Il y a peu de sages selon la chair, peu de puissants, peu de nobles, mais Dieu a appelé [beruffen] les moins sages selon le monde pour confondre les sages9.
- 10 « es ist jzundt allen bekandt Got sey lob/ das niemand sich zu gemeinen Ampten/ geistlich oder Welt (...)
7C’est encore ce terme de Beruf qu’emploie le réformateur Johannes Bugenhagen, l’Ordinator de la cérémonie de couronnement du premier roi luthérien Christian III du Danemark en 1537 telle qu’elle est racontée par Lauterbeck : « Nous savons tous, Dieu soit loué, que personne n’est forcé aux offices communs qu’ils soient spirituels ou séculiers, qu’il n’y tombe pas par hasard, mais qu’il y est appelé [beruffen] <par Dieu>10. »
- 11 Leonhard Werner, Fürstlicher Trostspiegel. In welchem gründtlich verleibt ist/ wie eines Fürsten un (...)
- 12 « Er soll weißheit und den geist der macht von Gott ernstlich begeren/ auff daß er wisse/ was er na (...)
- 13 « Das ist ein Krefftiger herrlicher Trost/ aller Christlichen ördentlicher weiß beruffen Fürsten un (...)
8Dans les autres miroirs de princes produits dans les mêmes années, l’autorité politique est fréquemment désignée dans ces termes comme un ministère (Amt) ou une vocation-profession (Beruf). Le pasteur Leonhard Werner, dans un livre de consolation adressé aux princes11 et publié en 1562, définit la fonction princière comme un ordre voulu par Dieu que le prince doit servir avec « une conscience joyeuse et un courageux effort ; il doit agir « selon son état, dans son Beruff12. » Il consacre même un chapitre entier « à la droite vocation chrétienne et <à> la profession » (« von Christlicher ordentlicher Vocation und Beruff ») laquelle définit d’emblée le « métier de prince » comme une servitude et comme un don de soi, selon un décret divin : « c’est une consolation, affirme l’auteur, pour des princes chrétiens, de savoir, au milieu des soucis et des vicissitudes […] qu’ils sont appelés (beruffen) au gouvernement13. »
- 14 Thomas Rorer, Fürstenspiegel Christliche und notwendige vermanung/ An alle Evangelische Chur und Fü (...)
9Un autre pasteur, Thomas Rorer, auteur d’un miroir sous forme d’admonestation14, publié en 1566, reprend ces mêmes termes dans son sixième chapitre consacré au « sixième devoir du prince », au respect de la Parole divine et des lois, qui n’est autre qu’une mise en garde contre la tyrannie : l’exercice du pouvoir y est encore défini selon cette double détermination « d’office et de vocation – profession » (Amt und Beruf). Cette caractérisation apparaît dans un passage où il s’agit de rappeler que le pouvoir du prince est voulu par Dieu et qu’il n’est pas incompatible avec la vie d’un bon chrétien :
- 15 Ibid., « Und diese wort/ gebt dem Keiser was des Keisers ist/ und Gott was Gottes ist/ streichet Lu (...)
[...] Il faut donc ici prendre soin de noter que, de même que Dieu ne souhaite ni détruire ni défaire le gouvernement de l’empereur (en effet, ta foi et Dieu ne t’empêchent pas d’avoir un office et une vocation séculière, comme tu le souhaites, si tu le souhaites, tu peux rester un bon chrétien ...) ; de même l’empereur doit laisser intact le gouvernement de Dieu et ne pas empêcher les gens de ne pas donner à Dieu ce qui doivent à Dieu15.
- 16 Sur le prince comme « minister Dei », d’après Rom 13, 14, voir Wilhelm Berges, Die Fürstenspiegel d (...)
- 17 Notamment dans Contre les hordes paysannes voleuses et meurtrières, Martin Luther, Oeuvres choisies(...)
- 18 Max Weber, L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, suivi d’autres essais, éd. et trad. pa (...)
