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Médecine et religion

Soigner des femmes en couches : un interdit levé pour évangéliser ?

Les Petites sœurs de l’Assomption auprès des parturientes à la fin du xixe siècle et au début du xxe siècle
Anne Jusseaume
p. 177-153

Résumés

Les sœurs sont traditionnellement écartées des soins aux parturientes, que ce soit à domicile ou à l’hôpital. Pourtant, les Petites Sœurs de l’Assomption, congrégation de gardes-malades à domicile en milieu urbain qui prend son essor dans la seconde moitié du XIXe siècle, assistent des femmes sur le point d’accoucher ou en couches. Aux côtés des sages-femmes et des dames charitables, elles font partie de l’entourage féminin de la parturiente et prodiguent des soins qui relèvent aussi bien de l’hygiène de l’accouchée et du nouveau-né que du ménage, et apportent des secours matériels. Leur action, destinée spécifiquement aux milieux populaires, s’inscrit pleinement dans les débats qui parcourent les milieux politiques et féministes, ainsi que dans les mesures hygiénistes et maternalistes de la Troisième République qui visent à lutter contre la dépopulation française et à moraliser la classe ouvrière. Alors que l’Assistance publique est laïcisée, les sœurs investissent la naissance populaire et tentent de compenser la déprise religieuse en encourageant la réception des sacrements dans les familles qu’elles soignent. A l’échelle locale, ici le quartier de Grenelle à Paris, l’étude de leur apostolat nous conduit à repenser les différentes dimensions du soin qui peut être prodigué aux accouchées au tournant du siècle.

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Notes de l’auteur

Ce travail de recherche a bénéficié de l’aide de Sr Madeleine Rémond, archiviste des Petites Sœurs de l’Assomption qui a bien voulu m’ouvrir ses archives ; ainsi que des conseils de Jean-François Chanet, Jacqueline Lalouette et des doctorantes du groupe "Genre et classes populaires". Qu’ils en soient remerciés.

Texte intégral

  • 1 Circulaire du ministre de l’Intérieur Duchâtel aux préfets du 26 septembre 1839, sur les « Traités (...)
  • 2 AFC Paris MM, 1148, Règles communes et particulières avec les Statuts et Reglemens Généraux de la C (...)
  • 3 Odile Arnold, Le corps et l’âme, la vie des religieuses au xixe siècle, Paris, Seuil, 1984 p. 213. (...)
  • 4 Yvonne Knibiehler note quelques écarts à cette règle, in Cornettes et blouses blanches : les infirm (...)
  • 5 Olivier Faure, La médicalisation de la société dans la région lyonnaise au xixe siècle (1800-1914), (...)
  • 6 Scarlett Beauvalet-Boutouyrie, Naître à l’hôpital au xixe siècle, Paris, Belin, 1999, p. 26‑27.
  • 7 Marie-Claude Dinet-Lecomte, Les sœurs hospitalières en France aux xviie et xviiie siècles, Paris, H (...)
  • 8 J. Tenon dans son Mémoire sur les hôpitaux de Paris de 1788 évoque le soin par les sœurs « des femm (...)
  • 9 Archives de l’AP-HP (désormais AAP-HP), RAC 1J3, Circulaire du 4 février 1863 aux directeurs – surv (...)
  • 10 Marie-Claude Dinet-Lecomte, Les sœurs hospitalières..., op. cit., p. 356.

1La circulaire de Duchâtel en 1839 propose deux modèles de traité pour les congrégations religieuses et les administrations des hospices, définissant les attributions des sœurs et du personnel médical pour les hôpitaux et les bureaux de bienfaisance : dans l’un, les sœurs ne soigneront pas « les femmes dans leurs accouchements »1, ce quiexclut exclut de fait les sœurs du soin des parturientes. Directement inspirée de la règle des Filles de la Charité qui remonte au xviie siècle2, cette clause suit en effet sur ce point le modèle de la première congrégation soignante reconnue en France en 1809. L’interdiction se retrouve dans plusieurs constitutions de congrégations féminines et les soins aux femmes en couches sont interdits aux sœurs ou doivent relever d’une autorisation exceptionnelle3. Cet interdit n’est ni partagé par toutes les congrégations religieuses soignantes comme en témoigne l’autre traité proposé4, ni formellement respecté, bien qu’un tabou semble présider aux soins relevant de la génération parmi les sœurs5 et que dans les hôpitaux les services d’accouchements soient réservés à des laïques. À l’Hôtel-Dieu de Paris au xviiie siècle, les religieuses sont exclues des services de femmes enceintes et en couches à l’Office des accouchées, et n’ont aucun contact avec les femmes accouchées6. À la Charité de Lyon les « sœurs », qui n’appartiennent à aucune congrégation sont initiées par leurs devancières à la pratique des accouchements7, et les sages-femmes, dont la formation se professionnalise au xixe siècle, ont pu apprendre leur pratique auprès des sœurs, parfois elles-mêmes formées comme accoucheuses à la fin du xixe siècle8. Par ailleurs, tous les hôpitaux parisiens reçoivent des femmes en couches au xixe siècle. Celles-ci se retrouvent parfois parmi les autres malades et ont donc pu recevoir les soins des sœurs lors de leur parturition, tout comme des sœurs se sont retrouvées chargées des services d’accouchements et de soins aux accouchées9. Confrontées à l’urgence d’une situation, les sœurs ont également pu outrepasser leur règle pour porter des soins. Ainsi que le souligne Marie-Claude Dinet-Lecomte, la pudeur tiendrait moins à la pratique et aux soins réalisés qu’aux sources10, et la connaissance du rôle des sœurs dans les accouchements se heurte encore à un manque d’informations.

  • 11 Olivier Faure, La médicalisation de la société..., op. cit., p. 32.
  • 12 Directoire des Petites Sœurs de l’Assomption, Ligugé, Impr. Saint-Martin, 1897, p. 8.
  • 13 Dames charitables issues de milieux aisés, elles sont regroupées dans une association fondée par le (...)
  • 14 Ces récits portent sur l’ensemble des activités de la congrégation et sont centralisés, lus et rééc (...)
  • 15 Suite à la reconnaissance du caractère contagieux de la fièvre puerpérale et de la généralisation d (...)
  • 16 Fonds Fosseyeux des Archives de l’Assistance publique, AAP-HP, 791 FOSS 34 5, Réorganisation du ser (...)

2Pourtant, les archives privées d’une congrégation religieuse fournissant des « gardes-malades des pauvres à domicile » attestent l’existence de soins donnés par des sœurs à des femmes enceintes ou accouchées. Fondées en 1864 dans ce second xixe siècle qui voit l’éclosion des congrégations de gardes-malades en milieu urbain11, les Petites sœurs de l’Assomption (PSA) se donnent pour objectif d’apporter des soins gratuits aux familles ouvrières, puisqu’elles doivent « refaire un peuple à Dieu par la conversion et l’éducation chrétienne du pauvre, de l’ouvrier et de la famille »12, ainsi que le prévoit leur directoire. La congrégation s’institutionnalise en 1875, avec les premières professions religieuses de trente sœurs et l’érection canonique par le cardinal Guibert, archevêque de Paris, de l’Institut des petites sœurs de l’Assomption gardes-malades des pauvres à domicile. Grâce à la richesse de leurs archives, nous disposons d’imprimés, de registres et de récits de visites des malades, établis pour les sœurs dans leur Journal de la Maison Mère, ou par les Dames servantes13 qui les accompagnent et se réunissent régulièrement à la maison mère de Grenelle. Les récits qu’elles ont laissés sur les « Malades soignés et assistés avec le concours des Dames Servantes des Pauvres » témoignent de leur engagement dans la visite des malades, et révèlent le rôle spécifique qu’elles jouent aux côtés des sœurs. Ils constituent une source fondamentale pour connaître l’intérieur des domiciles des pauvres et les soins qui leur sont donnés, le Journal restant plus succinct sur les œuvres et développant davantage la vie de la congrégation14. Au xixe siècle, la majorité des accouchements se font encore à domicile, alors que l’accouchement à l’hôpital reste associé à la très grande pauvreté et, jusqu’aux années 1870, expose les femmes à un risque élevé de mortalité lié aux épidémies de fièvre puerpérale. L’Assistance publique de Paris fait de la lutte contre la mortalité infantile et maternelle sa priorité : études sur la fièvre, développement de l’assistance à domicile par le biais du réseau de sages-femmes agréées et du service des sages-femmes des bureaux de bienfaisance à partir de 1866, réforme de la Maternité par Tarnier à partir de 187015. Bien que les femmes indigentes domiciliées depuis un an à Paris puissent être reçues dans les hôpitaux publics gratuitement dans leur neuvième mois de grossesse, et que toute femme sur le point d’accoucher puisse y être admise, l’accouchement à domicile reste cependant dominant : l’Assistance publique l’encourage dans les années 1880-1900 et le réorganise pour développer les mesures d’hygiène pour les accouchées et les secours distribués par les bureaux16.

  • 17 Claude Langlois, « Congrégations et professionnalisation : les gardes-malades à domicile » in id., (...)

3La fondation et la croissance de la congrégation des Petites sœurs de l’Assomption, de la dernière génération de gardes-malades17, participe à ce processus. Les soins aux parturientes et aux nouveaux-nés ainsi que les politiques de protection de la maternité constituent un des débats centraux de la Belle époque jusqu’aux lois de 1909 et 1913, premiers éléments d’une politique sociale en faveur des mères. À partir des registres des sœurs, nous avons pu établir le recensement du nombre de femmes soignées pour des couches et pour des maladies liées à la génitalité dans le quartier de Grenelle entre 1864 et la Première guerre mondiale, et les mettre en regard avec les statistiques de l’Assistance publique.

  • 18 Lenard Berlanstein, The Working people of Paris, 1871-1914, Baltimore, Johns Hopkins University Pre (...)
  • 19 Plusieurs autres maisons de la congrégation sont créées durant cette période, à Belleville, Saint-P (...)

4Notre étude porte sur un espace défini par les visites des sœurs de la maison mère de la congrégation, la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Grenelle, dans le xve arrondissement de Paris dont la population active est majoritairement composée de travailleurs manuels (à plus de 70 % dans certains quartiers)18. Quelques malades soignés par ces sœurs habitent hors du quartier, dans d’autres rues et paroisses de l’arrondissement ou du viie voisin. Les sources disponibles permettent d’établir des données relatives à la population soignée dans cet arrondissement, pour toute la période19. Toutefois, les récits mobilisés se rapportant aux femmes en couches que nous utilisons concernent les différentes maisons de Paris ; ils sont rares, possèdent une valeur édifiante, proposent un modèle d’action dans la ville, mais les malades y sont difficiles à identifier. Dans la mesure où l’action des sœurs est parallèle au réseau d’assistance et de charité du quartier, voire complémentaire, les archives de l’Assistance publique et de l’état civil du xve arrondissement ainsi que de la paroisse de Saint-Jean-Baptiste de Grenelle ont également été mobilisées.

5Il s’agit dès lors d’étudier le déploiement et l’insertion des sœurs dans ces soins aux parturientes. Quelle fonction le caractère religieux de leur présence remplit-il auprès des femmes des milieux populaires ? Peut-on envisager que l’action des Petites sœurs de l’Assomption relève d’une tentative de « re-catholicisation » des naissances en milieu populaire, afin de compenser la déprise religieuse générée par le surinvestissement médical de la naissance par l’Assistance publique de Paris, institution laïcisée à la fois dans ses objectifs et son personnel ? Après avoir identifié les femmes que ces sœurs vont soigner dans le xve arrondissement de Paris, il faudra replacer celles-ci parmi les autres acteurs autour de la naissance, afin d’apprécier non seulement l’enjeu religieux de leur présence mais aussi le soin qu’elles prodiguent, dans tous ses aspects, et de quel investissement religieux il est l’objet.

Des parturientes soignées par les sœurs

Les parturientes : des femmes en couches aux accouchées malades

6Dès les débuts de leur activité, les sœurs ont consigné dans des registres les noms, l’âge, l’adresse, le nombre d’enfants de tous les malades, le nom de la sœur qui les a pris en charge ; sont aussi mentionnés la nature de la maladie, le temps passé par les sœurs auprès d’eux et leur état lorsqu’elles les quittent, ainsi que des détails relatifs au résultat religieux obtenu à l’issue des soins. Ce sont ces sources qui permettent d’attester la présence des sœurs auprès des parturientes dans le quartier de Grenelle.

  • 20 Article « Puerpéralité », in Émile Littré et Charles Robin, Dictionnaire de médecine, de chirurgie, (...)
  • 21 Article « Puerpéralité », article « Couches », in Émile Littré et Charles Robin, op. cit. ; article (...)
  • 22 Article « Couche, couches, suites de couches », in Amédée Dechambre (dir.), op. cit., p. 414.
  • 23 Ibid., p. 388.
  • 24 Archives PSA (désormais APSA), 2M3 n° 5.

7Le terme de « parturiente » désigne la femme qui accouche mais il n’est jamais employé en tant que tel par les sœurs. Plusieurs maladies identifiées par les Petites sœurs de l’Assomption nous permettent d’établir la population de ces femmes prises en charge pour un soin lié à l’accouchement. La constitution du corpus implique néanmoins d’interroger les catégories médicales de l’époque telles qu’elles sont utilisées par les sœurs, afin de saisir tous les cas de femmes soignées pour des affections qui relèvent de la génération. « L’état puerpéral » de la femme allait alors de l’accouchement au premier retour de la menstruation que les dictionnaires médicaux de l’époque évaluent à environ trente jours20. Plusieurs termes sont utilisés dans les registres des sœurs pour désigner cet état : « femme en couche », « en couche-s », « suite de couches ». Les termes « en couche » ou « couches » peuvent renvoyer, selon les dictionnaires de l’époque, au moment de l’enfantement ou de l’alitement de la femme à cause de l’enfantement21. Les « suites de couches », dans le langage vulgaire, correspondent aux lochies22, mais les médecins les considèrent comme le temps de « restauration ou de réparation pour l’organisme de la femme, après les fatigues de la grossesse et les efforts de l’accouchement, un travail nécessaire à la sécrétion laiteuse »23. Tout ceci rend flou l’état de la femme qui voit l’arrivée des sœurs, parfois plusieurs semaines après la naissance : Mme Roy est prise en charge en mars 1890 pour « suites de couches » alors qu’elle a accouché le 20 janvier24. Quelques cas de « fièvre puerpérale » sont également mentionnés et nous invitent à considérer les infections liées à la parturition afin d’avoir une idée plus juste de la population soignée par les Petites Sœurs, pour des raisons médicales liées de près ou de loin à un accouchement.

