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Une affaire lyonnaise : la succession de l’abbé Couturier

Étienne Fouilloux
p. 105-135

Résumés

Après le décès de l’abbé Paul Couturier, pionnier de l’œcuménisme spirituel, à Lyon en mars 1953, ses collaborateurs se divisent au sujet des nouvelles formes à donner à une œuvre si marquée par la personnalité de son fondateur. Tandis que Maurice Villain et Victor Carlhian souhaitent lui conserver son ancrage diocésain, les PP. Biot et Beaupère, dominicains, entendent privilégier quant à eux l’approche théologique. Deux foyers catholiques voués à l’œcuménisme se mettent donc parallèlement en place à Lyon : le dominicain Maurice-René Beaupère préside à la fondation du centre Saint-Irénée et le sulpicien Pierre Michalon, avec l’appui du cardinal Gerlier, prend la tête du Centre Unité chrétienne. De 1951 à 1955, l’étude des péripéties de cette succession renvoie à trois des traversant le catholicisme français de l’époque : le rôle respectif de la prière pour l’unité et du travail théologique dans l’émergence de l’œcuménisme en terrain catholique ; une certaine défiance du clergé séculier envers des religieux multipliant les initiatives aux avant-postes de l’Église de France ; la volonté lyonnaise de conserver à la primature des Gaules tout son rayonnement en évitant la récupération par Paris d’entreprises qu’elle revendiquait comme siennes.

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Texte intégral

  • 1 Décédé le 2 janvier 2004.
  • 2 Ce travail puise dans le fonds Gerlier des Archives diocésaines de Lyon (AD II 205, 206 et 207), da (...)

1Deux foyers catholiques voués à l’œcuménisme coexistaient de façon plus ou moins pacifique à Lyon jusqu’à une époque récente : le Centre Saint-Irénée du dominicain Maurice-René Beaupère et le Centre Unité chrétienne du sulpicien Pierre Michalon1. Cette curiosité locale, qui tenait du comble, puisqu’elle manifestait la difficulté de faire l’unité parmi les œcuménistes, remontait aux péripéties qui avaient marqué la dévolution de l’héritage de l’abbé Paul Couturier, pionnier de l’œcuménisme spirituel mort en 1953. Insignifiantes en elles-mêmes, ces péripéties ne mériteraient pas l’attention de l’historien si elles ne renvoyaient à trois des débats qui traversaient le catholicisme français de l’époque : le rôle respectif de la prière pour l’unité et du travail théologique dans la délicate émergence de l’œcuménisme en terrain catholique, au premier chef ; mais aussi, sur ce terrain comme sur d’autres, une certaine défiance du clergé séculier envers les religieux qui multipliaient alors les initiatives aux avant-postes de l’Église de France ; et enfin, la volonté lyonnaise de conserver à la primature des Gaules tout son rayonnement en évitant la récupération par Paris d’entreprises qu’elle revendiquait comme siennes : dans cette optique, l’œcuménisme spirituel né à Lyon ne pouvait survivre à son fondateur qu’à Lyon2.

  • 3 « Car j’ai prévu, dès le 6 juillet dernier [1952], l’inéluctable conséquence de ce départ irréfléch (...)
  • 4 « Personnellement, j’ai toujours pensé que son œuvre ne devait pas être “accaparée” par un seul ord (...)

2Les dernières années de Paul Couturier, membre de la société de prêtres des Chartreux de Lyon, ont été difficiles. Le mariste Maurice Villain, son principal collaborateur depuis la fin des années 1930, a rejoint Paris en 1948 pour donner à son activité œcuménique une ampleur nationale. Diminué par une série de crises d’angine de poitrine, comme on disait alors, l’abbé ne peut plus compter que sur des collaborations ponctuelles pour le travail harassant d’envoi des matériaux préparatoires à la semaine de prière pour l’unité du mois de janvier : affiches, tracts et brochures dont il se réserve la confection. Le père Villain a espéré que son élève Michel Darmancier pourrait lui assurer une aide durable ; aussi est-il très déçu qu’il accepte de partir pour l’Océanie, où il fera une carrière épiscopale, en 19523. Quant au père Robert Clément, petit cousin de Couturier, dont la formation jésuite se termine par un « troisième an » à Paray-le-Monial en 1952-1953, il est promis à une assignation au Proche-Orient et n’a jamais envisagé de succéder à l’« oncle Paul », pour ne pas paraître annexer l’œuvre de celui-ci à la Compagnie de Jésus4.

3Reste Maurice-René Beaupère, entré chez les dominicains de la province de Lyon en 1944 avec une vocation œcuménique née au contact de Couturier, que ses supérieurs ont validée.

Mes rapports avec l’abbé étaient des rapports filiaux. L’abbé fut, à l’Institution des Chartreux, professeur de mon père puis mon propre professeur… C’est lui qui le premier me parla du douloureux problème de la désunion des chrétiens. La graine semée germa ; vous savez comment, peu à peu, cette idée devint comme un leitmotiv en moi. Durant toute ma formation op, durant mes moments de loisir, j’ai travaillé et me suis documenté sur la question, ceci non seulement avec l’accord, mais avec l’encouragement du TRP Gerlaud, puis du TRP Paissac. Vous m’avez vous-même conseillé de suivre cette voie 

4écrit-il à son provincial, le père Damase Belaud, le 31 mars 1953.

  • 5 Couvent d’études de la province dominicaine de Lyon, à Saint-Alban-Leysse, près de Chambéry.

L’abbé Couturier que je tenais au courant de mes recherches […] s’en réjouissait beaucoup. Il se réjouissait surtout d’apprendre que j’essayais de “faire passer” l’idée à Leysse5 et que se constituait peu à peu un groupe de jeunes op éveillés au problème de la désunion. Plusieurs fois dans des conversations, l’abbé évoqua le moment où, lui étant disparu, une équipe dominicaine pourrait prendre sa relève.

  • 6 Il « essayera de vous persuader qu’un séjour à Jérusalem n’est pas nécessaire et je pense que vous (...)

5Ordonné prêtre en 1951 et lecteur en théologie l’année suivante, le père Beaupère ne sera toutefois pas à pied d’œuvre avant l’automne 1953, ce qui déplaît à Couturier6, car ses supérieurs jugent nécessaire qu’il complète sa formation par une année à l’École biblique de Jérusalem.

Le projet dominicain

6Il a cependant prévu l’intérim

  • 7 Le père André-Louis Aiguier, ordonné comme Beaupère, en 1951, a été sollicité, mais n’a pas donné s (...)
  • 8 Lettre citée de Beaupère à Belaud.

Parmi les sympathisants leyssois de l’idée œcuménique, je n’avais jamais compté… le P. Biot. Sans doute avais-je parlé avec lui, alors que je rêvais – et continue de rêver – à d’autres collaborateurs7. Aussi ai-je considéré comme une action providentielle la rencontre de l’abbé Couturier et du P. Biot à l’automne 1951. Je m’étais contenté, sur la demande du P. Biot partant de Leysse pour Lyon, de les mettre simplement l’un l’autre en rapport. La fatigue de l’abbé Couturier commença quelques jours après qu’il eut fait la connaissance du P. Biot. Tout naturellement, il fit appel à lui pour l’aider dans la préparation de la Semaine de l’Unité 1952. C’est ainsi que s’institua entre eux une collaboration d’un an et demi8.

  • 9 Régis Ladous (dir.), Médecine humaine, médecine sociale. Le docteur René Biot et ses amis (1889-196 (...)
  • 10 Lettre de Biot à Beaupère, 8 novembre 1951 ; le père Darmancier « m’aidera de son expérience », ajo (...)

7Entré dans la province dominicaine de Lyon en 1943, prêtre en 1949, François-Irénée Biot est l’un des fils du docteur René Biot, grande figure de la médecine et du catholicisme entre Saône et Rhône9. Assigné au couvent lyonnais de l’ordre, dans le quartier des Brotteaux, il ne tarde pas à prendre contact avec Couturier. « C’est ces jours-ci que j’ai pu voir l’abbé qui m’a fait un accueil émouvant, bouleversant », écrit-il à Beaupère le 27 octobre 1951. Bien qu’il avoue n’avoir « aucune expérience du travail œcuménique », Couturier lui demande de s’occuper « de tout ce qu’il ne pouvait pas faire » en vue de la semaine de janvier 195210. Alors que les crises d’angine de poitrine obligent le prêtre des Chartreux à réduire son activité, le rôle de Biot auprès de lui tend à s’accroître.

Concrètement, l’année dernière, j’ai travaillé à votre place et avec vous, et je me suis imprégné de votre esprit. Cette année, par soumission à mes supérieurs, je vous ai apparemment laissé tomber. Je crois pourtant avoir été l’intermédiaire pour vous trouver une équipe de laïcs qui remplit admirablement sa tâche

8lui écrit-il à la veille de la semaine de l’unité 1953, le 13 janvier. Malgré son « extrême timidité », il en vient aussi à assumer, en lien avec Clément et Villain, les tâches de convocation pour la journée de formation œcuménique du Chatelard et la rencontre du groupe interconfessionnel des Dombes, sur lesquelles Couturier conserve la haute main.

  • 11 Lettre à Beaupère.
  • 12 Lettre à Beaupère.

9Aussi apprend-il vite. Et sûr de la vocation œcuménique de Beaupère en vient-il à envisager un rôle pour eux deux dans la prévisible succession du prêtre des Chartreux. « Je crois que l’abbé C[outurier] a à peu près l’impression que si nous ne prenons pas notre place avec lui et après lui, c’est la fin de ce qu’il a voulu faire » (12 novembre 1951). « Je m’efforce d’être très “diplomate” – sans être trop jésuite – pour que l’idée entre peu à peu que les op pourraient se trouver présents au bon moment » (22 novembre 1951). L’idée fait peu à peu son chemin au cours de l’année 1952 chez Biot, confiant de pouvoir la « faire accepter par le diocèse » avec l’appui de Couturier. « L’abbé C[outurier] souhaite beaucoup que le centre œcuménique dont je vous ai parlé soit constitué, et sous la responsabilité op », se félicite-t-il le 12 mars11. Mais il a trop vite présumé du soutien d’un homme soucieux de garder son entière liberté et d’éviter toute institutionnalisation de son œuvre. « L’abbé C[outurier], après avoir samedi dernier accepté de justesse notre projet d’association Unité chrétienne, a refusé hier qu’on passe à l’exécution. Sa grande raison, c’est qu’il ne se sentirait plus totalement libre, puisque officiellement, lui semble-t-il, il aurait à tenir compte de ses collaborateurs », déchante-t-il le 28 mai12.

10La longue lettre de Biot à Couturier du 13 janvier 1953 montre que le malentendu entre eux ne tient pas seulement à des questions pratiques, mais à une différence de charismes.

Je suis très réellement persuadé que ce sont les valeurs spirituelles qui sont premières. Et par conséquent, je crois que l’Unité chrétienne se promeut avant tout par une soumission de plus en plus totale à l’action de l’Esprit du Christ en chacun de nous, et par suite, je crois qu’il est primordial de susciter partout l’“émulation spirituelle”, le monastère invisible de la prière pour l’Unité

  • 13 Cette lettre est conservée dans le fonds Couturier-Villain de l’abbaye Notre-Dame des Dombes.

11pièces maîtresses de l’œcuménisme selon Couturier, lui écrit le jeune religieux. « Mais je crois qu’il y a aussi une grande nécessité d’éclairer les chrétiens sur le drame de la chrétienté divisée, et que cela requiert un travail préalable d’approfondissement […]. Je pense que nous n’avons pas tout à fait la même vocation dans le travail œcuménique », ajoute-t-il. Couturier a bénéficié d’« une grâce tout à fait spéciale et incommunicable, quelque chose comme une vocation prophétique qui a fait de [lui] un pionnier, un initiateur, ou encore un “premier” ». En tant que frère prêcheur, Biot estime avoir « une autre ligne à tracer », d’ordre théologique, « non pas contraire à la [sienne], mais complémentaire13 ».

