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Médecine et religion

Le modèle du « bon malade » entre traités religieux et traités médicaux au xviie siècle

Cécile Floury-Buchalin
p. 39-64

Résumés

A l’instar du modèle de la « bonne mort », un modèle du « bon malade » s’élabore dans le contexte de la contre-réforme au sein des textes religieux, mais aussi littéraires et médicaux du XVIIe siècle. Ce modèle normatif s’appuie sur la surveillance étroite de l’état d’esprit du malade et sur la lecture morale et religieuse des souffrances qui le frappent. Cette vision entre souvent en concordance avec l’interprétation médicale. Dans les deux registres, la corruption et la culpabilité des malades vont de pair avec leur nécessaire humilité. L’acceptation des souffrances, celles envoyées par Dieu comme celles infligées par le médecin ou le chirurgien, est la seule voie offerte à ceux qui doivent d’abord penser à sauver leur âme avant de vouloir réconforter leur corps. Par le rappel de l’indignité de la condition terrestre, le modèle du « bon malade » peut aller jusqu’à l’oubli voire le mépris du corps. Mais si les soins corporels doivent venir en second, ils n’en sont pas pour autant illégitimes. En effet, les remèdes, comme les maladies, procèdent également de la grâce divine et le corps n’est pas qu’un cachot charnel, il est aussi le temple du saint esprit. Au chevet des malades, accompagnement spirituel et soins médicaux se pensent donc en miroir. Ils puisent au sein d’un ensemble de références et de vocables communs malgré de subtiles discordances qui rappellent, ici ou là, la résistance de ceux qui souffrent.

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Texte intégral

  • 1 Voir Philippe Ariès, L’homme devant la mort, Paris, Seuil, 1977, 641 p., p. 296 et suiv. et Pierre (...)
  • 2 Voir Hélène Germa-Romann, Du « Bel mourir » au « Bien mourir ». Le sentiment de la mort chez les ge (...)

1Le renouvellement de la préparation à la mort au xviie siècle, visible dans les testaments et dans les textes des artes moriendi, a été étudié par les premiers historiens de la mort dès les années 19701. Depuis, plusieurs études récentes ont également montré comment, à la mort héroïque et glorieuse à l’antique, se superpose l’inspiration religieuse dans les récits de mort2. Or, de même qu’il existe un modèle de la « bonne mort », un modèle de la « bonne maladie » ou du « bon malade » est promu tout au long du siècle par les textes religieux en interrelation avec la littérature médicale de la même époque. C’est ce modèle que l’on voudrait explorer ici car la maladie est le temps privilégié d’une rencontre entre les sphères corporelle et spirituelle d’une part, entre des valeurs, voire des normes, morales, religieuses et médicales d’autre part.

Humilité et soumission

  • 3 Michel Foucault, Surveiller et punir, naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, 360 p., p. 16 (...)
  • 4 Norbert Elias, La civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Lévy, 1973, 342 p. ; Robert Muchembled, Cu (...)
  • 5 Pour une synthèse et une critique historiographiques de l’idée de civilisation comme chronologie du (...)
  • 6 Nagy Piroska, Le don des larmes au Moyen âge : un instrument spirituel en quête d’institution, ve-x (...)

2L’idée de contrainte des corps, élaborée dans les années 1970 a, depuis lors, fait l’objet d’un débat historiographique. À partir de la notion foucaldienne de biopouvoir, qui caractérise l’exercice du pouvoir politique sur le corps des sujets, s’impose l’idée d’une discipline des corps venue d’en haut et de « nouveaux schémas de docilité » élaborés à partir du xviie siècle3. Pour Robert Muchembled, elle fait suite à la civilisation des mœurs décrite par Norbert Elias qui s’impose à partir de la Renaissance, en coupant les individus de leur bas corporel (sexualité et excrétions doivent désormais être davantage couvertes par le voile de la décence). La distinction entre la culture corporelle des élites et celle du peuple témoigne pour cet historien d’une assimilation diachronique de la civilité et d’un pouvoir exercé à l’encontre des corps populaires4. Aujourd’hui, la notion de « civilisation » s’est enrichie de davantage de nuances (notamment dans son identification avec un meilleur contrôle des corps). Les historiens des émotions ont été les premiers à remettre en cause ce schéma narratif qui rejetait le Moyen Age dans la préhistoire ou dans l’enfance du corps5. En réalité, dès cette période, le corps est subordonné à l’âme en tant que lieu privilégié de l’expérience surnaturelle : le corps des saints était conducteur de la prière et de la grâce, et le corps des moines un instrument indispensable pour préparer leur rencontre avec Dieu par le moyen de la mortification et des larmes. Ces dernières, perçues jusque là comme le signe d’une émotion immaîtrisable, apparaissent finalement comme un élément de la grâce divine6. Le Moyen Age jouissait donc de sa « civilisation des mœurs » propre.

  • 7 Sur cet aspect de l’histoire de la spiritualité féminine, voir Olivier Christin et Marion Richard, (...)

3On peut se placer ici dans la continuité de telles analyses. L’inversion des valeurs du monde (plaisirs et confort corporels), déjà présente dans les vies de saints médiévales, est accentuée à partir du xviie siècle par la diffusion des impératifs spirituels et moraux de la Contre-Réforme7. D’une part, le corps des malades peut s’offrir comme support de l’expérience mystique d’un rapprochement avec le Fils, le Saint Esprit ou la Vierge Marie. D’autre part, les nécessités du corps, ou plutôt leur mise à distance, sont un objet de méditation indispensable pour les hommes pécheurs. Dans l’une et l’autre voie vers Dieu, le corps est central selon deux modalités essentielles : l’humilité par rapport à un Dieu parfait et à ses intercesseurs mais aussi la soumission à sa volonté.

Soumission à la Providence et aux ordres du médecin

  • 8 Les vies éditées représentent ici la partie émergée de l’iceberg puisqu’un grand nombre de textes s (...)

4Ces caractéristiques qui participent de ce qui nous semble être un modèle cohérent du « bon malade » se donnent particulièrement à lire dans trois types d’ouvrages religieux. Elles sont d’abord exposées par l’exemple dans les récits des vies de saints ou de personnes vertueuses, genre littéraire dont les éditions se multiplient au xviie siècle et qui offrent aux chrétiens un modèle de conduite édifiant. Ces vies sont soit le fait de biographes masculins soit le fait de membres de l’ordre (souvent féminin) du défunt ou de la défunte dont on vise à perpétuer la mémoire8. Les hagiographes soulignent avant tout l’indifférence des personnes pieuses envers les maux dont souffre leur corps : la résistance à la douleur leur permet de vivre la maladie dans une grande tranquillité d’esprit et même dans la joie. Trop occupés par leur vie intérieure tournée vers Dieu ou par l’exercice des vertus chrétiennes au premier rang desquelles se trouve la charité, les malades abandonnent leur corps à ses maux. Ainsi en est-il de la révérende mère Victoire, religieuse du monastère des Annonciades célestes de Lyon, selon une l’une de ses sœurs :

  • 9 Marie Hiéronyme Chausse, Histoire de l’établissement et du progres du premier monastere des religie (...)

Elle fut attaquée d’une fievre lente et d’une fluxion sur le poumon si opiniâtre qu’elle ne l’abandonna qu’après l’avoir mise au tombeau. Elle meprisa ce mal au commencement. Son zele pour tous les actes de Communauté, ne lui permettoit pas de s’en apercevoir ; d’où vient qu’elle ne se donnoit point de repos, et qu’elle ne prenoit aucun soulagement. Mais en fin après avoir supporté ce mal durant deux mois, il fallut se rendre, et la fievre et la fluxion augmentant tous les jours, on appela les Médecins ; on fit une consulte, et on y conclut que cette maladie ne pardonneroit pas à cette bonne Mere. Monsieur Guillemin l’un des plus fameux et des plus habiles medecins de son temps, jugea que son assiduite à la vie interieure, et la violence qu’elle avoit toujoûrs faite à la nature, l’avoit reduite à cet état, il lui en fit un petit reproche en se retirant mais d’une maniere qui faisoit connoître l’estime singuliere qu’il faisoit de sa vertu9.

5Ces normes de comportement face à la maladie, en particulier les vertus de la soumission et de la patience, sont également diffusées dans les textes de pastorale qui en théorisent le modèle et le contre modèle. Le capucin Nicolas de Dijon (1629-1694), par exemple, dans ses sermons de la fin du siècle, expose comment la maladie permet de départager les pécheurs des justes. Ce faisant, il dresse à ses lecteurs et à ses auditeurs, le portrait du malade auquel ils doivent se conformer :

  • 10 « Otez-leur ce qui brille au dehors, il ne leur reste que la fumée d’une mauvaise conscience » : Ni (...)

Ainsi rien n’attriste ni ne trouble le juste dans sa maladie, parce qu’il ne souffre point par contrainte et contre sa volonté (...) Il n’en est pas de même des mechants et des impies (...) lors qu’ils tombent en quelque malheur par le renversement de leur bonne fortune, et sur tout par la perte de leur santé (...) l’inquietude s’empare de leur esprit, le trouble se met en leur conscience, tout les fâche, tout leurs déplait, tout les chagrine, jamais un bouillon n’est à leur goût, jamais un remede n’opere à leur fantaisie, jamais leur lit n’est assez mollet ; En un mot tout le faux éclat qui les environnoit pendant leur santé, et qui flattoit leur orgueil, et il ne demeure au dedans, dit saint Augustin que la fumée d’une mauvaise conscience qui les jette dans une horrible crainte : Auferetur quod nitebat foris, non remanet intus nisi fumus malae conscientiae10.

6Enfin, les ouvrages de spiritualité guident de façon plus intérieure les personnes charitables qui entourent les malades, ou les malades eux-mêmes, vers une disposition d’esprit semblable.

7Certains auteurs médecins développent dans leurs traités un modèle de malade proche de celui que les pasteurs prônent en chaire ou dans leurs ouvrages. Ainsi le protestant converti au catholicisme Lazare Meyssonnier (1602-1672) associe-t-il directement la quiétude du malade et l’efficacité du traitement : il utilise un « onguent des apôtres » qui serait l’œuvre d’Avicenne (980-1037), médecin arabe héritier de Galien (131-201). Le nom de cet onguent lui vient justement de ce qu’il rappelle la nécessaire patience du malade :

  • 11 Lazare Meyssonnier Apologie de M Lazare Meyssonnier, Conseiller, et Medecin ordinaire du Roy : Sur (...)

