1910-1930, vingt ans d’aviation roumaine et de coopérations France-Roumanie
Résumés
Ces années 1910-1930 ont été, pour les aviations française et roumaine, une époque exceptionnelle. L’aviation passe du statut de sport à la mode à celui d’élément important de l’action militaire, puis commence à s’imposer comme le moyen de transport du futur proche. Cela est vrai dans le monde entier, mais particulièrement en France et en Roumanie qui, souvent ensemble, vont gagner la guerre aérienne – et la guerre tout court – avant d’ouvrir de nouvelles frontières. De quoi est fait cet Âge d’or en commun ?
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aviation, coopération France-Roumanie, action militaire, années 1920, industrie aéronautiquePlan
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1Si parler de relations bilatérales évoque d’abord des relations d’État à État, cela ne doit pas faire oublier qu’il y eut d’abord, pendant cette période, un engouement populaire réciproque, et un engagement de ce que l’on appellerait aujourd’hui la société civile, en France et en Roumanie. Au début du xxe siècle, les États avaient des budgets restreints, et ce sont les initiatives privées qui ont principalement financé les premiers défis, et, de fait, les premières coopérations en matière aéronautique.
- 1 Si l’Éole de Clément Ader a réellement volé, les preuves en sont insuffisantes pour en faire un c (...)
- 2 En France, reconnaissance sur 160 km, le 9 juin 1910 (L’Illustration – Journal universel, long ar (...)
- 3 En France, loi du 29 mars 1912, en Roumanie, décret du 1er avril 1912.
2Les premiers pas de la Roumanie et de la France dans le domaine de l’aviation sont significativement proches, et même si d’autres pays ont apporté leurs pierres à l’édifice, la convergence des efforts de la France et de la Roumanie est particulièrement remarquable. En 1906 a lieu en France, effectué par le Roumain Traian Vuia, ce qui est peut-être le premier vol public d’un plus lourd que l’air décollant avec sa propre énergie1. En 1910 ont lieu en France et en Roumanie les premières expérimentations d’usage militaire de l’aéroplane2. En 1912 en France et en Roumanie sont créées statutairement des aviations militaires3.
- 4 Qui permet ultérieurement le vol des hélicoptères.
- 5 Il soumet des projets aux autorités, sollicite des contributions du public à partir de 1910, mais (...)
3Pendant toute cette période de vingt années, les efforts, les progrès des deux nations se croisent et se fécondent mutuellement, phénomène favorisé par les proximités intellectuelles et linguistiques des élites. Toutefois, il ne s’agit pas de coopération égalitaire – la disproportion des pays et des moyens est trop flagrante –, mais il n’y a pas, à proprement parler, d’hégémonie. Et on doit souligner les apports roumains en France même. On a évoqué Traian Vuia, on pourrait parler d’Henri Coandă, formé à l’École supérieure d’aéronautique de Paris – plus tard Sup Aéro – qui, le premier, conçoit et essaye la propulsion par réaction et est à l’origine de découvertes majeures pour la maîtrise de l’aérodynamisme, ou de Grigor Brișcu, inventeur dès 1909 du pas cyclique4. On pourrait aussi mentionner l’importance de Ion Stroescu dans le domaine des premières souffleries5 ; l’énumération n’est pas limitative.
4Entre 1910 et 1914, en France comme en Roumanie, des initiatives individuelles, largement soutenues et financées par la société civile, encouragées par une partie du monde militaire, commencent à développer écoles de pilotage, ateliers de construction et de maintenance. Les deux premières années de guerre font bien comprendre à tous – à presque tous – que l’aviation militaire est devenue un outil indispensable et qu’il ne s’agit plus seulement de reconnaissance et de réglage d’artillerie : la bataille de Verdun a montré la nécessité de la maîtrise du ciel au-dessus du champ de bataille.
La Première Guerre provoque une accélération du rythme des innovations, et lie d’avantage les deux pays
- 6 Une approche contemporaine du côté roumain (pro-Entente) peut être trouvée in : Kiritzesco Consta (...)
- 7 L’aviation de transport, commerciale, naît après la guerre, en partie grâce aux surplus de guerre (...)
5Si le choix de la neutralité – jusqu’à l’été de 1916 – a coupé pendant deux ans la Roumanie de sa source principale de fournitures et d’inspiration, les commandements français et roumain n’en sont que plus désireux de combler le retard, conscients du besoin urgent de matériel et de retour d’expérience du combat6. En 1916 la première expérience roumaine du combat, acquise en 1912 pendant la seconde guerre balkanique au-dessus du front bulgare, est déjà dépassée. Toutes les facettes de l’activité aérienne militaire7 sont concernées : commandement, infrastructures, formation, enfin matériels.
6Cette mise à niveau et cette aide sont obtenues de deux manières très différentes.
- 8 Service historique de la Défense (SHD), Vincennes, AI 1A 193-2, Note du 28/11/1916.
- 9 Grandhomme Jean-Noël, Le général Berthelot, et l’action de la France en Roumanie et en Russie mér (...)
- 10 De ce seul point de vue, l’envoi par les Allemands de deux navires modernes (SMS Goeben et Bresla (...)
7« La mission aéronautique française en Roumanie », qui est proportionnellement aussi étoffée (initialement 34 officiers et 238 hommes de troupe)8 que la « mission Berthelot »9 dont elle dépend, s’applique à réaliser ces deux objectifs, avec la contrainte bien connue du cauchemar logistique, lié à la fermeture des détroits turcs10, imposant le trajet maritime jusqu’à Arkhangelsk et le trajet ferroviaire de ce port jusqu’à la Bessarabie russe. Témoin de l’importance donnée à cette mission, le détachement doit à l’origine être commandé par un capitaine et c’est finalement un commandant, puis un lieutenant-colonel. Le programme comporte plusieurs volets : structurer le commandement, créer les infrastructures physiques et humaines nécessaires.
- 11 C’est-à-dire avant même la mise en place de la mission Berthelot qui n’arrive à Iași que le 15 oc (...)
