Image et réalité : la mythologisation française de la Démocratie chrétienne de l’après-guerre
Résumés
La Démocratie chrétienne a été accusée en France de vouloir restaurer le Saint-Empire ou d’agir pour que toute l’Europe soit contrôlée par la papauté. C’est méconnaître l’importance du personnalisme dans la pensée démocrate-chrétienne, minimiser les différences entre les partis d’inspiration démocrate-chrétienne de France, d’Italie et d’Allemagne, surestimer le rôle des Nouvelles Equipes Internationales. Les principaux dirigeants ont pris leurs distances avec le Vatican et ont surtout réagi en fonction de la reconstruction nécessaire après la guerre et de la lutte contre le communisme.
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« Faire l’unité européenne, ce n’est pas ébaucher dans je ne sais quelle cité intemporelle et interplanétaire une construction juridique harmonieuse et pure, c’est avant tout faire revivre le Saint-Empire. »
Joseph Hours, La Vie Intellectuelle, octobre 1950
1La Démocratie chrétienne est-elle plus démocratique ou plus chrétienne ? Dès les premiers articles publiés par Félicité de Lamennais en 1830, les partisans français de la Démocratie chrétienne croyaient qu’on ne pouvait pas séparer la démocratie du christianisme. Selon eux, les valeurs chrétiennes ont inspiré les principes centraux de la démocratie. Les penseurs et les hommes politiques de la Démocratie chrétienne ont insisté sur une distinction fondamentale entre l’inspiration chrétienne et un confessionnalisme qui lierait la politique aux institutions religieuses. En fait comme en théorie, la Démocratie chrétienne restait fortement aconfessionnelle et donc séparée du Vatican.
2Néanmoins, lorsque des partis d’inspiration chrétienne réanimés au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale se sont trouvés au pouvoir en Europe occidentale, plusieurs voix en France ont commencé à attaquer la Démocratie chrétienne comme une conspiration vaticane. On lui a lancé ces accusations surtout en fonction de son rôle clé dans la construction d’une communauté européenne. Des mythes sont nés, qui ont inspiré chez certains Européens traditionalistes une crainte des Démocrates chrétiens en tant que réanimateurs du Saint-Empire Romain Germanique. Puis ces mythes ont même contribué au déclin et à la dissolution du Mouvement Républicain Populaire, le parti démocrate chrétien français.
- 1 Il y a un grand débat autour d’autres « mythologistes », surtout le président de la République soci (...)
- 2 Jean-Marie Domenach, Gilbert Dru. Un chrétien résistant, Paris, Beauchesne, 1998. Pour les première (...)
3Les auteurs de ces mythes venaient des différents domaines politiques, mais le principal mythologiste était un ancien démocrate chrétien, Joseph Hours1. Après avoir soutenu le milieu lyonnais qui s’est attaché au MRP après sa fondation, Hours s’est paradoxalement tourné contre son propre parti par une série de critiques militantes. Pendant la guerre, il fut un maître spirituel pour Gilbert Dru, le co-fondateur du mouvement des Jeunes chrétiens combattants et l’inspirateur du MRP. Par ailleurs, Hours est devenu un des fondateurs de la fédération lyonnaise du MRP2. Et pourtant, en 1948, il s’opposa fortement aux efforts du MRP en faveur de la construction européenne. Dans la crainte d’une volonté de revanche de l’Allemagne il a commencé en 1950 à publier une série d’articles qui accusaient le MRP d’une intention clandestine de refaire une Europe vaticane et germanique. Voilà le début des mythes français contre la Démocratie chrétienne.
4Malgré des formes diverses, ces mythes ont caractérisé la Démocratie chrétienne, comme un réseau international des Catholiques fanatiques agissant pour une conquête de toute l’Europe par la papauté. Il faut prendre en considération chacun des trois rôles conspirateurs attribués à la Démocratie chrétienne : (1) une idéologie totalitaire agissant pour la création d’un nouvel ordre politique autour du Vatican, une version extrême du Saint-Empire du Moyen Âge ; (2) un mouvement international parfaitement coordonné et uni agissant aux ordres du Vatican ; (3) une agrégation de catholiques militants qui peuvent seulement suivre les directives du pape. Nés des présupposés anticléricaux ainsi que germanophobes, ces accusations relevaient d’une question ancienne et profondément enracinée dans la culture politique française : celle du gallicanisme, c’est-à-dire l’indépendance de l’Église catholique en France par rapport aux forces extérieures, une question entretenue soit par le traditionalisme, soit par la xénophobie. Même si la Démocratie chrétienne a beaucoup évolué, les mythes lancés contre elle dans les années 1950 existent toujours. À cause de la profondeur des forces qu’y sont liés, ces mythes affectent même la recherche historique sur la Démocratie chrétienne et la construction européenne, en tant qu’un présupposé que les historiens doivent toujours affronter.
5En jugeant ces mythes par rapport à la réalité historique – idéologique ainsi que politique – on peut noter qu’ils viennent d’une réduction qui confond la politique avec l’idéologie. Cette méthode de réduction présuppose, d’abord, que l’idéologie doit être examinée téléologiquement, c’est-à-dire dans sa forme la plus extrême, et, puis, que la politique – malgré les données empiriques – se présente toujours comme une expression totale de cette forme extrême de l’idéologie. En caricaturant la Démocratie chrétienne, les mythes ont ignoré les conditions spécifiques qui ont fait naître une diversité notable chez les Démocrates chrétiens, soit parmi des partis politiques nationaux, soit parmi des hommes politiques individuels. Par ailleurs, les mythes ont aussi ignoré les facteurs pratiques qui ont motivé une réponse politique – notamment la dévastation de l’Europe par la guerre et le commencement de la Guerre froide. Ces deux catégories d’omissions fondamentales – ainsi que le legs du gallicanisme, qui ont parfois fait naître des tendances nationalistes, anticléricales et germanophobes – expliquent la divergence de la réalité historique par rapport aux mythes d’une « Europe vaticane » et d’une « Internationale noire ».
Saint-Empire ou nouvelle chrétienté : définir la doctrine
- 3 Tous les ouvrages essentiels de l’historiographie de la Démocratie chrétienne rappellent le rôle de (...)
6On commence par prendre la question de l’idéologie démocrate chrétienne. En 1952, dans un chapitre publié dans Libéralisme, traditionalisme, décentralisation, Joseph Hours a suggéré que toute l’action du MRP s’inspirait des aspirations d’une Église totalitaire qui dominerait, si ce n’est le monde, du moins l’Europe. Au sein de cette pensée était Félicité de Lamennais, un prêtre dont le journal L’Avenir, fondé en 1830, a agi pour la « liberté religieuse ». Lamennais avait offert une vision communautaire de la société selon laquelle l’État sans la société ne serait qu’une machine automatisée et inhumaine3.
- 4 Jean-Marie Mayeur, Des Partis catholiques…, op. cit., p. 28.
- 5 Joseph Hours, « Les origines d’une tradition politique. La formation en France de la doctrine de la (...)
- 6 Ibidem, p. 100.
- 7 Ibidem, p. 102.