  • 14 « Rencontre interconfessionnelle du 19 janvier 1953 », 4 p. dactyl., AD 11 II 205 (rapport du père (...)

12En dépit de cette divergence de vues avec le prêtre des Chartreux, le duo dominicain va de l’avant : en juillet 1952, le projet paraît suffisamment mûr pour qu’on lui donne un nom : « Je crois qu’il faut éviter le mot “centre”. Je vous propose “conférence St. Irénée”. Le mot conférence est vague, il ne dit rien de dangereux. St Irénée indique suffisamment de quoi il peut s’agir : théologie, ecclésiologie et œcuménisme », suggère Biot à son coéquipier. Mais Beaupère préfère Centre qui sera finalement retenu, bien que conférence subsiste dans l’en-tête du courrier jusqu’en décembre 1952… Avant même sa constitution, Biot multiplie les initiatives. Ainsi suscite-t-il les deux premières réunions lyonnaises entre prêtres et pasteurs : autour de dom Clément Lialine, du prieuré belge de Chevetogne, en novembre 1952 ; et en janvier 1953 sur les acquis de la récente conférence Foi et Constitution de Lund, à laquelle le père Christophe-Jean Dumont, directeur du Centre dominicain d’études Istina de Boulogne-sur-Seine, a eu l’autorisation d’assister14.

  • 15 Texte d’une page, envoyé à Beaupère avec la réponse de Dumont le 10 février 1953.
  • 16 Étienne Fouilloux, « Une longue marche vers l’œcuménisme : Istina (1923-1967) », Istina, juillet-se (...)

13Les deux jeunes dominicains lyonnais sont soucieux d’obtenir l’appui de celui-ci, ainsi que du père Yves Congar, professeur au couvent d’études du Saulchoir et référence dans l’Ordre en matière d’œcuménisme. Après les avoir rencontrés tous deux au printemps 1952, sans dévoiler ses plans, Biot décide de solliciter la protection d’Istina : début janvier 1953, il envoie à Dumont un bref « Projet de constitution à Lyon d’un centre de travail et de formation des chrétiens pour l’unité » : cette « association pour l’étude et l’exposé à un public de laïcs cultivés ou de prêtres des questions relatives à l’Unité chrétienne » serait un « secrétariat en province » d’Istina, mais doté de l’indépendance financière, d’une autonomie sur le plan des activités et « en liaison de sympathie avec l’abbé Couturier dont l’activité est plus orientée vers la “spiritualité” de l’Unité que vers la formation des chrétiens sur ce point de l’approfondissement théologique15 ». « J’espère que vous avez présumé mon accord sur les grandes lignes de votre projet », lui répond Dumont le 19 janvier. La création à Lyon d’un secrétariat d’Istina diffusant le bulletin Vers l’unité chrétienne lancé en 1948 ne peut en effet que lui agréer : voué initialement aux relations avec la seule Russie, Istina est en train de devenir la plaque tournante des relations œcuméniques sur Paris16.

  • 17 Lettre à Biot du 30 janvier 1953.
  • 18 Expression entre guillemets dans la lettre de Biot à Beaupère du 26 avril 1952.
  • 19 Lettre citée du 30 janvier.

14Les réserves du père Beaupère sur l’affiliation à une maison qui dépend de la Congrégation romaine pour l’Église orientale et dans laquelle la vie communautaire est assez limitée suscitent un échange qui permet de préciser le projet, dont la dominante œcuménique ne saurait épuiser la visée religieuse : « Je continue à penser que si on peut s’appuyer sur un vrai couvent, et vivre au sein d’un vrai couvent, on y gagnerait beaucoup », souligne Beaupère17. Comme Biot, il porte en effet un regard sévère sur le couvent du Saint-Nom-de-Jésus aux Brotteaux, cœur historique de la province dominicaine de Lyon, mais éloigné du centre ville avant l’opération immobilière de la Part-Dieu. Les jeunes religieux qui y sont assignés après la fin de leurs études se morfondent dans cette « pension de famille pour vieux garçons18 », à laquelle ils reprochent son absence de rayonnement. D’où l’espoir de fondation d’un nouveau couvent à Lyon, sur le site de la place Gailleton, bien situé entre la gare de Perrache, les Facultés catholiques et l’Université d’État, auquel pourrait s’intégrer le futur centre. Dans cette perspective apostolique, Beaupère n’en souhaite pas une « spécialisation outrancière » en œcuménisme qui le priverait d’attention à « tous les problèmes d’aujourd’hui19 ». Cet échange débouche sur la rédaction par Biot d’un texte affiné et développé, qui est envoyé à Dumont le 21 février 1953.

Sous le nom de “Centre Saint-Irénée” (CSI) serait constitué à Lyon une association chargée d’étudier les questions œcuméniques. Cette association serait patronnée par le Centre d’études Istina. L’association lyonnaise garderait pourtant une autonomie réelle par rapport à Istina, de telle façon que seule sa propre responsabilité soit directement engagée par ses activités. Cette association serait intégrée, du moins en principe, dans une équipe conventuelle.

  • 20 Projet de 3 p. dactyl.

15Les tâches fixées sont ambitieuses : suivre et étudier les travaux du mouvement œcuménique ; ainsi que ceux des théologiens qui y travaillent ; « réunir une information sûre et vraie sur toutes les confessions chrétiennes » ; organiser des conférences publiques de formation à l’œcuménisme ; fournir des conférenciers sur le sujet ; « organiser des rencontres interconfessionnelles régionales, dans un souci d’approfondis-sement théologique20. »

16On remarque l’absence de référence à la diffusion de la prière pour l’unité et de la semaine de janvier qui lui est consacrée. D’ailleurs, l’abbé Couturier ne fait pas partie de la liste des personnalités locales à pressentir pour le « conseil » du centre, ce que ne manque pas de relever Dumont le 28 février. Réponse de Biot :

Il est tout à fait exact que je n’ai pas fait figurer le nom de l’abbé Couturier dans la liste des membres éventuels. Je lui ai parlé plusieurs fois de notre projet. Il tient à en rester tout à fait indépendant, tout en le regardant avec beaucoup de sympathie. Et vous saisissez bien que notre perspective est un peu différente de la sienne, pour laquelle il précise lui-même qu’il accepte volontiers de l’aide, mais à aucun prix une véritable collaboration.

  • 21 « Je ne peux accepter de passer la majeure partie de mon temps à faire des paquets », écrivait-il à (...)
  • 22 Lettre à Dumont du 10 mars 1953.

17Manifestement, le jeune dominicain est déçu ne n’avoir été utilisé par le prêtre des Chartreux que pour des tâches matérielles d’exécution21. Il se propose toutefois de confier la trésorerie du centre à l’industriel et philosophe Victor Carlhian, « intime de l’abbé Couturier22 ». La perplexité de Dumont sur le volet religieux du projet oblige en outre Biot à mettre les points sur les i.

  • 23 Ibid.

Un certain nombre de religieux de notre Province sentent douloureusement notre absence réelle de Lyon. Notre couvent est en dehors de tout ce qui est vraiment vivant dans cette ville, il se trouve matériellement situé dans un quartier où les Lyonnais ne viennent guère de façon habituelle et plus grave encore, il se cache derrière une paroisse qui absorbe apparemment l’intérêt qu’on porte ici aux dominicains. Aussi, assez nombreux sont parmi nous ceux qui voudraient réaliser à Lyon une cellule dominicaine, vraiment vivante, ouverte à tout le vrai travail apostolique et d’un rayonnement authentique, surtout auprès des jeunes générations. Et il nous semble que ce n’est possible que si nous arrivons à constituer une “équipe” fraternelle qui soit le germe d’un futur couvent situé au centre et libéré d’un certain nombre de poids qui sont ici accumulés, j’allais dire à plaisir. Nous voudrions que les deux ou trois secrétaires de notre centre œcuménique soient un des éléments de cette équipe23.

  • 24 Lettre accompagnant trois pages de « simples notes ».

18Le religieux confirmé qui pourrait porter l’entreprise est le père Marie-Bernard Nielly, auquel Beaupère envoie le 22 mars 1953, sur instances de Biot, un plaidoyer pour la création d’« un couvent O P au cœur d’une grande ville du XXe siècle24 ». Une telle perspective n’est pas faite pour rassurer Dumont qui n’a pas vécu dans une atmosphère conventuelle depuis son affectation au séminaire russe Saint-Basile de Lille en 1926.

  • 25 Lettre à Beaupère du 21 février.
  • 26 Lettre à Beaupère du 14 mars.

19Malgré ces points de friction prévisibles, le projet est assez mûr pour que Biot commence à en diffuser l’idée dans les milieux catholiques lyonnais : auprès de Victor Carlhian, du sulpicien Georges Villepelet, supérieur du Séminaire universitaire… et du cardinal Gerlier lui-même, archevêque de Lyon et ami de la famille Biot. Sans susciter en apparence de réaction négative. Gerlier, le 14 février 1953 ? « Très bon accueil. J’en ai profité pour lui remettre un bref rapport sur notre projet, qui semble l’avoir intéressé. Je crois qu’il sera sensible à notre désir de faire quelque chose à Lyon. Et je crois que nous aurons bien meilleure réputation si l’autorité du père Dumont nous couvre25 », argument qui se retournera en fait contre l’entreprise. Carlhian ? « Accueil très cordial, et manifestement intérêt à notre centre. Compréhension de notre position en continuité renouvelée envers Couturier26 ». On en est là quand une ultime crise cardiaque terrasse le prêtre des Chartreux, à son domicile du 5 de la rue du Plat, dans la nuit du 23 au 24 mars 1953 : un projet à dominante théologique, selon la vocation dominicaine, délibérément distinct du sillon spirituel creusé par l’abbé Couturier. La mort de celui-ci change évidemment la donne.

La réaction lyonnaise

  • 27 « De profundis clamavi… », journal cité, p. 1. Cette rencontre a ensuite été passée sous silence pa (...)
  • 28 « Mon intimité avec Victor Carlhian ne remonte pas au-delà du 24 mars 1953, date de la mort de l’ab (...)
  • 29 Du 21 au 24 mars.
  • 30 Lettre de Willem Adolf Visser’t Hooft du 26 mars, A D 11 II 205.
  • 31 Alexandre de Weymarn est responsable du bulletin hebdomadaire genevois le Soepi, Service œcuménique (...)
  • 32 « De profundis clamavi… », p. 1.

20Le père Villain, de passage à Lyon le 24 mars pour rencontrer Couturier, apprend du père de Lubac, rencontré par hasard, la nouvelle de la mort de son maître27. Bouleversé, il se précipite rue du Plat où l’attend Victor Carlhian, qu’il ne connaissait guère auparavant, mais qui va lui être d’un grand secours28. Les informations alors échangées montrent les illusions du père Biot : « M. Carlhian : “Un triumvirat op, m’a dit le P. Biot, qui se considère comme le continuateur de l’abbé C., se présente avec de gigantesques plans : un “centre St Irénée”, spécialisé sur les non-catholiques, etc. ». La première impression n’est pas bonne, et encore moins ce qui suit. « J’ai appris que le P. B., venant d’Istina où il était en stage29, serait le lendemain matin à Lyon » [25 mars]. Le jour des obsèques, le 27, il est « comme l’appariteur, ayant tout réglé, jusqu’au discours du pasteur de Pury. Je tiens pourtant à ce que M. de Weymarn, venu exprès de Genève et porteur d’une lettre de V[isser]’t H[ooft] au Cardinal, parle au cimetière. » Dans cette lettre, le secrétaire général du Conseil œcuménique des Églises formule le vœu que l’œuvre de Couturier soit continuée « dans l’esprit de prière, de compréhension et de fraternité dans lequel il l’a commencée et maintenue30 ». « Le P. B. me suit partout, continue Villain, écoute toutes mes paroles, veut s’entremettre pour l’audience que le Cardinal promet, le soir même à Weymarn31. J’en suis agacé. Carlhian téléphone au secrétaire du Cardinal afin que Weymarn puisse parler au Cardinal seul à seul32 ». Le ton est donné : deux des plus proches collaborateurs de Couturier ne supportent pas l’empressement de Biot autour de la dépouille du prêtre des Chartreux.