10Si le terme « Amt » est la traduction directe de « ministerium », et reprend une tradition paulinienne largement diffusée par l’ecclésiologie médiévale16, le second est nouveau. Ainsi que le suggère le pasteur Werner, c’est chez Luther, ici cité comme autorité de référence pour la trattistique politique, qu’il faut chercher cette innovation conceptuelle. Le Réformateur avait, après la Guerre des Paysans, fortement réaffirmé la place des princes au sommet de la pyramide sociale, leur droit de punir toute forme de révolte contre l’autorité politique en s’appuyant sur l’Épître aux Corinthiens qui déclarait que tout pouvoir vient de Dieu et que tous doivent se soumettre à l’autorité en vigueur17. Cette citation demeure la pierre angulaire de tous les auteurs luthériens, justifiant notamment la position du prince « porte-glaive » et pourfendeur des hérétiques. Mais au-delà, définir le bon gouvernement et la nature du pouvoir princier comme une « vocation – profession » de prince relève d’un changement linguistique plus général et dont Max Weber dans Le savant et le politique mais surtout dans L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme18 a souligné toute l’importance. Dans une note philologique imposante en effet, le sociologue explique que le terme de « Beruf » (profession) n’est arrivé véritablement dans la langue allemande qu’avec les traductions luthériennes de la Bible. Par « Beruf », Luther traduit ainsi le terme de « klesis », l’appel de Dieu au salut éternel (I Cor. I, 26 notamment), une notion strictement religieuse donc, qui ne recoupe en rien celle de travail ou d’œuvre. Pourtant, dans sa traduction du Siracide, le Réformateur choisit de traduire par « persévère dans ton Beruf » ce que les Bibles allemandes antérieures traduisaient par « reste dans ton travail » (Werk ou Arbeit). « Beruf », qui contient en lui la notion d’appel (Ruf), comme le terme de vocatio, revêt alors une signification séculière toute nouvelle, celle de vocation – profession. L’opprobre jeté sur les « bonnes œuvres » et surtout sur la vie monastique qui se fondait justement sur une vocation et se pensait moins comme un travail que comme une réponse à l’appel divin sont la cause de cette réappropriation du terme par Luther. Ce faisant, ce tournant linguistique traduit et formule un nouvel éthos protestant qui ne touche pas seulement le monde du travail et notamment celui du capital, lesquels sont au cœur de la thèse weberienne, mais aussi, comme le laissent apparaître les miroirs de prince, l’autorité politique.
- 19 Olivier Christin, Confesser sa foi. Conflits confessionnels et identités religieuses dans l’Europe (...)
- 20 Max Weber, L’éthique protestante..., op.cit., p. 63.
11En conférant au travail le sens de vocation, Luther accomplit une forme de sanctification de la vie quotidienne, faisant du métier, du travail ou de l’activité publique un devoir religieux. Plus encore, la vie monastique apparaît sous la plume de Luther comme une défaillance patente de charité, une manière de se dérober égoïstement aux devoirs du monde et plus généralement comme une des innombrables formes d’une religion par les œuvres qu’il a condamnée. L’idée n’est pas neuve qui avait déjà été ébauchée chez le mystique allemand Tauler, mais également chez les humanistes politiques italiens. Relisant le Des Devoirs de Cicéron, ces derniers avaient opéré une réévaluation de l’action politique comme don de soi à la chose publique, au détriment de la vie contemplative19. Quoi qu’il en soit,
« une chose était absolument nouvelle, c’était le fait d’estimer l’accomplissement du devoir à l’intérieur des professions séculières comme le contenu le plus élevé que pût revêtir dans l’absolu, l’activité morale de l’individu20. » Servir Dieu ne passe donc plus par une ascèse monastique mais uniquement par l’accomplissement des devoirs dans et pour le monde, en fonction de la position occupée par chacun. C’est ainsi que se comprend la profession-vocation du prince et la double dénomination tantôt sous la forme de « Amt » et « Beruf » ou de « vocatio » et « Beruf », dissociation qui dénote bien de cette transformation d’un office où seules les vertus dans les miroirs de la période précédente, suffisaient à assurer un bon gouvernement.
- 21 Sur les liens entre sainteté et pouvoir politique dans le monde protestant, voir Naïma Ghermani, « (...)
- 22 Martin Luther, Grand catéchisme, dans Id., Les livres symboliques, trad. fr. A. Jundt, Paris, 1947, (...)
- 23 Olivier Christin, Les yeux pour le croire. Les Dix Commandements en image, XVe-XVIIe siècle, Paris, (...)
12L’exercice du pouvoir princier comme « vocation » et « profession » ou métier témoigne d’un changement essentiel dans la refondation politique et religieuse impulsée par la Réforme protestante. Si Luther, dans les premières années qui suivent sa rupture avec Rome, fait peu de cas de la profession et de la position de chacun dans le monde, les tensions confessionnelles l’obligent à accorder une valeur considérable à la « vocation » et au commandement que Dieu assigne à chacun pour accomplir cette position. Cette réévaluation s’accompagne d’une nouvelle définition de la sainteté qui n’est plus le monopole de champions de la foi distingués par l’institution ecclésiastique mais un travail quotidien activé par la sola fide et non l’accumulation des bonnes œuvres21. Elle s’inscrit dans un éthos chrétien partageable par tous, à condition de se plier aux normes d’une vie chrétienne dont les princes doivent être les meilleurs modèles. Dans les miroirs de princes, la justification du gouvernement comme vocation s’accompagne presque systématiquement d’une justification de l’usage légitime de la violence envers les hérétiques ou les fauteurs de trouble et par le rappel de l’obéissance due au prince ou au magistrat urbain, deux impératifs moraux qui sont condensés dans le quatrième Commandement : « au sujet de ce Commandement, il convient aussi de parler de l’obéissance due aux supérieurs auxquels il appartient de commander et de gouverner22. » En effet, obéir à son père et à sa mère doit se comprendre, selon le Réformateur, comme une injonction plus générale qui s’applique aux artisans, aux pasteurs, aux maîtres d’écoles, aux échevins et aux princes, injonction que ne cesse de rappeler la mise en image du Décalogue placé non seulement dans les églises mais aussi dans les maisons, le lieu de travail ou dans les salles des hôtels de ville23. Tout se passe au fond comme si, désormais, la vocation du prince luthérien définie comme une tâche ou un travail assigné par Dieu devenait la principale source de légitimité du pouvoir et de l’ordre social qui en découlait, fixant à tous non seulement sa place dans le monde social mais la justifiant par l’accomplissement de son métier.