7L’historiographie de la Démocratie chrétienne est complètement en accord avec Hours sur l’importance de Lamennais. Comme écrit Jean-Marie Mayeur, « Une histoire des partis catholiques et démocrates chrétiens ne saurait méconnaître le rôle de La Mennais » 4. Cette expression n’est pas très loin de la suggestion de Hours que, chez les démocrates chrétiens des années 1950, « le souvenir de Lamennais est toujours évoqué avec émotion et bien des aspirations qui les caractérisent trouvent chez lui leur première expression » 5. Cependant les convergences entre Joseph Hours et la Démocratie chrétienne s’arrêtent là. Pour Hours, les aspirations de Lamennais posaient bien des problèmes. Il citait avec pas mal de méfiance un commentaire de Lamennais sur le rôle de l’Église comme un lien entre les domaines politique et social : « elle est le seul pouvoir réel qui subsiste aujourd’hui » 6. Le pape Grégoire XVI qui a en 1832 condamné L’Avenir était en fait « libéral », alors que Lamennais s’est trouvé plus clérical que l’Église même. Ce « cléricalisme », d’après Hours, s’opposait à la tradition nationale française de résister à la croissance politique de l’Église. Enfin, Lamennais, l’inspirateur de la Démocratie chrétienne, est décrit par la phrase suivante : « le réactionnaire était Lamennais, rêvant pour l’Église d’un pouvoir totalitaire inspiré d’un moyen âge, d’ailleurs assez mal compris, et le vrai libéral était au fond le pape, fermé sur les droits respectifs et l’autonomie des deux pouvoirs » 7.
- 8 Ibidem, p. 123.
8Selon l’historien lyonnais, la Démocratie chrétienne des années 1950 a pris un esprit confessionnel directement lié à Lamennais. Sans faire attention aux détails des mouvements contemporains, Hours se heurtait à ce qu’il identifiait comme la menace des « tentatives persistantes pour construire l’union européenne et mettre fin à la souveraineté nationale », une menace d’inspiration à la fois cléricale, germanique et opposée à la tradition de l’État français8.
9Qu’est-ce qui explique ce mythe radical lancé par Hours ? Dans le même article où il a développé sa critique de Lamennais, il a traversé l’histoire des rapports entre l’État et l’Église en France depuis le XVe siècle, en présentant un État croissant par rapport à une Église en déclin.
- 9 Jean-Dominique Durand, L’Europe…, op. cit., p. 34.
10Cependant, le développement d’une société civile distincte de l’État a provoqué des tensions entre l’État et l’Église. La croissance de la société n’était pas seulement l’invention de Lamennais : la Révolution française avait perturbé les frontières entre les différents domaines d’interaction civile. Comme Jean-Dominique Durand l’écrit, « Lamennais illustra le catholicisme libéral, fondé sur l’acceptation des principes de 1789 »9. La critique de Joseph Hours contre Lamennais suit directement son refus de reconnaître dans la Révolution française quelque chose de vraiment révolutionnaire par rapport à la tradition française. En ce qui concerne d’autres événements, la narration de Joseph Hours les manque entièrement : si l’on rappelle l’Affaire Dreyfus et l’introduction de la laïcité en 1905 avec la loi se séparation des Églises et de l’État, on aperçoit que la « tradition » citée par Hours n’est ni si claire, ni si pure qu’il la présente. C’est sa version de l’histoire de la France – une histoire toujours fidèle à la « tradition » en oubliant ses vicissitudes – qui l’a poussé à voir dans la pensée de Lamennais comme une menace. Pour Joseph Hours, Lamennais était le premier notable réactionnaire français : grâce à ce statut, Lamennais – quelles que soient ses intentions, quelles que soient ses distinctions des partis démocrates chrétiens – est devenu l’exemple définitif d’une menace idéologique.
11Même si l’on accepte la version de l’histoire nationale présentée – et, par conséquent, le statut réactionnaire qu’il attribue à Lamennais – il est clair que ses mythes omettent une grande partie de la pensée qui a inspiré la Démocratie chrétienne, avant tout le personnalisme. La pensée démocrate chrétienne a connu une évolution notable entre 1830 et 1945 ; cependant cette évolution n’est pas prise en compte dans son analyse. Les transformations de la Démocratie chrétienne ont été profondes, avec une justification formelle de l’aconfessionnalisme, un accent mis sur la personne humaine et une vision d’une « nouvelle chrétienté » explicitement opposée à la mémoire du Saint-Empire.
- 10 Luigi Sturzo, cité dans Mario Einaudi, « Christian Democracy in Italy », dans Mario Einaudi and Fra (...)
12En mars 1919, en créant le Partito Popolare italiano, don Luigi Sturzo a déclaré l’aconfessionnalisme comme un présupposé fondamental : « Le Partito popolare est né comme un parti non catholique, un parti aconfessionnel, comme un parti fortement démocrate inspiré par l’idéalisme chrétien mais qui ne prend pas la religion comme un élément de la différenciation politique »10. Par la suite, l’aconfessionnalisme se trouvait au sein de la Démocratie chrétienne comme la façon clé d’assurer que le pouvoir ne serait pas concentré dans l’Église mais plutôt dans la société. Bien sûr, il est possible que, malgré leurs déclarations d’après Sturzo, les partis politiques démocrates chrétiens soient restés « cléricaux », mais on ne peut pas l’accepter a priori. En omettant une analyse des déclarations aconfessionnelles de ces partis, Joseph Hours a pris le risque d’une généralisation erronée.
13La plus grave omission pourtant est la pénétration du personnalisme dans la Démocratie chrétienne dans les années 1930. Les philosophes Jacques Maritain, Emmanuel Mounier et Étienne Gilson ont transformé le visage de la pensée catholique d’esprit libéral, en dérivant directement du thomisme une justification de la centralité de la personne humaine. L’expérience de la Deuxième Guerre mondiale a rendu évidente la nécessité d’assurer le respect de la personne humaine, mais de telles idées avaient été déjà élaborées avant la guerre.
- 11 Jacques Maritain. Humanisme intégral : problèmes temporels et spirituels d’une nouvelle chrétienté. (...)
- 12 Ibidem, p. 16.
14Dans Humanisme intégral, Jacques Maritain en 1936 a proposé l’idée d’une « nouvelle chrétienté ». Par opposition à la « décadence de l’Église médiévale »11, la nouvelle chrétienté respecterait « réellement et effectivement la dignité humaine » tout en incarnant « l’idéal d’une communauté fraternelle »12. Néanmoins, encore plus révolutionnaire que les principes fondamentaux lancés par Maritain – qui pourrait aussi fonctionner comme une réfutation de la critique de cléricalisme de Joseph Hours – était la façon par laquelle Humanisme intégral a préconisé l’avènement de la nouvelle chrétienté :
- 13 Ibidem, p. 287.
« Ce n’est pas à l’Église, c’est aux chrétiens comme membres temporels de cet organisme temporel qu’il appartient d’une façon directe et prochaine de le transformer et régénérer selon l’esprit chrétien. En d’autres termes, le clergé n’a pas à tenir les leviers de commande de l’action proprement temporelle et politique13. »
- 14 Étienne Borne. « La Démocratie chrétienne contre l’État ? », Terre Humaine, juillet-août 1952, p. 7 (...)
