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Réécriture et histoire

Le processus de réécriture du modèle de « la femme philippine », xvie-xxe siècles

Jean-Noël Sanchez
p. 87-105

Résumés

Dans cet article nous analysons le processus de réécriture de la figure féminine aux Philippines depuis la mise en place du pouvoir espagnol dans l’archipel jusqu’aux lendemains de l’indépendance octroyée par les États-Unis. S’agissant d’un objet d’étude doublement complexe du fait des caractéristiques propres à la configuration coloniale et à la problématique de genre qu’il induit, on se propose ici, tout en conservant un fil conducteur chronologique, de l’appréhender de façon prismatique, sous les angles sémiologique, socio-politique, idéologique et littéraire.

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Texte intégral

Le passé et l’avenir se voilent à nos regards,
mais l’un porte le voile des veuves, l’autre celui des vierges.
Jean Paul, Pensées (1829)

  • 2  Le sociologue français tend à considérer l’historiographie comme une « mémoire morte » qui n’a que (...)

1Dans Les cadres sociaux de la mémoire, Maurice Halbwachs soulignait déjà que le processus de remémoration des événements consiste en une construction collective structurée autour d’artefacts sociaux (Halbwachs 1925). Ce faisant, il posait les bases d’une réflexion qui appréhende les groupes ethniques (Barth 1969) ou les entités nationales (Anderson B. 1983, Nora 1984) comme autant de communautés imaginées construites sur la base de récits mythiques ou historiques remaniés en vue de leur donner la cohérence téléologique nécessaire à l’homogénéité de la mise en récit collectif (Ricœur 2000). Ainsi, l’élaboration de la mémoire collective2 consiste-t-elle en une dynamique continue de réécriture de l’histoire en fonction des intérêts changeants d’une collectivité censée se reconnaître dans un passé commun et univoque ou, plus précisément, des intérêts de ceux qui ont le pouvoir de l’orienter.

2Sous cet aspect, ce processus de réécriture est tout à fait comparable à celui qui anime la création littéraire (Barthes 1957, Genette 1982, Domino 1987), dans la mesure où, dans les deux cas, il s’agit de réutiliser dans le présent des modèles issus du passé afin de rendre signifiant celui-ci à la lumière de celui-là et celui-là à l’aune de celui-ci. En revanche, deux différences majeures sont à souligner. En premier lieu, l’illusion que se doit d’entretenir la fabrique de la mémoire collective, c’est bien l’univocité de l’origine, non son ambivalence. Surtout, alors que dans le cas de la reprise artistique, il existe une œuvre originelle immuable dans sa lettre, nul élément d’un corpus mémoriel, qu’il soit texte, événement, monument ou personnage historique, n’est à l’abri d’une mise à l’écart, en vertu des impératifs du moment, puisque c’est bien ici le présent qui sélectionne à chaque fois en quoi doit constituer la matière même du passé référentiel.

  • 3  L’usage du singulier et de la majuscule a bien évidemment pour objet de souligner que c’est à un s (...)

3Le présent article est consacré à l’examen sur le long terme du processus historique de réécriture depuis le xvie siècle jusqu’à l’orée de l’époque actuelle, de l’image de la femme3 aux Philippines, un pays qui, au tournant du xixe siècle, est passé d’une occupation espagnole longue de 333 années à un demi-siècle de protectorat nord-américain.

4Au-delà de son exotisme spatial, l’objet ici étudié induit ainsi une problématique doublement spécifique en ce qui concerne l’analyse des mécanismes de construction de la mémoire collective.

5D’une part, les espaces coloniaux présentent en la matière des caractéristiques et enjeux qui leurs sont propres puisque, tout particulièrement dans l’Espagne du Siècle d’or dans laquelle se met précocement en place un débat sur la légitimité de la conquête, il est essentiel de pouvoir justifier l’action colonisatrice par le biais d’une réécriture du passé indigène à même de mettre en évidence le bien-fondé de l’intervention exogène. Cette réécriture fait d’ailleurs bien souvent office d’écriture originelle, en l’absence de sources indigènes ou suite à la destruction de celles-ci (Todorov 1982).

6Une fois le nouveau pouvoir installé, l’espace colonial présente un panorama particulièrement contrasté, entre le point de vue métropolitain, celui des élites blanches locales, les créoles (criollos), celui des indigènes ou des métisses. Chaque groupe a ainsi intérêt à produire une mémoire hégémonique qui le légitime dans son aspiration à construire une communauté imaginée depuis son propre positionnement socio-culturel (Spivak 1988, Bhabha 1994), sans que pour autant, dans la majorité des cas, les colonisés puissent éluder la colonisation par l’autre comme événement fondateur de l’identité du soi (Appadurai 1996, Acheraiou 2011).

7D’autre part, l’objet de réflexion de cette étude, l’image des femmes, implique un second niveau de paradoxe dans le rapport entre le soi et l’autre, puisque l’essentiel de ce processus d’écriture et de réécriture a été historiquement pris en charge par les hommes, de sorte que c’est en vertu des objectifs politico-discursifs de ceux-ci et dans le cadre d’un système de genre inégalitaire, que la figure des femmes est venue prendre place au sein d’un discours identitaire supposément collectif.

8L’analyse qui sera ici proposée s’attachera à envisager la question abordée de façon prismatique, sous les angles sémiologique, socio-politique, idéologique et littéraire. Par souci de clarté, le plan adopté obéira quant à lui à une logique chronologique qui sera développée en trois étapes.

9Tout d’abord, il s’agira d’analyser, sur la base des caractéristiques fondamentales des sociétés autochtones, le premier acte de réécriture de l’identité féminine locale réalisé par les colonisateurs.

