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Diplomates, experts et décideurs politiques à l’oeuvres

Ion I.C. Brătianu ou le projet national roumain comme héritage

Ion I.C. Brătianu or the Romanian National Project as a Legacy
Florin Ţurcanu
p. 121-131

Résumés

En s’identifiant avec l’accomplissement du projet d’unité nationale roumaine qui devait aboutir à la fondation de la Grande Roumanie dans les années 1918-1920, le premier ministre roumain de l’époque, Ion I.C. Brătianu est porteur d’une tradition politique familiale qui s’insère au cœur de l’action nationale de la génération des quarante-huitards roumains dont son père, Ion C. Brătianu, avait été le chef de fil emblématique.

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Texte intégral

  • 1 Sherman David Spector, Romania at the Paris Peace Conference. A study of the Diplomacy of Ioan I. (...)
  • 2 Harold Nicolson, Peacemaking 1919, Londres, Faber & Faber, 2013 (1re edition, BostonNew-York, (...)
  • 3 Margaret MacMillan, Peacemakers. Six months that Changed the World, Londres, John Murray Publishe (...)
  • 4 Keith Hitchins, Makers of the Modern World. Ionel Brătianu – Romania, Londres, Haus Publishing, 2 (...)

1Le rôle assumé par Ion I.C. Brătianu lors de la conférence de la paix de 1919 demeure un objet d’étude nécessaire qui, bien que délimité depuis bientôt soixante ans par l’historien américain Sherman Spector1, est loin d’avoir épuisé tout intérêt. Le portrait caricatural d’un premier ministre roumain doté d’un infortunate behaviour à la conférence que brosse Harold Nicolson dans son ouvrage Peacemaking 19192, et dont s’est inspiré plus récemment et sans discernement l’historienne Margaret MacMillan3, favorise la mauvaise compréhension des ressorts profonds de l’attitude de Brătianu sur la scène diplomatique parisienne au cours de l’année 1919. L’ouvrage de Spector et, plus près de nous, celui qu’un autre historien américain, Keith Hitchins, a consacré à la carrière politique de Brătianu4, demeurent les meilleures analyses de sa pensée et de son comportement d’homme d’État.

2La Grande Roumanie, à l’origine de laquelle on trouve celui qui a fait entrer son pays dans la guerre en 1916, fut l’acte final d’un processus de construction nationale qui avait commencé au milieu du xixe siècle. Premier ministre et chef de la délégation roumaine à la conférence de la paix, Brătianu n’était pas un produit du xixe siècle uniquement par sa naissance (1864) : il l’était par l’héritage politique dont il était porteur – celui d’une famille et de toute une génération – celle des anciens quarante-huitards qui avaient fondé l’État roumain ; il l’était aussi par une conception de l’intérêt national et un réalisme diplomatique qui font de lui le représentant roumain par excellence de la realpolitik pendant le premier quart du xxe siècle.

  • 5 Discursurile lui Ion I.C. Brătianu, tome I (1895-1909), Bucarest, Editura ISPRI, 2018, p. 19.
  • 6 Sabina Cantacuzino, Din viața familiei Ion C. Brătianu 1821-1891, Bucarest, Humanitas, 2013, p. 1 (...)
  • 7 Nicolae Iorga, Supt trei regi, Bucarest, Datina Româneasă, 1932, p. 39.

3Pour Ion I.C. Brătianu, l’entrée en politique avait été une affaire de famille dans la mesure où l’histoire de celle-ci se confondait avec la création de la Roumanie moderne. L’appartenance à la petite noblesse valaque qui marquait l’origine sociale de cette famille avait cédé la place à un anoblissement politique sur le champ de bataille d’un projet national. « Je sais que le nom que je porte est mon principal titre mais je ne le regrette pas. Je le prends comme un puissant encouragement à remplir mon devoir et à imiter ceux qui m’ont précédé5 », disait-il au début de sa carrière politique. Le garçon de treize ans qui, pendant la guerre pour l’indépendance de 1877-1878, chiffrait et déchiffrait avec sa sœur aînée les plus importants télégrammes envoyés ou reçus par son père6 Ion C. Brătianu, alors premier ministre, avait été « initié (par celui-ci) à tous les secrets de sa pensée et de son action7 », comme l’écrit l’historien Nicolae Iorga. Iorga notait aussi que Ion I.C. Brătianu n’avait pas ramené de la période de ses études parisiennes un crédo idéologique, comme l’avaient fait son père et la génération des quarante-huitards moldo-valaques.

  • 8 Jeanne Gilmore, La République Clandestine 1818-1848, Paris, Aubier, 1997.