Vocation : modèles et actions
- 24 Urban Rieger, Enchiridio odder Handtbüchlin/ eines Christlichen Fursten/ darinnen leer und / trost (...)
13Ce « traditionalisme luthérien » (M. Weber) est largement diffusé par la littérature politique. Le livre d’Urban Rieger (1489-1541)24 est sans doute un des premiers ouvrages à placer de manière exemplaire la vocation du prince au cœur de son propos. Son Manuel du prince chrétien, rédigé en langue vernaculaire puis traduit en latin par l’humaniste saxon Spalatin, n’est pas une œuvre pédagogique adressée aux enfants princiers ou à leur précepteur, mais un « enchiridion », c’est-à-dire un compendium pour une des premières familles princières qui a rejoint la Réforme, les Brunswick-Lüneburg. Sa forme, un in octavo, de 48 feuillets, tranche avec les livres précédents plus grands, et plus raffinés dans leur présentation : il s’agit ici vraisemblablement d’un livre peu encombrant, destiné à être emporté partout, pour des consultations ponctuelles. Dès la première partie de son ouvrage, l’auteur rappelle que l’office du prince est un fardeau, une vocation, au sens luthérien du terme et que les longues heures qu’il lui consacre ne lui laissent que peu de temps à la lecture des Saintes Écritures, activité pourtant consubstantielle à son métier. Le miroir vient se glisser dans les interstices du gouvernement pour délivrer une « courte instruction » de la Parole de Dieu, sous forme d’extraits, de compilation de citations et d’exemples. Son succès (5 rééditions et une traduction latine) témoigne sans doute d’un manque sur le marché du livre et d’une certaine attente du public luthérien. Il jette aussi les fondements d’un modèle littéraire qui se décline à l’envi dans les décennies suivantes.
14L’auteur se situe à la frontière entre les deux modèles d’auteurs de miroirs. Comme la plupart des zélateurs de Luther, il a une formation humaniste, à la fois littéraire et juridique. Après avoir obtenu une chaire de poésie en 1518 à l’université d’Ingolstadt, il opte pour une autre carrière l’année suivante. En 1519, il reçoit la prêtrise à Constance et en 1520 entame une thèse en théologie à Bâle. La même année, il succède à Œcolampade comme prédicateur à Augsbourg où il rentre en contact avec Luther et Zwingli. Plus tard, il revient à Augsbourg comme prédicateur évangélique et participe aux violentes querelles contre les anabaptistes. Dès cette époque, il devient une des chevilles ouvrières du mouvement évangélique et c’est naturellement qu’il rejoint, après la Diète d’Augsbourg (1530), le duc Ernest le Confesseur de Brunswick-Lüneburg. Ce passage officiel au service du prince pour l’organisation de la Réformation dans le territoire en tant que Superintendant et pasteur à Celle, correspond au moment de la rédaction du Miroir qui s’inscrit dans sa production littéraire et théologique très abondante, (livres polémiques contre « les hérétiques » principalement les anabaptistes, ouvrages de « consolation », de prière, mais aussi des ordonnances ecclésiastiques et des rapports de visites pastorales).
15L’Enchiridion entend aussi bien combattre les ennemis de la Réforme que proposer de nouveaux outils conceptuels pour la faire triompher. Il vise d’abord à proposer un portrait du prince luthérien, tout en lui offrant des modèles d’identification de sa conduite et des outils de légitimation de sa politique, notamment celle contre les hérétiques. L’ouvrage emprunte la forme d’un diptyque : le premier volet se penche sur la définition du prince chrétien, tandis que le second lui propose une série de consolations pour supporter son pesant fardeau politique, sa vocation.
