Navigation – Plan du site

AccueilNuméros15ArticlesExpertise catholique et débuts de...

Articles

Expertise catholique et débuts de l’aménagement du territoire à Lyon (1945-1957)

Olivier Chatelan
p. 107-128

Résumés

Les débuts de l’aménagement du territoire dans la région lyonnaise sont marqués par la présence de plusieurs personnalités du monde catholique au sein d'organismes locaux d'expansion économique. Qu’il s’agisse de professeurs de l’enseignement supérieur, d’ingénieurs ou de banquiers, ces notables sont souvent passés par l’équipe lyonnaise d’Economie et Humanisme (le BLAC) avant d’être consultés comme experts dans la planification régionale. Ce milieu participe pleinement aux débats scientifiques du moment, notamment autour du concept de « géographie appliquée ».

Haut de page

Texte intégral

  • 1  En attendant la thèse de Marie-Clothilde Meillerand (Université Lumière-Lyon 2, sous la direction (...)
  • 2  Olivier Dard, « La construction progressive d’un discours et d’un milieu aménageur des années tren (...)

1L’histoire de l’aménagement du territoire à Lyon, bien qu’en phase de renouvellement depuis quelques années1, n’a été que très peu étudiée sous l’angle des réseaux confessionnels et des interactions avec les savoirs disponibles au sein des mouvements militants, notamment catholiques. L’association Economie et Humanisme fondée par le Père Louis-Joseph Lebret en 1941 est pourtant l’illustration de la proximité qui a pu exister entre les projets d’envergure nationale de décentralisation industrielle et de planification des équipements d’une part et, d’autre part, la constitution d’équipes locales soucieuses de participer à une régénération du tissu économique et social, sous Vichy et après la Libération. L’analyse qui va suivre entend montrer que les réseaux tissés autour d’Economie et Humanisme ont joué un rôle essentiel à Lyon dans l’émergence d’un « discours » et d’un « milieu aménageur »2.

  • 3  Denis Pelletier, Economie et Humanisme. De l’utopie communautaire au combat pour le Tiers-Monde, P (...)
  • 4  Ceux-ci feront l’objet d’un développement particulier dans la thèse de doctorat en cours sur les r (...)

2L’étude s’articule autour de deux associations qui se sont intéressées, non exclusivement mais de façon approfondie, aux problématiques d’aménagement de la région lyonnaise entre le milieu des années 1940 et le milieu des années 1950. La première se constitue en 1947 pour stabiliser une équipe lyonnaise d’Economie et Humanisme qui s’était impliquée dans une enquête sur le logement réalisée en partenariat avec le Ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU). Ce Bureau Lyonnais d’Analyse et de Conjoncture (BLAC), déjà repéré par Denis Pelletier, ne survivra pas cependant au-delà de quelques mois3. En 1952, à l’initiative de représentants du grand patronat lyonnais, naît une seconde association, qui est l’interlocutrice directe au plan local des pouvoirs publics parisiens tout au long des années 1950. Ce Comité pour l’aménagement du territoire de la région lyonnaise possède de fortes ressemblances avec le BLAC. Il fait appel en outre à l’équipe centrale d’Economie et Humanisme pour réaliser le premier diagnostic de l’espace économique lyonnais de l’après-guerre en vue d’un aménagement rationnel et planifié. L’objet du propos ne sera pas, faute de place, de dégager les résultats de ces travaux d’expertise régionale4. Il se limitera à une analyse des réseaux lyonnais mobilisés au sein de la bourgeoisie catholique lors de la création de ces associations pionnières, ainsi qu’à une étude des références scientifiques utilisées pour construire les enquêtes d’aménagement.

  • 5  Denis Pelletier, Economie et Humanisme…, op. cit., p. 95.
  • 6  Denis Pelletier, « Economie et Humanisme dans la région lyonnaise : le catholicisme social en déba (...)

3Le nombre d’équipes locales créées dans la mouvance Economie et Humanisme pour la période 1945-1950 en France est de l’ordre d’une vingtaine. Rarement structurées, elles ont souvent laissé peu de traces de leur activité5. Le dépouillement du fonds Raymond Delprat conservé aux Centre des Archives Contemporaines de Fontainebleau permet cependant de compléter l’article qu’a consacré Denis Pelletier à la place occupée par Economie et Humanisme dans le catholicisme social rhône-alpin6.

Le Bureau Lyonnais d’Analyse et de Conjoncture (BLAC) : une première tentative d’expertise régionale

  • 7  Désormais abrégée « EH » dans la suite de l’article, sauf pour les références bibliographiques.
  • 8  Denis Pelletier, « Economie et Humanisme dans la région lyonnaise… », op. cit., p. 517.
  • 9  Entretien de l’auteur avec Hugues Puel, ancien directeur de la revue Economie et Humanisme, 18 oct (...)

4L’association Economie et Humanisme7 a été fondée à Marseille, mais c’est dans la périphérie lyonnaise que s’installe l’association à l’automne 1943. Il n’y a pas lieu de rappeler ici ce que cette implantation rhodanienne doit aux circonstances8. Aux portes de Lyon, l’équipe centrale d’EH n’a cependant pas investi la ville : le centre fonctionne comme lieu d’accueil des participants aux sessions et comme pied-à-terre pour l’équipe centrale, non comme un ancrage délibéré dans la géographie lyonnaise9. Une équipe resserrée autour de quelques personnalités locales va cependant voir le jour dans cette optique.

Une institutionnalisation semblable à d’autres laboratoires d’enquêtes

  • 10  Centre des Archives Contemporaines (CAC), fonds Raymond Delprat, 87 AS 16, compte-rendu manuscrit (...)
  • 11  Comme l’Institut Marseillais de statistiques, d’analyse et de conjoncture (IMSAC) ou la Société po (...)

5Si un premier projet de fondation est évoqué en novembre 1946, les statuts d’une équipe lyonnaise d’EH sont déposés le 5 mars 194710. Le BLAC comporte plusieurs similitudes avec des équipes EH qui s’institutionnalisent au même moment dans d’autres villes françaises11.

  • 12  Denis Pelletier, Economie et Humanisme…, op. cit., p. 93.

6Le BLAC partage d’abord avec plusieurs de ses homologues provinciales une même origine. En mars 1945, le Père Lebret et l’industriel stéphanois Jean Queneau rencontrent le ministre de la Reconstruction Raoul Dautry, afin de le convaincre de la nécessité d’enquêtes sur l’état du logement. Raoul Dautry accepte et passe une commande à EH en juin 1945 pour une enquête sur le logement dans quatre villes françaises : Saint-Etienne, Nantes, Marseille et Lyon12. L’enquête présuppose la constitution de laboratoires d’enquêtes stables et identifiés, d’où la transformation des équipes locales en sociétés civiles. Pour EH, ce passage à une forme plus institutionnelle a aussi pour fonction de pénétrer le tissu militant local, notamment les mouvements d’action catholique spécialisée ou le syndicalisme, avec la volonté de perpétuer l’activité après la réalisation de ce premier travail.

  • 13  Idem, p. 93-96. Voir aussi Un humaniste engagé dans son siècle. Jean Queneau (1909-1996), plaquett (...)