4À partir de la guerre de Crimée, ces derniers furent d’ailleurs obligés, par le dur apprentissage des réalités politiques, de reléguer au second plan leurs sympathies républicaines et leurs penchants conspirationnistes et révolutionnaires, produits de l’école française de la « République clandestine8 » typique des dernières années du règne de Louis-Philippe. Afin de jeter les bases de l’État roumain ils s’étaient mués en partisans de la politique orientale de Napoléon III, le fossoyeur de la IIe République, pour conclure, en 1877, une alliance militaire avec l’Empire russe qu’ils avaient détesté et combattu durant toute leur jeunesse. En dépit de leur francophilie, la crainte de la Russie les avait ensuite poussés vers le camp des Puissances centrales, que la Roumanie rejoignit par le traité d’alliance secret avec l’Autriche-Hongrie en 1883. Les leaders de cette génération finirent par s’insérer dans le courant européen des compromis consentis par une partie des anciens quarante-huitards avec les forces contre-révolutionnaires après l’échec du « Printemps des peuples » et dont se nourrit la realpolitik de la seconde moitié du xixe siècle.

  • 9 C. Diamandy, « Ma mission en Russie 1914-1918 », La Revue des Deux Mondes, tome 49, n° 4 du 15 fé (...)

5Si Ion I.C. Brătianu n’avait pas hérité des dilemmes et des compromis idéologiques de son père et de la génération de celui-ci, il était, comme toute sa fratrie, porteur d’une fierté politique mais aussi d’une mémoire des expériences, souvent amères, des échecs et des concessions auxquels Brătianu-père, en tant que premier ministre, avait dû consentir notamment dans les relations de la Roumanie avec la Russie et l’Autriche-Hongrie. La méfiance dont il faisait preuve dans ses relations avec les grandes puissances, à commencer par la Russie, explique elle-aussi la longue attente que Brătianu imposa à l’opinion roumaine et à son propre parti avant de faire entrer la Roumanie en guerre en août 1916. De là venait le refus opposé par Bucarest aux propositions russes intempestives en vue d’une alliance dès l’éclatement de la guerre9.

6Dans une lettre écrite, à la fin de 1915, à l’ancien ministre de France à Bucarest, Arsène Henry, la sœur aînée des frères Brătianu, Sabina, dévoilait vraisemblablement le fond de la pensée et une des sources des précautions prises par Ion I.C. Brătianu à l’époque de la neutralité roumaine :

  • 10 Archives Nationales, La Courneuve, Fonds Arsène Henry, 592AP/1-592AP2, lettre datée « fin 1915 ».

Vous savez d’abord de longue date que je crains la Russie parce qu’elle est notre voisine, que je la déteste parce qu’elle nous a pris la Bessarabie, que je la méprise parce qu’elle nous a trompés lâchement. […] Mais nous, en 1877, que pouvions-nous devant le colosse du Nord, avec notre armée de 25 000 hommes de ce temps-là ? Souffrir et se taire, n’est-ce pas ? […] Nous nous sommes tus, nous avons souffert. Mais nous demander d’oublier serait injuste et de désirer la prospérité d’un pareil voisin serait presque ridicule. […] Ne demandez pas à une Roumaine comme moi de souhaiter l’apothéose de la Russie en Orient. […] Ah ! Si la France combattait seule pour son propre compte ce serait différent mais vous vous battez pour donner les Dardanelles à la Russie, la mer à l’Angleterre et reprendre vos provinces10.

  • 11 Documents Diplomatiques Français 1915 (1er janvier–25 mai), tome I, Berne, Peter Lang, 2002, D. 3 (...)
  • 12 Glenn Torrey, The Romanian Battlefront in World War I, Lawrence, University Press of Kansas, 2011 (...)
  • 13 Article de Clemenceau dans L’Homme Enchainé : « La Roumanie ? », 15 février 1916 ; « Mouvements b (...)

7Quand on sait que le ministre français des Affaires étrangères, Théophile Delcassé, avait secrètement accédé depuis mars 1915, aux « désirs » de la Russie en ce qui concerne les Détroits et qu’il s’inquiétait de toute indiscrétion à ce sujet qui pourrait influencer la position de la Roumanie11, on comprend mieux la prudence calculée du premier ministre roumain avant d’engager son pays dans le conflit. La méfiance à l’égard de la Russie constituait l’un des fondements de la culture stratégique des élites roumaines. Plus généralement, l’attentisme de Brătianu pendant les deux années de neutralité malgré les signaux précoces en faveur d’une probable entrée en guerre du côté de l’Entente – tel le rapprochement italo-roumain au début de 1915 – montre qu’il était « suprêmement doué pour pratiquer la dissimulation diplomatique nécessaire afin d’amadouer les Puissances centrales tout en négociant avec l’Entente les conditions et le moment de l’entrée en guerre de la Roumanie12 ». L’exaspération dont fait preuve face à cette attitude Georges Clemenceau dans les pages de L’Homme enchaîné n’a d’égale que la déception de l’homme d’État français face aux déboires de l’armée roumaine à l’automne 1916. Les sources du peu d’aménité que devait témoigner par la suite le Tigre à Brătianu lors de la conférence de la paix apparaissent déjà dans ses articles de 191613.

