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La poésie religieuse des protestants français à l’âge classique

Entre évidence et dissimulation
Julien Goeury
p. 115-129

Résumés

Les poètes de confession protestante sont assez nombreux sous le régime de l'édit de Nantes, mais il est plus difficile de définir une poésie protestante. Elle peut se manifester par des manifestations d'identité confessionnelle, mais de plus en plus rares au cours du siècle. Elle peut également se manifester par une dissimulation confessionnelle. Il s'agit dans cet article d'expliquer cette pratique de la dissimulation en la rapportant d'une part à la situation socio-historique des protestants français et d'autre part à un processus d'intégration dans un espace littéraire qui tend à imposer un discours chrétien conforme.

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Texte intégral

1S’inscrivant dans une réflexion collective consacrée aux relations entretenues entre le calvinisme et les arts sur près de quatre siècles, cette communication procède d’une série de réductions. Dans l’histoire du calvinisme en France, on ne retient qu’un siècle bancal et mal aimé. Faut-il d’ailleurs parler du xviie siècle en tant que tel ? Non seulement la révocation l’ampute d’une quinzaine d’années, mais c’est moins l’édit de Nantes que celui d’Alès en 1630 qui constitue une véritable césure sur le plan politique, ecclésiastique, social et culturel. La production imprimée qui nous intéresse en témoigne manifestement. D’où le choix de s’en tenir à peu près à la période 1630-1685, désignée ici comme l’âge classique sur des critères sans doute discutables, mais auxquels l’histoire de la poésie conserve encore une valeur heuristique. Des arts, on ne retient que des pratiques d’écriture, circonscrites tardivement sous la catégorie du littéraire (inopérante aussi bien au xvie qu’au xviie siècle, surtout lorsqu’on se situe dans le domaine religieux), mais qu’on peut réintégrer dans le domaine des belles lettres, quelle que soit par ailleurs la place pour le moins marginale d’un tel corpus dans la production nationale. De ces pratiques d’écritures appartenant aux belles lettres, on ne retient que la poésie (francophone), qui constitue un genre factice, réunissant toutes sortes de discours en vers, strophiques ou non. Quant à la part plus spécifiquement religieuse de cette production, elle s’inscrit d’ailleurs elle-même dans d’autres genres, mieux établis ceux-là, mais peu homogènes en réalité, ce qui conduit en l’occurrence à identifier une poésie rarement satirique, parfois héroïque et le plus souvent lyrique, au sens le plus extensif du terme.

  • 1  Cette première acception renvoie aux facultés où ils font leurs classes, la suivante aux sociétés (...)

2Toutes ces réductions successives peuvent au premier abord sembler raisonnables si l’on prend en considération la vitalité (en partie trompeuse) de la poésie dans la deuxième moitié du xviie siècle, au moment où Boileau opère son travail de canonisation des genres et des auteurs « classiques ». Il ne faudrait pourtant pas perdre de vue la place progressivement retrouvée au cours de la période par une élite culturelle réformée, qui s’inscrit dans des réseaux de sociabilité (salons mondains, cabinets savants et académies) en pleine expansion à Paris et en province, et qui joue son rôle dans la République des Lettres, et accorde par là même à ces belles lettres une place de choix dans son univers de représentation culturelle. Que la poésie s’inscrive alors dans un apprentissage scolaire ou académique1 (grecque, latine et déjà française) sous sa forme classique (on la lit, on la traduit et on l’imite), dans une pratique de divertissement mondain ou académique sous des formes variées (on en lit, on en débat, on en compose et on en fait lire), ou enfin éventuellement dans une carrière d’écrivain (on en compose et on en fait publier sous une forme manuscrite et imprimée), elle constitue encore un vaste champ de recherche à l’âge classique dans le monde réformé, qui n’a aucune raison de l’exclure, en dépit de préjugés tenaces.

  • 2  Voir les travaux fondateurs de Mario Richter et en particulier « Aspetti e orientamenti della poet (...)
  • 3  Voir à ce sujet les mises au point d’Olivier Millet : Calvin. Un homme, une œuvre, un auteur, Goll (...)
  • 4  André Baïche, « Les poétiques de la Réforme », La naissance du baroque français. Poésie et image d (...)
  • 5  Daniel Ménager, Ronsard. Le Roi, le poète et les hommes, Genève, Droz, 1979, p. 357-358.
  • 6  C’est un des enjeux de la querelle qui oppose d’ailleurs les pasteurs poètes genevois à Ronsard en (...)

3Un tel projet d’étude a pourtant quelque chose de périlleux si l’on se fie à certaines idées reçues. L’histoire littéraire explique bien en effet qu’il existe une poétique réformée2, devant même permettre de circonscrire une poésie d’expression française dûment calviniste (ce qui prête à discussion), mais elle ajoute aussitôt qu’il est inutile d’en chercher une expression digne de ce nom au xviie siècle, à quelques rares exceptions près. Tout cela mérite quelques mises au point. Il est inutile de revenir sur les conceptions de Calvin en matière artistique, d’autres l’ont déjà fait, à partir de sources pour le moins fuyantes3. L’essentiel, c’est sans doute de redire que le réformateur n’accorde aucune autonomie aux sciences humaines et que celles-ci n’ont donc d’autre fonction à ses yeux que d’assurer le salut de l’homme. L’écrivain, le poète en particulier, se retrouve alors devant une alternative qu’on peut formuler ainsi : « se mettre au service de la vérité ou bien plaire au public par un art illusoire4 » ; on pourrait même ajouter un art idolâtre, « puisqu’il multiplie les images entre la créature et son Dieu, qu’il accorde une autonomie au signe littéraire5 ». S’il existe bien ce qu’on peut appeler un « moment calviniste » dans la poésie d’expression française, on doit plutôt le situer à Genève et dans la seconde moitié du xvie siècle, en regard de la poétique ronsardienne hégémonique6. Et si cette poétique cautionnée par Calvin, et contrôlée par Théodore de Bèze, génère des œuvres à peu près conformes durant une certaine période, sa pérennité même est discutable. On doit surtout constater qu’en France la création poétique s’est toujours située sinon en rupture, du moins en décalage, vis-à-vis des orthodoxies et des identités confessionnelles. C’est vrai dès le xvie siècle et ça l’est a fortiori au cours du xviie siècle.