Les malades qui n’ont point envie de guerir, sentans sur leur chair la force acre et amere du Verd de Gris, de l’Aristoloche, et de la Myrrhe quoy qu’adoucie par l’huile et la cire qui entrent en ceste composition se tempestent, crient, maudissent et injurient le Medecin (...) ; au contraire ceux qui desireux de guerir souffrent pastiemment la cuison qu’il fait pour quelque temps, apres avoir veu consumer la chair morte, et les ordures ammassées dans le circuit de l’ulcere, voyent dans peu de jours une chair nouvelle, et leur membres revenir à une parfaicte santé et beauté11.

  • 12 Pierre Pigray, Epitome des preceptes de Medecine et de Chirurgie. Contenant plusieurs enseignemens (...)

8Il faut donc de la constance pour endurer les traitements médicaux et leur permettre d’agir dans toute leur force sur le long terme. Nombre de médecins insistent sur la nécessaire soumission du malade aux inconvénients des processus thérapeutiques, en particulier dans les cas les plus douloureux comme ceux des opérations : le malade doit « obeyr au chirurgien comme serf au seigneur, et qu’il ne s’abandonne point à sa volupté »12. C’est donc en tant que malade comme en tant que chrétien que l’homme sera récompensé s’il « souffre patiemment » face à la maladie. La santé et le salut procèdent de vertus semblables.

Désirs de maladies et de mort

9La soumission du malade n’a néanmoins pas nécessairement pour but le retour de la santé. Les maladies ne relèvent pas uniquement de la punition, elles participent aussi de la grâce divine dans la mesure où elles permettent aux hommes inconséquents de faire leur salut malgré leur attachement immodéré au monde. Plus que se soumettre à l’injonction qu’elles représentent, le chrétien peut même les appeler de ses vœux.

  • 13 Simon Michel Treuve, Discours de piété contenant l’explication des mysteres et l’éloge des Saints q (...)
  • 14 Etienne Binet, Remèdes souverains contre la peste, et la mort soudaine : d’ou les ames devotes peuv (...)
  • 15 Voir par exemple Claude de La Colombière (1641-1682), Retraitte spirituelle du RP Claude de la colo (...)
  • 16 L’image augustinienne de la « porte étroite » illustre les difficultés que les chrétiens trouvent à (...)
  • 17 Nicolas de Dijon, Sermons sur les évangiles…, op. cit.,vol. 3, p. 495. Voir également Ieremus Drexe (...)
  • 18 Blaise Pascal, Pensées de monsieur Pascal sur la religion & sur quelques autres sujets, qui ont est (...)
  • 19 Ibid., p. 357.
  • 20 Sur les rapports entre Jansénisme et Contre-Réforme, voir René Taveneaux, Jansénisme et réforme cat (...)

10Les maladies sont tout d’abord l’occasion d’un rachat partiel des péchés commis. L’idée paulinienne que « les souffrances de cette vie n’ont point de proportion avec le fruit qu’on en recueille » est offerte aux malades en consolation13. En effet, d’après le jésuite Etienne Binet (1569-1639), « Dieu ne chastie point deux fois un mesme peché » : ce qui a été puni en ce monde ne le sera pas dans l’autre. Les douleurs terrestres sont le pendant de beaucoup atténué des souffrances des damnés et donc leur sont mille fois préférables14. Cet espoir, utilisé pour faire accepter aux malades la dureté de leurs souffrances, s’exprime dans le texte des prières proposé aux chrétiens souffrants15. Si elles jalonnent le chemin étroit qui mène au salut, c’est que les maladies sont l’occasion d’un amendement, d’un changement de conduite, notamment parce qu’elles coupent temporairement le malade du monde16. Ainsi Nicolas de Dijon veut guider les Chrétiens dans ses sermons inspirés des évangiles. Il cite en exemple Ezechias s’adressant à Dieu : « si la vie de mon âme depend des souffrances de mon corps, et si en me frappant d’une maladie passagere vous me rendez la vie de l’esprit, qui consiste à me detacher des sens et de moi-même pour m’unir plus etroitement à vous ; toutes les maladies les plus fascheuses et la mort même me plairont à ce prix »17. Ce point de vue est particulièrement développé par l’approche janséniste, pour laquelle la maladie est l’un des précieux dons de Dieu qui permettent de détourner les hommes pécheurs de leur irrésistible attirance pour la concupiscence. C’est ce que souligne notamment Blaise Pascal (1623-1662)18. Dans ce renversement de perspective, le désaveu du corps est poussé jusqu’à n’aimer en lui que ces maux qui rapprochent le Chrétien de son seigneur : « Ayez agreable mon corps non pas pour luy même, ni pour ce qu’il contient, car tout y est digne de vôtre colere, mais pour les maux qu’il endure qui seuls sont dignes de vôtre amour »19. Comme dans les hagiographies, la maladie est ici une opportunité offerte par la grâce divine et que le Chrétien doit saisir. La nécessité de soigner les maladies s’estompe alors derrière l’héroïsation de la souffrance et la valorisation de celui qui l’endure. La doctrine janséniste pousse à son terme une logique de rejet du corps présente dans l’esprit de la Contre-Réforme. Ici comme sur d’autres points, les hommes et femmes de Port-Royal rendent particulièrement sensibles les exigences qui sont en réalité celles de toute la spiritualité chrétienne telle qu’elle fut renouvelée par la Contre-Réforme20.

11Enfin, les maladies sont la voie d’un rapprochement avec le Christ souffrant. Le corps du croyant ressemble à celui qui est mort pour racheter ses péchés. Depuis le Moyen Age, le modèle du Christ ne s’impose plus seulement à celui qui secoure charitablement son prochain dans ses épreuves mais au malade lui-même. L’idée augustinienne du corps mystique implique la présence du Seigneur dans ses membres souffrants. On peut voir ici fructifier l’héritage de la pensée de la douleur développée dans De imitatione Christi, ouvrage anonyme abondamment réédité depuis le xve siècle (sous la forme peu coûteuse d’un in-12°) et vecteur essentiel de la spiritualité de la Devotio moderna :

  • 21 De l’Imitation de Jesus-Christ, traduite et paraphrasée en vers par Pierre Corneille, Lyon, Didier (...)

Ton maître Jésus-Christ n’eut pas un seul moment
dégagé des douleurs et libre du tourment
que de sa passion avançoit la mémoire :
il fallut comme toi qu’il portât son fardeau ;
il lui fallut souffrir pour se rendre à sa gloire,
et pour monter au trône, entrer dans le tombeau.
Quel privilège as-tu, vil amas de poussière,
dont tu t’oses promettre un plus heureux destin ?
Crois-tu monter au ciel par un autre chemin ?21

  • 22 Ibid, p. 49. Voir aussi Alexandre de Lyon : La vie de la venerable Mere Magdeleine du Sauveur, surn (...)
  • 23 Voir Jacques Le Brun, « À corps perdu… », art. cit., p. 398 et suiv.
  • 24 Voir par exemple Alexandre de Lyon, La vie de la venerable Mere Magdeleine du Sauveur…, op. cit., p (...)

12Cette idée de la maladie comme voie idéale du salut se retrouve abondamment dans les biographies spirituelles du xviie siècle. Non seulement les souffrances qui accompagnent la maladie sont acceptées, mais de nouveaux maux sont aussi provoqués par l’usage de la mortification. Les femmes surtout, n’ayant pas d’autres voies dans le sacrifice pour Dieu, semblent s’illustrer dans cet acharnement contre le corps ou, tout au moins, est-ce un modèle de dévotion féminine particulièrement mis en valeur dans la littérature du siècle. Le jeûne, les mauvaises nourritures, le manque de sommeil, les ceintures à pointes de fer et les disciplines sont autant d’instruments privilégiés de leur zèle22. En souffrant les tourments de la maladie naturelle ou provoquée, les religieuses se rapprochent et même incorporent le Sauveur23. La douleur physique est la marque du sacré par excellence, celle qui indique que le malade a su emprunter la « porte étroite » qui le mène à Dieu24.

  • 25 Nicolas de Dijon, Sermons pour les vêtures et professions religieuses, Thomas Amaulry, Lyon, 1695, (...)
  • 26 Louis-Antoine de Noailles, Instruction pastorale de Monseigneur l’Archevêque de Paris sur la perfec (...)

13Dans cette perspective, la mort elle-même peut apparaître comme désirable en tant qu’abandon du corps terrestre et union avec Dieu. Elle est l’aboutissement du processus de divergence entamé lors de la maladie. Une telle posture morale, inspirée de Saint Paul, jalonne les textes de spiritualité et de pastorale. Elle est montrée en exemple aux religieux par Nicolas de Dijon. Pour lui, la vie religieuse est une sorte de « mort au monde » lors de laquelle on tente autant qu’il est possible de s’éloigner de ce corps qui « appesantit l’ame » et qui « abat l’esprit dans la multiplicité des soins qui l’agitent » Mais les religieux doivent également aspirer à la mort réelle du corps qui est un « état de séparation » avantageux pour l’âme enfin « affranchie de son esclavage et dans la jouissance d’une parfaite libertée »25. La vie considérée comme réelle est ici toute spirituelle. Ce modèle est aussi diffusé auprès de l’ensemble des fidèles dans une pastorale réformée comme celle de l’archevêque de Paris, Louis-Antoine de Noailles (1651-1729) : selon lui, le désir de mort est un signe de sainteté26.

  • 27 Pierre Charron abondamment réimprimé à la fin du xvie et au début du xviie siècle : De la sagesse p (...)
  • 28 Simon de Riencourt, Histoire de la monarchie françoise sous le règne de Louis le Grand, Lyon, Claud (...)