16Celle-ci se construit en miroir avec des modèles exclusivement bibliques, délaissant les exempla antiques qu’avaient remis à l’honneur les miroirs humanistes. La vocation-profession du prince ne se fonde plus que sur la parole de Dieu. L’ancien humaniste justifie cette mise à l’écart des modèles antiques par une certaine défiance, qui est celle de Luther, à l’égard de la ratio et de la sagesse des Anciens qui ne peuvent, selon lui, mettre le prince à l’abri des assauts des passions et des péchés. La vraie prudence politique ne peut s’enraciner que dans la Grâce et son pendant, la foi. Si dans les miroirs médiévaux ou humanistes, la piété figurait en bonne place parmi les vertus principales du prince idéal, les réformateurs accomplissent ici un véritable renversement en plaçant la Parole et la foi au cœur même de la communauté et de l’action politique.
17Le prince reçoit les mêmes injonctions que ses sujets chrétiens : il doit craindre Dieu et fonder sa sagesse politique sur sa Foi. Sa tâche s’alourdit d’un rôle d’exemplum, devant le royaume ou la communauté qu’il dirige. Double est donc sa responsabilité qui vient ajouter au travail politique et administratif, la responsabilité du Salut de ses sujets. L’auteur rappelle ensuite le principe paulinien d’un pouvoir temporel institué par Dieu, citant comme princes chrétiens, Moïse, Gédéon et Josué. Dans sa seconde partie sur les consolations au dur métier de prince, il ajoutera que le pouvoir temporel est « ordre et service de Dieu dans le monde » et que par l’épée princière « Dieu punit les méchantes personnes ». Obéir au prince c’est obéir à Dieu.
- 25 « Gericht ist, da sein Oberkeit mit notwendiger scherpffe alles urteil, straffe und abstelle, was s (...)
18Cette exposition d’arguments et surtout de citations accompagnées de leur référence précise, dans un corpus sélectionné et agréé par les Réformateurs, entraîne également une réévaluation des grands principes régissant le pouvoir temporel. Si les vertus « antiques » avaient été détrônées pour consacrer la Parole divine comme fondement de la pratique politique, celles-ci sont remplacées par des vertus connexes, surgissant comme autant de ramification du Verbe. La principale vertu retenue et portée en blason par le miroir de Rieger demeure la Justice déclinée sous toutes ses formes. Tout pouvoir venant de Dieu, Dieu gouverne à travers les mains et l’épée du prince et exerce sa Justice. Là réside le sens de sa vocation : le prince est le serviteur « à qui Dieu a donné l’épée et le pouvoir dans ses mains » afin de maintenir « tribunal et justice sur terre » dont il donne une définition sommaire : « Le tribunal est une autorité qui juge et punit tout avec la rigueur nécessaire, ce qui est coupable et injuste. La Justice est là lorsqu’un seigneur protège, instaure et conserve ce qui est innocent, juste et honnête25. »
19Ces arguments disparates viennent répondre en plusieurs endroits à la question difficile de la répression, dans les territoires princiers et dans les villes, des groupuscules sacramentaires qui réapparaissent à intervalle régulier. Peu de temps après la diète d’Augsbourg (1530) et l’interdiction des prédications luthériennes, la mise en place de frontières étanches, la normalisation et l’unification dans les territoires, et notamment dans le duché de Brunswick, rendent ces questions d’autant plus aiguës.
20Les définitions brèves de l’obéissance et de la Justice fournissent sans mal une justification rapide à la répression des anabaptistes, contre lesquels l’auteur écrit un pamphlet la même année. Au centre de cette déviance anabaptiste demeure la question centrale : que faire des hérétiques ? Doit-on les forcer à rentrer dans l’Église évangélique ou les punir ? Sans offrir une réponse adéquate et précise au problème politique, le miroir propose citations bibliques et parole du Christ ou des Apôtres en guise de viatique. Contrairement à son ambition, le miroir ne vient donc pas tant inspirer des conseils avisés pour la politique quotidienne du territoire, mais surtout des outils théoriques de justification d’un pouvoir qui peine à trouver une assise, pris entre répression des hérétiques et désobéissance à l’empereur. Plus généralement, la focalisation sur le prince de Justice, porte-glaive de Dieu, intervient également alors que les principautés acquises à la Réforme développent une législation ecclésiastique nouvelle suivie, peu de temps après, par des ordonnances territoriales.
- 26 Alphonse Dupront, « Réforme et modernité» dans id., Genèse des temps modernes. Rome, les Réformes e (...)
21Cette double vocation du prince comme prince de Justice assurant ici-bas la justice divine et accomplissant ainsi son devoir, telle que Rieger l’esquisse, traduit bien la profonde transformation du vocabulaire politique dans les territoires protestants. La césure confessionnelle non seulement rompt avec la chrétienté et le modèle de communauté politique comme corps chrétien uni autour de la quête d’un salut commun, mais elle met progressivement en place une organisation sociale où prime, d’après Alphonse Dupront, une « éthique collective maîtresse d’un ordre social » et où désormais la tripartition médiévale entre orantes et militantes vole en éclat au profit d’une société de laborantes.26 Le prince n’est, en somme, que l’un d’entre eux.
