La méthode de Jacques Gaultier dans l' Anatomie du Calvinisme
Résumés
L'Anatomie du Calvinisme, publiée par Jacques Gaultier en 1614, s’inscrit dans l’histoire de la mise à l’écrit des disputes théologiques sous le régime de l’édit de Nantes ; elle prend appui sur une conférence qui a opposé ce jésuite au pasteur Daniel Chamier en 1601. Après un éclaircissement du contexte polémique, nous ferons un point sur le procédé de l’« anatomie » qui circule dans la controverse de cette période. Nous verrons qu’il est ici mis en œuvre sous une forme inhabituelle, des « dilemmes » passant la doctrine calvinienne au crible de 200 interrogations dichotomiques. De l’événement, Gaultier a tiré une méthode, ne visant plus seulement Chamier, mais Calvin en personne. Celle-ci repose sur deux principes : d’une part une logique binaire intraitable, fondée sur le principe du tiers exclu, obligeant le lecteur à choisir l’unique vérité ; et d’autre part l’emploi systématique de citations précisément référencées pour soutenir chaque embranchement du dilemme, faisant de ce discours un dispositif de forte confrontation textuelle. Il s’agit d’enfermer le lecteur dans un piège discursif, l’engageant dans un cheminement logique dont il ne peut se sortir qu’en rejetant la Réforme ou en reniant sa raison, et les textes saints. L’Anatomie se présente ainsi comme un dispositif textuel impressionnant, témoignant d’une volonté d’exploiter toutes les ressources offertes par l’expansion de l’imprimerie, en faveur d’une lecture individuelle autoformatrice. Le jeu des renvois l’associe à un autre ouvrage didactique de Gaultier, une Table chronographique distribuant l’histoire de l’Église et des hérésies en colonnes et tableaux comparatifs, en misant comme L’Anatomie sur une stratégie de l’évidence « oculaire ». Nous émettons quelques hypothèses sur les scénarios de lecture réellement visés, vis-à-vis des différents publics envisageables – mondains, prédicateurs, voire le jeune roi, à qui il faut montrer que la raison et la foi sont du côté des jésuites, contre la Réforme.
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Mots-clés :
Calvin (Jean), Chamier (Daniel), controverse, Coton (Pierre), Gaultier (Jacques), Gontery (Jean), Jésuites, pédagogie jésuite, Réforme, Véron (François)Keywords:
Calvin (Jean), Chamier (Daniel), controversy, Coton (Pierre), Gontery (Jean), Jesuits, Jesuit pedagogy, Reformation, Véron (François), Gaultier (Jacques)Plan
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- 1 Jacques Gaultier, L’Anatomie du Calvinisme. Où sont briefvement descouverts, & clairement refutez (...)
- 2 Comme l’expliquait Émile Kappler, la controverse, d’abord majoritairement livresque, s’est à la fi (...)
- 3 Natacha Salliot Philippe Duplessis-Mornay. La Rhétorique dans la théologie, Paris, Classiques Garn (...)
1Cette étude se propose d’explorer L’Anatomie du Calvinisme, publiée en 1614 par le jésuite Jacques Gaultier (1562-1636), professeur de controverse et de théologie au collège de Tournon, puis à Lyon à partir de 16061. Elle s’inscrit dans l’histoire de la mise à l’écrit des disputes qui se sont tenues entre catholiques et réformés, entre l’expulsion des jésuites en 1594, dans le ressort du parlement de Paris du moins, quelques années avant la proclamation de l’édit de Nantes, et la fin du siège de La Rochelle en 16282. Elle entend contribuer à l’exploration de ce moment singulier de la controverse où tout a été dit ; où l’on ne peut plus que répéter, et où on le fait, inlassablement, en affichant des objectifs ambitieux – convertir les hésitants, les adversaires, voire le contradicteur lui-même. Cette pratique peut apparaître comme un ressassement dont les effets concrets restent incertains. Dans les faits, la publication de ces controverses semble avant tout utile à leurs auteurs, à qui elles permettent d’affermir leurs positions sociales, et d’affiner leur argumentaire3.
- 4 Il est vrai que cela n’empêche pas Duplessis-Mornay (entre autres) d’être attaqué comme compilateu (...)
- 5 Isabelle Hentz-Dubail, De la logique à la civilité : disputes et conférences des guerres de religi (...)
2Il reste que cette tendance à la répétition, et le regard rétrospectif que l’on peut avoir sur les effets réels de ces discours, ne doivent pas retenir notre intérêt pour les expérimentations intellectuelles qu’elles proposent. La part d’inventivité de ces discours n’intervient pas en premier lieu sur la matière du discours, l’inventio, que la rhétorique ancienne considère volontiers comme un réservoir de lieux plus ou moins précisément répertoriés, dans lequel l’orateur doit puiser avec discernement. À partir de cette sélection, son art consiste avant tout à agencer ce matériau (par la dispositio), en mettant en rapport ses objectifs et la nature du public visé. C’est là un aspect de la rhétorique qui se prête bien aux besoins de la controverse théologique ; les points de différends sur lesquels s’opposent les contradicteurs sont des éléments de doctrine religieuse, conçus par leurs promoteurs comme des vérités qui ne sauraient être renouvelées4. Nous dirions aujourd’hui que les innovations, parfois annoncées par le titre, concernent plutôt la didactisation que le contenu. Ce qui varie d’un ouvrage à l’autre, et est susceptible d’évoluer, c’est la méthode : c’est sur elle que repose l’efficacité prêtée au discours. Isabelle Hentz-Dubail a montré que l’évolution générale suivie par la dispute était une émancipation par rapport aux cadres stricts qui avaient été fixés par la scolastique, au profit d’une pratique plus diversifiée, s’ouvrant progressivement aux besoins d’un public mondain. La logique serrée de la dialectique accueille notamment des éléments de rhétorique – non seulement ses grands principes d’élaboration du discours, mais également ses procédés –, afin de constituer un discours répondant moins aux lois de l’affrontement universitaire, et davantage aux principes de la civilité ou de l’honnêteté. Au sein de ce mouvement global, toutes les inflexions sont sans doute possibles – nous verrons que chez Gaultier, la logique s’affiche sans fard, sans guère de concession pour la civilité. Mais l’orientation commune consiste bien à rendre la théologie abordable et convaincante, en s’adressant à un public non spécialiste. Le cœur de cet art correspond à l’aptum rhétorique, l’adaptation à l’auditoire, qui rencontre le principe de l’accommodatio chrétienne, la prise en compte de la faiblesse des fidèles. L’un et l’autre se rattachent au concept de la « condescendance », terme qui désigne en langue ancienne le fait de se situer au niveau de l’auditeur, afin de l’élever graduellement vers la hauteur de la matière5.
- 6 J. Foa, op. cit., p. 86. I. Hentz-Dubail, De la logique à la civilité, op. cit., p. 5, rapporte le (...)
- 7 Comme le remarque F. Henryot, op. cit., p. 98, une fois prise cette distance, la frontière entre l (...)
- 8 B. Dompnier, op. cit., p. 214. À la fin du xvie siècle, le Tableau des différends de la religion d (...)
3Dans l’ensemble, cette ouverture n’a pas lieu en direct : la scène du débat a plutôt tendance à se rétrécir, et à se cantonner à des lieux privés6. L’élargissement du public est avant tout du côté de la publication. Dans un premier temps, celle-ci favorise un contrôle de la parole qui la soustrait aux aléas du débat oral ; elle permet de rattraper les déconvenues éventuellement vécues en direct, et d’apporter toutes les preuves que l’on a vaincu le contradicteur. Mais si les actes publiés immédiatement après l’affrontement par l’un des partis, les deux, ou par un spectateur, favorisent cet écho biaisé, il arrive aussi qu’un débat suscite une publication plus tardive. Celle-ci peut aller beaucoup plus loin dans la mise en scène d’un échange idéal, aboutissant à l’écrasement définitif de l’adversaire7. De l’événement, on tire une méthode ; les auteurs qui s’y essaient affirment souvent qu’il suffit de suivre quelques principes pour pouvoir opposer avec une parfaite systématicité une réponse définitive à tous les arguments de leurs contradicteurs. Cette revendication fait partie des arguments promotionnels courants dans la controverse de cette fin de siècle8. Mais la multiplication de cette démarche montre bien que ces entreprises sont autant d’expérimentations, menant à des élaborations variées.
- 9 N. Salliot, op. cit., p. 63 souligne que dans l’Institution catholique de Pierre Coton, Paris, Cla (...)
- 10 I. Hentz-Dubail, De la logique à la civilité, op. cit., p. 29.
4Ces méthodes ont néanmoins tendance à partager un point commun : elles s’appuient sur une même faculté, la raison. Son intervention est souvent revendiquée avec force, par opposition à la « phantasie » que les opposants s’imputent mutuellement. Dans le débat sur la juste foi, son intrusion peut paraître inattendue, mais elle vient tout droit de la scolastique, perçue comme une méthode de réflexion et de discussion alliant logique et efficacité didactique, en vue d’établir les vérités qui relèvent de l’entendement humain9. Si les excès de cette technique ont été abondamment critiqués et raillés par les humanistes, la dialectique aristotélicienne n’a jamais cessé d’apparaître comme fondement de toute pensée logique, et ses grands principes sont enseignés dans les académies protestantes aussi bien que dans les collèges réformés10.
5L’Anatomie du Calvinisme du Père Gaultier témoigne de manière frappante de cette rencontre entre pédagogie, logique et rhétorique au service de la foi (et de ses prolongements politiques). Cet ouvrage n’a guère été étudié, peut-être parce que le lecteur qui s’y aventure se trouve assez brutalement confronté à une succession de « dilemmes » traitant sous une forme d’apparence mécanique des questions de religion rebattues, en renvoyant à d’innombrables sources textuelles. En réalité, chacun de ces éléments témoigne de l’engagement de l’auteur au service d’un art du débat efficace. On peut envisager son texte comme un piège discursif, engageant le lecteur dans un cheminement logique dont il ne peut se sortir qu’en rejetant la Réforme ou en reniant sa raison. L’Anatomie se présente ainsi comme un dispositif textuel impressionnant, témoignant d’une volonté d’exploiter toutes les ressources offertes par l’expansion de l’imprimerie, en faveur d’une lecture individuelle autoformatrice, sans doute à destination de lecteurs mondains et de prédicateurs. Nous verrons comment procède ce discours, qui prend appui sur un échange oral, une ancienne dispute tenue en 1601 par l’auteur contre l’irréfrénable Daniel Chamier (1564/5-1621), et se détourne de ce contexte pour donner au lecteur le rôle d’un contradicteur idéal : un adversaire chargé de préjugés et de conceptions inabouties, mais disponible pour se laisser guider dans un débat où toutes ses réponses sont d’avance prévues et contredites. Après un éclaircissement du contexte polémique, nous ferons un point sur le procédé de l’« anatomie », qui s’inscrit dans une chaîne de controverse étendue. Nous verrons qu’il est ici mis en œuvre sous une forme inhabituelle, ces « dilemmes » passant la doctrine calvinienne au crible de 200 interrogations dichotomiques. Nous verrons pour finir que ce dispositif repose sur un jeu de renvois intertextuels dynamique, articulant des références aux textes saints, mais aussi aux écrits des grands réformateurs, ainsi qu’à certains ouvrages de Jacques Gaultier lui-même. Ce parcours nous permettra d’esquisser quelques hypothèses sur les scénarios de lecture que peut engager un tel ouvrage.
Le contexte : la polémique autour des jésuites, entre Chastel et Ravaillac
- 11 É. Kappler, Les Conférences théologiques…, op. cit., p. 354 ; H. Fouqueray, op. cit. t. 3, p. 544 (...)
- 12 Plusieurs auteurs ont étudié le lien entre multiplication des débats et régimes de pacifications, (...)
- 13 Sur ce contexte, voir notamment Pierre Antoine Fabre et Benoist Pierre (dir.), Les jésuites. Histo (...)