7En outre, comme pour les équipes des villes citées, le BLAC est très majoritairement financé par Jean Queneau. Fondateur de la SAGMA stéphanoise et figure centrale des débuts d’EH à Ecully, ce polytechnicien né en 1909, ingénieur à la Compagnie Nationale du Rhône, se met en contact avec le Père Lebret dès 1942 et fait appel à ses relations dans le patronat chrétien pour appuyer les débuts du mouvement. Patron réformateur, il fédère et finance les quatre sociétés civiles dans le « Groupe SAGMA » dont il est la cheville ouvrière13.

8Le dernier point commun avec les autres laboratoires du groupe SAGMA est logiquement l’objectif que s’assigne le Bureau lyonnais. Son objet est

  • 14  CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, statuts de la Société civile BLAC, 5 mars 1947, articles 1 et 5.

« d’étudier par des enquêtes et par tous autres moyens d’investigations appropriés, les réalités humaines, économiques et sociales, dans leur complexité actuelle principalement dans la région lyonnaise », et « d’effectuer elle-même en collaboration avec les entreprises et organismes intéressés qui en feraient la demande toutes études de réorganisation de leurs services, en prenant pour règle de conduite de toujours tendre à l’amélioration des conditions humaines de vie et l’accroissement du bien commun »14.

9Le BLAC se définit donc avant tout comme un organisme d’expertise : face à la complexité du réel, seuls les moyens appropriés et innovants dont il se dote (diagrammes et procédés mécanographiques issus de la méthode Lebret) peuvent apporter des informations fiables et complètes, lesquelles seront ensuite précisément analysées. Autre point fondamental des statuts : le BLAC se propose d’être une société de service auprès d’organismes publics ou privés. Le Bureau ne trouve par conséquent sa raison d’être que dans le partenariat permanent et dans la recherche de nouvelles collaborations avec des entités qui souhaitent se réformer dans l’élan de modernisation qui touche les structures étatiques françaises pendant la Reconstruction. Enfin, l’élaboration d’une « économie humaine » qui viendrait renouveler la doctrine sociale de l’Eglise transparaît ici dans le projet d’« amélioration des conditions humaines de vie » et dans le souci du « bien commun ».

Portrait de groupe des fondateurs du BLAC

  • 15  Denis Pelletier, Economie et Humanisme…, op. cit., p. 84, 332-333, 338-340.
  • 16  CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, procès-verbal de la réunion constitutive du BLAC, 12 novembre 1946.

10Le BLAC a été fondé par une dizaine de personnes physiques ou morales. Outre Jean Queneau et Raymond Delprat bien identifiés par la thèse de Denis Pelletier15, quelques personnalités se détachent de la documentation. Yves Strauss, licencié en sciences, est un membre actif du Bureau. Son domicile tient lieu de siège pour le BLAC, au 9 rue Mulet, dans le 1er arrondissement de Lyon. Il participe à hauteur de 15 % au capital de départ, ce qui représente la plus forte somme investie si l’on excepte la SAGMA de Jean Queneau. Il se charge de l’organisation comptable du Bureau, mais il prévoit de s’installer à Paris dès octobre 1947, soit seulement sept mois après la création du BLAC. Il a participé à l’enquête MRU sur le logement à Lyon ainsi qu’aux activités d’un autre organisme d’analyse et de statistique lié à EH, le Centre National d’Etudes Rurales (CNER), pour lequel il réalise un travail de mécanographie. Avec Raymond Delprat, il est le représentant d’EH lors de la réunion constitutive du BLAC16.

  • 17  Parmi d’autres : « Méthodologie et Géographie des investissements », in Idées et Forces (publicati (...)
  • 18  De précieux éléments de biographie dans Denis Pelletier, Economie et Humanisme…, op. cit., p. 154- (...)
  • 19  Archives de l’Archevêché de Lyon, fonds Gerlier, 11.II.182.
  • 20  CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, compte rendu de la réunion BLAC du 8 juillet 1947.

11Jean Labasse (1918-2003) apparaît dans le texte des statuts du BLAC comme fondé de pouvoir de banque (chez Neuflize, Schlumberger & Co). Né à Lyon, il a rencontré le Père Lebret dès 1942 par l’intermédiaire de Jean Queneau. Il est l’auteur de nombreux articles de géographie humaine dans les revues publiées par EH17. Il soutient en décembre 1953 une thèse de géographie économique intitulée Les capitaux et la région, étude géographique. Essai sur le commerce et la circulation des capitaux dans la région lyonnaise, qui rejoint les préoccupations d’aménagement régional de l’association18. Autre figure : l’architecte Jean Pila (1911-1984), qui s’emploie après-guerre à créer en accord avec le Cardinal Gerlier un Comité Lyonnais d’Aide au Logement (CLAL)19. A la tête de l’Association des Castors du Rhône, il est également l’organisateur de Journées d’études internationales sur l’Habitat les 18-20 octobre 1947 auxquelles il associe le BLAC20.

  • 21  Orthographié également « Charroud » dans les documents consultés.
  • 22  CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, procès-verbal de la réunion constitutive du BLAC, 12 novembre 1946.
  • 23  Denis Pelletier, Economie et Humanisme…, op. cit., p. 50.

12Parmi les fondateurs et membres actifs du BLAC figure encore Albert Basset, adjoint à la Mairie centrale de Lyon. L’industriel Arsène Bérod, à la tête de la Société centrale des Ecrus, tente d’associer un groupe de soyeux aux travaux du BLAC dans son quartier d’Ainay, haut lieu du catholicisme lyonnais. Antonin Charroux21 a quant à lui porté l’enquête MRU sur le logement à Lyon. C’est à son domicile que se tient la réunion constitutive du BLAC en novembre 1946, dans laquelle il représente la SAGMA aux côtés de Jean Queneau22. Le Villeurbannais Louis Naillod, métallurgiste, membre d’Economie et Humanisme dès 1944 et secrétaire de la CFTC locale est un ancien résistant. Il est le co-auteur avec Joseph Folliet (1903-1972) et le Père Lebret d’un « Manifeste des comités catholiques d’étude et d’action » rédigé les 6-11 septembre 1944 au moment de la Libération de Lyon23. La participation de Joseph Folliet à la fondation du BLAC est intéressante mais symbolique : le directeur de la Chronique sociale de France et du Secrétariat social du Sud-Est et vice-président des Semaines sociales n’est jamais cité dans les initiatives de la société et il est le plus faible souscripteur de la société civile (apport de 0,3 % du capital de départ). Sa présence apparaît plutôt comme une volonté de contrôler les activités du BLAC, concurrent direct de la Chronique sociale sur la place de Lyon.

13Ce portrait de groupe témoigne de la place importante occupée par des représentants du tissu économique local. Il est en outre remarquable que la quasi-totalité des fondateurs est déjà impliquée, avant la création du BLAC, dans des réseaux de sociabilité catholique ou dans des organismes de réformisme social ou politique.

Les raisons d’un échec

  • 24  Ibid., p. 94 et 290.

14Pourtant, après quelques mois d’existence, le BLAC disparaît. Le fonds Delprat ne comporte aucun document sur le Bureau lyonnais au-delà de juillet 1947. Denis Pelletier parle d’un organisme « éphémère » et constate que les années 1950 voient plusieurs laboratoires décliner : le « groupe SAGMA » dont fait partie juridiquement le BLAC est « pratiquement dissous » en décembre 195024. Pourtant, certains organismes comme l’IMSAC continuent d’exister en gagnant leur autonomie. Comment dès lors rendre compte de l’extinction du Bureau lyonnais dès la fin des années 1940 ?