15Alors qu’il est toujours possible de débattre des racines et des développements de la doctrine démocrate-chrétienne, il est clair que la critique de Joseph Hours souffre de bien des omissions. Étienne Borne, le grand philosophe du MRP et personnaliste lui-même, a noté ces omissions dans ses réponses publiques à Hours. Dans Terre Humaine de juillet-août 1952, il a mis l’accent sur les efforts de la Démocratie chrétienne pour harmoniser l’État, la nation, la société, et l’individu, tout en suggérant qu’une telle synthèse fortifierait l’État plutôt que s’opposer « contre l’État »14. Comme Borne l’a démontré, le mythe lancé par Hours était le résultat d’une certaine vision de l’histoire de France. Au lieu de voir la pensée de Lamennais – et ensuite l’évolution de la Démocratie chrétienne – comme des phénomènes nouveaux qui marqueraient une transformation à l’intérieur du christianisme, Hours s’est limité à les voir comme une menace.
16Cependant ce mythe lancé par Hours n’était pas qu’une opinion individuelle, mais plutôt le produit du legs du gallicanisme : une vision nationaliste autant que traditionaliste. Après le retour de la papauté d’Avignon à Rome en 1378, l’Église en France a entretenu un esprit d’indépendance à l’égard du Vatican. Puisque le Vatican s’est lié avec le Saint-Empire Romain – l’ennemi perpétuel de la France – des sentiments antigermaniques et anticléricaux sont entrés dans la culture politique française, ainsi que dans sa culture ecclésiastique ; l’anticléricalisme et la germanophobie sont devenus liés pour toujours en France. L’appel de Hours à la tradition française était donc une invocation des sentiments à la fois germanophobes et anticléricaux, où le mot « anticlérical » signifie l’association historique de la hiérarchie catholique subordonnée au Vatican avec un Empire germanique.
- 15 Georges Bidault, D’une Résistance à l’autre, Paris, Les Presses du Siècle, 1965. Au sujet de sa pol (...)
17Les idées de Joseph Hours ont trouvé des soutiens au sein du MRP, même parmi ceux qui soutenaient la construction européenne. Georges Bidault, un des fondateurs du parti et un de ses leaders les plus importants qui fut Président du Conseil en 1946 et puis d’octobre 1949 à juillet 1950, a partagé la peur de l’Allemagne et la foi dans la nation française. Après le commencement de la décolonisation en 1958, Hours ainsi que Bidault se sont battus pour une Algérie française, mais déjà en 1952, ils étaient d’accord sur la nécessité d’obtenir un épiscopat renouvelé pour une France renouvelée. La peur de Bidault envers l’Allemagne l’a rendu prudent au début de la construction européenne ; il a fallu l’échec des négociations franco-russes et la crise de Berlin pour le convaincre que la Guerre froide avait créé la nécessité de l’intégration européenne. Notamment, après avoir reconnu le communisme comme une menace grave, Bidault a subordonné sa peur de l’Allemagne. Jamais enthousiaste, il croyait néanmoins qu’il fallait une Communauté européenne pour défendre la civilisation occidentale, tout en préservant l’indépendance de la nation française. En revanche, Joseph Hours n’a pas considéré la politique européenne comme une nécessité anticommuniste, il a continué à la comprendre comme une politique pro-Habsbourg menaçante pour la France15.
18À travers la réflexion de Joseph Hours on perçoit une pensée déterministe qui l’amène à négliger certains faits. Cependant, l’accusation d’intentions « totalitaires » qu’il a lancée aux démocrates chrétiens est plus grave. Il est peut-être paradoxal que, dans une période où la croissance de l’État avait été responsable de l’avènement des régimes totalitaires, Hours a perçu une menace grave dans le transfert de pouvoirs moraux et éthiques de l’État à la société. Néanmoins, il est clair qu’il n’a pas du tout assimilé à sa conception de la Démocratie chrétienne les courants personnalistes qui sont devenus la matière essentielle de l’idéologie de l’après-guerre. En méconnaissant les principes de la doctrine de la Démocratie chrétienne, en insistant sur un gallicanisme ignorant d’un monde changeant, Joseph Hours a fait naître un mythe qui donnait des représentations fausses de la mission globale de la Démocratie chrétienne.
La machine noire : des Partis nationaux aux Nouvelles Équipes Internationales
19D’après la critique de Joseph Hours de l’idéologie démocrate chrétienne, il peut sembler que les mouvements démocrates chrétiens n’aient eu qu’une fonction : l’augmentation du pouvoir temporel du Vatican. Même avant de publier son étude de l’idéologie, Hours avait écrit en 1950 que « Faire l’unité européenne [...] c’est avant tout faire revivre le Saint-Empire ». En fait, le projet d’une communauté européenne a rapidement commencé à se trouver au coeur de la mythologisation de la Démocratie chrétienne. C’est à l’encontre de ce projet européiste que s’est affirmée une tendance à ignorer les spécificités des différents partis politiques nationaux ainsi que les conditions pratiques de la politique internationale de l’après-guerre. En imaginant une « Internationale noire » des démocrates chrétiens suivant le Vatican comme le Komintern suivait les diktats de Moscou, les mythes ont ignoré que les partis politiques démocrates chrétiens étaient souvent divisés à l’intérieur de chaque pays. Alors que certains leaders démocrates chrétiens ont rejeté l’influence pontificale pour être fidèles à l’idéal de la nouvelle chrétienté, d’autres ont peut-être voulu seulement empêcher le Vatican de partager leur puissance politique. En tout cas, les différentes approches du projet européen ne peuvent être résumées dans une expression simpliste comme « Europe vaticane ».
20Dès Lamennais, l’idée d’un renouvellement communautaire est devenue – surtout après l’avènement du personnalisme – un lien concret chez les Démocrates chrétiens entre le domaine théorique et le domaine pratique. Les pays dirigés par les partis démocrates chrétiens avaient été détruits par la guerre, matériellement et spirituellement dévastés. Par ailleurs, en 1947 et 1948 – comme l’on vient de le voir pour Bidault – les hommes politiques ont commencé à se rendre compte d’une nouvelle menace qui renforçait encore plus les problèmes de la reconstruction, celle d’une Union soviétique agressivement expansionniste. Quelle que soit la conception globale des démocrates chrétiens à l’égard du Saint-Empire ou de la nouvelle chrétienté, il était clair que personne ne voulait ni mourir de la faim, ni tomber tout de suite dans une nouvelle guerre. Par conséquent, dès le début même de l’avènement au pouvoir des partis politiques démocrates chrétiens – en Italie en 1945, en France en 1944, en Allemagne occidentale en 1949 (mais de fait quelques années plus tôt) – il y eut des crises très concrètes à affronter. Alors que les valeurs chrétiennes pouvaient approfondir les réponses à ces problèmes graves, la nécessité de survivre n’était pas un vrai sujet de contestation idéologique.
21Il est possible de suivre l’action de la Démocratie chrétienne vers le projet européen en fonction de deux éléments qui ont fait partie des mythes français d’une « Internationale noire » : (1) les partis politiques nationaux et (2) les Nouvelles Équipes Internationales. Les deux éléments étaient soumis à des conditions spécifiques nationales ; il ne faut pas présupposer que le MRP et la CDU ont partagé un but donné seulement en fonction de leur identité commune en tant que des démocrates chrétiens. Les partis nationaux et les NEI étaient aussi soumis à la politique internationale.
22Avant de discuter la collaboration de ces partis dans le projet européen, il faut les analyser ensemble en bref. La formule « Internationale noire » – appliquée par Joseph Hours aux efforts collectifs des démocrates chrétiens en faveur de la construction européenne – suggère une méthode de coordination précise et formelle dirigée par une base centrale. Cependant, alors que les partis démocrates chrétiens partageaient un héritage idéologique et une mémoire commune de la guerre, ils restaient très divers. Alors que le MRP et la DCI étaient des partis de la Résistance – liés à la mémoire positive des efforts héroïques de leurs membres – la CDU était née comme une réaction contre le nazisme et la croissance allemande de l’avant-guerre.