6La source de L’Anatomie du Calvinisme est une dispute tenue en janvier 1601 dans le village d’Allan, près de Montélimar, entre le jésuite Jacques Gaultier et le ministre Daniel Chamier, pasteur à Montélimar depuis 159311. La paix civile instaurée par l’édit de Nantes semble favorable à une expansion de la controverse par le biais de débats publics, les disputes ou conférences, ainsi que par traités et libelles12. Les réformés doivent défendre les droits qui leur ont été concédés, aussi bien vis-à-vis des catholiques qui les contestent que des ultras de leur parti, qui les jugent insuffisants. Les jésuites au contraire ont été officiellement expulsés du royaume (et dans les faits, du ressort de certains parlements), après l’attentat manqué de Chastel contre un roi qui doit encore asseoir sa légitimité auprès de ceux qui dans tous les partis continuent de rejeter la conciliation. L’interdiction est mollement appliquée, notamment dans les provinces du sud, et les jésuites œuvrent activement à leur réhabilitation, qu’ils obtiendront en 1603. Soucieux de dissiper le soupçon d’être des agents d’influence au service de l’Espagne, ils s’engagent fermement dans le combat intérieur, luttant en particulier contre l’emprise de la Réforme dans le sud de la France13.
- 14 Daniel Chamier, Epistolæ jesuiticæ, Genève, Pierre de La Rovière, 1599. Coton relate ces échanges (...)
- 15 Le constat établi par É. Kappler selon lequel ces disputes sont surtout un « dialogue de sourds » (...)
7C’est dans cette lutte affichant ses objectifs en termes de conversion que se distinguent bientôt de grands acteurs. Du côté de la Réforme, le débat est dominé par Duplessis-Mornay, mais il est secondé par des pasteurs très actifs. Dans la vallée du Rhône, Daniel Chamier, qui a contribué aux pourparlers de l’édit de Nantes, se dresse ainsi comme l’un des plus intrépides pourfendeurs de la Compagnie de Jésus. Celle-ci a pour bastion le collège de Tournon, que son protecteur, Just-Louis de Tournon, a soustrait aux injonctions du pouvoir central (tandis qu’à Lyon les jésuites ont été expulsés du collège de la Trinité). Autour de ce pôle gravite un prédicateur itinérant, appelé à jouer un rôle de premier plan jusqu’à l’assassinat d’Henri IV, le Père Coton (1564-1626). En 1599, Chamier publie des Epistolæ jesuiticæ dans lesquelles il revendique de solliciter en vain les jésuites pour obtenir des disputes contre eux ; dans leurs écrits, ces derniers diront parfois au contraire qu’il a échangé par lettres avec eux, redoutant de les rencontrer plus directement14. Il reste que deux confrontations finissent par avoir lieu : la première entre Chamier et Coton, en septembre 1600, et la seconde entre Chamier et Gaultier, en janvier 1601. Du point de vue des idées, ces rencontres semblent avoir été, comme la plupart des disputes de cette période, houleuses et peu fécondes. D’un point de vue plus social, elles permettent à leurs acteurs d’affirmer leur position au sein de leur camp, par une joute prouvant qu’ils sont à la hauteur d’adversaires d’autant plus aptes à jouer un tel rôle de faire-valoir qu’ils bénéficient eux-mêmes d’une solide renommée15.
- 16 Les actes sont d’abord publiés par Coton : Actes de la conférence tenue à Nismes entre le P. Pierr (...)
- 17 Supra, n. 14 ; l’ouvrage fait 50 p. L’exemplaire de la bibliothèque Sainte-Geneviève est contenu d (...)
- 18 Jacques Gaultier, Table chronographique de l’estat du christianisme depuis la naissance de Jésus-C (...)
- 19 Lettre declaratoire de la doctrine des Peres Jesuites conforme aux decrets du concile de Constance (...)
8Les actes de la dispute d’Allan ne sont pas imprimés. En 1601, publiant ceux de la conférence de Nîmes, Coton y adjoint un « sommaire recueil des Arianismes » dont se serait rendu coupable Chamier lors de sa dispute avec Gaultier16. Plus tard, en 1606, ce dernier publie un recueil de 24 dilemmes faisant allusion à la dispute d’Allan17. L’Anatomie se présente comme une très large amplification de cet opuscule, dans laquelle Allan et Chamier passent au second plan, au profit d’une controverse plus globale, visant un public national, et s’attaquant en premier lieu à Calvin en personne. Entre temps, Gaultier a publié une Table chronographique de l’estat du christianisme depuis la naissance de Jésus-Christ jusques à l’année MDCVIII, rééditée en 1613, qui prétend régler les différends religieux à l’aide d’un tableau synoptique couvrant l’intégralité de l’histoire chrétienne (sur lequel nous reviendrons)18. Il a quitté la polémique locale, pour s’engager dans une controverse revendiquant une largeur de vue bien plus étendue, et un moindre ancrage dans l’actualité. Celle-ci est pourtant toujours brûlante. En 1614, les jésuites sont revenus en France, et ont retrouvé une place de premier ordre. L’assassinat d’Henri IV en 1610 ayant réactivé les suspicions contre la Compagnie, le Père Coton a une nouvelle fois pris la défense de son ordre dans une Lettre déclaratoire, suscitant une célèbre réponse, l’Anticoton, elle-même suivie de plusieurs antidotes et contrepoisons19. L’Anatomie paraît dans le sillage de cette querelle, sans y faire référence. Quatre ans plus tard, il s’agit sans doute de faire la preuve que les jésuites sont le meilleur rempart contre l’hérésie toujours présente, et peut-être aussi de présenter un lourd arsenal discursif au jeune fils d’Henri IV, sans revenir aux suspicions qui ont pesé sur la Compagnie. Il reste que Gaultier se cantonne au domaine du débat théologique ; il s’adresse avant tout à Calvin, un adversaire mort depuis 50 ans, et combat les idées par des idées, opposant des citations à des citations. Le premier aspect de sa méthode est peut-être de se présenter comme un discours récapitulatif, se situant presque dans un hors-temps qui entérine la fin du calvinisme. La métaphore médicale affichée par le titre donne à entendre qu’il se penche sur un corps constitué, un corpus dont il entend examiner les désordres, après décès.
L’anatomie, une analyse aussi tranchante qu’une dissection
- 20 On peut se reporter à la très claire synthèse proposée par Antoinette Gimaret, « Représenter le co (...)
- 21 « L’estat de celuy qui entreprend la description des parties du corps humain ne me semble en rien (...)
9Le développement de l’anatomie, c’est-à-dire de la dissection, au cours du xvie siècle a fait l’objet d’importantes études, non seulement du point de vue de l’histoire des sciences, mais aussi, plus largement, de l’histoire culturelle20. Elles permettent d’évaluer ce qui se joue dans la référence à cette pratique, qui sous l’impulsion des grands médecins humanistes acquiert une place essentielle dans le développement de l’art médical. Sous l’impulsion de Vésale notamment, la dissection cesse d’être un art compassé, pratiqué par des barbiers peu instruits, obéissant aux injonctions de médecins peu exercés. Le médecin doit selon lui voir et savoir, l’observation permettant seule de corriger les erreurs véhiculées par la littérature. À la fin du siècle, invoquer le modèle de l’anatomie revient à revendiquer une pratique technique, obéissant à une méthode rigoureuse, seule capable de mettre de l’ordre dans l’apparente confusion du corps intérieur. Pour vanter les mérites de l’observation anatomique, Charles Estienne invoque la méthode de l’autopsie historique21 ; c’est bientôt la pratique médicale qui deviendra un modèle de rigueur et d’intégration de l’expérimentation dans la construction du savoir, et c’est dans cette discipline que basculera l’autopsie.
- 22 Comme le précise A. Gimaret, op. cit., § 2, l’Église médiévale n’a pas opposé de veto à cette prat (...)
- 23 Les connotations médicales sont rarement explicitées ; François Véron, Response à l’Anatomie de la (...)
- 24 Agostino Mainardo, Anatomie de la Messe et du Missel, qui est une dissection et déclaration de tou (...)
- 25 N. Salliot, op. cit., p. 233 et n. 52 ; p. 255 et suiv. a étudié plusieurs manifestations de ce pr (...)
10Il reste que ce mélange de science et d’habileté pratique n’évacue pas la cruauté que cette image continue d’évoquer, ni le fait qu’en ouvrant le corps humain, on sonde des mystères de la création dont l’Église se demande à quel point ils peuvent être accessibles à l’œil humain, comme en témoignent des bulles qui visent à en encadrer tous les excès possibles en la matière22. C’est sans doute ce qui explique son succès métaphorique, en contexte polémique : anatomiser, c’est découper la doctrine adverse à l’aide d’un intraitable scalpel logique23. Gaultier n’est pas l’initiateur de cette analogie entre découpage corporel et analyse intellectuelle, loin s’en faut. Un survol des titres d’ouvrages permet d’observer qu’elle constitue une vogue, s’étendant au moins de l’Anatomie de la Messe publiée par Agostino Mainardo dans les années 1550 à l’ouvrage du même titre, quoique répondant à un dispositif bien différent, publié par Pierre Du Moulin en 163624. Dans les écrits de la fin du xvie siècle, elle s’illustre particulièrement à travers un procédé particulier, consistant à reprendre phrase après phrase et parfois mot après mot les propos de l’adversaire, pour les commenter25.
- 26 Daniel Chamier [att.], Histoire notable de Pere Henri, Jesuite Sodomite, bruslé en la ville d’Anve (...)
- 27 Les Contredits au libelle diffamatoire, intitulé, Histoire notable de pere Henry […], Lyon, Jacque (...)
- 28 Il est à noter que ce dernier s’est lui-même illustré dans le procédé du commentaire linéaire, con (...)
11Cette pratique s’observe dans un contexte très proche de la dispute d’Allan, sur laquelle L’Anatomie de Gaultier prend appui. En effet, l’année 1601 est marquée par la parution d’un opuscule particulièrement provocateur, l’Histoire du Père Henri, jésuite sodomite, évoquant la repentance d’un pédagogue jésuite convaincu de viol sur les enfants dont il avait la charge26. Avant de mourir sur un bûcher qu’il appelle de ses vœux, celui-ci s’en remet à une foi purifiée, c’est-à-dire évangélique, et reconnaît que le célibat et les règles absurdes de son ordre l’ont poussé vers le crime, tandis que la confession auriculaire lui a fourni le moyen de le masquer. Estimant que cet écrit risque de se répandre rapidement, Coton y répond dans des Contredits qui déclarent en faire « l’Anatomie piece à piece »27 : il s’agit bel et bien de démembrer l’écrit calomniateur, en commentant ligne après ligne tous ses mensonges et toutes ses incohérences, quitte à consacrer une glose de 250 pages à cet écrit qui en compte une vingtaine. Cette analyse est à la fois une destruction et une mise au jour du mensonge ; l’un de ses enjeux est de révéler l’identité de l’auteur du libelle anonyme, que Coton identifie comme son contradicteur de Nîmes, Daniel Chamier28.
- 29 Mathieu de La Gorce, « Les Contredits au libelle diffamatoire, intitulé Histoire notable de père H (...)
12Il reste que sous ce titre d’anatomie se présentent des dispositifs d’inspirations assez diverses. L’anatomie de la messe pratiquée par Mainardo vise à découper ce qui n’est pas découpable, à montrer que l’institution centrale de la liturgie romaine est faite de « lopins » empruntés à divers cultes, y compris païens, et qu’à la regarder d’un peu loin, en ôtant le filtre de la coutume, elle ressemble à une gesticulation incohérente. Il s’agit de couper le sens, comme on le fait dès que l’on regarde des pratiques culturelles d’un point de vue externe. Lorsque Coton commente l’Histoire du Père Henri, la démarche, formellement similaire, répond à une intention presque inverse. Il s’agit cette fois de révéler le sens caché, en observant non pas une pratique connue de tous, mais un texte anonyme et énigmatique ; de souligner les sous-entendus qui se cachent derrière chaque formulation, les déformations ou mensonges cachés derrière l’apparente cohérence du récit29.