  • 25  CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, « note sur la formation d’un Bureau lyonnais de statistique, d’analy (...)
  • 26  CAC, fonds Delprat, 87 AS 6-12, pochette « Jean Queneau », lettre de L.J. Lebret à J. Queneau, 19 (...)
  • 27  CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, statuts de la Société civile BLAC, 5 mars 1947.

15Plusieurs facteurs expliquent cette mise en sommeil précoce. Une première ambiguïté naît du rôle qu’entend jouer la SAGMA de Jean Queneau au sein de l’organisme lyonnais. En détenant la majorité des parts, Jean Queneau est le réel maître d’œuvre du BLAC. D’autant que la SAGMA est explicitement désignée comme la société chargée de l’exploitation de la méthode EH au sein du BLAC25. Pourtant, la position dominante de Queneau se heurte aux ambitions du jeune enquêteur Yves Strauss. Alors que le Père Lebret conseille à Queneau de trouver un responsable de taille suffisante – car « Lyon sans chef ne fonctionnera pas »26 – c’est Yves Strauss qui devient juridiquement le seul gérant du BLAC27. Les relations entre les deux hommes se dégradent. Lors d’un tour de table en mai 1947 pour décider des perspectives de la société, Jean Queneau dresse un véritable réquisitoire à l’encontre de Strauss :

« sa jeunesse le dessert ; pas de liaison BLAC et EH ; manque d’appuis techniques ; trop peu de quantité de production ; a) proximité équipe centrale : allure très personnelle ; b) climat de dispersion ; c) parler de déficit comme d’une plaisanterie ».

  • 28  CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, réunion BLAC du 23 mai 1947.

16Henri Desroches, présent à cette réunion houleuse, ne récuse pas le fond de ces accusations, tout en relativisant cet « antagonisme un peu psychologique »28.

  • 29  Hypothèse confirmée par les auteurs de l’enquête EH Lyon et sa région (voir infra).
  • 30  CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, « note sur la formation d’un Bureau lyonnais de statistique, d’analy (...)
  • 31 CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, compte-rendu manuscrit de la réunion du BLAC du 23 mai 1947.
  • 32  Financée en partie, il est vrai, par J. Queneau, mais plus solidement implantée (Denis Pelletier, (...)

17La crise que connaît le BLAC tient aussi sans doute à des demandes encore limitées d’enquêtes en 1946-1947. La survie du laboratoire dépend en effet des études que lui passent des organismes publics ou privés, notamment locaux et régionaux. Or, les membres du BLAC déplorent à plusieurs reprises le manque de commandes et de travaux29. Ainsi, Antonin Charroux s’est vu confier d’autres tâches par EH faute de travail sur Lyon après l’enquête MRU sur le logement. Jean Queneau regrette que la CFTC n’ait pas d’argent à engager pour des enquêtes. Le soutien moral de divers mouvements politiques ou sociaux comme le MRP et le Mouvement Populaire des Familles n’est pas suffisant30. Ce déficit de commandes conduit à des difficultés financières. Yves Strauss estime que les premiers contrats signés (enquêtes sur les coopératives de consommation et sur les loyers dans l’agglomération) doivent permettre de « tenir »… en attendant que la SAGMA reconnaisse ses dettes envers le BLAC pour le travail entrepris, et renfloue les caisses du Bureau lyonnais31 ! Pour Jean Queneau qui ne partage sans doute pas cette vision des choses, Lyon pourrait être aidée par « Marseille », c’est-à-dire l’IMSAC du Père Jacques Loew et de l’ingénieur Jean Dubruel32.

18L’équipe centrale d’EH confirme quant à elle que l’environnement économique et politique n’est pas propice à ce type d’études,

  • 33  Comité pour l’aménagement et l’expansion économique de la région lyonnaise, Lyon et sa région. Ana (...)

« un bon nombre des interviews pratiqués [sic] n’ayant pas apporté de données assez complètes ou assez précises et les documents récents plus ou moins élaborés faisant, contrairement à notre attente, presque complètement défaut. De ce double point de vue, et si paradoxal que cela puisse sembler, nous avons rencontré beaucoup plus de difficultés pour l’étude de la région lyonnaise que pour l’étude analogue que notre groupe effectue dans le même temps sur la demande de la Commission des Bassins du Parana et de l’Uruguay, au Brésil »33.

  • 34  Idem.
  • 35  CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, « note sur la formation d’un Bureau lyonnais de statistique, d’analy (...)

19Cette absence de collaboration des principaux intéressés – patronat local, Chambre de commerce, syndicats, services de l’Etat – n’est pas seulement conjoncturelle, dans une période où il peut être préférable de faire oublier un passé récent. Des explications d’ordre structurel, qui ne sont pas propres au terrain lyonnais, sont proposées : une tradition française du secret administratif, industriel et commercial ; l’absence de communication entre services publics ou privés sur des sujets pourtant proches ou similaires ; la nouveauté d’études synthétiques sur des notions encore peu connues d’aménagement et de mise en valeur ; le manque d’adéquation spatiale entre régions administratives et régions étudiées34. Il faut ajouter à ces difficultés l’ambiguïté originelle de l’équipe lyonnaise : un laboratoire EH doit-il et peut-il exister entre Saône et Rhône, alors que la direction centrale réside dans la banlieue lyonnaise ? La réunion constitutive du BLAC de novembre 1946 prévoyait en effet que le responsable sur le plan juridique du futur organisme serait un conseiller technique du Bureau d’Etude de la Tourette35. Sans doute le poids d’organismes déjà solidement implantés à Lyon a-t-il également joué. La Chronique sociale peut y voir un concurrent, et plusieurs mouvements comprenant de nombreux catholiques dans leurs rangs existent déjà à Lyon. La tentative avortée du BLAC n’est pourtant pas sans lendemain : un bon nombre de personnalités et d’intuitions du Bureau lyonnais vont être à nouveau mobilisées quelques années plus tard dans un nouvel organisme d’aménagement du territoire, et ce à la faveur d’une double conjoncture.

La naissance d’un Comité pour l’aménagement et l’expansion économique de la région lyonnaise

20La crise que traverse le mouvement du Père Lebret au tournant des années 1940-1950 conduit en effet celui-ci à approfondir la problématique de l’aménagement du territoire alors en voie d’institutionnalisation en France. Cette fois, les élites économiques locales et régionales se saisissent des projets de modernisation et sollicitent l’expérience des enquêteurs d’EH.

Un tournant en 1950 : un double contexte favorable

  • 36  Denis Pelletier, Economie et Humanisme…, op. cit., chapitres VII-IX.

21A partir de 1950 en effet, la confrontation entre le marxisme et la doctrine sociale de l’Eglise donne lieu à des repositionnements au sein du mouvement. La période qui suit cette crise est marquée par l’orientation des équipes locales vers des problématiques spatiales, moins exposées sur le plan politique. La naissance d’un tiers-mondisme spécifique s’appuiera désormais sur des enquêtes dans lesquelles l’aménagement du territoire devient un sujet d’étude privilégié36.

  • 37  Jacques Gauducheau, « Logement et urbanisme. Tendances 1950-1951 », dans Le Diagnostic économique (...)