10Dans un second temps, on étudiera la conjoncture du xixe siècle, époque de grands changements sociaux et comportementaux durant laquelle se constitue un discours pré-national indigène. Ce faisant, on se penchera plus particulièrement sur le contexte de création de María Clara, le personnage de roman (Rizal 1887) qui finira par s’imposer comme modèle de « la femme philippine traditionnelle ».

11Enfin, on cherchera à comprendre comment, au début du xxe siècle, la nouvelle « situation coloniale » (Balandier 2001) de l’archipel, qui aurait pu modifier le modèle de genre antérieur, va finalement confirmer le processus de réécriture précédent.

De l’écriture des origines à l’avènement de l’ordre catholique

  • 4  Parmi les textes de religieux les plus intéressants sur le sujet, on peut retenir ceux des jésuite (...)

12Avant d’être occupées par l’Espagne à partir de 1565, les îles qui seront nommées Philippines constituent un ensemble géographique et culturel disparate. En tant qu’entité unitaire, l’archipel n’existe donc pas avant son inscription sur des documents et cartes européennes sous le nom de Philippines, donné en l’honneur du premier souverain espagnol qui les gouvernera. Certes, les populations disposaient de leur propre alphabet et littérature (Scott 1994), mais en l’absence de textes qui nous aient été transmis, il faut malheureusement s’en remettre exclusivement aux écrits occidentaux, d’autant plus biaisés qu’ils sont essentiellement produits par des religieux4, afin d’avoir accès à la description des groupes indigènes au moment de l’annexion de cette portion de l’espace insulindien au monde hispanique.

13Si on se fie donc aux descriptions des deux grands ensembles géoculturels que sont la région Tagalog, à Manille et dans ses alentours, et celle des îles Visayas, au centre de l’archipel, qui à elles deux fourniront la plus grande partie des populations christianisées de l’archipel, on peut dégager sommairement plusieurs traits fondamentaux de ces sociétés eu égard à la position qu’y occupaient les femmes.

14Tout d’abord, tandis que les hommes monopolisaient les fonctions guerrières et politiques, les femmes jouissaient souvent d’un rôle religieux prépondérant, puisqu’il était fréquent que cela soit des prêtresses, appelées bayoguin chez les Tagalog et babaylan dans les Visayas, qui aient le monopole mystagogique de la communication avec les esprits et forces surnaturelles.

15En outre, le système de parenté et lignage était fondamentalement bilinéaire, comme cela est encore largement observable aujourd’hui. Ainsi, les femmes tout autant que les hommes pouvaient généralement dissoudre le mariage sans perdre leurs droits sur les enfants ou sur leur patrimoine personnel.

16En ce qui concerne la discipline sexuelle, essentiellement évoquée chez les auteurs laïcs (Loarca 1582, Anonyme c. 1590, Morga 1609, Carletti c. 1620), elle semble avoir été passablement permissive en comparaison des normes occidentales de l’époque. La virginité prémaritale n’était pas encouragée, voire considérée comme handicapante. Dans les Visayas, les hommes arboraient des accessoires péniens en vue d’augmenter le plaisir de leurs partenaires. Quant à l’adultère au sein du couple, assez fréquent, il n’était d’ordinaire sanctionné que par une amende à l’encontre du tiers offenseur.

  • 5  Comme pour l’orang kaya malais, le terme de datu, l’équivalent de cacique en Amérique, recouvre à (...)

17Enfin, les modalités de l’engagement prénuptial (Alcina 1688, Cannell 1995) méritent ici d’être évoquées. En effet, en vertu du système du prix de la fiancée (Anderson S. 2007), et à moins qu’il ne fût beaucoup plus riche5 qu’elle, la jeune fille se devait d’éconduire longuement le prétendant, de sorte que les négociations entre les deux parties étaient généralement laborieuses. Dans les Visayas en particulier, le candidat devait ainsi souvent gagner ses droits à la main de son épouse potentielle en servant à la maison des parents de celle-ci durant une période généralement fixée à deux ans. En conséquence, ce sont bien souvent des hommes qui avaient à leur charge les activités domestiques dans les foyers.

18Il va sans dire que ces systèmes sociaux ainsi que les imaginaires sociétaux dont ils étaient porteurs différaient grandement de ceux que les Espagnols allaient apporter avec eux. En 1565, l’Espagne est déjà mondialement engagée dans une défense à outrance d’une orthodoxie catholique que le concile de Trente vient de redéfinir deux ans plus tôt. L’Église catholique a en particulier réaffirmé l’autorité du prêtre, l’importance du sacrement du mariage et le modèle marial.

19Dans ce contexte, les babaylan et leurs consœurs vont logiquement constituer la cible privilégiée des religieux qui seront abondamment déployés dans l’archipel, le script idéal du récit missionnaire consistant alors en l’obstruction initiale d’une d’entre elles, un miracle ou, à défaut, une prédication exemplaire, la conversion de la pécheresse et une fin de vie érémitique afin d’expier ses fautes passées. Bien sûr, nombre de ses prêtresses tâchent de résister et se retrouvent souvent à la tête des mouvements de résistance indigène, comme en témoigne le tonitruant procès inquisitorial mené à Bolinao, au Nord de l’île de Luzon, dans le dernier quart du xviie siècle (Brewer 2004 : 161-187). Cependant, d’autres femmes choisissent de réorienter leur agentivité en adoptant les nouveaux modèles sociaux proposés, notamment, à défaut d’être autorisées à embrasser formellement la vie religieuse, en se faisant beatas (Santiago 2006).

20Entre rébellion et réclusion, il existe cependant un moyen terme : la négociation avec la nouvelle légalité chrétienne. En effet, dans un recueil inédit que nous avons pu mettre au jour, la compilation des Casos Morales traités par les théologiens jésuites du Collège de Manille dans la première moitié du xviie siècle (Ribera / Bobadilla 1602-1636), plusieurs occurrences ont pour objet des demandes indigènes de divorce, notamment sur le fait que le mariage avait été consacré avant la conversion. On a donc là une véritable stratégie autochtone d’assimilation réinterprétative des normes chrétiennes afin que celles-ci en viennent à pouvoir justifier les versatiles pratiques locales en matière d’union maritale.