  • 33 Lettres des 7 et 10 mars 1953, AD 11 II 205.
  • 34 Ce texte, publié dans la Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 25 septembre 1953, après une nécr (...)
  • 35 « Confidentiellement. Le P. de Lubac m’a dit que c’était lui qui avait suggéré au Cardinal de parle (...)
  • 36 D’ailleurs, je puis bien le faire : l’abbé Couturier m’a valu trois monitum du Saint-Office que j’a (...)
  • 37 « Je vais chez Carlhian pour libeller des télégrammes aux pasteurs », « De profundis clamavi… », p. (...)
  • 38 Réponse du 9 avril à la lettre émue du pasteur Arnold Brémond, en poste à Oullins, du 29 mars, AD 1 (...)

21Mais le cardinal Gerlier auquel Couturier présentait le 10 mars le bilan chiffré de la semaine de l’unité 1953, qu’un don de l’industriel Paul Gillet avait contribué à équilibrer33. Le 27 mars au matin, lors des obsèques en l’église Saint-Bruno des Chartreux, il ne se contente pas de donner l’absoute. Contrairement à « l’usage du diocèse », qui est « qu’aucune parole ne soit prononcée dans l’église, à l’occasion des funérailles d’un prêtre », il fait une exception « à raison de la nature de l’apostolat auquel [le défunt] a dévoué toute sa vie, de l’ampleur de la Cause qu’il a servie de toute son âme ». Bien que bref, son hommage est vibrant. « L’abbé Paul Couturier a été l’apôtre et l’ouvrier inconfusible de l’union de tous les chrétiens. » Certes, il a conduit son œuvre « avec une ardeur généreuse qui a pu parfois faire surgir certaines préoccupations chez ceux qui avaient le souci plus profond des aspects doctrinaux du problème », à commencer par son évêque. Il n’empêche : « L’abbé Couturier a honoré grandement ce diocèse. Il a été un serviteur magnifique de l’Église. L’Église, par mon humble voix, le remercie. Puissions-nous garder son esprit », car « jamais nous ne pourrons oublier ce qu’il a fait pour l’union des chrétiens », poursuit le cardinal34. Dans cette allocution, dont Robert Clément croit savoir qu’elle a été suggérée par le père de Lubac35, trois allusions à l’audience du prêtre des Chartreux parmi les « frères séparés » fournissent une clé de l’infraction cardinalice à la coutume lyonnaise. « Je ne parle jamais pour l’enterrement d’un prêtre, mais là je vais le faire pour que le pasteur de Pury ne soit pas le seul à le faire », aurait-il confié au sulpicien Jean Morel, supérieur de grand séminaire, qui partageait sa voiture ce jour-là36. Roland de Pury dit quelques mots devant l’église Saint-Bruno et Alexandre de Weymarn, porte-parole du Conseil œcuménique des Églises, quelques mots au cimetière de Loyasse avant la mise en terre. L’ampleur de l’émotion que suscite la disparition de l’abbé Couturier parmi les protestants, alertés par Villain37, a manifestement fait impression sur Gerlier qui découvre ainsi, chez « cet admirable prêtre », « le rayonnement d’une âme possédée par la charité du Christ et si oublieuse d’elle-même38 ».

  • 39 « Il tient essentiellement à ce que demeure à Lyon ce qu’a fait l’abbé », lettre à Beaupère, 22 nov (...)
  • 40 Lettre de Biot à Beaupère du 28 mars, après entretien avec Maury, et du 14 avril. 
  • 41 Lettre du 6 août 1948, publiée dans L’Abbé…, op. cit., p. 326.
  • 42 Lettre du 20 mai ; trois maristes lyonnais ont pourtant approché l’abbé Couturier à sa suite : outr (...)

22« Celui que nous pleurons fut un précurseur et un exemple » : raison suffisante pour que son œuvre soit « continuée dans le même esprit », conclut Gerlier ; et à Lyon, comme le père Biot l’a appris de sa bouche un an et demi avant la disparition de l’abbé39. Pour lui succéder, Gerlier aurait d’abord sollicité son proche collaborateur, Mgr Jean-Marie Maury, qui aurait refusé, parce que les Œuvres pontificales missionnaires qu’il dirige ne lui laissent aucune marge de manœuvre en matière œcuménique40. Le père Clément tente de convaincre Villain d’assumer la succession. L’abbé Couturier « comptait beaucoup sur vous et il vous considérait un peu comme son fils spirituel en œcuménisme. Je suis heureux que vous vous occupiez de tout cela. Certes, vous avez déjà tant de travail, mais vous êtes certainement l’homme le plus capable de prendre sa suite dans le monde catholique », lui écrit-il dès le 27 mars. Si l’exécuteur testamentaire du prêtre des Chartreux est Louis Clément, frère du jésuite et notaire à Saint-Genis-Laval, le mariste est en effet son héritier spirituel, auquel il a confié la semaine de l’unité et ses dossiers la concernant41. Mais Villain se récuse : au cardinal Gerlier le 31 mars, il précise qu’il ne revendique rien pour lui-même, sauf l’utilisation des papiers de Couturier dont il a ainsi la jouissance. « Il me paraît évident que cela doit se traduire d’abord pratiquement par une biographie », ajoute-t-il. En fait, il ne souhaite pas quitter Paris où ses supérieurs l’ont « détaché, une fois pour toutes, pour l’œcuménisme » ; « s’ils ne m’aident pas, ils me laissent du moins toute liberté d’action », explique-t-il à Carlhian. Il n’y a donc aucun risque de candidature mariste à l’héritage Couturier42. Son tempérament émotif et ses positions théologiques parfois originales ne lui valent d’ailleurs pas que des amis à Lyon, comme il ne tardera pas à le constater.

  • 43 Le jour où le mouvement de prière pour l’unité « sera institutionnalisé, il tombera comme une chose (...)
  • 44 Lettre au père Villain.
  • 45 Lettre au père Villain
  • 46 Lettre au père Villain..

23Aussi renvoie-t-il la balle sur Robert Clément : par l’intermédiaire du père François Charmot, responsable du « troisième an », et avec l’appui du père Jean Roche, recteur du collège d’Avignon, une démarche est tentée pour faire revenir les autorités jésuites sur l’assignation probable du jeune religieux au Proche-Orient. Sans succès. Cette démarche, qui récuse toute captation de l’œcuménisme spirituel par la Compagnie de Jésus, se montre très hostile à une éventuelle mainmise dominicaine. « Je sais qu’il y a 5 ou 6 ans, le P. Dumont op (cela entre nous) avait voulu “centraliser” le travail œcuménique43. À la réflexion, je suis tombé d’accord avec mon oncle pour rejeter cette solution », écrit Clément le 31 mars 195344. Le lendemain, Roche est plus incisif encore : convaincu que le cardinal sera très sensible à leur point de vue, il préconise de faire intervenir auprès de lui des protestants pour souligner qu’ils « “n’admettront jamais un monopole dominicain”, que celui de Paris a échoué et que ce serait la ruine de l’œuvre de l’abbé Couturier45 ». Afin de ne pas paraître purement négatifs, Clément et Roche suggèrent qu’en dehors de Villain, le mieux à même d’assurer la succession serait le sulpicien Pierre Michalon, originaire du diocèse de Lyon et professeur d’Écriture sainte au grand séminaire d’Angers depuis 1951. Auparavant en poste à Viviers, il est entré dans l’esprit de l’abbé Couturier et a suscité, dans les terres difficiles de l’Ardèche et de la Drôme, un groupe de rencontre entre prêtres et pasteurs pour lequel il a obtenu les autorisations requises. Le 2 avril, Victor Carlhian croit savoir « que le cardinal tiendrait à ce qu’un prêtre de son diocèse puisse continuer l’essentiel de la tâche de M. Couturier. Il semblait que M. Vincent, chargé de la Paroisse universitaire, avait été pressenti46 ».

  • 47 « De profundis clamavi… », p. 2.

24La nouvelle est prématurée. Le 9 avril, Maurice Villain est reçu en audience par Gerlier avec Robert Clément. Le cardinal leur confirme sa volonté que le successeur de l’abbé Couturier soit « un prêtre diocésain au confluent des différentes influences théologiques et spirituelles », et non un religieux. Ils présentent alors l’hypothèse Michalon. « Le cardinal prend note du nom de Michalon sans paraître saisir toute l’importance de ce nom » et demande à réfléchir47. Après que Biot lui a confié le 11 avril « le projet de créer à Lyon une succursale d’Istina », Clément persiste et signe :

C’est parfait : que les Pères Dominicains fassent leur affaire à eux, je m’en réjouis. Mais il ne faudrait pas que d’ici 2, ou 3 ans, ils deviennent “les œcuménistes lyonnais”. Jamais l’abbé Couturier n’a revendiqué pareil titre. Le RP Dumont, op, que j’aime bien, n’a pas l’esprit de l’abbé Couturier, il s’y oppose nettement sur certains points que j’estime essentiels

  • 48 Cette réunion se situe entre le 9 (audience du cardinal) et le 17 avril (réponse de Michalon à Vill (...)
  • 49 « De profundis clamavi… », p. 2. Cette unanimité fait justice des propos différents parfois tenus p (...)

25écrit-il à Gerlier le 12 avril en revenant à la charge pour Michalon, que Victor Carlhian lui recommande aussi le 15 avril. Après l’audience avec le cardinal, Villain réunit les principaux collaborateurs de Couturier, Carlhian, Clément, Roche et Biot, pour recueillir leur avis48. « Tous (même Biot) proposent le nom de Michalon. (Je soupçonne que cette séance est très pénible à Biot : je n’emploie que les mots les plus charitables et les plus élevés, ayant profondément conscience que nous sommes tous ici pour “chercher” une solution selon l’esprit du fondateur et non pas faire notre œuvre personnelle », note le mariste49.

  • 50 Lettre à Villain du 17 avril.
  • 51 Originaire de Saint-Amand-Tallende, dans le Puy-de-Dôme, où le cardinal Gerlier prend ses vacances (...)
  • 52 Réponse à Gerlier du 20 avril, AD 11 II 206.
  • 53 Lettre de Michalon à Villain sur sa visite à Angers, 10 mai 1953.
  • 54 Ils ont « disparu » le 3 février 1953 ; ils sont « retrouvés » au pays basque espagnol à la fin du (...)
  • 55 Lettre à Carlhian du 20 mai 1953.