22Au même moment, des comités locaux d’aménagement apparaissent dans un contexte national marqué par les débuts de la planification, qui trouve un large consensus dans les diverses familles politiques. Le livre publié en 1947 du géographe – passé au Plan – Jean-François Gravier, Paris et le désert français, a par ailleurs directement inspiré le thème de l’aménagement du territoire dans les projets gouvernementaux. La thèse est connue : le centralisme hérité de plusieurs siècles de concentration des capitaux, du savoir et du pouvoir dans la capitale, a systématisé le déséquilibre régional. Dès lors, en s’appuyant sur l’initiative des élites locales souvent désireuses de participer à l’effort national de modernisation et de régénération, une déconcentration des activités hors de Paris doit être le prélude d’une véritable décentralisation. L’aménagement du territoire est ainsi l’aboutissement d’utopies volontaristes nées chez les « non-conformistes » des années 1930 et prolongées par Vichy, la Résistance et la Reconstruction. Dans la lignée des travaux de Jean-François Gravier, le ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme Eugène Claudius-Petit crée en 1949 une Direction de l’aménagement du territoire et présente en février 1950 un rapport qui en définit les principaux axes. Une convergence nette se dessine donc de fait au début des années 1950 entre la politique du MRU et les équipes EH autour des problématiques d’aménagement régional. Dès novembre 1950, l’association salue ces perspectives nouvelles dans sa revue Le Diagnostic économique et social37. Une session organisée à Lyon avant même la session d’élaboration est révélatrice de ce tournant de la vie de l’association en phase avec les projets gouvernementaux du moment.

Deux sessions d’études EH consacrées à l’aménagement du territoire

  • 38 « Economie et Humanité [sic]. Session d'Etudes pour la région lyonnaise », Semaine religieuse du di (...)
  • 39  Idem.

23Une session spécifique pour la région lyonnaise est organisée les 8-9 mars 1952, qu’annonce notamment le bulletin diocésain38. Les rencontres ont lieu à la Maison des Etudiants catholiques, au 6 quai Claude Bernard. Bien que nombre de sujets abordés portent sans surprise sur des thématiques inspirées du marxisme ou sur l’organisation des équipes, l’aménagement du territoire, et en particulier le territoire de la ville, fait son apparition dans les exposés et les discussions qui les suivent. Ainsi, un atelier sur « l’expérience communautaire de Clair Logis et des Castors » invite à réfléchir sur l’habitat urbain, les insuffisances de la Reconstruction en matière de logement et l’engagement chrétien dans la ville en train de se construire. De même, animée par Jean Labasse, toute la veillée du samedi est consacrée à la « situation économique et sociale de la région lyonnaise ». On y parle échelles d’intervention: le niveau local est le lieu d’un partage d’expériences autour de la construction d’un quartier « castor » ; à l’échelle régionale, Lyon organise son espace environnant en le polarisant39.

  • 40  Textes des intervenants et comptes-rendus dans Aménagement du territoire, numéro spécial de la rev (...)
  • 41  Robert Caillot, « Les unités territoriales d’aménagement », Economie et Humanisme, 79, mai –juin 1 (...)

24Quelques mois plus tard, une « session d’élaboration » à la Tourette est consacrée à cette question les 22-28 septembre 195240. Celle-ci rencontre un vif succès en réunissant près de quatre-vingts participants, sous la présidence du ministre Claudius-Petit lors de la dernière séance. L’aménagement du territoire tel qu’il est pensé par le Père Lebret et ses collaborateurs doit trouver sa voie entre l’anarchie impuissante des tentatives micro-locales et l’interventionnisme destructeur des technocraties centralisées et ignorantes des réalités du terrain. L’aménagement du territoire est pensé comme le contraire d’une croissance urbaine anarchique ; il en est même la solution thérapeutique, qui empêche l’urbanisation de faire dégénérer les acquis d’une civilisation. La ville peut soigner la ville, à condition d’avoir prise sur les leviers qui régissent son développement41.

Un nouvel organisme d’expertise en continuité avec le BLAC

  • 42  L’association est officiellement déclarée à la préfecture du Rhône le 19 août 1952 (Journal offici (...)
  • 43  Rachel Linossier, La territorialisation…., op. cit., deuxième partie, section 2 « La place du syst (...)

25En juillet 1952 est créé le Comité pour l’Aménagement du Territoire de la Région lyonnaise sous le régime de la loi 190142. Cet organisme est fondé à l’initiative de trois représentants du grand patronat, membres du Groupement Interprofessionnel Lyonnais (GIL) et de la Chambre de Commerce de Lyon. Le Comité entend remplir un double rôle. Il permet aux acteurs économiques locaux de participer au système de régulation et de planification mis en place par l’Etat. Il leur donne aussi une légitimité et une crédibilité auprès des services des ministères comme auprès des pouvoirs publics locaux43.

  • 44  Le Comité lyonnais n’apparaît pas dans la liste des vingt-et-un organismes du même type existant d (...)

26On peut considérer cette création comme tardive si on la replace dans le mouvement de création des comités d’aménagement locaux recensés en France par René Bride44. Mais les éléments de continuité avec le BLAC sont frappants. Le Comité se donne pour tâche de travailler en collaboration avec les autres partenaires privés ou publics en tant que

  • 45  Institut d’Urbanisme de Lyon (IUL), fonds Jean Labasse, procès-verbal de l’assemblée générale extr (...)

« société d’études (…) au service des entreprises, des professions, des pouvoirs publics », afin « d’harmoniser le plan d’équipement et le plan d’aménagement, afin de réaliser un développement rationnel de toutes les activités »45.

  • 46  IUL, fonds Labasse, rapport d’activité du Conseil d’administration du Comité pour l’année 1956, 29 (...)

27Rassembler la documentation existante sur les problèmes locaux et régionaux d’intérêt général, organiser des enquêtes, associer à ces travaux des représentants qualifiés, issus aussi bien des instances régionales que des organismes parisiens : les objectifs affichés expriment clairement la volonté de constituer un organe d’expertise et recoupent de façon très nette les perspectives du BLAC46.

  • 47  Idem.
  • 48  C’est ce que laisse penser entre les lignes l’article de René Bride sur le travail de ces comités (...)

28Deuxième élément de continuité : le Comité se pense comme un point de ralliement, voire un creuset propice à la réflexion. Elites économiques locales et régionales de la banque, de l’industrie et du commerce, ingénieurs, directeurs régionaux de services de l’Etat, représentants du monde de l’agriculture et de l’artisanat, responsables des centrales syndicales, membres de l’Université : l’ouverture vers les « forces vives » de la nation dans toute leur diversité se lit dans les listes des membres du Conseil d’administration et des commissions. Mais cette fois, contrairement au cas du BLAC, la greffe sur la bourgeoisie locale et régionale a pris remarquablement : pendant l’année 1956, une centaine de personnes est active au sein des groupes de travail47. La frontière est d’ailleurs parfois ténue entre la défense d’intérêts privés d’une part, et le travail engagé au nom du bien commun et condamnant toute allégeance à un quelconque pouvoir d’autre part48. En tout état de cause, les points communs sont nombreux avec le BLAC, parmi lesquels : la production d’analyses au service de la vie économique de la région lyonnaise, la mise en place d’une politique de partenariat systématique avec les autres instances du développement économique local, les efforts de constitution d’une documentation éparse pour en faire un outil de pilotage, ou l’attention portée au territoire sur lequel se déploient les activités. Cette continuité existe également dans le personnel des commissions du nouvel organisme.