  • 14 Florin Ţurcanu, « La Campagne roumaine au sud du Danube à l’automne de 1916 : une mémoire margina (...)
  • 15 Général Henri-Mathias Berthelot, Souvenirs de la Grande Guerre, Metz, Paraiges, 2018, p. 547.
  • 16 Dumitru Preda, La Roumanie et l’Entente 1916-1917, Bucarest, Cavallioti, 2017, p. 144-146.
  • 17 An Historian in Peace and War. The Diaries of Harold Temperley, Edited by T.G. Otte, New-York, Ro (...)
  • 18 Keith Hitchins, op. cit., p. 38.

8Sa prudente expectative n’épargna pas à Brătianu certaines illusions comme l’espoir qu’il avait placé dans une action énergique de l’armée d’Orient pour soutenir – contre la Bulgarie – l’entrée en guerre de la Roumanie. Prévue par la convention militaire signée entre la Roumanie et l’Entente le 17 août 1916, cette offensive d’appui, qui devait précéder la déclaration de guerre de Bucarest à l’Autriche-Hongrie ne débuta, en fait, que deux semaines après, sans pouvoir influer favorablement sur la situation militaire de la Roumanie14. Dans son journal, le général Berthelot, commandant de la mission militaire française en Roumanie note que, dès leur première rencontre, Brătianu « incrimina nettement le général Sarrail pour n’avoir rien fait en vue d’appuyer l’entrée en guerre de la Roumanie, alors qu’une offensive sérieuse en Macédoine avait été promise »15. Ce n’était pas la dernière de ce que Brătianu appelait « les déceptions déconcertantes » que devait lui procurer le fonctionnement des alliances dans le camp de l’Entente. À la marche ambigüe et finalement désastreuse de la coopération militaire avec l’armée russe sur le front roumain entre août 1916 et août 1917 s’ajoutèrent les susceptibilités du premier ministre roumain relatives à la participation de son pays, sur un pied d’égalité, à la conférence interalliée de Petrograd16, en février 1917, et surtout à celle de Paris, à la fin de juillet17. Ce regard précoce sur le jeu déficitaire des alliances à cause des promesses non tenues par les grands alliés rejoignait sa préoccupation sourcilleuse et permanente pour les droits des petites puissances, dont la Roumanie, dans l’arène diplomatique18. Cette attitude, renforcée par la fragile situation où se trouvait son pays en 1917 et 1918, peut être considérée comme un préambule au raidissement de Brătianu face aux « Quatre Grands » lors de la conférence de Paris en 1919.

  • 19 Ibid. p. 52.
  • 20 Georges-Henri Soutou, La Grande Illusion. Comment la France a perdu la paix 1914-1920, Paris, Tal (...)

9« Il subsiste peu de doute que l’ambition primordiale et de longue haleine de Brătianu fut la création de la Grande Roumanie », note l’historien américain Keith Hitchins19. Le syntagme circulait largement dans la presse roumaine et dans les débats parlementaires pendant la neutralité. Lorsque le premier ministre roumain signa, en août 1916, le traité secret d’alliance avec l’Entente, il fixa par là-même les buts de guerre de son pays. On y trouve dans ce texte la première source des discordances de 1919 entre la Roumanie d’une part, la France et la Grande Bretagne de l’autre, car les buts de guerres de ces dernières – y compris au sujet de l’Autriche-Hongrie – n’étaient pas encore clairs en août 1916 et mirent encore du temps à être précisés. Quand on connaît les démarches secrètes effectuées par Paris et Londres en 1917 et jusqu’en mars 1918 pour séparer l’Autriche de l’Allemagne et leur difficulté à envisager encore, pendant la dernière année de la guerre, la disparition de l’Empire des Habsbourg20, on comprend mieux que pour les deux grandes démocraties le traité secret d’août 1916 était essentiellement un moyen de faire entrer la Roumanie dans le conflit le plus vite possible.

10Ce que Sherman Spector appelle « le deuxième combat de Brătianu pour achever ses buts de guerre », c’est-à-dire sa participation à la conférence de la paix, plaçait le premier ministre roumain devant un triple problème : le statut de son pays à la conférence, le tracé des futures frontières de la Roumanie et la préservation de l’indépendance de celle-ci sur le chemin semé d’embuches de la rédaction et de la signature des traités de paix. L’interconnexion de ces questions dans son esprit est évidente à travers le recoupement des différents documents qui ont enregistré ses propos – depuis ses déclarations et ses réponses devant le Conseil suprême allié jusqu’à sa correspondance diplomatique et privée, ses discours ou ses entretiens avec la presse.

