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Le métropolite roumain Antim Ivireanu (?-1716) et son projet utopique de la famille

Ecaterina Lung

Résumés

Ivireanu est un théologien rigoriste, intéressé par la théologie morale et la pastorale. La famille roumaine concrète se construit à partir du couple conjugal. Dans la pratique, le modèle idéal est contredit par les fréquents divorces, une très grande mobilité de la population permettant de s’affranchir des règles ecclésiastiques. Pour Ivireanu, la famille repose sur le modèle trinitaire et doit être animée par l’amour entre les personnes. La fin du mariage est la procréation et l’amour conjugal a peu de place ; Ivireanu est aussi sévère pour les hommes que pour les femmes, il insiste sur les sentiments des parents envers leurs enfants et les devoirs des enfants envers leurs parents. Mais il se heurte à une société marquée par des traditions ancestrales.

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Texte intégral

  • 1 Alexandru Duţu, Cultura română în civilizaţia europeană modernă (La culture roumaine dans la civili (...)
  • 2 Florin Faifer, « Postfaţă », Didahii, Bucureşti, Ed. Minerva, 1983, p. 213.
  • 3 Alexandru Duţu, « Antim Ivireanu et les solidarités modernes », Revue Roumaine d’Histoire, XV, 2, 1 (...)
  • 4 Istoria Românilor (Histoire des Roumains), coord. Virgil Cândea, Academia Română, vol. V, Bucureşti (...)
  • 5 Alexandru Duţu, Antim Ivireanu…, art. cit., p. 313.

1Antim Ivireanu occupe une place privilégiée dans l’histoire de la culture roumaine par le rôle qu’il a joué pour imposer la langue vernaculaire dans l’Église au début du XVIIIe siècle, quand la messe était encore célébrée en grec et les livres religieux rédigés en grec ou en slavon1. D’origine géorgienne, d’où son surnom, Antim a été pris comme esclave par les Tatars, puis formé à Constantinople, probablement dans l’entourage du Patriarche œcuménique2. C’est de là qu’il est amené en Valachie par le prince Brancovan, où grâce à ses qualités il grimpe dans la hiérarchie ecclésiastique jusqu’au trône de métropolite. Par sa formation, c’est un érudit : n’ignorant rien de la typographie, il a adapté et édité des textes en grec, en slavon, en roumain et en arabe3. Conscient des besoins en livres religieux des chrétiens de l’Empire Ottoman, il a gravé lui-même les caractères typographiques pour la première imprimerie arabe, au service du patriarcat d’Antioche, et à son initiative, un de ses meilleurs apprentis a posé les fondements de la première imprimerie en Géorgie4. Ses compétences qui s’étendent aussi à la théologie, à l’art oratoire, à l’enluminure et à la broderie, en font un excellent représentant de l’effervescence intellectuelle qui caractérise le tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, désigné comme l’époque d’un « humanisme civique roumain »5. Après le changement politique de 1716, quand les Turcs n’acceptent plus sur le trône de la Valachie les princes Roumains qu’ils remplacent par les Grecs du Phanar, ce métropolite trop patriote et doté d’une forte personnalité entre en conflit avec le nouveau prince, Nicolas Mavrocordato. À l’instigation de celui-ci, Antim Ivireanu est accusé de trahison, condamné par le Patriarcat de Constantinople, déposé, envoyé en exil et finalement tué en secret.

Un réformateur rigoriste

  • 6 Gabriel Ştrempel, Antim Ivireanu, Bucureşti, Ed. Academiei Române, 1997, p. 178.
  • 7 Dan Horia Mazilu, Introducere în opera lui Antim Ivireanu (Introduction à l’oeuvre d’Antim Ivireanu(...)

2Son œuvre impressionnante contient des ouvrages théologiques, des manuels de confession destinés aux prêtres, parmi les premiers rédigés en roumain, un chronographe et des sermons connus sous le nom de Didahii. Il s’agit des premiers sermons roumains originaux, car la tradition byzantine demandait des sermons à forme fixe qu’on utilisait pour les occasions prévues dès le début (les cazanii). Son œuvre, écrite dans un roumain qui sert aujourd’hui encore de modèle pour la langue de l’Église, offre des informations de valeur concernant les réalités du début du XVIIIe siècle, surtout sur les mœurs de l’époque6. Le métropolite, inflexible dans son effort de réforme morale7, critique avec rigueur une société qui semble avoir très peu de repères moraux. Dans les manuels qu’il a écrits pour les prêtres, il propose des solutions qui visent l’assainissement moral de la société roumaine selon les préceptes de l’orthodoxie.

  • 8 Dan Simionescu, Antim Ivireanu, scriitorul (La 250 ani de la uciderea lui 1716-1966) (Antim Ivirean (...)
  • 9 Dan Horia Mazilu, op. cit., p. 158.

3Ses sermons, les premiers exemples de rhétorique roumaine originelle8, sont inspirés des réalités d’un monde qu’il essayait de réformer du point de vue moral ; ils sont donc très précieux d’une part pour comprendre la société de l’époque et d’autre part pour restituer l’image que le métropolite se faisait de cette société. Parmi les manuels destinés aux prêtres, se distingue l’ Învăţătură pre scurt pentru taina pocăinţii (Courte leçon sur le sacrement de la pénitence), un petit traité de théologie morale par l’intermédiaire duquel le métropolite essayait de démarrer son œuvre d’assainissement en commençant par la transformation profonde du type du prêtre orthodoxe9.

  • 10 Fanny Djindjihaşvili, Antim Ivireanu, cărturar umanist (Antim Ivireanu, lettré humaniste), Iaşi, Ed (...)
  • 11 Dictionnaire de théologie catholique, ed. A. Vacant, E. Mangenot, E. Amann, Paris, 1943, p. 423-425
  • 12 Pour les différences entre les domaines de la théologie voir Dictionnaire de la théologie fondament (...)

4On trouve ici un autre trait de l’originalité de la démarche d’Antim Ivireanu dans l’espace orthodoxe roumain : son intérêt pour une théologie morale pratique et pour la pastorale10. Cette orientation puise évidemment aux sources byzantines, cependant, même s’il est impossible d’établir un quelconque rapport direct avec les débats sur la question morale qui ont lieu à la même époque en Europe occidentale, l’accent mis sur la théologie pratique présente des similitudes avec ce qui se passe dans la théologie catholique. Il s’agit surtout de l’intérêt pour une meilleure définition des diverses spécialités de la théologie, développé en Occident après le Concile de Trente (1545-1563)11. Dans l’espace orthodoxe roumain il n’y avait pas de délimitations théoriques si précises, mais l’œuvre du métropolite de Valachie reflète le penchant vers la pastorale et la morale qui caractérise sa théologie pratique. On peut même trouver dans son œuvre certains éléments de théologie systématique, lorsqu’il essaie d’expliquer les sacrements ou les Écritures12.

  • 13 Jean-Marie Mayeur, Charles Pietri, Luce Pietri, André Vauchez,Marc Venard (Dir.), Histoire du chris (...)
  • 14 Istoria Românilor, coord. Virgil Cândea, Academia Română, vol. V, Bucureşti, Editura Enciclopedică, (...)

5Antim Ivireanu se montre rigoriste, et par là contemporain du point de vue idéologique de ce qui se passait à l’époque en Occident, où le courant influencé par le jansénisme triomphait sur le « laxisme » de certains jésuites13. Le contexte intellectuel de l’Orient orthodoxe ne permet guère d’expliquer les similitudes par les influences venues de l’Ouest. Un certain dialogue - même polémique - avec le catholicisme et le protestantisme existait néanmoins à l’époque. Antim a pris parti pour Jean Cariophyle, grand logothète du Patriarcat œcuménique de Constantinople, condamné en 1691 par un concile pour hérésie et idées réformées. À cette période, moine et typographe, Antim imprime l’ouvrage incriminé écrit par Cariophyle14, ce qui montre que même indirectement, il était au courant de certaines idées occidentales. Mais l’orientation idéologique du métropolite roumain s’explique surtout par sa formation monacale ascétique, mise à l’épreuve par sa confrontation avec les réalités beaucoup plus mondaines de son pays d’adoption.

Du modèle théologique au modèle social du mariage

  • 15 Nous allons reprendre ici plusieurs idées qui se trouvent dans notre article paru en roumain : « Im (...)
  • 16 Voir les travaux qui ont proposé la reconstitution de l’évolution de la famille dans l’espace rouma (...)
  • 17 Alexandru Duţu, « Antim Ivireanu et les solidarités modernes », Revue Roumaine d’Histoire, XV, 2, 1 (...)

6Je me propose d’analyser ici, à partir de ses sermons et de ses œuvres pastorales, le modèle idéal de la famille développé par notre métropolite roumain15. Il ne s’agit pas de reconstituer la famille roumaine de l’époque dans son existence réelle et son fonctionnement quotidien16, même si certains éléments trouvés chez Antim peuvent se montrer très utiles de ce point de vue. Notre étude s’intéresse à la manière dont l’Église orthodoxe de l’époque, par l’intermédiaire d’un de ses plus hauts dignitaires, conçoit la famille en tant que structure essentielle de la société, une de ses « solidarités fondamentales », selon l’analyse de Alexandru Duţu17, et tente de comprendre comment elle essaie, par les manuels pour les prêtres et par les sermons, d’imposer sa conception à la société tout entière. Et cela, malgré l’opposition de cette société qui semble partager des idées totalement différentes sur la famille et sur son rôle.