23Le degré auquel l’esprit de la Démocratie chrétienne allemande de l’après-guerre se distinguait forcément des autres était évident dans le langage du chef de la CDU, Konrad Adenauer. Dans un discours remarquable prononcé le 24 mars 1946 à Cologne, Adenauer a dit
- 16 Konrad Adenauer, cité dans Joseph Rovan, Konrad Adenauer, Paris, Beauchesne, 1987, p. 96.
« J’ai souvent eu honte, depuis 1933, d’être un Allemand, honte au plus profond de mon âme. Peut-être en savais-je davantage des crimes honteux qui étaient perpétrés par des Allemands, des crimes qui étaient perpétrés contre l’Humanité16 ».
24En fait, en annonçant le programme de la CDU, Adenauer a défini une mission de rééducation de toute l’Allemagne d’après les valeurs chrétiennes : « Le peuple allemand doit être rééduqué dans toute sa pensée et tous ses sentiments ». C’est un exemple clé d’une spécificité nationale qui était le résultat des conditions pratiques plutôt que de l’idéologie. Après la honte du nazisme et la dévastation de la guerre, il fallait rebâtir le pays et l’identité allemands, en prenant des nouvelles valeurs positives dont l’inspiration pouvait être la Démocratie chrétienne.
- 17 Andrea Riccardi, Il potere del Papa : da Pio XII a Paolo VI, Roma-Bari, Editori Laterza, 1988, p. 9 (...)
- 18 Marco Innocenti. L’Italia del 1948 : quando De Gasperi batté Togliatti. Milano, Mursia, 1997, p. 66
25Pendant que la CDU s’est occupée en refaisant l’identité allemande, la DCI a donné l’image d’une longa manus ecclésiastique dominante dans la politique italienne. Pendant la guerre, la Résistance catholique italienne était fortement liée à l’Église. Par ailleurs, l’Église – en ayant peur des forces communistes en Italie – a commencé après la guerre à agir avec ferveur en faveur de la DCI. Andrea Riccardi, Pietro Scoppola et Jean-Dominique Durand rappellent l’aide que Pie XII a donnée au parti pendant les campagnes électorales de 1946 et 194817. Les élections d’avril 1948 – les premières élections après l’adoption de la nouvelle constitution italienne – furent dominées par une rhétorique manichéenne, il fallait être « o con Cristo o con Lenin »18. Même dans la déclaration programmatique de février 1944, la DCI avait affirmé que son parti
- 19 Alcide De Gasperi, « Il programma della Democrazia Cristiana », février 1944, dans Scritti politici (...)
« non recide il vincolo ombelicale che lo unisce alla propria Madre spirituale, la Chiesa, ché anzi dal patrimonio cristiano continua a trarre il fermento vitale che anche nell’attività pubblica lo deve conservare e alimentare19 ».
26Même si le parti italien n’était pas confessionnel, il semblait rester très proche de l’Église. Sans aucun doute, les rapports entre la DCI et le Vatican ont contribué à donner à Joseph Hours l’idée d’une « Europe Vaticane » fondée sur l’exemple italien.
- 20 Andrea Riccardi, Pio XII e Alcide De Gasperi. Una storia segreta, Roma-Bari, Laterza, 2003.
27Deux facteurs sont à prendre en considération en Italie. D’abord, le grand rôle traditionnel de l’Église dans la vie publique et dans la société. Alcide De Gasperi s’est opposé très tôt à une institutionalisation des rapports entre la DCI et l’Église – Andrea Riccardi démontre bien les rapports difficiles entre De Gasperi et Pie XII au début des années 195020 – mais il fallait procéder assez lentement. Par ailleurs, il faut rappeler que la Guerre froide a commencé en 1948 avec le coup d’État à Prague et la crise de Berlin. D’une façon pragmatique, un lien informel entre le Vatican et la DCI servait bien les deux parties. La DCI a arrêté l’avance du communisme en Italie avec sa victoire électorale en avril 1948, une victoire à laquelle l’Église avait fortement contribué en mobilisant tout l’appareil ecclésial, des paroisses aux mouvements, en faveur de la DCI.
- 21 Letamendia, Le M.R.P…, op. cit., p. 56-66.
28L’analyse du cas italien ne convient pas du tout au cas français. Même si la DCI et le MRP sont nés tous les deux dans et de la Résistance, leurs parcours étaient extrêmement différents. Alors que la DCI a évidemment choisi d’adopter le nom de la Démocratie chrétienne, le MRP a décidé de ne pas le faire : tout en prenant comme base morale les valeurs chrétiennes, les fondateurs du MRP – comme le note Pierre Letamendia – avaient peur d’aliéner une grande partie de la population française par référence au mot « chrétien »21. Il s’agissait d’une tradition spécifiquement française de méfiance à l’égard des institutions religieuses : on voit ici la double influence du gallicanisme et de la laïcité. Comme on l’a déjà noté, l’attitude de Joseph Hours est liée à ces deux phénomènes. Il avait raison de citer le rôle de la « tradition » dans la culture politique française, même s’il avait tort de sous-estimer d’autres faits en fonction de leur absence de liens avec cette tradition. Lamennais a été suivi de Marc Sangnier, de Jacques Maritain et de bien d’autres, qui ont écrit de grands textes d’une doctrine démocrate chrétienne en évolution, à partir de L’Avenir, à travers le Sillon, jusqu’au personnalisme.
- 22 On peut consulter l’introduction de l’ouvrage de Letamendia.
- 23 « Le Manifeste du M.R.P ». 23-26 novembre 1944, dans Letamendia, op. cit., 64.
29On arrive au grand paradoxe de la Démocratie chrétienne en France, un paradoxe qui est au cœur de la mythologisation spécifiquement française de toute la Démocratie chrétienne. Comme Pierre Letamendia le suggère, la France a fait naître en même temps la plus forte pensée démocrate chrétienne et le plus faible parti politique d’inspiration chrétienne22. Malgré leur grande tradition idéologique, les hommes politiques de la Démocratie chrétienne française, en arrivant au pouvoir, préféraient exclure le christianisme de leur langage politique. Si on prend le Manifeste du MRP adopté par le premier Congrès national du parti en novembre 1944, on y lit une discussion de la Résistance et d’une Révolution par la Loi, mais on n’y voit aucune référence explicite au christianisme. En fait, les seules suggestions de l’identité chrétienne du parti se trouvent dans les phrases « les exigences de la personne humaine » et « Cette Révolution suppose une participation de toutes les classes sociales aux richesses spirituelles et intellectuelles de la civilisation moderne »23. Il n’y a donc que des traces subtiles de christianisme dans le manifeste fondateur du parti démocrate chrétien français.
- 24 Jean-Dominique Durand, « Le Mouvement Républicain Populaire ou la Démocratie chrétienne à la frança (...)