21Par ailleurs, la réécriture des cultures autochtones par les missionnaires, en tant que destinée non pas à un lectorat européen, comme le sont les chroniques, mais aux populations locales elles-mêmes, implique un travail initial de retranscription acculturante afin de réorienter les notions indigènes dans le sens des nouvelles valeurs à intégrer. Certes, certains concepts sont jugés intraduisibles et des mots tels que gracia, consciencia, padre (le prêtre), virgen (la sainte vierge), sont directement intégrés dans les langues locales. Mais dans d’autres cas, on s’attache à sélectionner, privilégier des acceptions, forcer le sens, afin de permettre aux termes locaux d’exprimer plus ou moins précisément ce qu’on souhaite qu’ils puissent signifier. De là l’intérêt tout particulier des dictionnaires constitués dans le cadre des missions catholiques dans la mesure où, tout autant que d’un état de la langue, ils rendent compte de la stratégie linguistique déployée par les religieux.

  • 6  Ce dictionnaire, à notre connaissance jamais étudié, est initialement rédigé au début du xviie siè (...)

22Mais la mise en œuvre de celle-ci se heurte à de nombreux écueils. Ainsi, dans un des Casos Morales (Ribera / Bobadilla 1602-1636 : 116v.-117r.), il est souligné qu’il convient d’utiliser avec prudence le terme tagal de dalaga car celui-ci signifie tout à la fois jeune fille et vierge, de sorte que son seul usage ne permet pas de s’assurer si une jeune fille a su ou non préserver sa chasteté. Il a cependant le mérite d’exister, ce qui n’est pas forcément le cas dans les langues bisayas, comme en témoigne le Vocabulario de la lengua Visaya, un dictionnaire de termes issus du waray-waray et du cebuano6, publié par les jésuites au début du xviiie siècle (Sánchez et al. 1711). Qu’il s’agisse de putli (424r), mot d’origine sanskrite passé par le malais puteri, qui désigne simplement un enfant femelle ou bien une princesse, ou encore d’uray (548v : « Virginidad de la Virgen : Uray nga virgen »), dont la définition correspond au sens contemporain du cebuano ulay ([l] et [w], [l] et [r] sont souvent interchangeables dans les langues bisayas), mais qui, sous sa forme en [r], constitue dans cette dernière langue une marque de respect envers une vieille femme, aucun des termes potentiellement disponibles pour désigner une jeune fille chaste ne semble véritablement convenir.

  • 7  Dans le dictionnaire ici étudié, le vocable inday n’apparaît pas, mais il semble dériver du terme (...)
  • 8  En réalité, sous sa forme conjuguée dumalaga, le terme tagal peut lui aussi faire référence à une (...)

23Et si de nos jours, c’est bien le terme dalaga, d’ailleurs recensé dans le dictionnaire de la Real Academia Española, ou de façon plus colloquiale, inday7, qui sont utilisés en cebuano, ceux-ci n’apparaissent pas dans les 1102 pages de traductions de termes indigènes. On a ainsi l’impression que les missionnaires peinent à trouver le vocable idoine et, si le terme daraga (173r) qui désigne une jeune femelle, pourrait sembler le plus approprié du fait de sa proximité avec le mot tagal, il a le désavantage de désigner aussi une gallinacée juvénile, soit, littéralement, une poulette. De guerre lasse, en guise de traduction du terme de demoiselle (doncella : 10v), les rédacteurs du Vocabulario proposent alors, dans la courte partie de 164 pages consacrée à la traduction de mots espagnols, le décidement incontournable dalaga8 ainsi que la locution « Bugus pa » littérallement « encore entière » (94r)… que la piètre impression de la majuscule fait dangereusement ressembler à un hypothètique « Lugus pa », soit « encore en train d’être violée ».

Le xixe siècle : mutations des modèles de genre et réécriture de « la femme » pré-nationale

24La tempête de la première colonisation et conversion passée, la documentation sur les mœurs et pratiques autochtones se fait bien plus rare, puisque les indios ont officiellement massivement embrassé le catholicisme le plus orthodoxe. Mais que cela signifie-t-il en termes d’adoption effective de patrons comportementaux, notamment féminins ? En l’état de nos connaissances, c’est encore difficile à dire.

  • 9  Cette étude a été réalisée sur la base de l’analyse de 22 écrits produits par huit Espagnols, cinq (...)

25Si à la fin du xviiie siècle, l’astronome Guillaume Le Gentil, tout en dénonçant la violence des religieux vis-à-vis des femmes autochtones, s’offusque de leurs mœurs légères, les témoignages produits au xixe siècle sont généralement nuancés sur ce point. En revanche, nombreux sont ceux qui s’étonnent de la visibilité et affabilité des femmes dans l’espace public, de leur rôle prépondérant dans le commerce, voire de leurs responsabilités officieuses dans la politique locale, comme nous avons pu le mettre en évidence dans un précédent article (Sanchez 2017)9. En 1893 encore, Isabelo de los Reyes, pionnier des études folkloristes philippines, publie ainsi un essai intitulé La Mujer Filipina dans lequel il affirme que « es opinión general que la mujer es superior al varón de Filipinas, moralmente hablando. Es más inteligente. Por eso siempre se ve el marido dominado por ella » (de los Reyes I. 1893 : 3-4).

26Cependant, au cours du xixe siècle, les Philippines vont connaître de profonds changements aux conséquences importantes en termes d’image et de position des femmes dans la société. L’ouverture du canal de Suez en 1869 et la proximité de Hong Kong vont accélérer l’intégration de l’archipel à l’économie mondiale. Dans les campagnes, le développement d’une agriculture commerciale d’exportation, autour du sucre, du tabac et de l’abaca notamment, va incorporer un nombre important de femmes au salariat agricole (Eviota 1992 : 47-61).

