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Regards et témoignages

La naissance de la Grande Roumanie

Allocutions liminaires du Général Marc Ollier et du Colonel Constantin Paraschivu
p. 213-218

Texte intégral

Général Marc Ollier, gouverneur militaire de Strasbourg

1Tout d’abord, permettez-moi de vous souhaiter à tous la bienvenue ici dans cette salle du Barabli du cercle militaire de la garnison de Strasbourg. La salle Barabli, comme j’aime à le répéter, est véritablement emblématique de la vie culturelle strasbourgeoise et se prête par conséquent parfaitement à ce colloque international sur la naissance de la Grande Roumanie.

2Née d’une volonté politique commune, au plus haut sommet des deux États, la Saison France-Roumanie 2019, a pour les deux pays vocation à :
– renouveler l’image et la perception des deux populations l’une envers l’autre,
– renforcer les liens économiques, scientifiques, culturels et sociétaux qui nous unissent historiquement,
– témoigner du dynamisme et de l’imagination des créateurs et des entreprises des deux pays,
– réaffirmer leur attachement à une Europe de la paix, des idées et de la coopération.

3Si la programmation au niveau national de cette Saison France-Roumanie 2019 est résolument tournée vers l’avenir, il apparaît important de nous ancrer dans un passé riche en termes de relations culturelles et historiques. C’est pourquoi nous sommes réunis ici aujourd’hui pour évoquer la naissance de la Grande Roumanie, mère de la Roumanie moderne, il y a de cela un siècle, afin que l’histoire puisse nous aider à mieux appréhender l’avenir.

4La France et la Roumanie entretiennent depuis longtemps des liens très étroits. Issus de la même culture romaine, la France est comme une sœur pour la Roumanie. Toutes deux sont filles du siècle des Lumières et il n’est pas étonnant que la Roumanie soit si francophile. Le français a longtemps été un élément important de la formation intellectuelle des jeunes roumains et l’on estime à près de 5 millions le nombre de Roumains francophones, soit un quart de la population. Comme une sœur, la France a soutenu la Roumanie menacée en venant à son secours dans les moments difficiles. Personne ne symbolise mieux ce lien fraternel entre nos deux pays que le général Berthelot.

5Henri Mathias Berthelot, général de division, ce nom orne les plaques de marbre qui habillent le péristyle de l’hôtel de Gayot – Deux-Ponts, ici à Strasbourg, juste de l’autre côté de la place Broglie, car il y fut gouverneur militaire de 1923 à 1926. Le général Berthelot, dont le nom est à jamais associé à l’histoire de la Roumanie, à travers la mission militaire éponyme en charge de réorganiser et de moderniser l’armée roumaine. Son action est telle qu’il devient un héros de la Roumanie d’après-guerre. Des rues, des écoles portent son nom et même un village est rebaptisé Berthelot. L’État roumain lui offrit en remerciement un domaine de plus de 100 ha, même le maréchal Foch n’a pas obtenu un tel cadeau !

6Les relations militaires et diplomatiques entre nos deux pays sont très étroites. Compagnons de combats durant la Grande Guerre, partageant les victoires de l’été 1917, mission Berthelot entre 1916 et 1918, armée du Danube en 1918-1919, Petite Entente dans l’entre-deux-guerres, tentatives d’ancrage de la démocratie entre 1944 et 1947 puis, après la chute du Mur et la fin de la dictature, rapprochement, intégration dans l’OTAN en 2004 et adhésion à l’Union européenne trois ans plus tard sont autant d’événements qui l’illustrent.

7« Amis des mauvais jours, amis des jours de fêtes, c’est bien cela que nous sommes. » Ces mots du général Berthelot, prononcés dans le froid d’automne de 1922 au parc Cișmigiu de Bucarest, lors de l’inauguration du Monument aux Français morts en Roumanie pendant la Grande Guerre n’ont pas pris une ride. Ils résonnent dans cette salle aujourd’hui mais ils ont résonné dans le cœur des Français et des Roumains à chaque grande étape de la construction de la Grande Roumanie.

8Aujourd’hui, la Roumanie préside le Conseil de l’Union européenne. Au-delà des aspects politiques, économiques et culturels qu’il ne m’appartient pas de développer, je note que des défis particulièrement importants l’attendent, parmi lesquels je ne citerai que le défi de la sécurité en Europe. Défense de l’avant, comme disent les militaires, c’est-à-dire au plus loin de nos frontières, avec l’engagement des États membres dans des missions de soutien des efforts de la communauté internationale dans la stabilisation de zone de crises et la lutte contre le crime organisé comme EUTM Mali, EUTM RCA ou EUCAP Sahel, mais aussi protection de nos concitoyens sur le sol européen avec la lutte antiterroriste, les mesures de dissuasion face à certaines stratégies d’intimidation de notre grand voisin la Russie ou mesures de sauvegarde face aux aspects violents de phénomènes comme ceux liés aux migrations, sont quelques-uns des sujets qui ne manqueront pas d’être abordés dans les six prochains mois.