14Cette norme religieuse essaime dans d’autres types d’ouvrages où se retrouve une version plus ou moins laïcisée de la patience du bon malade. La vertu devient sagesse : une sagesse qui conduit à l’acceptation de son sort et à la soumission aux aléas contre lesquels on ne peut rien, ou peu de choses. C’est une chose naturelle comme le rappelle le juriste Pierre Charron (1541-1603) : « nous sommes nez à cela, en vouloir estre exempt est injustice. Il faut souffrir doucement les Loix de nôtre condition. Nous sommes faits pour vieillir, foiblir, douloir, estre malades : il faut apprendre à souffrir ce que l’on ne peut éviter » ; « il n’y a point de meilleur remede, que de vouloir ce qu’elle [la providence] veut et selon l’advis de sagesse faire de necessité vertu »27. C’est une sagesse qui semble être la marque des grands esprits et des grands hommes et dont on retrouve le topos littéraire dans les éloges biographiques. Les héros laïcs sont, à l’instar des saints, dotés des qualités d’endurance, de patience et enclins à accepter leur sort. Le récit de leur maladie est l’occasion de le souligner. Louis XIV ou encore la grande Dauphine (Marie-Anne de Bavière) se distinguent selon l’historiographe Simon de Riencourt par leur indifférence et leur capacité à vivre tranquillement et chrétiennement leurs souffrances. Le modèle de la bonne maladie procède pour cette dernière de la nécessité de la bonne mort, la patience étant nécessaire à la préparation de son âme : « il y avoit quelques temps que cette Princesse se disposoit à la mort : Elle en avoit senti les approches avec une resignation aux Ordres de Dieu. Plus la maladie augmentoit, et plus Madame la dauphine redoubloit sa constance »28.

L’intériorisation incertaine de la norme : récits de médecins et de malades

  • 29 Roselyne Rey, Histoire de la douleur, Paris, La Découverte, 1993, 414 p. : « La douleur renaissante (...)
  • 30 Sur la hantise de la maladie (et la peur de la mort) chez Molière, voir Patrick Dandrey , La médeci (...)
  • 31 De l’Imitation de Jesus-Christ, op. cit, Livre I, chap. 23.
  • 32 Laurent Bordelon, Les malades de belle humeur ou Lettres divertissantes écrites de Chaudray, Lyon, (...)
  • 33 Pierre Charron, De la sagesse..., op. cit., p. 656 et suiv. (Livre III, Chapitre XXII) : la maladie (...)
  • 34 Albrecht Burkardt, Les clients des saints : maladie et quête du miracle à travers les procès de can (...)
  • 35 Jean-François Viaud, Le malade et la médecine sous l’Ancien Régime : Soins et préoccupations de san (...)

15En dehors des conventions du récit, biographique ou hagiographique, l’intériorisation de cette norme par les malades reste néanmoins bien incertaine. Les historiens manquent de sources pour analyser le vécu réel des individus face à la maladie et la douleur. Ainsi Roselyne Rey ne fournit par exemple que peu d’éléments sur l’expérience quotidienne29. Quelques indices marquent cependant la distance qui sépare la figure normative du malade vertueux qui vient d’être caractérisée et les tourments insupportables qu’endurent les malades bien réels. Nombre d’auteurs littéraires notent l’impatience et la peur des hommes de leur temps, en s’en moquant ou en la justifiant par une attaque contre les pratiques du corps médical, trop impuissant à soulager réellement ses contemporains. Pour la peur de la maladie, on pense bien sûr aux mélancoliques hypocondriaques moqués au théâtre par Molière30. Contre l’inconstance face à la maladie elle-même, déjà l’auteur de l’Imitatio Christi le remarquait : « La maladie est impuissante : ses abattements, ses douleurs, rendent fort peu d’hommes meilleurs »31. Au xviie siècle, les railleries de l’abbé Bordelon visent encore ceux qui, comme lui, se font soigner par le médecin de Chaudray : « P.T. avoit assurément bien mérité par ses excez la goutte qui le faisoit souffrir ; cependant il crioit comme un enragé, quand elle lui rendoit visite »32. De cette distance entre les modèles de patience offerts aux malades et une autre réalité moins glorieuse témoigne également la répétition même des condamnations que l’on trouve sous la plume des religieux ou des moralistes. Ces derniers sont prompts à dénoncer le manque de sagesse de leurs contemporains : « Et d’où vient que l’on souffre avec tant d’impatience la douleur ! C’est que l’on n’est pas accoustumé de chercher son contentement en l’âme… »33. Enfin, quelques traces concrètes du vécu des malades orientent l’historien. L’étude menée par Albrecht Burkardt sur les témoignages des clients des saints dans les procès de canonisation a par exemple montré que l’impatience avouée par les malades dans leurs récits contrastait vivement avec l’endurance du saint auquel ils avaient eu recours34. De même, l’ouvrage tout récent de Jean-François Viaud s’appuie sur les écrits du for privé et les livres de raison pour souligner à la fois l’intérêt pour la médecine et la volonté de lutter contre les maux du corps des malades aquitains35.

  • 36 Pierre Garnier, Histoire de la maladie, et de l’ouverture du corps de Messire Matthieu de Seve, Bar (...)
  • 37 Stanis Perez, Le journal de santé de Louis XIV (précédé de La lancette et le sceptre), Grenoble, J. (...)

16Entre ces deux positions, le propos des médecins est ambivalent. Dans le récit des cas des grands, ils tentent de présenter leur malade célèbre selon la norme morale et chrétienne du « bon malade ». La chronique de la maladie de Simon de Fléchères par son médecin lyonnais est par exemple jalonnée de silences très significatifs entourant les changements qu’il réclame concernant ses médecins et ses traitements. Ils témoignent, malgré la discrétion de l’auteur qui se voit parfois discrédité en tant que thérapeute, de l’anxiété du malade dans le cours de ses dernières souffrances36. Il en va de même pour le Journal de santé de Louis XIV et les chroniques et correspondances de ses courtisans récemment analysées par Stanis Perez37. Il est plus que probable que les grands malades, quoi qu’en disent leurs hagiographes (y compris leurs médecins), étaient beaucoup plus désireux d’être soulagés que soumis aux douleurs et aux tristes perspectives promises par les maladies.

  • 38 Jacques Primerose et Jean de Rostagny, Traité de Primerose sur les Erreurs vulgaires de la Medecine (...)
  • 39 Voir par exemple les négociations délicates que les médecins et chirurgiens de Louis XIV sont oblig (...)
  • 40 Laurent Joubert, Traité du ris, contenant son essance, ses causes et mervelheus essais, curieuseman (...)
  • 41 Hippocrate, Œuvres complètes, traduction E. Littré, Paris, Baillière, 10 vol. , 1839-1861, vol. IV (...)
  • 42 Voir par exemple Staniz Perez, La santé de Louis XIV, op. cit., p. 176.
  • 43 Jean-Baptiste de Cabias, Les Merveilles des Bains d’Aix en Provence, Lyon, Jacques Roussin, 1623, i (...)

17Sur le plan de la nécessité thérapeutique, l’attitude des médecins est double. D’une part, ils appellent les malades à la soumission et déplorent leurs fréquents refus devant des remèdes nauséabonds, leur manque de patience (notamment la volonté de changer de remède si le soulagement n’est pas immédiat) ou encore leurs réticences devant les nécessaires purgations (vomitifs, clystères, saignées)38. Les procédés évacuants sont en effet, avec les interventions chirurgicales, les soins les plus redoutés39. Mais, d’autre part, les médecins laissent apparaître comme une véritable nécessité médicale la prise en compte de la souffrance occasionnée par les traitements et le réconfort à procurer aux malades. Les disciples d’Hippocrate soulignent jusqu’à la fin du xviie siècle le bénéfice, pour la santé du corps, des joies et des plaisirs modérés, tout en dénonçant en général l’excès des passions (en particulier pour les personnes souffrant d’embonpoint)40. Le choix de traitements agréables apparaît également avec de plus en plus d’insistance au cours du xviie siècle. Ainsi, malgré la nécessité impérative de soigner par la diète et l’amélioration du régime de vivre, Hippocrate et ses disciples modernes préconisent d’accommoder les aliments que le malade apprécie et de ne procéder à aucune modification trop brutale des habitudes41. Par ailleurs, bien des pharmacopées modernes veulent s’orienter vers la fabrication et l’utilisation de remèdes plus agréables. La redondance du propos donne d’ailleurs, hélas, à soupçonner qu’il devait y avoir loin de l’intention aux actes et que les remèdes du xviie siècle devaient rester dans leur majorité bien pénibles à avaler. On sait néanmoins par quelques témoignages sur leur pratique que les médecins, soucieux de leurs riches patients, devaient dans la plupart des cas, opter pour les plus agréables (huile d’amande douce, miels, vins, bouillons…)42. Les promoteurs de remèdes nouveaux, tels que les bains de telle ville ou tels que les remèdes chimiques, usent d’ailleurs essentiellement de l’argument du confort du traitement proposé, sachant que leurs potentiels patients y seront sensibles. Ainsi, au début du siècle, Jean-Baptiste Cabias, médecin défenseur des bains d’Aix en Provence le rappelle-t-il : « Que si l’esprit n’est pas content, le corps sera tousiours inquiet »43.

Priorité aux soins spirituels

  • 44 Une récapitulation de l’œuvre de ces conciles est faite dans les Conférences ecclesiastiques du dio (...)
  • 45 Ibid., vol. 2 p. 54-5 ; Mat. 25.
  • 46 Ibid, vol. 2 p. 64-66.

18Malgré cette ambivalence médicale, le modèle du bon malade reste prégnant, et, pour s’y conformer, les malades ont besoin d’une assistance spirituelle que soulignent les décrets des conciles et synodes depuis la fin du xvie siècle. Le concile de Trente, relayé par les conciles locaux44, rappelle l’obligation de visite des malades qui est faite aux curés. Plus généralement, tous les chrétiens sont soumis à l’impératif de la charité envers le malade, figure christique45. Non seulement ces personnes vertueuses soulagent le Christ lui-même à travers les malades qu’ils entourent, mais encore, par leur action charitable, ils imitent son exemple d’assiduité auprès de ceux qui souffrent46. Cet encadrement comporte deux volets distincts : d’abord un soutien moral qui a pour but de susciter, chez la personne souffrante, l’état d’esprit adéquat ; ensuite un ensemble de sacrements et de pratiques qui s’apparentent à une véritable thérapeutique de l’âme.

  • 47 Ibid , vol. 2 p. 56-7 et 63.

19Le premier aspect consiste donc à encourager les malades à adopter ou à conserver une disposition d’esprit conforme au modèle caractérisé précédemment. Traversant « cet instant terrible qui doit decider de nôtre éternité » car il précède bien souvent la mort, les malades doivent recevoir une instruction « qui soûtient et fortifie le coeur, qui apprend à la volonté à adorer la Providence, et baiser la main du divin Pere, lorsqu’il nous châtie » car « il n’y a pas d’occasion et de conjoncture plus favorable pour les faire renoncer à leur débauches (…) c’est dans ce temps où ils sont disposés à recourir à Dieu qui les afflige et qui les peut guerir... »47. En retour, la vue des malades agit sur ceux qui les assistent comme une image édifiante. Elle a la même vertu que les vanités, danses macabres ou memento mori littéraires :

il n’y a pas d’objet plus capable de faire impression sur nôtre esprit, et sur nôtre coeur, que la veüe d’une personne qui joüissoit comme nous, il n’y a que quelques jours d’une pleine santé, qui se voit sur le point de paroître devant le tribunal de son Juge, qui va rendre compte de la moindre de ses actions, et même de ses paroles inutiles, et dont le corps sera bien-tôt un amas de pourriture, et la pâture des vers.