8Les choses vont très vite et le programme de fournitures établi à l’été11 reçoit rapidement application. L’objectif est d’apporter à la Roumanie, de manière permanente, 16 chasseurs et 60 appareils de reconnaissance et de corps d’armée (programme modifié en décembre par le général Berthelot, sur l’avis du colonel de Vergnette : 30 chasseurs, 30 appareils de reconnaissance et 40 appareils de grande reconnaissance). Les livraisons à planifier pour rendre cet objectif pérenne incluent un taux d’attrition de 50 % mensuel.
- 12 À cette date, 129 machines ont déjà quitté la France ou sont en instance de départ.
- 13 SHD, AI 1A 193-3.
9Après quelques envois isolés, accompagnant les premiers pilotes français, une première livraison de 14 appareils est effectuée dès novembre 191612. La retraite progressive de l’automne est l’occasion pour le commandant Rousse, assurant un bref intérim entre le commandant de Malherbe et le lieutenant-colonel de Vergnette, d’établir un compte rendu de quatre pages, daté du 15 décembre 191613, dont de brefs extraits méritent d’être cités, faisant un point de la situation et du degré d’avancement du programme d’assistance :
- 14 Il s’agit de hangars Bessonneau, démontables.
J’ai cependant l’avantage de vous faire connaître tout d’abord que dans la retraite soudaine et rapide qui paraît s’achever, la totalité du matériel d’aviation a été sauvée ainsi que le matériel de rechange, l’outillage et les hangars14.
- 15 Ajout de l’auteur pour la compréhension du texte.
De surcroît, malgré l’abandon du site industrialisé de Bucarest15, « les machines-outils ont été sauvées et vont être montées à Jassy où une installation sérieuse est déjà activée… ». Sur l’état des appareils roumains d’origine, son jugement est sans appel :
- 16 Nieuport Bébé.
Les N.BB16 montent mal et possèdent une vitesse notablement inférieure à leur vitesse normale. Il restait encore en Roumanie six Voisin 130 qui ont vu leur fin autour de Craiova et en Olténie. Les F.40 sont susceptibles de faire des reconnaissances utiles mais les moteurs ont donné jusqu’ici les plus graves mécomptes.
S’il constate aussi l’inexpérience des observateurs aériens, Rousse présente un tableau plutôt encourageant des structures mises en place :
Une école de pilotage et d’entrainement déjà existante a été perfectionnée. Une école d’observateurs et de photographie a été instituée. Un poste aérologique central a été créé. Deux écoles de mécaniciens ont été créées à Jassy et à Galatz.
En relevant les insuffisances en lien avec les revers des derniers mois, il déclare à son interlocuteur, le lieutenant-colonel chef du service aéronautique au GQG français : « En Roumanie, nous devons avoir la maîtrise absolue de l’air dans les grandes batailles inévitables tôt ou tard sur ce territoire. »
- 17 Avec des officiers français dans les états-majors des groupes.
- 18 F7 : Capitaine Gulin, BM : Lieutenant Delas, N3 : Capitaine Gond. Outre les pilotes, dix observat (...)
10En décembre 1916 les grandes structures de commandement sont en place, le colonel français de Vergnette est placé à la tête de la direction de l’aéronautique au sein du GQG roumain. Au début de 1917, la réorganisation des unités roumaines est effective. En dehors de l’aérostation, il y existe désormais trois groupes composés initialement de trois escadrilles. Si les commandants de groupe sont tous roumains17, trois escadrilles, une de chaque grande spécialité, sont à l’origine directement commandées par des officiers français. Au total il y eut 87 pilotes français18.
- 19 Nicolău Constantin, L’Épreuve du feu, Bucarest, Ed. Albatros, 1983, cité in @forum.pages14-18.com
11La campagne de 1916-1917 se termine par l’armistice de Focșani, mais les armées roumaines ont bénéficié à certains moments d’une aviation efficace. Pendant la bataille de Mărășești, où les Alliés ont acquis la maîtrise de l’air, la reconnaissance et le pointage d’artillerie font la différence, à tel point que le général Grigorescu fait citer l’aviation dans l’ordre du jour n° 96 en quinze lignes particulièrement laudatives19.
- 20 Avram Valeriu, Războiul aerian deasupra României, Bucarest, Editura militară, 2017.
12Le bilan de l’ensemble de la campagne est éloquent, et ce qui nous est donné de connaître du détail des opérations20 est révélateur de l’intégration de l’outil aérien :
- 21 Un décompte plus précis du musée de Cluj en annonce 8 160. Dans le cadre du centenaire, ce musée (...)
13* 8 000 heures de vol21 et 28 navigants tués ou disparus ;
14* 705 réglages d’artillerie, 6 981 photos aériennes, nombreuses liaisons avec infanterie en première ligne, et missions spéciales.
- 22 Beaucoup plus généreux, Valeriu Avram recense 28 victoires pour les pilotes français, confusion e (...)
15Du côté de la chasse : 40 appareils ennemis abattus, dont 14 victoires attribuées à des pilotes roumains, 14 à des pilotes français22, 1 à un pilote britannique, 1 à un équipage franco-russe, 10 à la DCA. Le musée de Cluj apporte d’autres compléments : 560 combats aériens, 80 missions de liaisons, 61 871 kg de bombes larguées.
- 23 En ajoutant ces heures de vol à celles de l’aviation stricto sensu, cela permet d’avancer le chif (...)
16Enfin, l’aérostation totalise 1 702 heures de vol23, 410 réglages d’artillerie et la découverte de 281 batteries ennemies.
- 24 Le lieutenant Vasile Niculescu et le capitaine Victor Precup, sur Farman 40 : il s’agissait d’app (...)
- 25 Franchissement des Carpates dans des conditions météorologiques extrêmes.