  • 18 Anita Guerreau-Jalabert, Régine Le Jan, Joseph Morsel, « De l’histoire de la famille à l’anthropolo (...)

7Tout d’abord, on peut remarquer que la conception d’Antim est construite sur une base théologique et scripturaire : il réfère la famille à la fois au modèle de la Trinité et à l’idéal des communautés chrétiennes primitives. Le christianisme avait introduit, dès le début, une représentation du monde où le langage de la parenté jouait un rôle central, car il désignait aussi bien les relations entre les personnes divines ou entre les hommes et la Divinité que les relations entre les hommes à l’intérieur de leur communauté18. Chez Antim, tout se nourrit des idées des Pères de l’Église orientale, reçues par la filière de la culture byzantine et slavone qui a inspiré pendant des siècles l’évolution intellectuelle dans l’espace roumain.

  • 19 Histoire de la famille, dir. André Burguière, Christiane Klapisch-Zuber, Martine Segalen, Françoise (...)
  • 20 Antim Ivireanu, Opere (Oeuvres), édition critique et étude introductive par Gabriel Ştrempel, Ed. M (...)
  • 21 Histoire de la famille, t. 1, p. 195.

8Pour désigner la famille, Antim utilise le mot traditionnel casa, « maison », qui a une signification proche de celle qu’offre le latin familia. Dans la société romaine antique, familia signifiait l’ensemble des personnes qui vivaient sous le même toit, c’est-à-dire le maître, son épouse, ses enfants, les esclaves et les serviteurs19. De même, dans la société roumaine de l’époque d’Antim, profondément tributaire du modèle romain byzantin, la famille ne se réduisait pas aux personnes liées par le sang, mais elle incluait les serviteurs et autres proches : « nous avons une maison avec beaucoup de problèmes, plusieurs enfants et pas mal de gens qui trouvent de l’abri auprès de nous »20. On peut remarquer donc que chez Antim la famille ou la maison a le même sens que l’antique domus qui désignait le groupe habitant sous le même toit, toutes les personnes apparentées ou non qui avaient le même domicile21. Le métropolite roumain privilégie quand même les relations de parenté à l’intérieur de la famille, et notre article va insister sur ces problèmes.

  • 22 Antim Ivireanu, op. cit., p. 9.
  • 23 Ibidem, p.160.
  • 24 Ibidem, p. 73.
  • 25 Ibidem.
  • 26 Ibidem, p. 358.

9Le modèle trinitaire de la famille roumaine est sous-jacent dans les propos d’Antim sur l’unité et en même temps la différence, sur la hiérarchie mais aussi la complémentarité des fonctions entre les époux, entre les parents et leurs enfants. Comme Dieu Père, le mari est le chef incontesté de la famille, auquel la femme et les enfants doivent obéir. Dieu, en tant que Père céleste, a comme principal attribut l’amour pour les hommes, ses fils : « l’amour ardent que Dieu manifeste pour la race humaine »22. Aussi le père de famille doit-il aimer et nourrir ses enfants, en leur donnant du pain, comme Dieu qui répond aux prières de ses fils, les chrétiens23. Évidemment, il ne s’agit pas seulement de la nourriture matérielle, mais aussi spirituelle, comme nous le prouve l’image qu’Antim emprunte au Physiologue. Il reprend l’exemple du hérisson qui, suivant la tradition médiévale, une fois dans la vigne, mange d’abord pour lui-même puis se roule par terre pour prendre dans ses épines des raisins qu’il rapporte à ses petits. Le métropolite exhorte les pères de famille à suivre ce modèle, et après la messe, à apporter de la nourriture spirituelle aux enfants et aux familiers qui n’ont pas été avec lui à l’Église24. En même temps, les enfants doivent obéir et honorer leur père et leur mère25, selon le Décalogue, les aider du point de vue matériel, en les nourrissant quand ils seront vieux et pauvres26. La hiérarchie et l’amour doivent donc gouverner la famille terrestre de la même façon qu’elles gouvernent les rapports entre les personnes de la Trinité.

  • 27 Ibidem, p. 89.
  • 28 Ibidem, p. 55.
  • 29 Ibidem, p. 22.

10Antim pense que la société tout entière est organisée comme une grande famille, selon le modèle de la Trinité. Il y avait, en fait, une longue tradition qui interprétait les communautés chrétiennes comme une famille : elle commença avec les premières Églises, dont les membres se considéraient tous comme frères et sœurs. Le métropolite utilise cette tradition y compris dans la manière de s’adresser aux fidèles, qui suggère le rôle de père spirituel qu’il a assumé. Il nomme ses paroissiens « véritables fils de son âme »27, « frères aimés dans le Christ »28, suggérant des rapports affectifs entre le prêtre et son troupeau, qui dérivent de cette interprétation de la communauté chrétienne roumaine comme une grande famille. Plusieurs fois, Antim souligne sa responsabilité envers la communauté, son « devoir paternel envers votre amour » dans sa qualité de « pasteur et père spirituel et enseignant »29. Dans un de ses sermons, il nous a laissé une impressionnante affirmation de son rôle :

  • 30 Traduction des fragments tirés de l’œuvre d’Antim chez Alexandru Duţu, « Antim Ivireanu et les soli (...)

« Si vous ne l’avez pas encore su et s’il n’y a personne à vous l’apprendre, sachez maintenant que j’ai affaire à tous les hommes tant qu’ils sont en Valachie, depuis le plus humble au plus grand et jusqu’aux nourrissons, sauf les païens et ceux d’autre religion que la nôtre ; car c’est à moi que vous a confiés Notre Seigneur, telles des brebis parlantes, pour que je sois votre pasteur spirituel, et c’est à moi qu’incombe la tâche de garder vos âmes et c’est à moi qu’Il vous réclamera et non pas à un autre tant que je serai votre pasteur »30.

  • 31 Histoire du christianisme, vol. 9, p. 1005.

11De cette manière, il se conformait à la tradition paléochrétienne, développée pendant le Moyen Âge et redécouverte en Occident à la même époque par les moralistes et les auteurs de catéchismes. Il s’agissait de se représenter les relations entre les fidèles et les prêtres à l’intérieur de l’Église selon le modèle de rapports entre les enfants et leurs parents31.

  • 32 Albert Schnyder, « La famille, relations entre sexes et entre générations », dans Hélène Ahrweiller (...)
  • 33 F. Djindjihaşvili, op. cit., p. 69.
  • 34 Antim Ivireanu, Enseignement ecclésiastique, traduction française chez Alexandru Duţu, « Antim Ivir (...)

12Si, pour les chrétiens de l’Europe occidentale, le modèle idéal de la famille a été représenté par le mariage chaste entre la Vierge et Saint Joseph, en Orient ce rôle a été joué par la famille du prêtre32. La manière dont Antim insiste sur la nécessaire perfection morale des prêtres et sur sa position de chef spirituel est étroitement liée à ce rôle paradigmatique que les clercs devaient jouer dans la société roumaine de l’époque. Il est conscient comme personne d’autre des carences des prêtres roumains qu’il essaye de corriger en rehaussant leur niveau culturel33. Il condamne fermement son armée cléricale qui était « si mal instruite et si peu éclairée que je dois reconnaître qu’[elle ne peut] apporter quelque aide ou être de quelque utilité au misérable troupeau »34. Mais en tant que métropolite, il se montre très ferme à l’égard des fidèles, auxquels il demande du respect envers leurs prêtres, car ceux-ci restent, avec tous leurs défauts, leurs pères spirituels.

  • 35 Anita Guerreau-Jalabert, Régine Le Jan, Joseph Morsel, op. cit., p. 442.
  • 36 Antim Ivireanu, op. cit., p. 80.
  • 37 Ibidem, p. 108.

13Au fondement des rapports entre les membres de la famille chrétienne devrait rester l’amour qui, du point de vue théologique, constitue le liant des relations entre les hommes par l’intermédiaire du Saint Esprit35. Le métropolite rappelle plusieurs fois le rôle de l’amour chrétien, conséquence naturelle du message christique : « Christ dit : je vous donne un nouveau commandement, de vous aimer l’un l’autre »36. Conformément à un autre topos chrétien, l’Église est la famille de tous ceux qui croient en Christ, mais aussi « mère douce et aimante, qui toujours veille et prie pour nous »37.

  • 38 Histoire du christianisme, vol. 9, p. 1004.
  • 39 Antim Ivireanu, op. cit., p. 201.
  • 40 Ibidem, p. 160.

14Dans la tradition byzantine, le modèle des relations familiales s’étend aux rapports entre le prince et ses sujets. Même s’il ne le dit pas d’une manière explicite, car l’idée d’autorité exercée conformément au modèle de la paternité était acceptée par tous, le métropolite considère que le prince doit être le père du pays38. Il doit gouverner avec douceur son peuple, aidé par sa famille, son épouse et ses enfants39. Dieu répond aux prières comme un père aux demandes de ses enfants et le prince aux pétitions de ses sujets40.

15Ce modèle idéal semble une utopie quand on le confronte aux réalités roumaines du début de XVIIIe, critiquées dans l’œuvre d’Antim. Il est vrai qu’il ne faut pas prendre à la lettre tous ses jugements, si sévères soient-ils, car il s’agit parfois de situations graves à ses yeux en vertu surtout d’un code de valeurs profondément imprégné par l’idéal ascétique. Mais il est tout aussi vrai que la société roumaine semblait se caractériser à l’époque par un certain relâchement moral, décelable à tous les niveaux.

  • 41 Dan Simionescu, op. cit., p. 670.

