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AccueilNuméros30In MemoriamBernard Delpal (1944-2023)

Texte intégral

1Bernard Delpal est décédé le 27 novembre 2023 à l’hôpital de Valence où il avait été admis au retour d’une dernière conférence. Né en 1944 il avait effectué ses études supérieures à la Sorbonne et réalisé après sa licence d’histoire un mémoire de maîtrise consacré aux « Juifs du pape » dans le Comtat-Venaissin. Profondément marqué par l’esprit de 1968 et ses projets pour repenser l’école et l’Université, il choisit la voie de l’enseignement, passe l’agrégation et enseigne au lycée de Bourgoin où il expérimente avec ses élèves des démarches innovantes. Il entreprend dans le même temps une thèse de troisième cycle à l’Université Lyon 2 sous la direction de Xavier de Montclos. Publiée en 1989, elle explore la vie du catholicisme de la Drôme « entre paroisses et communes » et son rapport à la société en faisant appel à la sociologie religieuse, qualitative et quantitative. Nommé à l’Université Jean-Moulin Lyon 3, il se trouve confronté avec ses collègues à l’irruption du négationnisme et s’engage avec détermination dans le cadre de la Faculté, puis avec l’appui d’enseignants-chercheurs de l’Université (association René Cassin). Trente ans plus tard, le président de l’Université adresse après son décès un message qui salue son action : « Bernard Delpal a défendu toute sa vie une certaine idée de l’histoire et de l’éthique de sa discipline, qualités qui ont marqué des générations d’étudiantes et d’étudiants. »

2Ses activités multiples ne l’empêchent pas de préparer une thèse d’État sous la direction de Claude Langlois. Consacrée aux moines trappistes, soutenue en 1994, elle est publiée sous le titre Le silence des moines (Paris, 1998). Les recenseurs en soulignent les approches novatrices et relèvent l’attention portée par une utopie à la fois religieuse et sociale. Élu professeur à l’Université Jean-Monnet de Saint-Etienne, il garde des liens étroits avec les historiens de Lyon, au sein des centres d’histoire religieuse puis du LARHRA (équipe Enfermements, marges et sociétés), à l’occasion de colloques et de collaborations, en particulier avec l’Université Saint-Joseph et d’autres universités de Beyrouth qui tentaient de sortir l’histoire religieuse libanaise de ses frontières confessionnelles. Il dispense aussi son enseignement à l’Université Laval de Québec et l’Université de Genève sur l’histoire de l’humanitaire. Il accepte enfin de reprendre et mener à terme le Tome IV des Matériaux Boulard (CNRS, 2011).

3La décision de s’établir à Dieulefit dans la Drôme ouvre une nouvelle étape et lui donne l’occasion de déployer ses talents d’animateur et fédérateur. Il mobilise des habitants du pays de Dieulefit dans une vaste enquête historique sur le rôle joué par Dieulefit dans l’accueil des Juifs, des étrangers et des intellectuels (tel E. Mounier) menacés par le nazisme et le régime de Vichy (À Dieulefit, nul n'est étranger : désobéir et résister pour protéger et sauver pendant les années difficiles de la guerre, 2014). Il met en lumière l’école de Beauvallon à la fois refuge des proscrits et laboratoire pour de nouveaux modèles d’éducation. Il montre une remarquable capacité à monter des réseaux de chercheurs, en France et en Allemagne, à diffuser les résultats des recherches par des publications collectives et internationales, à monter des expositions et des parcours patrimoniaux, à permettre le tournage de films (Sam et Jacky FR3 et DVD). À la nouvelle de son décès, son ami l’historien Jacques Sémelin évoquait ainsi sa rencontre avec Bernard Delpal :

Il me revient ton chaleureux accueil quand, voici plus de dix ans, tu m'avais fait découvrir l’histoire de Dieulefit, “le pays de Dieulefit”, tenais-tu à préciser. L’historien que tu étais savait en effet important d’associer la région environnante pour comprendre la complexité de ce qui s’était passé dans ce coin de France durant les années noires de Vichy et de l’occupation nazie…Je me souviens que tu tenais à me conduire aussitôt à l’école de Beauvallon toujours vivante pour me parler de l’engagement de Marguerite Soubeyran, Catherine Krafft et Simone Monnier… Nous étions aussi passés à la mairie où tu m'avais parlé de Jeanne Barnier, cette jeune femme secrétaire de la mairie qui avec audace et détermination avait entrepris de faire des faux papiers pour les réfugiés et autres exclus du régime […] Ce qui demeure en moi encore aujourd'hui cher Bernard, c’est le timbre de ta voix, chaleureuse, cordiale et ferme, comme si elle portait quelque chose de l’histoire de cette région que tu m'as fait aimer.

4La maladie contre laquelle il avait commencé sa lutte en 2007 ne l’aura pas empêché de montrer jusqu’à sa mort une activité incessante et efficace comme chercheur et porteur de projets, comme auteur et éditeur, comme diffuseur du savoir, mais aussi comme citoyen et élu engagé à poursuivre la tradition d’accueil et de solidarité avec les exclus propre au pays de Dieulefit.

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Pour citer cet article

Référence papier

Claude Prudhomme, « Bernard Delpal (1944-2023) »Chrétiens et sociétés, 30 | 2023, 6-7.

Référence électronique

Claude Prudhomme, « Bernard Delpal (1944-2023) »Chrétiens et sociétés [En ligne], 30 | 2023, mis en ligne le 25 mars 2024, consulté le 18 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/chretienssocietes/10079 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/chretienssocietes.10079

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Auteur

Claude Prudhomme

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