26Il faut croire que cette unanimité a convaincu le cardinal Gerlier : pour ne pas laisser en friches « un héritage qu’il serait coupable de ne pas conserver et développer », il demande le 16 avril à l’évêque d’Angers, Mgr Chappoulie « un sacrifice » : lui céder le père Michalon dans ce but. Averti par Villain, celui-ci accepte la charge. Bien que « très étonné que nos amis aient proposé mon nom pour l’affaire de la semaine, car je connais mal la question […], je sais bien que l’abbé comptait sur moi un peu », répond-il après s’être joint au chœur anti-dominicain : il a eu tôt « l’impression que le P. Biot se désintéressait de l’Abbé » et a « été gêné parfois de [s]e trouver avec lui lorsqu’il y avait aussi le P. Beaupère »50. Mais il s’en remet à la décision de ses supérieurs. Une délicate négociation tripartite s’engage donc entre Gerlier, Chappoulie et le supérieur général de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice, Pierre Girard51. L’évêque d’Angers, qui ne peut s’opposer au désir du cardinal, demande une compensation, car « les diocèses de l’Ouest ne sont pas conquis une fois pour toutes52 ». De son côté, le père Girard répugne à muter Michalon peu après sa nomination à Angers : il n’obtempère que sur pression de Gerlier et en obtenant un délai de deux ans pendant lequel on confierait un intérim à l’abbé Jean-Paul Vincent, prêtre du diocèse de Lyon et aumônier de la Paroisse universitaire locale, dont le nom circulait déjà53. Sans nouvelles du cardinal, qui a bien d’autres chats à fouetter en pleine affaire des enfants Finaly54, les proches de Couturier s’impatientent. Sur les instances de Victor Carlhian et du sulpicien Louis Richard, Villain se résignerait à revenir sur son refus pour ne pas laisser le champ libre aux « manœuvres (presque candides au début) de ceux qui, dès le principe, se proposaient de prendre la place et qui maintenant ne manqueront pas de profiter de l’échec (ou de la faiblesse de la solution) pour s’en emparer55. »

27La proposition est transmise par Carlhian à Gerlier le 21 mai, qui lui répond le 26 :

vous avez su que j’ai agi dans le sens même où vous le souhaitiez. J’espérais vous annoncer une bonne nouvelle. En fait, il faudra attendre un certain temps. Mais la solution que nous désirons tous est simplement ajournée. J’avais obtenu l’assentiment de l’Évêque d’Angers. C’est le Supérieur Général de Saint-Sulpice qui m’a mis devant des objections dont je n’ai vraiment pas pu nier la valeur. Je n’en ai pas moins insisté pour obtenir l’abbé Michalon. Et j’ai la promesse formelle qu’il nous sera donné dans deux ans. Il s’agit donc simplement d’organiser son intérim. Vous savez toute mon estime pour le Père Villain, et je n’ignore rien de tout ce que vous me rappelez en ce qui le concerne. Mais je considère […] qu’il serait un peu indélicat de confier au Père Villain une mission temporaire qui prendrait fin à l’arrivée de M. Michalon. L’expérience prouve que ces combinaisons sont un peu décevantes et réservent de réelles difficultés.

28Manière élégante de refuser les services du mariste... « Je crois, d’autre part, qu’il y a de sérieux avantages à donner au cher Père Couturier un continuateur qui soit, comme lui, prêtre du diocèse (ce qui est le cas de l’abbé Michalon), et qu’il serait donc préférable que celui qui assurerait l’intérim ait le même caractère. Je songe – vous le savez sans doute – à M. l’abbé Vincent que beaucoup de qualités et de relations désignent assez naturellement et qui comprendrait admirablement, me semble-t-il, qu’on lui confie une simple mission temporaire » ; mais il n’a pu encore lui en parler.

  • 56 Voir sa lettre à Villain du 12.
  • 57 D’où l’inquiétude de Carlhian dans sa lettre à Villain du 10 juin (citation dans la lettre de Biot (...)

29Le 2 juin, Richard prévient Villain que Vincent « a dû accepter » le désir du cardinal, « malgré sa grande modestie », « du moins pour la Semaine de l’Unité ». Faute de mieux, les familiers de Couturier se rallient à cette solution provisoire, car Vincent jouit parmi eux d’une bonne réputation. L’historien André Latreille, responsable de la Paroisse universitaire lyonnaise, ménage le 16 juin entre lui et Carlhian une rencontre qui permet à l’industriel philosophe de le mettre au courant des divers aspects du travail de Couturier en faveur de l’unité chrétienne56. Le lendemain se tiendra à l’archevêché la réunion des familiers du prêtre des Chartreux au cours de laquelle le cardinal Gerlier communiquera sa décision, réunion qu’il a fait convoquer, « ô ironie », par Biot57. Dès avant celle-ci, les jeux sont faits : la hantise d’une mainmise dominicaine sur son héritage a grandement facilité l’accord des proches de Couturier sur la solution Michalon, avec intérim Vincent : outre ses mérites propres en matière d’œcuménisme, le sulpicien stéphanois présente pour eux l’avantage de ne pas avoir été mêlé aux derniers instants du prêtre des Chartreux ni aux péripéties de sa succession.

L’inflexion du projet dominicain

  • 58 Envoi du 25 mars.
  • 59 Ibid.
  • 60 Ce qui ne sera pas le cas : le jeune dominicain est reçu le 10 avril.
  • 61 Lettre à Beaupère du 28 mars.

30Cette hantise n’est pas dépourvue de fondement. « Je crois être dans la fidélité à son esprit en essayant de garder ce qu’il avait fait, et de ne pas laisser se disperser ceux qu’il avait pu réunir dans la prière », écrit Biot au lendemain de la mort de Couturier dans la lettre qui accompagne une note informant Beaupère de ses récentes conversations à Istina58. Elles ont accroché sur « l’intégration dans une équipe conventuelle plus large » aux « multiples activités », le père Dumont « ayant l’impression que nous voulons nous servir de son nom pour lancer une affaire qui en définitive intéresse plus la province qu’Istina ». Aussi demande-t-il à son coéquipier d’intervenir, tant auprès de Dumont que du provincial, pour dissiper toute ambiguïté. Si ses premières démarches l’incitaient à croire qu’il apparaissait logiquement « comme celui qui doit poursuivre l’œuvre59 », le père Belaud l’en détrompe : le cardinal Gerlier lui a signifié qu’il ne recevrait pas Biot avant de s’être prononcé sur la succession Couturier60. « J’avoue que si le Cardinal prend une décision sans tenir compte de nous (i.e. Istina et même l’Ordre), il perdra mon estime et mon affection confiante », réagit de façon bien présomptueuse le jeune religieux61.

  • 62 Lettre de Beaupère à Dumont du 1er avril.
  • 63 « J’espère beaucoup en votre tandem », ajoute-t-il, lettre à Beaupère du 4 avril ; même écho après (...)

31Aussi Beaupère envoie-t-il deux longues lettres au père Belaud et au père Dumont dans lesquelles il expose, outre sa vocation œcuménique née au contact de l’abbé Couturier, son désir de se consacrer au travail pour l’unité après son retour de Jérusalem et sa volonté d’assumer l’héritage du prêtre des Chartreux. « Je crois pouvoir affirmer que l’abbé Couturier comptait sur moi (et sur le P. Biot…) pour assurer une suite stable à son œuvre », bien qu’il ait « manifesté de la répugnance à envisager une quelconque mise au point “officielle” de la situation », écrit-il au père Belaud le 31 mars. « Ma seule crainte était que le P. Biot veuille aller trop vite, mais la Providence semble lui avoir donné raison en nous retirant la présence visible du cher abbé Couturier », ajoute-t-il pour Dumont le lendemain. Et de proposer la création d’un « centre de travail œcuménique à Lyon », « au confluent des deux influences et des deux “autorités” du P. Dumont et de l’abbé Couturier ». Au travail proprement dominicain d’ordre théologique, un tel centre devra ajouter l’organisation de la semaine de prière pour l’unité qui était au cœur de l’activité de Couturier, mais qui ne figurait pas dans le projet dominicain auparavant. Celui-ci connaît donc un sensible infléchissement, directement lié à la disparition du prêtre des Chartreux : « Tout en retenant l’aspect “spirituel” de l’abbé Couturier, élargir la route suivie par lui dans un sens d’approfondissement technique (histoire, théologie, information…) », sans perdre pour autant le bénéfice « d’une vie religieuse vécue intégralement » au sein d’un couvent62. « Je suis tout à fait d’accord sur le projet de centre œcuménique qui s’élabore en liaison avec Istina, répond le père Belaud. Mais il ne suffit pas, pour que ce centre puisse assumer les diverses activités de l’abbé Couturier, qu’il ait l’accord de l’Ordre. En effet, l’abbé Couturier n’avait pas officiellement manifesté son intention de vous donner sa succession. D’autre part, le diocèse de Lyon désire garder pour son compte les activités de l’abbé Couturier. C’est de là que vient la difficulté63. »

  • 64 Titre donné à la version courte, 1 p. dactyl., remise à Georges Villepelet le 28 mars.
  • 65 Lettre à Beaupère du 14 avril ; et aussi celle au père Dumont du même jour.
  • 66 Leclerc le renvoie à Mgr Rupp le 14 avril, AD II 205.
  • 67 Projet sans titre, 4 p. dactyl.

32Conscient du problème, le père Biot a rédigé une nouvelle mouture du projet, désormais centré sur la « succession de Monsieur l’abbé Couturier64 ». Elle lie celle-ci à la constitution sur Lyon d’« une succursale du centre Istina, sous la direction active du Père Dumont, dont l’autorité est actuellement incontestée », mais au sein de laquelle « un prêtre diocésain serait chargé d’organiser la Semaine de l’Unité à Lyon, et de maintenir le lien entre Istina-succursale et l’archevêché ». Reçu en audience par Gerlier le 10 avril, le jeune religieux ne parvient pas à « faire comprendre au Cardinal l’intérêt de confier l’ensemble du travail œcuménique à Lyon à une équipe de spécialistes, tout en maintenant un prêtre séculier pour les activités purement locales65 ». L’archevêque, lui, ne s’est pas mépris sur la démarche : « Nous avons un projet de création prochaine à Lyon d’un Centre d’Istina. J’aimerais savoir exactement comment les choses ont été réglées à Paris, et quelles sont, notamment, les relations du Centre de Boulogne avec l’Archevêché », écrit-il à Mgr Leclerc, auxiliaire du cardinal Feltin dès le 11 avril66. Biot saisit alors que son plan « peut paraître donner trop au centre Istina et pas assez au prêtre diocésain », dont il a abusivement réduit la tâche par rapport à ce que fut celle de Couturier ; mais soucieux d’éviter la fondation à Lyon de deux centres potentiellement rivaux, il en adresse le 13 avril au cardinal une version amendée, assortie d’une « note additionnelle » en forme de repentir. Celle-ci préconise la création d’un organisme unique à deux têtes : « un centre de diffusion et de publication en faveur du mouvement spirituel pour l’Unité » confié au prêtre diocésain ; « un centre d’études et d’information plus “technique” confié au P. Dumont et à Istina (succursale lyonnaise)67. »

  • 68 Lettre du 16 avril ; selon lui, « la question des rapports de fait avec le travail antérieur de l’a (...)

33La réaction de Dumont justifie la défiance des familiers de Couturier à l’encontre de l’œcuménisme dominicain. Déjà sceptique sur le versant religieux du projet, il ne cache pas à Biot, ni au provincial de Lyon, les réserves que lui inspire son élargissement à tout ou partie de l’héritage Couturier. Porté à croire que Biot n’a « pas été bien inspiré en sollicitant – et surtout aussi rapidement – la succession », il regrette qu’un tel élargissement ait été présenté de façon imprudente au cardinal Gerlier comme à l’« instigation et pour le profit d’Istina ». « Je crois qu’il aurait été plus adroit d’installer tranquillement et de mettre en route votre activité “œcuménique” sous la seule responsabilité de votre Père Provincial, et d’en informer seulement l’Ordinaire », solution qui sera finalement adoptée. « Le décès de l’abbé a précipité la réalisation de vos projets parce que vous avez eu peur de “manquer le coche” : je crois que cette peur était un peu vaine. Car que pouviez-vous craindre ? Que d’autres prennent en main la propagation de la semaine de prières ? Mais vous-même préconisez qu’elle soit confiée à un prêtre séculier du diocèse et d’ailleurs, croyez-moi, cela est d’importance secondaire », écrit-il à Biot68. L’adjectif manifeste la différence d’accent entre l’œcuménisme théologique d’Istina et l’œcuménisme spirituel lyonnais : pour Couturier et ses proches, la prière pour l’unité n’est pas secondaire, mais primordiale. Sous condition qu’on revienne à plus de réalisme, c’est-à-dire que le centre lyonnais « existe en fait et pas seulement sur le papier, qu’il fasse ses preuves », le père Dumont maintient sa promesse de « patronage qui laisserait cependant à ce centre son autonomie. La formule la meilleure serait : centre St. Irénée, en liaison avec le centre Istina », écrit-il le 17 avril au provincial de Lyon qu’il se propose de rencontrer.

  • 69 Lettre du 22 avril.
  • 70 Lettre du 28 avril.
  • 71 « On ne laissera pas se rompre des liens patiemment créés. Ceux qui sont les héritiers de la pensée (...)

