Navigation – Plan du site

AccueilNuméros29Regards et témoignagesLa Roumanie dans la Grande Guerre...

Regards et témoignages

La Roumanie dans la Grande Guerre et la mission militaire française

Jean-Noël Grandhomme
p. 183-184

Texte intégral

1À l’issue de deux années de neutralité et d’âpres négociations, la Roumanie entre en guerre aux côtés des Alliés le 27 août 1916. Malgré quelques succès initiaux en Transylvanie, l’armée roumaine doit rapidement battre en retraite car elle est battue à Turtucaia, en Dobroudja du Sud, dès le début de septembre.

2Au moyen d’un mouvement convergent par les Carpates, d’une part, mené par le général von Falkenhayn, et d’un double franchissement du Danube d’autre part, sous le commandement du maréchal von Mackensen, la coalition des Autrichiens, des Allemands, des Bulgares et des Turcs a raison en trois mois de la résistance des Roumains et des Russes : alors que Bucarest tombe le 6 décembre, le front se stabilise sur le Siret. Seule demeure au pouvoir des autorités roumaines une partie de la Moldavie, avec Iaşi pour nouvelle capitale, où se sont réfugiés la famille royale, le gouvernement, le Parlement, l’armée et des dizaines de milliers de civils. En dépit du froid, de la famine et d’une terrible épidémie de typhus, la mission militaire française du général Berthelot, arrivée à la mi-octobre, réussit à reconstituer, avec l’aide du roi Ferdinand Ier, de la reine Marie, du président du Conseil Brătianu et des généraux Prezan et Averescu, une armée roumaine qui s’oppose victorieusement de juillet à septembre 1917 à la seconde offensive Mackensen, au cours de laquelle tombent plusieurs officiers et soldats français.

  • 1 Voir Grandhomme, Jean-Noël, « La Mission aéronautique française en Roumanie (1916-1918)/Misiunea (...)

3La mission aéronautique est l’une des composantes essentielles de l’aide apportée par la France à l’armée roumaine1.

4Les victoires de Mărăşti, Mărăşeşti et de l’Oituz sont toutefois rendues inutiles par la défection de la Russie, en décembre, qui entraîne le départ de la mission française en mars 1918. Contrainte à une paix séparée en mai, la Roumanie doit subir le joug des Puissances centrales. Entrée en guerre pour la seconde fois le 10 novembre grâce aux efforts de Berthelot, revenu le long de sa frontière à la tête de l’armée du Danube, elle retrouve in extremis le camp des Alliés. Sur les champs de bataille de 1919 en Hongrie et en Russie méridionale, contre les bolcheviks, tout comme dans les coulisses de la conférence de la paix de Paris, Brătianu réussit alors à créer la Grande Roumanie, qui apporte au « Vieux Royaume » la Transylvanie et le Banat autrefois hongrois, la Bucovine autrichienne et la Bessarabie russe.

Le général Henri Mathias Berthelot (1861-1931)

5Né le 7 décembre 1861 à Feurs, dans la Loire, saint-cyrien de la promotion 1881, Berthelot, fils d’un officier de gendarmerie, commence sa carrière en Algérie et au Tonkin. Breveté de l’école de Guerre en 1893, général de brigade en 1913, il est alors appelé au ministère de la Guerre pour aider à la conception du Plan XVII (appliqué par l’armée française en août 1914) et à la rédaction du Règlement des armées en campagne, tous deux inspirés par le « culte de l’offensive ». Aide-major général auprès du général Joffre, commandant en chef, il participe activement pendant les premières semaines de la guerre à la direction générale des opérations. Après les défaites de Belgique et des frontières, il préconise un repli de l’armée sur la Seine, mais c’est finalement la Marne que choisit Joffre. Général de division en novembre 1914, il exerce ensuite plusieurs commandements sur le front, en particulier celui du 32e corps en Champagne et à Verdun d’août 1915 à septembre 1916, date à laquelle il est désigné pour prendre la tête de la mission militaire française en Roumanie.

6Pendant son séjour à Iaşi de décembre 1916 à mars 1918, Berthelot loge chez un médecin très francophile, le docteur Bogdan. Une plaque sur la façade de sa maison rappelle cet épisode aujourd’hui encore : « Ici a habité, partageant nos douleurs, le citoyen roumain et le grand ami de notre nation le général Berthelot. » C’est de Iaşi que le général préside à la réorganisation de l’armée roumaine ; c’est là aussi que, conseiller écouté du roi Ferdinand et de la reine Marie, il contribue à l’annonce de grandes réformes sociale et politique : la redistribution des terres et l’instauration du suffrage universel.

7Revenu en Roumanie en novembre 1918 avec l’armée du Danube, Berthelot entre triomphalement à Iaşi à la tête des troupes libératrices et y retourne ensuite pour superviser les opérations des armées alliées contre les bolcheviks en Bessarabie et en Ukraine. Rentré en France en mai 1919, il y assume successivement les fonctions de gouverneur militaire de Metz, puis de Strasbourg et siège au Conseil supérieur de la guerre de 1920 à 1926.

8En signe de reconnaissance, il a été fait citoyen d’honneur de la Roumanie, qui lui a offert en outre un domaine en Transylvanie, dans un village aujourd’hui appelé « General Berthelot ». Dans les années 1920 il est revenu plusieurs fois en Roumanie.

Haut de page

Notes

1 Voir Grandhomme, Jean-Noël, « La Mission aéronautique française en Roumanie (1916-1918)/Misiunea aeronautică franceză în România în timpul Primului Război mondial (1916-1918) », in Ambassade de France en Roumanie, Le Général Henri Berthelot, Quatre-vingts ans après la mission française en Roumanie/Generalului H. M. Berthelot 80 de ani după misiunea militară în România, Editura universităţii din Bucureşti, 1997, p. 38-51 ; et la thèse d’Alain de Bonadona, Les Coopérations aéronautiques de la France et de la Roumanie de la Première Guerre mondiale à 1975, Université de Lorraine, Nancy, 15 décembre 2021.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Jean-Noël Grandhomme, « La Roumanie dans la Grande Guerre et la mission militaire française »reCHERches, 29 | 2022, 183-184.

Référence électronique

Jean-Noël Grandhomme, « La Roumanie dans la Grande Guerre et la mission militaire française »reCHERches [En ligne], 29 | 2022, mis en ligne le 30 novembre 2022, consulté le 13 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cher/14584 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cher.14584

Haut de page

Auteur

Jean-Noël Grandhomme

Professeur d’histoire contemporaine, Université de Lorraine à Nancy, membre du Centre de recherche universitaire lorrain d’histoire (CRULH).

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search