  • 25 On n’en recense pas moins de 150 entre 1807 et 1908 sur le catalogue de la Bibliothèque nationale d (...)
  • 26 Article « Métrite », in Amédée Dechambre (dir.), op. cit., t. 7, p. 387.
  • 27 APSA, 2M3 n° 3, Grenelle 1880.
  • 28 AA-HP, 1 L 41, Séance du 15 mars 1906 du Conseil de surveillance de l’Assistance publique, « Au suj (...)

8Nous avons choisi de prendre en compte deux autres « maladies » fortement corrélées à la parturition ou tout au moins aux soins gynécologiques : la métrite et la péritonite, auxquelles de nombreux travaux médicaux se rapportent alors25. La première est une inflammation de l’utérus et la seconde du péritoine, mais au xixe siècle, toutes deux sont fréquemment associées à la puerpéralité ; elles sont en effet le plus souvent causées par des accouchements ou des avortements non suivis de soin26. Cela se vérifie dans le registre des malades soignées par les sœurs : ainsi, Mme Boutry « femme en couches » soignée par les sœurs du 22 août au 8 septembre 1880 est à nouveau prise en charge du 9 au 21 septembre pour une péritonite27. Par ailleurs, un rapport de 1906 au Conseil de surveillance de l’Assistance publique sur les parturientes infectées qui se présentent dans les hôpitaux fait état de l’accroissement de leur nombre depuis le début des années 1890, « le plus souvent à la suite d’un avortement clandestin. Le mot métrite sert alors de motif à l’admission »28. Derrière les infections gynécologiques qui servent de dénomination aux maladies des femmes, il faut donc envisager des accouchements, des fausses couches ou des pratiques abortives de ces femmes, qui sont des motifs de soin.

9Si tous les cas ne sont sans doute pas déclenchés par l’enfantement ou l’avortement, leur corrélation, très forte à l’époque, nous incite à les prendre en compte afin d’éclairer les multiples soins autour de l’accouchement. Des récits nous invitent à faire le lien entre des infections et la puerpéralité, comme celui d’une sœur rendant visite à une malade de Levallois en 1889 :

  • 29 « PS » signifie « petite sœur » et renvoie donc à la sœur chargée de garder la malade.
  • 30 APSA, 2N2 n° 18, réunion du 29 janvier 1889.

Dans une autre famille c’était une jeune mère de 19 ans atteinte d’une péritonite. La PS29 arriva tout juste pour ondoyer l’enfant qui mourut quelques minutes après. La jeune femme ne s’en doutait pas, elle paraissait hors de danger. Après deux ou trois jours, elle a demandé des nouvelles de son enfant, son mari et sa mère ont cédé à ses instances ce qui a été pour elle un coup mortel. Elle est morte dans des sentiments touchants attendant la sainte communion qu’on n’a pas eu le temps de lui apporter30.

  • 31 APSA, 2N2 n° 23, réunion du 28 novembre 1899. Voir le récit plus bas.
  • 32 APSA, 2M3 n° 3, Grenelle 1881.
  • 33 Archives de la Seine, Reg. AN. XV arrdt, V4E 4618.
  • 34 AAP-HP, 791 FOSS 34 5, Société médicale des Bureaux de Bienfaisance de Paris, De l’organisation du (...)

10Dix ans plus tard, dans le quartier de Grenelle, les sœurs vont soigner une femme dont la maladie « devenait infectieuse » alors qu’elle avait un enfant de trois jours31. Les registres d’état-civil nous permettent de vérifier des cas lorsque l’infection est liée à une naissance. Ainsi, Mme Godimus, 22 ans, un enfant, domiciliée 133 rue du Théâtre, est soignée pour une péritonite du 3 juillet au 5 août 188132. Or il s’avère qu’un enfant répondant au prénom de Gustave Eugène Godimus est né le 1er juillet 1881 au domicile de ses parents 133 rue du Théâtre. Sa mère, Zulma Canonne, sans profession et mariée à Omer Godimus, a 23 ans33. Il est donc fort probable que la péritonite de Mme Godimus soignée par les sœurs soit liée à son accouchement deux jours plus tôt. Si la mention d’une naissance dans les registres d’état civil corrobore notre hypothèse, l’absence ne peut à coup sûr l’invalider : la source n’est en elle-même pas immanquablement fiable – la calligraphie et l’orthographe changeante des noms de famille ne permettent pas toujours d’identifier les individus dans les registres ; la reconnaissance de l’enfant peut se faire plus tard – mais surtout l’infection a pu être générée par une fausse couche ou un avortement, qui, à l’évidence, ne laisseraient pas de trace dans les registres de naissance. Nous disposons néanmoins d’une fourchette pour le nombre de femmes prises en charge pour des causes médicales liées à l’accouchement et aux soins nécessités par l’état de parturition, ce que les médecins du service médical de l’Assistance publique regroupent dans la catégorie des « accidents de la génitalité ». De leur liste des « accidents »34, seule la métrite se retrouve dans les registres des sœurs, et la péritonite fait l’objet d’une définition moins précise chez elles que dans les travaux médicaux de la fin du siècle. Si les sœurs s’approprient une partie du vocabulaire médical de l’époque, les femmes soignées restent cependant massivement désignées par leurs « couches ». Avec les cas de « grossesse difficile » et de « fausse couche » dans leurs registres, nous disposons du corpus de parturientes soignées par les sœurs. L’indisposition ou l’alitement de la femme posent des enjeux médicaux, religieux et sociaux liés à la génitalité, domaine qui n’est pas censé relever intégralement de la compétence des sœurs

Soigner dans le quartier de Grenelle

  • 35 Bernard Marchand, Paris, histoire d’une ville, xixe-xxe siècle, Paris, Seuil, 1993, p. 127‑132 ; Do (...)
  • 36 Thomas Le Roux, Le laboratoire des pollutions industrielles. Paris, 1770-1830, Paris, Albin Michel, (...)
  • 37 En 1900 dans le 15e les Religieuses franciscaines soignent également des malades à domicile. Eugène (...)
  • 38 AAP-HP, 773 FOSS 8, médecins et sages-femmes des dispensaires et bureaux de bienfaisance (1860-1880 (...)
  • 39 Manuel des œuvres et institutions charitables, Paris, Poussielgue, 1877, p. 15.
  • 40 Manuel des œuvres : institutions religieuses et charitables de Paris et principaux établissements d (...)
  • 41 Rachel Fuchs, Poor and Pregnant in Paris. Strategies for the survival in the nineteenth century, Ne (...)

11Les Petites sœurs de l’Assomption installées rue Violet visitent les malades dans leur quartier de Grenelle, intégré à Paris depuis 1860. En 1880, le xve arrondissement est l’un des grands pôles industriels de Paris, avec une population variée, des employés de commerce aux chiffonniers, et dont les rues sont bruyantes et polluées35. Cette situation remonte au tournant des xviiie et xixe siècles36. Les structures d’assistance et de charité sont présentes mais moins densément que dans d’autres arrondissements comme le viie, contigu. Les sœurs peuvent y trouver un terrain favorable à leur déploiement sans craindre la concurrence d’autres œuvres37. Le bureau de bienfaisance de l’arrondissement permet aux femmes enceintes enregistrées de bénéficier de l’assistance d’une des sages-femmes du bureau pour leur accouchement38. Les femmes pauvres peuvent bénéficier des secours de la Société de charité maternelle dans chaque quartier de l’arrondissement si elles sont inscrites au bureau, et les femmes non inscrites mais mariées peuvent recevoir des secours de l’Association des mères de famille39. En 1900, les sœurs de l’Assistance maternelle pour les femmes en couches prodiguent également des secours aux indigentes rue de Vaugirard40. Les femmes des milieux populaires peuvent aussi se rendre à l’hôpital pour accoucher gratuitement, et, à partir de 1869 elles sont redirigées chez une sage-femme agréée au service de l’hôpital si leur accouchement s’annonce sans difficulté41. Si elles peuvent payer, les femmes peuvent également accoucher chez une autre sage-femme ou la faire venir à domicile. Les Petites sœurs de l’Assomption, elles, vont visiter les malades à leur domicile, ce qui exclut les accouchées à l’hôpital et chez les sages-femmes.

  • 42 AAP-HP, 791 FOSS 34 5, De l’organisation du service des accouchements dans les Bureaux de Bienfaisa (...)
  • 43 APSA, 2M3 n° 3 à 6. Calculs établis à partir des registres des malades. Si l’on ne prend en compte (...)
  • 44 APSA, 2M3 n° 3 et n° 6.
  • 45 APSA, 2M3 n° 3 à 6. Entre 1901 et 1911, les parturientes représentent toujours entre 28 % et 38 % ( (...)
  • 46 Sœur Madeleine Rémond, « Les Petites Sœurs de l’Assomption face à la loi sur les Associations, 1901 (...)
  • 47 Hilaire Multon, « Les Assomptionnistes et la loi de 1901 », in Jacqueline Lalouette et Jean-Pierre (...)

12Si l’on excepte l’année 1864, année de la fondation de l’œuvre où les sœurs ne soignent que huit malades – dont une femme en couche – et les années 1869-1874 et 1877-1879 pour lesquelles nous ne disposons pas de données, nous pouvons déceler une évolution notable de la prise en charge de ces femmes par les sœurs. Dans les années 1875-76, les sœurs soignent 31 et 42 femmes en couches, ce qui correspond à 17,5 % et 19 % de l’ensemble des malades qu’elles soignent. À partir de la décennie 1880, le nombre de malades qu’elles soignent par an dans le quartier de Grenelle varie entre 250 et 350, avec un pic à 407 en 1886. Pour la période 1880-1913, sur laquelle nous avons une série continue, elles soignent en moyenne 87 femmes par an pour affections liées à la génitalité. Ce nombre reste très restreint par rapport au nombre total de femmes accouchées dans le cadre de l’Assistance publique ou par l’intermédiaire des bureaux de bienfaisance42. Cependant, la part des femmes en couches représente en moyenne sur la période 29 % de la population soignée à domicile par les Petites sœurs de l’Assomption43. Si, à l’échelle de l’arrondissement, le déploiement des sœurs reste limité à la fin du xixe siècle, le soin qu’elles prodiguent aux femmes en couches occupe une place importante dans leur activité44. L’anticléricalisme de la iiie République et la loi de 1901 n’ont pas d’effet majeur sur cette prise en charge des parturientes, au moins en termes quantitatifs45. La congrégation n’est pas reconnue officiellement et elle tombe sous le coup du titre III de la loi de 1901 qui exige une autorisation pour les congrégations. Sans l’avoir demandée, elles restent à Paris dans leur maison mère et poursuivent leur action auprès des pauvres bien qu’elles doivent subir perquisitions et procès46. En effet, les œuvres hospitalières et charitables ne sont pas la cible du gouvernement Combes47.

Soigner des femmes des milieux populaires

  • 48 APSA, 3A n° 19, Constitutions des Petites-Sœurs de l’Assomption, Garde-malades des pauvres à domici (...)
  • 49 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 9 mars 1880.
  • 50 AAP-HP, 9 L 119, Suivi des hôpitaux, service des accouchements : 1885-1888.
  • 51 APSA, 2M3 n° 4. 405 malades sont soignés pour l’année, dont 74 femmes en couches, ce qui représente (...)
  • 52 Françoise Battagliola, Histoire du travail des femmes, Paris, La Découverte, 3e éd., 2008, p. 45.
  • 53 APSA, 3A1, Approbation de la congrégation, premières constitutions. La congrégation à la fin du xix(...)
  • 54 APSA, 2M3 n° 4 et n° 6. En 1884, une femme atteinte de « fièvre purpurale (sic) » n’a pas été retro (...)
  • 55 Les pertes peuvent être dues à une autre orthographe ou à une erreur dans les registres. Ceux des s (...)

13En vertu de leur vocation religieuse, les Petites sœurs de l’Assomption doivent se dévouer « gratuitement et exclusivement, au soin des malades de la classe pauvre et ouvrière »48, à domicile. C’est ainsi qu’elles se présentent auprès des malades qui ne souhaitent pas leur présence : à une protestante réticente à l’idée de voir une sœur s’occuper d’elle au moment de ses couches la Petite sœur répond : « Pourquoi ne pas accepter, nous ne sommes que pour les ouvriers »49. Cette spécificité est au fondement de leur identité et doit guider la sélection des femmes qu’elles vont soigner pour leurs couches. Pourtant, la profession des malades, jamais mentionnée dans leurs registres, l’est rarement dans leurs récits. Deux années ont été choisies pour procéder à un sondage parmi la population soignée et la comparer aux femmes accouchées par le service des hôpitaux et des sages-femmes agréées qui en dépendent. Pour l’année 1884 nous disposons de statistiques professionnelles des femmes accouchées chez les sages-femmes agréées de l’Assistance publique50 ; à cette date, la congrégation est bien installée et son activité va croissant, bien que le nombre de femmes accouchées cette année-là soit légèrement plus faible que durant les autres années de la décennie51. L’année 1900 nous permet de prendre en compte l’évolution après la réorganisation du service d’accouchement à domicile et alors que la lutte contre la mortalité infantile s’accentue52. Par ailleurs, elle intervient avant la loi du 1er juillet 1901 qui modifie l’action des sœurs bien qu’elle n’ait pas d’influence directe sur le nombre de patients pris en charge. La congrégation s’est alors considérablement développée en France et à l’étranger53. Ainsi, en 1884, pour les 74 femmes soignées pour des couches, 27 familles ont été identifiées ; en 1900, pour 62 femmes en couches traitées, on retrouve 38 familles54. Si elles ne sont pas nécessairement représentatives de toute la population soignée55, elles offrent néanmoins des données précieuses pour connaître les professions des familles. La naissance – comme la mort – apparaît comme un moment privilégié pour saisir l’identité sociale des malades soignés dans le cadre d’une charité privée qui regroupe derrière le terme de « pauvre » une population socialement diversifiée.

  • 56 Rachel Fuchs, Poor and Pregnant..., op. cit., p. 33.
  • 57 AAP-HP, 9 L 119, Statistique professionnelle des femmes accouchées chez les sages-femmes agréées, 1 (...)
  • 58 Françoise Battagliola, Histoire..., op. cit., p. 37.
  • 59 Archives de l’AP-HP, 9 L 119, Statistique professionnelle des femmes accouchées chez les sages-femm (...)
  • 60 Françoise Battagliola, Histoire..., op. cit., p. 38.
  • 61 Rachel Fuchs, Poor and Pregnant..., op. cit., p. 33.