17La reprise des hostilités, le 10 novembre 1918, est certes difficile, après de longs mois d’occupation militaire, mais la période est marquée par un vol Bacău-Blaj, le 23 novembre 191824, en prélude à la grande réunion d’Alba Iulia, le 1er décembre. Ce vol difficile25 est entré dans la légende de la Grande Unité. Et l’aviation roumaine est aussi présente sur les fronts de Hongrie et de Bessarabie en 1919, en soutien des armées roumaines, en liaison avec la composante aérienne de l’armée d’Orient.
Une aide extérieure à la Roumanie
- 26 Grandhomme Jean-Noel, « Maurice Sarrail, commandant en chef des armées alliées en Orient (1916-19 (...)
- 27 Delcassé, faisant tomber le ministère, aurait préféré une action vers la Bulgarie pour maintenir (...)
- 28 Preda Dumitru, La Roumanie et l’Entente, Bucarest, Cavallioti, 2017.
18En réalité, l’autre réponse à la question du soutien des armes roumaines n’est ni directe, ni clairement conceptualisée : c’est le soutien stratégique et tactique de l’armée de Salonique et de ses divers avatars. Lorsque le général Sarrail est envoyé à Salonique26 où se trouvent à demi assiégés des reliquats de l’expédition des Dardanelles, puis aussi de l’armée serbe, il n’y a pas de grand dessein stratégique27, tout au plus l’arrière-pensée de fixer quelques divisions allemandes. Cette armée qui survit difficilement entre malaria, hostilité non dissimulée du roi Constantin et d’une partie de l’armée hellénique, et répugnance des autorités françaises à distraire des hommes et du matériel du front occidental, voit son importance s’accroître par la perspective de l’intervention de la Roumanie. Elle permet en effet de promettre au nouvel allié que son entrée en guerre – sur le front bulgare – sera soutenue par une offensive venue de Macédoine28.
- 29 Le 16 septembre 1916, en réponse au bombardement de Bucarest, quatre Farman décollent de Saloniqu (...)
19Dans un premier temps, crucial, les promesses stratégiques ne sont guère tenues. Cependant, en rentrant dans le détail des opérations, on constate que l’aviation a tenu sa place dans des conditions difficiles. Au gré des renforcements de la composante aérienne de cette armée, bien réels et relativement continus, le théâtre des opérations présente différents cas de figure et donne l’occasion à des épisodes importants : la survie du camp retranché, les offensives de dégagement, les offensives victorieuses (jugées trop timides ou tardives), montrant, comme à Verdun, la nécessité de conserver la supériorité aérienne. Et, entrés immédiatement dans la légende dorée, les deux vols du sous-lieutenant Noël – en septembre 1916 et novembre 191829 –, la « guérilla » aérienne de Dieudonné Costes dans des moments de supériorité aérienne de l’ennemi.
La guerre après la guerre
- 30 Première offensive hongroise en avril 1919, arrêtée avant la contre-offensive qui s’arrête sur la (...)
- 31 Escadrilles mixtes : Breguet 14 et Spad VII ou XIII.
- 32 En particulier avec les reconnaissances aériennes photographiques effectuées par l’aviation rouma (...)
20Après l’entrée triomphale de la famille royale et du Général Berthelot à Bucarest le 1er décembre 1918, les négociations à Paris traitent du sort des vaincus, lesquels n’acceptent pas les modifications territoriales qui leur sont imposées. Au printemps de 1919, après la prise de pouvoir par Béla Kun à Budapest, les armées hongroises « rouges » attaquent la Tchécoslovaquie, la Serbie et la Roumanie30. En réponse la France constitue un « Groupement de Hongrie » (escadrilles 508, 521 et 523) centré sur Novi Sad31. L’armée du Danube (généraux Berthelot, puis Graziani) flanque les contre-offensives et l’avance de l’armée roumaine, participant à la couverture de celles-ci jusqu’à l’occupation de Budapest le 4 août 191932.
21Par ailleurs, en avril, des forces bolchéviques franchissent le Dniestr. La réaction française est identique avec la création d’un « Groupement du Danube » (escadrilles 504, 507, 510) basé à Galatz. Malgré une mutinerie du parc aéronautique, l’aviation assure la couverture. Un avion bolchevique est détruit à Tiraspol le 12 juin. Le Groupement du Danube est dissous en décembre 1919.
- 33 Boutineau-Mabou Maryla, Aux origines d’Air-France. La CFRNA-CIDNA, première compagnie aérienne eu (...)
22En marge de ces événements, il convient de rappeler aussi que, dès l’armistice signé avec la Sublime Porte, un détachement d’occupation allié s’est installé Constantinople, comportant deux escadrilles et un détachement d’hydravions à San Stefano. Cette force aérienne d’occupation joue un rôle de renseignement dans la guerre gréco-turque, qui suivit la tentative de mise en application du Traité de Sèvres. Elle commença ainsi à explorer les axes de pénétration vers l’est. Une partie des origines de la Compagnie Franco-Roumaine de Navigation Aérienne33 vient de ces hommes, de ces infrastructures et de ces connaissances.
Les années vingt
- 34 Voire être instrumentalisées. Parmi de nombreux exemples : lettre du ministre de France au présid (...)
- 35 Avec des sensibilités différentes, d’une volonté de contrôle du déficit pour les gouvernements li (...)
- 36 Ces questions, essentielles, ont fait l’objet de très nombreuses recherches, cf. par exemple les (...)
23Elles sont marquées pour la Roumanie par des préoccupations nombreuses, et la sécurité des frontières nouvelles en fait partie au premier chef. L’inquiétude née des revendications révisionnistes des voisins est grande34 au sein des gouvernements roumains successifs35. Les réponses sont politiques et diplomatiques36, mais concernent aussi le secteur de la Défense et singulièrement le domaine aéronautique.
- 37 Développement de constructions aéronautiques, mise en place de structures de recherches fondament (...)