  • 7  Voir notre article « Une ‘muse prétendue réformée’ ? La poésie religieuse des protestants de langu (...)
  • 8  Marie-Madeleine Fragonard, Essai sur l’univers religieux d’Agrippa d’Aubigné, Mont-de-Marsan, Édit (...)

4Il faut donc éviter un double écueil quand on cherche à étudier la poésie dite « protestante », représentée ici exclusivement par la poésie religieuse publiée sous forme imprimée par des auteurs qui veulent bien reconnaître leur confession réformée. Le premier écueil, c’est celui d’une homologation doctrinale impossible à trouver : ni nommé, ni cité, comme le recommandent d’ailleurs les synodes, qui n’ont jamais voulu donner l’impression de valoriser leurs théologiens par rapport au message du Christ, Calvin en est presque totalement absent ; quant à ce qu’on peut appeler l’orthodoxie calviniste, elle n’a jamais le dernier mot, puisqu’il n’existe pas de magistère inquisitorial collectif dans ce domaine7. Quant au second écueil, c’est celui d’une homologation poétique, là encore sans fondement : « Il n’y a pas de fatalité stylistique confessionnelle8 », pour reprendre la formule de Marie-Madeleine Fragonard, qui vaut aussi bien pour la poésie d’un Guillaume Salluste du Bartas, d’un Agrippa d’Aubigné ou bien encore d’un Laurent Drelincourt.

  • 9  Les anthologies mériteraient à ce titre d’être étudiées de près. L’Anthologie protestante français (...)
  • 10  Il faut signaler à cet égard l’importance (matérielle et scientifique) du travail de transcription (...)
  • 11  Michel Braspart et alii, Protestantisme et littérature, Paris, éditions « Je sers », 1948.
  • 12  Voir en particulier Les ‘belles infidèles’ et la formation du goût classique, Paris, Albin Michel, (...)
  • 13  Voir en particulier Valentin Conrart. Un professionnel des lettres au XVIIe siècle, Seyssel, Champ (...)

5Concernant maintenant le jugement de valeur porté sur cette poésie par ceux qui l’ont parfois identifiée en tant que telle9, on risque d’être tributaire des conclusions les plus rebattues d’une histoire littéraire sous influence confessionnelle. Celle-ci fait en effet du xviie siècle un véritable âge de fer, en indexant son jugement de valeur (social, culturel et esthétique) sur la représentation du siècle de la révocation de l’Édit de Nantes10. Cela suppose de mettre en exergue une extinction progressive de la littérature protestante en France – et a fortiori de la poésie dans un siècle qui la cultive apparemment sans retenue – interprétée comme l’expression annexe, mais néanmoins révélatrice, d’une léthargie spirituelle, voire d’une asphyxie sociale, menaçant une communauté protégée par des lois qui vont en précipiter la réduction politique. On assisterait alors au « crépuscule des héros », pour reprendre le titre éloquent du chapitre consacré à cette période dans un ouvrage collectif publié après la Seconde Guerre Mondiale11, qui est très révélateur de l’opinion partagée pendant longtemps. À l’âge classique les écrivains protestants sont pourtant nombreux et ils réussissent à se faire entendre, comme les travaux de Roger Zuber12, et plus récemment de Nicolas Schapira13, l’ont fait apparaître. Mais le problème c’est de savoir ce qu’ils veulent faire entendre et à qui ils s’adressent, en particulier lorsqu’ils publient de la poésie religieuse.

6Tout cela justifie de poser la question un peu différemment. Il paraît en effet plus probant de commencer par identifier et par répertorier des marqueurs confessionnels de différentes natures et d’envisager leur degré de coordination au stade de la réception, réelle ou supposée de ces recueils ou de ces pièces éparses. De la même façon qu’il ne faut pas chercher à isoler les poètes de confession réformée à partir de leur seule appartenance revendiquée à une Église (ce qui étend le corpus de façon abusive), il ne faut pas non plus chercher à isoler la poésie protestante à partir de l’examen du seul texte en vers, devant prouver son orthodoxie (ce qui le réduit à très peu de choses en dehors d’une production quasi institutionnelle). Seule la prise en compte de la multiplicité de ces marqueurs confessionnels (identification sociale de l’auteur, du libraire-imprimeur, voire du lectorat ; examen du péritexte informatif – privilège, autorisations administratives et/ou approbations ecclésiastiques, préface du libraire ou de l’auteur souvent décisifs pour comprendre la réception programmée, etc. – et bien sûr du texte en vers lui-même) permet de comprendre quel poète peut être un protestant en France à l’âge classique.