14En examinant professions déclarées à l’état-civil par les familles chez lesquelles les sœurs se rendent, les femmes sans profession qui devaient être des ménagères, sont majoritaires (11 en 1884 et 16 en 1900). Viennent ensuite les journalières (5 et 10) et les femmes des métiers de la couture ainsi que les blanchisseuses. Dans les deux tiers, voire les trois quarts des cas, lorsque le mari est journalier, la femme travaille également. Les domestiques sont particulièrement absentes, ainsi que l’avait relevé Rachel Fuchs pour la dernière décennie du xixe siècle56 ; elles accouchent principalement dans les hôpitaux et constituent le premier groupe professionnel des femmes accouchées chez les sages-femmes agréées57. À l’exception notable des domestiques, les femmes en couches soignées par les sœurs, ménagères, « ouvrières de l’aiguille »58 et blanchisseuses, se définissent professionnellement de la même façon que les femmes qui se présentent à l’hôpital en 188459. Issues des classes laborieuses, elles travaillent dans des conditions difficiles, en atelier ou à domicile, à l’image de la couturière en chambre60. Elles sont toutes mariées – ou veuves –, ce qui les assimile d’autant plus aux femmes secourues par les bureaux de bienfaisance61.

  • 62 Claude Langlois, « Congrégations et professionnalisation, les gardes-malades à domicile », op. cit.(...)
  • 63 APSA, 2N2 n° 12, Compte rendu de missions de Dames Servantes, 1878-1879.
  • 64 APSA, 2N2 n° 15, réunion du 20 mars 1883.
  • 65 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 17 décembre 1878.
  • 66 APSA, 2N2 n° 12, Levallois 1878 et 1879.
  • 67 APSA, 2N2 n° 15, réunion du 31 janvier 1882. On le retrouve dans le Journal de la Maison Mère au 25 (...)

15Comme la maladie, l’accouchement impose une interruption du travail, donc la perte d’une source de revenus qui place les familles ouvrières au bord de la détresse62. L’absence du mari et père, son incapacité à subvenir aux besoins de la famille expliquent souvent dans les récits l’indigence d’un foyer. Cela peut être le fait d’un chômage prolongé – à Levallois, dans les années 1878-1879, les sœurs vont soigner une femme en couche dont le « mari sans ouvrage depuis quelques semaines déjà, ce qui avait augmenté la misère »63 –, d’une nouvelle bouche à nourrir et de l’arrêt de travail lié à l’accouchement – « Une pauvre femme, veuve depuis 4 mois, se trouvait dans une grande pauvreté lorsque la naissance d’un troisième enfant est venu compliquer sa situation »64 – ou encore d’un veuvage65. Si tous les ménages soignés par les sœurs ne sont sans doute pas parmi les plus pauvres du quartier, la précarité des conditions de vie et l’absence d’assistance peuvent les précipiter dans l’indigence. Certaines descriptions évoquent une misère criante où les privations affaiblissent les corps jusqu’à l’anémie66. Tout manque souvent dans ces intérieurs et les descriptions font appel à des images bibliques pour évoquer l’extrême dénuement : « la famille logée dans une espèce de soupente si étroite, qu’il n’y a pas même la place d’y mettre un berceau. La mère avec son petit nouveau né, était couchée sur un peu de paille par terre »67. La scène n’est pas sans rappeler la naissance de l’enfant Jésus que les sœurs et les Dames servantes ont célébrée un mois avant ce récit. En l’occurrence, l’impression de misère se trouve renforcée par l’absence même de berceau – qu’il soit réel ou factice – et l’absence du père, alors soldat et qui n’a pu avoir son congé.

  • 68 Hélène Lemesle, Vautours, singes et cloportes, Ledru-Rollin, ses locataires et ses concierges au xi (...)
  • 69 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 17 décembre 1878.
  • 70 Jean-Louis Deaucourt, op. cit., p. 121-126, p. 228.
  • 71 APSA, 2N2 n° 23, réunion du 28 novembre 1899. Voir le récit ci-dessous.
  • 72 APSA, Journal de la Maison Mère, 4 mars 1879.

16La seule profession mentionnée dans les registres des sœurs est celle de concierge. Les concierges ont un statut complexe au xixe siècle, à la fois de domestique et d’employé68, qui peut faire discuter leur appartenance à la catégorie des « pauvres ouvriers », cible des sœurs. À la fin du xixe siècle, ce statut social ambigu ne met pas les femmes concierges à l’abri de la misère, comme le confirme le cas de cette femme soignée par les sœurs en 1878. À la suite du décès de son mari, une concierge enceinte avec deux enfants ne peut plus assumer seule cet emploi et doit déménager. Menacée d’expulsion par sa nouvelle propriétaire, elle fait appel aux Dames servantes et aux sœurs qui l’assistent à la naissance de l’enfant69. Si les concierges ne sont pas toujours des « pauvres », leur prise en charge par les sœurs peut être expliquée par le rôle crucial qu’elles jouent pour permettre aux sœurs de pénétrer dans les intérieurs. En effet, dans les habitats collectifs où logent les patients recherchés par les sœurs, la concierge est la véritable cheville ouvrière entre le monde extérieur, le quartier, la vie publique et l’espace privé de l’habitat, même si sa réputation d’indiscrétion doit être nuancée70. Elle est un intermédiaire nécessaire du développement de l’action des sœurs dans les quartiers : à la fois alliée pour pénétrer dans un intérieur – et les maris récalcitrants à l’entrée des sœurs n’hésitent pas à l’en informer71 – et source d’information sur les habitants. La sœur Marie Emmanuel n’hésite pas à solliciter la concierge pour connaître les situations maritales des habitants de la maison et en s’occupant du bébé de trois semaines elle « pensait à gagner la mère »72 qui n’était pas mariée.

  • 73 APSA, 2M3 n° 3 à 6.

17Le quartier est donc un des éléments fondamentaux de la distribution des soins, car dans le choix de leurs malades les sœurs prennent en compte la proximité par rapport à la maison mère de la rue Violet73. Les informations retrouvées dans les registres d’état civil du xve arrondissement confirment des naissances au domicile des parents, l’adresse fournissant par ailleurs le critère le plus sûr pour retrouver les parturientes en dépit de la mobilité des milieux populaires.

  • 74 APSA, 2N2 n° 24, réunion du 29 avril 1902.
  • 75 APSA, 2N2 n° 29, réunion du 16 mars 1909.

18Toutefois, les parturientes viennent parfois d’elles-mêmes solliciter les secours des Dames servantes et des Petites sœurs. Le mari lui-même peut les demander74, et parfois « une sage-femme dont nous avons obtenu autrefois la conversion et qui est devenue une excellente chrétienne, ainsi qu’une de nos meilleures auxiliaires nous introduisait il y a quelques temps dans un intérieur d’ouvriers où un quatrième bébé venait de faire son entrée dans le monde »75.

  • 76 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 9 mars 1880.
  • 77 APSA, 2N2 n° 23, réunion du 8 mai 1900.
  • 78 APSA, 2N2 n° 26, réunion du 16 février 1904.

19C’est ainsi que par connaissances et relations de voisinage les sœurs interviennent, comme l’attestent plusieurs récits, même si l’identité des intermédiaires est souvent masquée par un pronom indéterminé : « on nous a averties »76, « une voisine affolée vint nous demander »77 ou « nous étions appelées »78. Du reste, au chevet de la parturiente, les Petites sœurs de l’Assomption ne sont pas seules à venir prodiguer des soins à différents moments autour de la naissance.

Les sœurs parmi les autres acteurs du soin

  • 79 Mireille Laget, Naissances. L’accouchement avant l’âge de la clinique, Paris, Seuil, coll. « L’Univ (...)
  • 80 Matthieu Brejon de Lavergnée, Histoire des Filles de la charité, Paris, Fayard, 2011, p. 482.

20La naissance est traditionnellement un moment où l’accouchée est entourée d’une communauté, essentiellement féminine, présente dans un cadre quotidien pour assurer et rassurer dans un moment d’attente et de souffrance79. Sous l’Ancien Régime, matrone ou sage-femme, médecin accoucheur éventuellement, et surtout parentes, constituent cet entourage autour de la femme. Le père peut être présent, mais les sœurs ne font traditionnellement pas partie du personnel même féminin de la naissance à domicile. Elles interviennent par la suite, pour délivrer des secours matériels aussi bien que spirituels aux femmes après leurs couches80. À la fin du siècle, la parturiente est toujours l’objet des soins de ces différents acteurs, même si à domicile la présence d’un médecin n’est pas systématique en vertu de la formation et du rôle délégué aux sages-femmes. Le croisement des sources privées et publiques permet de reconstituer la diversité de ces acteurs. Les sources de la congrégation valorisent le rôle des sœurs et des Dames servantes, et les récits sont écrits par elles et pour elles pour relater leur rôle auprès des pauvres, la sage-femme n’apparaît qu’au détour, lorsqu’elle sert leur action. D’autre part, les archives de l’Assistance publique consultées émanent de l’administration en vue d’une réorganisation des services et d’un suivi du personnel : registres, règlements, décisions et enquêtes. Elles se concentrent donc sur les sages-femmes et leurs conditions d’exercice, avec quelques statistiques et rapports sur les parturientes et les accouchements. Ce qui ne relève pas de leur prérogative n’est donc pas mentionné, a fortiori les sœurs indépendantes des pouvoirs publics et dont la présence dans quelques foyers représente bien peu face à l’étendue du service des accouchements à domicile à Paris. Pourtant, sœurs et des sages-femmes peuvent cohabiter autour du lit de l’accouchée et lors des soins puerpéraux.

21Les Petites sœurs de l’Assomption interviennent auprès des parturientes avec le concours des Dames servantes, et côtoient au sein des foyers éventuellement d’autres membres de l’entourage familial : médecins, sages-femmes, maris, enfants... Comment se positionnent-elles ? Quelles compétences peuvent-elles faire valoir et quel rôle peuvent-elles jouer ?

La sage-femme et la sœur

22Du fait que les pouvoirs publics ont renforcé au xixe siècle le rôle de la sage-femme, les médecins, rarement présents auprès des accouchées, ne doivent être sollicités qu’en cas de problème. On pourrait supposer que les Petites sœurs de l’Assomption prennent en charge les femmes « en couches » et relayent ainsi la sage-femme une fois l’accouchement effectué. Mais la date de prise en charge des parturientes par les sœurs ainsi que les devoirs de la sage-femme fixés par l’Assistance publique incitent à envisager plutôt une action commune de ces femmes de soin auprès des accouchées.

  • 81 Natalie Sage-Pranchère, L’école des sages-femmes..., op. cit., p. 371.
  • 82 Marie-France Morel, « Histoire de la naissance en Occident, xviie-xxe siècles », Société d’histoire (...)

23La sage-femme semble une actrice indispensable de la naissance dans les milieux populaires à Paris dans la seconde moitié du xixe siècle. Les mesures prises par l’Assistance publique, dans un souci hygiéniste et populationniste, tendent à assurer aux femmes indigentes la possibilité d’un accouchement médicalisé. La formation des sages-femmes est laïcisée sous la IIIe République : l’enseignement est public, l’Église a été exclue du choix des élèves et la piété n’est plus un critère pour devenir sage-femme, la seule influence du catholicisme pouvant se mesurer à la dimension morale attachée à la fonction81. Elles n’ont plus à prêter serment ni à être de bonnes chrétiennes, et n’ont pas dans leur mission de secours spirituel à apporter, à la différence de celui qu’elles pouvaient prêter à l’Hôtel-Dieu de Paris à la fin du xviiie siècle82.

  • 83 Archives de la Seine, Reg. AN. XV ardt, V4E 9926, Alexina Lancôme, femme Darpoux déclare la naissan (...)
  • 84 AAP-HP, 791 FOSS 34 5, Rapport sur le contrôle des accouchements à domicile, de S. Laurent, 28 déce (...)

24S’il faut envisager que des femmes soignées par les sœurs aient accouché sans personnel médical, le réseau d’assistance mis en place par les pouvoirs publics incite à considérer que la plupart des femmes accouchent avec l’aide d’une sage-femme. D’ailleurs, leur présence est attestée dans les registres d’état-civil lors de la déclaration de naissance. Devant se faire dans les trois jours, c’est le plus souvent le père accompagné de deux témoins qui s’en occupe. Or, en 1900, dans trois cas de malades soignées par les sœurs, dont le mari est décédé ou absent, la déclaration est faite par la sage-femme « ayant assisté à l’accouchement »83. Ces trois sages-femmes sont employées par le bureau de bienfaisance du xve arrondissement de Paris, comme il est indiqué dans le rapport sur le contrôle des accouchements à domicile réalisé en décembre 190084. Les Petites sœurs de l’Assomption vont donc bien soigner des femmes inscrites sur les listes des bureaux de bienfaisance, ce qui confirme le statut social – et moral – d’au moins une partie des malades pauvres soignées par les sœurs.

  • 85 APSA, 4A1 n° 18, Rapport aux bienfaitrices, 1874.
  • 86 Tableaux effectués à partir des relevés des registres des sœurs et des registres de naissance de l’ (...)

25Les dates de prise en charge par les Petites sœurs sont dans leur grande majorité postérieures à la date de naissance de l’enfant, mais dans certains cas la sœur arrive plusieurs jours avant la naissance, la veille ou le jour même, et peut donc être auprès de la parturiente lors de l’accouchement. Le récit de l’année 1873 mentionne la présence d’une sœur auprès d’une protestante plusieurs jours avant son accouchement et au moment même de celui-ci85. Au fur et à mesure du temps, la prise en charge précoce de la parturiente s’accentue86. L’arrivée des sœurs auprès des parturientes n’obéit pas à une règle particulière, et leurs visites peuvent donc être concomitantes de celles de la sage-femme.

  • 87 Marie-Claude Dinet-Lecomte, Les sœurs hospitalières..., op. cit., p. 355-357.
  • 88 Yvonne Verdier, Façons de dire, façons de faire, La laveuse, la couturière, la cuisinière, Paris, G (...)
  • 89 Olivier Faure, La médicalisation de la société..., op. cit., p. 32-33.
  • 90 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 19 mars 1881 ; APSA, 2N2 n° 18, réunion du 29 janvier 1889.
  • 91 Yvonne Verdier, Façons de dire..., op. cit., p. 101-103.