- 30 Le terme ne figure que dans quelques titres, à partir de 1572 : Gabriel de Saconay, Généalogie et (...)
13Le dispositif adopté par Gaultier est encore bien distinct. La différence touche cette fois la méthode adoptée en pratique. Une fois encore, elle est fortement déterminée par la nature de l’objet attaqué : il ne s’agit plus d’un texte précis, mais d’un corps de doctrine, diffusé à travers plusieurs textes (les différents écrits de Calvin, et de quelques autres réformés). Cette anatomie ne repose donc pas sur l’analyse d’un texte. Si elle sectionne des éléments du discours adverse, elle les sélectionne d’abord, au sein d’un corpus pluriel, dont elle effectue en premier lieu la synthèse. Le jésuite prétend sans doute déconstruire une unité, mais il commence par la constituer. Cette manipulation était probablement manifeste pour le lecteur de 1614, que pouvait encore frapper l’appellation de « calvinisme » affichée par le titre. Celle-ci exploite les connotations déjà présentes dans l’adjectif « calviniste » (ou « calvinien »), utilisé depuis les années 1570 pour désigner les partisans de Calvin comme un groupuscule d’activistes militants, ou encore comme l’une des nombreuses factions rivales de la Réforme30. Nous verrons que l’un des principaux vices attribués au calvinisme consiste à le taxer de contradiction, en relevant des discordances entre des écrits de Calvin et des affirmations tirées d’autres auteurs, comme Bèze ou même Daniel Chamier, né l’année de la mort de Calvin (ou la suivante). En dehors de tous les doutes que l’on peut avoir sur la fiabilité des propos ainsi sélectionnés, c’est sur le principe prêter à la Réforme une cohérence à laquelle elle ne saurait prétendre. Gaultier dissèque un corps en partie chimérique ; il conteste la cohérence d’un corpus qu’il a assemblé lui-même. Nous verrons qu’il s’efforce également d’opposer entre eux des propos de Calvin ; là encore, il n’est pas question d’envisager une possible évolution de ses conceptions, ni d’apparentes divergences liées à une différence de contexte, de portée du propos, etc. Il est courant de taxer un ouvrage d’incohérence, ou de souligner les divisions des adversaires ; mais Gaultier réunit en quelque sorte ces deux opérations, en considérant les propos qu’il rassemble comme une doctrine constituée. Dans cette pratique de l’anatomie, la première violence faite au corpus ciblé est d’exiger implicitement de lui qu’il fasse corps.
Le dilemme, ou la controverse dont vous êtes le héros
- 31 J. Gaultier, Dilemmes, op. cit., p. 3, p. 6, p. 39, etc.
- 32 Voir le dilemme 1 : « la lumière naturelle a dicté à Aristote (1. Prior. Anal.) qu’une verité ne p (...)
- 33 Cette transposition des rôles de la disputatio n’est pas propre à Gaultier ; elle est explicite, e (...)
- 34 Voir par exemple l’analyse de Sophie Aubert-Baillot, « L’influence de la disputatio in utramque pa (...)
- 35 J. Gaultier, Dilemmes, op. cit., p. 18, p. 35.
14Mais l’anatomie de Gaultier se distingue surtout par l’outil qu’elle met en œuvre, les « dilemmes » annoncés par le sous-titre. Il se pourrait que ces derniers aient déjà été employés par Gaultier à l’oral lors de la dispute d’Allan en 1601 ; c’est en tout cas sous cette forme qu’il y fait écho, dans ses Dilemmes catholiques de 160631. Par ce terme, il désigne des alternatives, des questions binaires auxquelles le destinataire, un réformé avec lequel Gaultier prétend débattre, est sommé de répondre par « oui » ou par « non ». L’anatomie se résout en dichotomies, la vérité étant comme chez Platon décomposée en couples de propositions contradictoires : pensez-vous que la foi soit une, ou non (dil. 1) ? Pensez-vous qu’elle admette le doute (dil. 4) ? Croyez-vous que Jésus-Christ soit descendu aux enfers, ou non (dil. 85) ? Pensez-vous que les œuvres garantissent la vie éternelle, ou non (dil. 137) ? Suivant les principes de la dialectique, cette méthode se présente comme un moyen d’établir définitivement la vérité en opposant toute affirmation à son contraire, de manière à éliminer toutes les hypothèses fausses. Cette trajectoire est guidée par la règle de non contrariété, qui est au cœur de la dialectique chez Aristote32. Celle-ci peut être rapprochée du principe du tiers exclu, sur lequel repose le cheminement sélectif du Sophiste de Platon, souvent invoqué dans les disputes de cette période. L’Anatomie adopte ainsi un cheminement très proche de celui des « questions disputées » de la scolastique, dont les « conférences » réglées du xvie siècle reprennent de près ou de loin le protocole, confrontant un « respondens » (ou « defendens ») chargé de soutenir une thèse et un « opponens » devant le conduire à la contradiction33. Il ne paraît pas courant d’employer la notion de « dilemme » dans ce contexte, mais la forme de l’interrogation dichotomique adoptée par Gaultier correspond bien au questionnement pro et contra. Il peut être rattaché bien en amont à la pratique antique de la disputatio in utramque partem, laquelle donne couramment lieu à une interrogation en « si… si au contraire »34. Ces références sont évidentes pour le professeur de controverse qu’est Gaultier. Dans les Dilemmes catholiques qu’il adresse à Chamier en 1606, il ne cesse de reprocher à son adversaire d’ignorer toute notion de dialectique, l’enjoignant même à prendre quelques cours avec lui35.
- 36 La première mention du terme dans un dictionnaire français semble être celle du Furetière de 1690, (...)
- 37 Sur les images du défi et du combat, voir É. Kappler, Les Conférences théologiques…, op. cit., p. (...)
- 38 J. Gaultier, L’Anatomie, op. cit., p. 16-17.
15Mais dans cet ouvrage comme dans L’Anatomie, il ne s’en tient pas à une telle dialectique antinomique, chassant la vérité en poursuivant les contraires. Le recours au dilemme ajoute un verrou logique supplémentaire. En effet, dans sa définition technique, celui-ci est une confrontation entre deux affirmations contradictoires, menant pourtant à une même résolution36. Gaultier n’entend pas laisser son lecteur choisir quelle résolution de l’alternative lui convient, ni même affecter de lui laisser cette liberté, comme le font certains dialogues polémiques. Son interlocuteur n’est pas un élève ni un fidèle auquel il s’adresserait avec bienveillance, mais un hérétique, bâti d’après le souvenir de son contradicteur d’Allan. Il n’entend pas le former, ni même sans doute le convertir, même s’il affiche cette ambition ; plus encore que de le convaincre, il s’agit de le vaincre37. Les alternatives proposées sont sans issue : que le lecteur réponde oui ou non, il est en tort. Concrètement, le schéma récurrent des dilemmes consiste à proposer une vérité défendue par Calvin. Si le lecteur la valide, il lui faut assumer d’être en contradiction avec un florilège de paroles saintes que le jésuite ne manque pas de lui asséner, suivant le principe du raisonnement par l’absurde. S’il reconnaît que l’affirmation en question est erronée, il lui en cuira tout autant, car le bon Père lui rappellera de la même manière tous les passages où Calvin la défend, en lui demandant pourquoi il s’abstient de contester publiquement ses propos. Ainsi dans le dilemme 6, Gaultier demande à son auditoire s’il considère que la « Foy simple, obscure et implicite est une phantasie »38. Répondre oui revient à déclarer saint Paul « phantastique et lourdement ignorant », comme l’attestent deux citations de ses épîtres, confirmées par une référence à saint Augustin. Mais s’il répond non, le lecteur réformé doit retourner ce verdict contre son propre maître, et ne peut « fuyr […] de recognoistre que Calvin s’est publié phantastique luy mesme et lourdement ignorant en advançant telle fausseté ».
- 39 Ibid., fol. A4 r°.
16Ce discours prétend donc enserrer son destinataire entre deux fautes, le blasphème vis-à-vis des Écritures saintes, ou une couarde inconséquence par rapport aux écrits calvinistes. Gaultier prête une grande efficacité à cette impasse logique. Dans l’avant-propos, il déclare : « l’on a veu souvent par experience qu’il n’y a plus court chemin pour monstrer au jour la tromperie des heretiques, que la forme dilemmatique »39. Si le nœud logique du dilemme est le principe du tiers exclu (de deux choses l’une), son levier moral est l’argument ad consequentiam. Gaultier contraint son lecteur à assumer les implications de ses opinions, en prenant appui sur un postulat implicite mais constant : les Écritures saintes et les réformés sont en contradiction. Entre les deux, il faut donc choisir. La logique tranchante du dilemme prive le lecteur de la confortable insouciance que peut offrir la mauvaise foi, ignorante des conséquences.
17Il reste que cette dialectique ne ménage guère de suspense. Si les dilemmes s’énoncent sous forme de questions, leur intitulé annonce la conclusion, réaffirmant inlassablement la réfutation du calvinisme annoncée par le titre. La discussion portera « contre les erreurs pretendus par Calvin et Beze en l’Escriture sainte » (dil. 31), « contre le blaspheme de Conrad Vorstius Ministre Calvinien » (dil. 47), ou plus nettement encore « contre le blaspheme abominable du Calvinisme » (dil. 83). Certains titres sont moins virulents, mais tous se prononcent d’emblée « pour » ou « contre », ne laissant guère de marge au lecteur pour répondre à la question qui lui est posée par la suite, même si cette dernière affecte de le soumettre à une vraie alternative. Au demeurant, le jésuite n’a pas toujours la patience de la formuler sereinement. Dans le dilemme 82, évoquant un possible désespoir du Christ, il demande à son destinataire :
- 40 Ibid., p. 243.
Les cheveux ne vous dresseront-ils point, quand on vous montrera à l’œil que le Calvinisme vous veut faire croire en un Jesus-Christ desesperé ? N’aurez-vous point en horreur une si enorme impieté ? Si (ce que Dieu ne veuille) vous respondez que non, je ne sçay que c’est que vous appellerez desormais impieté40.
18Gaultier ferme toutes les portes qu’un cheminement dialectique aurait pu laisser entrouvertes. La dialectique n’est pas ici un réel processus de réflexion, mais plutôt un outil rhétorique, habillant un discours ex cathedra d’une apparence de maïeutique interactive. Un tel dispositif semble s’inscrire dans l’évolution soulignée par I. Hentz-Dubail, celle d’un déplacement du débat religieux de la scène publique vers le for intérieur. Les dilemmes de Gaultier proposent au lecteur de rejouer individuellement la dispute qui l’a opposé une quinzaine d’années plus tôt à Daniel Chamier ; mais il entend délimiter clairement les bornes de l’autonomie ainsi laissée au fidèle. Loin d’un scénario ouvert, L’Anatomie propose au lecteur une trajectoire dont il doit être l’acteur (comme dans les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola au demeurant), mais sans lui laisser de réelle initiative.
Un florilège de contradictions calviniennes. Des concessions lues comme des confessions
- 41 Ibid., p. 233 : « pourquoy demeurez-vous si long temps d’apercevoir les cornes de l’Esprit de cont (...)
- 42 Ibid., p. 30 ; p. 566-567 (dilemme 137) : « Cette sienne confession […] me fera prendre garde à un (...)