Une évidence trompeuse

7Le plus simple est sans doute de partir d’une poésie qui se désigne elle-même comme « protestante » (au sens où l’identité confessionnelle, plus ou moins soulignée, apparaît à la lecture du poème et se voit ensuite relayée par un faisceau d’indices concordants à l’intérieur du livre) ou bien qu’on désigne comme telle auprès des lecteurs (quand il faut une intervention extérieure au texte en vers pour lui conférer cette identité, mais que celle-ci est bien prise en considération par le protocole de lecture).

  • 14  Dans un relevé en cours, on citera ceux qui sont envisagés au cours de cette étude : Philippe Vinc (...)

8Une telle poésie se caractérise majoritairement par son intégration dans l’espace ecclésial et sa participation à des pratiques de lecture encouragées chez les fidèles cultivés. Ne visant généralement après 1630 ni au prosélytisme ni à la controverse, elle n’essaie pas d’exacerber les différences confessionnelles, sans pour autant les nier. Elle est très souvent le fait de poètes pasteurs14, qui diversifient leur production imprimée en offrant leurs vers aux libraires avec lesquels ils ont l’habitude de travailler. Au-delà du contenu même des poèmes, l’identité confessionnelle est ainsi assurée par une double intégration : dans un catalogue de libraire (lui-même identifié comme protestant, même si sa production ne l’est jamais de façon exclusive) et dans une bibliographie d’auteur (dont la profession de pasteur, même si elle n’est pas affichée sur la page de titre, oriente fortement la réception auprès d’un lectorat captif). On peut d’autre part relever que cette pratique d’écriture et de publication imprimée en accompagne le plus souvent d’autres (sermons, traités de controverses et d’édification, catéchismes etc.), selon un principe d’annexion, matérielle (lorsque le poème accompagne la prose) et/ou fonctionnelle (lorsque le poème versifie de la prose).

  • 15  Seul un écrivain laïc comme Gabriel Gilbert, par ailleurs dramaturge en vogue, se distingue du lot (...)
  • 16  Voir la Paraphrase sur les lamentations du prophète Jérémie, La Rochelle, J. Chuppin, 1646 (Philip (...)
  • 17  Voir Moïse Amyraut, L’apologie de saint Estienne a ses Juges. Tirée du chapitre septiéme du livre (...)
  • 18  Voir Philippe Le Noir, Emanuel, ou paraphrase évangélique. Comprenant l’histoire et la doctrine de (...)
  • 19  Voir les démêlés de Jacques de Coras avec le consistoire de Castres au sujet de son Jonas ou Niniv (...)
  • 20  Leszek Kolakowski, Chrétiens sans Église. La conscience religieuse et le lien confessionnel au XVI (...)

9À côté d’une production institutionnelle réduite au cours de la période à la révision du psautier15, on a presque toujours affaire à des paraphrases bibliques, sous des formats très variés (du sonnet au poème héroïque en passant par des chansons et des cantiques). Le travail de versification est souvent laborieux et le degré d’amplification dépend moins de l’ambition des auteurs que de la nature des arguments choisis (la poésie lyrique16 l’évite, la prose narrative l’autorise, en reconduisant parfois même la méthode homilétique17). Cette paraphrase atteint avec le genre de l’épopée (substitut d’une tragédie biblique désormais proscrite) une zone frontalière : lorsque il ne s’agit que d’un formatage superficiel donnant au poème un prestige à peu de frais, celui-ci ne pose pas de problème18, mais lorsque l’auteur soumet l’argument biblique à des modifications trop importantes, il risque la censure ecclésiastique19. Cela signale bien que cette expression poétique offre une représentation largement dégradée, celle d’un poète versificateur entièrement sous contrôle (censure et autocensure), qui reproduit généralement la poétique moyenne de son temps avec plus ou moins de réussite, sans jamais plus se situer aux avants postes sur le plan esthétique, comme beaucoup de ses prédécesseurs. On pourrait presque dire que c’est la « poésie des gens normaux » (auteurs et lecteurs supposés), pour reprendre la formule de Leszek Kolakowski qui fait du calvinisme « la religion des gens normaux, des femmes mariées, des hommes ayant un travail normal, une vie familiale normale, des maisons normales et une façon normale de gagner de l’argent. C’est là la religion des membres de plein droit de la communauté civique, avant tout des communes urbaines20 ».

  • 21  Voir n. 18.
  • 22  On peut ajouter qu’il existe dans cette catégorie un cas de figure très significatif de l’ambiguït (...)

10On a ainsi affaire à une poésie pieuse qui s’inscrit dans le cadre de pratiques de dévotion que les Églises encouragent ouvertement. La librairie vient seconder, par excès ou par défaut, le culte public, en offrant les supports – en vers et en prose – d’un culte privé, qui est souvent celui de la famille. Cela suppose même la consolidation d’un marché, qui est susceptible de leur assurer une large diffusion. Un bon exemple en est le succès éditorial du poème de Philippe Le Noir21, plusieurs fois réédité au cours de la période, en France et à l’étranger. Cette poésie ne transige généralement pas sur le plan doctrinal et possède un marquage confessionnel explicite, qui la maintient dans une dépendance absolue vis-à-vis de l’institution ecclésiale, qui en valide l’usage et en contrôle la réception22.