  • 21 Nicolson, op. cit., p. 148.
  • 22 Par lequel les parties contractantes s’obligeaient « à ne pas conclure de paix séparée ou la paix (...)
  • 23 Lettre du 15 janvier 1919 au général Berthelot, l’ancien chef de la mission militaire française e (...)

11Brătianu s’attendait à ce que la Roumanie fût traitée dans le processus de paix comme un partenaire égal aux grandes puissances, conformément à l’article VI de la convention politique entre la Roumanie et l’Entente21, en mettant par ailleurs à profit l’esprit de la « nouvelle diplomatie » du wilsonisme. Son père avait souhaité le même traitement d’égalité de la part de la Russie, en 1878, après la guerre commune russo-roumaine contre l’Empire ottoman. Néanmoins, tout comme elle avait fini par être opposée à son ancien allié russe lors de l’obtention de son indépendance quatre décennies plus tôt, la Roumanie risquait, en 1919, de se retrouver en opposition avec ses alliés à cause de ce qui était – aux yeux de ces derniers – la caducité du traité d’alliance de 1916. Cette perception décalée du traité se nourrissait d’une autre : celle concernant le rôle tenu par la Roumanie durant la guerre. Deux interprétations de la participation roumaine à la guerre s’affrontaient dans les rapports tendus entre Brătianu et les Quatre Grands. Pour ces derniers la contribution roumaine à la guerre, et surtout la paix séparée conclue par Bucarest en mai 1918 en dépit de l’article V de la convention d’août 191622, ne justifiaient ni la totalité des revendications territoriales, ni les objections du chef de la délégation roumaine face à la situation d’infériorité dans laquelle la Roumanie était placée. S’y ajoutait le problème de l’intégration de la Bessarabie à la Roumanie qui était perçue, selon Clemenceau, comme un « fait nouveau » par rapport au traité d’alliance de 1916 et à la lumière de la désintégration de la Russie qui s’était produite depuis23.

  • 24 Maurice de Waleffe, « L’opinion de la Roumanie », Le Journal, 16 mai 1919.

12Brătianu avait une lecture différente de la participation roumaine à la Grande Guerre, qu’il confia, entre autres, au journaliste français Maurice de Waleffe, le 16 mai 191924. Il s’accrochait à la convention d’alliance d’août 1916 et à ses promesses territoriales en faveur de son pays. En rejoignant le conflit, la Roumanie avait « sauvé Salonique, décongestionné Verdun, arrêté le bolchevisme » martelait le premier ministre roumain, qui n’oubliait pas de rappeler les promesses non tenues des Alliés − l’immobilisme du front d’Orient où la « trahison russe » de 1917.

13L’éventualité, finalement évitée, de ne pas compter en tant que pays allié à la conférence de la paix, la position d’infériorité réservée par les Quatre Grands à la Roumanie, même par rapport aux autres « petits » alliés, les Serbes et les Belges, l’exclusion de la Roumanie des commissions traitant de la question des frontières et de celle des minorités ravivèrent très probablement chez Brătianu non seulement des lointains souvenirs politiques du siècle passé mais aussi une réflexion qui s’était précisée sous sa plume dès avant la Grande Guerre.

  • 25 Ion I.C. Brătianu, România și Peninsula Balcanică. Politica Partidului Național-Liberal, Bucarest (...)
  • 26 Ibid., p. 5.

14Dans un discours de 191325 sur la situation des Balkans, il faisait l’éloge de la diplomatie de Cavour et celui de la politique du fait accompli qui avait contribué, en 1859, à jeter les bases de l’unité moldo-valaque et, en 1866, permis l’accès au trône de Roumanie du prince Charles de Hohenzollern. Ces exemples montrent que dans certains cas les petites puissances « savent dominer et orienter les intérêts de l’Europe », soulignait Brătianu qui ajoutait, dans une formule qui expliquait son attentisme des années 1914-1916 et qu’il aurait pu reprendre lors de la conférence de 1919 : « Quel que soit aujourd’hui notre conception de l’égalité entre les petits États et les grands, les premiers sont, dans la majorité des cas, obligés de profiter des situations créées par les seconds afin d’obtenir le maximum de satisfaction dans la l’accomplissement de leurs propres intérêts26 ». De même que la génération de son père avait profité de l’effacement temporaire de la Russie après la guerre de Crimée pour lancer le processus d’unification nationale, Brătianu entendait utiliser la récente disparition de la Russie tsariste – que venait souligner l’instauration du régime de Lénine - pour consolider la Grande Roumanie.

  • 27 Spector, op. cit., p. 142.
  • 28 Waleffe, art. cit.
  • 29 Anastasie Iordache, Ion I.C. Brătianu, Bucarest, Editura Albatros, 1994, p. 426.