16On a dit que l’œuvre d’Antim analyse certains « types sociaux » caractéristiques de l’époque41, mais on doit remarquer que la vie de famille dont il parle, transcende les différences sociales et possède une assez grande unité.

  • 42 Indreptarea legii, 1646, Bucureşti, 1962, chapitre 198.
  • 43 Antim Ivireanu, op. cit., p. 14.
  • 44 Ibidem, p. 374.
  • 45 Voir, pour l’analyse du mariage chez les Roumains au XVIIe siècle, Anicuţa Popescu, « Instituţia că (...)

17Selon ses écrits, corroborés avec d’autres sources de la même époque, la famille roumaine se construit à partir du couple conjugal, constitué par le mariage défini dans la tradition romaine byzantine. Le mariage est en premier lieu un sacrement, qui nécessite la présence, l’action et la bénédiction du prêtre42. Le modèle originaire est représenté par le premier couple, Adam et Eve, dont Dieu a dit qu’ils seront un seul corps. Un autre modèle, même plus fort, est celui de la relation entre Christ et l’Église, « sa fiancée »43. Le mariage devrait supposer la volonté librement exprimée par les deux parties, car le métropolite présente les futurs époux exprimant publiquement leur consentement à l’intérieur de l’église, devant le prêtre : « Est-ce que tu me veux ? Je te veux »44. Il y a aussi les empêchements au mariage, comme la parenté naturelle ou spirituelle jusqu’au huitième degré canonique, la différence de condition sociale entre les futurs époux (on n’acceptait pas le mariage entre les libres et les esclaves gitans), l’existence d’un mariage antérieur qui n’avait été pas annulé légalement ou les trois mariages antérieurs d’un des futurs époux45. Normalement, avec très peu d’exceptions, rigoureusement définies par la législation civile et ecclésiastique, le mariage devait être indissoluble.

Le métropolite face aux réalités sociales 

  • 46 Antim Ivireanu, op. cit., p. 27.
  • 47 Francis Rapp, « Réflexions sur la religion populaire au Moyen Âge », in Bernard Plongeron (dir.), L (...)
  • 48 Antim Ivireanu, op. cit., p. 379.
  • 49 Ibidem, p. 379.

18Ce modèle de mariage suggéré par les lois et la tradition canonique semble être tout à fait contredit par la réalité sociale. Pour Antim, les Valaques ne prennent pas au sérieux le sacrement du mariage qu’ils tournent en dérision par leurs jurons, comme tous les autres sacrements. Le métropolite se demande quel autre peuple utilise tant de jurons qui sont tout autant de blasphèmes contre la foi, la croix, la communion, les morts, l’enterrement, le cierge, l’âme, le tombeau, l’hostie, la confession, le baptême, le mariage et tous les saints sacrements46. Tout ce que les croyants devraient respecter dans l’Église et dans son rituel, devient objet de raillerie voire d’exécration par l’intermédiaire des jurons47. Il se peut que le métropolite exagère pour des raisons rhétoriques, mais d’autres sources de la même époque évoquent aussi le grand attachement des Roumains à leurs jurons. Ce qui est important de notre point de vue, est le manque de considération pour le sacrement du mariage dont la dissolution est d’ailleurs assez facile. Antim semble excédé par la rapidité avec laquelle les prêtres et les fonctionnaires civils acceptaient le divorce. Il se plaint qu’un simple désaccord entre la femme et le mari suffit pour qu’ils se séparent en appelant aux représentants du pouvoir local, aux prêtres et aux voisins, et qu’ils obtiennent la charte (carte) qui atteste le divorce et leur permet le remariage48. Antim se croit donc obligé de demander aux prêtres de ne plus prononcer eux-mêmes le divorce et d’envoyer le couple en litige au siège métropolitain, là où leur cas peut être jugé et où l’éventuel divorce leur serait accordé en conformité avec la loi écrite (Pravila)49.

  • 50 Ecaterina Lung, « L’État, l’Église et le contrôle du mariage dans les principautés roumaines (XVIe- (...)
  • 51 Histoire du christianisme, vol. 9, op. cit., p. 1005.
  • 52 Pour la cœxistence de plusieurs systèmes juridiques dans l’espace roumain de XVIIIe siècle voir Lig (...)
  • 53 Călători străini în Tările Române (Les voyageurs étrangers dans les Pays Roumains), vol. I, p. 405  (...)
  • 54 Angeliki E. Laiou, Mariage, amour et parenté à Byzance aux XIe-XIIIe siècles, Paris, De Boccard, 19 (...)
  • 55 Antim Ivireanu, op. cit., p. 104.
  • 56 Louis Assier-Andrieu, « La formation historique du concept de coutume et les origines de l’anthropo (...)

19Le mécontentement d’Antim est justifié non seulement par des motifs de nature morale, mais aussi parce que d’autres instances pouvaient également juger les procès de divorce qui échappaient ainsi à la compétence de l’Église50. Or Antim aurait désiré que, selon le modèle byzantin, la compétence de l’Église en ce qui concerne la vie familiale fût absolue. En fait, son insistance concernant l’obligation de juger selon le code de loi (Pravila) émis par l’autorité politique, mais contenant aussi des lois ecclésiastiques (canons) se manifeste dans une période où l’État législateur instaurait et garantissait l’ordre social51. Contrairement à ce qu’affirmait avec indignation le métropolite, la rapidité avec laquelle on obtenait le divorce dans l’espace roumain ne signifiait nullement un quelconque relâchement moral, mais la persistance d’un autre système juridique52. Il s’agit du droit romain vulgaire, devenu coutumier, qui considérait le mariage comme un contrat, dont la dissolution était possible au gré des deux parties si les époux ne pouvaient plus cohabiter. Bien avant Antim, les voyageurs étrangers qui passaient par le territoire roumain, venus de l’Occident catholique où l’Église avait imposé depuis des siècles l’indissolubilité du mariage, observaient avec stupeur la rapidité avec laquelle on obtenait les divorces53. Le système de valeurs archaïques qui dominait la vie des Roumains n’avait pas encore été remplacé par celui fondé sur le droit écrit, de tradition romaine byzantine. Les Pères de l’Église Orientale avaient profondément marqué le droit byzantin, et avaient réussi, du moins théoriquement, à imposer l’indissolubilité du mariage. Mais l’État byzantin, intéressé par une politique nataliste qu’il jugeait incompatible avec l’indissolubilité absolue, avait toujours laissé quelques possibilités, si étroites fussent-elles, pour le divorce. Cette tension, toujours présente dans l’espace orthodoxe, entre l’idéal de l’indissolubilité proclamé par l’Église et les réalités sociales qui imposaient le maintien des possibilités de divorce était plus grande dans une société où la christianisation des mœurs n’était pas accomplie et où les pratiques ancestrales avaient force de coutume54. Le métropolite se moque de ceux qui refusent ses exhortations en arguant du fait qu’ils ont reçu les coutumes de leurs ancêtres, qu’ils ont toujours vécu de la sorte et que personne n’a essayé de changer leurs coutumes55. Il est difficile de dire si « coutume » (obiceaiu – ce qui en roumain peut aussi dire « habitude ») signifie ici norme de droit coutumier, ou pratique sociale, ou les deux à la fois. Normalement, dans les sociétés traditionnelles, le concept de coutume peut désigner en même temps l’idée de pratique, ligne de conduite, et le modèle (projection idéale d’une ligne de conduite désirée)56. Ainsi, Antim présente une communauté traditionnelle roumaine s’opposant assez fortement aux tentatives imposées de l’extérieur de changement des pratiques sociales et des normes du droit coutumier.

  • 57 Antim Ivireanu, op. cit., p. 378.

20Une autre situation considérée comme anormale par le métropolite est la pratique d’éluder les empêchements canoniques au mariage grâce à une grande mobilité de la population. Les gens prennent la fuite, changeant souvent de domicile à cause du contexte mouvementé de l’époque, mais Antim affirme que c’est un moyen de contracter facilement des mariages autrement inacceptables. Par conséquent, il interdit aux prêtres de marier les gens venus d’ailleurs, dont on ne connaît pas les antécédents maritaux, car dans l’espace roumain l’Église ne tenait pas de « registres d’état civil ». Il recommandait aux prêtres de s’informer avant de célébrer un mariage, car il n’était pas rare de voir se présenter des personnes qui avaient ailleurs mari ou femme bien vivants, ou qui avaient déjà été mariés trois fois et cherchaient à se marier une quatrième fois, ce qu’il considérait comme débauche et illégalité57.

  • 58 Korbinian Ritzer, Le mariage dans les Églises chrétiennes du Ier au XIe siècle, Paris, Cerf, 1970, (...)
  • 59 Antim Ivireanu, op. cit.,p. 378.
  • 60 Documente privind istoria României, B, XVI/V, doc. 143, p. 135-136.
  • 61 Indreptarea legii, chapitre 222.