  • 23  Les Tragiques échappent à peine à la chronologie prise en compte, car après 1616 (l’édition prince (...)
  • 24  Odes sacrées sur le Très-adorable et auguste Mystère du S. Sacrement de l’autel, Amiens, Gilles de (...)
  • 25  Le Chant Royal du Grand Roy Jesus, Ou Les Hymnes & Cantiques de l’Aigneau Epous & Roi, de l’Eglise (...)
  • 26  Fragmens de quelques poesies et sentimens d’espritde M. L., Amsterdam, J. Bruyning, 1678.

11Même dans un environnement aussi normatif, on repère pourtant quelques œuvres plus difficiles à classer, parce qu’elles revendiquent leur identité confessionnelle, mais sans rentrer dans les cadres impartis, sans être parfaitement assimilables par l’institution, parce qu’elles offrent beaucoup plus au lecteur qu’une lecture pieuse. La poésie y trouve alors une nécessité, qu’elle n’avait assurément pas quand elle relayait, avec plus ou moins d’éloquence, le discours officiel des Églises. Au risque de provoquer une rencontre plutôt improbable, Agrippa d’Aubigné et Jean de Labadie relèvent ainsi l’un et l’autre d’une évidence confessionnelle presque aveuglante. D’Aubigné, qui est un poète qu’il faut rendre au xviie siècle, offre avec Les Tragiques, « Calme bloc ici-bas chu d’un désastre obscur », le grand poème protestant du règne de Louis XIII23. Quant à Jean de Labadie, il est l’auteur d’une série de recueils plus disparates, qui jalonnent sa carrière erratique, des Odes sacrées de 164224 (date à laquelle il n’est pas encore converti au protestantisme) jusqu’aux deux recueils de 1670 (Le Chant Royal et les Chansons spirituelles25), date à laquelle il a déjà rompu avec l’Église wallonne, sans même parler des recueils posthumes26, qui entretiennent la piété des derniers fidèles de l’Église Labadiste.

12Ce qui caractérise de telles œuvres, envisagées dans la perspective (forcément réductrice) qui est la nôtre ici et ce qui offre au moins un point de contact entre elles, c’est qu’elles témoignent d’une représentation profondément renouvelée de la mission du poète et d’une confiance à l’égard du pouvoir de la poésie, autant de facteurs de marginalisation dans le monde réformé, vécue à partir de 1620 depuis Genève par Agrippa d’Aubigné, le Bouc du désert en exil, et dans son périple à travers l’Europe réformée par l’ecclésiastique gyrovague. De la même façon que pour Labadie la mission du pasteur excède le cadre d’une profession et se conçoit comme une vocation divine (ce qui lui fait sans doute accorder à une poésie lyrique inspirée par Dieu un tel rôle dans ses efforts de catéchèse accrus auprès des fidèles), pour d’Aubigné dans les Tragiques, la charge du poète excède le cadre d’une profession et se conçoit aussi comme une vocation divine (ce qui donne à sa poésie une dimension prophétique qui l’institue pasteur des âmes à certains moments du poème).

  • 27  Les Saintes Décades de Quatrains de Piété Chretienne touchant la connaissance de Dieu, son honneur (...)

13Cet épanouissement en poésie d’un subjectivisme religieux, dont la forme d’expression la plus achevée est le mysticisme, marque traditionnellement en France une frontière infranchissable par la poésie protestante. Or on la repère à l’aboutissement des Tragiques, dans l’extase finale de « Jugement », où le sujet s’absente au moment où il revient dans le « giron » de Dieu, et au cœur même des plus beaux recueils lyriques de Jean de Labadie, soit dans le processus de méditation élaboré dans les Saintes Décades27, où les quatrains sont autant d’échelons qui conduisent à Dieu, soit dans les cantiques chrétiens ou les chansons spirituelles, adossées aux mélodies du psautier, qui renouent avec cette poésie méditative et effusive largement pratiquée au xvie siècle, alors en déshérence en France sous le régime de l’édit de Nantes. Témoignant de formes de radicalités très différentes (cette « subjectivisation » des valeurs religieuses qui conduit à la rupture avec l’Église est évidemment étrangère à Aubigné), les deux écrivains sanctifient la poésie et revendiquent une conscience prophétique absente durant toute la période dans la poésie dite protestante.

Une dissimulation significative

  • 28  Voir Jacques Pineaux, La poésie des protestants de langue française (1559-1598), Paris, Klincksiec (...)

14Il existe également une production poétique qu’on hésite à taxer de « protestante », pour la simple raison qu’elle se caractérise par une opération de gommage ou d’effacement de toute identité confessionnelle, en tout cas dans le texte en vers. Si cela n’a évidemment rien de significatif dans un cadre profane, comme celui de la poésie amoureuse, où des poètes de confession réformée se sont toujours illustrés28, cela revêt un tout autre sens lorsqu’on se situe dans un cadre religieux. Cette poésie chrétienne, composée et publiée par des protestants, est ainsi révélatrice d’un clivage possible entre l’identité confessionnelle du poète et la nature de sa production en vers. Or il semble impossible de mettre cela sur le compte de la censure ou de la persécution, comme on le fait parfois un peu rapidement, mais plutôt de stratégies de dissimulation, dont les enjeux sont de différentes natures.

  • 29  Cette question de « l’écriture entre les lignes », pour reprendre la célèbre formule utilisée par (...)