34Très déçu, Biot passe son « ire », auprès de Beaupère : le père Dumont « ne se rend pas compte de l’importance du travail » de l’abbé Couturier ; Gerlier ne laisserait pas « se constituer à Lyon deux organismes rivaux » ; aucun désir, chez les deux jeunes dominicains « de vivre comme un Istina parisien » du point de vue religieux69. Et il se défend auprès de Dumont d’avoir manqué de prudence avec le cardinal Gerlier. C’est « un ami de ma famille et comme tel, il s’est intéressé paternellement à ce que je faisais. Il s’est beaucoup réjoui de mon retour à Lyon après mes années d’études et a suivi avec affection mes activités depuis », lui écrit-il non sans quelque illusion70. Bien convaincu que l’abbé Couturier « était un saint », et que « le mystère de la prière » commande tout œcuménisme71, le père Beaupère, auquel son éloignement géographique donne plus de recul, tourne rapidement la page et se rallie au pragmatisme de Dumont. La défiance des amis de Couturier envers l’initiative dominicaine « nous invite à démarrer notre centre op […] tranquillement, modestement, sans trop vouloir faire préciser à l’avance des positions officielles », écrit-il à Biot le 11 mai. La dichotomie qui se dessine est certes triste, car elle donnera aux « frères séparés l’impression que l’héritage éclate en parcelles plus ou moins disparates ». Mais on ne saurait en faire un drame : après tout, « il se passe pour l’abbé ce que se passe pour toutes les “successions” ». Il faut se concentrer sur le « premier travail en tant qu’op », à savoir,

en même temps que la prière […], le labeur historique et théologique. Le centre n’existera vraiment que lorsque nous aurons sérieusement inauguré ce labeur […]. Nous avons toujours pensé, vous et moi, que le travail matériel de préparation de la semaine n’est pas notre fait. Attendons donc tranquillement la décision du C[ardin]al à ce sujet.

  • 72 Lettre transmise par celle-ci au cardinal Gerlier, AD 11 II 205 ; et aussi la lettre de Biot à Dumo (...)
  • 73 Bien qu’il n’ait ni financement ni local : « Vous avez organisé cet hiver plusieurs réunions avec d (...)
  • 74 Même lettre.

35Et les choses en restent là, car la rencontre de Dumont avec le provincial de Lyon est décommandée, au grand déplaisir de Biot. Celui-ci finit par faire contre mauvaise fortune bon cœur après avoir été informé par Gerlier de ses décisions, le 31 mai. « L’important est que la tâche de votre frère soit poursuivie : je suis certain que l’abbé Vincent saura faire très bien. Quant au Père Beaupère et à moi-même, nous n’avons pas l’intention de rendre le travail de l’abbé Vincent difficile. Nous sommes tout disposés à l’aider, et à poursuivre aussi notre travail de réflexion en union avec nos frères protestants », écrit-il le lendemain à Marie-Antoinette Couturier, sœur de l’abbé72. « Je n’attendais pas moins de lui », répond Gerlier à celle-ci, le 10 juin. Bien que Michalon ne lui plaise « pas énormément », Beaupère se réjouit d’une telle clarification qui renforce son point de vue : « avancer (certes prudemment) avec la conviction que le CSI existe73 », tant par rapport au diocèse que vis-à-vis du père Dumont : « il reconnaît l’existence de fait du CSI, c’est tout ce qu’il faut pour le moment. Tâchons de travailler en liaison avec lui (revues, etc…) et on pourra préciser plus tard certaines formalités juridiques74. »

Une décision d’application difficile

  • 75 « Sa situation d’aumônier de la Paroisse universitaire peut être considérée également comme une bon (...)
  • 76 Lettre au cardinal Gerlier du 8 juin, AD 11 II 206.

36La réunion décisive du « comité » des amis et collaborateurs de Couturier se tient donc à l’archevêché de Lyon le 17 juin 1953, près de trois mois après la disparition du prêtre des Chartreux. « En résumant les choses, écrit Biot à Dumont, je ne crois pas déformer la vérité en disant que nous avons été évincés quasi totalement, et que plus d’un ici souhaiterait rendre impossible la constitution de notre centre. » Outre le cardinal Gerlier et lui étaient présents le théologien mariste Joseph de Bacciochi, Victor Carlhian, Robert Clément, Louis Richard, Maurice Villain et l’abbé Jean-Paul Vincent, qui est venu solliciter son aide. « Le cardinal nous a d’abord présenté l’abbé Vincent et donné les raisons qui avaient présidé à son choix provisoire ». Bien que n’ayant, de son propre aveu, « aucune compétence ni connaissance spéciale », il bénéficie d’un a priori favorable, comme aumônier de la Paroisse universitaire75 ; selon la sœur de l’abbé Couturier, celui-ci aurait d’ailleurs envisagé qu’il puisse lui succéder76.

Le cardinal a ensuite chargé le P. Villain de composer le tract de l’année 54, avec soumission de son projet aux membres du comité. Enfin, le cardinal a confirmé le P. Villain dans le travail d’organisation et de préparation de la session de juillet [Chatelard] et de celle de septembre [Dombes]. Ceci montre assez nettement le désir de ne rien nous demander, mais les choses n’en sont pas restées là. Avant de terminer la réunion, le cardinal a exprimé son hésitation devant le projet dominicain de centre, sous la responsabilité ou du moins la direction d’Istina, ainsi que sa crainte de l’introduction à Lyon d’une équipe liée au P. Dumont, dont on sait bien, a-t-il ajouté, que lorsqu’il prend quelque chose en mains, il le prend bien et de façon efficace. Ne va-t-on pas constituer à Lyon deux organismes œcuméniques rivaux ?

  • 77 Lettre du 22 juin.
  • 78 Lettre à Beaupère du 17 juin.

37Bien que Biot ait souligné la différence des approches, « le comité n’en a pas moins approuvé la position du cardinal, qui a terminé en remettant la décision à plus tard, après un entretien avec notre Père Provincial77 ». Louis Richard aurait même conseillé l’installation du centre dominicain… à Chambéry, près du studium de Saint-Alban-Leysse, que Biot et Beaupère n’ont jamais envisagée78.

38Le récit du père Villain n’est pas très différent. Après avoir rappelé les déceptions de Couturier avec Biot et son propre agacement face aux rumeurs de remplacement du prêtre des Chartreux « dans l’œuvre de la semaine et des tracts » par le tandem dominicain, il en vient à la réunion du 17 juin.

  • 79 Lettre du 26 juin. Biot nie avoir exprimé une critique sur l’absence de théologie chez Couturier (l (...)

Je crois surtout que vos paroles au conseil de l’archevêché […] ont été imprudentes. Vous deviez évidemment vous expliquer sur ce projet ainsi qu’on vous en priait. Mais la manière dont vous avez fait intervenir Istina et le nom de son directeur a été, il me semble malheureuse. C’est là exactement que le cardinal a changé d’attitude et redouté l’organisation “bicéphale” […]. Certains aussi des amis ont tressailli quand vous avez dit qu’avec l’abbé C[outurier], on n’avait pas fait de théologie. Je crois pouvoir vous affirmer (et tous ceux qui étaient autour de la table avec moi) que les rencontres théologiques pour lesquelles l’abbé s’est entouré de théologiens très compétents, ont dépassé en technicité (et dans le sens très ardu, d’un vrai dialogue œcuménique) ce que j’ai vu réaliser ailleurs. Et de plus – résultat incomparable –, cela même était de la prière79.

  • 80 Lettre du 22 juin.

39Le père de Baciocchi exprime donc l’opinion commune lorsqu’il remercie Victor Carlhian de ce qu’il a « fait et dit à l’archevêché […], et surtout durant la préparation de cette rencontre. Quel dommage, si le carrefour grand ouvert créé par l’abbé s’était transformé en une “boutique”, même sous l’égide d’un grand ordre80 ! »

  • 81 Brouillon de sa lettre à Biot du 24 juin, sur laquelle on lit : « La copie envoyée au P. Biot était (...)
  • 82 Lettre citée du 26 juin.

40La tentative dominicaine pour briguer la succession Couturier a donc échoué. Non seulement Biot et Beaupère en sont exclus, mais la manoeuvre met en danger l’existence de leur centre en la subordonnant à l’autorisation du cardinal Gerlier. Le père Beaupère se console facilement de cet échec : « Il y a pu avoir des maladresses de notre part. Je crois cependant qu’à la base, il y a entre le diocèse et nous un malentendu profond », écrit-il le 24 juin à son coéquipier. « Ce que je veux faire, c’est un centre de travail œcuménique. » Et qu’on ne vienne pas lui dire qu’il « va faire double emploi avec l’organisme du diocèse […]. Cet organisme n’envisage pas autre chose, c’est clair, que la préparation de la semaine », ajoute-t-il, en réduisant quelque peu l’ampleur de la succession lyonnaise81. Mais le père Biot, « profondément heurté » par l’attitude de Gerlier « ainsi que par l’approbation quasi unanime qu’elle recueillait de la part des membres du comité », ne peut s’empêcher de manifester son dépit au père Villain d’une manière qui n’est pas faite pour arrondir les angles. « J’avais présenté au cardinal des projets assez précis, et dont l’ouverture d’esprit était grande. Il a cru devoir ne pas en tenir compte. Je considère par conséquent les difficultés ultérieures qui pourraient surgir entre le comité lyonnais et l’équipe dominicaine […] comme dues à l’attitude actuelle du clergé diocésain », lui écrit-il le 23 juin, tout en l’assurant de sa disponibilité pour collaborer avec l’abbé Vincent. Avant de revenir longuement sur la réunion du 17, Villain s’efforce de calmer le jeu en rappelant à Biot qu’il est, lui aussi, responsable du choix de Michalon, « inconnu alors du cardinal », ainsi que de la « solution d’attente » que représente Vincent82.

41Loin de regretter l’échec, le père Dumont s’en félicite.

Comme vous le savez, la hâte manifestée par le P. Biot après la mort de l’abbé Couturier ne m’avait pas beaucoup plu, écrit-il au père Belaud, provincial de Lyon, le 23 juin. Mieux vaut, pour nos deux jeunes, commencer leur préparation dans le silence et sur le vrai terrain où se pose le problème œcuménique, qui n’est pas le terrain de la semaine de prière, quelle que puisse être l’importance de celle-ci. Ils sont jeunes et ils ont l’avenir devant eux ; qu’ils prennent donc le temps de se former avant de vouloir agir, ils ne le regretteront pas.

  • 83 Ce qui ne sera pas le cas…
  • 84 « Ne vous hâtez pas de paraître sur la scène. Formez-vous et de la manière la plus positive qui soi (...)
  • 85 « Surtout, il agit comme un gosse, qui a des “droits”, et qui est persuadé qu’on lui marche sur les (...)
  • 86 Compte-rendu de cet entretien à Beaupère, 23 juin.
  • 87 Lettre à Dumont du socius du provincial, le père Hilaire Prisset, 3 juillet.
  • 88 Lettre à Beaupère du 26 août.
  • 89 Lettre de Biot à Beaupère du 1er octobre. Il n’est officiellement déclaré, sous la forme d’une asso (...)