19Dans certains cas, le jésuite cadenasse encore son dispositif de questionnements d’un tour de verrou supplémentaire, affirmant que les deux embranchements du dilemme entrent en opposition avec des affirmations calviniennes. Dans le titre, la formule « par la propre confession contradictoire de Calvin et de ses comministres » laisse planer une légère ambiguïté sur le lieu de la contradiction. Le dispositif d’ensemble repose sur une opposition entre les écrits de Calvin et les Écritures saintes ; mais dès qu’il le peut, Gaultier durcit l’enfermement dialectique, relevant des contradictions internes aux écrits de Calvin (lesquelles s’ajoutent bien entendu aux contradictions entre Calvin et ses coreligionnaires, habituellement soulignées par la controverse). Ce vice n’est pas dénoncé comme une simple déficience, mais comme une preuve de l’inspiration satanique du réformateur41. Dès le dilemme 10, l’interrogation sur la légitimité des traditions qui ne sont pas explicitement prescrites par les Écritures se heurte ainsi à deux affirmations de Calvin, accusé d’affirmer d’un côté que l’Écriture autorise certaines traditions « généralement », et de prétendre ailleurs qu’aucune pratique absente des textes saints n’est utile à Dieu : « C’est, dy-je, Calvin que vous avez pour contraire, autant en cette sifflade de l’Esprit de contradiction, qu’en l’opposite sus-rapportee : non l’Eglise Romaine […] », s’emporte Gaultier, comme indigné que l’inconséquence du réformateur vienne perturber le rythme de ses alternatives42.
- 43 Ibid., p. 10 (dilemme 3) : « Jusques icy sont les propres mots de Calvin, lequel si quelqu’un veut (...)
20À vrai dire, ces flagrants délits ont tendance à reposer sur des montages un peu grossiers ; dans l’exemple qui précède, Calvin concède en réalité que l’Écriture puisse valider des pratiques « généralement », ce qui n’équivaut pas à la légitimation « implicite » défendue par le dilemme. Calvin n’est pas un auteur prompt à « s’oublier de soi-même », comme le proclame ailleurs Gaultier43. Bien entendu la pertinence des contradictions relevées par Gaultier peut toujours être discutée, il n’est pas question ici de lui donner tort face à Calvin ; mais ces mises en cause des contradictions calviniennes semblent pousser l’attaque par dilemmes un cran trop loin. L’objectif de ces applications du principe de non-contradiction à l’intérieur de l’œuvre de Calvin est de redoubler le piège logique, et d’enfermer le lecteur non seulement entre Calvin et l’Écriture, mais entre Calvin et Calvin lui-même. Cette perspective est attrayante, mais elle repose sur un enfer logique peu maîtrisable.
21Au demeurant, bien plus que ces virevoltes logiques difficiles à démêler, c’est surtout la forme récurrente prise par les contradictions prêtées à Calvin qui sème le doute sur leur validité. Elles prennent appui sur un raisonnement plutôt efficace, conforme à la dynamique des disputes, selon lequel c’est la raison même de Calvin qui le pousse à la faute. Gaultier souligne régulièrement que le réformateur a été contraint de reconnaître la pertinence d’une thèse qu’il attaque ailleurs, comme poussé par la tyrannie de la logique, appuyée sur les autorités les plus indiscutables, auxquelles le lecteur se trouve à son tour confronté. Assemblés en série, ces aveux peuvent sembler accablants ; on peut l’observer dans le dilemme 12, évoquant la supériorité des assemblées de fidèles sur le jugement inspiré par la foi individuelle :
- 44 Ibid., p. 36 (l’italique est présent dans le texte, nous ajoutons le soulignement).
Je ne nie pas, dit-il, au quatriesme de son Institution, c. 8. §. 11. que la compagnie des Fideles garnie de cette diversité de graces, ne soit ensemble beaucoup plus riche de toute sapience celeste, que chascun n’est à part. Et apres, c. 9. §. 13. Nous confessons tres-volontiers que […] il n’y a meilleur remede, ne plus certain, que d’assembler un Concile de vrais Evesques pour en faire la discussion44.
22Ces palinodies prêchent en faveur de la puissance de la raison, capable de pousser les hérétiques les plus endurcis à reconnaître leurs torts pour peu qu’ils se plient à la logique. Le jésuite ne se lasse pas de souligner cette pression du logos, semblable à l’intraitable bon sens par lequel Socrate amène ses contradicteurs à se dédire. Il la formule avec violence dans ce passage du dilemme 21 :
- 45 Ibid., p. 56-57, dilemme 21.
en le bien ruminant, vous vous verrez estre obligez par votre response, à biffer du sacré Canon des Escritures sainctes l’Evangile de sainct Matthieu […]. Secondement de retracter et deschirer votre avertissement au Lecteur, premiz generalement à tous les livres d’ont il s’agit icy, en vos Bibles de l’an 1551. edit. in fol. per Joh. Tornes […]45.
- 46 I. Hentz-Dubail, De la logique à la civilité, op. cit., p. 28. Les autres réponses sont nego, dubi (...)
23Les citations calviniennes qui illustrent ces palinodies commencent très souvent par des formules telles que « je confesse » ou « je dois avouer » – avec un systématisme tel que l’on peut se demander si la méthode employée par Gaultier pour dénicher ces divergences dans le discours du réformateur n’a pas consisté à cocher systématiquement ces formules introductives. L’évocation de la « confession contradictoire » de Calvin dans le sous-titre de l’ouvrage va dans ce sens. Ces formules peuvent donner le sentiment à un lecteur accommodant d’assister à une palinodie éparpillée, dont Gaultier ne serait que le compilateur. Mais ce procédé repose sur une évidente confusion entre deux dynamiques bien différentes, celle de la concession (qui amorce un recul argumentatif pour affiner le propos) et celle de la confession (qui reconnaît une erreur pure et simple). Si la première peut être introduite par la formule « je confesse », elles renvoient en réalité à des gestes argumentatifs presque inverses. Gaultier fait en somme comme si toutes ces expressions équivalaient à la formule « concedo », l’une des quatre réponses possibles face aux propositions pertinentes de l’une des variantes de la disputatio46. Peut-être considère-t-il que Calvin feint de concéder lorsqu’il devrait confesser. Il reste qu’une application aussi abrupte du principe de non-contradiction le conduit à dénoncer toute nuance comme une infraction au principe du tiers-exclu.
Les renvois : l’imprimerie conçue comme réseau de liens hypertextuels
24Ces exemples illustrent un autre aspect essentiel de L’Anatomie, le fait que son dispositif logique repose lui-même sur un emploi systématique de la citation. Cette pratique repose sur un principe judiciaire assez simple, consistant à prendre les adversaires sur le fait, et à les juger sur pièces, en confrontant les propos qu’ils ont publiés et les textes canoniques. Mais une fois encore, cette stratégie est mise en œuvre par Gaultier sur un mode assez singulier.
- 47 É. Kappler, Les Conférences théologiques…, op. cit., p. 213 ; B. Dompnier, op. cit., p. 179.
- 48 Jean Gontery, La Vraye Procedure pour terminer le different en matiere de religion, Caen, Charles (...)
- 49 I. Hentz-Dubail, De la logique à la civilité, op. cit., p. 366. On peut se demander si le succès h (...)
25La reprise des affirmations de l’adversaire n’a rien d’inhabituel dans la controverse religieuse de cette période, loin s’en faut. Dans les années 1615, l’un des auteurs de méthodes de controverse contre la Réforme les plus remuants, François Véron (1575-1649), revendique l’utilisation d’une méthode imparable, consistant à ne combattre les réformés qu’en leur opposant les textes qu’ils invoquent eux-mêmes : les Écritures saintes, quelques figures privilégiées telles que saint Paul et saint Augustin, et leurs propres écrits47. Son succès lui a valu de rester célèbre sous le nom de « Véronique ». É. Kappler a fait remonter cet usage à un ouvrage publié en 1607 par le jésuite Jean Gontery (1562-1616)48. Il reste que l’on rencontre cette pratique de manière plus ou moins systématique dans divers écrits antérieurs. I. Hentz-Dubail a montré qu’elle était à la base de la conférence organisée en 1600 entre Mornay et Du Perron : afin d’écarter les soupçons qui pesaient sur les dérapages de la logique, l’évêque d’Évreux opte pour une méthode fondée sur la critique des textes adverses49. Le procédé de l’anatomie apparaît ici comme une transposition écrite de l’ancienne structure de la disputatio, distribuant dans le cadre logique du dilemme le rôle du defendens produisant ses sources et celui de l’opponens lui opposant des textes contradictoires, à l’adresse d’un lecteur qui se trouve dans cet élan entraîné vers une défaite préméditée et inlassablement répétée.
26Dans cette dispute gérée en autonomie, le lecteur n’a pas l’initiative des textes mis en opposition ; il est indispensable qu’il puisse s’y référer en toute confiance. En dépit des petites distorsions relevées précédemment dans l’usage fait par Gaultier de ces citations, la caractéristique la plus frappante de ses références textuelles est leur grande précision, par rapport aux pratiques de l’époque. Les extraits mentionnés plus haut permettent de constater que les citations de L’Insitution de la religion chrétienne ou des commentaires de Calvin sur les textes saints s’accompagnent toujours d’un renvoi à la page, et si possible, au paragraphe ou au verset concernés. Il en va de même des renvois à d’autres sources réformées. Lorsque Gaultier cite des traductions réformées de la Bible en français, il précise le nom de l’éditeur, et la date de parution. Dans le dilemme 18, évoquant la nature humaine ou divine du Livre de la Sagesse, il demande :
- 50 J. Gaultier, L’Anatomie, op. cit., p. 48. Il ajoute que cette affirmation est conforme à ce qu’écr (...)
Que si la doctrine de ce livre est humaine, pourquoy est-ce qu’en l’argument d’iceluy, couché en vos Bibles, notamment en celles de l’an 1563. imprimees par Nicolas Barbier et Thomas Courteau, et de l’an 1570. par Jean de Laon, vous dites que la lecture en a toujours été receuë et approuvée en l’Eglise, comme saincte et de grande utilité ?50
27À la fin du dilemme 23, destiné à montrer que saint Paul est bien l’auteur de l’Épître aux Hébreux, le jésuite cite les références précises d’un commentaire de Calvin favorable à cette attribution, convergeant ainsi avec « sa Response aux Questions de la discipline Ecclesiastique, imprimée entre ses epistres, pag. 336 », ainsi qu’avec la « Confession de Poissy, art. 3 », et la « Bible imprimée l’an 1570. par Jean de Laon ». Mais cette attribution est selon lui contestée par l’Institution de la religion chrétienne, « l. 1. c. 13. §. 2 », exposant « le verset 3. du chapitre premier de l’épître aux Hebrieux », et le « §. 26 ». Pour finir, il dit avoir remarqué que la « Bible de l’an 1555. imprimée par Jean Crespin » et le « Nouveau Testament de l’an 1601. par Matthieu Berion » validaient quant à eux cette paternité.
28Globalement, la précision de ces renvois fait preuve ; elle a vocation à dissiper les doutes que l’on pourrait avoir sur l’authenticité de ces citations, présentées comme incroyablement inconséquentes, ce qui n’empêche cependant pas qu’elles puissent être approximatives, et même varier d’une occurrence à l’autre dans l’Anatomie. Pour un lecteur mondain, cette pratique s’intègre à la rhétorique judiciaire qui fonde cet ouvrage ; son apparence technique s’accorde avec la rigueur logique affichée par le discours. Pour le prédicateur en quête d’arguments, elle fournit un arsenal prêt à l’emploi, reposant sur un impressionnant dépouillement des écrits adverses, susceptible de dispenser l’utilisateur de recourir à ces sources, ou à tout le moins de lui faciliter ce travail. Cette utilisation est favorisée par le fait que ces citations ne sont pas seulement précises, mais également finement délimitées ; en fonction des besoins de l’argumentaire, elles peuvent se réduire à quelques mots, ou s’étendre sur plus d’une page.
29Il entre au demeurant une part de risque dans ces variations d’ampleur. Si les citations ciblées permettent d’évacuer le contexte, les extraits plus longs sont plus difficiles à maîtriser. À propos du jeûne, Gaultier cite ainsi des extraits prolongés de l’Institution, avant de conclure :
- 51 Ibid., p. 654, dilemme 155.
il nomme erreur meschant et dangereux de priser tant le jeusne, qu’il semble advis aux gens (ce sont ces [sic] propres mots) qu’ils ayent faict une œuvre bien digne et excellente, quand ils auront jeusné. A-on jamais ouy aucun Advocat d’Epicure plaider plus effrontément en faveur du ventre et de la chair ?51
30La controverse catholique a coutume d’imputer le refus du jeûne à un épicurisme débridé, refusant toute privation. Possible dans un contexte satirique, cette accusation résiste mal à la confrontation avec les propos réellement tenus ; dans le corps de la citation, on voit nettement Calvin dénoncer cette pratique comme un expédient permettant de soulager sa conscience à bon compte, une pratique extérieure risquant de se substituer à la foi intérieure. La citation longue, censée fournir la pièce de l’accusation, présente en réalité les éléments qui l’invalident.