24En dehors de la poursuite du développement interne « naturel »37, le besoin de s’adosser à une grande puissance aéronautique ne peut être éludé : comme pour de nombreuses industries émergentes, la question des moteurs imposait des transferts de technologie. De son côté, la France, triomphante mais épuisée, entend à la fois aider son alliée roumaine, mais aussi tirer des bénéfices de cette prééminence : ces années se caractérisent donc par des tensions, oscillant entre convergences et contradictions, qui sont illustrées par une des grandes affaires de la décennie : la constitution avec la France d’une industrie aéronautique militaire rendant la Roumanie indépendante.
- 38 Par exemple Midan Christophe, « L’Aide matérielle française à la Roumanie dans les années 20 », i (...)
25Toutefois, avant d’en arriver là, se pose la question du financement, sujet déjà abordé par plusieurs chercheurs38, tant l’issue du conflit est ambivalente : une Grande Roumanie, certes, mais exsangue.
La question du financement
- 39 Terme anachronique mais suffisamment générique.
- 40 La question de la dette intérieure est aggravée par le coût de l’unification monétaire dans la Gr (...)
26La complexité de la dette roumaine tient à sa structure : les dettes ont été contractées par l’État pour soutenir son effort de guerre ; les créanciers sont les États alliés, le système bancaire international39 et les épargnants nationaux40. Pour ne prendre que la dette extérieure :
- 41 Environ 11 milliards de lei au taux de change de 1925, seulement 4,23 milliards de lei de 1920 ; (...)
- 42 Cité par Stanciu Ștefan, Nicolae Titulescu et la souveraineté de la Roumanie au Danube maritime, (...)
Dette extérieure de la Roumanie envers les Alliés. Décembre 1920. |
|
France |
1,10 milliard de francs – de loin le plus important créancier41 |
GB |
23 millions de £ |
USA |
38 millions de $ |
Italie |
151 millions de lires |
Belgique |
24 millions de francs belges |
Décompte établi par Nicolae Titulescu à l’intention du ministre des Finances Take Ionescu42 |
À ces dettes envers des États s’ajoutent les sommes dues à des intérêts privés comme l’indemnisation pour des terres réparties lors de la mise en application de la réforme agraire – qui concernent notamment des intérêts français et britanniques (en Bessarabie) –, ainsi que le lourd contentieux relatif aux « optants magyars » de Transylvanie. La question de la dette intérieure est douloureusement traitée par l’inflation, au détriment en particulier des porteurs de bons du Trésor libellés en lei.
- 43 Cité par Stancu, op. cit., p. 27. Environ trois milliards de franc-or.
- 44 En dehors de la période considérée par le présent article, la question est pour l’essentiel liqui (...)
27De l’autre côté de la balance, il y a les créances correspondant à des dommages de guerre, donc dû par des États vaincus. Pour situer l’ordre de grandeur, les dommages de guerre subis par la Roumanie ont été estimés à un peu plus de 31 milliards de lei-or43. Dans la vaste négociation des années vingt, la Conférence de Spa fixe la quote-part roumaine à 1,1 % des réparations allemandes et à 10,5 % des réparations dues par le défunt empire Austro-Hongrois, la Bulgarie et – pour mémoire – la Turquie. La Roumanie s’oppose d’ailleurs à ce quantum, et son représentant spécialisé, Nicolae Titulescu, est de tous les combats : plan Dawes, appliqué jusqu’en 1929, réouverture des négociations à l’initiative de l’Allemagne qui aboutit au plan Young, adopté en 1929 à la Conférence de La Haye. Titulescu y obtient que la réduction de la dette des membres des Puissances centrales ait comme corolaire la réduction des dettes d’État roumaines44.
28Cette question de la dette entrave d’autant plus la liberté du gouvernement roumain, qu’elle apparaît aussi comme un obstacle pour le gouvernement français, qui lui-même traîne une dette extérieure de 33 milliards de francs-or. De Londres, le comte de Saint-Aulaire, ambassadeur de France, peu suspect d’hostilité à la cause roumaine – puisqu’il a été ministre de France à Bucarest et à Iaşi pendant les années de guerre –, envoie en juin 1923 le télégramme suivant au président du Conseil, ministre des Affaires étrangères, Raymond Poincaré :
- 45 AE, 110 CPCOM-14/ 113.
Les journaux anglais publient depuis quelque temps des informations sur les avances faites par la France aux pays de l’Europe centrale, à la Pologne et à la Roumanie pour leur permettre de compléter leur armement. […] [Les] milieux de la Cité (City) paraissent soucieux d’être documentés à ce sujet de manière à pouvoir nous opposer des arguments le jour où nous allèguerons nos difficultés financières pour le règlement de nos comptes avec nos débiteurs allemands ou nos créanciers alliés45.
- 46 Sandu, op. cit.
- 47 AE, 110 CPCOMM-13 & 14. Les sénateurs, puisqu’il s’agit d’eux, n’ont pas démordu de l’exigence d’ (...)
- 48 Avec quelques raisons, certains des meilleurs chasseurs allemands de la Grande Guerre sont dus à (...)
Le désir, bien réel, des gouvernements français d’aider la Roumanie, comme d’ailleurs la Pologne et la Tchécoslovaquie, ne résulte pas seulement de la profonde empathie éprouvée pour ces nations. Il s’agit également d’un double intérêt bien compris, économique et financier certes, mais aussi politique et stratégique puisque la menace d’une résurgence allemande n’a guère quitté l’esprit des dirigeants. Le projet wilsonien est une chose, mais vivifier les alliances « de revers », en est une autre, d’ailleurs compatible jusqu’à un certain point avec l’esprit de la SDN. Après tout il s’agit d’accords défensifs…46 Une première réponse est constituée par un projet d’avance de cent millions de francs, qui fait l’unanimité dans les milieux dirigeants français, mais qui ne franchit pas le seuil du vote des Chambres. Ce projet agite les milieux politico-diplomatiques pendant les années 1923-1924. Devant l’échec47 annoncé, la Roumanie « menace » d’un appel d’offres international d’achat d’aéronefs, adressé aux industriels français, britanniques, états-uniens, italiens et… néerlandais, au grand scandale des militaires français pour lesquels Fokker est un avionneur allemand plus que néerlandais48.