15De ce point de vue, les outils conceptuels qui servent avec profit à étudier cet art de la dissimulation dans les discours hétérodoxes (théologique, philosophique et scientifique), et qui relèvent souvent de ce qu’on a appelé le libertinage érudit, peuvent également servir à étudier cet art de la dissimulation, dont font preuve toute une série de poètes protestants à l’âge classique29. L’enjeu n’est cependant pas pour eux de circonvenir d’éventuels censeurs pour faire passer « entre les lignes » des idées nouvelles auprès d’un public autorisé (cet âge là de la Réforme est en effet révolu), mais au contraire de ménager un espace de réception « déconfessionnalisé » du poème. Il s’agit moins pour eux de réduire la fracture confessionnelle en faisant preuve d’irénisme, voire d’œcuménisme, que de sortir le discours poétique, le poème et parfois même le recueil, du champ des controverses confessionnelles. Cette caractéristique n’est certes pas entièrement nouvelle, car il a toujours existé une poésie religieuse (catholique aussi bien que protestante) refusant de s’engager sur le terrain des controverses doctrinales, et susceptible d’être lue par tous, mais cela n’a pas la même signification sous le régime de l’édit.

  • 30  Cet ensemble constitue une section des Poésies diverses, Paris, G. de Luyne, 1661, p. 153-173.
  • 31  Cet ensemble constitue une section des Méditations morales et chrétiennes, Caen, J. Cavelier, 1667 (...)

16Il y a d’abord une poésie religieuse qui fait preuve de réserve, de retenue et de discrétion. Ce sont là les formes les plus sommaires de la dissimulation, celle qui vont permettre à ces poètes protestants d’écrire des vers chrétiens, sans pour autant qu’on saisisse qui ils sont. Chez eux, ni diacres, ni pasteurs, mais bien des hommes de lettres de confession réformée qui ne restent pas confinés dans le temple. On peut citer dans cette perspective la plupart des sections de poésie chrétienne qui figurent dans les recueils de poésie lyrique aux accents variés publiés chez des libraires catholiques, comme les « Poësies chrestiennes30 » de Gabriel Gilbert ou bien encore les « Sonnets31 » de Jacques Moisant des Brieux. Cette discrétion se traduit d’abord par la façon dont cette poésie chrétienne tend à se retirer dans l’arrière-fond des recueils. Entièrement neutralisée d’un point de vue confessionnel, elle procède en quelque sorte par ellipse. Le poète ne simule pas, mais il se tait. En publiant de la poésie chrétienne, ces écrivains entendent seulement ajouter une corde à leur lyre en apportant la preuve d’une compétence élargie.

  • 32  Voir respectivement III, 2 ; IV, 1 ; IV, 3 ; IV, 18 et IV 31 (Sonnets chrétiens [1680], éd. Julien (...)

17Il existe d’autre part une poésie religieuse dont la dépendance à l’égard de l’institution est telle, qu’il s’agit pour elle de dissimuler en ajoutant à la pratique de la non assertion (éviter les sujets délicats sur le plan doctrinal), celle de l’assertion équivoque, d’une parole oblique, au sens où elle est présentée dans la conformité à une certaine norme, mais ne véhicule pas non plus l’exclusion de l’affirmation contraire. C’est tout l’art du pasteur Laurent Drelincourt. Publié chez des éditeurs réformés, à Niort (Vve Bureau, 1677), La Rochelle (J. Mancel, 1678), puis Charenton (L. Vendosme, 1680) quelques mois avant sa mort dans une version augmentée dans les notes, et avec une approbation pastorale en bonne et due forme, le recueil des Sonnets Chrétiens affiche donc son identité confessionnelle dans un cadre très officiel, puisqu’il a été soumis aux autorités consistoriales. Mais cette identité, évincée de l’épître dédicatoire comme de l’Avertissement au lecteur qui non seulement ne permettent pas de dire que Laurent Drelincourt est pasteur, mais ne fait jamais apparaître sa « différence » confessionnelle, s’insinue dans le texte des sonnets avec une discrétion telle qu’il est presque impossible de désigner ces Sonnets chrétiens comme des « sonnets protestants ». Ceux que le pasteur niortais consacre en particulier à la « Sainte Vierge », à « l’Eglise », aux « Sacremens », à l’ « Action de Graces après la communion », aux encore aux « Saints Martyrs »32 montrent qu’il est à la fois capable de circonvenir les lecteurs catholiques (qui n’y trouveront rien d’hétérodoxe) et les lecteurs protestants (qui continuent d’y entendre la voix d’un pasteur). La série de prières du quatrième livre (« Sur diverses grâces et divers états ») n’en constitue pas moins un véritable décalque des prières en prose que l’on trouve couramment en annexe des Bibles et des psautiers réformés.

  • 33  Il n’existe malheureusement aucune monographie très approfondie sur cet écrivain mal connu. On se (...)
  • 34  Poesies, Paris, A. Courbé, 1646, p. 269-304.
  • 35  Il existe cependant dans le Recueil Conrart de la bibliothèque de l’Arsenal (vol. 7463) un documen (...)