30Pourtant, sans aucun doute, le MRP faisait partie de la Démocratie chrétienne. Les hommes politiques du parti étaient catholiques. Leurs valeurs, respect de la personne humaine, de la communauté, de la famille, des protections sociales – étaient des valeurs typiquement démocrates chrétiennes, qui venaient des philosophes français. Néanmoins le MRP vivait toujours une crise d’identité : pour la gauche, il était trop catholique ; pour la droite, il était trop à gauche ; pour les catholiques, il n’était pas assez lié à l’Église. La grande réussite du MRP à son début fut son lien avec le Général de Gaulle – un lien pragmatique – mais après la création de son propre mouvement en 1947, le MRP a perdu de plus en plus son identité comme parti24.
- 25 Congress of Europe. Verbatim Report, May 1948, IV. The Hague, The European Movements, Postbox 279, (...)
31En fait, c’est la politique européenne qui est devenu l’étoile du programme du MRP, jusqu’à ce que son monopole ait été perdu sur le projet européen. Bien que « l’Europe » ait été absente du manifeste de 1944, à partir de 1948 – et surtout à partir de la Déclaration Schuman du 9 mai 1950 – le MRP fut le principal parti politique en France agissant pour une communauté européenne. Le paradoxe de sa position était qu’en même temps le MRP présentait une réflexion sur les valeurs d’inspiration chrétienne – y compris le pluralisme démocratique – et un effort pour créer une communauté qui incarnerait ses valeurs, c’est-à-dire une communauté ouverte sans préjugé à tous ceux qui acceptaient ses valeurs, même sans les identifier comme d’inspiration chrétienne. Le philosophe personnaliste – et l’un des auteurs des traités doctrinaux du MRP – Étienne Gilson l’a bien dit au Congrès de l’Europe à La Haye en mai 1948 en critiquant un appel pour inscrire le christianisme dans la liste des phénomènes historiquement européens. Selon Gilson, « Pas un chrétien n’accepterait de concevoir le christianisme comme une affaire européenne. S’il est bon, il est bon pour le monde entier ; s’il n’est pas bon pour tous les hommes, il n’est pas bon du tout » 25.
- 26 Pour plus de détails sur le processus par lequel le MRP se faisait le « parti de l’Europe » (la phr (...)
32Comme le commentaire de Gilson le suggère, un dogmatisme idéologique manquait au MRP. C’est pour cette raison qu’il pouvait se séparer du général de Gaulle et essayer de créer une Troisième Force avec les socialistes et les radicaux entre les communistes et les gaullistes. Pourtant en même temps la distance entre le parti et la doctrine à laquelle il s’identifiait a posé des problèmes graves pour le MRP. Dans la politique française, cette distance l’a affaibli, en donnant une des raisons les plus significatives pour sa dissolution finale. Par rapport à l’extérieur, les démocrates chrétiens français se sentaient plus limités que les autres partis – pour ne pas faire quelque chose qui les identifierait comme trop chrétien. Par extension, la réticence de la Démocratie chrétienne française a affaibli la collaboration transnationale chez les démocrates chrétiens de toute l’Europe26.
33L’illustration clé des limites d’une action coordonnée est l’action des Nouvelles Équipes Internationales. Dès 1947, les NEI servaient la Démocratie chrétienne comme un forum transnational. À première vue, on peut penser que les NEI ont fonctionné comme Roberto Papini l’a suggéré dans le titre de son ouvrage : L’Internationale démocrate chrétienne. L’existence d’une telle « Internationale » aurait semblé donner raison à la critique de Joseph Hours, mais en fait ce titre – au lieu de révéler la fonction réelle des NEI – rappelle l’image qui a limité leur action à partir de leur naissance.
- 27 Philippe Chenaux, Une Europe Vaticane ? Bruxelles, Éditions Ciaco, 1990, p. 122.
34À l’époque du Kominform, une organisation transnationale des partis démocrates chrétiens semblait tenter de devenir une telle machine. Néanmoins, les NEI ne se sont jamais approchées du niveau de coordination précise atteint par le Kominform : en fait, on doit parler – selon Philippe Chenaux – d’un réseau de communication plutôt que d’une Internationale27. Selon Joseph Hours, les NEI semblaient être le phénomène le plus proche d’une « Internationale noire ». Néanmoins, cette image n’est pas du tout exacte. Alors que les NEI ont beaucoup contribué au projet européen, ni leur niveau d’organisation, ni leur mission n’en ont fait une Internationale noire.
- 28 Philippe Chenaux, « Les Nouvelles Équipes Internationales », dans I movimenti per l’unità europea d (...)
35Au moins quatre facteurs justifient une telle délimitation des NEI : (1) leur origine, (2) les différents degrés d’engagement des partis nationaux, (3) leur nom, (4) leurs statuts fondateurs. Alors que les NEI étaient liées dès leur début au projet européen, leurs racines se trouvaient en Suisse, en dehors des pays qui commenceraient à agir pour une Europe unie. En mars 1947, le Parti conservateur populaire suisse a organisé un congrès des partis démocrates chrétiens comme une « tentativo di porre la prima pietra per la collaborazione dei partiti cristiani a livello europeo »28. Néanmoins, il n’y avait pas d’Allemands à ce congrès et les délégués français et belges ont déclaré au début qu’ils participeraient seulement en tant qu’observateurs plutôt que membres obligés à adhérer aux décisions du Congrès. Même si des Allemands sont venus au deuxième congrès au début du 1948, il y eut des oppositions fortes dès la naissance des NEI. Certaines se sont atténuées après quelque temps, mais d’autres ont continué à retarder l’unité européenne des partis de la Démocratie chrétienne. En ayant peur d’une image d’une « Internationale » chrétienne, les Français restaient toujours des « observateurs » dans les NEI. Et pourtant, comme la critique de Joseph Hours le montre, les démocrates chrétiens français ont échoué dans leur tentative d’éviter une image de conspirateurs internationaux, tout en affaiblissant les NEI elles-mêmes.
36La coordination avec l’Église n’était même pas possible pour les NEI. Le nom et les statuts fondateurs adoptés par les NEI étaient limités et – comme pour le MRP – ont évité une identification ouverte avec la Démocratie chrétienne. Du reste, les statuts garantissaient que les NEI ne resteraient qu’un réseau d’information. Le deuxième article des statuts déclarait que
« Les Nouvelles Équipes Internationales ont pour but d’établir des contacts réguliers entre les groupes et les personnalités politiques des diverses nations qui s’inspirent des principes de la Démocratie chrétienne »,
- 29 Reproduit dans La Démocratie chrétienne, force internationale, sous la direction d’H. Portelli et T (...)
et d’« étudier » les situations nationales, de « confronter » les expériences et de « rechercher » l’harmonie internationale29. En fait, on pourrait presque dire que, d’après leurs statuts, les NEI rassemblaient une association d’études scientifiques plutôt qu’une « Internationale » politique.
- 30 « The future of christian Democracy. an exclusive interview with Dr. Konrad Adenauer, Chancellor of (...)
37Philippe Chenaux rappelle l’idée d’un « Kominform chrétien » précisément comme une hypothèse où, même en suivant leurs statuts, les NEI n’auraient pas réussi à atteindre leur objectif. En 1952, comprenant que « tutto ciò che ci è caro e sacro » en Europe était de plus en plus menacé par la propagande du Kominform communiste, les dirigeants des NEI ont décidé de les transformer en une « contra-organizzazione cristiana in risposta al Kominform »30. Pourtant, lorsque cette intention – qui pourrait être de fait interprétée comme une aspiration à une « Internationale noire » – a été publiquement annoncée, les réactions dans les médias ont été tout de suite négatives et cette tentative a fait long feu. L’une des très rares initiatives qui pouvait ressembler à un esprit conspirateur était morte-née.