- 49 Les avions Armstrong ne remplissaient pas toutes les spécifications requises, ce qu’avait relevé (...)
- 50 120 avions Potez à moteur Lorraine, et 70 avions Armstrong, de deux types différents.
- 51 On peut remarquer que cette anglophilie est partagée par le jeune prince Nicolae, élevé pour l’es (...)
- 52 AE, 110 CPCOM-15/3. Lettre du ministre des Travaux Publics (en charge de l’Aéronautique) au Prési (...)
29Cet appel d’offres, lui-même accompagné de nombreux rebondissements, donne lieu notamment à un scandale politique : une commission technique a retenu la proposition française comme la meilleure49, mais, après l’éviction forcée de deux membres, le choix annoncé au début d’avril 1924 partage la commande entre la France et la Grande Bretagne50, ce qui « semble dû à l’influence du Prince héritier [Carol]51 très favorable au matériel anglais et ignorant de nos moyens »52. S’ensuit, selon les recettes habituelles, la mise en place d’une invitation adressée au prince pour une visite des usines en France, à l’occasion des Jeux olympiques de Paris. Si l’invitation d’une personnalité influente en France est une technique diplomatique fréquemment usitée, il est vrai que le Prince Carol, outre sa fonction officielle d’inspecteur général de l’aéronautique, est également président du Comité olympique roumain.
- 53 Président du Conseil du 13 mars 1920 au 13 décembre 1921 (Contrats Savoia Marchetti, Nardi). Sa m (...)
- 54 Général Vouillemin (Cr).
30Les milieux industriels français dénoncent un favoritisme pro-britannique, succédant au favoritisme pro-italien d’Averescu53. Ce qui ne les empêche pas de pratiquer des coups bas entre eux, ainsi la campagne de dénigrement entreprise par un ancien de la mission Berthelot54 devenu représentant du motoriste Gnome et Rhône.
- 55 La décision du roi, en janvier 1926, d’écarter le prince de la succession au trône n’est évidemme (...)
31L’intervention du prince Carol n’est d’ailleurs pas passée inaperçue dans l’opposition en Roumanie, et une campagne de presse, menée notamment par le journal Lupta, a culminé avec une interpellation à la Chambre, le 31 janvier 1925, assez rapidement étouffée, non sans laisser des traces55.
- 56 Reprenant en la complétant la devise de l’Ordre de la Couronne institué par Carol Ier (Prin noi î (...)
32Ces péripéties s’inscrivent en outre dans un contexte de dilemme pour les gouvernants : les libéraux, dans la mouvance Brătianu, souhaitent que la Roumanie « se fasse par elle-même »56, limitant autant que faire se peut le recours aux capitaux étrangers et poursuivant en même temps des objectifs de maîtrise budgétaire. Si l’on associe ces volontés à celle de constituer une force armée nécessaire peut-être demain face à la Russie soviétique ou à la Hongrie révisionniste, on voit bien l’absence de marge de manœuvre. S’endetter à l’extérieur pour acheter des armes, ou accepter, fut-ce provisoirement, l’entrée des capitaux étrangers dans une industrie devenue en dix ans un secteur-clé de l’État ? Telles sont les possibilités.
Vers la création d’une puissante industrie aéronautique
- 57 La petite industrie aéronautique roumaine est capable de concevoir des machines légères, et de le (...)
33C’est finalement l’option de l’industrialisation de la Roumanie qui est retenue, actualisant une décision du conseil des ministres de février 1924, présidé alors par Ion I.C. Brătianu. Cette décision analyse correctement l’état de l’industrie aéronautique déjà existante, et ses lacunes en matière d’avions de combat de pointe57.
- 58 Un avionneur et un motoriste jugés par les Roumains comme représentant le mieux la performance te (...)
- 59 AE, 110 CPCOM-50, Note de la Direction des affaires politiques et commerciales du 20 mars 1925.
- 60 AE, 110 CPCOM -77, Lettre du Chef d’état-major général au Président du Conseil, au ministre de la (...)
34Au terme de l’appel d’offres, et de la négociation, le premier contrat est signé avec les sociétés Blériot et Lorraine-Dietrich58 le 17 mars 1925, non sans qu’une proposition de dernière minute du Groupe Vickers-Fokker n’ait tenté d’imposer la motorisation de cinquante cellules Fokker (avec des moteurs Lorraine)59 ; ce qui inspire cette crainte au chef d’état-major général de l’armée, le général Debeney : « Nous ne pouvons en effet rester indifférent aux efforts de l’Allemagne pour développer, en pays étranger, une industrie aéronautique à laquelle le Traité de Versailles a imposé des limites strictes sur son propre territoire60. »
- 61 Il ne semble pas que le décret royal de 1923 interdisant les actions aux porteurs (anonymes) et f (...)
35Enfin, le 18 juillet 1925, est signé le second contrat, incluant la société Astra, un consortium de banques roumaines et l’État roumain. La répartition du capital initial est, pour un tiers, entre les mains d’associés français. L’ensemble contractuel engage bien sûr les porteurs de capitaux, qui doivent céder les licences (moteurs principalement) et s’engagent à « roumaniser » l’encadrement technique à 75 % avant trois ans, mais également l’État roumain qui doit commander 1 300 appareils les cinq premières années. L’analyse des correspondances ayant transité par les services diplomatiques montre à l’évidence que les industriels français sont surtout sensibles à cette manne de production à moyen terme beaucoup plus qu’aux éléments pouvant favoriser à terme une nationalisation, mot encore peu à la mode et associé surtout au bolchevisme, et non à une monarchie amie61.
IAR Industria Aeronautica Română : Capital initial (en millions de lei)
Associés |
Apports en numéraire |
Apports en nature et en industrie |
total |
% |
État roumain |
6 |
12 (en foncier) (223 ha) |
18 |
15,0 |
Lorraine de Dietrich |
25 |
25 |
20,8 |
|
Spad Blériot |
15 |
15 |
12,5 |
|
Astra |
26 |
36 (en machines-outils) |
62 |
51,6 |
Banques roumaines |
||||
Total |
120 millions de lei, |
Au terme d’autres péripéties, dont le décès de Ferdinand Ier et la maladie de Ion I.C. Brătianu – qui meurt quelques semaines plus tard –, l’inauguration de l’usine IAR de Brașov intervient en octobre 1927, en grande pompe et en présence du général Berthelot – même si le Palais avait souhaité que ce soit le maréchal Joffre qui représente la France.
