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Mélanges
Habilitation à diriger des recherches et thèses 2006

Caroline Chopelin-Blanc, Adrien-Lamourette (1742-1794). De l'apologétique à l'Église constitutionnelle, 2 vol. 768 et 784 p., Thèse soutenue à l’Université Lyon III le 14 octobre 2006

Jury : Sylviane Albertan-Coppola (Université de Picardie-Jules Verne), Bernard Hours (Lyon III, directeur), Jean-Pierre Jessenne (Université Charles de Gaulle, Lille 3), Daniele Menozzi (École Normale Supérieure de Pise), Bernard Plongeron (Institut catholique, président)
Stéphane Nivet

Texte intégral

1La thèse de Caroline Blanc-Chopelin propose un éclairage cohérent d’un parcours singulier, celui d’Adrien Lamourette (1742-1794), apologète confirmé devenu ardent défenseur de l’église constitutionnelle. Dans son propos introductif, l’auteur insiste sur les objectifs qui ont motivé sa démarche : comprendre et analyser les horizons culturels d’un membre du clergé constitutionnel à l’itinéraire ambivalent, mêlé de défense du christianisme, et d’hostilité à l’égard du mouvement philosophique mais adhérant, fût-ce opportunément, au processus révolutionnaire.

2Nourrie des apports de la théologie, de l’histoire politique et de l’histoire religieuse, cette thèse repose sur une double démarche : inscrire dans un contexte social et politique une histoire intellectuelle, et ainsi dessiner les contours d’une apologétique modifiée par les événements révolutionnaires.

3Les sources utilisées dans ce travail traduisent cette dualité. Malgré d’immenses lacunes archivistiques – liées notamment à la disparition de nombreux documents lors des deux guerres mondiales – la recherche concerne en premier lieu l’itinéraire d’Adrien Lamourette : né en 1742, ancien lazariste réintégré dans le clergé séculier en 1769, professeur et directeur de séminaire à Metz et à Toul, il est successivement élu en 1791 évêque constitutionnel de Lyon et député de Rhône-et-Loire à la législative. Initiateur d’un éphémère moment de concorde parmi les députés – le célèbre « Baiser Lamourette » du 7 juillet 1792 – il prend part au soulèvement de Lyon en 1793. Accusé d’actes « contre-révolutionnaires » et d’écrits « liberticides », il est guillotiné le 11 janvier 1794.

4Toutefois, la source principale a été constituée par le corpus des écrits de Lamourette, à savoir l’ensemble de sa production apologétique de 1785 à 1793. La thèse de Caroline Blanc-Chopelin propose une méthode d’analyse textuelle et d’indexation lexicale de ces écrits, afin de déceler les fondements et les thèmes récurrents du discours de Lamourette, d’en percevoir les mutations et de les analyser, notamment au regard des autres œuvres apologétiques de la période.

5L’organisation générale de la thèse repose d’ailleurs sur cette mixité. Aux deux parties organisées autour d’une approche chronologique (1742-1789 et 1789-1794) succède un dernier moment plus synthétique qui vise à dégager la spécificité de la pensée de Lamourette à travers le concept, certes inachevé, de démocratie évangélique. Un abondant volume d’annexe parachève ce travail, proposant de nombreuses références iconographiques et une partie de la production littéraire de l’auteur.

6Bernard Hours, directeur de recherches, rappelle en quelques mots le parcours de Caroline Blanc-Chopelin depuis son mémoire de maîtrise consacré à Une lecture de « l’institution d'un prince » de Duguet (soutenu en 2000). Il évoque ensuite les difficultés liées au traitement d’un tel sujet. D’une part, l’activité de Lamourette a finalement laissé peu de traces et l’identification des réseaux sur lesquels il s’est appuyé reste incomplète. Ne bénéficiant ni de protections sociales ni de mécénat littéraire, les premières publications d’Adrien Lamourette demeurent confidentielles et son parcours doit probablement beaucoup à son insertion dans les réseaux académiques. D’autre part, Hours souligne combien certaines œuvres notamment « Les pensées sur la philosophie de la foi » (1789) peuvent être d’un accès malaisé et requièrent de l’historien détermination et prudence. Ces écueils ayant été savamment évités malgré quelques inégalités au sein de la thèse, il note l’apport considérable de Caroline Blanc-Chopelin sur cette question, montrant comment l’inclassable Lamourette, apologète classique, a su penser avec des catégories modernes une philosophie et une théologie héritées. Cette posture trouve d’ailleurs un corollaire politique dans l’adhésion de Lamourette à la monarchie constitutionnelle, forme à la fois héritée et renouvelée de la souveraineté. In fine, Bernard Hours invite Caroline Blanc-Chopelin à la publication rapide de sa thèse, après d’inévitables remaniements, ainsi qu’à celle des œuvres complètes de Lamourette.