  • 48 Ibid., vol. 2, p. 64-70.

20Ceux qui en sont témoins doivent d’ailleurs avoir un « visage qui témoigne que [ils font] ces visites de bon cœur » et doivent être des modèles de patience, de piété et d’humilité48.

  • 49 Rituel romain pour bien et duement administrer les Sacremens de l’Église et faire les autres sacrée (...)
  • 50 La XIVe session du concile de Trente n’a pas tranché sur la nécessité de la contrition totale ou l’ (...)
  • 51 Abbé Chanut, Le saint concile de Trente oecunémique et général célébré sous Paul III, Jules III et (...)
  • 52 Conférences ecclesiastiques, op. cit., vol. 2 p. 71.

21L’autre aspect du soutien spirituel que requièrent les maux du corps se compose d’un arsenal complet destiné à la purification de l’âme du malade, dont la forme est fixée par le rituel romain édité par Paul V en 1614 et les rituels diocésains qui s’en inspirent49. Le malade doit d’abord suivre les étapes de la pénitence : il doit faire acte de contrition sincère (ou de simple attrition selon les écoles de pensée)50. Il doit ensuite se confesser et finalement satisfaire Dieu en se soumettant aux peines données par le prêtre autant qu’à la maladie elle-même, peine donnée par Dieu. Par le regret et la haine de ses fautes, par le pouvoir de l’absolution reçue du prêtre, et par sa soumission aux ordres divins, il est ainsi lavé des péchés commis depuis son baptême51. Le dernier élément de ce processus est la communion. En particulier si le patient semble décliner, les visites du curé doivent se faire plus fréquentes afin de lui donner le viatique (c’est-à-dire l’eucharistie) et éventuellement l’extrême onction qui est « l’onction sacrée des malades » afin de nettoyer ce qu’il reste de péché en son âme. Enfin, les prêtres doivent « obliger [le malade] à se réconcilier » avec son entourage et à rédiger un testament qui laissera sa famille en paix52.

  • 53 Analecta Juris Pontificii : recueil de dissertations sur différents sujets de droit canonique, litu (...)
  • 54 Voir Bulletin de la Société française d’histoire de la médecine, XXX, 1936, p. 85-97 et Henri Hours(...)
  • 55 Sur la difficulté de la confession en général, voir Jean Delumeau, Le péché et la peur. La culpabil (...)

22Les médecins, apothicaires et chirurgiens sont également soumis à des obligations d’ordre spirituel depuis le quatrième concile de Latran de 1215 (canon 22) : selon la décrétale « Cum infirmitas » promulguée par Innocent III, ils doivent avant toutes choses rappeler aux malades la nécessité de recourir aux prêtres. La constitution « Super Gregrem » du 8 mars 1566 de Pie V renforce cette prescription en donnant trois jours au malade pour se confesser, au-delà de ce délai, les visites du médecin doivent cesser. Ces obligations, encore confirmées dans une bulle de Grégoire XIII du 15 mai 1581, sont rappelées dans les conciles provinciaux et ordonnances épiscopales comme celle de l’archevêque de Lyon qui rappelle le 6 août 1681 leurs obligations à tous les praticiens53. D’après Henri Hours, cette ordonnance fut prise par l’archevêque sous l’influence de la Compagnie du Saint sacrement, fer de lance de la réforme catholique parmi les laïcs54. Les répétitions de ces injonctions témoignent bien de la difficulté de leur application55.

  • 56 Le catéchisme du concile de Trente. Traduction nouvelle, Lyon, Jean Certe, 1696, in-16, 2 vol. , p. (...)
  • 57 François Arnoul, Revelation charitable de plusieurs remedes Souverains, contre les plus cruelles et (...)

23La réception de ces sacrements est pourtant prioritaire sur les soins à prodiguer au corps. Premièrement, s’en remettre à Dieu est véritablement le meilleur moyen de recouvrer la santé, si telle est sa volonté. Le catéchisme de Trente rappelle que « nous ne devons jamais espérer le recouvrement de nôtre santé par les seuls remèdes de la medecine ; mais mettre principalement nôtre confiance en Dieu » et que la Bible abonde en exemples de ceux qui, ne s’en remettant qu’aux breuvages et remèdes humains et non d’abord à Dieu, en sont durement punis56. Les religieux qui s’adressent aux malades relaient cette idée en insistant sur l’origine divine des guérisons opérées par l’intermédiaire des remèdes humains. Cette idée est théorisée clairement par le dominicain François Arnoul : les malades doivent « avoir autant pour le moins de soing de guerir leur ame que leur corps ; d’autant que cette partie peut bien estre incommodée sans que l’autre s’en sente ; mais non joüir d’une entiere convalescence, pendant que celle qui luy donne la vie et le mouvement sera ulcerée ». C’est-à-dire que la santé de l’âme, la plus importante, ne dépend pas de celle du corps, mais que celle du corps dépend bien de l’état de notre âme57.

  • 58 Jacques Tiran, Missionarius seu vir apostolicus in suis excursionibus spiritualibus, in urbibus et (...)
  • 59 Pour le développement de la même idée, voir aussi Joaô da Sylveira, Commentarii in textum evangelic (...)
  • 60 Voir par exemple Guillaume Le Roy, La Solitude Chrêtienne où l’on apprendra par les sentimens des s (...)

24La seconde raison est que, bien que les hommes ne le comprennent pas facilement, la santé, aléatoire, vient en réalité en second dans l’ordre de leurs intérêts. Un grand nombre d’auteurs religieux déplorent que la poursuite des biens corporels fasse oublier aux malades la sauvegarde de leur âme. C’est ce que rappelle le jésuite Jacques Tiran aux missionnaires et directeurs de conscience : « salutem animae minus curamus, quam valetudinem corporis (…) ô caecitatem ! Nonne anima vita plus est quàm corporis sanitas »58. La vie éternelle de l’âme, seule réelle, n’est-elle pas en effet préférable à la santé du corps ?59 Les religieux qui encadrent les malades sont donc exhortés à tenter d’inverser l’ordre des priorités humaines. Cette priorité, unanimement partagée par les diverses écoles de pensée religieuse, découle logiquement de la supériorité de l’âme sur le corps et de celle de la vie céleste sur la vie terrestre60.

  • 61 François Chomel, La dignité et abus de la Medecine de ce temps et de l’usage de cét Art parmy les N (...)
  • 62 Lazare Meyssonnier, Apologie de M Lazare Meyssonnier…, op. cit., p. 16 ; Le Medecin du Coeur du M (...)
  • 63 Philibert Guybert, Le Medecin Charitable, enseignant la maniere de faire et preparer en la maison a (...)
  • 64 Nicolas de Blegny, L’art de guérir les Maladies Veneriennes, expliqué par les principes de la Natur (...)

25Faisant rarement l’objet de longs développements dans les traités médicaux, elle y trouve néanmoins des échos réguliers. La référence est généralement placée au début de l’œuvre, dans l’adresse au lecteur ou dans un chapitre introductif, ou encore au détour d’un développement thérapeutique. On y reconnaît que « puisque la maladie est la peine du peché, il faloit premierement avoir recours à celuy qui a puissance de vie et de mort »61. Certains médecins dévots, tels que le Lyonnais Lazare Meyssonnier, vont plus loin qu’une simple allusion et rappellent les obligations spirituelles des médecins et la priorité à accorder aux visites du curé de la paroisse ou de son vicaire62. Les médecins sont également plus sensibles à la marque de la colère divine ou à celle du péché humain dans certains cas pathologiques spécifiques. Ainsi en est-il des maladies contagieuses, collectives ou populaires, pour lesquelles la priorité de la pénitence est très fréquemment rappelée. C’est en particulier le cas dans les traités de la peste placés sous le signe d’une démarche charitable et conçus explicitement dans un souci du bien public. Les médecins y rappellent alors toujours la nécessité de la pénitence générale. Selon Philibert Guybert, dans le cas de peste, le souverain remède est en effet « de nous amander, et avec confession, regret et deplaisir de nos fautes, avoir recours à la bonté et misericorde de Dieu, le supplier de nous pardonner et de retirer la iuste punition de nos offenses »63. La priorité à accorder aux soins spirituels apparaît également de façon privilégiée pour les maladies dont l’origine s’apparente le plus facilement à un péché. C’est le cas de nombre de maladies de pléthore où le trop-plein provient d’une trop grande consommation d’aliments ou de boisson, assimilées sans mal à la gourmandise et à l’intempérance. C’est également le cas des maladies vénériennes facilement reliées au péché de luxure (exprimé en termes de « volupté », de « débauche », d’« impureté » ou encore d’« impudeur »). Ici, selon le chirurgien Nicolas de Blégny, « le plus souverain preservatif » est encore et toujours « l’abstinence du péché » et donc l’amendement des mœurs corrompues des pécheurs64.

Analogie des soins spirituels et corporels

  • 65 Sur l’usage de concepts médicaux dans les sources religieuses du Moyen Age, voir Peter Biller, Jose (...)
  • 66 Sur l’utilisation des références médicales et de l’image du Christ-médecin par les Pères de l’Églis (...)

26Si les soins que nécessite l’âme dans les temps périlleux de la maladie doivent être prioritaires sur ceux du corps, ils n’en sont pas moins conçus et présentés dans une concordance significative avec ceux-là. Remèdes spirituels et remèdes temporels se pensent en miroir. Cela n’est pas propre aux temps de la Contre-Réforme. L’usage de la métaphore médicale, dans la Bible comme dans les écrits patristiques, a déjà été bien étudiée par les historiens de la religion et les théologiens65. Chez les Pères de l’Église, l’image du Christ médecin combattant la maladie du péché est la plus propre à faire comprendre à tous le caractère salvateur de son œuvre66. Cependant, à partir du xvie siècle, l’usage du vocabulaire médical comme simple métaphore ou comme sémantique opératoire est mis en œuvre de façon spécifique au service de la volonté de réforme de la vie chrétienne.