La place des catholiques au sein du Comité d’expansion économique et d’aménagement de la région lyonnaise

  • 49  Le cas de Jean Labasse fait l’objet d’un paragraphe particulier dans cet article (voir infra)
  • 50  IUL, fonds Labasse, procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire du Comité pour l’aménagement d (...)
  • 51  Archives de l’Archevêché de Lyon, fonds Gerlier, 11.II.177, rapport intitulé « Situation de l’ACO (...)
  • 52  IUL, fonds Labasse, Procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire du Comité pour l’aménagement d (...)
  • 53  La famille Ancel descend de Gustave Ancel, gendre de l’industriel Joseph Gillet (Catherine Pelliss (...)
  • 54  Comité pour l’aménagement et l’expansion économique de la région lyonnaise, L’aménagement…, op. ci (...)
  • 55  Michel Laferrère (né en 1924) a soutenu sa thèse en 1959, qui est publiée en 1960 aux PUF sous le (...)

29Plusieurs « anciens » d’EH (équipe centrale ou BLAC) ont rejoint les rangs du Comité49. Jean Pila apparaît dans le Comité en tant qu’administrateur de sociétés et membre du Cabinet immobilier Pila-Bérard. Le Père Lebret siège au Conseil d’administration, de mars 1955 à mars 1957 au moins, tout comme le directeur du Crédit lyonnais, Xavier d’Hauthuille, membre du MLAL ; cet ami de Jean Labasse préside à la même période le groupe d’études « Pierre-Bénite » pour la construction d’un barrage sur le Rhône en partenariat avec les services du Plan50. D’autres catholiques viennent grossir les rangs du Comité. Le syndicaliste CFTC Antoine Chol, membre d’un bureau d’études chez le chimiste Rhodiaceta et actif dans le mouvement castor de Tassin, a été élu au Bureau du Comité peu après sa fondation en tant que secrétaire. Membre de l’Action Catholique Ouvrière (ACO) de Vaise, remarqué à l’Archevêché pour son « ouverture » et son « grand esprit chrétien »51, il est également membre de l’équipe dirigeante du Comité régional d’expansion économique du Centre-Sud-Est, émanation du Comité lyonnais52. Il y côtoie Ancel, directeur de la société de teinturerie Vulliod-Ancel et parent d’Alfred Ancel (1898-1984), l’évêque auxiliaire de Lyon depuis 194753. Le duo Ancel-Chol travaille également en mars 1957 dans la commission « Conjoncture », aux côtés notamment de Xavier d’Hauthuille, du syndicaliste CFTC Mandel et de Gilbert Blardone, professeur d’économie politique aux Facultés catholiques de Lyon et membre actif de la Chronique sociale. Il faut noter aussi pour l’année 1957 la présence de Jean Labbens, professeur à l’Institut de sociologie aux Facultés catholiques de Lyon et spécialiste de sociologie religieuse54. Michel Laferrère est également une des figures marquantes du Comité des années 1950. Cet agrégé de géographie, militant à la Jeunesse Etudiante Chrétienne (JEC), prépare une thèse sur la vocation industrielle de Lyon lorsqu’il est appelé au Comité à la demande de Jean Labasse. Il en devient Secrétaire général de 1954 à 1958. Dans ses travaux de doctorat, Michel Laferrère montre à quel point la ville a été construite par les activités industrielles, dans ses dimensions et dans l’organisation de son espace55. Son directeur de thèse est André Gibert, qui occupe lui aussi des responsabilités importantes au sein du Comité. Ce professeur de géographie à la Faculté de Lettres de Lyon a été un élève de l’école de géographie de Grenoble. Raoul Blanchard l’a formé au travail de terrain et au recours systématique à la carte comme outil fondamental de la géographie. Les géographes Laferrère et Gibert mettent par conséquent leurs compétences au service du travail du Comité.

L’appel à Economie et Humanisme : pour une géographie « volontaire »

30Une des premières tâches que s’est fixées le Comité a été de faire dresser un inventaire des ressources économiques, démographiques et territoriales disponibles dans la région lyonnaise :

  • 56  André Gibert, « Un recueil sur l'aménagement du territoire dans la région lyonnaise », in Revue de (...)

« Le Comité pour l'Aménagement du territoire dans la région lyonnaise constitué en 1952 avait dès son début estimé indispensable de posséder au plus vite un instrument de connaissance suffisamment précis du territoire dont il voulait s'occuper. Il s'adressa à l'équipe centrale des techniciens d'EH et lui demanda d'appliquer à cet objet la méthode d'enquêtes et d'analyse sociales mises au point par L.J. Lebret »56.

  • 57  Robert Caillot fait partie de l’équipe dirigeante de l’association. Né en 1915 à Beaune (Côte d’Or (...)
  • 58  Lyon et sa région, avant-propos, p. 5.
  • 59  Lyon et sa région, p. 12-13.

31L’enquête et son analyse, co-dirigées par le Père Lebret et Robert Caillot57, sont publiées sous le titre Lyon et sa région. Pourquoi cette enquête ? Les auteurs de l’ouvrage Lyon et sa région se proposent de ne pas s’en tenir aux seuls critères scientifiques de la géographie universitaire. L’analyse doit aussi, par une information exacte, « guider une action constructive en vue de la mise en valeur d’une vaste région »58. La revendication d’une « géographie appliquée » par l’équipe EH s’appuie sur une terminologie précise, qui s’approprie des notions de géographie universitaire pour en faire des outils de l’« économie humaine ». L’enjeu notionnel tourne autour de deux expressions apparemment synonymes : mise en valeur et développement. La première est critiquée par les auteurs : jugée trop matérialiste, elle ne rend compte que des équipements économiques, en prise plus ou moins directe avec la production. Elle ne retient pas les aspects culturels ou sanitaires des populations. De façon plus complète, le développement désigne le progrès cohérent et harmonisé, qui intègre toutes les facettes d’une civilisation. Concept dynamique parce qu’indicateur de l’accroissement des inégalités à toutes les échelles, il se place dans les perspectives de l’« économie humaine » car il met au cœur de l’action « l’utilisation optima des ressources et l’élévation humaine des populations ». Dès lors, l’aménagement est conçu comme la traduction spatiale d’un développement volontariste. Il suppose en amont une analyse rationnelle de la région étudiée ainsi qu’un échéancier qui ne se limite pas à une planification avec des objectifs seulement économiques59.

  • 60  Voir son ouvrage publié en 1960 Géographie et action. Introduction à la géographie appliquée, Pari (...)
  • 61  André Meynier, Histoire de la pensée géographique en France, Paris, PUF, p. 185-188. Voir aussi G. (...)

32Cette approche est comparable à d’autres démarches nées dans les régions françaises au même moment. C’est le cas notamment des perspectives adoptées par le géographe Michel Philipponneau à Rennes. Cet enseignant-chercheur est un des pionniers de cette géographie volontariste qui se veut au carrefour de plusieurs disciplines, notamment la sociologie et la démographie60. Surtout, le Comité reconnaît sa dette à l’égard d’expériences nées dans la mouvance d’EH, à Reims et à Metz. Ces orientations demeurent cependant assez isolées dans le paysage académique au tournant des années 1940-1950. La « géographie volontaire » suscite bien des réticences dans le milieu universitaire français qui la soupçonne de promouvoir une discipline normative, perdant sa spécificité dans la rencontre avec d’autres sciences sociales et surtout, de façon paradoxale, se compromettant dans des intérêts financiers bien éloignés du désintéressement supposé des chercheurs61.

Le rôle de Jean Labasse

  • 62  IUL, fonds Labasse, « bilan mensuel d’activité du Comité », mai 1955.
  • 63  Lyon et sa région, op.cit., p. 5-6 et 288.