7Daniele Menozzi, professeur à l’École Normale Supérieure de Pise, met l’accent sur la qualité des techniques d’analyse textuelle utilisées par Caroline Blanc-Chopelin. Selon lui, ces méthodes permettent de mieux percevoir la mutation de la signification de certaines notions clés – « démocratie évangélique », « démocratie chrétienne » - durant la période révolutionnaire. Au surplus, Menozzi rappelle que si l’adhésion du catholicisme à la modernité politique n’est pas un phénomène inexistant, il trouve en Lamourette une expression singulière, fondée sur l’utilisation d’un vocabulaire souvent largement emprunté à la philosophie moderne, la supériorité du christianisme sur tout autre ordre politique et social, et enfin sur la possibilité d’une troisième voie entre deux radicalités. L’interrogation finale porte sur la présence de réformes politiques dans les ouvrages apologétiques d’Adrien Lamourette, notamment à partir de 1789. Dans les faits, sur le plan politique, les écrits de Lamourette semblent demeurer à l’état des schèmes impensés et inachevés, dépourvus d’aspects structurels majeurs.

8Sylviane Albertan-Coppola, professeur de littérature à l’Université de Picardie, exprime sa satisfaction d’avoir lu un travail caractérisé par un effort constant de problématisation, une progression raisonnée et une documentation riche et étendue, notamment permise par l’inventivité de l’auteur. Elle recommande par ailleurs de rendre une partie du travail plus intelligible grâce à une meilleure périodisation de l’apologétique, moins systématiquement calquée sur la vie de Lamourette mais plus ouverte à l’ensemble du mouvement de défense du christianisme. Sur le fond, S. Albertan-Coppola souligne un effort, chez Lamourette, de donner une cohérence à un « système chrétien ». Les arguments de Lamourette relatifs aux mystères, aux miracles, à la définition de l’infini témoignent d’une attitude nouvelle, pour une large part fondée sur la possibilité d’un retour des Lumières au christianisme. Enfin, S. Albertan-Coppola exprime quelques doutes quant à la comparaison parfois poussée trop loin entre Lamourette et l’abbé Nicolas-Sylvestre Bergier. Certes l’œuvre de ces deux apologistes est marquée par la nouveauté. Toutefois, sur certains points – la question de la tolérance à l’égard des autres religions, la notion de religion naturelle – les positions des auteurs divergent.

9Jean-Pierre Jessenne, spécialiste de la Révolution Française à l’Université Lille 3, insiste sur la qualité de l’appareil critique proposé par Caroline Blanc-Chopelin. Il note à ce sujet que la logique interne des textes ne doit cependant pas empêcher de recomposer le contexte. Son attention est d’ailleurs retenue ici par le « souci courtisan » de Lamourette et son sens prononcé de l’opportunité politique. Sa fréquentation du Cercle Social et de Mirabeau, son investissement dans les débats sur la Constitution civile du clergé en attestent. Il rappelle à cet égard comment Lamourette, « parachuté » à Lyon en 1791, s’insère très bien dans les réseaux de la sociabilité locale et réussit à se faire élire député de Rhône-et-Loire à la Législative. Toutefois, le parcours de Lamourette porte également la marque de convictions affermies, notamment lorsqu’il demande des comptes sur les massacres de septembre 1792. Enfin, J.-P. Jessenne termine par l’évocation du « Baiser Lamourette » et l’excellence de l’analyse de cet événement par Caroline Blanc-Chopelin qui fournit à cette occasion un véritable « morceau de bravoure ».

  • 1 Bernard Plongeron, Théologie et politique au siècle des Lumières, Genève, 1973.

10Toute chose étant perfectible, le président du jury, Bernard Plongeron, formule quelques recommandations finales. Elles concernent la nécessité, dans la perspective de la publication de la thèse, de mieux périodiser l’apologétique et d’en mieux différencier les courants. Par ailleurs, il note qu’il n’y a pas forcément de continuité dans le parcours de Lamourette. Ainsi l’arrivée de ce dernier en Lorraine peut être envisagée comme un « choc culturel » majeur qui tranche avec la période artésienne de sa vie et qui joue un rôle important dans sa maturation philosophique et religieuse. Au demeurant, Plongeron conclut en rappelant l’exceptionnelle qualité du travail fourni par Caroline Blanc-Chopelin. Avancée historiographique majeure, il permet, au prisme de la vie et l’œuvre d’Adrien Lamourette, de mieux comprendre les fondements du christianisme éclairé, véritable « révolution copernicienne en matière de religion »1.

11Après en avoir délibéré, le jury accorde à Caroline Blanc-Chopelin le titre de docteur en histoire et décerne à son travail la mention très honorable avec les félicitations à l’unanimité.

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Notes

1 Bernard Plongeron, Théologie et politique au siècle des Lumières, Genève, 1973.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Stéphane Nivet, « Caroline Chopelin-Blanc, Adrien-Lamourette (1742-1794). De l'apologétique à l'Église constitutionnelle, 2 vol. 768 et 784 p., Thèse soutenue à l’Université Lyon III le 14 octobre 2006 »Chrétiens et sociétés [En ligne], 13 | 2006, mis en ligne le 12 septembre 2012, consulté le 19 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/2077 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.2077

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Auteur

Stéphane Nivet

RESEA – LARHRA, UMR 5190
Université Jean Moulin - Lyon III

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