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Texte intégral

1Grâce à la qualité et à la diversité des interventions, mais aussi à la pertinence et au foisonnement des questions, c’est à une véritable plongée dans l’Histoire de l’entre-deux-guerres à l’Orient de l’Europe que nous avons été conviés lors du colloque sur la Roumanie dans le cadre des Saisons croisées de janvier 2019. Les deux volumes de la revue ReCHERches, qui reprennent une partie de ces communications, auxquelles ont été ajoutés de nombreux textes et documents supplémentaires, présentent désormais un tableau non exhaustif, mais assez complet, de la situation post bellum de la Roumanie. Ce second tome paraît au moment du centenaire du couronnement du Roi Ferdinand et de la Reine Marie à Alba Iulia en 1923.

2D’emblée, il convient de rappeler l’ambiguïté de la position roumaine lors du déclenchement de la Première Guerre mondiale. Alors que le Roi, un Hohenzollern, penche pour la Triplice, l’opinion publique semble plutôt favorable à l’Entente. Une position qui est fermement soutenue par Ion I.C. Brătianu, le premier des ministres du Roi, qui finit par faire prévaloir en août 1916 son point de vue sous la pression de la France désireuse d’ouvrir un nouveau front dans les Balkans afin de prendre à revers les Empires centraux. Malgré la victoire héroïque de Mărăşeşti, en août-septembre 1917, l’intervention roumaine dans le conflit se solda cependant par un désastre qui contraignit la Roumanie à signer une paix séparée avec l’Allemagne en mai 1918. Quelques mois plus tard, à la suite de la capitulation de l’Autriche, de la défection bulgare, de l’offensive de Franchet d’Espèrey et, enfin, de la défaite allemande, le retournement spectaculaire de la situation permit à la Roumanie de figurer en bonne et due place à la table des vainqueurs lors de la signature des Traités de paix, notamment le Traité de Neuilly et celui de Trianon.

3Le rêve d’une « Grande Roumanie » auquel aspirait en particulier Mihai Eminescu, le merveilleux poète moldave, lors de l’Assemblée de Putna, en 1871, put enfin se concrétiser. Et l’architecte de cet ambitieux projet fut incontestablement Ion I.C. Brătianu, qui fit preuve dans les négociations d’une grande habileté et d’une constante ténacité. Sous son impulsion, la Roumanie tira admirablement son épingle du jeu en obtenant le sud de la Dobroudja (le Quadrilatère), où la population roumaine est minoritaire ; la Transylvanie et le Banat, habités par d’importantes minorités hongroises et allemandes (dites précisément « saxonnes » et « souabes ») ; la Bucovine, qui était sous contrôle autrichien ; enfin la Bessarabie, terre russe depuis 1812, et ce, bien que la Roumanie se soit rangée du côté des Russes en 1916. La mariée n’était-elle pas trop belle ? En dépit des brillants succès de la diplomatie roumaine, très vite on vit poindre de tous côtés les irrédentismes.

4Cela dit, cette période s’annonça comme celle de l’âge d’or des relations franco-roumaines et ce, alors même que les négociations entre Clemenceau et Brătianu furent souvent âpres. Une relation privilégiée qui fut animée par des hommes-clés tels que le comte de Saint-Aulaire, Robert de Flers et, surtout, le général Berthelot. Une relation qui concerna tous les domaines, politique, militaire, commercial, culturel, universitaire. D’éminentes personnalités comme Elvire Popesco, la célèbre actrice ; Paul Morand, le diplomate et écrivain ; Georges Enesco, le compositeur, et bien d’autres, illustrèrent le niveau remarquable de l’échange qui s’établit entre les deux pays durant ces vingt années de l’entre-deux-guerres.

5Lors de la préparation de ces volumes, il nous est apparu que la Roumanie, comme les anciens « Pays de l’Est », éprouve le vif besoin de renouer avec son histoire antérieure et cela même si l’héritage communiste reste prégnant malgré la rupture de 1989 (« révolution » ou « coup d’État » ?). À nouveau, comme dans les années soixante, la Roumanie paraît s’interroger sur sa « spécificité », mais cette fois au sein d’une Union européenne en quête d’un nouveau souffle. D’aucuns rêvent d’un retour à un régime autoritaire, d’autres sont sensibles à la proposition gaullienne d’une Europe rassemblant l’ensemble des nations du continent tandis que Grigore Gafenco dénonce dans son Journal « le poison de la division à l’intérieur des pays et du continent » et considère que « même si les institutions européennes doivent être réformées il serait périlleux de jeter l’enfant avec le bain ».

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Pour citer cet article

Référence papier

Michel Louyot, « Conclusion »reCHERches, 30 | 2023, 221-222.

Référence électronique

Michel Louyot, « Conclusion »reCHERches [En ligne], 30 | 2023, mis en ligne le 15 juin 2023, consulté le 13 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cher/15474 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cher.15474

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Auteur

Michel Louyot

Écrivain, ancien lecteur d’échanges, puis attaché et conseiller culturel dans plusieurs « Pays de l’Est » (Roumanie, Hongrie, URSS, Tchécoslovaquie), de 1967 à 1989.

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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