9Mais la Roumanie, comme la France, est également une nation qui compte au sein de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. À ce titre, elle est un allié particulièrement important pour la stabilité de l’Alliance, particulièrement dans la zone géographique de l’Europe centrale. C’est dans ce cadre que la France a renforcé sa présence avancée dans ce pays pour montrer sa solidarité à cet allié très proche. Des exercices fréquents permettent d’entretenir nos savoir-faire communs et d’être prêt en cas de déclenchement de l’article 5 du traité. Cet article, comme vous le savez, indique qu’une attaque contre l’une des nations équivaut à une attaque de l’ensemble des nations et que chaque allié doit y faire face dans une réponse collective. Mais l’OTAN ce n’est pas uniquement la défense collective, c’est aussi la gestion des crises. Ainsi, soldats français et roumains se sont trouvés côte à côte dans les Balkans, en Afghanistan et sont amenés en ce moment à combattre ensemble le terrorisme et à soutenir les populations au Proche-Orient et en Afrique, notamment dans la bande sahélo saharienne. Sur le flanc sud, notre ennemi c’est le terrorisme, qui puise son origine dans l’islamisme radical. C’est un ennemi très dangereux, insidieux, dont les ramifications, tel un cancer, vont jusqu’au cœur de nos sociétés pour en défier l’organisation, la cohésion et les valeurs les plus fondamentales, comme la liberté, l’égalité et la fraternité. Notre réponse face à cette hydre ne peut être que globale et avoir des alliés est indispensable car le combat sera encore long.

10Enfin, je peux témoigner personnellement des excellentes relations et de la qualité des officiers roumains avec lesquels j’ai servi au Mali dans le cadre de l’ONU l’année dernière. Dans cette difficile mission, l’engagement de nos deux pays en faveur de la paix montre à l’ensemble des pays du monde l’importance du professionnalisme et de la cohésion pour faire échec au terrorisme et au chaos.

11Ces excellentes relations entre la France et la Roumanie ne sont pas le résultat d’une quelconque baguette magique, elles sont le fruit de notre histoire commune et l’œuvre de nos prédécesseurs. C’est grâce à la volonté des peuples roumain et français que ces pays se sont construits au cours de leur histoire, à travers des souffrances et des joies, à travers des échanges et des projets communs. Ce sont ces pages de l’histoire qui sont évoquées depuis hier et qui le seront encore aujourd’hui dans le volet militaire de ce colloque. Les différents aspects de la programmation nous ont permis de découvrir les différentes facettes, des plus passionnantes, de cette histoire et je tiens à remercier les conférenciers, plus compétents et captivants les uns que les autres, d’être présents à Strasbourg pour partager avec nous leur savoir et leur expertise.

12Je voudrais terminer mon intervention en me tournant vers l’avenir. Cette relation franco-roumaine, il nous appartient de la faire vivre car nous en avons tous besoin. Nous en avons hérité de nos anciens, qui l’ont forgée souvent dans la douleur des champs de bataille, mais aussi dans la joie de la mission Berthelot, et nous avons appris ses différents aspects, militaires et culturels par exemple. Il convient maintenant de la partager afin que nos concitoyens, dans nos deux, pays s’approprient leur histoire et puissent y trouver des sentiments de légitime fierté et des recettes pour améliorer ce qui existe actuellement. Cette action de rayonnement doit se focaliser sur la jeune génération qui est notre avenir et qui a souvent besoin de repères pour devenir adulte, responsable et le creuset d’une société harmonieuse et paisible.

13Je tiens enfin à remercier les organisateurs de ce colloque, car je n’aurai pas la joie de suivre l’ensemble des conférences de la journée ni de conclure les interventions et les débats, mes nombreuses autres fonctions au-delà de celles de gouverneur militaire, m’appelant à d’autres missions et m’imposant de respecter un programme très chargé.

14Merci donc à Son Excellence monsieur Constantin-Remus Mărăşescu, consul général intérimaire de Roumanie à Strasbourg, à madame Ana-Maria Gîrleanu-Guichard, directrice du département détudes roumaines, à monsieur le professeur Jean-Noël Grandhomme et au colonel Constantin Paraschivu, attaché de défense auprès de l’ambassade de Roumanie en France à qui je cède bien volontiers la parole.