- 31 Il y a pourtant une autre dimension de l’histoire de la participation des chefs d’État démocrates c (...)
38Il ne faut pas, cependant, négliger la réussite des NEI. Elles ont joué un grand rôle dans le rapprochement franco-allemand. Le seul élément conspirateur dans l’histoire des NEI est en effet l’engagement d’hommes politiques français et allemands dans des négociations secrètes au sujet d’un rapprochement entre leurs pays. Dans ces négociations (1948-1949), Georges Bidault et Konrad Adenauer ont eu l’opportunité de reconnaître leur bonne volonté. Même s’ils n’avaient pas la possibilité de conclure des accords entre leurs États, les deux hommes ont beaucoup appris l’un de l’autre. Après l’arrivée de Robert Schuman au Quai d’Orsay, les bons rapports entre Schuman et Adenauer ont continué à améliorer les rapports entre les deux pays. Globalement, donc, les NEI ont rempli leur mission comme un réseau démocrate chrétien. Sans étre soumis aux soucis électoraux – c’est-à-dire l’hostilité de bien des Français envers les Allemands et inversement – des hommes politiques ont eu l’opportunité de faire beaucoup pour l’avènement de la paix par la construction européenne31.
Le Vatican et Les Chefs d’État
- 32 Mayeur, Des partis catholiques…, op. cit., p. 19.
39Il ne reste qu’un facteur à discuter : les hommes d’État chrétiens et le Vatican. Jean-Marie Mayeur rappelle que don Luigi Sturzo, en créant en 1919 le Partito popolare italiano – le modèle de la DCI – a suivi une volonté politique du pape Benoît XV : « En effet le PPI est créé dès 1919 ; son programme, sur le plan international, s’inspire très nettement des directions pontificales de Benoît XV » 32.
40Peut-être donc Joseph Hours avait-il raison de lier les origines de la Démocratie chrétienne de l’après-guerre à l’Église ?
41Pour répondre à cette question il convient de rappeler une phrase d’Étienne Borne, écrite dans son article à l’occasion de la mort de l’ancien Président du Conseil italien, Alcide De Gasperi, le 19 août 1954 :
- 33 Borne, « Alcide De Gasperi », art. cit.
« La trinité Adenauer, Schuman, De Gasperi, tous trois simultanément au pouvoir, tous trois démocrates chrétiens, avait fait crier à l’Internationale noire, ce qui n’était qu’une plaisante fabulation33 ».
42Alors que l’on comprend le sarcasme contenu dans cette phrase, il faut l’analyser sérieusement. En ayant vu que le poids du mythe vatican lancé par Joseph Hours était tombé sur les épaules de trois chefs de la Démocratie chrétienne, Borne a pris la mort de l’un d’entre eux comme l’occasion de les défendre. Il rappelle que ces chefs d’État ont partagé la foi chrétienne, une connaissance de la culture allemande et la politique démocrate chrétienne, mais cela n’a marqué aucun parmi eux ni comme un fanatique germano-clérical, ni comme un agent du Vatican.
43Ces trois hommes d’État – l’Allemand Konrad Adenauer, le Français Robert Schuman et l’Italien Alcide De Gasperi – ont partagé beaucoup de caractéristiques personnelles. Tous impressionnés par leur éducation dans la Mitteleuropa dans des familles ferventes catholiques, ils portaient à leur politique des principes fortement enracinés dans les valeurs chrétiennes ainsi qu’une compréhension des problèmes créés historiquement en Europe par les frontières. Avant tout, néanmoins, ils étaient tous nourris par le personnalisme, avec la volonté d’assurer que la violence contre la personne humaine pendant la Deuxième Guerre mondiale ne se répéterait jamais. Tout en gardant un niveau de respect très élevé de l’Église, ils agissaient pour une Communauté européenne dans l’esprit de la nouvelle chrétienté, investie du respect pour la personne humaine, et pour une communauté de valeurs, mais dans un monde temporel pluraliste sans domination de l’Église.
- 34 Adenauer, Lettre à Robert Schuman, 23 août 1951, Adenauer – Briefe, 1951-1953, p. 114.
- 35 Hans August Luecker und Karl Josef Hahn, Christliche Demokraten bauen Europa, Bonn 1987, p. 250. Ci (...)
44Il est vrai que Konrad Adenauer a demandé en 1951 de bâtir une Communauté européenne comme « un nouvel édifice de l’Europe sur des fondements chrétiens » 34. Il est aussi vrai qu’il a parlé en 1948 du projet européen dont l’objectif était de « pouvoir sauver l’Occident chrétien »35. Mais en poursuivant un rapprochement franco-allemand et en agissant en faveur d’une Communauté européenne, Adenauer démontrait une forte conscience d’un fait qui était formalisé en 1949 : la division de son pays en deux moitiés, la perte de la moitié orientale de son pays – prévue plus tôt dans ses discours de l’après-guerre.
- 36 Discours de Konrad Adenauer devant les Nouvelles Équipes Internationales à Bad Ems, le 14 septembre (...)
45Par ailleurs, la position de l’Allemagne occidentale comme frontière de l’Occident, toujours menacée par l’Union soviétique, lui a donné une forte motivation pragmatique à poursuivre une union européenne. Son émotion était surtout évidente dans un discours de 1951 : « Mes Amis ! Le péril soviétique existe, il est grand... et ce péril ne menace pas seulement l’Allemagne mais tous les pays de l’Europe occidentale »36. Quel que soit son rapport personnel au pape, Adenauer agissait toujours à partir d’une convergence de ses valeurs et des exigences pratiques : c’est une telle convergence qui échappe au mythe du pouvoir du Vatican.
46En ce qui concerne Alcide De Gasperi, sous le fascisme, il avait trouvé refuge au Vatican. C’est lui qui a parlé en 1944 d’un « vincolo ombelicale » liant la DCI à sa mère l’Église. Il a aussi accepté l’aide électorale de l’Église en se battant contre le Fronte popolare. Néanmoins, comme Andrea Riccardi le montre, dans les années 1950, il a résisté à plusieurs tentatives de la part de Pie XII de renforcer l’influence vaticane dans la politique intérieure. Lors d’une Table Ronde du Conseil de l’Europe à Rome en octobre 1953, De Gasperi a choisi de répondre aux accusations d’une « Europe vaticane ». Sa première réponse était un écho du commentaire d’Étienne Gilson à La Haye en 1948 :
- 37 Alcide De Gasperi, « Le problème spirituel et culturel de l’Europe considérée dans son unité histor (...)
« Permettez-nous, toutefois, de rappeler que le christianisme, étant à nos yeux une chose divine, appartient et s’adresse à tous les hommes. En faire une chose seulement européenne, ce serait le restreindre, le dégrader37 ».
47En s’opposant à toute définition qui lierait l’Europe et le christianisme l’un à l’autre, Alcide De Gasperi a préparé une réfutation plus profonde du mythe vatican : l’Europe avait besoin des principes de « la personne humaine », de la « tolérance » et de la « justice distributive ». D’après De Gasperi, si on voulait décrire ses principes comme « des valeurs d’inspiration chrétienne », cela conviendrait, mais il n’y avait aucune raison de critiquer le projet européen pour essayer d’incarner ces valeurs. Le courant personnaliste dans la pensée de De Gasperi a empêché tout lien direct entre lui et la politique pontificale.