21On peut reconnaître dans les interdictions du métropolite certaines pratiques comme la bigamie ou le quatrième mariage, interdites dans l’Orient orthodoxe à partir du Xe siècle58. Selon Antim, ces pratiques ne sont pas rares et lui-même a jugé plusieurs cas59. Ainsi, sauf la possible exagération rhétorique d’un prélat désireux de voir respecter à la lettre les injonctions de l’Église, on peut penser qu’il décrit vraiment une réalité du Sud-Est européen de l’époque préindustrielle. Cette réalité est confirmée par d’autres sources, par exemple un ordre du prince Petru Cercel (fin du XVIe siècle) qui imposait des amendes aux mariés transgressant les interdits ecclésiastiques60. On avait à faire avec l’ancien régime démographique, caractérisé par des mariages précoces et par une forte mortalité. Pour les habitants de l’espace roumain de l’époque, les causes les plus fréquentes de cette mortalité qui affectait les familles étaient liées aux épidémies, aux troubles sociaux et politiques, aux famines, aux razzias faites par les Turcs et les Tatars. Des couples pouvaient être dissous aussi par la capture d’un des partenaires par les Turcs et surtout par les Tatars du Nord de la Mer Noire. Les plus pauvres, dont les familles étaient incapables de réunir la rançon, ne revenaient jamais de l’esclavage. Il était légitime, pour les partenaires restés à la maison, de désirer se remarier : il ne s’agissait pas d’immoralité, comme disait le métropolite, mais de la nécessité de survivre, ce qui était plus facile en couple dans les conditions si dures de l’époque. Le Code juridique (Pravila) permettait le remariage du partenaire resté seul après trois ou cinq années passées sans nouvelles du conjoint pris comme esclave61. Cette période semblait quand même trop longue à une époque où l’espérance de vie était si faible et la vie de l’individu isolé extrêmement précaire.

  • 62 Ibidem, chapitre 237, paragraphe 1-15 ; Carte românească de învăţătură, chapitre 15, paragraphe 1-1 (...)

22Il est vrai qu’Antim semble parler de ceux qui ne sont pas dans des situations si difficiles, et qui désirent tout simplement se marier de nouveau alors qu’ils ont un partenaire encore vivant au pays et non pas chez les Turcs. Ces cas pourraient peut-être s’expliquer comme une réaction aux interdictions toujours plus nombreuses que les autorités religieuses, en accord avec les autorités politiques, prononçaient contre le divorce. Dans ces situations considérées par le métropolite et par la loi écrite comme bigamie62, nous avons probablement à faire à un autre code moral, traditionnel, selon lequel l’abandon du partenaire signifie la dissolution du mariage, autorisant ainsi les deux anciens époux à se remarier sans problème. Il est vrai qu’on ne dispose pas d’attestation pour l’époque d’Antim : seules les recherches ethnographiques des XIX-XXe siècles suggèrent l’existence de ces pratiques. Elles ont été considérées comme des preuves d’une dissolution du mariage caractéristique de l’époque moderne, mais il est possible qu’elles reflètent en fait une situation archaïque, datant de la période où l’Église n’avait pas encore réussi à imposer son contrôle sur la vie privée des individus.

  • 63 Antim Ivireanu, op. cit., p. 381.
  • 64 Jack Goody, L’évolution de la famille et du mariage en Europe, Paris, Armand Colin, 1985, p. 139-14 (...)
  • 65 Histoire de la famille, fig. 17, p. 73.

23Le métropolite craignait aussi qu’entre ceux qui se mariaient loin de leur lieu d’origine il n’y eût une parenté de sang63, empêchement canonique pour le mariage. Depuis le IVe siècle, l’Église a constamment multiplié les empêchements de parenté, à partir du huitième degré civil jusqu’au quatorzième degré (septième degré canonique)64 ; dans l’espace orthodoxe on en est arrivé jusqu’au huitième degré canonique par le changement dans les méthodes de comptage, qui avaient pour critère les générations, non les individus, comme à l’époque romaine65. Par conséquent, les mariages devenaient théoriquement de plus en plus difficiles à contracter dans le contexte d’une assez forte endogamie des communautés paysannes qui cherchaient toujours à éviter les étrangers. Dans l’espace roumain on n’avait ni généalogies, ni registres d’état civil, et seule la mémoire collective retenait les degrés de parenté, on ne sait pas avec quelle exactitude. Il est difficile de dire si les préoccupations d’Antim contre l’inceste reflètent une situation fréquente, ou s’il s’agit tout simplement du rigorisme du métropolite qui désire que les lois canoniques soient appliquées à la lettre.

  • 66 Antim Ivireanu, op. cit., p. 394.
  • 67 On suit l’analyse du rapt consenti comme moyen de réaliser un mariage d’amour faite par Georges Dum (...)
  • 68 Danielle Haase-Dubosc, Ravie et enlevée. De l’enlèvement des femmes comme stratégie matrimoniale au (...)
  • 69 Indreptarea legii, chapitre 259, paragraphe 9 ; Carte românească de învăţătură, chapitre 32, paragr (...)
  • 70 Antim Ivireanu, op. cit., p. 394.

24Il essaye d’empêcher une autre pratique trop répandue à ses yeux : le rapt des filles en vue du mariage. Il stigmatise ceux qui attirent les jeunes filles et prennent la fuite avec elles contre la volonté de leurs parents, qu’elles soient consentantes ou non, puis en appellent aux médiateurs et finissent ainsi par obtenir le consentement parental66. On peut remarquer qu’Antim ne parle pas en premier lieu du rapt violent, condamné aussi par le système moral traditionnel, mais il est contrarié par le rapt consenti par la fille. Dans ce cas, le rapt était en fait un moyen de se marier par amour, en contournant la volonté des familles que l’Église, le droit écrit et la communauté considéraient comme essentielle pour contracter un mariage67. Le soi-disant « rapt » était donc une stratégie matrimoniale qui affirmait le droit des individus de choisir leurs partenaires indépendamment de l’intérêt des familles68. Il est évident encore une fois que la loi écrite, qui affirme la nullité d’un mariage contracté après le rapt69 et le code moral du métropolite entrent en conflit avec les pratiques de la communauté traditionnelle. À l’intérieur de cette dernière, les noces issues d’un rapt peuvent, finalement, être acceptées par les familles après l’intervention des médiateurs qui font partie de la même communauté. Le métropolite impose à ceux qui se marient dans de telles conditions des amendes, payables aux autorités civiles et ecclésiastiques, ainsi qu’une pénitence pour que le mariage ainsi contracté soit légitime70. L’église et les autorités politiques essayent donc d’usurper le rôle de la famille et de la communauté villageoise dans l’arbitrage de situations qui sont pour Antim des transgressions, mais qui n’apparaissent pas tout à fait anormales à ces dernières.

  • 71 Ibidem, p. 381.
  • 72 Ibidem.

25Le métropolite est aussi préoccupé par le cas des Gitans, car ce sont des chrétiens et leurs couples doivent être fondés sur la base des noces célébrées à l’Église. Il demande aux prêtres ne pas célébrer le rituel du mariage s’ils ne disposent pas des lettres prouvant que les maîtres des esclaves gitans ont donné leur accord à ces noces et qu’ils ont conclu un arrangement pour la compensation de celui dont l’esclave part pour vivre sur un autre domaine71. La tradition demandait qu’on donne une autre « âme », un autre esclave en échange, ou qu’on offre de l’argent pour le Gitan ou la Gitane qui quittait la maison du maître en raison du mariage. Antim demande aussi que dans le cas où il a existé un accord entre les deux maîtres et où le mariage a été effectivement conclu, les prêtres ne l’annulent pas à la demande des maîtres72.

26Ces injonctions révèlent quelques aspects de la situation des esclaves gitans au début du XVIIIe siècle. Les lois écrites et le droit canonique prévoient l’incapacité juridique des Gitans, qui tout comme les esclaves de l’Empire Romain chrétien ne pouvaient pas contracter de mariage légitime sans l’accord de leurs maîtres. Si les maîtres des futurs époux étaient différents, et c’est le cas qui préoccupe Antim, un arrangement entre les deux propriétaires était nécessaire pour qu’aucun ne subisse de préjudice par la perte de « l’objet » possédé. Le métropolite essaye d’interdire la séparation forcée, ordonnée par les maîtres, des Gitans mariés à l’Église, ce qui semble avoir été une pratique de l’époque, tout comme la vente séparée des membres d’une même famille. Antim n’invoque pas des arguments humanitaires, plus ou moins incompréhensibles pour la société de l’époque, mais des arguments de nature théologique : les Gitans sont chrétiens, leurs mariages sont des sacrements et deviennent ainsi indissolubles.

  • 73 Ibidem, p. 394.
  • 74 Indreptarea legii, cap. 197 ; 200.
  • 75 Peter Brown, Le renoncement à la chair, traduction roumaine Trupul si societatea, Bucuresti, ed. Ra (...)

27L’intérêt du métropolite pour le respect de la norme canonique et le statu quo social est prouvé par le fait qu’il interdit aux prêtres de célébrer des mariages entre les Roumains et les Gitans, à cause du scandale et par crainte que les hommes libres ne tombent dans l’esclavage73. En fait, les lois écrites de l’époque n’interdisent que le mariage entre une fille de famille noble et un esclave gitan74, vestige de l’héritage byzantin. On désirait par là éviter l’inversion des rapports sociaux à l’intérieur du couple75, car dans ce cas, l’homme, « naturellement » supérieur à sa femme devenait inférieur face à une épouse de rang plus élevé. Les lois écrites s’intéressaient surtout au statut juridique des enfants issus des couples mixtes qui héritaient du statut de la mère. L’intervention du métropolite dans ce cas se justifie pour des raisons d’ordre social et non canonique. Antim, comme toute l’Église de son temps, considère la hiérarchie sociale comme un fait immuable, établi par la divinité, et sa transgression représente aussi une atteinte aux préceptes moraux.

  • 76 Antim Ivireanu, op. cit., p. 393.
  • 77 Gabriel Ştrempel, Antim Ivireanu, Bucureşti, 1997, p. 218.
  • 78 Ibidem .