  • 67 Nicolas de Dijon, Panégyriques des saints prêchez, Lyon, Thomas Amaulry, 1693, in-8°, 3 vol. , vol. (...)

27Le parallèle avec la médecine permet aux théologiens d’ordonner leur propos de façon plus pédagogique et de lui conférer un aspect logique et systématique. Certains guides à destination des prédicateurs et des missionnaires s’en inspirent tout particulièrement. La dichotomie médicale qui sépare le régime de vivre, préventif, de l’usage curatif des remèdes et des opérations est par exemple reprise par le capucin Nicolas de Dijon désireux de fournir des points de repères à ceux qui ont charge d’âme : « comme on distingue en medecine deux sortes de remedes : les preservatifs qui préviennent le mal, et les purgatifs qui le guerissent ; de même on distingue en Theologie deux sortes de redemption : l’une qu’on appelle Antecedente, qui empeche de tomber dans le péché, dans l’esclavage, ou dans quelque autre malheur : l’autre qu’on appelle consequente qui delivre du péché, de la mort, ou de la misere ceux qui y sont tombez »67. En s’adressant aux missionnaires, le jésuite Jacques Tiran use d’une métaphore filée au sein d’une typologie plus précise encore. Il énumère six points qui relient dans la forme comme sur le fond la thérapeutique nécessaire aux âmes et aux corps (Fig. 1).

Pour les maladies de l’âme

(« Animae morbi »)

Pour les maladies du corps

(« Corporis morbi et pestes »)

Purgations

Purgation de la confession

Remèdes purgatifs

Aliments

Nourriture salutaire de l’Eucharistie (« cibum salutarem Eucharistiae »)

Choix d’aliments salutaires (« alimenta salutaria »)

Sérénité

Paix de la conscience

Ne pas s’épouvanter ni se chagriner

Joie

Joie procurée par les bonnes œuvres

Joie

Exercices

Exercices de la piété, de la prière et du jeûne

Exercices du corps

Air

Fuite du mauvais confort et des occasions de pécher (« mutationem caeli, fugiendo prava confortia et occasiones peccandi »)

Changement d’air (« mutare caelum, aërem »)

Fig. 1 : la typologie thérapeutique de Jacques Tiran S.J.

  • 68 Jacques Tiran, Missionarius seu vir apostolicus…, op. cit., p. 150.

28Les deux thérapeutiques sont fondamentalement comprises dans une démarche commune pour la vraie guérison et la vraie vie, celle de l’âme68.

  • 69 Valentin Gerard, Le Triomphe de la Glorieuse Vierge Marie contre les calomnies du livre de Mstre Si (...)
  • 70 Epître aux Romains, 8.5- 8.8.
  • 71 Cette thématique se développe principalement autour du sacrement de la pénitence réaffirmée contre (...)
  • 72 Le catéchisme du concile de Trente, op. cit., p. 165, 352 : « remèdes contre le péché », « remèdes (...)
  • 73 Voir par exemple l’œuvre du prêtre et chanoine de Meaux, Simon Michel Treuve, Le Directeur spiritue (...)
  • 74 Etienne Binet, Remèdes souverains contre la peste…, op. cit., p. 59.

29Au sein de ce programme général, on distinguera ici les deux logiques repérées par Nicolas de Dijon qui sont la prévention et la guérison. Dans un premier temps, il s’agit, par un usage vertueux de la chair, de prévenir le développement des maladies de l’âme, et de repousser l’éventualité des maladies corporelles (ou au contraire d’en mieux accepter les souffrances). On peut alors espérer bénéficier de la grâce divine, qui est présentée par le jésuite Valentin Gérard comme la vraie « medecine preservatrice ». Elle doit être préférée à toute autre car, « il est tousiours meilleur et honorable d’estre sans péché, qu’avec le péché quoy que lavé »69. Dans la plupart des traités, le corps, moyen et media du péché, apparaît comme le principal obstacle à cette médecine. Son existence fonctionnelle doit donc être mise à distance, coupée, objectivée et finalement totalement soumise à l’âme raisonnable et chrétienne. Encore une fois, c’est l’apôtre Paul qui fournit la base théologique de ce rejet de l’attachement aux choses et aux plaisirs corporels : « Ceux, en effet, qui vivent selon la chair s’affectionnent aux choses de la chair, tandis que ceux qui vivent selon l’Esprit s’affectionnent aux choses de l’Esprit (…) or, ceux qui vivent selon la chair ne sauraient plaire à Dieu »70. La lutte qui s’engage alors contre « la morale relâchée » prend des accents de campagne sanitaire71. L’usage vertueux des biens du corps (éviter les excès de boisson, de nourriture, pratiquer l’aumône…) est présenté par les catéchismes comme un véritable remède « préservatif » pour l’âme chrétienne72. Les directeurs spirituels décrivent le réfrènement des appétits et des passions par la chasteté (ou au moins la maîtrise de la sexualité au travers d’un mariage moralisé) et par l’usage de jeûnes, comme autant de remèdes propres à garder l’âme de la dangereuse rébellion du corps73. Dans cette démarche, les chrétiens désireux de se protéger de la maladie doivent savourer « le vin aigre de la Passion de Jesus-Christ »74.

  • 75 Le catéchisme du concile de Trente, op. cit., p. 352.
  • 76 Nicolas de Dijon, Sermons sur les évangiles, op. cit., vol. 3 p. 466.

30La métaphore ne se limite pas à la sphère préventive car, affirme le catéchisme de Trente, « entre les remedes qui sont necessaires pour rendre la santé à notre ame qui est malade, les Sacrements de Penitence et d’Eucharistie sont les plus necessaires »75. Pour Nicolas de Dijon, le cours même de la maladie peut se faire pénitence si le malade « fait de son lit et de ses maux un doux purgatoire qui le lave, le purifie et qui le rend digne de rentrer bien-tôt en societé de joie et de consolation avec les Anges, et avec les Martyrs même, qui ont souffert tant de cruels suplices pour l’amour de Dieu, et pour se rendre les membres Crucifiés d’un Chef Crucifié »76. Les traitements spirituels et corporels ont ici en commun leur amertume. Pierre Charron en rapproche les nécessaires souffrances :

  • 77 Pierre Charron, De la Sagesse, op. cit., p. 174-5.

aucun mal ne s’en va que par un autre mal, soit au corps, soit en l’ame. Les maladies spirituelles et corporelles ne sont guaries et chassées que par tourment, douleur, peine ; les spirituelles, par penitence, veilles, jeusnes, haires, prisons, disciplines, qui doivent estre vrayement afflictions et poignantes, nonobstant la resolution et devotion à très volontiers les souffrir ; car si elles venoient à plaisir ou proffit et commodité, elles n’auroient point d’effect, ce seroyent exercices de volupté et d’avarice, ou menagerie, et non de penitence et contrition : les corporelles de mesme, par medecines, incisions, cauteres, diettes77.

  • 78 Voir l’ouvrage de controverse signée du pseudonyme Cesar : L’Espee Catholique Avec laquelle on peut (...)
  • 79 Edme Cloyseault, Méditations des prêtres devant et après la sainte messe pour se disposer à la célé (...)
  • 80 François de Clugny, Sujets d’oraison pour les pecheurs tirez des Epîtres et des Evangiles de l’anné (...)

31Le malade doit aussi confesser ses péchés pour être totalement purifié. Ce processus à l’œuvre dans le sacrement de la pénitence est illustré par l’usage de métaphores médicales : la purification est interne et profonde à l’instar de la purgation du corps, ou bien elle est externe avec l’usage de l’eau qui nettoie la souillure du péché (idée réutilisée aussi bien pour l’onction du baptême que pour celle des malades en péril). Les auteurs enjoignent les malades à utiliser « cest antidote, ceste forte batterie de la confession » et les confesseurs à les entendre afin de purger leurs âmes au seuil de la mort, et afin de leur ouvrir les portes du ciel « où rien de souillé ne peut entrer »78. Quant à l’ « aliment salutaire de la communion », il fait pénétrer le lecteur dans un domaine davantage pharmaceutique puisque, pris par la bouche, il est « antidote », « remède », « médecine »… mais en tout cas, la plus souveraine de toutes contre le poison du péché. Le Christ, médecin des Évangiles, donne, par sa présence réelle dans l’hostie, son corps aux Chrétiens préalablement purifiés par la pénitence79. De même, « le sang adorable de Jésus Christ est bien la plus efficace de toutes les medecines » d’après l’oratorien François de Clugny80.

  • 81 Etienne Binet, Remedes souverains contre la peste…, op. cit, p. 46-7.

32Au final, il s’agit donc de purifier son âme, de retrouver le « contre-poison » de son innocence pour se préserver au mieux de la colère de Dieu. Ainsi que le synthétise le jésuite Etienne Binet en calquant sa recette sur celle de la thériaque, anti-venin à base de vipère fort nécessaire en temps d’épidémie : « Il faut concasser les viperes et serpents de nos pechez, destrempers cela dans nos larmes, l’esventer avec des soupirs ; le tout eschauffé des rayons du Soleil ou des flammes d’une vraye charité : pour peu que vous preniez cette recepte, ne craignez iamais la peste : car elle vous auroit tué cent fois ; si est-il vray que vous vivrez eternellement »81.

Conclusion : faut-il soigner le corps ?

  • 82 Explication des Epitres et Evangiles de tous les dimanches de l’année et de tous les misteres de Nô (...)
  • 83 Catéchisme composé et mis en lumière suyvant l’ordonnance & decret du S. Concile de Trente, op. cit (...)

33Pour une part des écrivains du xviie siècle, la précarité charnelle, signe de l’indignité humaine, peut donc être le fondement moral d’un désamour du corps, voire d’un désir de mort. L’héritage paulinien, qui préside chez nombre d’auteurs religieux à l’approche du corps humain, est cependant chargé d’une ambiguïté ainsi résumée par un oratorien de la fin du siècle : il faut « traiter nôtre corps d’une part en ennemi, comme un corps de peché toûjours prest à se revolter contre l’esprit, et de l’autre comme une chose sacrée, et comme le Temple du Saint Esprit qu’il faut prendre garde de ne pas deshonorer par aucune action indigne de cette qualité glorieuse »82. Ce paradoxe protège la légitimité de la médecine des corps. Ce qui la sauve de la vanité qui caractérise le monde temporel est le respect sacré que doit susciter la création divine dont le corps humain fait partie. La santé de ce corps, quoique précaire et amputée par le péché des hommes, est un don divin. Les moyens de la préserver, élaborés par la science des hommes, le sont aussi. Ainsi les catéchèses apprennent-elles aux jeunes chrétiens que « la vertu de guerir qui est aux remedes, vient de Dieu : et qu’ils sont autant valables et utiles aux malades, comme il luy plaist : car la medecine est donnee de Dieu aux hommes, pour par icelle guerir les maladies ». Ils s’appuient sur le texte vétérotestamentaire de l’Ecclésiastique (ou Siracide) qui précise que, pour cette raison, l’ « homme prudent » ne les dédaigne pas83.