18Un dernier cas de figure remarquable est celui de Jean Ogier de Gombauld. Lorsqu’on ouvre le principal recueil de poésie lyrique composé par cet écrivain prolifique33, on retrouve en effet une de ces sections de « Sonnets chrestiens34 », située immanquablement en fin de volume, qui semble d’abord nous ramener du côté de cette réserve qui caractérisait les poètes évoqués plus haut. Or si l’on envisage globalement l’œuvre de Gombauld, on se rend compte qu’il se joue peut-être là autre chose. Voilà un homme de lettres de confession réformée, parfaitement intégré dans sa communauté, et dont la production n’a jamais suivi aucun des critères édictés par la Réforme en matière artistique. Il n’est pas le seul, mais si l’on s’intéresse aux poètes, c’est sans aucun doute le plus réputé d’entre eux. Cet ancien du temple de Charenton, dont toute l’œuvre (poésie, roman et théâtre) illustre avec constance les valeurs d’un art illusoire aux représentations sensuelles35, laisse en effet entrevoir les déterminations ambiguës d’un tel clivage.

19Cela apparaît en particulier à la lecture du seul écrit publié sous une forme imprimée et où il manifeste son identité confessionnelle. C’est un volume de Traittez et lettres touchant la Religion publiée à Amsterdam à titre posthume en 1669 avec une préface de Valentin Conrart, qui en assure directement la publication. On retrouve dans ces lettres des confidences étonnantes et en particulier dans les Considérations sur la religion chrétienne qui ouvrent le volume :

  • 36  Traittez et lettres de Feu Mr de Gombaud, touchant la Religion, Amsterdam, P. Lanclume, 1669, p. 6 (...)

C’est ce qui me fait joindre mes suffrages à ceux des ames fideles que la providence a comme semées et meslées parmy les autres, pour faire partout retentir le bruit de la vérité, et pour rendre inexcusables ceux qui, l’ayant ouïe, ne l’auront point creue, ou qui se trahissant eux-mesme pour quelques mondaines considérations, auront craint de la connoistre, de peur d’estre obligé de la suivre. Les jours viennent qu’ils nous accuseront, peut-être, de ne leur avoir pas assez dit, et d’avoir été lâches, et qu’ils voudront emprunter leur ignorance volontaire et leur endurcissement, à notre négligence, ou à notre faiblesse36.

  • 37  Sonnet XIX, v. 1, p. 287.
  • 38  Sonnet XXXII, v. 12-14, p. 300.

20Or, si l’on revient maintenant aux sonnets, dont la tonalité presque pénitentielle retient l’attention, on y retrouve de façon insistante une dénonciation de l’hypocrisie (« C’est à toy que j’en veux, trompeuse hypocrisie37 »), qui prend dans ce contexte une dimension nouvelle. Il y a en effet dans ce discours chrétien apparemment convenu (« Dans ce trouble paisible et ces lasches combats, / Suis je vrayment Chrestien ? Suis je vrayment fidelle ? / Je le suis tout ensemble et je ne le suis pas38 »), l’aveu d’une simulation qu’il est loisible, au moins à titre d’hypothèse de travail, d’étendre de lieu en lieu, du recueil jusqu’à la totalité d’une œuvre à la fois profane et idolâtre. Or il vérifie là en quelque sorte le paradoxe du menteur, selon lequel il faut au moins un énoncé où l’auteur ne se dissimule pas pour que tout le reste puisse être désigné comme un vaste mensonge. Ce qu’il fait en marge de son œuvre de poète mondain.

21À l’issue de cette investigation, on se rend compte que si les poètes de confession protestante restent encore assez nombreux au cours de la période, l’existence même d’une poésie religieuse « protestante », au sens où on l’a souvent définie, est loin d’aller de soi, au vu des tensions qui l’animent en profondeur. Soit elle se caractérise en effet par des manifestations (graduées) d’évidence confessionnelle, de plus en plus rares au cours du siècle, et l’on est alors bien obligé de constater que le niveau de confiance dans le pouvoir de la poésie et d’intensité dans sa pratique sont proportionnellement inverses au niveau de l’intégration sociale (dans l’institution ecclésiale) et de l’orthodoxie doctrinale des auteurs ; comme l’illustrent à leur façon les deux grandes voix réformées que sont celles d’Agrippa d’Aubigné et de Jean de Labadie. Soit elle se caractérise par des manifestations (toujours graduées) de dissimulation confessionnelle, de plus en plus fréquentes au cours du siècle, et l’on est alors obligé de constater que le niveau d’intégration sociale (dans l’institution littéraire) est toujours proportionnel au niveau de dissimulation confessionnelle des auteurs, comme l’illustre la carrière de Jean Ogier de Gombauld.

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Notes

1  Cette première acception renvoie aux facultés où ils font leurs classes, la suivante aux sociétés savantes.

2  Voir les travaux fondateurs de Mario Richter et en particulier « Aspetti e orientamenti della poetica protestante francese nel secolo XVI » [1966-1967], Jean de Sponde et la lingua poetica dei protestanti nel cinque cento, Milano, Cisalpino-Goliardica, 1973, p. 165-202.

3  Voir à ce sujet les mises au point d’Olivier Millet : Calvin. Un homme, une œuvre, un auteur, Gollion, Infolio, 2008, « Art et littérature », p. 159-177.

4  André Baïche, « Les poétiques de la Réforme », La naissance du baroque français. Poésie et image de la Pléiade à Jean de La Ceppède, Toulouse, Association des publications de l’université de Toulouse-Le Mirail, 1976, p. 198.

5  Daniel Ménager, Ronsard. Le Roi, le poète et les hommes, Genève, Droz, 1979, p. 357-358.

6  C’est un des enjeux de la querelle qui oppose d’ailleurs les pasteurs poètes genevois à Ronsard en 1562-1563. Sur cette question, voir Daniel Ménager, Ronsard…, op. cit.) et Jacques Pineaux, La polémique protestante contre Ronsard, Paris, STFM, 1973, 2 vol.