28Le même intérêt pour les normes sociales qu’il considère en même temps comme des normes morales, explique que le métropolite propose un modèle de formulaire concernant la dot, qui doit être rempli par les familles à l’occasion du mariage de leurs enfants. Il essaye de cette manière de limiter le nombre de divorces occasionnés par les conflits autour de la dot et les mésententes ultérieures76. Même si cette initiative partait d’un idéal moral que la société roumaine a ou n’a pas compris, ce qu’on a retenu a été la raison pragmatique. De la période postérieure on a gardé un grand nombre d’actes dotaux conçus sur le modèle défini par le métropolite77. De la même manière, ses recommandations pour que le mari ait le droit d’hériter de la dot de sa femme décédée, innovation par rapport à la tradition qui réservait la dot aux enfants ou à la belle-famille, ont été acceptées et sont devenues des normes juridiques. Après la disparition d’Antim, la métropolie a imposé cette pratique et jusqu’au XIXe siècle, on a accordé à l’époux en propriété une partie de la dot de sa femme morte78.

Le couple et l’amour conjugal

  • 79 Antim Ivireanu, op. cit., p. 155.
  • 80 Ibidem, p. 24-25.
  • 81 Ibidem, p. 24.
  • 82 D.H. Mazilu, op. cit., p. 171.
  • 83 Antim Ivireanu, op. cit., p. 235.
  • 84 Ibidem, p. 241.
  • 85 Ibidem, p. 245.
  • 86 Ibidem, p. 14.
  • 87 Ibidem, p. 127.

29En ce qui concerne le rôle du couple, Antim suit à la lettre la tradition de l’Église selon laquelle la seule motivation du mariage doit être la procréation : c’était la volonté de Dieu lorsqu’il a créé le couple primordial, qu’il l’a béni et qu’il lui a enjoint de remplir la terre et de la dominer79. Le métropolite semble n’accorder guère d’importance à l’amour conjugal : dans sa « typologie » de l’amour, il traite seulement des sentiments des enfants envers leurs parents, de l’amitié et de la vertu théologale qui porte ce nom80. Il semble suspecter toujours les relations entre les hommes et les femmes, parce que souillées par la sexualité. L’amour physique est considéré par lui comme « plein de passion et mauvais »81. Dans les manuels pour la confession qu’il a écrits pour les prêtres, on peut remarquer sa suspicion permanente envers la sexualité qui peut ouvrir la porte au péché même à l’intérieur du mariage82. Les prêtres doivent demander au mari s’il n’a pas commis de péché avec sa femme, suivant la nature ou contre la nature83. Cependant, il y a chez Antim une certaine valorisation de l’amour conjugal purement spirituel, selon le modèle de celui qui existait à l’intérieur du couple primordial avant la Chute, entre Adam qui était innocent et Ève qui lui donnait de l’aide84, au moment où ils symbolisaient et anticipaient le Christ et l’Église85. En fait, Antim parle de l’amour légitime entre le mari et sa femme quand il raconte les histoires des personnages de l’Ancien Testament. L’amour de Jacob pour Rachel (à l’époque où elle était seulement sa fiancée) préfigure l’amour que le Christ porte aux hommes86. De même, l’amour du Christ pour l’Église est exprimé, conformément à la tradition, à l’aide des métaphores nuptiales, quand Antim affirme que la fiancée de l’Agneau est venue et que tout le monde doit s’en réjouir87.

  • 88 D.H.Mazilu, op. cit., p. 171.
  • 89 Antim Ivireanu, op. cit., p. 235.

30Mais les références faites par Antim à un amour conjugal acceptable dans les termes de la moralité désirée par l’Église restent assez rares. L’obsession du métropolite reste la déviation qui menace dans toute sexualité vivante, dynamique, insubordonnée88. La sexualité est permise seulement à l’intérieur du couple conjugal pour donner naissance aux enfants. Les relations entre des gens non mariés (ou entre un homme marié et une femme célibataire) sont qualifiées de débauche (curvie) ; celles entre des personnes mariées constituent un adultère (preacurvie). Mais le métropolite suit à la lettre la tradition canonique et législative byzantine : on qualifiait d’adultère le délit de la femme qui trompe son époux, ou de l’homme qui a des relations sexuelles avec la femme d’un autre, mais jamais l’acte du mari qui trompe son épouse avec une femme qui n’est pas mariée89.

  • 90 Voir l’analyse classique de Keith Thomas, « The double standard », Journal of the History of Ideas, (...)
  • 91  Indreptarea legii, chapitre 241.
  • 92 Pierre Bourdieu, La domination masculine, Paris, Seuil, 1998, p. 15.
  • 93 Antim Ivireanu, op. cit., p. 123.
  • 94 Eugen Negrici, Antim Ivireanu. Logos şi personalitate, Bucureşti, Ed. Du Style, 1997, p. 123.
  • 95 Antim Ivireanu, op. cit., p. 238.
  • 96 Dan Horia Mazilu, op. cit., p. 170.

31Cela ne veut pas dire que le métropolite montre une tolérance plus grande envers les fautes des hommes, selon les normes sociales d’une époque qui appliquait un double standard en matière morale pour les hommes et pour les femmes90 : par exemple, la loi prévoyait la peine de mort pour la seule femme adultère, mais pas pour le mari qui avait commis la même faute91. En lisant les Didahii, on a au contraire l’impression que l’auteur s’intéresse surtout aux péchés spécifiquemet masculins, comme le montre sa manière de s’adresser aux auditeurs : « mes fils », « mes frères ». Or ces formules ne signifient pas qu’il exclut les femmes de son public, mais plutôt qu’il a comme tout le monde une vision androcentrique du monde, et que le masculin considéré comme neutre englobe l’humanité dans son intégralité92. Restent cependant d’autres arguments en faveur de l’hypothèse que le métropolite condamne plutôt les péchés masculins : il est excédé par la délation, péché inventé par Satan, et les délateurs et les semeurs de discorde sont pour lui semblables au diable93. La délation, la conjuration représentent des réalités de l’époque, bien connues par Antim qui flétrissait avec force la figure du délateur omniprésent dans l’entourage du prince94, et ce sont des actions masculines, caractéristiques de ceux qui peuvent évoluer dans l’espace public et qui peuvent en obtenir des bénéfices. En revanche, les péchés féminins sont plutôt la magie et l’utilisation des potions abortives et Antim n’en parle pas dans ses discours par crainte de leur faire de la publicité, mais dans les manuels destinés aux prêtres95. Il est tout aussi vrai que le métropolite qui se veut directeur de conscience96, parle de péchés universels, caractéristiques des hommes comme des femmes : la débauche, l’adultère, l’homicide, cités dans cet ordre, ce qui suggère l’importance plus grande attachée aux délits sexuels qu’aux autre péchés.

  • 97 Ibidem, p. 238.

32À part les transgressions de nature sexuelle par rapport à la morale ecclésiastique, l’auteur semble croire que la vie de famille connaît beaucoup d’autres problèmes. Son idéal, qui est en même temps partagé par la société entière, est la famille avec beaucoup d’enfants. Il est convaincu que les pratiques contraceptives sont assez répandues, et il recommande aux confesseurs de demander aux femmes si elles utilisent des herbes pour ne pas avoir d’enfant97.

  • 98 Ibidem, p. 43.
  • 99 Histoire de la famille, p. 365.
  • 100 Antim Ivireanu, op. cit., p. 44.
  • 101 Ibidem, p. 44.
  • 102 Florence Heymann, « L’obligation de mariage dans un degré rapproché. Modèles bibliques et holakhiqu (...)

33L’absence des enfants dans une famille est vue par Antim comme une punition divine et une grande humiliation. Il raconte le récit édifiant des saints Joachim et Anne qui sont haïs et offensés par tous parce qu’ils n’avaient pas d’enfant98. Même s’il est apocryphe, le récit correspond à la tradition judaïque puis chrétienne qui considère la stérilité comme une punition divine99. À la différence du métropolite qui voit dans la naissance des enfants l’accomplissement du commandement divin et une manière de manifester du respect envers Dieu, ses contemporains désirent des fils pour qu’ils gardent leur souvenir et qu’ils héritent de leurs domaines et de leurs biens100. On peut remarquer la préférence pour les fils dont la naissance était plus désirée que celle des filles. Antim reflète ces conceptions quand il évoque Joachim et Anne priant Dieu pour un enfant, garçon ou fille101. Les deux saints auraient préféré un fils plutôt qu’une fille, si on regarde l’ordre des termes de leur invocation, ce qui nous montre la tradition qu’on trouve tout autour de la Méditerranée de transmission du patrimoine vers les fils, et donc la valorisation de la descendance masculine102.

Descendance et parenté spirituelle

  • 103 Ibidem, p. 174.
  • 104 Jean-Louis Flandrin, Familles. Parenté, maison, sexualité dans l’ancienne société, Paris, Seuil, 19 (...)

34En ce qui concerne les relations entre les parents et leurs enfants, la norme devrait être représentée par l’amour et la concorde, car Antim pense qu’un père terrestre, étant juste et bon, aime tous ses fils de la même manière, et il partage également ses biens entre eux103. On peut se demander si cette insistance sur l’égalité de traitement en matière d’héritage ne vise pas à contrecarrer la pratique de favoriser certains enfants par rapport aux autres. Les documents de l’époque montrent parfois les procès entre des frères mécontents du partage des biens de leurs parents. Il est donc possible que le métropolite ait essayé de mettre fin à ces litiges en conseillant aux parents d’être équitables envers tous leurs enfants. Il est intéressant de remarquer, comme l’a fait Jean-Louis Flandrin, qu’en Occident, vers la même période, se multiplient les manuels de confession et les catéchismes qui exhortent les parents à traiter équitablement leurs enfants104. Les deux traditions étaient quand même assez différentes, car si en Occident il y avait des régions où les aînés héritaient de la plus grande partie des biens de la famille, dans l’espace roumain, le système de partage était égalitaire, du moins en ce qui concerne les garçons.