26Les sources sont silencieuses sur la répartition des rôles entre sage-femme et religieuse et ne font pas état de conflits sur les soins à prodiguer aux accouchées. S’il apparaissait peu probable que dans des hôpitaux sous l’Ancien Régime les sages-femmes n’aient pas le monopole de l’accouchement face aux sœurs87, la question se pose différemment dans les domiciles à la fin du xixe siècle. Face à des sages-femmes formées et payées par l’Assistance publique pour venir faire les accouchements à domicile, les sœurs gardes-malades ne peuvent se prévaloir des compétences équivalentes pour les réaliser, d’autant que la loi punit « l’exercice illégal de l’art des accouchements »88. Comme avec les médecins dont les religieuses soignantes sont les auxiliaires et non les concurrentes89, on peut penser que les Petites sœurs n’ont pas pratiqué les accouchements réservés à la sage-femme mais elles peuvent avoir été présentes et aidé. Les sœurs peuvent venir à leur appel pour soigner des accouchées et leur apporter des secours que les sages-femmes ne sont pas en mesure de donner. En effet, la naissance reste un moment dangereux aussi bien pour l’enfant que pour la mère, et, si peu de femmes décèdent en couche à domicile, les sœurs peuvent pourvoir aux secours religieux lorsqu’il y a risque de mort. Alors que la sage-femme serait la professionnelle des actes médicaux de la naissance, la sœur apparaîtrait alors comme le recours nécessaire, lors du péril mortel, pour ondoyer l’enfant et aider la femme à mourir dans de bonnes dispositions90. Elles tiennent ainsi au même moment les deux extrémités de la vie et se présentent comme étant les seules capables de faire les actes de toilettes des corps91 : en 1881,

  • 92 APSA, Journal de la Maison Mère, vendredi 29 juillet 1881.

Sœur Françoise Marie nous raconte qu’elle a été envoyée avec Sœur M. Hippolyte, pour ensevelir un petit bébé de quinze jours. En entrant dans la chambre indiquée, elles virent les parents éplorés devant une chaise, sur laquelle était je ne sais quoi. Des couvertures recouvraient l’enfant mort la veille, et personne n’osait y toucher. Nos sœurs l’ont pris, lavé habillé, non sans peine. Elles lui ont mis sa petite robe de baptême, que la marraine voulait qu’il emportât avec lui. Une fois l’opération terminée, l’enfant était très bien arrangé92.

  • 93 Yvonne Verdier, Façons de dire..., p. 99.

27Les sœurs apparaissent complémentaires de la sage-femme de l’Assistance publique pour la naissance en milieu populaire, à l’image de la « femme-qui-aide » dans les villages, dont le rôle n’est jamais confondu avec celui de la sage-femme93.

  • 94 APSA, Journal de la Maison Mère, 3 septembre 1880.
  • 95 APSA, 2M3 n° 3 à 6. Pour les années 1880, 1890, 1900 et 1910.
  • 96 APSA, 2M3 n° 3 à 6.
  • 97 Odile Arnold, Le corps et l’âme..., op. cit., p. 213.
  • 98 C’est le cas des trois sœurs qui prennent en charge le plus de parturientes en 1890 : la sœur Marie (...)
  • 99 APSA, Conférences destinées à l’instruction des gardes-malades, 1906.
  • 100 APSA, 2N2 n° 23, voir ci-dessous le récit de la réunion du 28 novembre 1899.
  • 101 Marie-Françoise Collière, « Les soins à domicile : du pain aux “pauvres honteux”… à la pénicilline  (...)

28Cette présence n’est pas toujours objet de bienveillance dans le voisinage, et les sœurs peuvent se trouver attaquées : la sœur Marie-Aurélie raconte qu’une « voisine de sa malade voulait insinuer à celle-ci que la Petite sœur ne savait pas soigner les bébés et comment elle ne s’est pas laissé marcher sur le pied »94. De nombreuses sœurs différentes – entre vingt et trente par an95 – vont porter des soins aux parturientes. Peu se spécialisent dans ce type de malades, et la quantité de femmes en couches soignées ne peut les apparenter aux sages-femmes : les sœurs M. Edwine et M. Henriette soignent chacune douze parturientes en 1890, et sœur Marie-Louise de la Croix va jusqu’à 15 fois visiter des femmes pour des soins liés à la génitalité en 191096. Ce sont souvent des jeunes sœurs qui viennent de prendre l’habit mais n’ont pas nécessairement fait leur profession religieuse. Le soin aux femmes en couches ne semble donc pas une épreuve pour la sécurité affective de leur vocation tel que le postulait Odile Arnold97, car si quelques-unes sortent de la congrégation – et les raisons peuvent en être diverses – la majorité d’entre elles reste jusqu’à leur mort. Aucune sœur ne reste dix ans au même emploi, même si cela peut tenir au décès des sœurs ou à leur sortie de la congrégation98. Elles ne pratiquent donc pas très longtemps ce type de soins, même si elles ont pu se transmettre des connaissances tel que le reconnaît le docteur Mayet, chargé de leur enseigner des principes d’anatomie, d’hygiène et de soins élémentaires à mettre en pratique lors de leurs gardes, qui « savait que beaucoup parmi les Petites sœurs avaient déjà reçu de leurs aînées une éducation pratique »99. Côtoyant les sages-femmes, elles ont pu apprendre à leurs côtés, ou à ceux des médecins sollicités par l’état de la parturiente100. Les sœurs bénéficient d’un enseignement médical au sein même de leur congrégation par le docteur Mayet dont le livre reprend les instructions fournies depuis plusieurs années, alors que la formation des gardes-malades laïques est officialisée en 1902101. Nous n’avons pas de traces de la formation des sœurs dans les hôpitaux et si, elle n’est pas à exclure, il est probable que leur enseignement provienne surtout des cours qui leur sont dispensés à leur maison mère.

29Le soin de femmes en couches ne semble pas nécessiter, du point de vue de la congrégation, une formation spécifique et si quelques sœurs sont plus à même que d’autres d’être envoyées auprès de ces malades, le soin aux parturientes ne devient pas une spécificité de la vocation religieuse de garde-malade. Cette vocation ne peut se comprendre comme relevant seulement du domaine médical, et le terme même de « garde-malade » implique davantage que les seuls soins médicaux. Si elles ont une vocation de soin et que la naissance se médicalise au xixe siècle, les religieuses sont néanmoins une figure intermédiaire, à la charnière du monde médical et de l’entourage non professionnel qui assiste également la parturiente.

L’entourage féminin non professionnel

  • 102 Marie-Françoise Collière, art. cit., p. 205.
  • 103 APSA, 4n2 n° 5, Instructions aux Filles de Sainte Monique, entretien du 24 janvier 1886. L’associat (...)
  • 104 Yvonne Verdier, Façons de dire..., op. cit., p. 89
  • 105 Danielle Tucat, Les sages-femmes à Paris, 1871-1914, thèse de 3e cycle sous la dir. de Michelle Per (...)
  • 106 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 1er février 1881.
  • 107 APSA, 2M3 n° 6. Grenelle 1910.
  • 108 Sur les parturientes de Grenelle des années 1880, 1890, 1900 et 1910, il s’agit du seul cas recensé (...)

30Traditionnellement, la naissance est un moment de sociabilité presque exclusivement féminine et une sœur garde-malade peut y trouver sa place, d’autant que les premières gardes-malades ont souvent été des sages-femmes qui ne trouvaient pas à s’employer102. À côté de récits mettant en avant la solitude de la parturiente, d’autres font apparaître la famille, le mari, des voisines ou un entourage féminin. À partir des années 1880, les femmes des milieux populaires soignées par les Petites sœurs, et ayant rejoint l’association des Filles de Sainte Monique qui leur est dédiée, sont par ailleurs encouragées à assister leurs voisines lorsqu’elles sont en couche103. La sage-femme a en effet besoin d’une personne pour l’aider, rôle joué par la « femme-qui-aide » dans le village104, et s’il s’agit souvent de la mère, belle-mère ou la voisine, le mari, surtout dans les classes populaires, peut être mis à contribution105. La présence des sœurs et des dames servantes apparaît comme un remède à la rupture de solidarité générée par l’installation en ville et le travail ouvrier, comme en témoignent les récits de visites aux malades : en 1881 à Grenelle, une jeune accouchée veuve et sa belle-mère « voyant qu’elles n’étaient aidées dans leur malheur que par des religieuses, elles ont sérieusement réfléchi, et se sont toutes deux approchées des sacrements »106. La présence d’un entourage féminin proche de la parturiente et disponible peut être à l’inverse une raison du départ des sœurs, même si la durée des soins post-partum n’est pas achevée : en octobre 1910, la sœur ne reste que 4 jours auprès de Mme Clément en couches puisque « sa mère a continué de la soigner »107. Cependant, de tels cas sont rares108 et dans de nombreux récits qui valorisent le rôle des religieuses et des dames servantes, la solitude – ou le mauvais entourage – des familles et plus spécifiquement de la femme est un trait frappant. Face à la sage-femme qui doit s’occuper de l’accouchement à proprement parler, les sœurs et la dame servante peuvent être les auxiliaires qui entourent l’accouchée, aident la sage-femme à préparer l’accouchement, et assistent la parturiente. Elles peuvent apporter des paroles consolantes ou rassurantes, des prières ou des conseils afin de rassurer la femme qui accouche, mais aussi disposer dans la pièce des objets religieux, moyen dès lors de remédier à la laïcisation de la naissance.

  • 109 Yvonne Knibiehler, Histoire des mères et de la maternité en Occident, Paris, PUF, QSJ, 2e éd., 2009 (...)

31La présence de la « Dame servante » n’est pas systématique. Les dames charitables ont acquis tout au long du xixe siècle un véritable savoir-faire dans la visite des pauvres, servant de relais d’information aux médecins mais aussi de diffusion des principes d’hygiène auprès des femmes du peuple109. Intermédiaires entre le monde religieux et le monde laïc, elles ont un rôle fondamental dans la collecte et la distribution des secours matériels à la famille indigente qu’elles visitent avec les sœurs. Entre les dames charitables et les religieuses, la délimitation des attributions n’est pas systématiquement précisée, même si les récits mettent l’accent sur l’aspect matériel des soins fournis par les Dames servantes :

  • 110 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 18 juin 1878.
  • 111 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 13 avril 1880.

Mme Robinet, 5 enfants, a été secourue par une Dame Servante qui a assisté à la venue du dernier enfant, a accompli à la lettre son rôle de servante, et a pourvu à toutes les dépenses pendant un mois. Toute la famille a fait ses Pâques110.
Nous avons soigné une femme très intéressante, dont le mari s’est tué en tombant d’un échafaudage. Cette femme est devenue mère, bientôt après de deux jumeaux. Ces pauvres enfants sont morts sans avoir pu recevoir le baptême. Les Dames Servantes ayant fait entre elles une petite collecte, lui ont procuré ce qui était nécessaire. Elle a fait ses Pâques et est bien rétablie111.

  • 112 Matthieu Brejon de Lavergnée, La société Saint-Vincent-de-Paul au xixe siècle : un fleuron du catho (...)

32La Dame servante fait donc partie de l’entourage de l’accouchée, et la suit plus longtemps que les sœurs, soutenant matériellement la famille pendant le repos de la parturiente. Le qualificatif d’intéressante renvoie à la possibilité de l’œuvre religieuse et de sa réalisation112, et la communion pascale clôt symboliquement la période de secours avec l’accomplissement du devoir religieux et la réintégration dans l’Église.

33La sociabilité autour de l’accouchement reste féminine, et les pères ne jouent qu’un rôle secondaire. Soit ils sont décédés ou incapables de subvenir aux besoins de la famille, soit ils sont farouchement opposés à la présence de la sœur, configuration particulièrement accrue alors que s’intensifie la lutte contre les congrégations religieuses à l’aube de l’année 1900 :

  • 113 APSA, 2N2 n° 23, réunion du 28 novembre 1899.

L’état de la malade s’aggravait, le cas devenait infectieux, et la mort devenait imminente. La femme qui soignait la malade prit peur, craignant la contagion et la laissa seule avec son enfant qui avait 3 jours, et deux autres en bas âge aussi. Le mari aux abois, n’ayant plus d’argent et ne pouvant rester auprès de sa femme sans perdre son travail, ne savait plus que faire, d’autant que des soins urgents, dévoués et intelligents étaient absolument nécessaires et il n’était pas capable de les donner. Dans la cité, où cette famille était bien connue pour son hostilité, tous suivaient avec anxiété le progrès du mal, et blâmaient l’entêtement du mari à ne pas demander une sœur, et ne se gênaient pas pour le lui dire. D’un autre côté, cet homme qui aimait beaucoup sa femme et qui pleurait déjà sa mort, ne voulant pas avoir à se reprocher de l’avoir laissé manquer de soins décidé enfin, mais c’est en blêmissant qu’il arrêta la P Sœur pour lui demander de monter chez lui. La malade en voyant une sœur qu’elle n’aurait osé espérer vu les dispositions de son mari se crut sauvée, et de suite le costume religieux lui rappela la manière dont elle avait été élevée. Dès le lendemain elle se confessait et recevait l’Extrême-onction. Nous lui avions fait espérer que nous déciderions son mari à faire bénir leur mariage ce qu’elle désirait beaucoup ; ce même jour contre toute attente l’enfant était baptisé. Le docteur vint dans la soirée il ne fut pas peu surpris du changement qui s’était opéré dans sa malade ; le mari ému au dernier point était partagé entre la reconnaissance et la rage, et c’est en grinçant qu’il remerciait les sœurs, une d’elle profita de ce bon moment pour lui arracher le consentement au mariage. (…) Le lendemain matin la malade fit la Ste Communion avec les sentiments d’une profonde reconnaissance, d’autant plus grande qu’elle se sentait guérie. Quand le docteur revint ce fut pour constater la guérison113.

34Les soins puerpéraux comme la question religieuse produisent une opposition genrée des acteurs autour de la parturiente bien que tous aient le souci de la parturiente : la figure du médecin, impuissant, est en retrait ; et l’hostilité idéologique du père nuit aux soins à porter. Récit édifiant oblige, la dimension religieuse du soin apparaît extraordinaire – à tel point qu’elle suscite l’étonnement du médecin –, mais c’est le constat de l’amélioration de la santé qui convainc le mari à accepter les sacrements pour sa famille, signalant la double victoire médicale et religieuse des sœurs.

Le soin à l’accouchement et à la naissance

  • 114 APSA, Conférences destinées à l’instruction des gardes-malades, 1906, Cours 2.
  • 115 Mathilde Dubesset, « Les mutations d’une identité professionnelle : le cas des sages-femmes des ann (...)