7  Voir notre article « Une ‘muse prétendue réformée’ ? La poésie religieuse des protestants de langue française sous le régime de l’Édit de Nantes », Revue de l’Histoire des Religions, 1/2009, p. 126-153.

8  Marie-Madeleine Fragonard, Essai sur l’univers religieux d’Agrippa d’Aubigné, Mont-de-Marsan, Éditions InterUniversitaires, 1991, p. 71.

9  Les anthologies mériteraient à ce titre d’être étudiées de près. L’Anthologie protestante française (Paris, G. Crès, 1918) de R. Allier ne cite par exemple que Valentin Conrart et Laurent Drelincourt pour tout le xviie siècle. Cela constitue un choix d’autant plus surprenant que Conrart n’a publié en tout et pour tout qu’une seule paraphrase du psaume XLII (en dehors de son travail de réviseur) et que Gombauld n’est par ailleurs cité que pour ses lettres théologiques et non pour ses sonnets chrétiens.

10  Il faut signaler à cet égard l’importance (matérielle et scientifique) du travail de transcription et de publication en ligne des correspondances réformées accompli par Jean-Luc Tulot. Sous le titre « Le monde des La Trémoille dans le premier XVIIe siècle » (URL : http://pagesperso-orange.fr/jeanluc.tulot/01LMDLT.htm), il a en effet réuni des documents essentiels sur la vie de l’Église de Charenton sous le règne de Louis XIV (voir en particulier les correspondances de Jean Daillé, père et fils, ainsi que celle d’André Pineau) qui illustrent bien cette intégration dans la République des Lettres.

11  Michel Braspart et alii, Protestantisme et littérature, Paris, éditions « Je sers », 1948.

12  Voir en particulier Les ‘belles infidèles’ et la formation du goût classique, Paris, Albin Michel, 1995 [1968], ainsi que Les émerveillements de la raison. Classicismes littéraires du XVIIe siècle français, Paris, Klincksieck, 1997.

13  Voir en particulier Valentin Conrart. Un professionnel des lettres au XVIIe siècle, Seyssel, Champ Vallon, 2003.

14  Dans un relevé en cours, on citera ceux qui sont envisagés au cours de cette étude : Philippe Vincent, Moïse Amyraut, Jean de Labadie, Philippe Le Noir, Jacques de Coras, Alexandre Morus et Laurent Drelincourt.

15  Seul un écrivain laïc comme Gabriel Gilbert, par ailleurs dramaturge en vogue, se distingue du lot, en publiant chez un libraire protestant sa propre version du psautier révisé sur la version originale (Cinquante Pseaumes de David, mis en vers françois par feu Mr Gilbert. Seconde edition, reveuë et augmentée du Decalogue, et du Cantique de Simeon, Paris, A. Cellier, 1680), censée pouvoir faire concurrence à celle de Conrart-La Bastide récemment publiée chez le même libraire (Le Livre des Psaumes en vers françois, retouché par feu Monsieur Conrart, Charenton, A. Cellier, 1677 ; Les Psaumes en vers François, Retouchez sur l’ancienne Version. Par feu M. V. Conrart Conseiller et Secretaire du Roy, Paris, A. Cellier, 1679). C’est là une tentative, sans lendemain, de concurrence extra institutionnelle, puisque cet écrivain professionnel de confession réformée met sa compétence au service de son Église sans avoir jamais été sollicité pour le faire.

16  Voir la Paraphrase sur les lamentations du prophète Jérémie, La Rochelle, J. Chuppin, 1646 (Philippe Vincent).

17  Voir Moïse Amyraut, L’apologie de saint Estienne a ses Juges. Tirée du chapitre septiéme du livre des Actes des Apôtres, Saumur, J. Ribotteau et A. Rousselet, 1650 et J. de Labadie, Le Chant Royal du Grand Roy Jesus, Ou Les Hymnes & Cantiques de l’Aigneau Epous & Roi, de l’Eglise son Epouse Après leurs Combats & leurs Victoires ramportées sur le Dragon, sur la Béte & sur leur Armée. Dont l’Argumentaire est tout pris du Livre de l’Apocalipse, de laquele ils font une brieve Explication ou Commentaire, tout ce qu’il y a de principal y estant expliquè & apliqué au Tams du Regne Glorieus de Jesus-Christ & de ses Saints en la Terre, Amsterdam, L. Autein, 1670.

18  Voir Philippe Le Noir, Emanuel, ou paraphrase évangélique. Comprenant l’histoire et la doctrine des Quatre Evangiles de Jésus-Christ notre Seigneur. Poème chrétien divisé en quinze Livres, Charenton, R. Rousseau, 1657, paraphrase évangélique plutôt que poème héroïque à proprement parler.

19  Voir les démêlés de Jacques de Coras avec le consistoire de Castres au sujet de son Jonas ou Ninive pénitente. Poëme sacré, Paris, Ch. Angot, 1663.

20  Leszek Kolakowski, Chrétiens sans Église. La conscience religieuse et le lien confessionnel au XVIIe siècle, Paris, Gallimard, 1969, p. 57.