  • 105 Antim Ivireanu, op. cit., p. 74.
  • 106 Egle Becchi, Dominique Julia, Histoire de l’Enfance en Occident, Paris, Seuil, 1998, t. 1, p. 14.
  • 107 Jean-Louis Flandrin, op. cit. p. 160.
  • 108 Egle Becchi, Dominique Julia, op. cit., p. 115.
  • 109 Antim Ivireanu, op. cit., p. 44.

35Contrairement aux exhortations du métropolite, dans la réalité des relations entre les parents et les enfants, l’harmonie semble manquer assez souvent. Les sentiments des parents envers leurs enfants se montrent assez rarement et d’une manière très discrète dans les œuvres d’Antim. Dans la pure tradition de l’Église, il considère que l’amour pour les enfants ne doit pas dépasser celui pour Dieu, citant l’exemple d’Abraham, prêt à sacrifier son seul fils à la demande de la Divinité, et donnant comme modèle Job, qui accepte sans se révolter la disparition de ses enfants105. Cette attitude reflète une conception ancienne de la famille, que Philippe Ariès décrivait comme institution sociale préoccupée en premier lieu par la transmission et la conservation du patrimoine, centrée sur l’autorité paternelle et sur la gestion de la richesse, à l’intérieur de laquelle les relations affectives ne sont pas trop importantes106. Le métropolite roumain semblait croire, comme toute la société européenne de l’époque, que l’enfant doit tout à son père, parce qu’il lui doit la vie107. Mais il ne comprend pas que les parents roumains refusent d’envoyer leurs enfants en bas âge dans les monastères sans s’inquiéter de leur vocation, conformément à la pratique médiévale des oblats. Condamnée en Occident en 1215, par le Concile Latran IV108, tombée en désuétude dans l’espace roumain de l’époque, cette pratique rend nostalgique Antim, qui se plaint que les pères de famille, même s’ils avaient cent fils, ne voudraient pas consacrer un de leurs enfants à Dieu109. Le métropolite voit dans ce refus l’indifférence envers Dieu et l’égoïsme de ceux qui désirent seulement perpétuer leur nom et transmettre leurs richesses à leurs descendants. Pour nous, cette attitude des parents roumains peut signifier un changement de mentalité, une preuve qu’à l’époque existait déjà une affection réelle envers les enfants, qui était moderne dans une certaine mesure.

  • 110 Ibidem, p. 353.
  • 111 Ibidem, p. 33.
  • 112 Ibidem, p.353.
  • 113 Ibidem, p.155.

36L’œuvre d’Antim insiste surtout sur les devoirs des enfants envers leurs parents, car Dieu ordonne qu’on les honore, pour bénéficier d’une vie heureuse110. Le métropolite s’inspire fidèlement du Décalogue, texte fondamental pour la doctrine chrétienne des relations domestiques. Mais il s’intéresse surtout aux transgressions du quatrième commandement, notamment lorsqu’il évoque les enfants qui offensent et battent leurs parents111, qui blasphèment et dénoncent leurs parents qui leur ont donné la vie112. La violence physique se conjugue avec la violence verbale dans l’image d’un monde renversé face au modèle idéal. Cette situation anormale a été générée par le péché généralisé au niveau de toute la société, par l’indifférence face aux commandements divins, et c’est ainsi que personne ne doit se demander pourquoi les fils n’obéissent plus à leurs pères, ni les serviteurs à leurs maîtres113. Antim constate, en fait, que la société ne respecte pas les préceptes de l’épître aux éphésiens, 5, 22-6, 9, qui demandent aux enfants et aux serviteurs d’obéir à leurs pères et à leurs maîtres comme ils obéissent à Dieu. La société humaine devrait refléter le modèle divin, selon l’apôtre Paul, et la transgression de ces préceptes représente le mépris des commandements divins. Les causes réelles de la violence domestique dont parle Antim sont plus complexes qu’il ne le dit ; ce qu’il essaye de faire c’est de contenir le pire à l’aide de l’idéologie religieuse officielle.

  • 114 Ibidem, p. 360.
  • 115 Ibidem, p. 81.

37À l’époque d’Antim, comme nous l’avons déjà dit, les domestiques et les esclaves faisaient partie de la famille. Le métropolite conçoit les relations entre les maîtres et les serviteurs selon le modèle des rapports entre le père et les fils, car le premier a des responsabilités matérielles et spirituelles envers les derniers, devant leur conseiller d’aller à l’église et de vivre en chrétiens114. Les domestiques et les esclaves doivent obéissance absolue à leur maître. La responsabilité de la domus est invoquée souvent par les contemporains comme un obstacle aux œuvres de charité qu’ils auraient désiré faire, mais qu’ils ne peuvent pas accomplir à cause de la difficulté d’entretenir leur maison et tous ceux qui en font partie115.

  • 116 Indreptarea legii, chapitre 211, § 7, 15 ; Carte românească de învăţătură, chapitre 41, § 7.
  • 117 Antim Ivireanu, op. cit., p. 382.

38D’autres personnes encore sont liées à la famille traditionelle dont parle Antim, par la parenté spirituelle créée par le baptême ou par le mariage. Les parrains avaient des devoirs moraux et spirituels envers leurs filleuls, et ces derniers étaient obligés de respecter les parrains comme leurs parents. Le parrainage consolidait la parenté déjà existante ou créait de nouvelles relations, et générait des empêchements canoniques au mariage116. Les fils des parrains héritaient de leurs obligations envers les filleuls et filleules. Antim parle de certains conflits qui apparaissaient quand on renonçait à appeler les parrains pour être témoins privilégiés au mariage. Il s’agit de l’institution des « parrains de mariage » qui est spécifique à la tradition orthodoxe roumaine et signifie des droits et des obligations réciproques pour le nouveau couple et leurs « parrains ». Le métropolite, excédé par les causes qu’il a jugées lui même à cause de ces conflits, se voit obligé de préciser qu’il n’y a aucune obligation canonique de faire appel aux parrains de baptême en cas de mariage117. Le texte d’Antim, assez court, nous suggère l’existence de certaines tensions dans la société traditionnelle, où la solidarité entre les filleuls et les parrains était forte, et le fait d’avoir des parrains riches et influents signifiait un appui important. Pour consolider leurs positions, certaines familles étaient tentées de chercher pour le mariage d’autres parrains que pour le baptême. Mais les parrains de baptême considéraient cela comme un affront, une affirmation de leur infériorité sociale, et on arrivait même aux procès dont parle le métropolite, appelé à juger en raison de ses compétences en matière de vie privée.

La solidarité entre les vivants et les morts

  • 118 Ibidem, p. 189.
  • 119 Ibidem.
  • 120 Jean-Claude Schmitt, Les revenants. Les vivants et les morts dans la société médiévale, Paris, Gall (...)
  • 121 Antim Ivireanu, op. cit., p. 193.
  • 122 Jean-Claude Schmitt, op. cit., p. 21.

39L’unité que représente la famille n’était pas rompue par la mort, car il reste une solidarité grâce à l’héritage des biens et à la préoccupation du souvenir des décédés. Antim offre pour le maintien des relations de famille après la mort une interprétation d’une certaine ambivalence. D’un côté, il parle de la fin de toutes les relations sociales, car celui qui est mort oublie ses fils, ses parents, ses amis118. D’un autre côté, cette interprétation était contraire à la conception traditionnelle qui représentait le monde de l’au-delà dans un continuum avec le monde terrestre. Donc le métropolite, dans le même sermon, dit qu’après la mort l’homme peut voir toujours ses parents, ses enfants et tous ceux qu’il a aimés pendant sa vie119. Il se peut qu’Antim ait constaté la difficulté de changer les pratiques funéraires, très anciennes, respectées à l’époque comme aujourd’hui dans l’espace roumain, et qu’il ait été obligé de faire place dans son sermon à la conception traditionnelle de la vie dans l’au-delà. Il se contente d’insister sur le bonheur éternel du décédé pour demander à la famille de renoncer au chagrin. C’est la conception chrétienne de la mort que le métropolite souligne en présence des fidèles, et en même temps il est confronté à la difficulté d’offrir des fondements chrétiens à la solidarité entre les vivants et les morts120. Un des problèmes qu’il ne peut pas résoudre est la coutume d’organiser des banquets funéraires en souvenir des défunts à certaines périodes (après trois ou neuf jours, six semaines, trois ou 6 mois, une année, sept ans, etc...). Cette coutume (pomeni, parastas) n’avait aucune base scripturaire mais était trop enracinée pour pouvoir être éliminée. Le métropolite ne peut faire autre chose que demander que les aliments rituels utilisés en ces occasions soient bénis à l’église et il insiste sur la charité faite en mémoire des défunts121, moyen de maintenir le souvenir par l’intermédiaire d’un filtre liturgique attentif122.

  • 123 Antim Ivireanu, op. cit., p. 26.
  • 124 Pour l’analyse du christianisme populaire dans l’espace roumain voir Nelu Zugravu, Geneza creştinis (...)
  • 125 Francis Rapp, op. cit., p. 53.