35Dans la majorité des cas, les sœurs sont présentes pour les soins de l’accouchement, et sont formées à la maison mère au début du xxe siècle : « Vous pénétrant bien de ce qu’a dit le médecin, qui seul peut juger de la gravité du mal, puisqu’il y a un nombre considérable de maladies différentes pouvant atteindre ces organes ; vous aurez ainsi une ligne de conduite toute tracée et arriverez à guérir les plaies physiques et morales dont nous parlons, en améliorant l’état des femmes, mères de famille »114. Les soins de l’accouchement sont donc difficiles à définir, et comprennent aussi bien des aspects médicaux, matériels, sociaux et religieux. Ils s’adressent aussi bien à l’accouchée qu’au nouveau-né et à leur entourage dans le domicile. Les gestes des sœurs nous restent inconnus, les récits de visites lors des naissances sont rares et mentionnent peu le corps de la femme face aux autres aspects qui situent la parturiente et son foyer. Écrits lors des réunions des Dames servantes en présence d’une sœur – l’auteur n’est pas précisé, il peut s’agir d’une sœur ou d’une dame –, ils émanent d’un partage de leurs expériences et possèdent une valeur édifiante. Les soins du ménage et pour le nouveau-né sont qualifiés par leur qualité, insistant sur l’efficacité de l’intervention. La sœur garde-malade accompagnée de la dame servante peut s’insérer dans un interstice de soin qui ne serait pas suffisamment pris en charge par une sage-femme caractérisée par sa fonction médicale, même si dans les quartiers populaires elle doit être aussi une éducatrice aux pratiques d’hygiène115. Le temps passé par les sœurs au chevet des accouchées a diverses explications : temps de convalescence propre à chaque parturiente, temps avant la reprise du travail, temps nécessaire à la mission religieuse dont elles se sentent investies ; auxquels correspondent différents aspects du soin.

Sacrements et secours religieux

  • 116 APSA, Journal de la Maison Mère, 18 juillet 1878, 30 avril 1880.
  • 117 APSA, 2M3, n° 3.

36La mission religieuse mise en avant par leurs écrits confère aux sœurs une assignation particulière, qui les conduit à être attentives aux sacrements. Les rares écrits sur les femmes en couches et bébés présentent l’action des sœurs pour favoriser baptêmes ou ondoiement des nourrissons. Si leur activité médicale est sous représentée, voire tue dans leur Journal, leur réussite en sacrements est par contre valorisée : sœur Marie-Aloysia, déjà distinguée en 1878 pour avoir réussi à faire ondoyer et baptiser un bébé mourant, retrouve en avril 1880 trois enfants à faire baptiser116. Le jour même, elle croise une femme qui lui demande d’assister à une messe pour ses relevailles, et qu’elle convainc de se confesser et de communier. Les sœurs cherchent à faire respecter les prescriptions de l’Église, et se conçoivent comme des agents de christianisation. De nombreux baptêmes sont recensés par les sœurs dans leurs registres chaque année, mais ils concernent plus souvent deS adultes ou des enfants que de nourrissons : en 1890, seuls trois enfants de parturientes apparaissent117. L’efficacité des sœurs auprès des accouchées pour inciter au baptême n’est pas évidente, et l’on ne peut corréler facilement le sacrement au type de soin qui lui serait naturellement associé.

  • 118 APSA, 2M3, n° 4 et 5. En 1880 et 1890, respectivement 85 % et 79 % des parturientes vivent dans la (...)
  • 119 AS, Registres Archevêché de Paris, Paroisse Saint-Jean-Baptiste de Grenelle, D6J 7385 pour 1890, D6 (...)
  • 120 Vincent Gourdon « L’hygiénisme français et les dangers du baptême précoce. Petit parcours au sein d (...)
  • 121 Deux cas ne sont pas renseignés.
  • 122 APSA, Journal de la Maison Mère, 15 juillet 1878, 16 septembre 1879, 8 février 1880, 20 juillet 188 (...)

37Pourtant, les registres de la paroisse de Saint-Jean-Baptiste de Grenelle où vivent la majorité des parturientes soignées par les sœurs de Grenelle118 attestent des baptêmes des enfants119. En 1890, 53 enfants sur les 93 familles de la paroisse soignées par les sœurs sont baptisés, et un ondoyé. Neuf le sont dans les trois jours suivant la naissance, signe de la persistance d’une pratique qui va à l’encontre des prescriptions des médecins120. Dans la majorité des cas (35) les sœurs sont présentes au chevet de la mère, trois baptêmes ont lieu le lendemain de leur départ, et dans les autres cas plus tard121. En 1900, 31 nouveau-nés, soit la moitié des familles visitées par les sœurs, sont baptisés dans les six mois suivant leur naissance : seize alors qu’elles sont présentes, et douze alors que les sœurs ont cessé de prodiguer des soins. La majorité des baptêmes ne sont pas relatés, sans doute en raison de l’accord des parents, et ceux mis en récit attestent d’un long combat des sœurs et dames servantes, les opposant à la famille et surtout au père122. Il n’est souvent remporté qu’après une crise où la vie de l’enfant est en péril :

  • 123 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 19 mars 1881.

À Grenelle nous avons eu trois mariages réhabilités, 2 baptêmes. Un de ces enfants avait six semaines. Nous ne pouvions obtenir le consentement du père. Une DS qui soigne la mère avec une PS joignait ses efforts aux nôtres. Dimanche enfin la place a été prise d’assaut, et on a apporté l’enfant à l’Église, dès que le père a eu dit oui.
Les parents se refusaient au baptême du second. L’enfant pris d’une convulsion, semblait être sur le point de rendre le dernier soupir. La PS effrayée, et craignant de le voir mourir, s’est hâtée de l’ondoyer. Il y a eu aussitôt réaction, le baby a repris connaissance. Les parents ne se sont pas fâchés, et ils ont accepté sans effroi les cérémonies de l’Église123.

  • 124 Vincent Gourdon et al., « L’ondoiement en paroisse à Paris au xixe siècle », Histoire urbaine, 20 (...)
  • 125 APSA, 2M3 n° 6 ; AS Archevêché, D6J 8735.
  • 126 Vincent Gourdon et al., « L’ondoiement en paroisse à Paris au xixe siècle », op. cit., p. 160 et (...)
  • 127 APSA, 2M3 n° 6 et AS, Archevêché, D6J 8735.
  • 128 Gérard Cholvy, Christianisme et société en France au xixe siècle, 1790-1914, Paris, Seuil, nouvelle (...)
  • 129 Vincent Gourdon, « L’ondoiement en paroisse à Paris au xixe siècle », op. cit., p. 178.

38L’initiative d’une sœur pour l’ondoiement est une pratique rare mais réelle124 et, sans pouvoir définir le rôle réel que la sœur a joué, on retrouve des nourrissons comme Jeanne Le Bail, ondoyée dans la paroisse le 25 septembre « en danger de mort » alors que les sœurs soignent toujours sa mère125. La crainte provoque le revirement religieux des parents, confirmant la montée de l’ondoiement pour péril de mort à Paris à la toute fin du xixe siècle, en dépit de la déchristianisation126. D’ailleurs, cette pratique peut être indépendante de la présence des sœurs : Henri Lair est ondoyé « pour cause de danger de mort » le 27 octobre 1890 au domicile de ses parents, alors que les sœurs sont parties le 28 septembre127. Les familles soignées par les sœurs sont-elles moins déchristianisées que la moyenne des milieux ouvriers ? L’action des sœurs pour inciter au baptême est-elle efficace ? Il paraît difficile de trancher ici, et d’affirmer qu’à l’aube du xxe siècle la majorité des ouvriers restent christianisés128. On peut considérer néanmoins que les milieux populaires « conservent un fonds de religion chrétienne suffisamment prégnant pour les pousser à mettre leur enfant en conformité avec l’Église catholique en cas de danger grave »129, mais aussi en l’absence de péril majeur dans les cas où ils sont soignés par des sœurs.

39Pour les sœurs s’opère une rupture entre la temporalité des soins et l’enjeu religieux : elles continuent à prodiguer des soins sans résultat religieux, signe qu’à côté de la mission religieuse existe aussi le souci de lutter contre la mortalité infantile et de porter secours aux familles indigentes, tout en gardant sans doute l’espoir que des soins prolongés amènent finalement la famille à la conversion et au baptême. D’un autre côté, le soin dispensé est l’occasion d’une mission religieuse plus vaste qui s’inscrit dans leur vocation et dépasse l’enjeu de circonstance.

  • 130 Jacques-Olivier Boudon, Paris, capitale religieuse du Second Empire, Paris, Cerf, 2001, p. 147-151. (...)
  • 131 Anne Cova, Au service de l’Église, de la patrie et de la famille : femmes catholiques et maternité (...)
  • 132 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 9 mars 1880.
  • 133 APSA, 4A1 n° 19, Copie manuscrite du rapport de 1874 de E. Pernet aux Dames bienfaitrices.

40Leur volonté de régulariser les mariages et de réintégrer les familles dans l’Église s’inscrit dans la tradition de sociétés existantes130, et à la fin du xixe et au début du xxe siècle coexiste avec les ligues féminines catholiques qui voient dans les œuvres de protection de la maternité et de l’enfance un « moyen de régulariser les mariages et d’obtenir des baptêmes »131. La naissance est pour les sœurs un prétexte de la mission religieuse : en 1880 « on nous a averties, que cette femme venait de mettre au monde son second enfant. C’était le cas d’avoir une entrée chez elle, quoiqu’elle ne nous demandât pas »132. Le cas est d’autant plus frappant auprès des protestantes, ainsi que le supérieur de la congrégation en fait le récit pour les dames bienfaitrices. Au départ la femme est réticente, mais ayant besoin de soins particuliers, et avec la promesse d’une layette par la sœur, elle accepte sa présence. La sœur lui rend visite, prépare la tisane et à manger, ajoute de l’eau bénite dans le foyer et met une médaille miraculeuse de la Vierge sous le matelas, qu’elle passe autour du cou de la parturiente au moment où elle accouche133. La promesse de secours matériels permet l’accès des religieuses, la sacralisation de l’espace renvoie aux pratiques traditionnelles de l’accouchement sécurisant un moment périlleux et participe à un protocole de conversion au catholicisme. Le rôle des sœurs ne peut donc se comprendre si l’on n’intègre pas la dimension religieuse qui est fondamentale et apparaît comme la fin des secours matériels et du soin.

  • 134 Jacques Gélis, L’arbre et le fruit : la naissance dans l’Occident moderne, xvie-xixe siècle, Paris, (...)
  • 135 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 23 novembre 1880.

41Enfin, les relevailles, qui doivent marquer la fin de la « souillure » de l’accouchée, semblent plus ou moins abandonnées. Dans les régions qui les pratiquaient encore, le temps avant les relevailles était tombé à quelques jours au xixe siècle et cette croyance relevait moins de l’Église que de croyances populaires134. Le temps passé auprès des parturientes est trop variable pour obéir à une logique rituelle, même si cette pratique est mentionnée dans les sources des sœurs : « L’autre que nous avons soignée pour ses couches est venue se confesser et a communié pour ses relevailles. Elle nous a dit n’avoir pas manqué ses prières du matin et du soir, depuis qu’elle est mariée »135. L’intégration des relevailles clôt le cycle du retour de la femme aux pratiques de la religion et surtout aux sacrements : mariage régularisé, confession, communion une fois relevée. Le rite lié à la naissance signale la réintégration de la femme dans l’Église et consacre dès lors l’efficacité de la mission des sœurs lors des soins à la parturiente, mais le mariage semble aussi important que la messe des relevailles où aucun des éléments du rite n’est mentionné.

42Les sœurs accompagnent les pratiques religieuses liées à la naissance, s’inscrivant dans un héritage toujours présent à la fin du xixe siècle à Paris. Si le désir de re-catholicisation est au cœur de l’apostolat des sœurs, l’examen de ses résultats est cependant en demi-teinte et ne suffit pas à lui seul à expliquer la présence des sœurs auprès des accouchées, bien que ce soit ce qu’elles valorisent.

Soins du ménage et secours matériels

  • 136 G. Jacquemet, op. cit., p. 246.
  • 137 AAP-HP, 791 FOSS 34 5, Rapport sur le contrôle des accouchements à domicile, 4e trimestre 1899, fai (...)
  • 138 APSA, 2N2 n° 15, réunion du 17 janvier 1882.
  • 139 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 1er février 1881.

43Les secours matériels aux femmes en couches font traditionnellement partie du rôle des sœurs, des dames charitables et des différentes œuvres privées. Ils s’inscrivent dans la tradition de la charité et du catholicisme social, porté par l’encyclique Rerum Novarum de Léon XIII en 1891 qui consacre le rôle de la mère et de la femme au foyer. Si, à partir de 1894, des secours de grossesse sont distribués aux femmes enceintes par les bureaux de bienfaisance, la somme des aides versées est limitée136 ; la protection maternelle juste avant et après l’accouchement reste insuffisante jusqu’à la veille de la Première Guerre mondiale. Le manque de linge, la misère des intérieurs, la chambre unique sont constatés par l’Assistance publique en 1900137. L’alitement des parturientes fait qu’elles ne peuvent s’occuper des soins du ménage. C’est par là que les sœurs et dames servantes, interviennent d’abord. Elles font appel à la charité pour obtenir des layettes et des objets matériels nécessaires à la naissance et aux premiers jours de l’enfant, s’exclamant ainsi en 1882 : « Que d’enfants nouveaux nés trouvons-nous aussi, sans avoir rien pour les emmailloter ! Nous serions très reconnaissantes de tout le linge qu’on pourrait nous donner, vieux ou neuf »138. Les descriptions misérabilistes des intérieurs valorisent le changement introduit par leur action conjointe139 et leur rôle dans les milieux populaires, bien qu’il concerne un nombre restreint de parturientes, est donc nécessaire. Il explique le rôle déterminant de l’argument des secours pour voir les portes de domiciles hostiles à la religion, s’ouvrir devant les sœurs : ainsi, elles interviennent dans des familles

  • 140 APSA, 2N2 n° 12, Levallois 1878 1879.

n’avait la moindre idée religieuse. Pendant quelques jours nous nous sommes bornées aux soins matériels donnés à la malade, nous contentant de faire une petite prière le matin et le soir. Elle l’acceptait à peine, et quand son mari était là, elle avait l’air de ne pas même savoir ce que nous faisions. (…) Le mari s’est peu à peu familiarisé avec la prière, et reconnaissant des soins et des secours que nous tâchions de leur procurer, son cœur s’est enfin ouvert140.où ni le père ni la mère

  • 141 APSA, 2N2 n° 15, réunion du 9 mars 1882.
  • 142 Yvonne Knibiehler, Histoire des mères..., op. cit., p. 81.
  • 143 Statuts de 1884, cités dans APSA, Sœur M. Rémond, Partage du charisme des Petites Sœurs de l’Assomp (...)
  • 144 Ibid., p. 13 ; 4N2 n° 5, Instructions aux Filles de Sainte Monique. Le 22e entretien du 24 janvier (...)
  • 145 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 25 mars 1880.
  • 146 Anne Cova, Maternité et droits des femmes en France…, op. cit., p. 102, 124 et 133-134. Pour les po (...)