15Le facteur bolchevik – cet autre « fait nouveau », promoteur de la guerre révolutionnaire qui prolongeait la logique de guerre après les armistices de l’automne de 1918 –, et surtout sa diffusion en Hongrie, furent utilisés à fond27. « Certes, nous n’avons pas l’importance de la France dans l’équilibre européen ! Nous venons pourtant de protéger l’Europe du bolchevisme de Moscou qui, sans nos armées, eût donné la main à celui de Budapest et atteint Vienne28 ». C’était, pour le projet de Grande Roumanie, à la fois une menace et un levier, en offrant à Bucarest non seulement un argument de propagande européenne, mais aussi l’occasion de prolonger l’usage de son propre outil militaire dans une région éloignée à un moment où les Grands Alliés n’avaient ni les ressources, ni la volonté d’agir militairement. L’installation, le 1er mai 1919, des troupes roumaines sur la rive gauche de la Tisza, après deux semaines de combats contre l’armée communiste hongroise, donnait satisfaction au premier ministre roumain. Depuis Paris, Brătianu constatait, que « la situation faite à la conférence aux petits États est de plus en plus monstrueuse », en accusant les Quatre Grands d’opacité autour du futur traité avec l’Allemagne. En même temps, ajoutait-il, « notre armée sur la Tisza et sur le Dniestr, et son état d’esprit, fortifient ma conviction que les déboires que nous endurons (ici) ne sont pas inutiles29 ». L’entrée de l’armée roumaine dans Budapest le 4 août 1919 n’apparaissait, dans ce sens, pas seulement comme une solution militaire donnée à une situation que les atermoiements du Conseil suprême au sujet du régime de Béla Kun avait prolongée. Elle constituait aussi, une réédition de la politique du fait accompli que la génération de Brătianu-père avait utilisée entre 1859 et 1866 pour jeter les bases de l’État roumain et une revanche de Ion I.C. Brătianu lui-même sur la position dans laquelle l’avaient placé les Quatre Grands à la conférence.

  • 30 I.I.C. Brătianu, România și Peninsula Balcanică, op. cit., p. 2.
  • 31 Iorga, op. cit., p. 39.

16À la source de la realpolitik de Brătianu et de son attitude pugnace - et souvent jugée exaspérante - à la conférence de la paix on trouvait donc une mémoire politique pratique et dépourvue d’illusions sur les rapports entre petites et grandes puissances, une mémoire qui se nourrissait de l’expérience de la construction de l’État roumain moderne. En cela, il appliquait la recette de la « bonne politique », qu’il décrivait déjà en 1913 : fixer « un but précis », « connaître les conditions exactes en fonction desquelles on choisit les moyens pour atteindre le but » et, enfin, agir « avec fermeté pour atteindre le but30 ». S’y ajoutait, comme l’écrit, avec une admiration irritée, Nicolae Iorga, « la conviction d’être l’homme d’une mission, l’assurance d’être le gardien d’un dépôt national et moral qu’on ne pouvait confier à personne d’autre31 ».

  • 32 Gheorghe I. Brătianu, Acțiunea politică și militară a României în 1919 în lumina corespondenței d (...)

17Les témoignages montrent le rapprochement que Brătianu établissait dans son esprit entre le Congrès de Berlin, où la Roumanie avait été représentée par son père, et la conférence de la paix, où il dirigeait lui-même la délégation roumaine. La conférence était son Congrès de Berlin, son intransigeance au sujet des frontières futures de son pays devait être le reflet de celle de son père au sujet de la Bessarabie du Sud, annexée par la Russie aux dépens de la Roumanie en 187832. Il avouait à son fidèle collaborateur, Ion Gheorghe Duca, au sujet de l’épineuse question du Banat, un territoire qui, selon la convention d’alliance d’août 1916, revenait entièrement à la Roumanie :

  • 33 I.G. Duca, Memorii. Războiul. Partea a II-a (1917-1919), vol. IV, Bucarest, Editura Machiavelli, (...)

Je combattrais à Paris pour l’application intégrale du traité. Je suis presque certain que les Alliés ne me donneront pas le Banat dans son intégralité. […] Je veux, au-delà des décisions d’aujourd’hui, garder intacte pour l’avenir, ne fût-ce que par une solennelle protestation, l’intégralité de nos droits ethniques. Ce que père a fait avec la Bessarabie à Berlin, je le ferai maintenant avec nos revendications territoriales vers l’Ouest.33

Quarante ans plus tôt, le sud-ouest de la Bessarabie avait été perdu par la Roumanie malgré la convention que Brătianu-père avait signée avec la Russie et par laquelle l’Empire des tsars garantissait l’intégrité du territoire roumain. Pour Ion I. C. Brătianu, la protestation qui avait résonné contre cette perte territoriale en 1878 donnait plus de poids au respect qu’il exigeait du texte de la convention d’alliance signée entre la Roumanie et l’Entente en 1916.