48Enfin Robert Schuman, l’auteur de la Déclaration du 9 mai 1950, a peut-être joué le rôle le plus direct de ces trois hommes d’État en engageant le processus de l’intégration européenne. Par conséquent, s’il avait vraiment agi pour une Europe vaticane, sa position aurait eu un maximum d’influence sur le projet européen. Cependant, on peut prendre deux exemples concrets de son orientation démocrate chrétienne qui ne s’est pas traduite par un lien avec le pape. D’abord, il y avait l’origine du projet de la Communauté européenne du charbon et de l’acier. Même si Robert Schuman l’a formellement proposé et l’a présenté aux hommes politiques, l’économiste Jean Monnet, a joué un rôle clé en préparant ce projet. Monnet n’était pas un démocrate chrétien, plutôt proche d’une gauche modérée, il n’avait pas de lien fort avec l’Église. Bien sûr, la collaboration de Schuman avec Monnet ne signifie pas a priori que Schuman n’était pas un « agent du Vatican », mais il aurait été curieux qu’un tel agent puisât son idée principale auprès d’une personnalité qui se situait hors de la sphère religieuse. De plus, Schuman a souvent attaqué la notion du Saint-Empire, en reprenant les thèmes de Maritain. En 1955, il a écrit
- 38 Robert Schuman, « L’Europe est une communauté spirituelle et culturelle », L’Annuaire européen, I, (...)
« La communauté européenne ne sera pas à l’image d’un Empire ni d’une Sainte Alliance ; elle reposera sur l’égalité démocratique transposée dans le domaine des relations entre les nations38 ».
49Les trois hommes d’État défendus par Étienne Borne ont en fait ouvertement renoncé au projet hypothétique d’une Europe vaticane. Ils ont tous démontré le rôle joué par des inspirations en dehors de l’Église – soit le personnalisme, soit la menace soviétique, soit l’influence d’un Jean Monnet. Il faut souligner que les liens personnalistes que les trois hommes d’État ont rappelés s’opposaient au pouvoir direct de l’Église. Comme Jacques Maritain l’écrit dans Humanisme intégral, « Ce n’est pas à l’Église, c’est aux chrétiens comme membres temporels de cet organisme temporel » de réaliser une nouvelle chrétienté ; les démocrates chrétiens ont transposé ce principe à la communauté européenne.
Conclusions
50Les mythes tiennent toujours une place importante dans la mémoire collective humaine. Le mythe d’une Démocratie chrétienne opposée à la tradition française et le mythe d’une « Europe vaticane » ont eu du succès pendant des dizaines d’années. La Démocratie chrétienne était très sensible à ces mythes. Toujours difficile à définir, différente dans chaque pays, faible en tant qu’organisation internationale et possédant une politique très souvent déterminée par des considérations pragmatiques plutôt qu’idéologiques, il fallait une réponse longue et nuancée pour remettre en cause les attaques.
51Les mythes français à l’égard de la Démocratie chrétienne de l’après-guerre étaient le résultat d’une mélange de plusieurs facteurs. D’abord il y avait le legs du gallicanisme, animé par un cléricalisme et un nationalisme liés à la germanophobie. Le rapprochement franco-allemand a provoqué beaucoup d’insatisfaction chez bien des Français, alors que la notion même d’une Communauté supranationale ou transnationale a perturbé ceux qui – comme Joseph Hours – partageaient une conception classique de la nation française. Alors que Georges Bidault a compris la signification de la Communauté européenne dans la lutte contre l’Union soviétique, Joseph Hours y a vu une sorte de trahison.
52Le mythe d’une « Internationale noire » s’alimentait d’une ignorance des spécificités des différents partis politiques nationaux ainsi que des conditions pratiques de la politique internationale. Les partis démocrates chrétiens agissaient pour le même but dans les différents pays de l’Europe, mais cela ne voulait pas dire qu’ils n’étaient que des produits égaux d’une machine germano-cléricale. On peut faire la même observation pour Adenauer, De Gasperi et Schuman : en partageant des valeurs et une vision commune de l’Europe, il n’ont jamais agi sur injonction du pape. En étant guidés par le pluralisme et l’idéal d’une nouvelle chrétienté, les démocrates chrétiens ne pouvaient pas exclure d’autres partis du projet. Très vite les partis démocrates chrétiens – surtout le MRP – ont perdu leur façon de s’identifier par rapport au projet européen en y associant d’autres familles politiques.
- 39 L’échec de la réunion à Bruxelles des chefs d’État de l’UE en juin 2005 a animé Le Monde à beaucoup (...)
53Pourtant, aujourd’hui ces mêmes mythes semblent avoir une signification renouvelée. Il reste beaucoup d’incertitude dans l’historiographie de la Communauté européenne sur les motivations des « pères fondateurs », une incertitude qui contribue aussi à l’incertitude politique dans l’Union européenne elle-même. Les événements récents font réfléchir à l’avenir de la politique européenne. Malgré l’entrée de la Turquie dans les négociations d’adhésion à l’UE le 17 décembre 2004, on entend toujours des accusations que l’Europe n’est qu’un « club chrétien et xénophobe ». Par ailleurs, bien des polémiques ont suivi la proposition polonaise d’inclure une référence aux racines chrétiennes de l’Europe dans le traité constitutionnel de l’UE ; cette tentative a bien échoué. Alors que l’attention de l’Europe à l’égard du traité vient de changer au lendemain de son échec en France et en Hollande, la question des valeurs européennes reste essentielle. On dit que l’échec possible du traité marque une « crise d’identité » dans l’UE, mais la question des racines idéologiques et spirituelles de l’UE reste taboue39.
Notes
1 Il y a un grand débat autour d’autres « mythologistes », surtout le président de la République socialiste Vincent Auriol. On cite souvent une note dans son journal le 17 septembre 1951 : « L’Église a fait une triple alliance, Adenauer, Schuman, Gasperi, trois tonsures, sous la même calotte ». Tirée du contexte, cette phrase semble souligner la mythologie d’une conspiration vaticane, mais la suite laisse beaucoup de doute. On doit surtout faire attention à son journal pour les dates suivantes : 16 décembre 1947 (un regard très positif sur le Pape), 17 septembre 1951 (l’objet des polémiques actuelles chez les historiens) et 29 janvier 1952 (pas de connotations conspiratrices).
2 Jean-Marie Domenach, Gilbert Dru. Un chrétien résistant, Paris, Beauchesne, 1998. Pour les premières réflexions de Joseph Hours sur le MRP, voir ses Directions. Libres propos pour une action politique, Lyon, MRP, s.d. [1945].
3 Tous les ouvrages essentiels de l’historiographie de la Démocratie chrétienne rappellent le rôle de Lamennais. Les plus notables sont : Jean-Dominique Durand, L’Europe de la Démocratie chrétienne, Bruxelles, Éditions Complexe, 1995. ; Jean-Marie Mayeur, Des Partis catholiques à la Démocratie chrétienne : XIVe et XXe siècles, Paris, Armand Colin, 1980 ; Pierre Letamendia, Le Mouvement Républicain Populaire : Histoire d’un grand parti français, Paris, Beauchesne, 1995.