31Il reste que l’effet produit plus globalement par ces citations est bien celui d’un réseau intertextuel très dynamique, qui peut évoquer au lecteur moderne les liens hypertextuels utilisés par l’édition en ligne. Certes, ces derniers permettent d’accéder instantanément au texte second, mais en fournissant des citations ciblées et des références précises, Gaultier s’approche autant que possible de cette constitution d’un réseau textuel, avec les moyens que lui fournit l’imprimerie. Il tire toutes les conséquences des apports de cette technique à la fin de la Renaissance ; notamment il se montre particulièrement conscient des circulations intertextuelles, à la fois plus précises et plus nombreuses, permises par la pagination et le référencement des éditions. Si la structuration logique de sa méthode de controverse impose son encadrement spectaculaire, le lecteur perçoit vite que cette dernière repose sur un dispositif d’intense confrontation textuelle.
Références internes. Un réseau de manuels complémentaires
- 52 Ibid., p. 644 ; voir p. 250 : « […] suyvant ce qui a este verifié au Dilemme 75. 79. 80. 81. 82. »
- 53 Ainsi dans le dernier dilemme de la première grande partie, il propose ce survol du chemin accompl (...)
32Poursuivant sa lecture, il pourra constater qu’aux références externes à Calvin et à divers discours produits par la Réforme, Gaultier ajoute des références internes à ses propres écrits. Les plus directes sont des renvois à d’autres dilemmes, au sein même de L’Anatomie. À mesure que le propos avance, l’auteur fait l’économie de certaines explications ou informations, et se contente de renvoyer aux chapitres concernés. Dans le dernier tiers de l’ouvrage, ces références peuvent s’accumuler, formant des énumérations parfois imposantes. Ainsi, à la fin du dilemme 152, consacré à la calomnie, Gaultier renvoie aux blasphèmes proférés contre la Vierge, au dilemme 77, mais également aux injures dont serait victime le Christ en personne, « dequoy a esté traicté és Dilemmes 74. 75. 79. 80. 81. 82. 83. 84.52 ». Comme les agglutinements de citations, ces listes de références ne produisent sans doute pas le même effet suivant les catégories de lecteurs : pour les uns, elles peuvent apparaître comme des outils de gestion du propos impressionnants quoique peu praticables, tandis que pour d’autres elles sembleront au contraire utilisables en vue de constituer un argumentaire personnel, en complément des listes de dilemmes convergents que Gaultier propose dans les chapitres conclusifs des grandes parties, où elles paraissent plus à leur place53. Ces renvois internes témoignent indéniablement d’un travail pointilleux d’indexation des thèmes abordés dans le texte, destiné à en faire un manuel de controverse propice à une lecture plus tabulaire que linéaire.
- 54 Supra, n. 17. F. Henryot, op. cit., p. 111-112, cite à propos de cet ouvrage un jugement sans appe (...)
33Ces renvois internes sont complétés par une troisième catégorie de références, renvoyant à d’autres ouvrages de Gaultier. À côté de quelques allusions aux Dilemmes catholiques de 1606, l’ouvrage principalement concerné est sa Table chronographique de 160954. Aux alentours de la p. 400, alors que la première partie sur quatre n’est pas achevée, la volonté d’économiser le propos se fait de plus en plus pressante, et les renvois se multiplient. Dans le dilemme 137, où Gaultier explique que le culte des saints mène au culte de Jésus-Christ, on trouve ainsi successivement deux renvois à la Table, le deuxième étant doublé d’un renvoi interne au dilemme 84, et assorti de références bibliographiques pointilleuses :
De ce merite de Jesus-Christ tantôt aboli, tantost retabli, et derechef aboli par Calvin […], voyez en les passages fidelement marquez au Dilemme 84. et plus amplement traitez en la Table Chronographique, Verit. 6. Sec. 1. §. 1. 2. 4.
- 55 Sur cet aspect des disputes, B. Dompnier, op. cit., p. 176 ; I. Hentz-Dubail, De la logique à la c (...)
- 56 J. Gaultier, Table, op. cit., p. 74 : « Difference si notoire et oculaire… » ; p. 422 : « Seulemen (...)
- 57 J. Gaultier, L’Anatomie, op. cit., « Epistre », fol. A4 r°.
34La mise en scène répétée de cette complémentarité entre L’Anatomie et la Table ne manque pas d’à-propos publicitaire, mais elle témoigne aussi certainement de l’élan didactique qui traverse ces écrits. Les deux ouvrages reposent sur une stratégie de l’évidence, transposant en quelque sorte à l’écrit une part de la dimension spectaculaire des disputes55. Cette filiation se lit notamment dans l’emploi du terme « oculaire » dans les textes liminaires des deux traités. Tandis que la Table renvoie inlassablement son lecteur à des preuves « oculaires », évidentes à qui ouvrira les yeux (fig. 1)56, l’ouvrage de 1614 est annoncé comme une « Anatomie oculaire » permettant de « faire voir […] la deformité enorme de ce monstre horrible, qu’ils affublent du manteau de Reformation57 ».
Fig. 1 : Table chronographique de l’estat du christianisme, op. cit., éd. P. Rigaud, 1621, p. 18
35
Fig. 2 : Table chronographique de l’estat du christianisme, op. cit., éd. P. Rigaud, 1621, p. 779
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- 58 Supra, n. 18. Ce titre pourrait d’ailleurs faire écho aux Tabulae Anatomicae sex de Vésale, c’est- (...)
37Bien entendu, à partir de cette base commune, les méthodes diffèrent. Tandis que la figure de l’anatomie renvoie à l’image d’une leçon spectaculaire (celle des « théâtres d’anatomie » dont certaines illustrations sont célèbres), la Table chronographique se propose de mettre à plat les différends religieux siècle après siècle, sous une forme panoramique offrant au lecteur une temporalité domestiquée, à l’aide de procédés visuels variés, que la page de garde annonce en recourant à de tonitruantes variations typographiques58. Colonne après colonne, le lecteur peut d’un regard observer la succession des papes, empereurs, ducs, rois étrangers, des écrivains remarquables, etc., et y situer les principales hérésies, au prix d’une belle prouesse de mise en page de la part de l’éditeur J. Roussin (fig. 2).
38Cette cartographie temporelle revêt aussi une dimension argumentative, par les parallélismes qu’elle ménage. Face à la continuité de l’Église catholique, reposant sur la succession des papes depuis saint Pierre, l’histoire des hérésies apparaît comme une non-histoire, car au lieu de s’enchaîner, les événements qui la jalonnent (schismes, blasphèmes, interprétations hétérodoxes) se répètent, suivant des combinaisons qui varient entre les époques sans progresser. La nature pécheresse de l’homme étant ce qu’elle est, les fautes et erreurs ne peuvent que revenir de siècle en siècle, la seule modulation étant le dosage de tel ou tel blasphème à chaque période. Tandis que les acteurs de l’histoire ecclésiastique bâtissent une continuité vénérable, l’hérésie se propage sur le mode d’une contamination. Ce parcours rétrospectif confirme que la Réforme n’est pas la correction d’une dégradation hiératique du christianisme originel, mais plutôt le dernier avatar de l’hérésie, qui n’est qu’une manifestation du mal inscrit dans le cœur de l’homme. Gaultier inscrit le calvinisme dans la durée, mais pour le charger d’un héritage infamant. Le rapprochement est explicite, et toujours aussi méthodique : des bilans séculaires proposent des synthèses sur le « rapport des vieilles heresies » du siècle envisagé « aux modernes de la prétendue reformation ». Une heureuse convergence s’établit entre simplification didactique et schématisme polémique. Il en va de même dans la fiche contradictoire qui, au terme de chaque siècle, présente « douze verités catholiques » de la période s’opposant aux principes du calvinisme. La structure binaire des dilemmes n’est pas absente de cette pédagogie contrastive.
- 59 Ainsi dans l’édition de 1614 le 9e point du ier siècle se termine par un renvoi interne doublé d’u (...)
- 60 Jacques Gaultier, Sommaire des controverses qu’on peut exposer ès sermons de chaque évangile des d (...)
39Dans les éditions suivantes, le lien entre les deux ouvrages se densifie. À partir de 1614, les nombreuses rééditions de la Table chronographique renvoient à L’Anatomie59. Les deux ouvrages fonctionnent en miroir : dans la Table, le lecteur trouvera un détail de citations bibliques et patristiques que L’Anatomie ne reprend pas de manière exhaustive ; mais cette dernière lui fournira des raisonnements élaborés, qui n’ont pas leur place dans les colonnes du tableau « chronographique ». En 1622, Gaultier va jusqu’à publier un Sommaire des controverses […] traictées […] partie en l’Anatomie du Calvinisme, partie en la Table chronographique […]60. Plus directement qu’à l’édition numérique, cette exploitation agile des ressources de l’imprimerie (mise en page, référencement) peut faire penser aux encyclopédies miniatures, Tout en un et autres Quid, qui avant l’ère numérique prétendaient offrir au lecteur un résumé simplifié des connaissances sur tel ou tel point, ou même sur toutes les connaissances, reposant sur un effort de présentation particulier (tableaux, images, rubriques construites suivant un schéma homogène et répétitif). Les productions de Gaultier partagent avec ces manuels leurs traits les plus frappants, la systématicité de la méthode, et le scénario pédagogique d’autoformation individuelle qu’elle programme implicitement. Ce qui distingue peut-être la stratégie adoptée par les deux ouvrages, est que dans la Table chronographique, l’argumentation vient s’inviter dans un dispositif qui se présentait en premier lieu comme une somme informative, tandis que dans L’Anatomie, l’information vient nourrir un propos répondant en premier lieu à une logique persuasive. Dans les deux cas, la dispute orale est loin ; elle s’est sublimée dans des dispositifs textuels très élaborés.
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40Quelles hypothèses peut-on esquisser sur les raisons qui conduisent Gaultier à ces publications, et sur la fonction qu’il leur assigne ? La controverse jésuite de cette période s’inscrit le plus souvent dans une double lutte, contre la Réforme, et pour la stabilisation de la Compagnie de Jésus en France, mais chaque ouvrage s’inscrit dans un contexte plus singulier. On peut sans risque imaginer que Gaultier entend publier l’essence de l’enseignement qu’il a développé depuis une vingtaine d’années, en tant que professeur de controverse et de théologie. Il participe ainsi à la dynamique de transposition du débat en manuels que nous évoquions pour commencer, ne proposant pas moins de deux méthodes définitives. L’objectif affiché, convertir le lecteur réformé, fait sans doute partie des moyens de la controverse plus qu’il n’en est une fin ; il tient plus du cri de guerre que d’un réel espoir de conquête. Un objectif plus réaliste pourrait être d’éviter des conversions inverses, en plaçant les lecteurs catholiques chancelants dans la posture désavantageuse d’un réformé contraint d’assumer les conséquences du discours calvinien. Mais l’usage dominant d’un ouvrage tel que L’Anatomie est sans doute de fournir aux prédicateurs des éléments de réponses appuyés sur des références précises sur tous les points de la controverse. Elle contribue aussi à la pression maintenue par les jésuites pour apparaître contre le plus efficace rempart contre la Réforme, et dissuader le jeune roi Louis XIII, fils d’Henri IV, de s’appuyer sur les protestants, soit à l’intérieur pour résister à l’emprise de la reine mère Marie de Médicis et de Concini, soit à l’extérieur, face à la pression de l’empire, si l’on pense à l’édition de 1621.
- 61 J. Gaultier, L’Anatomie, op. cit., p. 67, p. 513, p. 598, etc.
