Navigation – Plan du site

AccueilNuméros13MélangesComptes rendus d'ouvragesIdentités autochtones et missions...

Mélanges
Comptes rendus d'ouvrages

Identités autochtones et missions chrétiennes. Brisures et émergences, sous la direction de Philippe Chanson et Olivier Servais Coll. « Mémoire d’Eglises », Karthala, 2006, 332 p.

Jacques Gadille

Texte intégral

1L’originalité de cette session du CREDIC à Namur (août 2005), conçue et coordonnée par deux anthropologues, le Belge Olivier Servais et le Suisse Philippe Chanson est d’avoir choisi le vaste champ de la rencontre des cultures, pour saisir dans toute  sa complexité la recherche des identités collectives. Les notions de « psychologie ou âmes des peuples » forgées à l’ère romantique et différenciées au cours du puissant mouvement des nationalités (Jean Pirotte) a été revisitée, en fonction de l’actualité, de l’extension nouvelle qu’elles ont prises au XXe siècle avec la défense passionnée de l’identité, de l’authenticité au cours des crises de la décolonisation et avec l’émergence du tiers-monde. Philippe Chanson souligne la complexité, les infinies variantes mondiales de ce travail de la psychologie collective, à partir de la déstructuration, suivie de recompositions des représentations de soi ; le facteur des missions chrétiennes joue en tout cela un rôle non négligeable. En annexe au symposium qui a conclu la session (p. 325-8), Philippe Laburthe-Tolra  a mis  en relief  la fonction déstabilisatrice de cette religion de l’Incarnation, avec son exigence d’incessante « conversion ». Mais il a mis aussi en garde les historiens contre la tentation de se focaliser sur ce seul facteur, qui a joué un rôle à la fois « déconstructeur » et « reconstructeur » (Le cas extrême est fourni par les quelque 9000 procès intentés aux Èglises du Québec contre l’action des « pensionnats » érigés depuis la fin du XIXe siècle dans les réserves indiennes (Mélanie Chaplier, p. 131-158).

2C’est que les flux de la modernité, la mondialisation ont eu une influence beaucoup plus puissante. Plus grande est donc la part faite par les communications à ce contexte, dans le cadre ternaire où on les a réparties : destruction ou « bris-collage » de ces identités ; bilan négatif de ces brisures ; enfin processus de recomposition, soit par un retour aux racines, aux ancêtres, soit par la découverte progressive et à venir d’une nouvelle identité qui se construit et se découvre peu à peu sur « le métier à métisser » (Ph. Chanson).

3Ainsi sont analysées, dans l’aire extrême-orientale, les échanges permanents qui ont formé la personnalité vietnamienne (Antoine Tran van Toan), les moyens d’action différents pratiqués à partir des années 1950 par les missionnaires américains catholiques et protestants en Papouasie Occidentale (Astrid de Hontheim) et deux formes de millénarismes océaniens, au sein du courant dit « cargo » en Mélanésie, le mouvement John Frum au Vanuatu, après 1945, et, en Polynésie, « la secte Mamaia » à Tahiti qui remonte au premier XIXe siècle (Claire Laux). Marc Spindler parle de « l’identité malgache introuvable » ; il distingue deux voies de recherche, celle du Jésuite Pierre Dubois optant pour une définition d’identité « ontologique » et celle des théologiens protestants privilégiant une identité à construire.

4Une même prédominance du contexte est privilégiée dans les études portant sur l’aire amérindienne : ici prennent place les amples analyses d’Olivier Servais sur « la construction missionnaire des Anishinaabek », une ethnie du Nord-Québécois (p. 101-128) et de Philippe Chanson sur « le trauma identitaire colonial » dans l’aire caribéenne (p. 59-196).

5Enfin les effets de la prédication néo-pentecôtiste au Brésil, dans les dernières décennies suscite la réaction traditionaliste des Candomblés, étudiée par Charlotte Plaideau.

6Pour autant, l’action des agents personnels n’est pas absente : elle fait l’objet de trois intéressantes études biographiques : au Seu-Tchouan, Catherine Marin montre l’évolution de la pratique pastorale d’un prêtre chinois, le P. Ly (1692-1775), issu des MEP, qui s’est orientée vers la construction d’une Église chinoise ; le futur vicaire apostolique François Pottier se formera à son école. Pour le XIXe siècle, Bernadette Truchet fait état de la vaste expérience du Jésuite Joseph Gonnet (1816-1895), posant les bases de la sinologie qui s’épanouira au siècle suivant dans les milieux missionnaires. Enfin Flavien Nkai Malu présente l’école anthropologique belge qu’animèrent les Jésuites belges du Kassai dans l’Entre-deux guerres, autour du P. Joseph Mertens et de son maître, le P. Yvon Struyf.

7Somme toute, un ouvrage très neuf par les voies explorées autour de ce thème identitaire, d’une actualité permanente. On peut regretter seulement les trop nombreuses coquilles ou imperfections de forme qu’une relecture plus attentive aurait dû effacer.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Jacques Gadille, « Identités autochtones et missions chrétiennes. Brisures et émergences, sous la direction de Philippe Chanson et Olivier Servais Coll. « Mémoire d’Eglises », Karthala, 2006, 332 p. »Chrétiens et sociétés [En ligne], 13 | 2006, mis en ligne le 15 septembre 2009, consulté le 16 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/2058 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.2058

Haut de page

Auteur

Jacques Gadille

Université Jean Moulin - Lyon III

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search