27À Manille, de nombreuses femmes originaires de la province sont embauchées dans l’industrie de transformation, notamment dans les fabriques de cigares et, à l’instar de leurs lointaines homologues madrilènes, forment un prolétariat urbain qui n’hésite pas à revendiquer ses droits (Camagay 1986, 1995). D’autres consœurs provinciales viennent travailler comme domestiques au service d’une élite locale désireuse d’adopter les standards de la vie bourgeoise européenne. Enfin, certaines tâchent de gagner leur vie à Manille en se prostituant, ce qui constitue une préoccupation croissante pour l’administration espagnole (Camara Dery 2006 : 131-152)

28L’élite économique locale, constituée de créoles, mais aussi du métissage d’indigènes, de Chinois et d’Espagnols, tend donc à faire siens les patrons comportementaux en provenance d’une Europe rendue proche par le canal de De Lesseps. Dans cette optique, elle aspire de plus en plus à retirer les femmes de l’espace public et à les cantonner à la sphère de la domesticité. La promotion d’un modèle de comportement féminin axé sur les notions de réserves et de décence passera par la diffusion et l’acclimatation des manuales de urbanidad en circulation à l’époque en Espagne. En 1864, le prêtre philippin Modesto de Castro publie pour sa part Ang Pagsusulatan ng Magkapatid na si Urbana at Felisa, un ouvrage destiné aux autochtones aisés et voué à l’apprentissage d’une stricte étiquette en vue d’assurer la reproduction des valeurs de dévotion religieuse, chasteté, « instinct » maternel et soumission au mari (de los Reyes C. 2012).

29Un an plus tôt, en 1863, le Décret sur l’Instruction Publique avait ouvert la voie à l’éducation primaire pour filles et garçons. Il faut donc former des institutrices, d’abord sous la responsabilité des jésuites puis, à partir de 1892, de l’Escuela Normal Superior de Maestras, qui prépare à un examen évaluant les connaissances des candidates en matière de grammaire espagnole, de calcul et d’arithmétique, mais aussi de doctrine chrétienne, de religion, de morale et d’urbanité.

  • 10  Encore aujourd’hui, et malgré le succès des prénoms à consonances états-uniennes, les prénoms Lour (...)

30Ainsi, dans la seconde moitié du xixe siècle, un processus de remodelage des normes de conduite féminine est à l’œuvre aux Philippines. Celui-ci s’inscrit dans un contexte plus large, porté par la société bourgeoise des nations industrielles occidentales mais aussi par l’Église Catholique dans le cadre de sa contre-attaque contre cette même bourgeoisie libérale. En effet, afin d’enrayer le phénomène de désaffection pour les pratiques religieuses en Europe, Rome va s’attacher à placer au centre de sa pastorale de reconquête de la société la figure de « la femme », en faisant de celle-ci « l’ange du foyer » (Ventura Di Raulica 1856, Sinués 1859). Forte de la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception en 1843, puis de la reconnaissance du culte de Lourdes en 186210, l’Église va chercher dans les années 1870 à étendre cette stratégie à tous les milieux sociaux, notamment en Espagne où six années d’expérience libérale ont particulièrement polarisé le clergé contre le péril athéiste.

31Aux Philippines, le catholicisme est loin d’être en péril, tandis que l’acclimatation de l’idéal tout à la fois bourgeois et catholique de la femme au foyer exemplaire dans les classes laborieuses n’en est qu’à ces débuts. Mais en puissance, le processus est déjà en marche.

32Le xixe siècle est aussi la période durant laquelle se constituent une conscience et une agenda pré-nationales aux Philippines, en particulier à travers une jeune génération d’intellectuels, les ilustrados. Ces individus, d’origines métisses, indigènes ou créoles et issus de la bourgeoisie locale, sont partis se former en Europe d’où ils pensent la situation de l’archipel, notamment dans la revue La Solidaridad, créée à Barcelone en 1889. Dénonçant les disfonctionnements du système colonial et tout particulièrement l’influence politique démesurée du clergé péninsulaire dans l’archipel asiatique, ils s’attachent à poser les bases discursives d’une communauté philippine ; de fait, ce sont eux qui vont pour la première fois utiliser le mot filipino non plus pour désigner les créoles mais bien les populations locales.

33En vertu de cet objectif, ils s’attachent logiquement à repenser les origines historiques de la nation indigène par-delà le cryptage ethnocentrique des chroniques espagnoles, à l’instar du plus célèbre d’entre eux, José Rizal, qui publie une édition critique des Sucesos de las Islas Filipinas (1609) de l’oidor Antonio de Morga (Rizal 1890). En outre, puisqu’il s’agit de donner forme à la Mère Patrie, les ilustrados s’intéressent logiquement aux femmes philippines, comme l’a admirablement étudié Raquel Reyes (Reyes 2009), notamment en vue de déconstruire l’image initialement falsifiée par le regard colonial et ainsi pouvoir réécrire « la femme philippine originaire ».

34Si, à côté de considérations sur l’impeccable décence et réserve des femmes natives ou métisses de toutes classes sociales, Isabelo de los Reyes n’hésite pas à rappeler la liberté sexuelle des sociétés préhispaniques (de los Reyes I. 1887 : 157‑228), Pedro Paterno, auteur de Ninay, premier roman philippin (Paterno 1885), s’efforce quant à lui dans La Antigua Civilización Tagalog (Paterno 1887 : 165‑187) de construire un passé précolonial passablement fantaisiste où la virginité aurait même été sanctifiée. Or, si Rizal est d’ordinaire très critique quant aux élucubrations de son compatriote (Mojares 2006 : 14-15), il se montrera beaucoup plus réservé en la matière, puisqu’il félicite Paterno de la justesse de ses analyses sur ce point (Rizal 1890 : 308) et conclue le débat en affirmant : « De todos modos, hoy día las Filipinas no tienen motivo para sonrojarse delante de las mujeres de la más casta nación del mundo » (Rizal 1890 : 263).