- 62 En 1603, 1606 (deux conférences), 1609, et 1611.
- 63 Epitaphe anagrammatique de Daniel Chamier gros et gras ministre de Montauban, Montauban, Pierre Ga (...)
41Cet ouvrage intervient aussi dans les échanges plus locaux, voire plus personnels, entre jésuites et pasteurs, dans le sud-est de la France. Il semble porter des traces de la rancœur suscitée 13 ans plus tôt par la dispute d’Allan, à laquelle Gaultier se réfère encore61. Le fait que l’on ne retrouve pas son nom dans les disputes relevées par É. Kappler, alors que celui de Chamier y reparaît plusieurs fois62, suggère que la confrontation directe n’a pas particulièrement réussi au jésuite de Tournon. Les Dilemmes catholiques de 1606 apparaissent comme une recension un peu refroidie de ce débat, au demeurant expédiée. L’Anatomie se présente comme une médecine plus efficace, quoique bien plus tardive encore : sa première fonction pourrait être de clore le débat par une publication pérenne, élargissant le débat à tout le « calvinisme », et compensant une possible faiblesse de repartie par une méthode présentée comme définitive. Cette logique de réparation pourrait expliquer l’allure un peu obsessionnelle de cet ouvrage, et le grain de folie qui anime ce scénario de lecture autoformatrice. Cette entreprise pourrait aussi être liée plus concrètement à la nouvelle position de Chamier. En 1612, il quitte sa ville de Montélimar où il officiait déjà lors de sa rencontre avec Gaultier, et accepte une charge de pasteur à Montauban, où il est chargé de réorganiser l’académie. Le voici en mesure de professer ses contrevérités dans un bastion de la résistance huguenote. La réédition de janvier 1621 paraît liée factuellement à l’échéance du privilège de 1614, octroyé pour 6 ans. Il reste qu’elle intervient dans un contexte troublé, dans lequel Chamier va jouer son dernier rôle. En juillet, le roi assiège Montauban. Les troupes de la ville, bien préparées, opposent une forte résistance, chèrement payée par l’armée royale, dont les légendaires « 400 coups » de canon symbolisent l’exaspération. On prête une partie de la force des assiégés au fait qu’ils sont galvanisés par leurs pasteurs, Chamier en tête. Ce dernier y perd la vie, frappé par un boulet de canon, le 17 octobre. Une épitaphe féroce, parfois attribué au jésuite Garasse, se réjouit de le voir ainsi « canonisé », son « gros ventre farcy » brisé par le projectile63. Gaultier n’a pas dû être le dernier à saluer cette extension en acte de la métaphore anatomique.
Notes
1 Jacques Gaultier, L’Anatomie du Calvinisme. Où sont briefvement descouverts, & clairement refutez en deux cens Dilemmes les principaux erreurs de l’Eglise Pretendue Reformée, Lyon, Pierre Rigaud, 1614 ; nouvelle émission en 1615, puis réédition revue par l’auteur en 1621, Lyon, Pierre Rigaud (nous renverrons ci-dessous à cette édition). Sur ce personnage on peut consulter la notice d’Émile Kappler, Les Conférences théologiques entre catholiques et protestants en France au xviie siècle, Paris, Honoré Champion, 2011, p. 905 ; on peut se reporter au récit plus détaillé d’Henry Fouqueray, Histoire de la Compagnie de Jésus en France, des origines à la suppression (1528-1762), Paris, A. Picard et fils, 1910-1925 (t. 2, « La ligue et le bannissement (1575-1604) » et t. 3, « Époque de progrès (1604-1623) »), même s’il s’appuie parfois sur les affirmations militantes des protagonistes catholiques.
2 Comme l’expliquait Émile Kappler, la controverse, d’abord majoritairement livresque, s’est à la fin du xvie siècle transposée en débats de plus en plus nombreux ; mais un retour à l’écrit s’opère par la suite, soit par la publication des actes, soit sous la forme d’ouvrages passant du compte rendu à l’élaboration d’une méthode, dont l’Anatomie du Calvinisme envisagée ici est un exemple. Voir aussi Bruno Hübsch, Le ministère des prêtres et des pasteurs. Histoire d’une controverse entre catholiques et réformés français au début du xviie siècle, Lyon, Chrétiens et Sociétés – Documents et mémoires 10, 2010 [publication d’une thèse soutenue en 1965]. Fabienne Henryot, « Publier la controverse (1598-1629) : Les jésuites et l’édition de la théologie antiprotestante », dans Yves Krumenacker et Philippe Martin (dir.), Jésuites et protestantisme (xvie-xxie siècles), Lyon, Chrétiens et sociétés – Documents et mémoires 37, p. 95-114, propose une réflexion affinée sur le comptage des publications, observant des pics en 1600, 1610, puis entre 1617 et 1623. Sur les modalités de la dispute au début du xvie siècle, voir Fabrice Flückiger, Dire le vrai. Une histoire de la dispute religieuse au début du xvie siècle. Ancienne Confédération helvétique, 1523-1536, Neuchâtel, Alphil, 2018. Sur les liens avec la disputatio, et les libertés prises avec ses règles, voir Olivier Christin, « Arguing with Heretics ? Colloquiums, Disputations and Councils in the Sixteenth Century », dans Bruno Latour et Peter Weibel (dir.), Making Things Public. Atmosphere of Democracy, Cambridge (Mass.), MIT Press, 2005, p. 434-444.
3 Natacha Salliot Philippe Duplessis-Mornay. La Rhétorique dans la théologie, Paris, Classiques Garnier, 2009, p. 9, évoque un abandon de la quête du vrai au profit d’un pur combat contre le camp adverse aboutissant avant tout à l’« approfondissement des divergences ». Bernard Dompnier, Le Venin de l’hérésie. Image du protestantisme et combat catholique au xviie siècle, Paris, Le Centurion, 1985, estime que Véron pensait sincèrement qu’une controverse bien coordonnée éradiquerait l’hérésie (p. 181), mais confirme le constat du maigre bilan des entreprises de conversion (p. 221). Si la difficulté de convaincre un adversaire par le seul raisonnement s’impose à tous, la croyance en l’efficacité de la parole est sans doute un phénomène complexe, variable en fonction des personnes et des situations, mais aussi des différentes phases d’élaboration du discours. Enfin, Jérémie Foa « “Plus de Dieu l’on dispute et moins l’on en fait croire”. Les conférences théologiques entre catholiques et réformés au début des guerres de Religion », dans Piroska Nagy, Michel-Yves Perrin et Pierre Ragon (dir.), Les controverses religieuses, entre débats savants et mobilisations populaires (monde chrétien, Antiquité tardive – xviie siècle), Mont-Saint-Aignan, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2011, p. 79, suggère de ne pas interpréter nécessairement cette limitation des effets comme un échec.
4 Il est vrai que cela n’empêche pas Duplessis-Mornay (entre autres) d’être attaqué comme compilateur, puisant ses sources dans des traités eux-mêmes sujets à caution (N. Salliot, op. cit., p. 47). Mais cet argument est l’inversion d’une attaque d’inspiration philologique, par laquelle les réformés reprochent aux catholiques d’avoir constitué leurs rites et notamment la messe en rapiéçant des coutumes païennes ou venues de diverses religions. Il s’agit avant tout de trouver l’argument symétrique.
5 Isabelle Hentz-Dubail, De la logique à la civilité : disputes et conférences des guerres de religion (1560-1610), thèse de littérature française, dir. Francis Goyet, Université Stendal – Grenoble 3, 1999, p. 65 ; François Rigolot, L’Erreur de la Renaissance : perspectives littéraires, Paris, Honoré Champion, 2002, p. 47 ; Mario Turchetti, « Une question mal posée : Érasme et la tolérance. L’idée de sygkatabasis », Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, t. 53-2, 1991, p. 379-395.
6 J. Foa, op. cit., p. 86. I. Hentz-Dubail, De la logique à la civilité, op. cit., p. 5, rapporte le passage de la dispute à la conférence à ce mouvement de repli du public sur le privé et la mondanité, même si le déplacement de la dispute dans les milieux de cour s’accompagne dans un premier temps d’un élargissement de l’auditoire (ibid., p. 329). N. Salliot, op. cit., p. 70, signale une distinction éclairante de D. Chamier dans sa Dispute de la vocation des ministres (La Rochelle, J. Haultin, 1598), déclarant qu’il vaudrait mieux parler de conférence que de dispute, tant ce mot évoque un échange violent, si les conditions le permettaient, et une autre tout aussi explicite de Duplessis-Mornay (ibid., p. 79, n. 119).
7 Comme le remarque F. Henryot, op. cit., p. 98, une fois prise cette distance, la frontière entre la controverse et la polémique religieuse n’est pas toujours nette ; on peut du moins distinguer les traités qui prennent appui sur des disputes effectives et héritent de leur protocole, d’ouvrages qui suivent davantage les principes du sermon ou du traité théologique.
8 B. Dompnier, op. cit., p. 214. À la fin du xvie siècle, le Tableau des différends de la religion de Marnix de Sainte-Aldegonde, cédant la parole à un catholique qui prétend régler en toute impartialité les points de litige entre catholiques et protestants, parodie cette pratique, ce qui suggère qu’elle est déjà bien connue (Philippe de Marnix de Sainte-Aldegonde, Tableau des différends de la religion [1599-1605], éd. François van Meenen, Bruxelles, van Meenen, 1857-1860).
9 N. Salliot, op. cit., p. 63 souligne que dans l’Institution catholique de Pierre Coton, Paris, Claude Chappelet, 1610, qui se présente comme un antidote à l’Institution de la religion chrétienne de Calvin, les trois autorités invoquées successivement sont l’Écriture, les Pères, et la raison, et explique plus globalement l’importance de la méthode et de la raison dans la controverse d’inspiration scolastique, dans les deux camps, s’appuyant en particulier sur Olivier Fatio, Méthode et théologie. Lambert Daneau et les débuts de la scolastique réformée, Genève, Droz, 1976.
10 I. Hentz-Dubail, De la logique à la civilité, op. cit., p. 29.
11 É. Kappler, Les Conférences théologiques…, op. cit., p. 354 ; H. Fouqueray, op. cit. t. 3, p. 544 et suiv. Sur Chamier voir Pierre Martin et Marie-Hélène Servet (dir.), Calomnie, rumeur, désinformation : l’Histoire du Père Henri, jésuite et sodomite, dossier thématique de la revue Albineana, n° 23, 2011 ; The New Schaff-Herzog Encyclopedia of Religious Knowledge, Harvard, Harvard University Press, 1909, t. 3 ; Nicolas Michel, Histoire de l’ancienne académie protestante de Montauban et de Puylaurens, Montauban, Forestié, 1885, p. 105 et suiv. ; Louis Dizier, Daniel Chamier : sa vie et ses écrits, Strasbourg, J.-H.-É. Heitz, 1869 ; Charles Read, Daniel Chamier (1524 –1621), Journal de son voyage à la cour de Henri IV en 1607, et sa biographie, Paris, SHPF, 1858.
12 Plusieurs auteurs ont étudié le lien entre multiplication des débats et régimes de pacifications, permettant notamment aux réformés de se produire en public (J. Foa, op. cit., p. 81 ; N. Salliot, op. cit., p. 21). F. Henryot, op. cit., p. 96-97, ajoute que du côté catholique, l’édit de Nantes a créé les conditions d’une mission intérieure de recatholicisation, tandis qu’à partir de la paix d’Alès la stratégie se réoriente vers plus de conciliation.
13 Sur ce contexte, voir notamment Pierre Antoine Fabre et Benoist Pierre (dir.), Les jésuites. Histoire et dictionnaire, Paris, Bouquins, 2022.