- 62 Par exemple Universul du 19 octobre 1927.
- 63 AE, Nantes, 124 PO/1-91. Invités par le très officiel Aéro-Club de Roumanie, Costes et le Brix vi (...)
- 64 Les Ailes, journal hebdomadaire, et L’Aéronautique, revue mensuelle, sont accessibles sur Gallica (...)
36Si cette inauguration fait la « une » des journaux roumains62, elle est éclipsée dans la presse française par les suites du vol de Lindbergh (Atlantique-Nord) et par la traversée de l’Atlantique-Sud, le 14-15 octobre, de Saint Louis du Sénégal à Natal, au Brésil, première étape significative d’un circuit autour du monde, par Costes et Le Brix63. Le seul écho de l’actualité roumaine se trouve en page 6 du périodique Les Ailes64. La revue mensuelle, pourtant spécialisée, L’Aéronautique, couvrant la période septembre-octobre, signale quinze faits significatifs de la vie de l’aviation mondiale, mais ne dit rien sur Brașov et l’inauguration d’un fleuron de la coopération franco-roumaine, offrant à la Roumanie une potentielle armée aérienne indépendante.
- 65 Et avances de trésorerie.
- 66 Lucien Virmoux et Élie Carafoli. Ce dernier est titulaire d’un doctorat de physique de la Sorbonn (...)
37Après l’inauguration, et au prix de nouveaux accroissements du capital65, l’usine, sort effectivement en 1930 des machines en série (Morane-Saulnier, Potez) et s’apprête à faire voler un premier prototype de chasseur, l’IAR CV 11. Couronnement d’un processus de coopération entre les deux pays, la machine, mue par un moteur Lorraine, a été conçue par un ingénieur français et un ingénieur roumain66.
- 67 Compagnie Franco-Roumaine de Navigation Aérienne (CFRNA), créée en 1920 par un pilote français, P (...)
- 68 AE, Nantes, 124 PO/1-91 & 92. Le détail de ces manifestations peut être trouvé dans les rapports (...)
- 69 Prince George V. Bibescu, président de la Fédération Aéronautique Internationale de 1930 à 1941. (...)
- 70 Créée en 1905, comme une association regroupant les premiers aéro-clubs nationaux, bien avant que (...)
38À la fin de la décennie, les avions français sont toujours omniprésents dans l’arsenal de la plupart des États européens, à commencer par la Roumanie. Entre la mise en place de l’usine de Brașov, le premier vol de l’IAR CV 11, les succès de la Compagnie Franco-Roumaine de Navigation Aérienne67, le raid roumain Bucarest-Hanoï (1932) et la trentaine de raids français transitant par la Roumanie entre 1927 et 193168, qui sont autant d’occasions de célébrations diplomatico-aéronautiques, ou encore avec l’élection d’un président roumain69 à la tête de la Fédération aéronautique internationale (FAI)70, les dernières années de la décennie 1920 peuvent encore donner l’impression que la France et la Roumanie, avec elle, sont toujours en pointe de l’aviation mondiale.
Notes
1 Si l’Éole de Clément Ader a réellement volé, les preuves en sont insuffisantes pour en faire un candidat incontestable (son vol n’était guère contrôlable), quant au Flyer des frères Wright, il bénéficiait d’une aide au décollage (catapulte à poids).
2 En France, reconnaissance sur 160 km, le 9 juin 1910 (L’Illustration – Journal universel, long article de Sauveroche le 18 juin). En Roumanie vol d’Aurel Vlaicu le 28 septembre 1911, avec transport d’un message dans le cadre de manœuvres militaires en Moldavie méridionale.
3 En France, loi du 29 mars 1912, en Roumanie, décret du 1er avril 1912.
4 Qui permet ultérieurement le vol des hélicoptères.
5 Il soumet des projets aux autorités, sollicite des contributions du public à partir de 1910, mais ne peut construire sa première soufflerie en Roumanie qu’en 1926. Cf. Buiu I.V., Ion Stroescu (1888-1961) a Man and a Life – for a Passion! (INCAS BULLETIN, vol. 3, special issue, 2011, p. 1-15), <https://www.researchgate.net/publication/268381893_ION_STROESCU_1888-1961_A_MAN_and_A_LIFE_-_for_a_passion>.
6 Une approche contemporaine du côté roumain (pro-Entente) peut être trouvée in : Kiritzesco Constantin, La Roumanie dans la guerre mondiale, Bucarest, Cartea Românească, 1927, résumé en français de : Kiriţescu Constantin, Istoria războiului pentru întregirea României (1916-1919), Bucarest, Casa Şcoalelor, en 3 vol.
7 L’aviation de transport, commerciale, naît après la guerre, en partie grâce aux surplus de guerre et à l’abondance des ressources humaines.
8 Service historique de la Défense (SHD), Vincennes, AI 1A 193-2, Note du 28/11/1916.
9 Grandhomme Jean-Noël, Le général Berthelot, et l’action de la France en Roumanie et en Russie méridionale (1916-1918), Vincennes, SHAT, 1999. Également : Grandhomme Jean-Noël, Roucaud Michel et Sarmant Thierry, La Roumanie dans la Grande Guerre et l’effondrement de l’armée russe. Edition critique des rapports du général Berthelot, chef de la Mission militaire française en Roumanie 1916-1918, Paris, L’Harmattan.
10 De ce seul point de vue, l’envoi par les Allemands de deux navires modernes (SMS Goeben et Breslau) à Constantinople, en hâtant l’entrée en guerre de la Turquie, est un superbe coup stratégique, correctement analysé par certains contemporains (Mémoires de l’Ambassadeur Morgenthau, Paris, Payot, 1919). Voir aussi Guilhem Alain, La Pierre et le vent, Paris, Payot, 1989.