35Mais c’est l’œuvre fictionnelle de José Rizal et sa création paradigmatique, la figure de María Clara, qui doit ici surtout retenir notre attention. María Clara est donc le personnage féminin principal de Noli me tangere (Rizal 1887), un roman profondément admiré par Benedict Anderson et qui, aussi paradoxal que cela puisse paraître, doit probablement être considéré comme le premier roman postcolonial latinoaméricain. Par ailleurs, il obéit à un schéma propre au romantisme tardif hispanique, de sorte que le personnage de Rizal n’est pas sans rappeler la María du colombien Jorge Isaacs.

36María Clara est supposée incarner pour le narrateur omniscient du roman le parfait équilibre entre les deux « razas » espagnole et philippine, puisqu’elle est née des coupables sollicitations sexuelles du père Dámaso, un religieux espagnol, sur la personne de sa mère, une native, morte de chagrin peu après la naissance de la fillette. Amour d’enfance du héros Crisóstomo Ibarra, cette jeune fille élevée dans l’opulence par le veuf de la défunte a attendu patiemment que celui-ci revienne de son long séjour d’études en Europe. Doté d’une « alma purísima », elle est toute patience, modestie, réserve, voire effacement et résignation, au point qu’elle décidera d’entrer au couvent lorsqu’elle sera convaincue à tort que son prétendant, persécuté par les omnipotents religieux pour ses idées réformistes, a trouvé la mort. Elle reproduira alors le triste destin maternel en devenant la proie d’un jeune ecclésiastique.

37On peut sans peine considérer, comme il est communément admis aux Philippines, que María Clara constitue le portrait de Leonor Rivera, l’amour de jeunesse de l’auteur, peut-être idéalisé au contact de personnalités féminines moins rassurantes et plus troubles, notamment lors du séjour de l’auteur à Paris (Reyes 2009 : 39-83). On voit ainsi ici à l’œuvre la même dialectique entre l’ailleurs et le chez-soi qui a souvent fait de l’expérience de l’exil, volontaire ou forcé, le terreau le plus fertile de l’imaginaire national.

38Cependant, l’héroïne de Rizal est bien une métisse et non une indigène, tandis que c’est le personnage de Sisa, une femme du peuple totalement vouée à l’amour de ses enfants, qui incarnerait plutôt « la femme philippine » dans le Noli. Ainsi, plus qu’un archétype des Philippines, les femmes, María Clara constitue certainement davantage dans l’esprit de Rizal et dans l’économie d’un roman dont l’objectif premier est politique, une allégorie des Philippines, le pays, né de la chair native et de la « mission civilisatrice » espagnole, qui souffre patiemment en sa virginale innocence dans l’attente des réformes aimantes de sa mère tutélaire, systématiquement empêchées par un clergé vicieux et jaloux de son pouvoir.

39Mais Rizal, le futur héros malgré lui de l’indépendance d’un pays que son imagination contribue à construire, n’en a pas moins un projet pour les femmes philippines, clairement exposé dans sa Lettre aux Femmes de Malolos (Rizal 1889). Dans cet écrit, dont le prétexte est de féliciter un groupe de vingt jeunes filles qui avaient sollicité auprès du gouverneur Valeriano Weyler la mise en place de cours du soir afin de pouvoir étudier le castillan, l’auteur confie aux femmes autochtones la tâche d’enseigner aux futurs citoyens philippins l’amour de la patrie. Ainsi, malgré le caractère spontané et volontaire de l’initiative de ces jeunes filles, c’est clairement un rôle d’inspiratrices et de pourvoyeuses de soutien affectif que Rizal leur assigne, en aucun cas celui d’instigatrices et encore moins d’actrices du destin national. Les femmes, mères, filles et sœurs aimantes seront donc chargées d’assister patiemment et humblement ceux qui, comme lui, ont pour noble et virile mission de construire la nation de demain (Rafael 1984, Roces 1998).

40Conséquemment, si de prime abord la perspective de Rizal est diamétralement opposée à celle de l’ilustrado Graciano López Jaena (Reyes 2009 : 133-139), qui accuse avec véhémence la gent féminine philippine de collaborer par leur bigoterie avec l’ennemi, on est finalement confronté dans cet écrit, certes de façon positive, à une conception des femmes qui les voue également à un credo dont la direction est toujours imposée par des hommes. Dans les deux cas, on est loin de l’image qui ressort de la lettre de ces autres femmes philippines de la région de Camarines qui, un siècle plus tôt, avaient remis à leur évêque une missive rédigée dans la langue locale et destinée au roi Charles IV afin que celui-ci renonce aux impôts sur le tabac dont elles étaient grandes consommatrices (Sanchez 2017 : 476).

Des Philippines sous patronage

  • 11  L’archipel sera néanmoins occupé par les forces impériales japonaises de janvier 1942 à mars 1945.

41En 1892, José Rizal fonde la Liga Filipina, une association qui s’inscrit encore dans une perspective assimilationniste et non indépendantiste. Cependant, lorsque, en 1896, l’administration espagnole découvre l’existence du Katipunan, une organisation secrète qui s’apprête à lancer une insurrection contre l’Espagne, le polygraphe philippin est tenu pour responsable de la révolution et passé par les armes. En 1898, le mouvement émancipateur va bénéficier, dans le cadre de la guerre hispano-américaine, de l’intervention des États-Unis, mais celle-ci va promptement passer d’une généreuse assistance pour libérer le pays à une nouvelle occupation étrangère qui durera jusqu’au 4 juillet 194611.