  • 84 Voir l’adresse au lecteur placée en 1586 par Guillaume Rouillé et conservée par ses successeurs au (...)
  • 85 Raymond Restaurand, Hippocrate de l’usage du China-China, pour la guerison des fièvres, Lyon, Espri (...)
  • 86 Lazare Meyssonnier, Le Cours de Medecine en François, contenant le Miroir de Beauté et Santé corp (...)
  • 87 Si 38 est par exemple cité par Jean Neander Traité du tabac, ou Nicotiane, Panacee, petum : autreme (...)

34C’est une légitimation de la science et de l’art thérapeutiques qu’aiment à rappeler les éditeurs et les médecins dans leurs traités : les citations du Siracide abondent en exergue, dans les avis au lecteur des libraires et dans les préfaces des auteurs. « Honore le Medecin pour la necessité car le Seigneur l’a créé. Toute medecine est de Dieu... » Ou encore « l’Apothicaire fera des mixtions de douceur, des unctions de santé » rappellent médecins et imprimeurs84. Les auteurs usent aussi de références plus précises en fonction des remèdes proposés. Ainsi Raymond Restaurand cite le Siracide dans son ouvrage sur le quinquina : « Nonne a ligno indulcata est aqua amara ? » (« N’est-ce pas un bout de bois qui a adouci l’eau ? ») et Salomon dans celui sur l’usage de la glace : « Comme de l’eau fraîche pour une personne fatiguée »85. L’idée de la toute puissance de Dieu est reprise au cœur des textes médicaux (« sine me nihil potestus facere ») : les médecins doivent respecter sa volonté comme Hippocrate recommandait de respecter le cours de la nature. Là se trouvent l’inspiration, la puissance et la légitimité de leur art86. Ils ne peuvent prôner un mépris du corps, objet de leurs efforts et de leur science. Ils citent donc bien plus volontiers le livre deutérocanonique du Siracide qui loue la santé et l’usage des plantes médicinales que celui de l’Ecclesiaste en faveur sous d’autres plumes (notamment celle de Bossuet) qui souligne la noirceur et la vanité méprisable de tous les aspects de la vie terrestre et corporelle87.

  • 88 La réduction a minima de cette référence se perçoit déjà chez certains auteurs du xvie siècle comme (...)

35Cette référence reste à la fois importante et stable dans les ouvrages médicaux jusqu’à la fin du siècle (un peu plus du tiers des auteurs l’évoquent au cours de leur traité). Elle est sans aucun doute un simple topos sous la plume d’une partie des thérapeutes. Elle émaille aussi bien les traités de soin que les ouvrages d’étude et de recherche sur le corps humain. Cette assistance divine qui fournit les remèdes ou guide le savant, lorsqu’elle est évoquée en préface ou dans l’épître, semble alors un passage obligé dont les auteurs ne font plus grand cas dans la suite de l’ouvrage88.

  • 89 Voir Jean-Louis Quantin, Le rigorisme chrétien, op. cit. et « Le rigorisme : sur le basculement de (...)

36En revanche, les ouvrages religieux usent davantage de la latitude, étroite quoi que bien réelle, qui est permise entre les deux pôles du corps méprisable ou du corps sacré. La tonalité de chaque auteur varie en fonction de sa sensibilité individuelle ainsi que de son inscription personnelle et de celle de son ordre dans les querelles religieuses du siècle. Si l’idée d’une chair indigne, media et rappel permanent des fautes des hommes est bien celle qui domine, en particulier dans le courant rigoriste de la seconde moitié du siècle, un contrepoint se fait néanmoins entendre, qui rappelle qu’on peut également le chérir en tant qu’œuvre du Créateur et objet de sa Grâce89.

37On peut et il faut donc, dans la plupart des cas, soigner le corps au xviie siècle. C’est l’une des concordances que l’on a voulu montrer ici entre les courants de la pensée religieuse et des éléments fondamentaux de la doctrine médicale galénique. Dans ce travail de normalisation et d’influences croisées, le corps malade se révèle un espace mental privilégié pour la rencontre entre ces deux registres essentiels de lecture de l’homme.

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Notes

1 Voir Philippe Ariès, L’homme devant la mort, Paris, Seuil, 1977, 641 p., p. 296 et suiv. et Pierre Chaunu La mort à Paris : xvie, xviie, xviiie siècles, Paris, Fayard, 1978, 543 p., p. 330 et suiv. On peut aussi se reporter aux travaux de Daniel Roche : « La mémoire de la mort. Recherche sur la place des arts de mourir et la lecture en France aux xviie et xviiie siècles », Annales ESC, 1976, n° 2, p. 76‑119.

2 Voir Hélène Germa-Romann, Du « Bel mourir » au « Bien mourir ». Le sentiment de la mort chez les gentilshommes français (1515-1643), Genève, Droz, 2001, 350 p. ; et les deux premières parties des actes du colloque de Montpellier (19 et 20/09/2003) : Patricia Eichel-Lojkine (dir.), De bonne vie s’ensuit bonne mort. Récits de mort, récits de vie en Europe (xve-xviie siècles), Paris, Honoré Champion, 2006, 341 p.

3 Michel Foucault, Surveiller et punir, naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, 360 p., p. 160 et suiv.

4 Norbert Elias, La civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Lévy, 1973, 342 p. ; Robert Muchembled, Culture populaire et culture des élites dans la France moderne (xve-xviiie siècles), Paris, Flammarion, 1978, 398 p.

5 Pour une synthèse et une critique historiographiques de l’idée de civilisation comme chronologie du refoulement des émotions, voir Barbara Rosenwein, « Worrying about Emotions in History », American Historical Review, 107, juin 2002, p. 821-845.

6 Nagy Piroska, Le don des larmes au Moyen âge : un instrument spirituel en quête d’institution, ve-xiiie siècles, Paris, A. Michel, 2000, 444 p.

7 Sur cet aspect de l’histoire de la spiritualité féminine, voir Olivier Christin et Marion Richard, Soumission et dévotion féminine dans le catholicisme moderne, Paris, Le Manuscrit, 2012, 100 p.

8 Les vies éditées représentent ici la partie émergée de l’iceberg puisqu’un grand nombre de textes sont restés à l’état de manuscrits à l’usage des couvents : voir à ce sujet, Jacques Le Brun « À corps perdu. Les biographies spirituelles féminines au xviie siècle », in Charles Malamoud et Jean-Pierre Vernant (dir.), Le temps de la réflexion, t. 7, 1986, Le corps des Dieux, p. 389-408. Sur les textes de la Contre-Réforme italienne, Christian Mouchel, Les femmes de douleur, Besançon, PU de Franche-Comté, 2007, 128 p.

9 Marie Hiéronyme Chausse, Histoire de l’établissement et du progres du premier monastere des religieuses Annonciades célestes de la Ville de Lyon, fondé par madame Gabrielle de Gadagne comtesse de Chevrière et contenant un abrégé de la Vie des Religieuses qui y sont mortes depuis le commencement de la fondation du Monastere jusques à present, Lyon, 1699, in-4°, 306 p., p. 47-48.

10 « Otez-leur ce qui brille au dehors, il ne leur reste que la fumée d’une mauvaise conscience » : Nicolas de Dijon, Sermons sur les évangiles de tous les dimanches de l’année, Lyon, Thomas Amaulry, in 8°, 1694, 3 vol , vol. 3 p. 476 (tiré d’Augustin, Discours sur les psaumes, I, ps. 30, III).

11 Lazare Meyssonnier Apologie de M Lazare Meyssonnier, Conseiller, et Medecin ordinaire du Roy : Sur ce qui s’est passé depuis sa Conversion à l’Église Catholique Apostolique et Romaine, Lyon, « Aux depens de l’Autheur », 1646, in-16, 23 p., p. 5.

12 Pierre Pigray, Epitome des preceptes de Medecine et de Chirurgie. Contenant plusieurs enseignemens & remedes necessaires aux maladies du corps humain. Lyon, Horace Huguetan, 1652 (1ère éd. 1609), in 8°, 764 p., p. 38.

13 Simon Michel Treuve, Discours de piété contenant l’explication des mysteres et l’éloge des Saints que l’Église honore pendant l’Advent, Lyon, Claude Bachelu, 1697, in-12, 470 p., p. 92.

14 Etienne Binet, Remèdes souverains contre la peste, et la mort soudaine : d’ou les ames devotes peuvent tierer une tres-douce consolation, & spirituelle recreation, tant durant la contagion, qu’en toute autre affliction, ou maladie, Lyon, François La Bottière, 1629, in-12, 275 p., p. 25.

15 Voir par exemple Claude de La Colombière (1641-1682), Retraitte spirituelle du RP Claude de la colombière de la Compagnie de Jesus où sont marquées les graces et les lumieres particulieres que Dieu luy communiqua dans ses Exercices Spirituels durant trente jours, Lyon, Jean et Jacques Anisson, 1694, in-12, 270 p., p. 195.

16 L’image augustinienne de la « porte étroite » illustre les difficultés que les chrétiens trouvent à mettre leur vie en conformité avec les exigences de leur salut. Elle est mise au service des impératifs moraux de la contre-réforme, voir par exemple l’ouvrage abondamment réédité du jésuite Julien Hayneuve, Le Grand chemin qui perd le monde, Comme on y entre, Comme on en sort, Et Comme on passe dans le chemin plus étroit qui nous mène à la vraye vie, Lyon, Claude Chize, 1693, in-12, 318 p.

17 Nicolas de Dijon, Sermons sur les évangiles…, op. cit.,vol. 3, p. 495. Voir également Ieremus Drexellius, L’avant-coureur de l’éternité messager de la mort présente A ceux qui se portent bien aux Malades, et aux Agonisants, Lyon, Jacques Canier, 1666, in-12, 337 p., p. 113-4.