11 C’est-à-dire avant même la mise en place de la mission Berthelot qui n’arrive à Iași que le 15 octobre 1916.
12 À cette date, 129 machines ont déjà quitté la France ou sont en instance de départ.
13 SHD, AI 1A 193-3.
14 Il s’agit de hangars Bessonneau, démontables.
15 Ajout de l’auteur pour la compréhension du texte.
16 Nieuport Bébé.
17 Avec des officiers français dans les états-majors des groupes.
18 F7 : Capitaine Gulin, BM : Lieutenant Delas, N3 : Capitaine Gond. Outre les pilotes, dix observateurs pour avion et sept d’aérostation. Cf. Avram Valeriu, « Misiunea aeronautică franceză în România 1916-1918 », Muzeul Naţional, IX, anul 1997, p. 167-175.
19 Nicolău Constantin, L’Épreuve du feu, Bucarest, Ed. Albatros, 1983, cité in @forum.pages14-18.com.
20 Avram Valeriu, Războiul aerian deasupra României, Bucarest, Editura militară, 2017.
21 Un décompte plus précis du musée de Cluj en annonce 8 160. Dans le cadre du centenaire, ce musée a monté, entre autres, une grande exposition temporaire à l’aérogare de Cluj.
22 Beaucoup plus généreux, Valeriu Avram recense 28 victoires pour les pilotes français, confusion entre sources ou litiges habituels « revendication/ homologation » ?
23 En ajoutant ces heures de vol à celles de l’aviation stricto sensu, cela permet d’avancer le chiffre très évocateur de « plus de 10 000 heures de vol ». Il importe peu, pour la propagande, que ces heures ne soient pas toutes des heures face à l’ennemi.
24 Le lieutenant Vasile Niculescu et le capitaine Victor Precup, sur Farman 40 : il s’agissait d’apporter des documents importants pour l’organisation de la grande Assemblée Nationale, à convoquer le 1er décembre à Alba Iulia.
25 Franchissement des Carpates dans des conditions météorologiques extrêmes.
26 Grandhomme Jean-Noel, « Maurice Sarrail, commandant en chef des armées alliées en Orient (1916-1917). Portait d’un personnage controversé », in Florin Ţurcanu et Jean-Noël Grandhomme, La Grande Guerre dans les Balkans : regards croisés, perspectives comparées, Sofia, Institut français de Bulgarie, 2018, p. 8-23.
27 Delcassé, faisant tomber le ministère, aurait préféré une action vers la Bulgarie pour maintenir celle-ci hors du conflit, quant à Clemenceau, il était hostile à cette « dispersion des forces ». Toutefois, Clemenceau, en accédant au pouvoir le 16 novembre 1917, la maintient, et, lorsque, sous la pression des offensives de la Somme et de l’Aisne, il est question de ramener cette armée à l’Ouest, c’est Foch qui s’y oppose. La marche de l’histoire, HS 16.
28 Preda Dumitru, La Roumanie et l’Entente, Bucarest, Cavallioti, 2017.
29 Le 16 septembre 1916, en réponse au bombardement de Bucarest, quatre Farman décollent de Salonique, bombardent Sofia, se posent à Bucarest avant de revenir à Salonique. Le chef de mission, le sous-lieutenant Noël, est accueilli avec enthousiasme et reçu par le roi Ferdinand. Le 23 octobre 1918 le même officier emmène le ministre Antonescu jusqu’à Iași, porteur de messages pressant le roi de reprendre les armes.
30 Première offensive hongroise en avril 1919, arrêtée avant la contre-offensive qui s’arrête sur la Tisza. La Hongrie demande une trêve ; seconde attaque hongroise en juillet 1919, à nouveau contrée ; la Tisza est franchie et Budapest occupée le 4 août.
31 Escadrilles mixtes : Breguet 14 et Spad VII ou XIII.
32 En particulier avec les reconnaissances aériennes photographiques effectuées par l’aviation roumaine.
33 Boutineau-Mabou Maryla, Aux origines d’Air-France. La CFRNA-CIDNA, première compagnie aérienne européenne 1920-1933, Saint-Martin-des-Entrées, Heimdal, 2020.
34 Voire être instrumentalisées. Parmi de nombreux exemples : lettre du ministre de France au président du Conseil, ministre des Affaires étrangères, du 12 mars 1923 (Archives du ministère des Affaires étrangères (AE), La Courneuve, 110 CPCOM 14-41) intitulée « préparatifs de guerre en Russie », rapportant une information venue de Budapest, relayée par IG Duca (Ministre des Affaires étrangères de Roumanie).
35 Avec des sensibilités différentes, d’une volonté de contrôle du déficit pour les gouvernements libéraux, au tropisme italien pour le général Averescu.
36 Ces questions, essentielles, ont fait l’objet de très nombreuses recherches, cf. par exemple les Colloques de Strasbourg de 1984 (Conséquences des traités de paix de 1919-20), de Vincennes en 1999 (Bâtir une nouvelle sécurité), ou Sandu Traian, Le Système de sécurité français en Europe centre-orientale, Paris, L’Harmattan, 1999.
37 Développement de constructions aéronautiques, mise en place de structures de recherches fondamentales et appliquées.
38 Par exemple Midan Christophe, « L’Aide matérielle française à la Roumanie dans les années 20 », in Jacques Bariéty (dir.), Bâtir une nouvelle sécurité. La Coopération militaire entre la France et les États d’Europe centrale et orientale de 1919 à 1929, Vincennes, CEHD-SHAT, 2001.
39 Terme anachronique mais suffisamment générique.
40 La question de la dette intérieure est aggravée par le coût de l’unification monétaire dans la Grande Roumanie.
41 Environ 11 milliards de lei au taux de change de 1925, seulement 4,23 milliards de lei de 1920 ; ce qui donne une idée de l’effondrement monétaire des années 1922-1923.