42En premier lieu, il convient de mettre en évidence à quel point la mise en place du protectorat états-unien va susciter une intense campagne de réécriture de l’histoire. En effet, la légitimation de cette installation par la force va exiger un travail discursif consistant à justifier la « bienveillante assimilation » nord-américaine, selon la formule du président McKinley, par le biais d’une présentation peu valorisante d’un héritage hispanique qui aurait empêché les Philippins d’atteindre la maturité politique. Ce paradoxal exercice de « colonisation décolonisante » va passer par la rédaction de centaines d’ouvrages sur l’histoire et la société philippines. Rapidement, de nouveaux manuels d’histoire et de nouveaux programmes scolaires verront le jour. L’exemple le plus éloquent de cette politique est ainsi la collection de 55 volumes de documents d’histoire des Philippines traduits et édités par Emma Blair et James Robertson sous la supervision du propagandiste colonial James Le Roy (Blair / Robertson 1903-1907, Gloria Cano 2008). Deux décennies plus tard, pour une jeunesse philippine devenue anglophone, cette somme documentaire sera devenue l’accès obligé au passé hispanique du pays.

  • 12  C’est d’ailleurs à cette époque que celui-ci se substitue à Columbia comme représentation iconogra (...)
  • 13  L’expression a été inventée par Henry Taft, premier gouverneur nord-américain des Philippines (190 (...)

43En second lieu, il importe de souligner l’incidence de l’entrée en jeu des États-Unis en termes de problématique de genre. Dès avant l’arrivée des troupes dans l’archipel, la déclaration de la guerre contre l’Espagne de 1898 est nettement marquée par une emphase autour de la virilité de la nation de l’Oncle Sam12 (Hoganson 1998). Une fois sur place, à côté d’une infantilisation systématique des « little brown brothers »13, on constate une claire tendance à féminiser symboliquement les Philippines et leur population dans l’imagerie populaire (Holt 2002 : 22-39).

44En outre, la décision du président McKinley d’établir finalement un gouvernement américain aux Philippines a suscité un large débat entre anticolonialistes et partisans de l’exceptionnalisme de la « Nation Élue ». Afin de la justifier, il convient donc de soutenir un argumentaire a priori contradictoire. D’une part, il faut affirmer l’incapacité des Philippins à se gouverner seuls. D’autre part, il est nécessaire de mettre en évidence leur capacité à progresser, à défaut de quoi la mission d’assistance des États-Unis serait vaine (Barreto Velázquez 2012 : 25-66). Dans ce contexte, il est donc opportun de démontrer la nécessité d’accompagner sur la route du progrès un groupe spécifique, qu’il s’agisse des classes populaires à la merci d’une élite sans scrupule, des ethnies non-chrétiennes qui risquent d’être exploitées par la majorité catholique, ou encore des femmes.

  • 14  Notre traduction, comme tous les textes en anglais qui suivent.

45Nombreuses sont les suffragistes nord-américaines qui condamnent le projet de colonisation au nom de l’égalité des peuples et en opposition à la dimension phallocrate de l’entreprise guerrière. Mais certaines d’entre elles vont défendre le patronage américain au nom de Our Duty toward the Women of Our New Possessions, titre d’une des interventions au congrès annuel de la Convention Suffragiste de 1899 (Holt 2002 : 60). L’administration nord-américaine aux Philippines justifiera ainsi souvent son bien-fondé au nom du soutien qu’elle donne à la promotion de femmes indigènes sur lesquelles elle s’attache d’ailleurs à s’appuyer, comme en témoigne le gouverneur Wood qui, dans les années 1920, affirme qu’« une des plus fortes influences afin de susciter de l’intérêt pour le gouvernement municipal et provincial est à mettre au compte des nombreux clubs de femmes » (Mayo 1925 : 206)14.

46Il est indéniable que l’occupation nord-américaine a fourni de nouvelles opportunités aux femmes philippines, en particulier pour celles qui appartiennent aux classes aisées. Elles peuvent désormais étudier dans la nouvellement fondée Université des Philippines ou même aux États-Unis, s’approprier l’anglais et imposer progressivement leur autorité littéraire dans cette langue. Les clubs et associations de femmes, féministes ou non, se multiplient. Au sein des classes populaires, le développement de l’éducation féminine à grande échelle, l’accès à une nouvelle presse féminine, à de nouveaux produits de consommation et à de nouveaux emplois, notamment dans le secteur tertiaire, modifie profondément le mode de vie et les perspectives de nombreuses femmes (Cruz 2012 : 31-66, Eviota 1992 : 63-76).

  • 15  Voir par exemple chez Helen Fee (1910 : 126-127) : « Le résultat de la générale liberté de parole (...)

47Malgré tout, nombre des espaces d’émancipation féminine mis en place par les États-Unis ne laisse pas d’être ambigus. Ainsi en va-t-il du fort développement que connaît le scoutisme féminin aux Philippines (Hernandez 2000), lequel a certes pour effet de sortir les filles de la sphère familiale, mais a aussi pour objectif de favoriser une intériorisation des valeurs morales qui fait tant défaut aux Philippins si l’on en croit de nombreux observateurs et observatrices états-uniens15. De même, l’ouverture en 1907 d’une école d’aides-soignantes (nurses) offre certes de nouvelles opportunités de travail aux Philippines ou même aux États-Unis (Choy 2003). Mais elle conforte aussi le virage vers une féminisation de l’aide aux personnes (care) dont on a déjà observé les prémisses à la fin du xixe siècle et que vient renforcer la demande de domestiques de sexe féminin par les familles nord-américaines installées dans l’archipel.