40La difficulté d’imposer une version chrétienne de la mort et des pratiques funéraires résulte aussi de la manière de prendre en dérision les sacrements qui les concernaient. Parmi les treize types de jurons notés par Antim, sept sont liés à la mort et aux coutumes qui lui sont liées123. Il se peut que l’œuvre du métropolite témoigne d’un conflit entre deux systèmes de valeurs, un traditionnel, d’origine païenne, et l’autre chrétien, formellement accepté dans l’espace roumain, mais qui n’avait pas réussi à éliminer (même aujourd’hui) les pratiques et les croyances anciennes. Antim était confronté à un christianisme populaire qu’il ne pouvait pas comprendre ni accepter124, qui associait l’accomplissement formel des prescriptions de l’église avec la maintien de croyances et de rituels d’origine païenne125.

  • 126 Fanny Djindjihaşvili, op. cit., p. 76.
  • 127 Joëlle Beaucamp, Le statut de la femme à Byzance (4e-7e siècle). I. Le droit impérial, Paris, De Bo (...)

41La mort d’un de ses membres mettait la famille en présence d’un autre problème : l’héritage. Le métropolite intéressé par la cohésion sociale et par le respect des normes morales propose aux prêtres un modèle de testament qu’ils doivent recommander aux paroissiens. Ce modèle a été accepté par la société roumaine car il répondait aux attentes générales. On a déja dit qu’à la suite des recommandations d’Antim, le mari commença à avoir droit à l’héritage sur une partie de la dot de son épouse126, contrairement à la tradition byzantine dominante jusqu’à ce moment, qui gardait la dot pour les enfants ou pour la famille de la femme127. Pour éviter les disputes et les procès, Antim affirme que les proches parents (les héritiers réservataires, dans notre langage juridique) ne doivent pas être écartés de l’héritage au profit des étrangers. On peut même se demander si cette attitude, qui semble assez moderne, ne risquait pas de priver l’église d’une partie des héritages qu’elle aurait reçus si on avait respecté la liberté absolue de tester de chaque individu. En fait, Antim soutient une conception très traditionnaliste, qui ne considère pas l’homme en tant qu’individu ayant des droits sur sa propre personne et sur ses biens, mais en tant que partie d’une collectivité – dans notre cas la famille. L’individu est caractérisé en premier lieu par ses devoirs envers cette collectivité, y compris celui de lui laisser ses richesses en héritage. Antim soutient ces idées par désir d’éviter les conflits, pour maintenir l’entente à l’intérieur des familles, entente qui pourrait s’étendre à la société tout entière.

  • 128 Florin Feifer, Postfaţă la Antim Ivireanu, Didahii, Bucureşti, Ed. Meridiane, 1983, p. 224.
  • 129 Dan Horia Mazilu, op. cit., p. 109.
  • 130 Florin Feifer, op. cit., p. 231.

42L’œuvre d’Antim apparaît donc comme une « utopie chrétienne de la perfection »128 en ce qui concerne l’image de la famille. Il a essayé de mettre en pratique un projet d’assainissement moral de la société roumaine, suivant un ethos exemplaire d’origine chrétienne129. L’échec de ce projet a été généré, d’un côté, par le temps trop court que le métropolite a eu pour agir, mais d’un autre côté par la spécificité de la société roumaine de l’époque. Certains auteurs croient qu’Antim a été confronté à un temps sombre, pendant lequel les mœurs étaient en voie de dissolution130. Mais l’analyse contextuelle de l’œuvre du grand métropolite semble suggérer que ce qu’il condamne ne représente pas une déviation temporaire, mais la norme de cette société pragmatique et réfractaire à certains aspects de la spiritualité. Antim parle d’une société qui est, certainement, chrétienne, qui a adopté les manifestations extérieures de cette religion. Mais dans certains domaines, et spécialement dans celui de la vie de famille où régne un conservatisme plus fort, cette société, au nom de ses propres traditions ancestrales, se montre moins profondement marquée par le christianisme officiel qu’elle n’a pas encore intériorisé, et reste partisane d’un christianisme populaire.

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Notes

1 Alexandru Duţu, Cultura română în civilizaţia europeană modernă (La culture roumaine dans la civilisation européenne moderne), Bucureşti, Ed. Minerva, 1978, p. 146.

2 Florin Faifer, « Postfaţă », Didahii, Bucureşti, Ed. Minerva, 1983, p. 213.

3 Alexandru Duţu, « Antim Ivireanu et les solidarités modernes », Revue Roumaine d’Histoire, XV, 2, 1976, p. 314.

4 Istoria Românilor (Histoire des Roumains), coord. Virgil Cândea, Academia Română, vol. V, Bucureşti, Editura Enciclopedică, 2003, p. 886.

5 Alexandru Duţu, Antim Ivireanu…, art. cit., p. 313.

6 Gabriel Ştrempel, Antim Ivireanu, Bucureşti, Ed. Academiei Române, 1997, p. 178.

7 Dan Horia Mazilu, Introducere în opera lui Antim Ivireanu (Introduction à l’oeuvre d’Antim Ivireanu), Bucureşti, Ed. Minerva, 1999, p. 106.

8 Dan Simionescu, Antim Ivireanu, scriitorul (La 250 ani de la uciderea lui 1716-1966) (Antim Ivireanu, l’écrivain. à l’occasion de la commémoration des 250 ans de son assassinat), « Analele Academiei RSR », seria a 4-a, 1966, vol. XVI, p. 666.

9 Dan Horia Mazilu, op. cit., p. 158.

10 Fanny Djindjihaşvili, Antim Ivireanu, cărturar umanist (Antim Ivireanu, lettré humaniste), Iaşi, Ed. Junimea, 1982, p. 100.

11 Dictionnaire de théologie catholique, ed. A. Vacant, E. Mangenot, E. Amann, Paris, 1943, p. 423-425.

12 Pour les différences entre les domaines de la théologie voir Dictionnaire de la théologie fondamentale, dir. René Latourelle, Rino Fisischella, éd. Bellarmin-Montréal, Paris, Cerf, 1992, p. 1380.

13 Jean-Marie Mayeur, Charles Pietri, Luce Pietri, André Vauchez,Marc Venard (Dir.), Histoire du christianisme, vol. 9, D.D.B., p. 992 ; 1002.

14 Istoria Românilor, coord. Virgil Cândea, Academia Română, vol. V, Bucureşti, Editura Enciclopedică, 2003, p. 764.

15 Nous allons reprendre ici plusieurs idées qui se trouvent dans notre article paru en roumain : « Imaginea familiei între realitate şi utopie în opera lui Antim Ivireanu » (L’image de la famille entre réalité et utopie dans l’oeuvre d’Antim Ivireanu), Revista istorică, nouvelle serie, tome XVII, 2006, n° 5-6, p. 137-156.

16 Voir les travaux qui ont proposé la reconstitution de l’évolution de la famille dans l’espace roumain et qui ont utilisé les oeuvres d’Antim en tant que sources : Anicuţa Popescu, « Instituţia căsătoriei şi condiţia juridică a femeii din Ţara Românească şi Moldova în secolul al XVII-lea » (L’institution du mariage et la condition juridique de la femme en Valachie et en Moldavie), Studii, t. 23, n° 1 ; Instituţii feudale din ţările române. Dicţionar (Institutions féodales dans les Pays Roumains. Dictionnaire), coord. Ovid Sachelarie, Nicolae Stoicescu, Bucureşti, 1988 ; Şarolta Solcan, Familia în secolul al XVII-lea în Ţările Române (La famille au XVIIe siècle dans les Pays Roumains), Bucureşti, 1999 ; Constanţa Ghiţulescu, « Viaţa în doi. Identitate familială în Ţara Românească în secolele XVII-XVIII » (La vie en couple. Identité familiale en Valachie au XVIIe-XVIIIe siècles), Identităţi colective şi identitate naţională. In memoriam Alexandru Duţu, Bucuresti, 2000 ; Eadem, « Familie şi societate în Ţara românească (secolul al XVII-lea) » (Famille et société en Valachie en XVIIe siècle), Studii şi materiale de istorie medie, vol. XX, 2002, Violeta Barbu, De bono coniugali. O istorie a familiei din Ţara Românească a secolului al XVII-lea (Une histoire de la famille de Valachie du XVIIe siècle), ed. Meridiane, 2003.

17 Alexandru Duţu, « Antim Ivireanu et les solidarités modernes », Revue Roumaine d’Histoire, XV, 2, 1976, p. 315.

18 Anita Guerreau-Jalabert, Régine Le Jan, Joseph Morsel, « De l’histoire de la famille à l’anthropologie de la parenté », Les tendances actuelles de l’histoire du Moyen Âge en France et en Allemagne, dir. Jean-Claude Schmitt et Otto Gerhard Oexle, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 442.

19 Histoire de la famille, dir. André Burguière, Christiane Klapisch-Zuber, Martine Segalen, Françoise Zonabend, Paris, Armand Colin, 1986, t. 1, p. 196.

20 Antim Ivireanu, Opere (Oeuvres), édition critique et étude introductive par Gabriel Ştrempel, Ed. Minerva, Bucureşti, 1972, p. 96.

21 Histoire de la famille, t. 1, p. 195.

22 Antim Ivireanu, op. cit., p. 9.

23 Ibidem, p.160.

24 Ibidem, p. 73.

25 Ibidem.

26 Ibidem, p. 358.

27 Ibidem, p. 89.

28 Ibidem, p. 55.

29 Ibidem, p. 22.

30 Traduction des fragments tirés de l’œuvre d’Antim chez Alexandru Duţu, « Antim Ivireanu et les solidarités modernes », Revue Roumaine d’Histoire, XV, 2, 1976, p. 314.