18L’attachement obstiné de Brătianu aux promesses territoriales de 1916 concernant le Banat soulève aussi la question de sa conception des relations avec les petites puissances voisines dans le processus de la reconnaissance des frontières de la Grande Roumanie et de sa consolidation future. Dès l’entre-deux-guerres on lui a opposé en Roumanie la figure de l’homme politique conservateur Take Ionescu, beaucoup plus enclin à des compromis territoriaux avec la Serbie, voire la Bulgarie, et qui devait devenir un des créateurs de la Petite Entente. On a reproché à Brătianu l’absence de Take Ionescu dans la délégation roumaine. Ce dernier n’était pas conditionné comme Brătianu par un passé politique qui se confondait avec l’histoire de sa propre famille depuis trois-quarts de siècle. Là où Brătianu se voyait en continuateur du long combat de son père et de sa génération contre l’emprise des Grandes puissances sur la Roumanie, Take Ionescu préférait jouer la carte d’un rapprochement entre les petites puissances balkaniques afin de limiter l’espace de manœuvre traditionnel des Grandes dans cette partie de l’Europe.

  • 34 Ion I.C. Brătianu, Situația internațională a României. Expunere făcută în Adunarea Deputaților (1 (...)

19Derrière la revendication du Banat entier par Brătianu se trouvait non seulement l’invocation de la convention d’alliance de 1916 entre la Roumanie et l’Entente mais aussi, très probablement, l’héritage de la conception qui avait dominé à Bucarest avant et pendant les guerres Balkaniques. En 1912-1913 l’inquiétude suscitée par le dynamisme de la construction nationale et de l’expansion territoriale bulgare avait poussé la classe politique roumaine à mettre en application l’idée, déjà ancienne, de l’acquisition d’une nouvelle frontière stratégique avec la Bulgarie, située plus au sud. L’absence d’une telle frontière avait aussi été considérée à Bucarest comme une défaillance du Congrès de Berlin. Le résultat de cette conception fut l’annexion de la Dobroudja du Sud bulgare, en 1913. En 1919, la puissance sud-danubienne en ascension était la Serbie et l’insistance de Brătianu pour acquérir l’ensemble du Banat - défini au sud, à l’ouest et au nord par ses frontières naturelles aquatiques - répondait à un souci de sécurité qui n’était pas sans rappeler celui nourri avant la Grande Guerre à l’égard de la Bulgarie. Dans ce cas, et à la différence de la Dobroudja du Sud, l’existence d’une frontière naturelle du Banat faisait figure d’avantage important. Il s’agissait d’une conception de la frontière non pas « juste » du point de vue ethnique mais stratégique et qui se prétendait « durable » du simple fait de sa coïncidence avec des limites géographiques bien précisées sur le terrain – en l’occurrence celles des cours de la Tisza et du Danube. « Dans ses frontières naturelles le Banat représente la seule délimitation géographique fixée par la nature entre deux peuples, deux États, deux races […], la seule frontière qui peut donc fonder un voisinage véritablement amical qui unit les peuples au lieu de les diviser34 », proclama Brătianu à la Chambre des députés, dans le but de défendre sa revendication obstinée de l’intégralité de cette province qui finit par être partagée entre la Roumanie et le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes.

20Il y aurait aussi une analogie à faire entre la quête d’une frontière naturelle pour le Banat et l’invocation du Dniestr comme frontière orientale légitime de la Roumanie. Dans les deux cas les frontières naturelles ne coïncidaient pas avec les frontières ethniques – des roumanophones, en nombre significatif, vivaient, de façon compacte, sur la rive ukrainienne du Dniestr tout comme le Banat occidental était majoritairement serbe – mais ceci devenait un argument pour renforcer la revendication de la frontière naturelle d’autant plus si elle était doublée, comme dans le cas du Dniestr, par la frontière historique de l’ancienne principauté de Moldavie. En 1919 Brătianu est sans doute le défenseur d’une certaine conception des frontières naturelles en faveur de la Roumanie.

  • 35 Spector, op. cit., p. 176.

21La confiance, discutable, dans l’efficacité à long terme de ce dernier recours des petits États – la protestation solennelle contre les pressions des Grandes Puissances – poussa Brătianu à quitter la conférence en raison de ce qu’il considérait comme une question de principe : l’amputation de la souveraineté nationale de la Roumanie et la diminution du statut international du pays qu’impliquait l’obligation de signer le fameux « traité des minorités ». C’est dans cette situation que Brătianu fit complétement endosser à la Roumanie le rôle de petit État défiant les Grands et c’est la posture la plus controversée qu’il a léguée de toute sa présence à la conférence. Ses arguments n’étaient pas creux : les petits États comme la Serbie, la Roumanie, la Pologne ou la Tchécoslovaquie étaient les seuls censés signer un tel traité, ce qui ne s’appliquait ni à l’Italie et ni même aux pays vaincus. Ceci poussait Brătianu, comme l’écrit Sherman Spector, « à accuser les Alliés de distinguer entre les nations selon des niveaux de souveraineté différents35 ». C’était encore plus grave que la création, par la conférence, de deux catégories d’alliés au début de 1919. À cette dernière situation, Brătianu avait fini par se plier, mais l’obligation de la signature du traité des minorités lui apparut comme irrecevable.