De la vocation sacrificielle à la profession de prince
22Si la vocation du prince est donc surtout définie comme peine et comme travail, elle n’en conserve pas moins une dimension sacrificielle, notamment lors des conflits confessionnels armés. Ce modèle sacrificiel du prince pour la communauté est particulièrement repris par l’entourage des princes luthériens, à commencer par Lucas Cranach chargé de la formation d’une iconographie évangélique dès les années 1540 notamment après la défaite de Smalkalde où il faut plus que jamais justifier l’humiliation subie par les principaux chefs luthériens. Dans un portrait daté des années 1553, réalisé par l’atelier de Lucas Cranach, l’ancien électeur de Saxe est représenté en buste, un cadrage qui permet d’insister sur la blessure à la joue reçue pendant la bataille de Mühlberg. Le texte qui se veut une ekphrasis du portrait souligne lui aussi cette blessure, symbole de la constance du prince, de son aptitude à souffrir pour la foi.
Regarde ce visage digne de louange
Regarde comme le noble prince de Saxe
Est princier et comment il est fait
Comme il est honnête et sans malice.
Regarde la blessure de ce prince bien né
Qui a perdu son pays et son peuple
Arraché de sa patrie
Il a été dans les geôles de l’empereur.
Sa célèbre blessure, ce héros innocent l’a reçue sur grand champ de bataille
Car il levait haut la tête vers l’ennemi
Et combattit vaillamment au milieu de grandes difficultés
Pour protéger la religion
Et la liberté de la nation allemande.
Aussi souvent que tu regardes ce visage
Blessé […]
Tu dois méditer sur ce qu’il faut penser de ce héros
Demande ainsi pour lui en tous lieux
A tout moment et avec zèle
Dans un [esprit de]pénitence juste et avec une sagesse toute chrétienne
Que dans toute sa détresse, Dieu lui donne sa grâce. Amen
23Cette aptitude sacrificielle portée en blason par le contexte politique de défaite du camp luthérien qui a besoin de se réunir autour de figures héroïques pour ressouder une communauté fortement divisée, met en place cependant une thématique de l’engagement du prince luthérien et de son corps pour la communauté. La vocation - sacrifice se rapproche alors bien plus d’un modèle héroïque qui consiste à inscrire les acteurs de la Réformation dans une galerie des illustres dont l’histoire est en train de s’écrire.
24La blessure exhibée comme une aptitude sacrificielle du prince est cependant plutôt rare et limitée aux périodes de conflits. Dans le contexte complexe des divisions confessionnelles qui ne semblent connaître qu’un apparent et transitoire dénouement avec la paix d’Augsbourg de 1555, la question de la vocation du prince connaît un nouvel approfondissement. L’ouvrage essentiel de Georg Lauterbeck évoqué plus haut en témoigne. Il est sans aucun doute celui où le terme de « Beruf », fréquemment associé à celui de « Amt » (office, ministère) est le plus souvent évoqué. Si, comme on l’a vu, l’auteur l’utilise en premier chef dans le sens conféré par Luther, celui d’une vocation, d’une charge assignée par Dieu, il prend aussi progressivement le sens de « profession ».
25L’auteur en effet ne consacre pas moins de deux chapitres importants au droit (II, 9) « Un prince doit être soumis au droit », « On doit agir selon le droit écrit et non selon la raison et selon les juristes » (II, 10). Au cours des cinq livres en outre, la question juridique ne cesse de resurgir à travers la thématique des bornes juridiques du pouvoir princier (II), de la guerre (III), du gouvernement des villes (IV) et enfin du juge (V). Au cœur de la problématique de la loi chez Lauterbeck, se trouve la question des rapports du droit et du prince, et de la prééminence de l’un sur l’autre. Le problème est ouvert avec la question de la nécessité du droit écrit (« Pour ces raisons Dieu a ordonné les lois écrites ») et sur la soumission du prince au loi (« Pourquoi chacun est obligé d’obéir aux lois »). Le droit s’impose donc comme l’instrument principal du travail du prince justicier, alors qu’une vingtaine d’années auparavant, seule la foi guidait la vocation du prince. L’exercice de la justice demeure le fil rouge de cette dernière, apparaissant tantôt sous son prisme biblique ou sous un angle plus juridique :
- 27 « Darum hat der allmächtige Gott menschlichen Wesen zu sonderlichen Gnaden, das Mittel der ordentli (...)