44À côté des secours matériels, les sœurs définissent elles-mêmes leur rôle : « Nous soignerons vos enfants, ferons votre ménage et quand votre mari rentrera il trouvera le dîner prêt »141. Elles s’occupent des tâches considérées comme maternelles et ménagères que la parturiente ne peut momentanément accomplir, et montrent le rôle qu’elles devront à nouveau remplir une fois l’état de parturition terminé, même si les récits ne comportent pas d’éloge spécifique de la maternité sur un modèle marial. Cette entreprise portée par les dames charitables parcourt le xixe siècle prend plus d’ampleur à partir des années 1880 où la maternité et le familialisme deviennent en France un projet politique142 auquel participent sages-femmes et dames visiteuses de l’Assistance publique. Dans le cas des Petites sœurs, ces principes sont non seulement transmis au moment des visites, mais aussi sur le long terme lorsque ces femmes soignées rejoignent l’association de laïques fondée en 1884 et associée à la congrégation : les Filles de Sainte Monique dont le but est « la régénération chrétienne de la famille de la classe ouvrière »143. Réservée aux femmes des milieux populaires pour pérenniser leur pratique religieuse, elles reçoivent des instructions où le rôle de la femme est défini par sa fonction d’épouse et de mère et sont formées par les Dames Servantes à leurs tâches maternelles et ménagères144. Le travail en usine et la vie urbaine sont interprétés comme des facteurs d’immoralité mettant en péril la fonction maternelle de la femme et Paris apparaît clairement pour les sœurs comme une ville déchristianisée145. L’action des sœurs et de la congrégation auprès des femmes des milieux populaires n’est pas un phénomène isolé au tournant du siècle. Elle s’inscrit dans un mouvement général qui parcourt aussi bien les congrès féministes, les discours des parlementaires que les ligues catholiques de l’époque, à savoir éduquer les femmes à être de bonnes mères de famille et de bonne maîtresse de maison146, moraliser le peuple et surtout les ouvrières. Si les secours sont nécessaires pour lutter contre la misère ouvrière, ils doivent rester limités dans le temps et céder la place à une éducation morale et religieuse.

Soins pour l’accouchée et le nouveau-né

45Le rôle des Petites sœurs de l’Assomption et des Dames servantes auprès des parturientes ne se limite pas à des secours religieux et matériels, elles prodiguent des soins au foyer dont la dimension médicale n’est qu’un aspect.

  • 147 Article « Couche, couches, suites de couches » in A. Dechambre (dir.), op. cit., p. 431‑435.
  • 148 APSA, 2M3 n° 3 à 6. En 1910, 61 femmes (sur 105) sont soignées pendant 1 à 2 semaines, près d’1/5e (...)

46À l’état puerpéral correspondent plusieurs temps pour l’accouchée et la soignante. Les premiers jours après la naissance sont particulièrement propices aux risque d’infection et les médecins soutiennent un alitement quasi continu pendant les huit jours suivant l’accouchement, et recommandent généralement une quinzaine de jours de repos pour la femme, voire trente avant une première sortie hors du foyer147. Les durées de soins sont variables, mais la majorité des sœurs restent entre une semaine et demie et deux semaines auprès de la parturiente et de l’enfant148, soit un temps qui correspond peu ou prou à celui de la sage-femme et définit sans doute l’état de puerpéralité pratique de l’accouchée.

47Pendant le temps de garde, la sœur veille au recouvrement de la santé de la parturiente :

  • 149 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 9 mars 1880.

La malade s’était levée, était sortie, et ne rentra qu’une demi-heure après, pâle et défaite. La PS s’empressa de la faire mettre au lit, lui donna quelque chose de chaud à boire et lui fit comprendre l’imprudence qu’elle venait de commettre. Ensuite elle s’occupa des enfants, mit de l’ordre dans la petite chambre, prépara le dîner149.

  • 150 Gérard Jacquemet, Belleville au xixe siècle, du faubourg à la ville, Paris, Éd. de l’EHESS, 1984, p (...)

48Le repos pour les femmes accouchées n’est pas encore légal alors que médecins et politiques s’accordent pour affirmer sa nécessité pour le bien-être de la femme et du nouveau-né. Il faut attendre les années 1890 pour voir se développer une véritable assistance à la femme enceinte et la jeune accouchée en complément des œuvres charitables150. Le soin des Petites sœurs et Dames servantes aux accouchées se développe en comblant un vide juridique et leur présence permet d’assurer le repos de la parturiente avant la loi de 1913 qui prévoit quatre semaines de repos obligatoire et une indemnité pour les femmes indigentes qui travaillent.

  • 151 AAP-HP, 791 FOSS 34 5, Rapport sur le contrôle des accouchements à domicile, 4e trimestre 1899, fai (...)
  • 152 AAP-HP, Procès-verbaux du Conseil de surveillance de l’Assistance publique, 1 L 35, séances du 3 ma (...)
  • 153 APSA, Conférences destinées à l’instruction des gardes-malades, 1906, cours 13, p. 115‑121.

49Il n’est pas à exclure que les sœurs apportent des soins médicaux aux parturientes bien que les soins directement liés à la génitalité relèvent des devoirs de la sage-femme : pendant les 9 jours qui suivent l’accouchement, elle est censée prodiguer à l’accouchée les soins médicaux, pansements et toilettes151. Les rapports de 1899 et 1900 précisent que les visites des sages-femmes sont régulières et même, dans certains cas, assez nombreuses, mais les soins sont parfois loin des exigences des médecins, notamment par manque des substances antiseptiques, ce qui conduit à la prise de mesures pour assurer la mise à disposition par les bureaux de bienfaisance des produits nécessaires aux soins médicaux de la naissance152. Certains soins peuvent être pratiqués par les sœurs, formées à l’hygiène des seins de la parturiente qui doit allaiter, soins qu’elles doivent prodiguer avant et après l’accouchement153.

  • 154 AAP-HP, 791 FOSS 34 5 : Société médicale des Bureaux de Bienfaisance de Paris, De l’organisation du (...)
  • 155 APSA, 2M3 n° 3, Grenelle 1880. AS Reg. AD. XV arrdt, V4E 4615.
  • 156 APSA, 2N2 n° 18, Réunion du 29 janvier 1889.
  • 157 APSA, 2M3 n° 3 à 6.

50Un trait frappant des registres des sœurs est le taux particulièrement élevé des parturientes « guéries » : il semblerait qu’aucune femme ne décède suite à ses « couches ». Certes la mortalité maternelle à domicile reste très faible en cette fin de siècle : pour les accouchements pratiqués dans le cadre des bureaux de bienfaisance, le taux varie entre 0,012 % et 0,07 % par an entre 1890 et 1896, (soit entre 2 et 11 décès par an), pour un nombre total d’accouchements à domicile qui lui est compris entre 14 000 et 16 000154. Le risque d’infection et de mort reste présent à la naissance, tant pour la mère que pour l’enfant. La mention de fièvre puerpérale chez les sœurs l’atteste, tout comme les cas de péritonite précédemment évoqués dont l’issue peut être fatale : ainsi, Mme Boutry meurt le 21 septembre 1880155, et la « jeune mère de 19 ans atteinte d’une péritonite » décède quelques jours après son enfant156. La présence des sœurs, bien qu’elle permette le repos de la femme et des soins, ne garantit pas la survie. Certaines de leurs parturientes sont envoyées à l’hôpital : un cas pour « suites de couches » en 1880 et 1890, et deux en 1910 pour une fausse couche et une suite de couches157. Cela signale à la fois les limites de leur rôle médical de garde-malade, mais également l’affirmation progressive de l’hôpital comme lieu de soins pour les femmes en couches.

  • 158 Yvonne Verdier, op. cit., p. 95-99.
  • 159 APSA, Journal de la Maison Mère, 2 avril 1881.
  • 160 APSA, Conférences destinées à l’instruction des gardes-malades, 1906, 12e cours, p. 106‑112.
  • 161 Ibid., 13e cours, p. 115-120.
  • 162 Anne Cova, Au service de l’Église…, op. cit., p. 30 et Maternité et droits des femmes…, op. cit., p (...)
  • 163 Manuel des œuvres et institutions charitables, Paris, Poussielgue, 1877, p. 10. La Société de Chari (...)
  • 164 Yvonne Knibiehler, La femme et les médecins : étude historique, Paris, Hachette, 1983, p. 186‑188.

51Les nourrissons sont par ailleurs l’objet de soins particuliers, comme la « femme-qui-aide » s’occupe toujours de l’enfant158. « Nouveau-né » ou « baby » sont omniprésents dans les récits, et focalisent l’attention des sœurs et dames servantes lors de leurs visites aux accouchées. En avril 1881, alors que le médecin et le prêtre s’affairent autour d’une femme mourante qui a accouché un mois avant terme, sœur Marie de la Visitation donne les soins au bébé159. Les sœurs sont formées pour prendre l’enfant « au lendemain de sa naissance »160 : maillot et couches, propreté de l’enfant et du berceau, sommeil, allaitement maternel ou précautions à observer si une nourrice est nécessaire. Les nouveau-nés soignés par les sœurs peuvent être atteints d’afflictions caractéristiques de la naissance, comme ophtalmie et faiblesse, à l’image de ce que la visiteuse de l’Assistance publique a observé en 1900. Les sœurs se doivent d’encourager les mères à allaiter161, allant ainsi tout à fait dans le sens des recommandations maternalistes et hygiénistes des médecins, des pouvoirs publics et des féministes de l’époque, l’allaitement étant considéré comme un remède à la mortalité infantile, et participe à une redéfinition du rôle de la « vraie mère », celle qui allaite162. Si l’action des sœurs se déploie dans un cadre privé et hors tout contrôle de l’administration, elles n’en préconisent pas moins des pratiques identiques à celles des pouvoirs publics et des œuvres163. La révolution pasteurienne de la fin du siècle a fortement contribué à délégitimer la présence des sœurs dans le domaine des soins164. Pourtant, l’accent mis par les Petites sœurs sur les principes d’hygiène, leur action pour favoriser le repos des parturientes et les soins aux nouveau-nés, la moralisation de la mère et la valorisation de son rôle au foyer ainsi que le recours à l’allaitement expliquent la pérennité de leur action auprès des pauvres. Quand bien même elles sont présentes en même temps que le médecin ou la sage-femme, ce qu’elles mettent en place s’accorde avec la mission de l’Assistance publique.

Conclusion

  • 165 Olivier Faure, « Les religieuses dans les petits hôpitaux en France au xixe siècle », in Jacqueline (...)

52Sans interdit spécifique ni règle particulière pour définir la proximité permise avec les parturientes, les Petites sœurs de l’Assomption prennent en charge des femmes sur le point d’accoucher ou en couches et les gardent à domicile. Elles prennent place parmi tous les acteurs du soin autour de la naissance. Aux côtés de l’entourage de la parturiente et des sages-femmes, elles prodiguent des soins complémentaires qui ont trait aussi bien à l’hygiène de la femme et du nouveau-né qu’au ménage et apportent des secours matériels. Comme ailleurs dans le domaine de l’assistance et de la santé, elles s’adaptent aux besoins de la société et aux savoirs pour y maintenir une influence religieuse et morale165. Prendre en compte le rôle des sœurs au domicile, à un moment de vie où elles ne sont pas spécifiquement attendues, nous conduit à envisager toutes les dimensions du soin qui peut être prodigué à des parturientes des milieux populaires urbains au tournant du siècle. Par leur vocation, les sœurs s’inscrivent dans une tradition de soin féminin et religieux qu’elles contribuent à maintenir au sein d’une naissance médicalisée et laïcisée au xixe siècle.

  • 166 Directoire des Petites Sœurs de l’Assomption, op. cit., Le chapitre XII est dédié au « zèle de la P (...)

53Cette dimension religieuse est l’occasion d’une négociation avec la parturiente et son entourage : accord ou refus temporaire de soin par les parturientes, ténacité dont les sœurs doivent faire preuve166. Avec des résultats mitigés, elles contribuent à ramener les femmes et leur entourage dans l’Église par la pratique des sacrements, que ce soit le baptême des enfants, la confession ou le mariage. Si cet aspect est particulièrement valorisé par les sœurs puisqu’il légitime leur vocation religieuse, elles soignent également lorsque l’enjeu religieux est moins fort. L’anticléricalisme de la Troisième République, qui transforme les sœurs soignantes en cibles de choix, ne semble pas perturber fondamentalement la prise en charge des accouchées par les Petites sœurs de l’Assomption. Leur action conjuguée à celle des Dames servantes s’inscrit en effet pleinement dans les débats républicains et les mesures prises pour protéger la mère et l’enfant dans un projet pluriel de moralisation de la classe ouvrière, de diffusion des principes hygiénistes dans la société, de protection de la mère et de l’enfant alors que la crainte de la dépopulation est renforcée par le comportement malthusien de la population. Alors que l’État tarde à légiférer sur la protection de la maternité, les sœurs investissent des foyers, prennent en charge les accouchées. Si l’action des sœurs et des dames servantes possède en outre une dimension proprement religieuse qui vise à ramener les ouvriers dans le giron de l’Église et éduquer les femmes à leur mission de mère chrétienne, action qui peut théoriquement aller à l’encontre de la politique de la République radicale, elle n’est pas un frein en matière de soins. Prodigués aux accouchées, ceux-ci, s’ils restent toujours partiellement masqués par le silence des sources, participent de la mission religieuse et sociale des sœurs à la fin du xixe et au début du xxe siècle.

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Notes

1 Circulaire du ministre de l’Intérieur Duchâtel aux préfets du 26 septembre 1839, sur les « Traités entre les administrations charitables et les congrégations religieuses » Article 11 du deuxième projet de traité.