42 Cité par Stanciu Ștefan, Nicolae Titulescu et la souveraineté de la Roumanie au Danube maritime, Ed. Le Brontosaure. À la différence de la dette intérieure, la dette extérieure, libellée en devises-or, est aggravée par l’inflation intérieure et la dépréciation monétaire.
43 Cité par Stancu, op. cit., p. 27. Environ trois milliards de franc-or.
44 En dehors de la période considérée par le présent article, la question est pour l’essentiel liquidée à la Conférence de Lausanne, du 16 juin-9 juillet 1932.
45 AE, 110 CPCOM-14/ 113.
46 Sandu, op. cit.
47 AE, 110 CPCOMM-13 & 14. Les sénateurs, puisqu’il s’agit d’eux, n’ont pas démordu de l’exigence d’un apurement des dettes antérieures, notamment celles de l’indemnisation d’intérêts privés.
48 Avec quelques raisons, certains des meilleurs chasseurs allemands de la Grande Guerre sont dus à Anthony Fokker, que ce soit au début de la guerre (Fokker E.III), au mitan (Fokker Dr.I) ou à la fin (Fokker D.VII).
49 Les avions Armstrong ne remplissaient pas toutes les spécifications requises, ce qu’avait relevé la commission technique.
50 120 avions Potez à moteur Lorraine, et 70 avions Armstrong, de deux types différents.
51 On peut remarquer que cette anglophilie est partagée par le jeune prince Nicolae, élevé pour l’essentiel en Grande Bretagne. Il devient en 1927, à vingt-quatre ans, régent du jeune roi Michel à la mort de Ferdinand.
52 AE, 110 CPCOM-15/3. Lettre du ministre des Travaux Publics (en charge de l’Aéronautique) au Président du Conseil, 11 avril 1924.
53 Président du Conseil du 13 mars 1920 au 13 décembre 1921 (Contrats Savoia Marchetti, Nardi). Sa manifeste italophilie, sans doute alimentée par son épouse, complète une certaine francophobie exacerbée par ses mauvaises relations avec le général Berthelot.
54 Général Vouillemin (Cr).
55 La décision du roi, en janvier 1926, d’écarter le prince de la succession au trône n’est évidemment pas une conséquence directe de cette affaire, mais celle-ci, avec d’autres – le comportement désinvolte de Carol à la fin de la guerre –, a pu contribuer à cette difficile éviction.
56 Reprenant en la complétant la devise de l’Ordre de la Couronne institué par Carol Ier (Prin noi înşine!) et inspiré par mot d’ordre des patriotes du Risorgimento : Italia farà da sè.
57 La petite industrie aéronautique roumaine est capable de concevoir des machines légères, et de les construire en petites séries. En revanche, la construction de grandes séries et de machines lourdes et sophistiquées est hors de sa portée, sans parler même de la fabrication de moteurs de forte puissance, même sous licence.
58 Un avionneur et un motoriste jugés par les Roumains comme représentant le mieux la performance technologique, et offrant surface financière et volonté stratégique fiable.
59 AE, 110 CPCOM-50, Note de la Direction des affaires politiques et commerciales du 20 mars 1925.
60 AE, 110 CPCOM -77, Lettre du Chef d’état-major général au Président du Conseil, au ministre de la Guerre et au ministre des Affaires étrangères le 10 juin 1925.
61 Il ne semble pas que le décret royal de 1923 interdisant les actions aux porteurs (anonymes) et faisant obligation de ce que 75 % des actions soient détenues par des nationaux ait été pris suffisamment au sérieux.
62 Par exemple Universul du 19 octobre 1927.
63 AE, Nantes, 124 PO/1-91. Invités par le très officiel Aéro-Club de Roumanie, Costes et le Brix viennent présenter l’avion de cette traversée à Bucarest en mai 1928 avec un énorme succès populaire.
64 Les Ailes, journal hebdomadaire, et L’Aéronautique, revue mensuelle, sont accessibles sur Gallica. N.B. L’Année aéronautique, malgré ses centaines de pages, n’a pas de section dédiée à l’industrie.
65 Et avances de trésorerie.
66 Lucien Virmoux et Élie Carafoli. Ce dernier est titulaire d’un doctorat de physique de la Sorbonne où il a ensuite enseigné avant de rejoindre IAR. Concepteur de l’IAR 80 dix ans plus tard, il enseigne aussi à l’École polytechnique de Bucarest.
67 Compagnie Franco-Roumaine de Navigation Aérienne (CFRNA), créée en 1920 par un pilote français, Pierre de Fleurieu, et un banquier roumain, Aristide Blank, devenue en 1925 la CIDNA (Compagnie Internationale de Navigation Aérienne), avant de se fondre dans Air France à sa création en 1933. Cf. Boutineau, op. cit.
68 AE, Nantes, 124 PO/1-91 & 92. Le détail de ces manifestations peut être trouvé dans les rapports des attachés militaires et de l’air à Bucarest, ainsi que dans l’abondante presse spécialisée, par exemple L’Année Aéronautique (pratiquement exhaustive, les pages 101 à 299 sont consacrées aux records, courses, voyages et meetings).
69 Prince George V. Bibescu, président de la Fédération Aéronautique Internationale de 1930 à 1941. Authentique pionnier, il a bénéficié du soutien sans faille des représentants français.
70 Créée en 1905, comme une association regroupant les premiers aéro-clubs nationaux, bien avant que les premières réglementations internationales ne voient le jour en marge des négociations des traités mettant fin à la guerre.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Alain de Bonadona, « 1910-1930, vingt ans d’aviation roumaine et de coopérations France-Roumanie », reCHERches, 30 | 2023, 21-33.
Référence électronique
Alain de Bonadona, « 1910-1930, vingt ans d’aviation roumaine et de coopérations France-Roumanie », reCHERches [En ligne], 30 | 2023, mis en ligne le 15 juin 2023, consulté le 17 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cher/14709 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cher.14709
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