C’est pourquoi Dieu tout puissant a ordonné à l’existence humaine une grâce spéciale, le moyen du droit et de la loi exactement décrite par lesquelles l’âme du prince et des juges peut être maintenue sur le droit chemin et de même peut gouverner les autres et faire jurisprudence sans qu’interviennent les penchants et des affects désordonnés […]27
26Lauterbeck s’appuie lui aussi sur l’autorité du droit romain pour réaffirmer la soumission du prince à la Loi et la nécessité pour celui-ci de s’entourer de spécialistes du droit :
- 28 « Es ist eine grosse Disputation bey vielen Leuten/ Gellerten und ungelerten/ ob auch ein König/ Fü (...)
C’est une grande querelle chez beaucoup de gens, érudits et ignorants, de savoir si aussi un roi, prince ou gouvernement doit être obligé de se comporter selon le droit et de lui obéir et de s’y soumettre. Et si on considère les anciens droits écrits, on trouve que les mêmes affirment et voulaient que l’empereur ou le prince soit délié du droit, comme Ulpien dit princips autem ipse legibus solutus est, le prince est délié des lois. Lequel texte est cependant compris dans le sens que les sujets ne doivent pas prescrire au prince ou au gouvernement des lois, mais c’est au prince de les faire pour les sujets [...] ; cependant s’il doit avoir un autre sens, à savoir qu’en effet un prince ne veut être lié par aucun droit, ainsi il faudrait davantage le comparer à une tyrannie qu’à un droit28.
- 29 Ibid. : « Denn der König ist nicht das Richtscheid/ der Ehre und Billigkeit/ sondern er ist ein Die (...)
27Le bon gouvernement, selon l’auteur, s’appuie sur le respect des lois et des coutumes ou « du droit et des coutumes ». Une formule résume l’ensemble de cette pensée « Car le roi n’est pas l’équerre de l’honneur et de la justice, mais bien un serviteur de ce qui est juste29. » Si le prince porte-glaive accomplissait ici-bas la justice divine lors des premières décennies de la Réformation, sa vocation a considérablement changé après la paix de religion de 1555. Il est vrai que Lauterbeck parle en juriste et prononce ainsi un plaidoyer pro domo, il n’en demeure pas moins que ce légalisme pointilleux témoigne de l’ascendance grandissante des juristes autour des princes. Plus précisément, il devient évident que devant la complexité des divisions religieuses et des questions d’équité qu’elles soulèvent, le prince ne peut faire l’économie de techniciens de l’État, de spécialistes du droit et du jugement pour gouverner. Lauterbeck, comme de nombreux miroirs, n’a pas de cesse de souligner la très grande variété des tâches administratives qui attendent le prince, variété qui suppose d’avoir recours aux spécialistes du gouvernement et du droit. Indéniablement, les auteurs des arts de gouverner défendent leur profession qui ne cesse de monter en puissance. Ce faisant, ils modifient à leur tour le contenu de la vocation du prince. Cette charge écrasante n’est plus un fardeau moral et un impératif religieux. L’éviction des clercs et en partie des pasteurs des cercles de conseillers, l’autonomie grandissante des territoires princiers ouvrent la voie à la mise en place de corps intermédiaires dans l’appareil étatique. La vocation du prince devient une véritable « profession de prince », assumée autant par lui-même que par un « corps de l’État » en pleine formation.
Notes
1 Dans les années 1470, deux « miroirs », dont un sous forme de lettres, sont adressés à l’empereur Maximilien Ier ; en 1498, Jakob Wimpfeling écrit ses Philipicca et Agatharcia (le premier dédié au comte palatin Philippe et le second à Louis V comte Palatin) ; en 1520, le livre de Johannes Dubravius, Theriobulia, est dédié au roi Louis II de Bohême-Hongrie.
2 Sur la difficulté à traduire le terme de Beruf, voir la lumineuse préface de Catherine Colliot-Thélène au livre de Max Weber, Le savant et le politique, trad. Catherine Colliot-Thélène, Paris, La Découverte, 2003, p. 13.
3 Reinhard Lorich, Wie die Junge Fursten und grosser Herrn kinder rechtschaffen instituirt und unterwiesen mögen werde, Marburg, 1537.
4 Georg Lauterbeck, Regentenbuch aus vielen trefflichen alten und neuen Historien/ mit sonderm vleis zusammen gezogen. Allen Regenten und Obrigkeiten zu anrichtunge und besserung Erbarer und guter Policey/ Christlich und nötig zu wissen. Ißo von newen wider ubersehen/ corigiert un gebessert. Es ist auch zu ende bis Buchs ein schön und herrlich rede Musonii/ des Griechischen Philosophi/ zu ehren Königlicher wirde zu Denmarck etc. verdeutschet/ Durch Georgium Lauterbecken. Alles mit Römischer Keiserlicher Maiestat befreihunge auff sechs Jahr nicht nachzudrucken, Leipzig, 1559.