33Si Jean Labasse n’est pas directement à l’origine de ce Comité, il en a cependant fortement orienté les travaux. C’est lui qui assure la continuité entre le BLAC et le nouvel organisme. Il siège au Conseil d’administration du Comité en mars 1955 et en devient le Secrétaire deux mois plus tard62. Mais c’est avant tout l’apport scientifique de Jean Labasse qui apparaît comme décisif dans l’histoire du Comité et dans celle des débuts de l’aménagement du territoire à Lyon. Le géographe est cité aux côtés de Michel Laferrère dans la bibliographie de l’enquête lyonnaise d’EH de 1955, pour leurs indications et conseils « particulièrement précieux »63. En particulier, une des priorités méthodologiques de l’équipe du Comité est de dégager les limites du rayonnement de l’agglomération. Or, c’est la thèse de Jean Labasse qui est mobilisée pour établir ce cadre à la fois géographique et économique.

  • 64  André Allix, « Préface », in Jean Labasse, Les capitaux et la région. Etude géographique. Essai su (...)
  • 65  Roger Cheyrouze, Le crédit en U.R.S.S., Etude publiée par la Société d’information économique, tec (...)
  • 66  Jean Labasse, Les capitaux…, op. cit., p. 1-6.
  • 67  Jean Labasse rappelle à ce sujet le mot de Paul Vidal de la Blache en 1910, décrivant la région ly (...)
  • 68  Jean Gottmann (1915-1994), d’abord disciple d’Albert Demangeon à la Sorbonne, a fait une carrière (...)
  • 69  Jean Labasse, Les capitaux…, op.cit., chap. XI, p. 379-380.
  • 70  Lyon et sa région, op.cit., p. 23.

34Il faut en effet revenir sur ce travail pour en comprendre la portée dans le milieu aménageur lyonnais. La démarche de ce « banquier-géographe » est originale au début des années 1950 et ne correspond pas pour certains universitaires aux canons de la discipline. Le recteur de l’Université de Lyon André Allix commence la préface de la thèse publiée par ces mots : « En quoi, demandait-on à l’auteur de ce livre, en quoi donc est-ce de la géographie ? »64. Au centre du débat : la notion de « circulation », autour de laquelle Jean Labasse articule son projet. L’auteur revendique une filiation avec les travaux contemporains de Roger Cheyrouze et de Charles Bettelheim sur l’économie de l’URSS, qui montrent que les banques soviétiques sont constituées en réseaux spécialisés en vue de répondre à l’ampleur des échanges et aux besoins en crédit65. Le plan de la thèse découle de cette intuition qui fait de la mobilité des capitaux un élément structurant de la formation d’une région. Une première partie est consacrée au commerce des capitaux, dans laquelle Jean Labasse analyse de façon très fine la façon dont les banques se sont implantées sur un territoire donné, dans l’espace rural comme dans l’espace urbain, en partant du postulat que cet équipement moderne interagit avec les « genres de vie » régionaux. Puis il montre en seconde partie selon quelle géographie fonctionnelle ces capitaux circulent, en mobilisant les notions d’ « investissement », de « courants d’affaires » et de « rythmes régionaux ». Jean Labasse part d’un constat qui recoupe celui du Comité : l’expression « région lyonnaise » présente le désavantage de ne recouvrir aucune unité physique, ni historique. Les seuls points d’appui possibles, qui constituent les principes d’organisation de cet espace, résident dans la « confluence plusieurs fois répétée de pays différents », et dans « la présence d’un grand centre urbain qui anime des fonctions économiques complémentaires »66 : carrefour d’influences marqué par une urbanisation forte et ancienne, cette région se laisse donc difficilement délimiter67. Cet obstacle va obliger le jeune chercheur à croiser la notion de circulation avec celle de consommation, comme l’a proposé avant lui le géographe Jean Gottmann : le principe d’unité des régions réside non pas dans les productions spécialisées, mais dans la consommation des produits, techniques et services, y compris les capitaux68. C’est vers des cartes éditées par de grands établissements bancaires de crédit que se porte dès lors l’intérêt de Labasse. En s’appuyant en outre sur des données que lui fournit l’administration des PTT à Lyon, il construit une carte de « l’orientation du trafic téléphonique au départ des centres urbains », qui couvre à ses yeux « l’intégralité des relations humaines et répond pleinement aux exigences objectives et quantitatives d’une analyse en profondeur »69. Dans le chapitre I de l’enquête Lyon et sa région, c’est ce critère qui est repris pour délimiter la « grande région lyonnaise » avec un renvoi explicite à la thèse70. La démarche de Jean Labasse s’inscrit donc aussi dans les travaux contemporains du géographe Pierre George, pour lequel les données naturelles ne sont pas déterminantes, à l’inverse des faits humains et sociaux. C’est Lyon qui aurait forgé sa région et non la région qui se serait donnée une capitale : la ville, pour le cas lyonnais, aurait suppléé le manque d’unité physique et historique.

  • 71  Jean Labasse, « Géographie et humanisme. A propos du livre de M.L. Le Lannou La géographie humaine(...)

35Jean Labasse apporte aussi sa très bonne connaissance des travaux universitaires au sein du Comité. Il applique à l’agglomération lyonnaise les travaux de Jean Fourastié et de Colin Clark sur la répartition des activités économiques en « secteurs ». D’une façon générale, Jean Labasse prône une géographie humaine qui serait science de « l’homme-habitant » (Le Lannou), dans laquelle la contingence, la complexité et le sens du relatif auraient remplacé le déterminisme et les causalités strictes. Dans deux articles de 1950 et 1953, le jeune géographe explique la portée scientifique et politique d’un tel positionnement théorique. Accorder toute sa place à l’infrastructure faite d’« observation de la vie » au sein d’un « milieu géographique » donné, va à l’encontre, d’après Labasse, de l’économie politique classique. Celle-ci lui paraît désincarnée, formelle et typique des nations occidentales sclérosées. Empreinte de conventionnalisme mondain, elle serait l’objet de vénération de la bourgeoisie technocratique et d’affaires. La géographie humaine apparaîtrait par conséquent comme une entreprise de régénération de l’économie politique en même temps qu’une contribution à une réforme des élites. Ce souci du réel et de la vitalité de l’économie régionale conduit Labasse à s’inscrire dans une vision organiciste de la géographie humaine, avec de forts accents bergsoniens : la ville et son espace environnant doivent être décrites « par le contact organique avec les forces vivantes », pour aboutir à « la notion dynamique d’un équilibre contrôlé, avec toutes les réactions d’un organisme vivant »71. Il rejoint en cela une fois encore la doctrine de l’« économie humaine » d’EH, et notamment les conceptions urbanistiques de Gaston Bardet. L’idée s’impose que c’est autour de la ville que se structure la vie de relations dans les sociétés modernes. C’est autour d’elles que se dessinent des aires d’influence dont il faut comprendre le sens.