21  Voir n. 18.

22  On peut ajouter qu’il existe dans cette catégorie un cas de figure très significatif de l’ambiguïté des identités confessionnelles attribuées à ces recueils, c’est celui d’une poésie « catholique » devenue réformée par le geste même du libraire qui choisit de la publier, seul ou en bonne compagnie, pour enrichir le corpus de cette poésie pieuse réservée aux fidèles : je pense aux Stances de l’abbé Testu, reliées avec les Sonnets Chrétiens de Laurent Drelincourt (Berlin, A. Dussarat, 1707), ou encore au Poème sur les merveilles de Jesus Christ de Charles de Bouques relié avec l’Emanuel de Philippe Noir (Charenton, L. Vendosme, 1659 et 1662). Voilà des exemples de reconversions réussies par des auteurs de poésie chrétienne de confession catholique qui élargissent leur lectorat naturel (sans qu’ils l’aient ni recherché ni cautionné).

23  Les Tragiques échappent à peine à la chronologie prise en compte, car après 1616 (l’édition princeps) et 1623 (date de la mystérieuse édition genevoise, qu’il faut repousser plus loin, après 1626, comme l’a démontré Jean-Raymond Fanlo), il y a 1630, l’année même de la mort du poète, et celle d’une publication manuscrite – d’abord confidentielle – du poème dans sa dernière version.

24  Odes sacrées sur le Très-adorable et auguste Mystère du S. Sacrement de l’autel, Amiens, Gilles de Gouy le Jeune, 1642.

25  Le Chant Royal du Grand Roy Jesus, Ou Les Hymnes & Cantiques de l’Aigneau Epous & Roi, de l’Eglise son Epouse (voir n. 17) et Recüeil de diverses chansons spirituelles, Amsterdam, L. Autein, 1670.

26  Fragmens de quelques poesies et sentimens d’espritde M. L., Amsterdam, J. Bruyning, 1678.

27  Les Saintes Décades de Quatrains de Piété Chretienne touchant la connaissance de Dieu, son honneur, son amour et l’union de l’âme avec lui, Orange, E. Raban, 1658.

28  Voir Jacques Pineaux, La poésie des protestants de langue française (1559-1598), Paris, Klincksieck, 1971, « La poésie mondaine personnelle », p. 43-58.

29  Cette question de « l’écriture entre les lignes », pour reprendre la célèbre formule utilisée par Leo Strauss dans son essai fondateur (La persécution et l’art d’écrire, Paris, Presses Pocket, 1989, p. 57) est étendue à sa dimension proprement rhétorique dans un livre stimulant de Fernand Hallyn consacré à Descartes (Descartes. Dissimulation et ironie, Genève, Droz, 2006). A partir des différents degrés de dissimulation définis par F. Bacon dans ses Essais, Hallyn distingue en particulier les catégories de la réserve (en régime allusif), de la dissimulation en tant que telle (en régime équivoque) et de la simulation (en régime hypocrite). Pour un état des lieux bibliographique sur la question, voir dans les Dossiers du GRIHL la bibliographie évolutive établie par Jean-Pierre Cavaillé, « Mensonge, tromperie, simulation et dissimulation », Les Dossiers du Grihl, « Les dossiers de Jean-Pierre Cavaillé, Secret et mensonge », Essais et comptes rendus, mis en ligne le 21 mai 2009, URL : http://dossiersgrihl.revues.org/2103.

30  Cet ensemble constitue une section des Poésies diverses, Paris, G. de Luyne, 1661, p. 153-173.

31  Cet ensemble constitue une section des Méditations morales et chrétiennes, Caen, J. Cavelier, 1667, p. 207-212.

32  Voir respectivement III, 2 ; IV, 1 ; IV, 3 ; IV, 18 et IV 31 (Sonnets chrétiens [1680], éd. Julien Gœury, Paris, Champion, 2004, p. 202, 245, 247, 262 et 275).

33  Il n’existe malheureusement aucune monographie très approfondie sur cet écrivain mal connu. On se reportera aux livres de René Kerviler, J. Ogier de Gombauld. 1570-1666. Etude biographique et littéraire sur sa vie et ses ouvrages, Paris, A. Aubry, 1876 et de Lydie Morel, Jean Ogier de Gombauld. Sa vie, son œuvre, Neuchatel, Delachaux et Niestlé, 1910.

34  Poesies, Paris, A. Courbé, 1646, p. 269-304.

35  Il existe cependant dans le Recueil Conrart de la bibliothèque de l’Arsenal (vol. 7463) un document exceptionnel (« Corrections de la traduction des psaumes en vers de Gombauld par Conrart. Autographe », Fol. 3°-7°), qui signale que la compétence du poète en matière de langue et de métrique a pu être mise au service de son Église.

36  Traittez et lettres de Feu Mr de Gombaud, touchant la Religion, Amsterdam, P. Lanclume, 1669, p. 6-7.

37  Sonnet XIX, v. 1, p. 287.

38  Sonnet XXXII, v. 12-14, p. 300.

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Pour citer cet article

Référence papier

Julien Goeury, « La poésie religieuse des protestants français à l’âge classique »Chrétiens et sociétés, Numéro spécial I | -1, 115-129.

Référence électronique

Julien Goeury, « La poésie religieuse des protestants français à l’âge classique »Chrétiens et sociétés [En ligne], Numéro spécial I | 2011, mis en ligne le 05 juillet 2011, consulté le 30 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/2811 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.2811

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Auteur

Julien Goeury

Université de Nantes

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Droits d’auteur

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