14 Daniel Chamier, Epistolæ jesuiticæ, Genève, Pierre de La Rovière, 1599. Coton relate ces échanges entre jésuites et pasteurs dans Pierre Coton, Apologétique par Pierre Coton, forésien, de la Compagnie de Jésus, tant sur les faux bruits dont il a été chargé qu’autres signalez incidents et rencontres, Avignon, Jean Bramereau, 1600, et Gaultier dénonce la couardise de Chamier dans l’avertissement de Jacques Gaultier, Dilemmes catholiques lesquels... persuaderont aux prétendus reformez de se catholizer... avec la refutation des responses et changes prétendus de Daniel Chamier ministre de Montelimar, Tournon, Claude Michel et Thomas Soubron, 1606, p. 6.
15 Le constat établi par É. Kappler selon lequel ces disputes sont surtout un « dialogue de sourds » soulève selon Yves Krumenacker la question : « mais alors, pourquoi ont-elles duré si longtemps ? » (Yves Krumenacker, compte rendu dans Chrétiens et sociétés (xvie-xxie siècle), n° 18, 2012, p. 205-206). Cet adoubement réciproque pourrait être une partie de la réponse. N. Salliot, op. cit., p. 36, souligne l’omniprésence de la question de la réputation dans les controverses.
16 Les actes sont d’abord publiés par Coton : Actes de la conférence tenue à Nismes entre le P. Pierre Coton et Mr. Chamier ministre […] avec la vérification oculaire […] faite par le d. Pierre Coton […], y sont adjoustez un sommaire recueil des arrianismes du mesme ministre conférant avec le R.P. Gautier et une réponse faicte par ledict Chamier, Lyon, Étienne Tantillon [achevé d’impr. par Pierre Roussin], 1601, puis par Chamier : Les Actes de la Conférence tenue à Nismes entre Daniel Chamier ministre du saint Evangile pasteur de l’Eglise de Montélimar et Pierre Coton jésuite predicateur audit Nismes, publiez maintenant par ledit Chamier pour faire voir les faussetés de ceux que Coton a fait imprimer à Lyon par Estienne Tantillon sous le nom de P. Demezat, Genève, Gabriel Cartier, 1601.
17 Supra, n. 14 ; l’ouvrage fait 50 p. L’exemplaire de la bibliothèque Sainte-Geneviève est contenu dans un recueil factice de 13 pièces.
18 Jacques Gaultier, Table chronographique de l’estat du christianisme depuis la naissance de Jésus-Christ jusques à l’année MDCVIII. Contenant en douze colomnes les papes et antipapes, les Conciles et Patriarches […], les Heretiques et les Evenemens remarquables de chasque Siecle ou Centurie, Ensemble le rapport des vieilles heresies aux modernes de la Pretenduë Reformation, et douze des principales Veritez Catholiques attestées de Siecle en Siecle contre le Calvinisme […], Lyon, Jacques Roussin, 1609. Les rééditions, y compris posthumes, dont de nombreux exemplaires sont conservés, montrent que l’ouvrage est devenu un usuel, mis à jour durant tout le siècle (1613, 1616, 1621, 1626, 1633, 1651, 1673, 1679, 1751).
19 Lettre declaratoire de la doctrine des Peres Jesuites conforme aux decrets du concile de Constance, adressee à la royne mere du roy regente en France, parue en 1610 à Paris, Lyon et La Haye ; Anti-Coton ou Réfutation de la Lettre déclaratoire du P. Coton. Livre ou est prouvé que les jésuites sont coupables et auteurs du parricide éxécrable commis en la personne du roy très-chrétien Henry IV, s. l., s. n., 1610. Sur les diverses réponses voir Auguste Carayon, Bibliographie historique de la Compagnie de Jésus, Paris, A. Durand, 1864, p. 399.
20 On peut se reporter à la très claire synthèse proposée par Antoinette Gimaret, « Représenter le corps anatomisé aux xvie et xviie siècles : entre curiosité et vanité », Études Épistémè. Revue de littérature et de civilisation (xvie-xviiie siècles) [En ligne], n° 27, 2015, consulté le 24 mai 2022 [URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/ episteme/501 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/episteme.501]. Pour plus de détails, voir notamment : Raphaël Cuir, Renaissance de l’anatomie, Paris, Hermann, 2016 ; David Hillman et Carla Mazzio (dir.), The Body in Parts : Fantasies of Corporeality in Early Modern Europe, Londres – New York, Routledge, 1997 ; Rafael Mandressi, Le regard de l’anatomiste : dissections et invention du corps en Occident, Paris, Seuil, 2003 ; Andrea Carlino, La Fabbrica del corpo, libri e dissezione nel Rinascimento, Turin, Einaudi, 1994.
21 « L’estat de celuy qui entreprend la description des parties du corps humain ne me semble en rien différent de l’office d’ung historien auquel incombe produire et monstrer par escrit ce qui sert à la mémoire des gestes et affaires publiques » (La Dissection des parties du corps humain [De Dissectione partium corporis humani, 1545], Paris, Simon de Colines, 1546, Premier livre, « Proesme contenant l’argument de tout l’œuvre », p. 2, cité par A. Gimaret, op. cit., § 7).
22 Comme le précise A. Gimaret, op. cit., § 2, l’Église médiévale n’a pas opposé de veto à cette pratique et son développement ne résulte pas tant d’un assouplissement de ces interdits que d’un renouveau scientifique.
23 Les connotations médicales sont rarement explicitées ; François Véron, Response à l’Anatomie de la Messe, du sieur Du Moulin […]. Vieilles Ferrailles Redittes ministrales […], Paris, Louis Boulanger, s. d., se distingue sur ce point par une conscience très nette du procédé, adressant à son adversaire : « Quant à moy si je ne craignois d’offenser ce Vieillard, je luy dirois, Que faisant une Anatomie il se fait Chirurgien trop tard, lors que la vieillesse luy rend la main ou moins asseure ou tremblante, la fermeté de laquelle est la qualité la plus necessaire à la Chirurgie, ouvrage de la main. Je luy remarquerois […] [q]ue la Messe ne peut etre un subject propre d’une Anatomie, qui ne se fait que de choses corporelles […]. Je luy donnerois advis de penser plustost à l’Anatomie de son vieux Cadavre proche de l’Enfer […]. Mais quant à moy […], je me contenterois de faire une Anatomie de son Anatomie. Ma dissection de ces deux livres […] seroit en 7 Parties qui montreroient six qualitez de son Anatomie […] (p. 3-4). La représentation picturale donne elle aussi plus de présence au comparant. En 1566, un détail de la carte illustrant la Mappemonde papistique de Jean-Baptiste Trento, réalisée par Pierre Eskrich, représente un théâtre d’anatomie, dans lequel plusieurs réformateurs explorent les entrailles d’un animal désigné par un phylactère comme « L’Eglise romaine » (cette scène, intitulée « Anatomie », porte le n° 129, et se trouve sur le fol. 15) (éd. Frank Lestringant et Alessandra Preda, Genève, Droz, 2009, fig. 27).
24 Agostino Mainardo, Anatomie de la Messe et du Missel, qui est une dissection et déclaration de toutes les parties de la messe, voire jusques au plus petites […], Genève, Jean Crespin, [1552], rééd. 1555, 1557, 1559 (anon.), 1561, 1562 (Lyon, Jean Martin) ; Pierre Du Moulin, Anatomie de la messe, où est monstré par l’Escriture saincte et par les tesmoignages de l’ancienne Eglise, que la Messe est contraire à la parole de Dieu et esloignée du chemin de salut, Genève, Pierre Aubert, 1636 (la réponse de F. Véron est citée dans la note précédente). V. également Hugues Burlat, L’Anatomie, ou deschiffrement de la Cène des nouveaux Evangélistes et pretendus reformez…, Paris, Cl. De Monstr’œil et J. Richer, 1599 ; Jean Garet, De la Vraye presence du corps de Jesus-Christ au S. Sacrement de l’autel […], Paris, N. Bonfons et A. Cotinet, 1599.
25 N. Salliot, op. cit., p. 233 et n. 52 ; p. 255 et suiv. a étudié plusieurs manifestations de ce procédé (y compris sans reprendre l’image de la dissection),
26 Daniel Chamier [att.], Histoire notable de Pere Henri, Jesuite Sodomite, bruslé en la ville d’Anvers le XII. jour d’Avril 1601, s. l., s. n., [1601], éd. Albineana, n° 23, op. cit., p. 53-62.
27 Les Contredits au libelle diffamatoire, intitulé, Histoire notable de pere Henry […], Lyon, Jacques Roussin, 1601, ibid., p. 76. Dans l’avant-propos de son Apologétique, Coton évoque « [c]eux qui ont faict exacte anatomie des choses spirituelles » (op. cit., n. p.).
28 Il est à noter que ce dernier s’est lui-même illustré dans le procédé du commentaire linéaire, contre l’écrit d’un ancien jésuite qui avait tenté de reprendre la direction du collège de la Trinité à Lyon après l’expulsion de la Compagnie (Considerations sur les advertissements de A. Porsan, [Genève], Pierre de La Rovière, 1600).
29 Mathieu de La Gorce, « Les Contredits au libelle diffamatoire, intitulé Histoire notable de père Henry jesuite, bruslé à Anvers le XII. d’Avril, 1601 », dans Métamorphoses du commentaire (xve-xviiie siècle). Une anthologie, Nanterre, Presses universitaires de Nanterre, 2020, p. 65-100.
30 Le terme ne figure que dans quelques titres, à partir de 1572 : Gabriel de Saconay, Généalogie et la fin des Huguenaux et descouverte du Calvinisme [...], Lyon, Benoist Rigaud, 1572 ; Gilles de La Coulture et Antoine L’Escaillet, Rescriptions faictes entre M. Gilles de La Couture, Lillois, depuis son retour du Calvinisme au giron de l’Eglise romaine […], Anvers, Christophe Plantin, 1588. ; Pierre de Sapetz, Fausseté du Calvinisme démontrée par son incertitude, Toulouse, s. n., 1602 ; Jeanne de Jussie, Le Levain du Calvinisme, ou Commencement de l’Heresie de Geneve […], Chambéry, Geoffroi et Pierre Dufour, 1611 ; Ange de Raconis [att.], Deux emblèmes ou figures symboliques, dont l’une, prise de l’Institution de Calvin, se rapporte au Calvinisme démasqué [...], Paris, Louis Boulanger, 1627 ; François Véron, Le Luthéro-calvinisme, hérésie nouvelle [...], Paris, Louis Boulanger, 1631.
31 J. Gaultier, Dilemmes, op. cit., p. 3, p. 6, p. 39, etc.
32 Voir le dilemme 1 : « la lumière naturelle a dicté à Aristote (1. Prior. Anal.) qu’une verité ne peut contrarier à l’autre, jaçoit qu’une fausseté puisse dementir une autre fausseté : Étant tout ceci appuyé sur la première maxime de la nature, qu’enseignent les Metaphysiciens, Arist. 4. Metaph. c. 3. et seq. à savoir, sur l’impossibilité de faire qu’une même chose soit, et ne soit point : ou qu’elle soit telle, et ne le soit point. » I. Hentz-Dubail, De la logique à la civilité, op. cit., p. 22, rappelle les réflexions de Roland. Barthes, L’Aventure sémiologique, Paris, Seuil, 1985, p. 104, sur la machè dans la philosophie antique, sentiment que l’on approche de la vérité lorsque l’on conduit l’interlocuteur à une contradiction, et signale que cette crainte de la contradiction pourrait avoir conduit Luther à reconnaître qu’il considérait les papes et les conciles comme faillibles.
33 Cette transposition des rôles de la disputatio n’est pas propre à Gaultier ; elle est explicite, et dès le milieu du siècle les réformés ont demandé à alterner les rôles (Isabelle Hentz-Dubail, « L’éthos du controversiste (1560-1600) : d’un sophiste à l’autre », dans Michèle Clément (dir.), Les Fruits de la dissension religieuse (fin xve-début xviiie siècles), Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne, 1998, p. 32-34). Sur les origines de la dispute, voir la synthèse d’Olga Weijers, « De la joute dialectique à la dispute scolastique », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, t. 143-2, 1999, p. 509-518.