4 Jean-Marie Mayeur, Des Partis catholiques…, op. cit., p. 28.
5 Joseph Hours, « Les origines d’une tradition politique. La formation en France de la doctrine de la Démocratie chrétienne et des pouvoirs intermédiaires », dans Libéralisme, traditionalisme, décentralisation, sous la direction de Robert Pelloux, Paris, Armand Colin, 1952, p. 103.
6 Ibidem, p. 100.
7 Ibidem, p. 102.
8 Ibidem, p. 123.
9 Jean-Dominique Durand, L’Europe…, op. cit., p. 34.
10 Luigi Sturzo, cité dans Mario Einaudi, « Christian Democracy in Italy », dans Mario Einaudi and François Goguel, Christian Democracy in Italy and France, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 1952, p. 12-13.
11 Jacques Maritain. Humanisme intégral : problèmes temporels et spirituels d’une nouvelle chrétienté. Paris, Éditions Montaigne, 1936, p. 124.
12 Ibidem, p. 16.
13 Ibidem, p. 287.
14 Étienne Borne. « La Démocratie chrétienne contre l’État ? », Terre Humaine, juillet-août 1952, p. 76-101. Voir aussi son article après la mort d’Alcide De Gasperi : « Alcide De Gasperi », La Vie Intellectuelle, octobre 1954, 103-107. Pour des réflexions critiques sur le débat Hours/Borne, voir Yvon Tranvouez, « Europe, chrétienté et catholiques français. Débats en marge du MRP », dans Serge Berstein, Pierre Milza et Jean-Marie Mayeur (dir.), Le MRP et la construction européenne, Bruxelles, Éditions Complexe, 1993, p. 87-102.
15 Georges Bidault, D’une Résistance à l’autre, Paris, Les Presses du Siècle, 1965. Au sujet de sa politique envers l’Allemagne, voir Reinhard Schreiner, Bidault, der MRP und die franzöische Deutschlandpolitik, 1944-1948, Frankfurt/Main, Peter Lang, 1985.
16 Konrad Adenauer, cité dans Joseph Rovan, Konrad Adenauer, Paris, Beauchesne, 1987, p. 96.
17 Andrea Riccardi, Il potere del Papa : da Pio XII a Paolo VI, Roma-Bari, Editori Laterza, 1988, p. 90 ; Pietro Scoppola, La proposta politica di De Gasperi, Bologna, Il Mulino, 1977, p. 255 ; Jean-Dominique Durand, L’Église catholique dans la crise de l’Italie 1943-1948, Rome, École Française de Rome, 1991, p. 581-692.
18 Marco Innocenti. L’Italia del 1948 : quando De Gasperi batté Togliatti. Milano, Mursia, 1997, p. 66.
19 Alcide De Gasperi, « Il programma della Democrazia Cristiana », février 1944, dans Scritti politici di Alcide De Gasperi, sous la direction de Pier Giorgio Zunino, Milano, Feltrinelli, 1979, p. 278.
20 Andrea Riccardi, Pio XII e Alcide De Gasperi. Una storia segreta, Roma-Bari, Laterza, 2003.
21 Letamendia, Le M.R.P…, op. cit., p. 56-66.
22 On peut consulter l’introduction de l’ouvrage de Letamendia.
23 « Le Manifeste du M.R.P ». 23-26 novembre 1944, dans Letamendia, op. cit., 64.
24 Jean-Dominique Durand, « Le Mouvement Républicain Populaire ou la Démocratie chrétienne à la française », dans Les familles politiques en Europe Occidentale au XXe siècle, Rome, École Française de Rome, 2000, p. 247-267.
25 Congress of Europe. Verbatim Report, May 1948, IV. The Hague, The European Movements, Postbox 279, 1949, p. 23.
26 Pour plus de détails sur le processus par lequel le MRP se faisait le « parti de l’Europe » (la phrase utilisée par Étienne Borne à Lille en 1954), voir Pierre Letamendia, Le M.R.P…, op. cit., p. 111-113, ou Serge Berstein, Jean-Marie Mayeur et Pierre Milza, Le M.R.P…, op. cit.
27 Philippe Chenaux, Une Europe Vaticane ? Bruxelles, Éditions Ciaco, 1990, p. 122.
28 Philippe Chenaux, « Les Nouvelles Équipes Internationales », dans I movimenti per l’unità europea dal 1945 al 1954, sous la direction de Sergio Pistone, Milano, Jaca Book, 1992, p. 240.
29 Reproduit dans La Démocratie chrétienne, force internationale, sous la direction d’H. Portelli et Thomas Jansen, Nanterre, 1986, p. 351.
30 « The future of christian Democracy. an exclusive interview with Dr. Konrad Adenauer, Chancellor of the West German Federal Republic », dans The Tablet, 22 septembre 1951, p. 186. Cité dans Philippe Chenaux, « Les Nouvelles Équipes Internationales », art. cit., p. 240.
31 Il y a pourtant une autre dimension de l’histoire de la participation des chefs d’État démocrates chrétiens dans les NEI. L’historien autrichien Michael Gehler m’a suggéré dans un entretien du 6 juin 2004 que Robert Schuman et Alcide De Gasperi essayaient bien de ne pas participer en personne dans les NEI, en envoyant d’autres hommes d’État (comme Bidault) à leur place. On peut donc soupçonner une réticence chez ces chefs d’État à l’égard de la coopération transnationale de la Démocratie chrétienne. Voir les documents rassemblés dans Wolfram Kaiser und Michael Gehler (hrsg.), Transnationale Parteienkooperation der europäischen Christdemokraten. Dokumente 1945-1965, München, Saur, 2004.
32 Mayeur, Des partis catholiques…, op. cit., p. 19.
33 Borne, « Alcide De Gasperi », art. cit.
34 Adenauer, Lettre à Robert Schuman, 23 août 1951, Adenauer – Briefe, 1951-1953, p. 114.
35 Hans August Luecker und Karl Josef Hahn, Christliche Demokraten bauen Europa, Bonn 1987, p. 250. Cité dans Philippe Chenaux, « Les Nouvelles Équipes Internationales », art. cit., p. 242.
36 Discours de Konrad Adenauer devant les Nouvelles Équipes Internationales à Bad Ems, le 14 septembre 1951, in Adenauer-Archiv, Section I, vol. 22. Cité dans Rovan, Konrad Adenauer…, op. cit., p. 139.
37 Alcide De Gasperi, « Le problème spirituel et culturel de l’Europe considérée dans son unité historique, et les moyens d’exprimer cette unité en termes contemporains », Table Ronde du Conseil de l’Europe, Rome, octobre 1953. Dossier 5/2/6, Fonds Robert Schuman, Fondation Jean Monnet pour l’Europe, p. 3-4.
38 Robert Schuman, « L’Europe est une communauté spirituelle et culturelle », L’Annuaire européen, I, 1955, p. 21.
39 L’échec de la réunion à Bruxelles des chefs d’État de l’UE en juin 2005 a animé Le Monde à beaucoup utiliser cette phrase dramatique dans ses éditions du 19 et du 20 juin.
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Référence papier
Piotr H. Kosicki, « Image et réalité : la mythologisation française de la Démocratie chrétienne de l’après-guerre », Chrétiens et sociétés, 12 | 2005, 109-128.
Référence électronique
Piotr H. Kosicki, « Image et réalité : la mythologisation française de la Démocratie chrétienne de l’après-guerre », Chrétiens et sociétés [En ligne], 12 | 2005, mis en ligne le 02 mars 2012, consulté le 11 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/2228 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.2228
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