18 Blaise Pascal, Pensées de monsieur Pascal sur la religion & sur quelques autres sujets, qui ont esté trouvées aprés sa mort parmy ses papiers, Lyon, Claude Chize, 1693, in-12, 364 p., p. 34.

19 Ibid., p. 357.

20 Sur les rapports entre Jansénisme et Contre-Réforme, voir René Taveneaux, Jansénisme et réforme catholique : recueil d’articles : 1951-1990, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 1992, 210 p. (en particulier l’article « Port-Royal ou l’héroïsme de la sainteté », p. 34-44 ; Sur le mode de vie plus généralement promu par les curés jansénistes : Françoise Hildesheimer , Le Jansénisme en France aux xviie et xviiie siècles, Paris, Publi-Sud, 1991, 220 p., p. 85 et suiv. Enfin, sur la difficulté de décrire ce que serait véritablement une ligne de conduite « janséniste » : Jean Orcibal, « Qu’est-ce que le Jansénisme ? », in Jacques Le Brun et Jean Lesaulnier (dir.), Etudes d’histoire et de littérature religieuses, xvie-xviiie siècles, Klincksieck, 1997, 1005 p., p. 281-295.

21 De l’Imitation de Jesus-Christ, traduite et paraphrasée en vers par Pierre Corneille, Lyon, Didier Guillimin, 1697, in-12, 470 p.

22 Ibid, p. 49. Voir aussi Alexandre de Lyon : La vie de la venerable Mere Magdeleine du Sauveur, surnommée Mathieu ; religieuse du Tiers-Ordre de N.S.P.S. François, Et Superieure au premier Monastere de Sainte Elizabeth à Lyon, Lyon, François Comba, 1696, in-12, 292 p., p. 82.

23 Voir Jacques Le Brun, « À corps perdu… », art. cit., p. 398 et suiv.

24 Voir par exemple Alexandre de Lyon, La vie de la venerable Mere Magdeleine du Sauveur…, op. cit., p. 89-90.

25 Nicolas de Dijon, Sermons pour les vêtures et professions religieuses, Thomas Amaulry, Lyon, 1695, in-8°, 774 p., p. 485-487.

26 Louis-Antoine de Noailles, Instruction pastorale de Monseigneur l’Archevêque de Paris sur la perfection chrétienne et sur la vie intérieure Contre les illusions des faux mystiques, Lyon, Claude Bachelu, 1698, in-12, 212 p., p. 60.

27 Pierre Charron abondamment réimprimé à la fin du xvie et au début du xviie siècle : De la sagesse par Pierre Charron Parisien, Docteur es droits, Lyon, Jean-Baptiste et Nicolas Deville, 1695, in-12, 710 p., p. 657 et suiv.

28 Simon de Riencourt, Histoire de la monarchie françoise sous le règne de Louis le Grand, Lyon, Claude Bachelu, 1693 (3ème éd.), in-12, 3 vol. , vol. 2 p. 239, vol. 3 p. 386. Pour une approche plus large des maladies dernières des rois, voir les documents réunis par Stanis Perez, La mort des rois : documents sur les derniers jours de souverains français et espagnols, de Charles Quint à Louis XV, Grenoble, J. Million, 2006, 269 p.

29 Roselyne Rey, Histoire de la douleur, Paris, La Découverte, 1993, 414 p. : « La douleur renaissante » et « La douleur à l’âge classique », p. 61-106.

30 Sur la hantise de la maladie (et la peur de la mort) chez Molière, voir Patrick Dandrey , La médecine et la maladie dans le théâtre de Molière, Paris, Klincksieck, 1998, 2 tomes, t. 2 : Molière et la maladie imaginaire, p. 421 et suiv.

31 De l’Imitation de Jesus-Christ, op. cit, Livre I, chap. 23.

32 Laurent Bordelon, Les malades de belle humeur ou Lettres divertissantes écrites de Chaudray, Lyon, Hilaire Baritel, 1698, in-12, 424 p.p. 195.

33 Pierre Charron, De la sagesse..., op. cit., p. 656 et suiv. (Livre III, Chapitre XXII) : la maladie et la douleur sont évoquées sous la tutelle de la troisième vertu, la force. L’auteur, pour exhorter ses lecteurs à la patience cite nombre d’exemples antiques de ceux qui ont su soutenir la maladie avec constance.

34 Albrecht Burkardt, Les clients des saints : maladie et quête du miracle à travers les procès de canonisation de la première moitié du xviie siècle en France, Rome, École française de Rome, 2004, 604 p., p. 261 et suiv.

35 Jean-François Viaud, Le malade et la médecine sous l’Ancien Régime : Soins et préoccupations de santé en Aquitaine (xvie-xviiie siècles), Bordeaux, FHSO, 2012, 422 p.

36 Pierre Garnier, Histoire de la maladie, et de l’ouverture du corps de Messire Matthieu de Seve, Baron de Fléchéres, Seigneur de S. André, Limonéts &c Premier President au Présidial, Lyon, Jacques Faeton, 1695, in 12, 60 p., p. 8, 27 : le malade réclame des lavements, des bains de vins chauds, puis fait appel à de nouveaux médecins dont un charlatan italien.

37 Stanis Perez, Le journal de santé de Louis XIV (précédé de La lancette et le sceptre), Grenoble, J. Million, 2004, 445 p. et La santé de Louis XIV, une biohistoire du roi-soleil, Seyssel, Champ Vallon, 2007, 406 p.

38 Jacques Primerose et Jean de Rostagny, Traité de Primerose sur les Erreurs vulgaires de la Medecine, avec des additions Tres-curieuses, Lyon, Jean Certe, 1689, in-8°, 860 p., Livre 4 : « Des Erreurs populaires touchant l’usage des remedes » : p 534 et suiv.

39 Voir par exemple les négociations délicates que les médecins et chirurgiens de Louis XIV sont obligés d’entreprendre avec leur patient, soucieux par exemple d’éviter autant que possible les applications de « cautère actuel » (au fer rouge) et les opérations chirurgicales : Stanis Perez, Le journal de santé de Louis XIV, op. cit., p. 78.

40 Laurent Joubert, Traité du ris, contenant son essance, ses causes et mervelheus essais, curieusemant recerchés, raisonnés & observés, Paris, Nicolas Chesneau, 1579, in-8°, 407 p. ; Michel Ettmüller, Pratique de médecine spéciale, Lyon, Thomas Amaulry, 1691, in‑8°, 740 p., p. 672-3.

41 Hippocrate, Œuvres complètes, traduction E. Littré, Paris, Baillière, 10 vol. , 1839-1861, vol. IV p. 483 (Aphorisme 38, Liv. 2), p. 485 ; repris par Jeremie Thriverius, Les Aphorismes d’Hippocrates, auec le commentaire de Galien sur le premier livre, traduicts de grec en francois par M. J. Breche, Lyon, Jean-Antoine Huguetan, 1600, in-12, 254 p. (1ère éd. 1555, Lyon, réed. en 1605, 1628), p. 219, 220, 229 ; Jean Vigier, Les Aphorismes d’Hippocrate Prince des Medecins, ausquelles sont contenues toutes les Loix, et Arrests de la vraye Medecine Dogmatique, Lyon, Jean-Antoine Huguetan, 1620, in-16, 602 p., p. 90 (Liv 1, Aph. XXXI) ; Lazare Meyssonnier Les Aphorismes d’Hippocrate, traduits nouvellement en François suivant la verité du Texte Grec, Lyon, Pierre Compagnon, 1668, in-12, 290 p., p. 16 (Liv. 1 Aphor. 38).

42 Voir par exemple Staniz Perez, La santé de Louis XIV, op. cit., p. 176.

43 Jean-Baptiste de Cabias, Les Merveilles des Bains d’Aix en Provence, Lyon, Jacques Roussin, 1623, in-8°, 208 p., p. 39.

44 Une récapitulation de l’œuvre de ces conciles est faite dans les Conférences ecclesiastiques du diocèse de Langres. Reveües, corrigées et augmentées d’un tiers, Lyon, Jean Certe, 1693, in-12, 3 vol. , vol. 2 p. 58-60.

45 Ibid., vol. 2 p. 54-5 ; Mat. 25.

46 Ibid, vol. 2 p. 64-66.

47 Ibid , vol. 2 p. 56-7 et 63.

48 Ibid., vol. 2, p. 64-70.

49 Rituel romain pour bien et duement administrer les Sacremens de l’Église et faire les autres sacrées functions Ecclesiatsiques : Par le commandement de nôtre S. Pere le Pape Paul V, Lyon, Benoist Bachellu, 1649, in-12, 324 p. et La maniere d’administrer les sacrements de confession, communion, et Extreme-Onction aux malades. Avec la forme de les visiter et consoler : ensemble les funerailles des Trespassez, pour les religieuses de sainte Ursule, de l’Ordre de saint Augustin, selon le Rituel Romain, Lyon, Jacques Roussin, 1627, in-12, 158 p.

50 La XIVe session du concile de Trente n’a pas tranché sur la nécessité de la contrition totale ou l’idée d’une attrition suffisante à constituer le sacrement de pénitence : voir Albert Michel, Les décrets du concile de Trente, Paris, Letouzey et Ané, 1938 (T. X de l’Histoire des Conciles), 641 p., p. 331.

51 Abbé Chanut, Le saint concile de Trente oecunémique et général célébré sous Paul III, Jules III et Pie IV, Lyon, Claude de la Roche et Claude Rey, 1685, 2 vol. , in-12., XIVe Session.

52 Conférences ecclesiastiques, op. cit., vol. 2 p. 71.

53 Analecta Juris Pontificii : recueil de dissertations sur différents sujets de droit canonique, liturgie, théologie, Rome : Librairie de la propagande, 1855-1889, Quatrième Série, t. 2, p. 1719 et suiv. Selon la bulle de Grégoire XIII, les médecins sont censés prêter serment de respecter leurs obligations en prenant leurs grades et sont menacés d’exclusion des églises et des facultés et collèges médicaux en cas d’infraction.

54 Voir Bulletin de la Société française d’histoire de la médecine, XXX, 1936, p. 85-97 et Henri Hours, « L’art médical et les médecins lyonnais au Dix-septième siècle », Revue lyonnaise de médecine, 1958, p. 125-142. p. 132.

55 Sur la difficulté de la confession en général, voir Jean Delumeau, Le péché et la peur. La culpabilisation en Occident, xiiie-xviiie siècle, Paris, Fayard, 1983, 741 p., p. 517 et suiv.