31 Histoire du christianisme, vol. 9, p. 1005.

32 Albert Schnyder, « La famille, relations entre sexes et entre générations », dans Hélène Ahrweiller, Maurice Aymard, Les Européens, Paris, Hermann, 2000, p. 307-308.

33 F. Djindjihaşvili, op. cit., p. 69.

34 Antim Ivireanu, Enseignement ecclésiastique, traduction française chez Alexandru Duţu, « Antim Ivireanu et les solidarités modernes », Revue Roumaine d’Histoire, XV, 2, 1976, p. 317.

35 Anita Guerreau-Jalabert, Régine Le Jan, Joseph Morsel, op. cit., p. 442.

36 Antim Ivireanu, op. cit., p. 80.

37 Ibidem, p. 108.

38 Histoire du christianisme, vol. 9, p. 1004.

39 Antim Ivireanu, op. cit., p. 201.

40 Ibidem, p. 160.

41 Dan Simionescu, op. cit., p. 670.

42 Indreptarea legii, 1646, Bucureşti, 1962, chapitre 198.

43 Antim Ivireanu, op. cit., p. 14.

44 Ibidem, p. 374.

45 Voir, pour l’analyse du mariage chez les Roumains au XVIIe siècle, Anicuţa Popescu, « Instituţia căsătoriei şi condiţia juridică a femeii din Ţara Românească şi Moldova în secolul al XVII-lea », Studii, t. 23, n° 1 ; aussi, pour le XVIIIe, Constanţa Ghiţulescu, În şalvari şi cu işlic. Biserică, sexualitate şi divorţ în Ţara românească a secolului al XVIII-lea (L’Église, la sexualité et le divorce dans la Valachie de XVIIIe siècle), ed. Humanitas, 2004.

46 Antim Ivireanu, op. cit., p. 27.

47 Francis Rapp, « Réflexions sur la religion populaire au Moyen Âge », in Bernard Plongeron (dir.), La religion populaire. Approches historiques, Paris, Beauchesne, 1976, p. 70.

48 Antim Ivireanu, op. cit., p. 379.

49 Ibidem, p. 379.

50 Ecaterina Lung, « L’État, l’Église et le contrôle du mariage dans les principautés roumaines (XVIe-XVIIe siècles) », in Chrétiens et sociétés, XVIe-XXe siècles, n° 10, 2003, p. 44.

51 Histoire du christianisme, vol. 9, op. cit., p. 1005.

52 Pour la cœxistence de plusieurs systèmes juridiques dans l’espace roumain de XVIIIe siècle voir Ligia Livadă-Cadeschi, Laurenţiu Vlad, Departamentul de cremenalion (Le département des affaires criminelles), Bucureşti, 2002, p. 10.

53 Călători străini în Tările Române (Les voyageurs étrangers dans les Pays Roumains), vol. I, p. 405 ; vol. II, p. 382 ; vol. V, p. 24.

54 Angeliki E. Laiou, Mariage, amour et parenté à Byzance aux XIe-XIIIe siècles, Paris, De Boccard, 1992, passim.

55 Antim Ivireanu, op. cit., p. 104.

56 Louis Assier-Andrieu, « La formation historique du concept de coutume et les origines de l’anthropologie sociale, XVIIIe-XIXe siècles », La coutume au village dans l’Europe médiévale et moderne, dir. Mireille Mousnier, Jacques Poumarède, Toulouse, Presses Universitaires de Mirail, 2001, p. 245.

57 Antim Ivireanu, op. cit., p. 378.

58 Korbinian Ritzer, Le mariage dans les Églises chrétiennes du Ier au XIe siècle, Paris, Cerf, 1970, p. 165.

59 Antim Ivireanu, op. cit.,p. 378.

60 Documente privind istoria României, B, XVI/V, doc. 143, p. 135-136.

61 Indreptarea legii, chapitre 222.

62 Ibidem, chapitre 237, paragraphe 1-15 ; Carte românească de învăţătură, chapitre 15, paragraphe 1-15.

63 Antim Ivireanu, op. cit., p. 381.

64 Jack Goody, L’évolution de la famille et du mariage en Europe, Paris, Armand Colin, 1985, p. 139-147.

65 Histoire de la famille, fig. 17, p. 73.

66 Antim Ivireanu, op. cit., p. 394.

67 On suit l’analyse du rapt consenti comme moyen de réaliser un mariage d’amour faite par Georges Dumézil, Mariages indo-européens, traduction roumaine Căsătorii indoeuropene, Iaşi, Ed. Polirom, 2001.

68 Danielle Haase-Dubosc, Ravie et enlevée. De l’enlèvement des femmes comme stratégie matrimoniale au XVIIe siècle, Paris, Albin Michel, 1999, p. 7 ; voir aussi Jean Verdon, L’amour au Moyen Âge. La chair, le sexe et le sentiment, Paris, Perrin, 2006, p. 183.

69 Indreptarea legii, chapitre 259, paragraphe 9 ; Carte românească de învăţătură, chapitre 32, paragraphe 9.

70 Antim Ivireanu, op. cit., p. 394.

71 Ibidem, p. 381.

72 Ibidem.

73 Ibidem, p. 394.

74 Indreptarea legii, cap. 197 ; 200.

75 Peter Brown, Le renoncement à la chair, traduction roumaine Trupul si societatea, Bucuresti, ed. Rao, 2000, p. 321.

76 Antim Ivireanu, op. cit., p. 393.

77 Gabriel Ştrempel, Antim Ivireanu, Bucureşti, 1997, p. 218.

78 Ibidem .

79 Antim Ivireanu, op. cit., p. 155.

80 Ibidem, p. 24-25.

81 Ibidem, p. 24.

82 D.H. Mazilu, op. cit., p. 171.

83 Antim Ivireanu, op. cit., p. 235.

84 Ibidem, p. 241.

85 Ibidem, p. 245.

86 Ibidem, p. 14.

87 Ibidem, p. 127.

88 D.H.Mazilu, op. cit., p. 171.

89 Antim Ivireanu, op. cit., p. 235.

90 Voir l’analyse classique de Keith Thomas, « The double standard », Journal of the History of Ideas, 1959, p. 195-216.

91  Indreptarea legii, chapitre 241.

92 Pierre Bourdieu, La domination masculine, Paris, Seuil, 1998, p. 15.

93 Antim Ivireanu, op. cit., p. 123.

94 Eugen Negrici, Antim Ivireanu. Logos şi personalitate, Bucureşti, Ed. Du Style, 1997, p. 123.

95 Antim Ivireanu, op. cit., p. 238.

96 Dan Horia Mazilu, op. cit., p. 170.

97 Ibidem, p. 238.

98 Ibidem, p. 43.

99 Histoire de la famille, p. 365.

100 Antim Ivireanu, op. cit., p. 44.

101 Ibidem, p. 44.

102 Florence Heymann, « L’obligation de mariage dans un degré rapproché. Modèles bibliques et holakhiques », Epouser au plus proche. Inceste, prohibition et stratégies matrimoniales autour de la Méditerranée, Pierre Bonte (Dir.), Paris, ed. EHESS, 1994, p. 98.

103 Ibidem, p. 174.

104 Jean-Louis Flandrin, Familles. Parenté, maison, sexualité dans l’ancienne société, Paris, Seuil, 1984, p. 164.

105 Antim Ivireanu, op. cit., p. 74.

106 Egle Becchi, Dominique Julia, Histoire de l’Enfance en Occident, Paris, Seuil, 1998, t. 1, p. 14.

107 Jean-Louis Flandrin, op. cit. p. 160.

108 Egle Becchi, Dominique Julia, op. cit., p. 115.

109 Antim Ivireanu, op. cit., p. 44.

110 Ibidem, p. 353.

111 Ibidem, p. 33.

112 Ibidem, p.353.

113 Ibidem, p.155.

114 Ibidem, p. 360.

115 Ibidem, p. 81.

116 Indreptarea legii, chapitre 211, § 7, 15 ; Carte românească de învăţătură, chapitre 41, § 7.

117 Antim Ivireanu, op. cit., p. 382.

118 Ibidem, p. 189.

119 Ibidem.

120 Jean-Claude Schmitt, Les revenants. Les vivants et les morts dans la société médiévale, Paris, Gallimard, 1994, p. 17.

121 Antim Ivireanu, op. cit., p. 193.

122 Jean-Claude Schmitt, op. cit., p. 21.

123 Antim Ivireanu, op. cit., p. 26.

124 Pour l’analyse du christianisme populaire dans l’espace roumain voir Nelu Zugravu, Geneza creştinismului popular al românilor (La génèse du christianisme populaire des Roumains), Bucureşti, Ed. Vavila, 1997.

125 Francis Rapp, op. cit., p. 53.

126 Fanny Djindjihaşvili, op. cit., p. 76.

127 Joëlle Beaucamp, Le statut de la femme à Byzance (4e-7e siècle). I. Le droit impérial, Paris, De Boccard, 1990.

128 Florin Feifer, Postfaţă la Antim Ivireanu, Didahii, Bucureşti, Ed. Meridiane, 1983, p. 224.

129 Dan Horia Mazilu, op. cit., p. 109.

130 Florin Feifer, op. cit., p. 231.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Ecaterina Lung, « Le métropolite roumain Antim Ivireanu (?-1716) et son projet utopique de la famille »Chrétiens et sociétés [En ligne], 14 | 2007, mis en ligne le 16 juin 2022, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/324 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.324

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Auteur

Ecaterina Lung

Université de Bucarest

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