  • 36 Iordache, op. cit., p. 437.

Ma conviction, écrivait-il dans une lettre au vétéran du Parti libéral, Mihail Pherekyde, est que nous ne pouvons aucunement accepter de telles conditions. Nous avons hérité d’un pays indépendant et même le but d’étendre ses frontières ne nous permet pas de sacrifier son indépendance36.

L’idée d’un héritage politique à défendre – celui de l’indépendance de la Roumanie que son père avait contribué à établir – suggère le conditionnement affectif qui accompagne un choix politique qui devait lui coûter en septembre 1919 son poste de premier ministre. Dans l’original roumain de cette lettre, Brătianu utilise pour « indépendance » le terme neatârnare qui est affectivement connoté et qui renvoie au nom courant donné alors à la guerre pour l’indépendance de 1877-1878 – războiul de neatârnare.

  • 37 Carol Iancu, Les Juifs en Roumanie (1919-1938). De l’émancipation à la marginalisation, Paris-Lou (...)

22Pour conclure, nous ferons remarquer que ce que Brătianu refusait de prendre en compte cette fois était le poids d’un autre héritage que celui qu’il désirait personnellement incarner en défiant les Quatre Grands : c’était l’héritage politiquement et moralement corrosif de la longue exclusion de la communauté juive de Roumanie des droits civiques. Cette exclusion avait été consacrée par l’ordre constitutionnel instauré en 1866 – l’année-même où Brătianu-père avait joué un rôle politique de premier plan. Sous une forme à peine atténuée, l’exclusion s’était prolongée après le Congrès de Berlin de 1878 qui avait pourtant tenté d’y mettre fin. En 1919 les conditions, aussi bien internes qu’internationales de l’émancipation politique des Juifs roumains étaient sensiblement plus favorables que dans la seconde moitié du xixe siècle, mais la publicité donnée par Brătianu à son refus de signer le traité des minorités – dont le point culminant fut son départ de la conférence le 4 juillet 1919 −, jeta une ombre sur ce processus d’émancipation et sur sa légitimité. Le refus de Brătianu de signer participait aussi du legs historique de son action à la conférence de la paix car ce refus légitima, pendant l’entre-deux-guerres, les demandes d’une révision des articles de ce traité relatifs à la population juive habitant le territoire de la Grande Roumanie. Deux décennies plus tard, alors que Brătianu avait disparu en 1927, la réintroduction d’un antisémitisme d’État et l’annulation de l’article 7 du traité des minorités qui reconnaissait la pleine citoyenneté à tous les Juifs habitant en Roumanie se nourrit de la mémoire du bras de fer entre Brătianu et les Grands Alliés au sujet de ce traité et aboutit à la privation, pour 225 222 Juifs, de leur citoyenneté roumaine entre janvier 1938 et septembre 193937.

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Notes

1 Sherman David Spector, Romania at the Paris Peace Conference. A study of the Diplomacy of Ioan I.C. Brătianu, Iași, The Center for Romanian Studies, 1995.

2 Harold Nicolson, Peacemaking 1919, Londres, Faber & Faber, 2013 (1re edition, BostonNew-York, Houghton Mifflin Company, 1933).

3 Margaret MacMillan, Peacemakers. Six months that Changed the World, Londres, John Murray Publishers, 2001.

4 Keith Hitchins, Makers of the Modern World. Ionel Brătianu – Romania, Londres, Haus Publishing, 2011.

5 Discursurile lui Ion I.C. Brătianu, tome I (1895-1909), Bucarest, Editura ISPRI, 2018, p. 19.

6 Sabina Cantacuzino, Din viața familiei Ion C. Brătianu 1821-1891, Bucarest, Humanitas, 2013, p. 177.

7 Nicolae Iorga, Supt trei regi, Bucarest, Datina Româneasă, 1932, p. 39.

8 Jeanne Gilmore, La République Clandestine 1818-1848, Paris, Aubier, 1997.

9 C. Diamandy, « Ma mission en Russie 1914-1918 », La Revue des Deux Mondes, tome 49, n° 4 du 15 février 1929, p. 806-809.