56 Le catéchisme du concile de Trente. Traduction nouvelle, Lyon, Jean Certe, 1696, in-16, 2 vol. , p. 375.

57 François Arnoul, Revelation charitable de plusieurs remedes Souverains, contre les plus cruelles et perilleuses Maladies qui puissent assaillir le Corps Humain, Lyon, Pierre Bailly, 1651, in-12, 45 p., p. 40.

58 Jacques Tiran, Missionarius seu vir apostolicus in suis excursionibus spiritualibus, in urbibus et oppidis, ad Dei gloriam, et salutem animarum susceptis, tomus tertius, Lyon, Jean et Jacques Anisson, 1694, in-8°, 768 p., p. 592.

59 Pour le développement de la même idée, voir aussi Joaô da Sylveira, Commentarii in textum evangelicum sex tomis distincti, Lyon, Jean et Jacques Anisson, 1697, in 2, 2 vol. , vol. 2 p. 22 et 538.

60 Voir par exemple Guillaume Le Roy, La Solitude Chrêtienne où l’on apprendra par les sentimens des saints Peres combien on doit desirer se separer du monde, autant qu’on le peut, lorsqu’on veut travailler sérieusement à son Salut, Lyon, Laurent Bachelu, 1699, in-12, 3 vol, p. 212-213.

61 François Chomel, La dignité et abus de la Medecine de ce temps et de l’usage de cét Art parmy les Nations de la terre, Lyon, Antoine Galien, 1669, in-8°, 36 p., p. 25.

62 Lazare Meyssonnier, Apologie de M Lazare Meyssonnier…, op. cit., p. 16 ; Le Medecin du Coeur du Monde Enseignant une invention Nouvelle, certaine et experimentée, de se preserver et de se guerir de la Fievre et de la Peste, Lyon, Claude Cayne, 1642, in-8°, 22 p., p. 13.

63 Philibert Guybert, Le Medecin Charitable, enseignant la maniere de faire et preparer en la maison avec facilité et peu de frais les remedes propres à toutes maladies, selon l’advis du Medecin ordinaire (1ère éd. Paris, 1625), Lyon, Jean Huguetan, 1667, in-8°, 766 p., p. 529. Voir aussi le « traité de la peste » de Jacob Constant de Rebecque, Le Medecin François Charitable. Qui donne les signes & la curation des Maladies internes qui attaquent le Corps Humain. Avec Un Traité de la Peste, Lyon, Jean Certe, 1683, in-8°, 680 p., p. 579 et suiv.

64 Nicolas de Blegny, L’art de guérir les Maladies Veneriennes, expliqué par les principes de la Nature et des Mecaniques, Lyon, Antoine Briasson, 1692, in-12, 468 p., p. 131-141

65 Sur l’usage de concepts médicaux dans les sources religieuses du Moyen Age, voir Peter Biller, Joseph Ziegler (dir.), Religion and Medicine in the Middle-Ages, York, York Medieval Press (York Studies in Medieval Theology, III), 2001, 253 p.

66 Sur l’utilisation des références médicales et de l’image du Christ-médecin par les Pères de l’Église, voir Véronique Boudon-Millot, Bernard Pouderon (dir.), Les Pères de l’Église face à la science médicale de leur temps (Actes du Troisième Colloque d’études patristiques, 9 -11 septembre 2004), Paris, Beauchesne, 2005, 582 p.

67 Nicolas de Dijon, Panégyriques des saints prêchez, Lyon, Thomas Amaulry, 1693, in-8°, 3 vol. , vol. 1, p. 529-30.

68 Jacques Tiran, Missionarius seu vir apostolicus…, op. cit., p. 150.

69 Valentin Gerard, Le Triomphe de la Glorieuse Vierge Marie contre les calomnies du livre de Mstre Simeon Codur, Lyon, Abraham Cloquemin, 1607, in-8°, 999 p., p. 377.

70 Epître aux Romains, 8.5- 8.8.

71 Cette thématique se développe principalement autour du sacrement de la pénitence réaffirmée contre les protestants et lors d’une querelle lancée par les jansénistes qui soupçonnent les casuistes jésuites de considérer avec trop de légèreté les péchés qui leur sont confessés. Cette croisade n’est cependant pas le propre des jansénistes et bien des auteurs dominicains, jésuites ou encore clercs séculiers y participent : voir Jean-Louis Quantin, Le rigorisme chrétien, Paris, Ed. du Cerf, 2001, 161 p.

72 Le catéchisme du concile de Trente, op. cit., p. 165, 352 : « remèdes contre le péché », « remèdes pour conserver la chasteté ».

73 Voir par exemple l’œuvre du prêtre et chanoine de Meaux, Simon Michel Treuve, Le Directeur spirituel pour ceux qui n’en ont point, Lyon, Claude Bachelu, 1698, in-12, 480 p, p. 26, 386, 426, et 453.

74 Etienne Binet, Remèdes souverains contre la peste…, op. cit., p. 59.

75 Le catéchisme du concile de Trente, op. cit., p. 352.

76 Nicolas de Dijon, Sermons sur les évangiles, op. cit., vol. 3 p. 466.

77 Pierre Charron, De la Sagesse, op. cit., p. 174-5.

78 Voir l’ouvrage de controverse signée du pseudonyme Cesar : L’Espee Catholique Avec laquelle on peut facilement rembarrer et vaincre les faulces opinions des heretiques de nostre temps, Lyon, Thibaut Ancelin, 1607, in-12, 484 p. : l’auteur cite Luc (17.14) : « Jesus-Christ eut veu dix hommes lepreux, lesquels l’avoient prié d’avoir pitié d’eux. Il leur dit en ces termes : Allez, Monstrez-vous aux prestres (…) Et advint qu’en s’en allans, ils furent nettoyés » p. 103) et reprend aussi l’idée de la purgation tirée de l’Ecclesiaste : « purge toi de ta negligence… » (p. 98, 219).

79 Edme Cloyseault, Méditations des prêtres devant et après la sainte messe pour se disposer à la célébrer dignement et avec fruit pour chaque jour du mois, Lyon, Jean Certe, 1694, in-12, 204 p. : « Méditation du douzième jour », p. 53 : « Jesus nôtre Medecin et nôtre remede dans l’Eucharistie ».

80 François de Clugny, Sujets d’oraison pour les pecheurs tirez des Epîtres et des Evangiles de l’année par un pecheur, Lyon, Antoine Briasson, 1695, in-12, 5 vol. , vol. 1, p. 115.

81 Etienne Binet, Remedes souverains contre la peste…, op. cit, p. 46-7.

82 Explication des Epitres et Evangiles de tous les dimanches de l’année et de tous les misteres de Nôtre Seigneur et de la tres-sainte Vierge, A l’usage des Ecclésiastiques composee par l’ordre de Monseigneur l’evêque et comte de Chalon-sur-Saône par un Prêtre de l’Oratoire, Lyon, Jean Certe, 1697, in-8°, 5 vol. , vol. 1, p. 171.

83 Catéchisme composé et mis en lumière suyvant l’ordonnance & decret du S. Concile de Trente, op. cit., p. 932-933 ; Si 38.

84 Voir l’adresse au lecteur placée en 1586 par Guillaume Rouillé et conservée par ses successeurs au début de l’ouvrage de Jacques Dalechamps, Histoire générale des plantes, Lyon, Guillaume Rouille héritiers, 1615, in fol, 2 vol. et Les abus de la Theriaque, et de la confection d’Hyacinthe, Observez par Maitre Pierre Barra, Docteur Medecin aggrégé au College de Lyon, Lyon, Antoine Valançol, 1667, in-12, 75 p., p. 2., ou encore celle d’Antoine Valançol rédigée en 1667 au début de l’ouvrage du lyonnais Pierre Barra, Les abus de la Thériaque…, op. cit., p. 2.

85 Raymond Restaurand, Hippocrate de l’usage du China-China, pour la guerison des fièvres, Lyon, Esprit Vitalis, 1681, in-12, 135 p, p. de titre et Hippocrate de l’Usage du Boire a la Glace, Pour la Conservation de la Santé, Lyon, Germain Nanty, 1670, in-12, 88 p., p. 25.

86 Lazare Meyssonnier, Le Cours de Medecine en François, contenant le Miroir de Beauté et Santé corporelle. Par M Louys Guyon, Lyon, Jean-Antoine Huguetan, 1671, in-4°, 2 t., t. 1, p. 406 : la première qualité du bon médecin est d’ « avoir Dieu de son costé ».

87 Si 38 est par exemple cité par Jean Neander Traité du tabac, ou Nicotiane, Panacee, petum : autrement Herbe à la Reyne, Lyon, Vincent Barthélémy, 1626, in-8°, 343 p., p. 343 ; Louis Barles, Les Nouvelles Decouvertes Sur Toutes les Parties principales de l’Homme et de la Femme, Lyon, Jacques Guerrier, 1673, in-12, 305 p., p. 89 ; ou encore François Chomel, La dignité et abus de la Medecine de ce temps, op. cit., p. 17.

88 La réduction a minima de cette référence se perçoit déjà chez certains auteurs du xvie siècle comme Laurent Joubert (voir Première et seconde partie des Erreurs populaires, op. cit., Epître) et est présente jusqu’à la fin du xviie siècle chez des auteurs innovants comme François Verny, La Pharmacopée de Bauderon, Revuë, et exactement corrigée en plus de treize cents endroicts, Lyon, Jean Girin,1672, in-4°, 534 -415 p., « Remarque sur la Theriaque ») ou Michel Ettmüller, Pratique spéciale de médecine, Lyon, Thomas Amaulry,1691, in-8°, 740 p « Introduction du Traité de la Corpulence », p. 630).

89 Voir Jean-Louis Quantin, Le rigorisme chrétien, op. cit. et « Le rigorisme : sur le basculement de la théologie morale catholique au xviie siècle », Revue d’Histoire de l’Église de France, 2003, vol. 89, n° 222, p. 23-43.

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Pour citer cet article

Référence papier

Cécile Floury-Buchalin, « Le modèle du « bon malade » entre traités religieux et traités médicaux au xviie siècle »Chrétiens et sociétés, 19 | 2012, 39-64.

Référence électronique

Cécile Floury-Buchalin, « Le modèle du « bon malade » entre traités religieux et traités médicaux au xviie siècle »Chrétiens et sociétés [En ligne], 19 | 2012, mis en ligne le 09 juin 2022, consulté le 08 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/3284 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.3284

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Cécile Floury-Buchalin

RESEA – LARHRA, UMR 5190

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