36Il faudrait multiplier les études régionales pour évaluer la portée de ces travaux d’expertise menés à Lyon dans la mouvance d’équipes EH. Il est toutefois possible d’en tirer d’ores et déjà quelques éléments qui justifient et nourrissent un rapprochement de l’histoire religieuse et de l’histoire urbaine. D’abord, il faut noter l’appui massif accordé au Comité pour l’aménagement du territoire de la région lyonnaise par les élites lyonnaises, et en particulier par la grande bourgeoisie d’affaires catholique. Cet organisme n’est pas et ne s’est jamais voulu confessionnel. Le projet des fondateurs est de rassembler toutes les bonnes volontés – à condition qu’elles soient compétentes – autour de l’aménagement régional. Il est frappant de constater cependant que de nombreux catholiques sont membres de l’équipe dirigeante et plusieurs d’entre eux animent les commissions de travail dont ils avaient eu l’intuition au sein du BLAC. D’autre part, une des caractéristiques majeures de l’expertise pratiquée par les enquêteurs d’EH et par les membres actifs du Comité est sans nul doute la capacité à mobiliser les outils d’analyse les plus récents et les plus adéquats pour produire un discours scientifique sur la ville et sur la région qu’elle polarise. Pionnières dans leur champ d’investigation, les analyses de Jean Gottmann et de Jean Labasse forment le soubassement théorique des premières études d’aménagement du territoire de l’après-guerre à Lyon, tandis que la méthode Lebret en constitue l’armature méthodologique. L’intégration de ces savoirs est rendue possible localement par l’existence d’un milieu d’intellectuels chrétiens formés à la géographie et à la sociologie, qu’il soit universitaires comme André Gibert ou Michel Laferrère, ou membres de l’équipe centrale d’Economie et Humanisme comme Robert Caillot. Preuve de sa modernité, cette volonté d’élaborer des outils neufs de compréhension s’insère dans les débats qui agitent alors la communauté scientifique, en particulier autour des enjeux de la géographie appliquée.

Haut de page

Notes

1  En attendant la thèse de Marie-Clothilde Meillerand (Université Lumière-Lyon 2, sous la direction de Jean-Luc Pinol) portant sur l’histoire de la politique urbaine dans l’agglomération lyonnaise entre 1938 et 1975, voir en particulier la thèse de géographie, aménagement et urbanisme soutenue en 2006 par Rachel Linossier, à l’Université Lumière-Lyon 2 également, sous le titre : La territorialisation de la régulation économique dans l’agglomération lyonnaise (1950-2005). Politiques, acteurs, territoires (sous la direction de Marc Bonneville).

2  Olivier Dard, « La construction progressive d’un discours et d’un milieu aménageur des années trente au milieu des années cinquante », dans Patrice Caro, Olivier Dard et Jean-Claude Daumas (dir.), La politique d’aménagement du territoire : racines, logiques et résultats, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2002, p. 65-77.

3  Denis Pelletier, Economie et Humanisme. De l’utopie communautaire au combat pour le Tiers-Monde, Paris, Cerf, 1996, p. 93-94.

4  Ceux-ci feront l’objet d’un développement particulier dans la thèse de doctorat en cours sur les rapports entre les catholiques et la croissance urbaine dans l’agglomération lyonnaise entre 1945 et 1975 (sous la direction de Denis Pelletier).

5  Denis Pelletier, Economie et Humanisme…, op. cit., p. 95.

6  Denis Pelletier, « Economie et Humanisme dans la région lyonnaise : le catholicisme social en débat », in Jean-Dominique Durand, Bernard Comte, Bernard Delpal, Régis Ladous et Claude Prudhomme (dir.), Cent ans de catholicisme social en Rhône-Alpes. La postérité de Rerum Novarum, Actes du Colloque de Lyon, 18-19 janvier 1991, Paris, Editions Ouvrières, 1992, p. 517-536.

7  Désormais abrégée « EH » dans la suite de l’article, sauf pour les références bibliographiques.

8  Denis Pelletier, « Economie et Humanisme dans la région lyonnaise… », op. cit., p. 517.

9  Entretien de l’auteur avec Hugues Puel, ancien directeur de la revue Economie et Humanisme, 18 octobre 2007.

10  Centre des Archives Contemporaines (CAC), fonds Raymond Delprat, 87 AS 16, compte-rendu manuscrit de la réunion BLAC-SAGMA, 23 mai 1947 ; statuts de la Société civile BLAC, 5 mars 1947. Denis Pelletier parlait de février 1947 (Denis Pelletier, Economie et Humanisme…, op. cit., p. 94).

11  Comme l’Institut Marseillais de statistiques, d’analyse et de conjoncture (IMSAC) ou la Société pour l’Application du Graphisme et de la Mécanographie à l’Analyse (SAGMA) à Saint-Etienne.

12  Denis Pelletier, Economie et Humanisme…, op. cit., p. 93.

13  Idem, p. 93-96. Voir aussi Un humaniste engagé dans son siècle. Jean Queneau (1909-1996), plaquette publiée par la firme industrielle Thuasne (dont Jean Queneau fut le directeur), 1997.

14  CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, statuts de la Société civile BLAC, 5 mars 1947, articles 1 et 5.

15  Denis Pelletier, Economie et Humanisme…, op. cit., p. 84, 332-333, 338-340.

16  CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, procès-verbal de la réunion constitutive du BLAC, 12 novembre 1946.

17  Parmi d’autres : « Méthodologie et Géographie des investissements », in Idées et Forces (publication EH), 3, avril-juin 1949, p. 16-19 ; « Géographie et Humanisme », in Le Diagnostic économique et social (publication EH), 9ème année, 12, février-mars 1950, p. 80-81 ; « La région lyonnaise: relations, contours, vocation », in EH, 82, novembre-décembre 1953, p. 41-47.

18  De précieux éléments de biographie dans Denis Pelletier, Economie et Humanisme…, op. cit., p. 154-155.

19  Archives de l’Archevêché de Lyon, fonds Gerlier, 11.II.182.

20  CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, compte rendu de la réunion BLAC du 8 juillet 1947.

21  Orthographié également « Charroud » dans les documents consultés.

22  CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, procès-verbal de la réunion constitutive du BLAC, 12 novembre 1946.

23  Denis Pelletier, Economie et Humanisme…, op. cit., p. 50.

24  Ibid., p. 94 et 290.

25  CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, « note sur la formation d’un Bureau lyonnais de statistique, d’analyse, de conjoncture et de documentation », sans date. 

26  CAC, fonds Delprat, 87 AS 6-12, pochette « Jean Queneau », lettre de L.J. Lebret à J. Queneau, 19 novembre 1945.

27  CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, statuts de la Société civile BLAC, 5 mars 1947.

28  CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, réunion BLAC du 23 mai 1947.

29  Hypothèse confirmée par les auteurs de l’enquête EH Lyon et sa région (voir infra).

30  CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, « note sur la formation d’un Bureau lyonnais de statistique, d’analyse, de conjoncture et de documentation », sans date.

31 CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, compte-rendu manuscrit de la réunion du BLAC du 23 mai 1947.

32  Financée en partie, il est vrai, par J. Queneau, mais plus solidement implantée (Denis Pelletier, Economie et Humanisme…, op. cit., p. 94).

33  Comité pour l’aménagement et l’expansion économique de la région lyonnaise, Lyon et sa région. Analyse et enquêtes pour l’aménagement du territoire, Lyon, Bosc frères, 1955, p. 11 (ouvrage désigné désormais par l’expression Lyon et sa région dans la suite de l’article).

34  Idem.

35  CAC, fonds Delprat, 87 AS 16, « note sur la formation d’un Bureau lyonnais de statistique, d’analyse, de conjoncture et de documentation », sans date.

36  Denis Pelletier, Economie et Humanisme…, op. cit., chapitres VII-IX.

37  Jacques Gauducheau, « Logement et urbanisme. Tendances 1950-1951 », dans Le Diagnostic économique et social, 19, novembre 1950, p. 348-352.