15                                          Cercle militaire, Strasbourg, le 18 janvier 2019

Colonel Constantin Paraschivu, attaché de Défense auprès de l’ambassade de Roumanie en France

16Monsieur le général Marc Ollier, gouverneur militaire de Strasbourg,
Madame la professeure Ana-Maria Gîrleanu-Guichard,
Monsieur le professeur Jean-Noël Grandhomme,
Vos excellences, membres du corps diplomatique accréditées en France,
Messieurs les professeurs et chercheurs scientifiques,
Messieurs les officiers, sous-officiers et militaires du rang, d’active et de réserve,
Mesdames et messieurs,
Chers invités,

17J’ai compris que je pourrais utiliser la langue roumaine mais je ne le ferai pas, par respect pour la France et pour son rôle dans l’histoire de la Roumanie.

18Je porte aussi la barbe par respect pour la période historique et pour les hommes qui ont fait la Grande Guerre.

19Tout d'abord, je ne suis pas un orateur. Je ne suis pas un historien non plus.

20Aussi on peut se poser légitimement la question : pourquoi ai-je reçu l’invitation de m’adresser à vous, de la part d’éminents professeurs, auteurs d’ouvrages de référence, reconnus par la communauté scientifique et par le public avisé, en quelle qualité m’adresser à vous dans le cadre de ce colloque international d’histoire ?

21Je vais commencer par une petite histoire qui s’est passée il y a plus de cinq ans en Afrique du Sud où j’étais à l’époque l’attaché de Défense de la Roumanie.

22Le 14 juillet 2013, j’ai participé à la réception donnée par l’ambassade de France en Afrique du Sud à l’occasion de la Fête nationale française. J’avais promis à madame l’ambassadrice, Son Excellence Élisabeth Barbier, et à mon collègue français, actuellement monsieur le contre-amiral Jean-Claude Barrère, que je ne manquerais aucune occasion de reconnaître le rôle de la France dans la concrétisation du rêve millénaire du peuple roumain de vivre ensemble, dans un seul pays, en utilisant la même langue, uni dans ses projets pour l’avenir. Ce qui reste une tâche toujours à accomplir. 

23Je considère que j’ai une dette à payer. Nous, les Roumains, nous avons une dette historique envers la France.

24C’est en France que se sont formées les élites intellectuelles qui ont fait la Révolution de 1848.

25C’est la France, l’intermédiaire de l’empereur Napoléon III, qui a soutenu au niveau européen la « Petite Union » entre les principautés de Valachie et de Moldavie en 1859.

26Puis, c’est en France qu’ont étudié beaucoup de représentants des élites roumaines, des personnalités qui ont forgé la Grande Union de 1918.

27Ce sont les chercheurs, les anthropologues et géographes français, parmi lesquels j’aimerais rendre hommage à Emmanuel de Martonne, qui ont sillonné les villages de montagne en Transylvanie pour déchiffrer les réalités démographiques d’un territoire qui bientôt se trouva face à une décision historique.

28Ce sont les généraux, les officiers, sous-officiers et militaires du rang français membres de la mission Berthelot, qui ont joué un rôle déterminant dans la reconstruction de l’armée roumaine, après les désastres militaires de l’automne de 1916.

29Et, au bout du compte, c’est en France que, après de dures négociations, en tenant compte des réalités démographiques mais aussi de la situation militaire de la fin de la Grande Guerre, ont été tracées les frontières des nouveaux États successeurs de l’Empire austro-hongrois.

30J’ai une dette à payer et, en paraphrasant la célèbre phrase du colonel américain Charles E. Stanton, le 4 juillet 1917, devant la tombe du marquis de La Fayette, pendant la Première Guerre mondiale : « La Fayette we are here ! » je dirai, modestement : « Monsieur le général Berthelot, nous voilà, nous sommes venus dans la ville historique de Strasbourg, l’une des capitales de l’Europe, pour vous remercier, pour reconnaître le rôle de la mission militaire française, votre rôle, le rôle de la France dans la naissance de la Grande Roumanie ».

31Mesdames et messieurs, je vous remercie pour votre patience et je vous souhaite, chaleureusement, plein succès dans les débats d’aujourd’hui.

32Étant donné la qualité des communications et des échanges d’hier, je suis persuadé que ce colloque représentera, pour les années qui viennent, une référence scientifique pour toutes et tous les chercheurs qui s’intéressent à la Première Guerre et à la naissance de la Grande Roumanie.

33Je vous remercie.

34Vive la France, Vive la Roumanie, vive l’amitié franco-roumaine !

35                                            Cercle militaire, Strasbourg 18 janvier 2019

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Pour citer cet article

Référence papier

« La naissance de la Grande Roumanie »reCHERches, 29 | 2022, 213-218.

Référence électronique

« La naissance de la Grande Roumanie »reCHERches [En ligne], 29 | 2022, mis en ligne le 30 novembre 2022, consulté le 12 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cher/14598 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cher.14598

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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