2 AFC Paris MM, 1148, Règles communes et particulières avec les Statuts et Reglemens Généraux de la Compagnie des Filles de la Charité Servantes des pauvres malades. Le premier règlement date de 1672.

3 Odile Arnold, Le corps et l’âme, la vie des religieuses au xixe siècle, Paris, Seuil, 1984 p. 213. Voir par exemple les Constitutions des religieuses hospitalieres de la Charité Noftre Dame, de l’Ordre de faint Auguftin, eftablies à Paris par l’authorité de Monfeigneur l’Illuftriffime et Reuerendiffime Meffire Iean François de Gondy Archeuefque de Paris, Paris, 1635. Les sœurs ont l’interdiction formelle de recevoir des « femmes grosses » dans leurs hôpitaux.

4 Yvonne Knibiehler note quelques écarts à cette règle, in Cornettes et blouses blanches : les infirmières dans la société française : 1880-1980, Paris, Hachette, 1984, p. 42.

5 Olivier Faure, La médicalisation de la société dans la région lyonnaise au xixe siècle (1800-1914), thèse d’État sous la dir. d’Yves Lequin, Université Lumière Lyon II, 1989, p. 390.

6 Scarlett Beauvalet-Boutouyrie, Naître à l’hôpital au xixe siècle, Paris, Belin, 1999, p. 26‑27.

7 Marie-Claude Dinet-Lecomte, Les sœurs hospitalières en France aux xviie et xviiie siècles, Paris, Honoré Champion, 2005, p. 355-356.

8 J. Tenon dans son Mémoire sur les hôpitaux de Paris de 1788 évoque le soin par les sœurs « des femmes grosses, comme infirmières de jour, comme veilleuses et comme sage-femmes [sic] » à l’Hôtel-Dieu de Lyon, cité dans Marie-Claude Dinet-Lecomte, op. cit., p. 317, et p. 354-357 sur le rôle des sœurs accoucheuses ; Olivier Faure, Les Français et leur médecine au xixe siècle, Paris, Belin, 1993, p. 24 ; Les sœurs de la Maternité de Metz sont des sœurs sages-femmes formées à l’intervention obstétricale : Natalie Sage-Pranchère, L’école des sages-femmes. Les enjeux sociaux de la formation obstétricale en France, 1786-1916, thèse sous la dir. d’Olivier Faron, Université de Paris-Sorbonne, 2011, p. 365-371.

9 Archives de l’AP-HP (désormais AAP-HP), RAC 1J3, Circulaire du 4 février 1863 aux directeurs – surveillance à exercer sur les femmes nouvellement accouchées.

10 Marie-Claude Dinet-Lecomte, Les sœurs hospitalières..., op. cit., p. 356.

11 Olivier Faure, La médicalisation de la société..., op. cit., p. 32.

12 Directoire des Petites Sœurs de l’Assomption, Ligugé, Impr. Saint-Martin, 1897, p. 8.

13 Dames charitables issues de milieux aisés, elles sont regroupées dans une association fondée par le père Pernet en 1876 et associée à la congrégation.

14 Ces récits portent sur l’ensemble des activités de la congrégation et sont centralisés, lus et réécrits à la maison mère de Grenelle.

15 Suite à la reconnaissance du caractère contagieux de la fièvre puerpérale et de la généralisation de l’antisepsie en 1880 dans les hôpitaux, l’accouchement à l’hôpital devient plus sûr et croît jusqu’à constituer un tiers des naissances en 1900. S. Beauvalet-Boutouyrie, op. cit., p. 356.

16 Fonds Fosseyeux des Archives de l’Assistance publique, AAP-HP, 791 FOSS 34 5, Réorganisation du service des accouchements à domicile, 1898-1900.

17 Claude Langlois, « Congrégations et professionnalisation : les gardes-malades à domicile » in id., Catholicisme, religieuses et société. Le temps des bonnes sœurs, Paris, Desclée de Brouwer, 2010, p. 39.

18 Lenard Berlanstein, The Working people of Paris, 1871-1914, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1984, p. 13.

19 Plusieurs autres maisons de la congrégation sont créées durant cette période, à Belleville, Saint-Philippe du Roule, Montmartre, Levallois, ainsi que dans d’autres villes de France et à Londres, mais nous ne disposons pas de registres détaillés de visites de malades, ou seulement pour quelques années (1878-1882). Les registres de visites des malades par les sœurs sont exhaustifs pour Grenelle de 1880 à la Première guerre mondiale, et partiels de 1865 à 1880.

20 Article « Puerpéralité », in Émile Littré et Charles Robin, Dictionnaire de médecine, de chirurgie, de pharmacie de l’art vétérinaire et des sciences qui s’y rapportent, Paris, Librairie Baillière et Fils, 14e éd., 1878 ; article « Couche, couches, suites de couches » in Amédée Dechambre (dir.), Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, Paris, G. Masson, 1ère série, t. 21, 1877, p. 389.

21 Article « Puerpéralité », article « Couches », in Émile Littré et Charles Robin, op. cit. ; article « Couche, couches, suites de couches », in Amédée Dechambre (dir.), op. cit., p. 388.

22 Article « Couche, couches, suites de couches », in Amédée Dechambre (dir.), op. cit., p. 414.

23 Ibid., p. 388.

24 Archives PSA (désormais APSA), 2M3 n° 5.

25 On n’en recense pas moins de 150 entre 1807 et 1908 sur le catalogue de la Bibliothèque nationale de France.

26 Article « Métrite », in Amédée Dechambre (dir.), op. cit., t. 7, p. 387.

27 APSA, 2M3 n° 3, Grenelle 1880.

28 AA-HP, 1 L 41, Séance du 15 mars 1906 du Conseil de surveillance de l’Assistance publique, « Au sujet des parturientes infectées et de la place qu’elles doivent occuper dans les hôpitaux ».

29 « PS » signifie « petite sœur » et renvoie donc à la sœur chargée de garder la malade.

30 APSA, 2N2 n° 18, réunion du 29 janvier 1889.

31 APSA, 2N2 n° 23, réunion du 28 novembre 1899. Voir le récit plus bas.

32 APSA, 2M3 n° 3, Grenelle 1881.

33 Archives de la Seine, Reg. AN. XV arrdt, V4E 4618.

34 AAP-HP, 791 FOSS 34 5, Société médicale des Bureaux de Bienfaisance de Paris, De l’organisation du service des accouchements dans les Bureaux de Bienfaisance de Paris, rapport présenté au nom d’une Commission composée de MM. Billon, Bimsenstein, Dufournier, Gibert, Sébillotte, par M. Rueff, rapporteur, et adopté dans la séance du 8 décembre 1897. La liste comprend « métrites, salpingites, ovarites, pelvi-péritonites ».

35 Bernard Marchand, Paris, histoire d’une ville, xixe-xxe siècle, Paris, Seuil, 1993, p. 127‑132 ; Dominique Leborgne, Vie et histoire du xve arrondissement, Paris, Éditions Hervas, 1986, p. 55-56.

36 Thomas Le Roux, Le laboratoire des pollutions industrielles. Paris, 1770-1830, Paris, Albin Michel, coll. « L’évolution de l’humanité », 2011.

37 En 1900 dans le 15e les Religieuses franciscaines soignent également des malades à domicile. Eugène Duplessy, Paris religieux, guide artistique, historique et pratique dans les églises, chapelles, pèlerinages et œuvres de Paris, Paris, A. Roger et F. Chernoviz, 1900.

38 AAP-HP, 773 FOSS 8, médecins et sages-femmes des dispensaires et bureaux de bienfaisance (1860-1880), et 791 FOSS 34 5, Réorganisation du service des accouchements à domicile, 1898-1900. Elles sont quatre en 1860, cinq en 1865 et huit en 1900.

39 Manuel des œuvres et institutions charitables, Paris, Poussielgue, 1877, p. 15.

40 Manuel des œuvres : institutions religieuses et charitables de Paris et principaux établissements des départements pouvant recevoir des orphelins, des indigents et des malades de Paris, Paris, Poussielgue, 1900, p. 287.

41 Rachel Fuchs, Poor and Pregnant in Paris. Strategies for the survival in the nineteenth century, New Brunswick, Rutgers University Press, 1992, p. 32.

42 AAP-HP, 791 FOSS 34 5, De l’organisation du service des accouchements dans les Bureaux de Bienfaisance de Paris. Ce rapport établit que, pour toute la ville de Paris, entre 1890 et 1896, ce sont par an entre 14 000 et près de 16 000 femmes qui sont assistées dans le cadre du service d’accouchements à domicile de l’Assistance publique. Dans son « Rapport sur le contrôle des accouchements à domicile » pour le 4e trimestre 1899, S. Laurent, dame visiteuse des bureaux de bienfaisance, expose qu’elle a eu l’occasion de visiter pour ces trois mois 456 accouchées dont 34 pour le XVe arrondissement, ce qui ne représente pas l’intégralité des femmes accouchées sur l’arrondissement. APSA, 2M3 n° 6 ; En 1899, les sœurs visitent 89 femmes pour des soins liées à la génitalité.

43 APSA, 2M3 n° 3 à 6. Calculs établis à partir des registres des malades. Si l’on ne prend en compte que les femmes « en couches », cela représente en moyenne pour la même période 79 femmes soignées par an, soit 26 % de la population totale soignée par les sœurs. À partir de 1914, le nombre en valeur absolue de femmes en couches soignées diminue fortement (40 et 49 pour les années 1915 et 1916), ainsi que la part qu’elles représentent parmi les malades pris en charge par les sœurs (9,7 % et 9,1 % pour ces mêmes années).

44 APSA, 2M3 n° 3 et n° 6.

45 APSA, 2M3 n° 3 à 6. Entre 1901 et 1911, les parturientes représentent toujours entre 28 % et 38 % (entre 58 et 120 en chiffres absolus) de leurs malades soignées par an dans le quartier de Grenelle.

46 Sœur Madeleine Rémond, « Les Petites Sœurs de l’Assomption face à la loi sur les Associations, 1901-1914 », Bulletin de l’Association des Archivistes de l’Église de France, n° 58, automne 2002, p. 16-21.

47 Hilaire Multon, « Les Assomptionnistes et la loi de 1901 », in Jacqueline Lalouette et Jean-Pierre Machelon (dir.), Les congrégations hors la loi ? Autour de la loi du 1er juillet 1901, Paris, Letouzey et Ané, 2002, p. 171-178.

48 APSA, 3A n° 19, Constitutions des Petites-Sœurs de l’Assomption, Garde-malades des pauvres à domicile, Paris, Impr. Paul Feron-Vrau, 1901.

49 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 9 mars 1880.

50 AAP-HP, 9 L 119, Suivi des hôpitaux, service des accouchements : 1885-1888.

51 APSA, 2M3 n° 4. 405 malades sont soignés pour l’année, dont 74 femmes en couches, ce qui représente 18,3 % des malades. Sur la décennie, le nombre de malades soignés oscille entre 316 et 362, et le nombre de femmes en couches soignées entre 74 et 99.

52 Françoise Battagliola, Histoire du travail des femmes, Paris, La Découverte, 3e éd., 2008, p. 45.

53 APSA, 3A1, Approbation de la congrégation, premières constitutions. La congrégation à la fin du xixe siècle comprend environ 400 sujets, répartis dans 22 maisons sur 9 diocèses en France, Angleterre, Irlande et États-Unis. Une demande de bref laudatif par la Supérieure générale de la congrégation a été adressée au Vatican en 1896 et obtenue le 13 mars 1897.

54 APSA, 2M3 n° 4 et n° 6. En 1884, une femme atteinte de « fièvre purpurale (sic) » n’a pas été retrouvée dans les registres de naissance de l’état-civil, et aucune femme n’a été prise en charge pour une métrite ou une péritonite seule. En 1900, aucune femme n’est soignée par les PSA pour une métrite ou une péritonite.

55 Les pertes peuvent être dues à une autre orthographe ou à une erreur dans les registres. Ceux des sœurs ne sont pas tenus au jour le jour. Les âges indiqués et les patronymes ne concordent pas systématiquement. Pour retrouver dans les registres d’état civil les femmes mentionnées dans les registres des PSA, nous avons inclus les femmes dont le nom de famille était proche, et dans une fourchette d’âge d’une dizaine d’années. La présence d’un enfant né à la même adresse, avec un patronyme identique ou proche, nous paraissait suffisante pour établir l’identité des malades soignées. Confrontées aux travaux de R. Fuchs, les informations professionnelles que nous en retirons nous ont paru probantes.

56 Rachel Fuchs, Poor and Pregnant..., op. cit., p. 33.

57 AAP-HP, 9 L 119, Statistique professionnelle des femmes accouchées chez les sages-femmes agréées, 1884.

58 Françoise Battagliola, Histoire..., op. cit., p. 37.

59 Archives de l’AP-HP, 9 L 119, Statistique professionnelle des femmes accouchées chez les sages-femmes agréées, 1884. On recense pour l’année 1884, sur les 7042 femmes accouchées dans ce cadre, 1413 journalières, 1183 couturières, 429 blanchisseuses, 71 plumassières, 88 sans profession, 45 brodeuses.

60 Françoise Battagliola, Histoire..., op. cit., p. 38.

61 Rachel Fuchs, Poor and Pregnant..., op. cit., p. 33.

62 Claude Langlois, « Congrégations et professionnalisation, les gardes-malades à domicile », op. cit., p. 37 ; Christophe Charle, Histoire sociale de la France au xixe siècle, Paris, Seuil, coll. « Points », 1991, p. 288.

63 APSA, 2N2 n° 12, Compte rendu de missions de Dames Servantes, 1878-1879.

64 APSA, 2N2 n° 15, réunion du 20 mars 1883.

65 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 17 décembre 1878.

66 APSA, 2N2 n° 12, Levallois 1878 et 1879.

67 APSA, 2N2 n° 15, réunion du 31 janvier 1882. On le retrouve dans le Journal de la Maison Mère au 25 janvier 1882.

68 Hélène Lemesle, Vautours, singes et cloportes, Ledru-Rollin, ses locataires et ses concierges au xixe siècle, Paris, Association pour le développement de l’histoire économique, 2003, p. 185 ; Jean-Louis Deaucourt, Premières loges : Paris et ses concierges au xixe siècle, Paris, Aubier, « Collection historique », 1992, p. 96.

69 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 17 décembre 1878.

70 Jean-Louis Deaucourt, op. cit., p. 121-126, p. 228.

71 APSA, 2N2 n° 23, réunion du 28 novembre 1899. Voir le récit ci-dessous.

72 APSA, Journal de la Maison Mère, 4 mars 1879.

73 APSA, 2M3 n° 3 à 6.

74 APSA, 2N2 n° 24, réunion du 29 avril 1902.

75 APSA, 2N2 n° 29, réunion du 16 mars 1909.

76 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 9 mars 1880.