42Quant à la concurrence, il ne faut pas la craindre parce que le père Villain, dont la greffe sur Istina a tourné court en 1949, est « quasi inexistant sur le plan œcuménique et que M. Michalon, outre qu’il doit être de collaboration facile83, manque d’envergure pour bâtir quelque chose84 ». Décidément, l’indulgence n’est pas la qualité la plus répandue parmi les œcuménistes ! Le père Biot est contraint d’admettre que Dumont avait raison : sans attendre un feu vert du cardinal Gerlier, il faut aller de l’avant avec la seule permission des supérieurs religieux… acquise le 19 juin lors de l’entretien que lui a accordé le provincial. Si Belaud lui a reproché « une certaine jeunesse dans [s]on attitude où se mêlait l’idée que normalement la “succession” C[outurier] devait nous échoir85 », il a maintenu son affectation, ainsi que celle de Beaupère, en œcuménisme et à Lyon. Il se refuse à aller solliciter l’approbation de Gerlier : il « fera le mort » et verra le cardinal à l’automne, si celui-ci en fait la demande86 ; mais il compte sur Dumont pour guider les deux jeunes religieux « car ils sont forts indépendants et ils auront grand besoin d’un guide compréhensif, mais très ferme87 ». Alors que Beaupère est sur le chemin du retour de Jérusalem, Biot considère qu’il y a tout avantage pour eux « à rester dans un certain vague » quand on s’enquiert ce qu’ils feront. « Existe à Lyon un centre de recherches œcuméniques, dans l’esprit de l’abbé Couturier, et lié (sans trop préciser) à Istina », mais porteur du « désir de travailler techniquement », en liaison avec les frères séparés88. Ainsi le Centre Saint-Irénée voit-il le jour de façon relativement discrète à l’automne 1953, sous égide exclusivement dominicaine, dans les baraquements provisoires du site Gailleton89.

  • 90 « L’abbé Paul Couturier apôtre de l’unité chrétienne », 10 avril ; la citation est du chanoine Char (...)
  • 91 « Le 24 mars, à Lyon, M. l’abbé Paul Couturier, 72 ans, apôtre infatigable de l’Unité », « Nos amis (...)
  • 92 Portrait d’un précurseur, op. cit., p. 106.
  • 93 La citation vient de sa lettre à Gerlier du 5 février, AD 11 II 205.
  • 94 « Quelles sont les intentions quotidiennes de l’octave ? », in « Semaine de prières pour l’unité 19 (...)

43Tous les problèmes posés par la succession Couturier ne trouvent pas leur solution par décision cardinalice le 17 juin 1953. Le père Villain, que Gerlier a chargé de la confection du matériel pour la semaine de l’unité 1954, se heurte en effet à nombre de difficultés. Alors qu’il a donné « un très bon article » nécrologique sur le prêtre des Chartreux dans le Courrier de Genève90, il ne parvient pas à en placer un autre dans La Croix, qui ne publie qu’une brève note non signée en petits caractères91. Sur la petite image mortuaire, « je désirais imprimer au verso de sa photographie quelques prières de l’abbé, une surtout, plus caractéristique de son message, et il ne s’agissait que d’un tirage de 1000 exemplaires, à l’usage privé. Or cette prière fut refusée par le censeur, pourtant bienveillant ».Victor Carlhian, qui assume la charge financière de l’opération, a « “craint qu’elle ne soit pas comprise, surtout dans les milieux ecclésiastiques et romains”. Je dus la remplacer par un texte liturgique », écrit le mariste dans son essai sur l’industriel philosophe92. Les intuitions majeures de Couturier sont loin de faire l’unanimité, comme le prouve « la feuille fatale de l’Œuvre d’Orient » que Villain a trouvée sur son chemin dans ses pérégrinations pour la semaine de janvier 195493. Cette feuille propose, outre des intentions de prière en termes de retour des dissidents à l’unité catholique, un commentaire du chanoine Marcel Lévêque, délégué général de l’Œuvre, dans lequel celui-ci estime que les modifications introduites par Couturier, en termes de sanctification des différentes confessions et non plus de retour au giron romain, ne représentent pas « une amélioration », mais « une altération » dommageable94.

  • 95 Lettre à Villain, AD 11 II 205, copie.
  • 96 « Cet indifférentisme est extrêmement loin de votre pensée. Malheureusement, il y a des gens qui ri (...)
  • 97 Lettre de Mgr Marella du 23 mars et réponse de Gerlier du 25, AD 11 II 205. Les informateurs de la (...)
  • 98 « Vous voyez que nous avons choisi les consulteurs parmi ceux qui n’étaient pas suspects d’étroites (...)
  • 99 Lettre du chanoine Charles Duquaire, secrétaire particulier du cardinal, à Victor Carlhian, 3 mai 1 (...)
  • 100 Paul Couturier apôtre…, op. cit.

44La semaine de l’unité 1954 commence à Lyon le 17 janvier, sous la présidence du cardinal Gerlier, par une conférence du père Villain intitulée « L’abbé Couturier, prophète et apôtre de l’unité chrétienne » qui connaît un vif succès. Le cardinal juge toutefois que certaines formules du mariste peuvent faire tort à la mémoire de son maître et risquent de lui attirer une réprobation romaine. Aussi lui enjoint-il de soumettre son texte, avec le manuscrit du livre de témoignages en préparation, à l’homme de confiance du Saint-Siège en matière de relations interconfessionnelles, le jésuite français de l’Université grégorienne Charles Boyer. Celui-ci transmet des remarques « que j’avais faites moi-même », constate Gerlier. « Il s’agit de quelques nuances auxquelles il est important, je crois, de donner attention, toujours dans la même perspective : faire en sorte que cet hommage au cher Père Couturier ne puisse devenir ni l’occasion d’une polémique, ni celle d’une observation plus ennuyeuse95 ». De retour d’une visite ad limina, l’auxiliaire du cardinal, Mgr Ancel, précise : « Il s’agit simplement d’éviter les ambiguïtés de certaines expressions qui sembleraient marquer un certain indifférentisme par rapport aux formules dogmatiques96. » Ces corrections sont d’autant plus nécessaires que la nonciature s’inquiète de l’utilisation d’un texte du mariste par le bulletin du Conseil œcuménique des Églises97. Aussi le cardinal soumet-il l’ensemble du manuscrit à deux censeurs lyonnais, les sulpiciens Villepelet et Morel98. Ils ne demandent que de menues retouches sur la conférence de Villain qui introduit le volume, sans toucher aux témoignages, qui pourront donc paraître tels quels, ceux des frères séparés compris. Mécontent d’une procédure qui met en cause son orthodoxie et qui retarde la publication, le père Villain doit s’exécuter. Après consultation de « diverses autorités qualifiées99 », le volume sort en juin 1954, avec imprimatur, chez l’éditeur lyonnais Emmanuel Vitte100.

  • 101 « M. l’abbé Vincent diffuse tracts et brochures pour la Semaine de l’unité (5, rue Royet, Lyon) » : (...)
  • 102 Lettre du 13 juillet, AD 11 II 205.
  • 103 Courrier dans A D 11 II 205.

45À ce moment, l’abbé Vincent, qui s’est appliqué avec conscience aux travaux de préparation et d’envoi du matériel pour la semaine 1954, donne des signes de fatigue. « L’action de l’abbé Couturier ne peut être continuée, et dans son esprit, que par quelqu’un qui en fait l’œuvre de sa vie. Elle est trop importante, trop spirituelle et intérieure, pour n’être qu’une activité supplémentaire. On ne peut “animer” un mouvement semblable, apporter une aide à des vies données, si l’on ne s’est pas soit même tout entier donné », écrit-il au cardinal Gerlier le 3 mai 1954, après lui avoir rendu compte du bilan comptable de la semaine. Il estime donc que son intérim ne saurait se prolonger trop longtemps. « Un an n’est peut-être pas un temps trop long pour expédier les affaires courantes ; c’est un temps très long quand se fait sentir l’absence d’un animateur », ajoute-t-il. Et cette absence est d’autant plus regrettable que « la place sera prise rapidement, par d’autres, qui font de louables efforts, mais qui ne garderont peut-être pas l’esprit de l’abbé », allusion probable aux premiers pas du Centre Saint-Irénée. « Les critiques des uns, l’étrange silence des autres (cf. le n° de l’Actualité religieuse sur l’œcuménisme101) montrent que cet “esprit” n’est pas toujours apprécié ». « Le dévouement et le travail de M. l’abbé Vincent sont hors de cause », témoigne pour sa part Victor Carlhian, mais ses tâches matérielles ne lui laissent pas « la liberté d’esprit nécessaire » pour entretenir les relations qui formaient « une partie essentielle de l’activité de l’abbé Couturier » et qui risquent de se distendre. « Il est impossible à M. l’abbé Vincent de découvrir en quelques mois ce que l’abbé Couturier avait acquis en trente ans. Un ministère aussi difficile ne peut s’improviser, quelque cœur et quelque intelligence qu’on mette à l’accomplir. » Convaincu que « le délai de deux ans mis à l’arrivée de M. Michalon est tout à fait préjudiciable au maintien du mouvement de la semaine, des rencontres et des relations que l’abbé Couturier avait su nouer », Carlhian propose de nouveau au cardinal la venue à Lyon du père Villain102. La réponse est la même qu’un an auparavant. D’une part, Gerlier relance de façon pressante le supérieur de la Compagnie de Saint-Sulpice pour que le délai soit réduit d’un an et que le père Michalon puisse gagner Lyon dès l’automne 1954. D’autre part, il récuse un second intérim qui lierait les mains du sulpicien. « Vous savez mon estime profonde pour le Père Villain. Mais, entre nous deux, je vous dirai que je redoute un peu cette solution provisoire, craignant qu’il ne nous soit très difficile ensuite de laisser à M. Michalon ses coudées franches », écrit-il à Carlhian le 24 juillet. Gerlier suit d’ailleurs de près la confection par le mariste du tract pour les semaines de janvier 1954 et de janvier 1955 : le 12 octobre 1954, Villain regrette que le cardinal, ou ses conseillers, aient gommé son appréciation louangeuse du Conseil œcuménique, et remplacé unité par union (des chrétiens) dans l’intention de prière du premier jour de la semaine à venir103.

  • 104 Lettre du 20 août, AD 11 II 206, copie.
  • 105 La non moins vigoureuse réponse du chanoine Marcel Lévêque au cardinal du 8 novembre, signale que l (...)
  • 106 Comme en convient sa lettre à Gerlier du 16 octobre 1954, ibid.
  • 107 Partie officielle, p. 20.
  • 108 « Réunions interconfessionnelles d’étudiants auxquelles Votre Éminence a dû mettre fin en avril der (...)
  • 109 Comme en fait foi le rapport de Michalon sur celles-ci pour l’année 1954-1955, 1 p., s. d., A D 11 (...)
  • 110 Lettre citée du 1er avril 1955, AD 11 II 207 ; voir aussi son « Rapport sur quelques activités œcum (...)
  • 111 La province dominicaine de Lyon prend la France en écharpe, de la Savoie à la Bretagne.

46Il faut un certificat médical affirmant que la douceur angevine est nuisible à la santé de Michalon pour qu’il obtienne de Mgr Chappoulie et du P. Girard son exeat pour Lyon le 2 août 1954. Le cardinal Gerlier est toutefois mécontent qu’il doive enseigner l’Écriture sainte au grand séminaire de Francheville, à la place de son confrère Brunon, muté en échange à Angers : « Je n’ai pas fait tout ce que vous savez pour aboutir à laisser l’œcuménisme en panne », écrit-il à Girard le 11 août. Faute d’obtenir entière satisfaction, il demande à l’abbé Vincent « de soulager M. Michalon d’un certain nombre de servitudes de sa fonction », durant l’année universitaire 1954-1955104. Pierre Michalon s’installe à Lyon en octobre 1954. L’un de ses premiers actes est d’envoyer à l’Œuvre d’Orient, au nom du cardinal Gerlier, une vigoureuse mise en garde contre toute nouvelle attaque de l’abbé Couturier. « Nous ne pouvons en effet que respecter la rectitude des intentions, la pureté de la foi, la fidélité absolue à l’Église de la grande âme » du prêtre des Chartreux, écrit-il le 28 octobre105. Il est arrivé trop tard pour prendre en mains la préparation de la semaine de l’unité 1955, à laquelle sont de nouveau associés Villain, pour la conception, et Vincent, pour l’exécution106. La Semaine religieuse du diocèse de Lyon publie le 3 décembre 1954 sa nomination « pour continuer l’œuvre de l’abbé Couturier dans son ampleur. En ce qui concerne le diocèse de Lyon, les initiatives œcuméniques, quelles qu’elles soient, seront donc dorénavant sous sa responsabilité. Il est indispensable, dans ce domaine de l’Unité chrétienne, que le zèle se manifeste d’une façon coordonnée, éclairée et toujours sous le contrôle de la Hiérarchie, notamment pour les rencontres interconfessionnelles où sont touchées les questions doctrinales », comme le prescrit l’instruction du Saint-Office du 20 décembre 1949107. Le sulpicien ne tarde pas à s’appuyer sur l’exclusivité ainsi accordée pour s’étonner des initiatives du Centre dominicain Saint-Irénée qui fonctionne depuis un an lors de sa nomination. Le 1er avril 1955, il signale au cardinal Gerlier l’existence à Lyon de réunions interconfessionnelles d’étudiants de l’Université d’État, animées « conjointement » par les pères Beaupère et Biot et par des pasteurs, qui lui paraissent contraires à l’esprit comme à la lettre de l’instruction du Saint-Office : l’archevêché y met fin108, sans que les rencontres prêtres-pasteurs en soient affectées109. « Je m’en tiens au diocèse de Lyon, ajoutait Michalon. Les récriminations que j’ai reçues d’ailleurs sur les activités de ces religieux sont justiciables des évêques de ces diocèses110. » Il s’agit là de la première d’une série de plaintes du sulpicien, qui crée en 1955 l’Association Unité chrétienne, à l’encontre des activités du Centre Saint-Irénée. Mais les promoteurs de celles-ci ont beau jeu de rétorquer qu’elles dépendent de leurs supérieurs, et non de l’archevêché de Lyon, dont elles dépassent largement le ressort111. Et le cardinal Gerlier laisse faire, conseillant toutefois aux dominicains d’informer Michalon de celles qui se déroulent dans le diocèse.