5 Sur cet ouvrage : Michael Philipp, « Regierungskunst im Zeitalter der konfessionellen Spaltung. Politische Lehren des mansfeldischen Kanzlers Georg Lauterbeck», in Hans-Otto Mühleisen et Theo Stammen, Politische Tugendlehre und Regierungskunst. Studien zum Fürstenspiegel der Frühen Neuzeit, Tübingen : Niemeyer Verlag 1990, p. 71-115, et Michael Philipp, Das « Regentenbuch » des Mansfelder Kanzlers Georg Lauterbeck, Augsbourg, 1996.
6 « Es wirde geliebter Leser/ von den Gelerten dafür gehalten/ das einem jeglichen Menschen oder stande/ in dieser Welt von nöten sey/ ein gewisse Regel haben darnach er sein Leben und wesen/ anstellte und richte/ darmit er nicht in seinem lauff und beruff etwas thue und handele das im nachteilig/[...]» (Regentenbuch, préface au lecteur, fol. B.r)
7 « Aber widerumb ist das fur die fromen Herren und Fürsten ein tröstlich und lieblich Exempel, das Gott der Herr auch diesen tyrannischen König durch einen schönen Baum fürbildet, der alle Thier mehrey und unter seinem Schatten ruhen lest. Damit Gott anzeiget, das er ruhe und fried, Schutz und Schirm, narung und gütter dieses ganzen lebens durch die Obrigkeit gebe und erhalte und das im fast wol gefal, wo ein Herr oder Fürst solch sein Ampt vleissig und recht uber und ausricht, denn es sind schöne Este schöne Früchte schön Laub/ spricht er/ das ist/ es sind köstliche edle und gute werck.», Ibid, II, 3, fol. 30v.
8 Ibid., fol. 34v.
9 « Nicht viel Weisen nach dem Fleisch, nicht viel Gewaltige, nicht viel Edle sind beruffen, sondern was töricht ist für der Welt, das hat Gott erwelt, auff das er die Weisen zu schanden macht.», Ibid., II, 3, fol. 34v.
10 « es ist jzundt allen bekandt Got sey lob/ das niemand sich zu gemeinen Ampten/ geistlich oder Weltlich nötigen sol/ sol es anders wol gerathen/ sondern er sey darzu beruffen. », Ibid., fol. 18v.
11 Leonhard Werner, Fürstlicher Trostspiegel. In welchem gründtlich verleibt ist/ wie eines Fürsten unnd Regenten Herz wol mit dem Schiltt und Harnisch Göttlichs Worts/ in disen uber auß Görglichen/ geschwinden und aller geferligsten zeitten/ wider so Mancherley versuchung und arglistigen Anlauff3 verwarett sol sein. Damit er durch die versprochene Mitthülffe der Göttlichen Maiestatt seines öbersten Lehenherren möge Ritterlich und Triumphaliter bestehen unnd uberwinden, Francfort sur le Main, Nicolaus Basse,1562
12 « Er soll weißheit und den geist der macht von Gott ernstlich begeren/ auff daß er wisse/ was er nach seinem standt thun und lassen soll/ und daß er auch ein Muttig unveragts herz habe damit er Gott dem rechten Herren in seinem Beruff mit frölichem Gewissen und unverzagt mühe dienen [...] », Ibid., Préface au lecteur n.p.
13 « Das ist ein Krefftiger herrlicher Trost/ aller Christlichen ördentlicher weiß beruffen Fürsten und Regenten/ in allen ihren Sorgen/ und widerwertigkeyten/ wenn sie wissen/ daß sie sich ins Regiment nicht freundlich eingedrungen haben/ sondern ördentlich darzu Voeirt/ und Beruffen sind. », Ibid., fol. 2.r.
14 Thomas Rorer, Fürstenspiegel Christliche und notwendige vermanung/ An alle Evangelische Chur und Fürsten/ Stedt und Stende der Augspurgischen Confession/ Was sie fürnemlich in ihrem Regiment teglich betrachten und vollbringen sollen, Smalkalde, 1566.
15 Ibid., « Und diese wort/ gebt dem Keiser was des Keisers ist/ und Gott was Gottes ist/ streichet Luther 9 in seiner haus postil gar gewaltig aus/ und spricht unter andern uber dasselbige Evangel.Dom.23 nach Trin. Also : hie sol man aber fleissig mercken/ Gleich wie Gott dem Keiser sein Regiment nicht wil zerrüttet noch zerrissen ( denn es hindert dich an deinem Glauben und fur Gott nicht / du habest fur ein weltlich ampt und beruff wie du wollest/ wenn du wilst du kanst wol ein Christ dabei bleiben) ».
16 Sur le prince comme « minister Dei », d’après Rom 13, 14, voir Wilhelm Berges, Die Fürstenspiegel des hohen und späten Mittelalters, Leipzig : Karl W. Hiersemann, 1938, p. 39 et suiv.
17 Notamment dans Contre les hordes paysannes voleuses et meurtrières, Martin Luther, Oeuvres choisies, t. 4, Genève, Labor&Fides, 1960.