77 APSA, 2N2 n° 23, réunion du 8 mai 1900.

78 APSA, 2N2 n° 26, réunion du 16 février 1904.

79 Mireille Laget, Naissances. L’accouchement avant l’âge de la clinique, Paris, Seuil, coll. « L’Univers historique », 1982, p. 119.

80 Matthieu Brejon de Lavergnée, Histoire des Filles de la charité, Paris, Fayard, 2011, p. 482.

81 Natalie Sage-Pranchère, L’école des sages-femmes..., op. cit., p. 371.

82 Marie-France Morel, « Histoire de la naissance en Occident, xviie-xxe siècles », Société d’histoire de la naissance, article mis en ligne le 28 juin 2011 : http://www.societe-histoire-naissance.fr/spip.php?article2. Voir aussi id., compte rendu de Paul Cesbron et Yvonne Knibiehler, La Naissance en Occident, Clio. Histoire, femmes et sociétés, n° 21, 2005, « Maternités », p. 303-304 : http://clio.revues.org/1483.

83 Archives de la Seine, Reg. AN. XV ardt, V4E 9926, Alexina Lancôme, femme Darpoux déclare la naissance d’Albert Lantoine né le 26 décembre 1899 ; Reg. AN. XV ardt, V4E 9938, Louise Berjaud femme Riffard celle de Marcel Blanchoin, né le 30 décembre 1899 ; Reg. AN. XV ardt, V4E 9940 : Marie Méric, femme Grosse, déclare Germaine Lucas née le 5 juin 1900.

84 AAP-HP, 791 FOSS 34 5, Rapport sur le contrôle des accouchements à domicile, de S. Laurent, 28 décembre 1900.

85 APSA, 4A1 n° 18, Rapport aux bienfaitrices, 1874.

86 Tableaux effectués à partir des relevés des registres des sœurs et des registres de naissance de l’état-civil de la Seine, et pour l’année 1900 des registres de baptême de la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Grenelle. En 1884, les sœurs arrivent deux fois un ou deux jours avant la naissance, trois fois le jour même, treize fois dans les trois jours qui suivent la naissance, neuf fois dans la première semaine et une fois au bout de treize jours (28 cas retrouvés sur 81). Pour l’année 1900, parmi les cas retrouvés, la sœur arrive sept fois plusieurs jours avant la naissance, sept fois la veille, quatre fois le jour même, vingt-trois fois dans les trois jours qui suivent la naissance et trois fois dans la première semaine et demie.

87 Marie-Claude Dinet-Lecomte, Les sœurs hospitalières..., op. cit., p. 355-357.

88 Yvonne Verdier, Façons de dire, façons de faire, La laveuse, la couturière, la cuisinière, Paris, Gallimard, Bibliothèque des Sciences Humaines, 1979.

89 Olivier Faure, La médicalisation de la société..., op. cit., p. 32-33.

90 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 19 mars 1881 ; APSA, 2N2 n° 18, réunion du 29 janvier 1889.

91 Yvonne Verdier, Façons de dire..., op. cit., p. 101-103.

92 APSA, Journal de la Maison Mère, vendredi 29 juillet 1881.

93 Yvonne Verdier, Façons de dire..., p. 99.

94 APSA, Journal de la Maison Mère, 3 septembre 1880.

95 APSA, 2M3 n° 3 à 6. Pour les années 1880, 1890, 1900 et 1910.

96 APSA, 2M3 n° 3 à 6.

97 Odile Arnold, Le corps et l’âme..., op. cit., p. 213.

98 C’est le cas des trois sœurs qui prennent en charge le plus de parturientes en 1890 : la sœur Marie Henriette décède en 1895, la sœur Marie de l’Eucharistie en 1899 et la sœur Marie Edwine sort de la congrégation en 1899.

99 APSA, Conférences destinées à l’instruction des gardes-malades, 1906.

100 APSA, 2N2 n° 23, voir ci-dessous le récit de la réunion du 28 novembre 1899.

101 Marie-Françoise Collière, « Les soins à domicile : du pain aux “pauvres honteux”… à la pénicilline », in Marie-Françoise Collière et Évelyne Diébolt (dir.), Pour une histoire des soins et des professions soignantes, Sainte-Foy-lès-Lyon, AMIEC, 1988, p. 210.

102 Marie-Françoise Collière, art. cit., p. 205.

103 APSA, 4n2 n° 5, Instructions aux Filles de Sainte Monique, entretien du 24 janvier 1886. L’association est créée en 1884.

104 Yvonne Verdier, Façons de dire..., op. cit., p. 89

105 Danielle Tucat, Les sages-femmes à Paris, 1871-1914, thèse de 3e cycle sous la dir. de Michelle Perrot, Université Paris VII, 1983, p. 79.

106 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 1er février 1881.

107 APSA, 2M3 n° 6. Grenelle 1910.

108 Sur les parturientes de Grenelle des années 1880, 1890, 1900 et 1910, il s’agit du seul cas recensé.

109 Yvonne Knibiehler, Histoire des mères et de la maternité en Occident, Paris, PUF, QSJ, 2e éd., 2009, p. 82 ; Marie-Françoise Collière, art. cit., p. 211.

110 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 18 juin 1878.

111 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 13 avril 1880.

112 Matthieu Brejon de Lavergnée, La société Saint-Vincent-de-Paul au xixe siècle : un fleuron du catholicisme social, Paris, Cerf, 2008, p. 550.

113 APSA, 2N2 n° 23, réunion du 28 novembre 1899.

114 APSA, Conférences destinées à l’instruction des gardes-malades, 1906, Cours 2.

115 Mathilde Dubesset, « Les mutations d’une identité professionnelle : le cas des sages-femmes des années 1920-1950 à Saint-Étienne », in Olivier Faure (dir.), « Femmes soignantes (xviiie-xxe siècles) », Bulletin du Centre Pierre Léon d’histoire économique et sociale, n° 2-3, 1995, p. 39.

116 APSA, Journal de la Maison Mère, 18 juillet 1878, 30 avril 1880.

117 APSA, 2M3, n° 3.

118 APSA, 2M3, n° 4 et 5. En 1880 et 1890, respectivement 85 % et 79 % des parturientes vivent dans la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Grenelle, les autres sont domiciliées dans la paroisse Saint-Lambert de Vaugirard (1 % et 11 %), et dans les paroisses Saint-Pierre du Gros Caillou, Saint-François-Xavier, Sainte-Clotilde et Notre-Dame d’Auteuil.

119 AS, Registres Archevêché de Paris, Paroisse Saint-Jean-Baptiste de Grenelle, D6J 7385 pour 1890, D6J 8735 pour 1900.

120 Vincent Gourdon « L’hygiénisme français et les dangers du baptême précoce. Petit parcours au sein d’un topos médical du xixe siècle », in Guido Alfani, Philippe Castagnetti et Vincent Gourdon (dir.), Baptiser : pratique sacramentelle, pratique sociale, xvie-xxe siècles, Saint-Étienne, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2009, p. 119-120.

121 Deux cas ne sont pas renseignés.

122 APSA, Journal de la Maison Mère, 15 juillet 1878, 16 septembre 1879, 8 février 1880, 20 juillet 1880, 23 novembre 1881, 25 janvier 1882 ; APSA, 2N2 n° 18, réunion du 29 janvier 1889, cité plus haut.

123 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 19 mars 1881.

124 Vincent Gourdon et al., « L’ondoiement en paroisse à Paris au xixe siècle », Histoire urbaine, 2004/2 n° 10, p. 153.

125 APSA, 2M3 n° 6 ; AS Archevêché, D6J 8735.

126 Vincent Gourdon et al., « L’ondoiement en paroisse à Paris au xixe siècle », op. cit., p. 160 et 165.

127 APSA, 2M3 n° 6 et AS, Archevêché, D6J 8735.

128 Gérard Cholvy, Christianisme et société en France au xixe siècle, 1790-1914, Paris, Seuil, nouvelle éd., 2001, p. 121. Selon lui, la majorité des ouvriers reste christianisée en 1914.

129 Vincent Gourdon, « L’ondoiement en paroisse à Paris au xixe siècle », op. cit., p. 178.

130 Jacques-Olivier Boudon, Paris, capitale religieuse du Second Empire, Paris, Cerf, 2001, p. 147-151. L’œuvre des Saintes-Familles et la Société de Saint-François-Xavier sont respectivement présentes à Grenelle et à Vaugirard avant 1860, même si leur recrutement reste difficile.

131 Anne Cova, Au service de l’Église, de la patrie et de la famille : femmes catholiques et maternité sous la IIIe République, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 59.

132 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 9 mars 1880.

133 APSA, 4A1 n° 19, Copie manuscrite du rapport de 1874 de E. Pernet aux Dames bienfaitrices.

134 Jacques Gélis, L’arbre et le fruit : la naissance dans l’Occident moderne, xvie-xixe siècle, Paris, Fayard, 1984, p. 292-294.

135 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 23 novembre 1880.

136 G. Jacquemet, op. cit., p. 246.

137 AAP-HP, 791 FOSS 34 5, Rapport sur le contrôle des accouchements à domicile, 4e trimestre 1899, fait le 6 janvier 1900.

138 APSA, 2N2 n° 15, réunion du 17 janvier 1882.

139 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 1er février 1881.

140 APSA, 2N2 n° 12, Levallois 1878 1879.

141 APSA, 2N2 n° 15, réunion du 9 mars 1882.

142 Yvonne Knibiehler, Histoire des mères..., op. cit., p. 81.

143 Statuts de 1884, cités dans APSA, Sœur M. Rémond, Partage du charisme des Petites Sœurs de l’Assomption avec les laïques, approche historique, Paris, 2007.

144 Ibid., p. 13 ; 4N2 n° 5, Instructions aux Filles de Sainte Monique. Le 22e entretien du 24 janvier 1886 à Grenelle est sur « Suite des moyens pour bien remplir ses devoirs d’épouse et de mère. La bonté ».

145 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 25 mars 1880.

146 Anne Cova, Maternité et droits des femmes en France…, op. cit., p. 102, 124 et 133-134. Pour les positions des différentes ligues catholiques, voir id., Au service de l’Église…, op. cit., p. 65-89.

147 Article « Couche, couches, suites de couches » in A. Dechambre (dir.), op. cit., p. 431‑435.

148 APSA, 2M3 n° 3 à 6. En 1910, 61 femmes (sur 105) sont soignées pendant 1 à 2 semaines, près d’1/5e d’elles entre 2 et 3 semaines, et 4 entre 2 semaines et un mois.

149 APSA, 2N2 n° 14, réunion du 9 mars 1880.

150 Gérard Jacquemet, Belleville au xixe siècle, du faubourg à la ville, Paris, Éd. de l’EHESS, 1984, p. 244-245 ; Anne Cova, Au service de l’Église…, op. cit., p. 52-53. La Société de charité maternelle assiste les femmes pauvres en couches mais seulement les femmes mariées et leurs enfants légitimes.

151 AAP-HP, 791 FOSS 34 5, Rapport sur le contrôle des accouchements à domicile, 4e trimestre 1899, fait le 6 janvier 1900 ; Rapport sur le contrôle des accouchements à domicile, par S Laurent, 28 décembre 1900.

152 AAP-HP, Procès-verbaux du Conseil de surveillance de l’Assistance publique, 1 L 35, séances du 3 mai 1900 et du 12 juillet 1900.

153 APSA, Conférences destinées à l’instruction des gardes-malades, 1906, cours 13, p. 115‑121.

154 AAP-HP, 791 FOSS 34 5 : Société médicale des Bureaux de Bienfaisance de Paris, De l’organisation du service des accouchements dans les Bureaux de Bienfaisance de Paris. Rapport présenté au nom d’une Commission composée de MM. Billon, Bimsenstein, Dufournier, Gibert, Sébillotte, par M. Rueff, rapporteur, et adopté dans la séance du 8 décembre 1897.

155 APSA, 2M3 n° 3, Grenelle 1880. AS Reg. AD. XV arrdt, V4E 4615.

156 APSA, 2N2 n° 18, Réunion du 29 janvier 1889.

157 APSA, 2M3 n° 3 à 6.

158 Yvonne Verdier, op. cit., p. 95-99.

159 APSA, Journal de la Maison Mère, 2 avril 1881.

160 APSA, Conférences destinées à l’instruction des gardes-malades, 1906, 12e cours, p. 106‑112.

161 Ibid., 13e cours, p. 115-120.

162 Anne Cova, Au service de l’Église…, op. cit., p. 30 et Maternité et droits des femmes…, op. cit., p. 36-43.

163 Manuel des œuvres et institutions charitables, Paris, Poussielgue, 1877, p. 10. La Société de Charité maternelle encourage les femmes à garder leur enfant auprès d’elles. AAP-HP, 805 FOSS 25. La loi du 17 juin 1913 sur les dames visiteuses des bureaux de bienfaisances définit leur rôle officiel qui est d’assurer le repos de la parturiente et un milieu salubre pour l’accouchement et les suites de couches, doublé d’un rôle officieux qui consiste notamment à engager la femme à accoucher chez elle, à s’assurer qu’elle prend bien dix jours de repos et que l’alimentation du nourrisson passe par l’allaitement maternel, doté d’avantages physiques, économiques et moraux.

164 Yvonne Knibiehler, La femme et les médecins : étude historique, Paris, Hachette, 1983, p. 186‑188.

165 Olivier Faure, « Les religieuses dans les petits hôpitaux en France au xixe siècle », in Jacqueline Lalouette (dir.), L’hôpital entre religions et laïcité, Paris, Letouzey et Ané, 2006, p. 72.

166 Directoire des Petites Sœurs de l’Assomption, op. cit., Le chapitre XII est dédié au « zèle de la Petite Sœur », p. 94-97.

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Pour citer cet article

Référence papier

Anne Jusseaume, « Soigner des femmes en couches : un interdit levé pour évangéliser ? »Chrétiens et sociétés, 19 | 2012, 177-153.

Référence électronique

Anne Jusseaume, « Soigner des femmes en couches : un interdit levé pour évangéliser ? »Chrétiens et sociétés [En ligne], 19 | 2012, mis en ligne le 16 juin 2022, consulté le 08 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/3342 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.3342

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Auteur

Anne Jusseaume

Centre d’histoire de Science Po Paris (CHSP)

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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