  • 112 Néologisme cher à l’historien local Bruno Benoît.
  • 113 Étienne Fouilloux, Les Catholiques et l’unité chrétienne du XIXe au XXe siècle. Itinéraires europée (...)

47« Il est impossible de succéder à un prophète », écrit Biot à Beaupère le 20 mai 1953. Certes, mais les deux religieux, lancés auparavant sur une piste parallèle, n’en ont pas moins brigué son héritage au lendemain de sa mort. Ils en ont été écartés pour trois raisons principales. La première tient à leur désir d’obtenir un patronage parisien. On ne peut rien leur reprocher du point de vue de la « lyonnitude112 » : ils appartiennent tous deux à des familles catholiques bien connues dans la capitale des Gaules ; et ils n’envisagent pas d’autre point d’ancrage à leur centre, placé sous l’égide de saint Irénée, grand évêque de Lyon et grand défenseur de l’unité de l’Église. Or, le père Dumont fait peur à Lyon, car il s’est trouvé au cœur des différentes tentatives de centralisation des activités catholiques pour l’œcuménisme en France, que l’abbé Couturier ne voyait pas d’un bon œil : après les échecs de la grande association de 1945, de la rencontre du Saulchoir de 1947 et de l’« institut d’ecclésiologie comparée » auprès de la Catho de Paris en 1950, il est avec le Hollandais Jan Willebrands la cheville ouvrière de la Conférence catholique pour les questions œcuméniques, qui a vu le jour en 1952113. Loin de bénéficier à Lyon, comme le croit Biot, d’une « autorité incontestée », il y suscite la crainte d’une mainmise parisienne sur la succession Couturier.

  • 114 « Il a très peur que notre robe blanche fasse fuir certains autres et que notre thomisme nous tienn (...)
  • 115 La Documentation catholique, 25 octobre 1947, col. 1375-1396.
  • 116 Brouillon de la réponse du 22 février 1953.
  • 117 Textes reproduits par Thierry Keck, Jeunesse de l’Église, 1936-1955. Aux sources de la crise progre (...)
  • 118 François Leprieur, Quand Rome condamne. Dominicains et prêtres-ouvriers, Paris, Plon-Cerf, 1989.

48Celle-ci échappe aux pères Beaupère et Biot pour une seconde raison : leur appartenance à l’ordre dominicain Ni le cardinal Gerlier ni les proches de l’abbé Couturier ne veulent que son œuvre aille à un grand ordre, et surtout pas à celui de saint Dominique. Il est possible, comme le suggère Biot, que Victor Carlhian, héritier intellectuel de l’oratorien Lucien Laberthonnière, redoute la formation thomiste des deux religieux114. Mgr Ancel, homme de confiance de Gerlier en matière doctrinale, a publié un « plaidoyer pour le clergé diocésain115 », trop souvent appauvri selon lui par des vocations élitistes qu’attirent les jésuites ou les dominicains. Aux avant-postes de l’effervescence apostolique du catholicisme français, ceux-ci suscitent les passions. En février 1953, Biot propose d’inclure le père Maurice-Ignace Montuclard, religieux de la province de Lyon, parmi les « conseillers » du futur centre. « Non, surtout pas lui, à l’heure actuelle. Croyez-moi j’ai de bonnes raisons », lui répond Beaupère116. Au moment où se joue le sort de la succession Couturier, l’aventure ecclésiale du mouvement Jeunesse de l’Église et de son fondateur touche à sa fin. Alors que le cardinal Gerlier s’est efforcé jusqu’au bout d’éviter cette solution radicale, Montuclard lui annonce le 16 mai 1953 qu’il a décidé d’accepter le rescrit du Saint-Office lui permettant, sur sa demande, de « réintégrer la communion des laïcs117 ». L’affaire suscite une émotion considérable qui n’est pas une bonne réclame pour nos deux religieux. Moins d’un an plus tard, la « purge » du Saulchoir et la démission exigée des trois provinciaux confirmeront la médiocre réputation des dominicains français à Rome, mais aussi dans certains secteurs de l’Église de France118. La candidature des pères Beaupère et Biot a pu souffrir de ce climat défavorable à leur ordre, dont ils ne sont en aucune manière responsables.

49L’affaire de la succession Couturier manifeste enfin et surtout, troisième raison de l’échec du tandem dominicain, la différence entre sa vocation œcuménique, à dominante théologique comme celle du père Dumont, dont il se réclame, et la vocation œcuménique à dominante spirituelle de l’abbé Couturier et de ses proches, le père Villain notamment, qui n’a pas pu tenir plus d’un an à Istina. Sans aller jusqu’à contester, comme le chanoine Lévêque, le fondement dans la prière de l’œcuménisme spirituel, Dumont estime insuffisant son ancrage théologique. Il n’est donc pas surprenant que l’héritage Couturier échappe à ceux qui veulent installer à Lyon une « succursale d’Istina ». Mais il est impensable que cet héritage aille à Maurice Villain, celui des disciples du prêtre des Chartreux qui en accentue le plus les audaces. Sur indication de ses proches, le cardinal Gerlier va chercher Pierre Michalon pour l’assumer, moins connu à Lyon et donc moins marqué. De façon logique, bien que paradoxale en apparence, cette dualité d’accents œcuméniques se traduit donc par une dualité de foyers catholiques voués à l’œcuménisme dans la capitale des Gaules, le Centre dominicain Saint-Irénée et bientôt le Centre diocésain Unité chrétienne.

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Notes

1 Décédé le 2 janvier 2004.

2 Ce travail puise dans le fonds Gerlier des Archives diocésaines de Lyon (AD II 205, 206 et 207), dans le fonds Couturier-Villain de l’abbaye Notre-Dame des Dombes, dans les Archives du Centre parisien Istina et dans les papiers personnels du père Maurice-René Beaupère, que nous remercions tout spécialement de son accueil (voir ses souvenirs, Nous avons marché ensemble. Un itinéraire œcuménique, entretiens avec Béatrice Soltner, Lyon, Éditions Olivétan, 2012).

3 « Car j’ai prévu, dès le 6 juillet dernier [1952], l’inéluctable conséquence de ce départ irréfléchi […], je me suis senti trahi par celui que j’avais formé […] si le P. D. avait été un ennemi et eût voulu ruiner cette succession, il n’eût rien trouvé de mieux que d’agir comme il l’a fait » (« De profundis clamavi… », fragment de journal des lendemains de la mort de Couturier, conservé à l’abbaye Notre-Dame des Dombes, sd, p. 2).

4 « Personnellement, j’ai toujours pensé que son œuvre ne devait pas être “accaparée” par un seul ordre religieux, et c’est la raison […] pour laquelle je me suis toujours tenu à l’écart, et n’ai pas voulu provoquer les avances qu’il aurait été trop heureux de me faire », lettre à Maurice Villain, 31 mars 1953.

5 Couvent d’études de la province dominicaine de Lyon, à Saint-Alban-Leysse, près de Chambéry.

6 Il « essayera de vous persuader qu’un séjour à Jérusalem n’est pas nécessaire et je pense que vous serez déçu comme moi qu’il ne comprenne pas l’importance d’une formation scripturaire “technique” pour un oecuméniste », lettre de Biot à Beaupère, 12 mars 1952 ; « il eut même de la peine à accepter mon départ pour un an à Jérusalem ; il lui semblait presque que je désertais », lettre de Beaupère à Belaud, 31 mars 1953.

7 Le père André-Louis Aiguier, ordonné comme Beaupère, en 1951, a été sollicité, mais n’a pas donné suite.

8 Lettre citée de Beaupère à Belaud.

9 Régis Ladous (dir.), Médecine humaine, médecine sociale. Le docteur René Biot et ses amis (1889-1966), Paris, Cerf, 1992.

10 Lettre de Biot à Beaupère, 8 novembre 1951 ; le père Darmancier « m’aidera de son expérience », ajoute-t-il.

11 Lettre à Beaupère.

12 Lettre à Beaupère.

13 Cette lettre est conservée dans le fonds Couturier-Villain de l’abbaye Notre-Dame des Dombes.

14 « Rencontre interconfessionnelle du 19 janvier 1953 », 4 p. dactyl., AD 11 II 205 (rapport du père Biot).

15 Texte d’une page, envoyé à Beaupère avec la réponse de Dumont le 10 février 1953.

16 Étienne Fouilloux, « Une longue marche vers l’œcuménisme : Istina (1923-1967) », Istina, juillet-septembre 2010, p. 271-287.

17 Lettre à Biot du 30 janvier 1953.

18 Expression entre guillemets dans la lettre de Biot à Beaupère du 26 avril 1952.

19 Lettre citée du 30 janvier.

20 Projet de 3 p. dactyl.

21 « Je ne peux accepter de passer la majeure partie de mon temps à faire des paquets », écrivait-il à Beaupère le 15 décembre 1952.

22 Lettre à Dumont du 10 mars 1953.

23 Ibid.

24 Lettre accompagnant trois pages de « simples notes ».

25 Lettre à Beaupère du 21 février.

26 Lettre à Beaupère du 14 mars.

27 « De profundis clamavi… », journal cité, p. 1. Cette rencontre a ensuite été passée sous silence par Villain (L’Abbé Paul Couturier, Paris, Casterman, 1957, p. 324).

28 « Mon intimité avec Victor Carlhian ne remonte pas au-delà du 24 mars 1953, date de la mort de l’abbé Paul Couturier », écrit-il dans Portrait d’un précurseur. Victor Carlhian 1875-1959, Paris, Desclée de Brouwer, 1965, p. 103.

29 Du 21 au 24 mars.

30 Lettre de Willem Adolf Visser’t Hooft du 26 mars, A D 11 II 205.

31 Alexandre de Weymarn est responsable du bulletin hebdomadaire genevois le Soepi, Service œcuménique de presse et d’information.

32 « De profundis clamavi… », p. 1.

33 Lettres des 7 et 10 mars 1953, AD 11 II 205.

34 Ce texte, publié dans la Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 25 septembre 1953, après une nécrologie louangeuse du sulpicien Louis Richard (p. 514-515) est repris dans le recueil Paul Couturier apôtre de l’unité chrétienne. Témoignages, Lyon, Emmanuel Vitte, 1954, p. 43-47.

35 « Confidentiellement. Le P. de Lubac m’a dit que c’était lui qui avait suggéré au Cardinal de parler aux funérailles de l’abbé ! », lettre au père Villain du 23 avril 1953.