18 Max Weber, L’Éthique protestante et l’esprit du capitalisme, suivi d’autres essais, éd. et trad. par Jean-Pierre Grossein, Paris, Gallimard, 2003 p. 63 et suiv. et note 58 ; id., Le Savant et le politique, éd. et trad. par Catherine Colliot-Thélène, Paris, La Découverte, 2003.
19 Olivier Christin, Confesser sa foi. Conflits confessionnels et identités religieuses dans l’Europe moderne (XVIe-XVIIe siècles), Seyssel, Champ Vallon, 2009, p. 104.
20 Max Weber, L’éthique protestante..., op.cit., p. 63.
21 Sur les liens entre sainteté et pouvoir politique dans le monde protestant, voir Naïma Ghermani, « Des princes plutôt que des saints ? Protestantisme, pouvoir politique et sainteté dans l’Allemagne du XVIe siècle», dans Florence Buttay et Axelle Guillausseau (dir.), Des saints d’État. Politique et sainteté au temps du concile de Trente, Paris, PUPS, 2011, p. 123‑136.
22 Martin Luther, Grand catéchisme, dans Id., Les livres symboliques, trad. fr. A. Jundt, Paris, 1947, p. 107.
23 Olivier Christin, Les yeux pour le croire. Les Dix Commandements en image, XVe-XVIIe siècle, Paris, Éd. du Seuil, 2003, p. 56-57.
24 Urban Rieger, Enchiridio odder Handtbüchlin/ eines Christlichen Fursten/ darinnen leer und / trost aller Oberkeit seer/ nützlich/ allein aus Gottes wort auffs kürtzest/ zusamen gezogen/ durch D. Urbanum /Rhegium, Wittenberg, 1535.
25 « Gericht ist, da sein Oberkeit mit notwendiger scherpffe alles urteil, straffe und abstelle, was schuldig und unrecht ist. Gerechtigkeit ist, das ein Herr dagegen beschirme, auffricht und erhalte, was unschuldig, recht und billig ist.» Ibid., fol. B.r
26 Alphonse Dupront, « Réforme et modernité» dans id., Genèse des temps modernes. Rome, les Réformes et le Nouveau Monde, Paris, Gallimard, 2001, p 140-141 ; voir aussi Olivier Christin, Les yeux pour le croire...op. cit., p. 60-61.
27 « Darum hat der allmächtige Gott menschlichen Wesen zu sonderlichen Gnaden, das Mittel der ordentlichen beschribenen Recht und Gesetze geordnet, dadurch der Obrigkeit und Richtern Gemüthe auf dem rechten Wege zu erhalten, auf das dasselbige dem gemäß, und also ohne alle Verhinderung unordentlicher Neigung und Affecten andere regieren und recht sprechen können, und wann man finden, daß diese Ordnung der Rechte und Gesetze der höchsten Wohltaten und Gaben eine ist », Ibid. p. 34-35.
28 « Es ist eine grosse Disputation bey vielen Leuten/ Gellerten und ungelerten/ ob auch ein König/ Fürst/ oder Regent schuldig sey/ sich nach dem Rechten zuverhalten/ und demselben gehorsam und unterworffen zu sein. Und wenn man die alten beschriebenen Recht ansihet/ so befindet sich/ das dieselben sagen und haben wollen/ das der Keiser oder Fürst/ zum Rechten unverbunden sein soll/ Wie Ulpianus saget/ princeps autem ipse legibus solutus est, Der fürst ist von dem Rechten entbunden. Welchen text ist doch also verstehe/ das die Unterthanen einem Fürsten oder Regenten/ kein Gesetze furzuschreiben haben/ sondern der Fürst den Unterthanen. Was sich aber der Fürst mit seinen Unterthanen vergleicht/ gelobet/ und zusaget /das er gleiichwohl schuldig sey/ dasselbige zu halten. Wenn es aber ein andern verstand haben solt/ als nemlich/ das ein Fürst zu keinem Rechten wolt verbunden sein/ so were es mehr der Tyranney/ dan dem Rechten zuvergeleichen. », Lauterbeck, op.cit. II, 9, Fol. 83 v.
29 Ibid. : « Denn der König ist nicht das Richtscheid/ der Ehre und Billigkeit/ sondern er ist ein Diener/ des was ehrlich und billich ist » (II, 9, Das ein Fürst oder Regent dem Recht unterworffen sein soll), Fol. 86 r.
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Référence papier
Naïma Ghermani, « La vocation du prince protestant », Chrétiens et sociétés, Numéro spécial II | -1, 17-32.
Référence électronique
Naïma Ghermani, « La vocation du prince protestant », Chrétiens et sociétés [En ligne], Numéro spécial II | 2013, mis en ligne le 14 février 2014, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/3448 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.3448
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