34 Voir par exemple l’analyse de Sophie Aubert-Baillot, « L’influence de la disputatio in utramque partem sur la correspondance de Cicéron », Vita Latina, n° 189-190, 2014, p. 21-39, sur la manière dont Cicéron emploie ces formules dans sa correspondance, sous l’influence complémentaire de la formule contra omnia dicere d’inspiration socratique et du dicere in utramque partem traditionnellement rattaché à Aristote.
35 J. Gaultier, Dilemmes, op. cit., p. 18, p. 35.
36 La première mention du terme dans un dictionnaire français semble être celle du Furetière de 1690, où il est défini comme un « argument fourchu, qui aprés avoir divisé une proposition en affirmative et en negative, fait voir de l’absurdité des deux costez ». On le rencontre en revanche bien en amont dans des ouvrages évoquant la controverse religieuse sous un angle philosophique. Claude d’Espence, Apophthegmes ecclesiastiques, Paris, Fédéric Morel, 1578, désigne (en manchette) comme un « dilemme insoluble » une question posée par saint Athanase aux païens (qu’ils croient ou non aux livres de la chrétienté, ils ne peuvent rejeter la croix, car dans un cas ils doivent l’honorer, dans le second, ils doivent l’ignorer). Pierre Du Moulin, Élements de logique, Sedan, Jean Jannon, 1621, p. 197, définit le dilemme comme « un argument fourchu ou cornu, auquel on donne à l’adversaire le choix de deux choses, pour luy monstrer que laquelle des deux qu’il choisisse, en l’une et en l’autre il est vaincu », et donne pour commencer l’exemple du mariage – dont le Tiers Livre offre la plus célèbre illustration, sans toutefois utiliser ce terme.
37 Sur les images du défi et du combat, voir É. Kappler, Les Conférences théologiques…, op. cit., p. 251, qui insiste également sur la dimension ludique de l’exercice ; B. Dompnier, op. cit.,, p. 176 ; N. Salliot, op. cit., p. 364.
38 J. Gaultier, L’Anatomie, op. cit., p. 16-17.
39 Ibid., fol. A4 r°.
40 Ibid., p. 243.
41 Ibid., p. 233 : « pourquoy demeurez-vous si long temps d’apercevoir les cornes de l’Esprit de contradiction, qui pousse le mesme Calvin […] » ; p. 250 : « C’est ainsy que Satan se joüe de leur langue, de leur plume, et de vos oreilles » ; p. 312 : « fuyez donc à bonne heure la doctrine pestilentielle, dont l’Esprit de contradiction et de libertinage a faict noircir le papier aux mesmes Chefs de vos Eglises Pretendues, Calvin et Beze » ; p. 371 : « une nouvelle sifflade de l’Esprit de contradiction » ; p. 444 : « Qui a jamais veu plus à descouvert les cornes de l’Esprit de contradiction, en aucun de ses organes, qu’il les voit icy és paroles de Calvin ? ».
42 Ibid., p. 30 ; p. 566-567 (dilemme 137) : « Cette sienne confession […] me fera prendre garde à une nouvelle bouffee de l’Esprit de contradiction. Car escrivant en termes formels au livre 4. de la mesme Institution, c. 2. §. 3. ce que j’ay desja noté au Dilemme 91. […] : il est contrainct d’admettre, ou que les Apostres ont erré au fait du merite des bonnes oeuvres, ou qu’il erre luy mesme contre la doctrine Apostolique […] » ; p. 660-661 (dilemme 158) : « Desobeyssance, qui est ordinairement talonnee de scandale, ainsi que Calvin est forcé d’accorder, s’esgorgeant luy mesme, sans y penser, de son propre couteau, au livre 4. de l’Institution […] ». On peut reconnaître ici le topos du discours autodestructeur, illustré au début du siècle par les adages d’Érasme centrés autour du lieu « Malum accersitum aut retortum » (« Malheur recherché ou retombé sur soi »), souvent employé dans les écrits de controverse (notamment 51/I, I, 5. « Suo sibi hunc jugulo gladio, suo telo », « Je l’égorge avec son propre glaive, sa propre arme », ou 53/I, I, 53. « Suo ipsius laqueo captus est », « Il a été pris à son propre piège »).
43 Ibid., p. 10 (dilemme 3) : « Jusques icy sont les propres mots de Calvin, lequel si quelqu’un veut voir s’estre oublié de soy mesme il pourra jecter les yeux sur ce qu’il escrit en apres au mesme chapitre ». Dans ce dilemme, Gaultier prétend opposer un passage où Calvin estime que la foi est toujours entachée par une part d’incrédulité, et un autre où il déclare l’incrédulité contraire à la foi ; il reprend la première citation, mais avec des modifications, dans le dilemme 5. Voir également le dilemme 77, p. 234 : « S’estant oublié de ce ce qu’il venoit d’escrire peu de lignes au paravant […] ».
44 Ibid., p. 36 (l’italique est présent dans le texte, nous ajoutons le soulignement).
45 Ibid., p. 56-57, dilemme 21.
46 I. Hentz-Dubail, De la logique à la civilité, op. cit., p. 28. Les autres réponses sont nego, dubito et distinguo.
47 É. Kappler, Les Conférences théologiques…, op. cit., p. 213 ; B. Dompnier, op. cit., p. 179.
48 Jean Gontery, La Vraye Procedure pour terminer le different en matiere de religion, Caen, Charles Macé, 1607 (rééd. Paris, Claude Chappelet, 1608). É. Kappler, Les Conférences théologiques…, op. cit., p. 208. Sur les méthodes de Gontery et Véron, voir Thibault Catel, « Le discours de la méthode dans l’œuvre controversiste de Jean Gontery » et Julien Léonard, « Les Methodes de traiter des Controverses de Religion (1638). Le chef-d’œuvre de François Véron », dans ce dossier.
49 I. Hentz-Dubail, De la logique à la civilité, op. cit., p. 366. On peut se demander si le succès historiographique de Gontery ne doit pas quelque chose à l’efficacité publicitaire de son titre – ainsi qu’au fait qu’il est l’un des principaux publiants de cette période (F. Henryot, op. cit., p. 105). L’enquête mériterait d’être reprise à partir de données plus complètes que celles dont disposait É. Kappler, et en distinguant les différents types de sources retenues (textes saints, écrits patristiques, écrits réformés…). Ainsi, l’idée d’attaquer Calvin à l’aide de ses propres affirmations est affichée au moins dès 1577 par Gabriel de Saconay, Traité très utile demonstrant si l’Eglise qu’on dit Calviniste, peut estre la vraye Eglise de Dieu, par le jugement de Calvin mesme, Lyon, Benoist Rigaud, 1577.
50 J. Gaultier, L’Anatomie, op. cit., p. 48. Il ajoute que cette affirmation est conforme à ce qu’écrit Calvin « en sa Psychopannychie, pag. 58. alleguant en titre d’Escriture sainte, le verset 15. du chapitre 9 ». Ce traitement est proche de celui que réserve le Père Coton dans sa Genève plagiaire en 1618, monumental ouvrage tabulaire qui peut aussi être comparé à la Table chronographique, où les variations des traductions sont examinées, d’édition en édition, et dont le projet est selon la dédicace né en même temps que Louis XIII. Je remercie Julien Léonard de m’avoir suggéré ce rapprochement.
51 Ibid., p. 654, dilemme 155.
52 Ibid., p. 644 ; voir p. 250 : « […] suyvant ce qui a este verifié au Dilemme 75. 79. 80. 81. 82. ».
53 Ainsi dans le dernier dilemme de la première grande partie, il propose ce survol du chemin accompli (ibid., p. 463-464) : « ils vous veulent faire passer pour vraye foy, un meslange de division, d’incredulité, de doute et d’erreur […] (Videatur Dilem. 1. et seqq.) et vous faire croire en un Dieu autheur de tout peché […] (Videatur Dilem. 49. 56. 57. 64.) et plein d’autant d’imperfections, qu’il est vrayement comblé de perfections, (Vide Dilem. 46. et seqq.) Croire en une Trinité impropre et metaphorique […] (Dilem. 65. 66. 67. 68. 69. 70. 71.) Croire en un Fils de Dieu qui ne prend point son être du Père […] (Dilem. 68. 72. 73.) Croire en un Jesus-Christ ignorant, pecheur […] ( Dilem. 74. 75. 76. 77.) […] ».
54 Supra, n. 17. F. Henryot, op. cit., p. 111-112, cite à propos de cet ouvrage un jugement sans appel de Pierre de L’Estoile, qui atteste néanmoins sa forte diffusion : « J’ai acheté la Chronologie du P. Gaultier, jésuite, imprimée nouvellement à Lyon, in-folio, qui est un livre rempli d’infinies fadaises, contes et menteries : qui est, possible, la cause principale, vu le temps où nous vivons, pourquoi il s’est si bien vendu, n’y en ayant tantôt plus, joint que beaucoup l’ont plus acheté pour rire que pour y profiter ».
55 Sur cet aspect des disputes, B. Dompnier, op. cit., p. 176 ; I. Hentz-Dubail, De la logique à la civilité, op. cit., p. 329, p. 485 ; N. Salliot, op. cit., p. 361, p. 371, p. 638.
56 J. Gaultier, Table, op. cit., p. 74 : « Difference si notoire et oculaire… » ; p. 422 : « Seulement veux-je icy, que le Lecteur prenne garde à la contradiction oculaire où Calvin s’est precipité… », passim. Dans l’édition de 1633 il évoque une « chose evidente à quiconque ne clorra les yeux à la demonstration oculaire qui en est faicte en la presente Table » (p. 18).
57 J. Gaultier, L’Anatomie, op. cit., « Epistre », fol. A4 r°.
58 Supra, n. 18. Ce titre pourrait d’ailleurs faire écho aux Tabulae Anatomicae sex de Vésale, c’est-à-dire à la publication de ses premières grandes planches anatomiques en 1538, largement diffusées en France et dans l’Empire germanique. Sur le lien entre figuration anatomique et poétique de l’évidence, voir Hélène Cazes, « Théâtres imaginaires du livre et de l’anatomie : La Dissection des parties du corps humain, Charles Estienne, 1545-1546 », dans Fiction du savoir à la Renaissance [En ligne] [URL : http://www.fabula.org/colloques/document103.php., consulté le 24 mai 2022].
59 Ainsi dans l’édition de 1614 le 9e point du ier siècle se termine par un renvoi interne doublé d’une référence au dilemme 14 de L’Anatomie.
60 Jacques Gaultier, Sommaire des controverses qu’on peut exposer ès sermons de chaque évangile des dimanches et fêtes […] traictées […] partie en l’Anatomie du Calvinisme, partie en la Table chronographique […] dressé par l’auteur de l’une et de l’autre, Lyon, Pierre Rigaud, 1622.
61 J. Gaultier, L’Anatomie, op. cit., p. 67, p. 513, p. 598, etc.
62 En 1603, 1606 (deux conférences), 1609, et 1611.
63 Epitaphe anagrammatique de Daniel Chamier gros et gras ministre de Montauban, Montauban, Pierre Gastou, 1621 (p. Gastou, désigné comme « imprimeur ordinaire », ne figure dans aucune autre notice de Louis Desgraves, Répertoire des ouvrages de controverse entre Catholiques et Protestants en France (1598-1685), Genève, Droz, 2 vol. , 1984-1985). Voir sur Chamier et sa mort Hubert Bost, « Daniel Chamier (1565-1621), le pasteur de Montélimar et le professeur de Montauban », dans Ces Messieurs de la R.P.R. Histoires et écritures de huguenots, xviie-xviiie siècles, Paris, Honoré Champion, 2001, p. 47-81, notamment p. 64-68.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Mathieu de La Gorce, « La méthode de Jacques Gaultier dans l' Anatomie du Calvinisme », Chrétiens et sociétés, 30 | 2023, 71-100.
Référence électronique
Mathieu de La Gorce, « La méthode de Jacques Gaultier dans l' Anatomie du Calvinisme », Chrétiens et sociétés [En ligne], 30 | 2023, mis en ligne le 28 mars 2024, consulté le 18 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/10229 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.10229
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