10 Archives Nationales, La Courneuve, Fonds Arsène Henry, 592AP/1-592AP2, lettre datée « fin 1915 ».

11 Documents Diplomatiques Français 1915 (1er janvier–25 mai), tome I, Berne, Peter Lang, 2002, D. 309, p. 400.

12 Glenn Torrey, The Romanian Battlefront in World War I, Lawrence, University Press of Kansas, 2011, p. 6.

13 Article de Clemenceau dans L’Homme Enchainé : « La Roumanie ? », 15 février 1916 ; « Mouvements balkaniques », 8 juillet 1916 ; « Mouvements de Roumanie », 24 août 1916 ; « Secousses d’Orient », 13 septembre 1916 ; « Dans l’Orient brumeux », 25 octobre 1916 ; « Sujet de réflexions », 28 octobre 1916 ; « Le triomphe de l’insuccès », 6 janvier 1917.

14 Florin Ţurcanu, « La Campagne roumaine au sud du Danube à l’automne de 1916 : une mémoire marginale et ambiguë », in Florin Ţurcanu et Jean-Noël Grandhomme (dir.), La Grande Guerre dans les Balkans. Regards croisés, perspectives comparées, Actes du Colloque de Sofia, 7 juin 2018, Institut Français de Bulgarie, 2018, p. 41.

15 Général Henri-Mathias Berthelot, Souvenirs de la Grande Guerre, Metz, Paraiges, 2018, p. 547.

16 Dumitru Preda, La Roumanie et l’Entente 1916-1917, Bucarest, Cavallioti, 2017, p. 144-146.

17 An Historian in Peace and War. The Diaries of Harold Temperley, Edited by T.G. Otte, New-York, Routledge, 2016, p. 172 et 174 : ‘‘Brătianu spoke with great indignation of the fact that Roumania was not fully represented at the Conference and said that, if there was such conduct at future Conferences, he would refuse to appear.’’

18 Keith Hitchins, op. cit., p. 38.

19 Ibid. p. 52.

20 Georges-Henri Soutou, La Grande Illusion. Comment la France a perdu la paix 1914-1920, Paris, Tallandier, 2015, p. 191-203, 235-241, 260-261 et 270-271.

21 Nicolson, op. cit., p. 148.

22 Par lequel les parties contractantes s’obligeaient « à ne pas conclure de paix séparée ou la paix générale que conjointement et simultanément ».

23 Lettre du 15 janvier 1919 au général Berthelot, l’ancien chef de la mission militaire française en Roumanie et commandant de l’armée du Danube, qui se trouvait alors en Roumanie, in Traian Sandu, La Grande Roumanie alliée de la France. Une péripétie diplomatique des Années Folles ? (1919-1933), Paris, L’Harmattan, 1999, p. 40.

24 Maurice de Waleffe, « L’opinion de la Roumanie », Le Journal, 16 mai 1919.

25 Ion I.C. Brătianu, România și Peninsula Balcanică. Politica Partidului Național-Liberal, Bucarest, Imprimeriile Independența, 1913.

26 Ibid., p. 5.

27 Spector, op. cit., p. 142.

28 Waleffe, art. cit.

29 Anastasie Iordache, Ion I.C. Brătianu, Bucarest, Editura Albatros, 1994, p. 426.

30 I.I.C. Brătianu, România și Peninsula Balcanică, op. cit., p. 2.

31 Iorga, op. cit., p. 39.

32 Gheorghe I. Brătianu, Acțiunea politică și militară a României în 1919 în lumina corespondenței diplomatice a lui Ion I.C. Brătianu, Bucarest, Editura Corint, 2001, p. 34.

33 I.G. Duca, Memorii. Războiul. Partea a II-a (1917-1919), vol. IV, Bucarest, Editura Machiavelli, 1994, p. 190-191.

34 Ion I.C. Brătianu, Situația internațională a României. Expunere făcută în Adunarea Deputaților (16-17 Decembrie 1919), Bucarest, Imprimeriile Independența, 1919, p. 26.

35 Spector, op. cit., p. 176.

36 Iordache, op. cit., p. 437.

37 Carol Iancu, Les Juifs en Roumanie (1919-1938). De l’émancipation à la marginalisation, Paris-Louvain, E. Peeters, 1996, traduction roumaine Bucarest, Editura Hasefer, 2000, p. 259 et 263.

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Pour citer cet article

Référence papier

Florin Ţurcanu, « Ion I.C. Brătianu ou le projet national roumain comme héritage »reCHERches, 29 | 2022, 121-131.

Référence électronique

Florin Ţurcanu, « Ion I.C. Brătianu ou le projet national roumain comme héritage »reCHERches [En ligne], 29 | 2022, mis en ligne le 30 novembre 2022, consulté le 10 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/cher/14377 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/cher.14377

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Auteur

Florin Ţurcanu

Professeur à la Faculté de sciences politiques de l’Université de Bucarest.

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