48Enfin et surtout, les États-Unis se doivent de mettre en place un nationalisme philippin sous patronage afin d’asseoir leur image d’Empire débonnaire. Dans ce cadre, la figure de José Rizal, déjà adoptée par l’éphémère première Republika ng Pilipinas (1899-1901), s’avère particulièrement appropriée, dans la mesure où celle-ci est associée à la tyrannie la plus brutale de l’Espagne et non à la révolution indépendantiste proprement dite. Dès 1901, « the greatest man of the brown race » (Craig 1909) va ainsi devenir le héros officiel des Philippines sous tutelle nord-américaine. L’Act n° 346 fait de l’anniversaire de son exécution un jour férié tandis que les villes du pays se couvrent de parc à son nom (Quibuyen 1999 : 275-302). Le Noli est enseigné à l’école et, logiquement, le personnage de María Clara, qui est sur le point de perdre sa tilde castillane, est en bonne position pour acquérir une importance disproportionnée dans le paysage symbolique de l’archipel.

49Dans les années 1920 et 1930, le débat autour de la place des femmes dans la société philippine est intense. D’un côté, avec l’appui d’un petit nombre de personnalités masculines (Palma 1919, Kalaw 1930), une génération de femmes telles que Sofia de Veyra, Asuncion Perez et Maria Paz Mendoza Guazon, auteure de The development and progress of the Filipino women (Mendoza Guazon 1928), entre passionnément dans la bataille autour de la question du vote féminin, finalement gagnée en 1937. De l’autre, un important secteur de la classe politique nationaliste et masculine va dénoncer la perniciosité de l’évolution des mœurs féminines sous l’influence des États-Unis, au détriment des saines valeurs locales traditionnelles. Dès lors, « l’élite philippine s’est tournée vers Maria Clara, a extrait ses traits idéaux, et les a transférés sur la fille des quartiers populaires et la femme malaise » (Cruz 2012 : 47).

  • 16  Afin de se faire une idée de ce qu’a pu être cette production hagiographique, mentionnons la décon (...)

50À la même période voit le jour une abondante production hagiographique rizaliste16, souvent focalisée sur le personnage de Maria Clara ou sur les femmes qui ont côtoyé le héros. On peut ainsi mentioner Maria Clara (a play in two acts) (Qwekoh 1927), ou encore des titres comme A patriot and a mother (1930), Our hero’s mother (1939), The widow of Rizal (1939), Rizal’s Better half, Rizal’s First Love (c. 1930). Il s’agit là d’autant de textes qui vont largement contribuer à entretenir la confusion entre fiction et réalité et qui seront relayés, à l’attention des portions les plus populaires de la population, par des récits à vocation moralisante écrits en tagalog, publiés notamment dans la revue Dalaga.

51Ainsi, Maria Clara, La Philippine traditionnelle, était née, et ses traits moraux universellement assignés à la dalaga nationale idéale.

Conclusion

52Dans les années 1930, à une époque où l’ancienne élite hispanophone est en train de perdre pied dans l’espace culturel philippin, la chroniqueuse mondaine Marina publie régulièrement dans La Vanguardia des entretiens en castillan avec des personnalités féminines de l’époque, lesquels seront compilés sous le titre Lo que ellas dicen. Dans la préface, rédigée par un homme, on peut lire que l’auteure mérite « toda clase de plácemes » pour ces textes qui inspireront certainement d’autres femmes,

para honra y prez de la mujer filipina, la María Clara que tan magistralmente perfilara Rizal en sus obras inmortales que hogaño enriquece sus virtudes con los atributos de la nueva educación.

Cet ouvrage expose des points de vue très divers, de la promotion du divorce à l’opinion amère de quelque honorable duègne regrettant que

somos filipinas de cara, pero sajonas del alma. La María Clara que pintara Rizal ya está muerta en esta civilización. La educación latina se va (Marina 1938 : 330).

53Et pourtant, elle était toujours bien « vivante ». Après l’indépendance, les articles de presse faisant référence au célèbre personnage sont fréquents. Ainsi, dans l’édition du 22 juin 1958 du Sunday Times manillais, on peut lire un texte intitulé Maria Clara : The tragedy of innocence, dans lequel il est affirmé : « Aucun homme n’est une île. Et dans une société corrompue et corruptrice, l’innocence est une vertu qui ne peut exister. Mais il est vrai que Maria Clara a existé » (Cristobal 1958).

54En cette fin des années 1950, le doute est cependant déjà permis. Quatre ans auparavant en effet, dans Maria Clara, Paragon or Caricature ?, Salvador Lopez affirmait déjà que, face à la peur suscitée par la fille philippine moderne,

les lugubres prophètes de l’exécration ne manquaient pas de s’accrocher encore à la figure de Maria Clara et de susurrer son nom comme s’il s’agissait d’une incantation pour chasser un mauvais esprit.

Puis, en vue de disculper le héros national de cette lourde paternité, l’auteur compare la démarche de Rizal à celle de Cervantès dont le Quichotte avait pour objet de railler la figure du « chevalier romantique [sic] » (Lopez 1953).

55À sa suite, les critiques seront nombreuses, en premier lieu sous la plume de femmes, à l’instar de Carmen Guerrero Napkil qui, trois ans plus tard, affirme : « La plus grande infortune qui ait échu aux femmes Philippines durant ces cent dernières années est Maria Clara » (Guerrero Napkil 1956). Pourtant, c’est son propre frère, Leon Maria Guerrero III, traducteur officiel de Rizal dans les années 1960, qui, en changeant systématiquement le mot mestiza par filipina (Anderson B. 2004 : 235-262), opérera la mythification définitive du personnage de Maria Clara en tant que pseudo-modèle historique de l’aïeule autochtone.