38 « Economie et Humanité [sic]. Session d'Etudes pour la région lyonnaise », Semaine religieuse du diocèse de Lyon du 29 février 1952.

39  Idem.

40  Textes des intervenants et comptes-rendus dans Aménagement du territoire, numéro spécial de la revue Economie et Humanisme, 75, septembre 1952.

41  Robert Caillot, « Les unités territoriales d’aménagement », Economie et Humanisme, 79, mai –juin 1953, p. 14-18.

42  L’association est officiellement déclarée à la préfecture du Rhône le 19 août 1952 (Journal officiel, 4 septembre 1952). Elle devient le « Comité pour l’Aménagement et l’Expansion économique de la Région lyonnaise » en mars 1955.

43  Rachel Linossier, La territorialisation…., op. cit., deuxième partie, section 2 « La place du système d’acteurs lyonnais dans la conduite de la politique économique ».

44  Le Comité lyonnais n’apparaît pas dans la liste des vingt-et-un organismes du même type existant déjà en France (officiellement créés ou en cours de création) en octobre 1952. Voir René Bride, « La constitution d’organismes en vue de l’aménagement du territoire », dans Efficacité, 8, octobre 1952, p. 181-186.

45  Institut d’Urbanisme de Lyon (IUL), fonds Jean Labasse, procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire du Comité pour l’aménagement du territoire dans la région lyonnaise, 28 mars 1955.

46  IUL, fonds Labasse, rapport d’activité du Conseil d’administration du Comité pour l’année 1956, 29 mars 1957.

47  Idem.

48  C’est ce que laisse penser entre les lignes l’article de René Bride sur le travail de ces comités d’aménagement. Voir René Bride, « La constitution d’organismes… », op. cit., p. 185.

49  Le cas de Jean Labasse fait l’objet d’un paragraphe particulier dans cet article (voir infra)

50  IUL, fonds Labasse, procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire du Comité pour l’aménagement du territoire dans la région lyonnaise, 28 mars 1955 ; Comité pour l’aménagement et l’expansion économique de la région lyonnaise, L’aménagement et l’expansion économique de la région lyonnaise, plaquette de présentation du Comité, Publipress, juillet 1957.

51  Archives de l’Archevêché de Lyon, fonds Gerlier, 11.II.177, rapport intitulé « Situation de l’ACO à Lyon et dans le Rhône », sans date.

52  IUL, fonds Labasse, Procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire du Comité pour l’aménagement du territoire dans la région lyonnaise, 28 mars 1955 ; IUL, fonds Labasse, « Bilan mensuel d’activité du Comité d’expansion », mai 1955.

53  La famille Ancel descend de Gustave Ancel, gendre de l’industriel Joseph Gillet (Catherine Pellissier et Bernadette Angleraud, Les dynasties lyonnaises. Des Morin-Pons aux Mérieux, du XIXe siècle à nos jours, Paris, Perrin, 2003,p. 663 et p. 800, note 35).

54  Comité pour l’aménagement et l’expansion économique de la région lyonnaise, L’aménagement…, op. cit. Sur Jean Labbens et son rôle central sur la question de la ville au sein du diocèse de Lyon, en attendant notre thèse en cours, quelques éléments dans : Olivier Chatelan, Les catholiques et la croissance urbaine dans l’agglomération lyonnaise pendant les « Trente Glorieuses » (1945-1975), mémoire de DEA d’histoire religieuse (sous la direction de Denis Pelletier), Université Lumière-Lyon 2, 2004.

55  Michel Laferrère (né en 1924) a soutenu sa thèse en 1959, qui est publiée en 1960 aux PUF sous le titre Lyon, ville industrielle. Essai d'une géographie urbaine des techniques et des entreprises.

56  André Gibert, « Un recueil sur l'aménagement du territoire dans la région lyonnaise », in Revue de géographie de Lyon, XXXI, 1, 1956, p. 39-42, citation p. 39.

57  Robert Caillot fait partie de l’équipe dirigeante de l’association. Né en 1915 à Beaune (Côte d’Or), il est secrétaire de rédaction de la revue Economie et Humanisme et co-rédige le tome IV du Guide pratique de l’enquête sociale sur l’aménagement du territoire (Louis-Joseph Lebret, Jean-Marie Albertini, Roger Caillot, Georges Célestin et Raymond Delprat, Guide pratique de l’enquête sociale, t. IV, L’Enquête en vue de l’aménagement régional, Paris, PUF, 1958.). Voir Denis Pelletier, Economie et Humanisme…, op.cit., p. 89, 279, 333 et 343.

58  Lyon et sa région, avant-propos, p. 5.

59  Lyon et sa région, p. 12-13.

60  Voir son ouvrage publié en 1960 Géographie et action. Introduction à la géographie appliquée, Paris, Armand Colin.

61  André Meynier, Histoire de la pensée géographique en France, Paris, PUF, p. 185-188. Voir aussi G. Dessus, P. George et J. Weulersse, Matériaux pour une géographie volontaire de l’industrie française, Paris, A. Colin, 1949.

62  IUL, fonds Labasse, « bilan mensuel d’activité du Comité », mai 1955.

63  Lyon et sa région, op.cit., p. 5-6 et 288.

64  André Allix, « Préface », in Jean Labasse, Les capitaux et la région. Etude géographique. Essai sur le commerce et la circulation des capitaux dans la région lyonnaise, Cahiers de la Fondation nationale des sciences politiques, 69, Paris, A. Colin, 1955, p. XV-XVII, citation p. XV.

65  Roger Cheyrouze, Le crédit en U.R.S.S., Etude publiée par la Société d’information économique, technique et professionnelle, 1945 ; Charles Bettelheim, L’Economie soviétique, Sirey 1950. Cités dans l’avant-propos de Jean Labasse p. 1-6.

66  Jean Labasse, Les capitaux…, op. cit., p. 1-6.

67  Jean Labasse rappelle à ce sujet le mot de Paul Vidal de la Blache en 1910, décrivant la région lyonnaise comme « une force mobile et progressive » (Jean Labasse, Les capitaux…, op.cit., p. 1-6).

68  Jean Gottmann (1915-1994), d’abord disciple d’Albert Demangeon à la Sorbonne, a fait une carrière d’enseignant-chercheur internationale, partagée entre Paris, Oxford et l’Amérique du Nord. Il est à l’origine du concept de « Mégalopolis » pour décrire la nouvelle organisation urbaine qui se développait sur la côte Est des Etats-Unis (Megalopolis, The Urbanized Northeastern Seabord of the United States, 1961).

69  Jean Labasse, Les capitaux…, op.cit., chap. XI, p. 379-380.

70  Lyon et sa région, op.cit., p. 23.

71  Jean Labasse, « Géographie et humanisme. A propos du livre de M.L. Le Lannou La géographie humaine », dans Le diagnostic économique et social, 12, février-mars 1950, p. 80-81.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Olivier Chatelan, « Expertise catholique et débuts de l’aménagement du territoire à Lyon (1945-1957) »Chrétiens et sociétés, 15 | 2008, 107-128.

Référence électronique

Olivier Chatelan, « Expertise catholique et débuts de l’aménagement du territoire à Lyon (1945-1957) »Chrétiens et sociétés [En ligne], 15 | 2008, mis en ligne le 20 mars 2009, consulté le 08 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/1042 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.1042

Haut de page

Auteur

Olivier Chatelan

RESEA, LARHRA – UMR 5190

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search