36 D’ailleurs, je puis bien le faire : l’abbé Couturier m’a valu trois monitum du Saint-Office que j’ai décidé de ne pas exécuter ; à cause de lui aussi, je me suis brouillé avec toute la hiérarchie anglaise », témoignage recueilli par É. F. le 10 janvier 1966.

37 « Je vais chez Carlhian pour libeller des télégrammes aux pasteurs », « De profundis clamavi… », p. 1.

38 Réponse du 9 avril à la lettre émue du pasteur Arnold Brémond, en poste à Oullins, du 29 mars, AD 11 II 205.

39 « Il tient essentiellement à ce que demeure à Lyon ce qu’a fait l’abbé », lettre à Beaupère, 22 novembre 1951.

40 Lettre de Biot à Beaupère du 28 mars, après entretien avec Maury, et du 14 avril. 

41 Lettre du 6 août 1948, publiée dans L’Abbé…, op. cit., p. 326.

42 Lettre du 20 mai ; trois maristes lyonnais ont pourtant approché l’abbé Couturier à sa suite : outre Michel Darmancier, le grand malade Stanislas Cwiertniak et le théologien Joseph de Baciocchi.

43 Le jour où le mouvement de prière pour l’unité « sera institutionnalisé, il tombera comme une chose close, humaine, pour aboutir à une fraternité pieuse, somnolente, insignifiante, sorte de momie spirituelle », écrivait Couturier à Dumont le 19 avril 1945, en refusant de se joindre au projet d’association pour l’organisation et le développement de l’œcuménisme en France.

44 Lettre au père Villain.

45 Lettre au père Villain

46 Lettre au père Villain..

47 « De profundis clamavi… », p. 2.

48 Cette réunion se situe entre le 9 (audience du cardinal) et le 17 avril (réponse de Michalon à Villain).

49 « De profundis clamavi… », p. 2. Cette unanimité fait justice des propos différents parfois tenus par Villain ensuite.

50 Lettre à Villain du 17 avril.

51 Originaire de Saint-Amand-Tallende, dans le Puy-de-Dôme, où le cardinal Gerlier prend ses vacances chez Mgr Villot.

52 Réponse à Gerlier du 20 avril, AD 11 II 206.

53 Lettre de Michalon à Villain sur sa visite à Angers, 10 mai 1953.

54 Ils ont « disparu » le 3 février 1953 ; ils sont « retrouvés » au pays basque espagnol à la fin du mois de juin. Entre temps, Gerlier s’est trouvé en première ligne pour négocier leur restitution.

55 Lettre à Carlhian du 20 mai 1953.

56 Voir sa lettre à Villain du 12.

57 D’où l’inquiétude de Carlhian dans sa lettre à Villain du 10 juin (citation dans la lettre de Biot à Beaupère du 1er juin).

58 Envoi du 25 mars.

59 Ibid.

60 Ce qui ne sera pas le cas : le jeune dominicain est reçu le 10 avril.

61 Lettre à Beaupère du 28 mars.

62 Lettre de Beaupère à Dumont du 1er avril.

63 « J’espère beaucoup en votre tandem », ajoute-t-il, lettre à Beaupère du 4 avril ; même écho après communication avec le père Biot (ses lettres à Dumont et à Gerlier du 16 avril).

64 Titre donné à la version courte, 1 p. dactyl., remise à Georges Villepelet le 28 mars.

65 Lettre à Beaupère du 14 avril ; et aussi celle au père Dumont du même jour.

66 Leclerc le renvoie à Mgr Rupp le 14 avril, AD II 205.

67 Projet sans titre, 4 p. dactyl.

68 Lettre du 16 avril ; selon lui, « la question des rapports de fait avec le travail antérieur de l’abbé Couturier était relativement secondaire », confirme-t-il au père Belaud le lendemain.

69 Lettre du 22 avril.

70 Lettre du 28 avril.

71 « On ne laissera pas se rompre des liens patiemment créés. Ceux qui sont les héritiers de la pensée de l’abbé Couturier s’efforceront de continuer son œuvre dans toute son ampleur », conclut-il sa notice nécrologique pour Proche-Orient chrétien (« L’abbé Paul Couturier. Prière et Charité au service de l’Union », « Nouvelles de l’étranger », 1953, 2, p. 185).

72 Lettre transmise par celle-ci au cardinal Gerlier, AD 11 II 205 ; et aussi la lettre de Biot à Dumont du 5 juin.

73 Bien qu’il n’ait ni financement ni local : « Vous avez organisé cet hiver plusieurs réunions avec des pasteurs, vous recevez des visites », écrivait-il à Biot le 5 juin.

74 Même lettre.

75 « Sa situation d’aumônier de la Paroisse universitaire peut être considérée également comme une bonne référence », même lettre.

76 Lettre au cardinal Gerlier du 8 juin, AD 11 II 206.

77 Lettre du 22 juin.

78 Lettre à Beaupère du 17 juin.

79 Lettre du 26 juin. Biot nie avoir exprimé une critique sur l’absence de théologie chez Couturier (lettre à Dumont du 7 juillet, datée 7 juin par erreur). Il exprime toutefois sa crainte que la rencontre du groupe des Dombes en septembre, que le père Villain a transformée en retraite, ne « risque fort de tomber dans un sentimentalisme pieux » ; pour lui « la spiritualité découle nécessairement […] d’une théologie » (lettre à Dumont du 25 juillet).

80 Lettre du 22 juin.

81 Brouillon de sa lettre à Biot du 24 juin, sur laquelle on lit : « La copie envoyée au P. Biot était plus nuancée dans ses expressions ».

82 Lettre citée du 26 juin.

83 Ce qui ne sera pas le cas…

84 « Ne vous hâtez pas de paraître sur la scène. Formez-vous et de la manière la plus positive qui soit, c’est-à-dire en prenant contact au maximum avec le monde non catholique afin de le connaître tel qu’il est. Efforcez-vous de voir les problèmes dans leur réalité et non pas seulement les énoncés qu’on en donne jusqu’ici ; les “res” et non pas les idées qu’on s’en forge », écrit-il à Biot le même jour.

85 « Surtout, il agit comme un gosse, qui a des “droits”, et qui est persuadé qu’on lui marche sur les pieds […]. Il arrive dans un terrain en conquérant, comme s’il était le seul à faire du boulot », écrit pour sa part Robert Clément à Villain le 30 juin. « Espérons qu’un prêtre du diocèse de Lyon pourra se charger de poursuivre cette grande œuvre ! », écrit-il alors dans la Nouvelle Revue théologique (« Quelques initiatives dans la marche vers l’Unité chrétienne », livraison de juin 1953, p. 605).

86 Compte-rendu de cet entretien à Beaupère, 23 juin.

87 Lettre à Dumont du socius du provincial, le père Hilaire Prisset, 3 juillet.

88 Lettre à Beaupère du 26 août.

89 Lettre de Biot à Beaupère du 1er octobre. Il n’est officiellement déclaré, sous la forme d’une association loi 1901, qu’en novembre 1955.

90 « L’abbé Paul Couturier apôtre de l’unité chrétienne », 10 avril ; la citation est du chanoine Charles Duquaire, secrétaire particulier du cardinal Gerlier, lettre au père Claude Musnier, de La Documentation catholique, 20 avril, AD 11 II 205.

91 « Le 24 mars, à Lyon, M. l’abbé Paul Couturier, 72 ans, apôtre infatigable de l’Unité », « Nos amis défunts », 29-30 mars 1953, p. 2.

92 Portrait d’un précurseur, op. cit., p. 106.

93 La citation vient de sa lettre à Gerlier du 5 février, AD 11 II 205.

94 « Quelles sont les intentions quotidiennes de l’octave ? », in « Semaine de prières pour l’unité 1954 », p. 3-4.

95 Lettre à Villain, AD 11 II 205, copie.

96 « Cet indifférentisme est extrêmement loin de votre pensée. Malheureusement, il y a des gens qui risqueraient de le soupçonner », lettre à Villain du 8 février, AD 11 II 205, copie.

97 Lettre de Mgr Marella du 23 mars et réponse de Gerlier du 25, AD 11 II 205. Les informateurs de la nonciature ont de bons yeux ! Le corps du délit est une citation de quelques lignes (« De l’esprit et des tâches œcuméniques ») dans le Message de l’Église réformée de France pour la semaine de prière (Soepi, 8 janvier 1954, p. 6-7).

98 « Vous voyez que nous avons choisi les consulteurs parmi ceux qui n’étaient pas suspects d’étroitesse », écrit Gerlier à Villain le 15 février, AD 11 II 205, copie.

99 Lettre du chanoine Charles Duquaire, secrétaire particulier du cardinal, à Victor Carlhian, 3 mai 1954, AD 11 II 205, copie.

100 Paul Couturier apôtre…, op. cit.

101 « M. l’abbé Vincent diffuse tracts et brochures pour la Semaine de l’unité (5, rue Royet, Lyon) » : telle est la seule mention, sous la rubrique « Signalons encore », de l’œcuménisme spirituel dans le dossier consacré au « mouvement pour l’unité des Églises » par L’Actualité religieuse dans le monde (que dirige le dominicain Pierre Boisselot) dans sa livraison de janvier 1954 (p. 23) ; les activités d’Istina y figurent, elles, en bonne place.

102 Lettre du 13 juillet, AD 11 II 205.

103 Courrier dans A D 11 II 205.

104 Lettre du 20 août, AD 11 II 206, copie.

105 La non moins vigoureuse réponse du chanoine Marcel Lévêque au cardinal du 8 novembre, signale que l’Œuvre a accordé au prêtre des Chartreux, peu avant sa mort, un secours exceptionnel de 50 000 francs. Sur la prière pour l’unité, elle maintient que « la formulation “ancienne” paraît plus conforme aux directives du Saint-Siège » et revendique le droit à une pluralité d’opinions sur la question, AD 11 II 205.

106 Comme en convient sa lettre à Gerlier du 16 octobre 1954, ibid.

107 Partie officielle, p. 20.

108 « Réunions interconfessionnelles d’étudiants auxquelles Votre Éminence a dû mettre fin en avril dernier », lettre de Michalon à Gerlier du 10 décembre 1955, AD 11 II 206. C’est un pasteur, non cité, qui a informé le sulpicien de ces réunions, dont les archives du père Beaupère ne conservent pas trace.

109 Comme en fait foi le rapport de Michalon sur celles-ci pour l’année 1954-1955, 1 p., s. d., A D 11 II 207.

110 Lettre citée du 1er avril 1955, AD 11 II 207 ; voir aussi son « Rapport sur quelques activités œcuméniques » du 20 novembre 1955, 2 p., A D 11 II 206.

111 La province dominicaine de Lyon prend la France en écharpe, de la Savoie à la Bretagne.

112 Néologisme cher à l’historien local Bruno Benoît.

113 Étienne Fouilloux, Les Catholiques et l’unité chrétienne du XIXe au XXe siècle. Itinéraires européens d’expression française, Paris, Le Centurion, 1982, p. 698‑717.

114 « Il a très peur que notre robe blanche fasse fuir certains autres et que notre thomisme nous tienne trop peu ouverts. »

115 La Documentation catholique, 25 octobre 1947, col. 1375-1396.

116 Brouillon de la réponse du 22 février 1953.

117 Textes reproduits par Thierry Keck, Jeunesse de l’Église, 1936-1955. Aux sources de la crise progressiste en France, Paris, Karthala, 2004, p. 410-411.

118 François Leprieur, Quand Rome condamne. Dominicains et prêtres-ouvriers, Paris, Plon-Cerf, 1989.

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Pour citer cet article

Référence papier

Étienne Fouilloux, « Une affaire lyonnaise : la succession de l’abbé Couturier »Chrétiens et sociétés, 18 | 2012, 105-135.

Référence électronique

Étienne Fouilloux, « Une affaire lyonnaise : la succession de l’abbé Couturier »Chrétiens et sociétés [En ligne], 18 | 2011, mis en ligne le 17 juillet 2012, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/2981 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.2981

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Étienne Fouilloux

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