56Mais cette ambiguïté n’est en réalité pas nouvelle. En effet, les suffragistes de la première moitié du xxe siècle faisaient partie des mêmes familles, évoluaient dans les mêmes cercles de sociabilité, ceux de l’élite économique et politique du pays, au sein desquels on s’attachait à graver dans le marbre de l’identité nationale la figure de Maria Clara. On peut même se demander jusqu’à quel point ces héroïnes de la cause émancipatrice féminine n’ont pas elles-mêmes paradoxalement contribué à la construction du mythe. N’ont-elles pas participé, à l’instar de Pura Villanueva Kalaw, Présidente de l’association féministe de la région ilonggo, aux concours pour le titre de Miss Philippines créé en 1908 (Kalaw Katikbak 1983) et n’y ont-elles pas paradé dans le costume traditionnel connu sous le nom de traje de mestiza, qui va devenir le parangon de la féminité philippine sous le nom de « tenue de Maria Clara » (Roces 2005, Clutario 2017) ?

57…Autres temps, autres mœurs, autres modèles. En 1992, les étudiants homosexuels (LGBT) de l’University of the Philippines fonderont l’association UP Babaylan, en référence aux prêtresses préhispaniques dont le prestige social était tel que nombre d’hommes se travestissaient en femmes afin de pouvoir accéder à leurs fonctions (Garcia 1996 : 125-161, Brewer 1999). Mais il s’agit là d’une bien différente tentative de réécriture de l’histoire nationale des Philippines et de sa paradigmatique dalaga.

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Notes

2  Le sociologue français tend à considérer l’historiographie comme une « mémoire morte » qui n’a que peu d’impact sur l’identité présente du groupe (Olick / Robbins 1998), à moins qu’elle ne soit médiatisée dans le cadre de la construction de la mémoire collective.

3  L’usage du singulier et de la majuscule a bien évidemment pour objet de souligner que c’est à un schème idéologique que nous faisons référence, non à des individus réels.

4  Parmi les textes de religieux les plus intéressants sur le sujet, on peut retenir ceux des jésuites Chirino (1604) et Colín (1663), des Franciscains Plasencia (1590) et San Antonio (1738) et du dominicain Aduarte (c. 1640). L’œuvre du Jésuite Alcina (1668) sur les mœurs des populations des Visayas méritent ici une mention spéciale du fait de leur admirable perspective pré-ethnologique.

5  Comme pour l’orang kaya malais, le terme de datu, l’équivalent de cacique en Amérique, recouvre à la fois les notions de richesse et noblesse.

6  Ce dictionnaire, à notre connaissance jamais étudié, est initialement rédigé au début du xviie siècle sur la base des pratiques langagières des îles de Samar et Leyte, zone de frontière linguistique entre le waray-waray et le cebuano ou sugbuanon, la langue bisaya la plus répandue et communément désignée comme « Le bisaya ». Ceci accroît la difficulté de l’analyse linguistique d’un travail qui fut par la suite « Aumentado por otros PP. de la misma Compañia para el Uso, y Comodidad de los PP. Ministros de los Partidos de Visayas », c’est-à-dire complété avec des termes employés dans d’autres régions bisayophones.

7  Dans le dictionnaire ici étudié, le vocable inday n’apparaît pas, mais il semble dériver du terme inda, indayon (271v) recensé comme l’expression par laquelle la fille désigne la mère (ina[han]), avec une influence possible de dalisay (167r, donné comme synonyme d’uray : 548v).

8  En réalité, sous sa forme conjuguée dumalaga, le terme tagal peut lui aussi faire référence à une jeune poule.

9  Cette étude a été réalisée sur la base de l’analyse de 22 écrits produits par huit Espagnols, cinq Français, deux Nord-Américains, un Anglais, une Anglaise et un Allemand. Le lecteur pourra s’y reporter afin de retrouver un grand nombre de sources primaires du xixe siècle qui ne sont pas citées ici.

10  Encore aujourd’hui, et malgré le succès des prénoms à consonances états-uniennes, les prénoms Lourdes et Maria Lourdes sont fréquents aux Philippines.

11  L’archipel sera néanmoins occupé par les forces impériales japonaises de janvier 1942 à mars 1945.

12  C’est d’ailleurs à cette époque que celui-ci se substitue à Columbia comme représentation iconographique de la nation.

13  L’expression a été inventée par Henry Taft, premier gouverneur nord-américain des Philippines (1901-1904).

14  Notre traduction, comme tous les textes en anglais qui suivent.

15  Voir par exemple chez Helen Fee (1910 : 126-127) : « Le résultat de la générale liberté de parole et l’habitude d’être chaperonnée fait qu’une jeune fille philippine regarde sa vertu comme quelque chose d’étranger à elle-même […] rien de plus étranger aux classes inférieures que l’idée qu’une jeune fille puisse se respecter ou prendre soin d’elle-même ».

16  Afin de se faire une idée de ce qu’a pu être cette production hagiographique, mentionnons la déconcertante pièce intitulée Si Rizal at ang mga Diwata (Sevilla 1913), « Rizal et les Esprits », un auto sacramental mis en musique sous la forme d’une zarzuela, consistant en un dialogue entre un jeune Rizal de 14 ans et des allégories telles que l’Envie, la Nécessité, Minerve et les Philippines.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Noël Sanchez, « Le processus de réécriture du modèle de « la femme philippine », xvie-xxe siècles »reCHERches, 20 | 2018, 87-105.

Référence électronique

Jean-Noël Sanchez, « Le processus de réécriture du modèle de « la femme philippine », xvie-xxe siècles »reCHERches [En ligne], 20 | 2018, mis en ligne le 01 décembre 2021, consulté le 13 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cher/2220 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cher.2220

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Auteur

Jean-Noël Sanchez

Maître de conférences en études ibériques, ARCHE, CHER, Université de Strasbourg

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    Essai chronométrique sur les Philippines espagnoles xvie-xviie siècles
    The Islands at the End of Time. A Chronometric Essay on the Spanish Philippines 16th-17th Centuries
    Paru dans reCHERches, 27 | 2021
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